Le
Comptoir
N°1 - Mercerdi 28 novembre 2012
Dèche aux Restos du Coeur
L’association est menacée par la possible suppression du programme européen d'aide aux plus démunis
Quatre astuces pour se débarrasser d’un cadavre
SIDA :
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l’affiche qui dérange
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Francophonie :
La nouvelle opération séduction made in Qatar
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Michael Schumacher tire sa révérence
de la «Droite forte» Les chantres
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Restos du Cœur : Une campagne menacée
© Restos du Coeur
Dossier
Les bénévoles des Restos du Coeur doivent trouver de quoi nourrir des bénéficiaires toujours plus nombreux.
La 28e campagne des Restos du Cœur a été lancée lundi. Mais une ombre plane au dessus de l’association : le programme européen d'aide aux plus démunis pourrait disparaître.
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omment faire plus avec moins ? C’est avec cette problématique en tête que les 63 000 bénévoles des Restos du Cœur ont lancé leur 28e campagne hivernale lundi pour venir en aide aux plus démunis, qui se font plus nombreux tous les ans. 2012 ne fait pas exception. « La tendance des inscriptions est à la hausse, a déclaré Olivier Berthe, président des Restos du Cœur, à l’AFP. Globalement, on a 5 à 7% d’inscrits de plus que ce que nous constations l’an dernier à la
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même période. » Parmi les nouveaux inscrits se trouvent de plus en plus de retraités, de familles monoparentales mais aussi des étudiants. En revanche, le nombre de bénévoles n’augmente pas. « Quand j’étais jeune, je me disais qu’en l’an 2000 tout le monde pourrait se loger et manger à sa fin… Alors en voyant tous ces gens dans le besoin, j’essaie de convaincre mon entourage de venir nous aider », raconte Françoise. Agée de 67 ans et bénévole depuis 2004, elle a embrigadé
plusieurs de ses amis dans les rangs des Restos du Cœur. Alors que l’association aurait besoin de plus d’aides financières, le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) risque de disparaître. Les conséquences seraient désastreuses. Bien que les dons faits aux Restos du Cœur représentent 51,9% de leurs ressources et les recettes ramenées par les Enfoirés (voir encadré) plus de 15%, l’aide européenne
Delphine PROUST
Des horaires aménagés pour les seniors
Dossier
Depuis le 26 novembre, le centre des Restos du Cœur de Montreuil a aménagé un créneau horaire pour l’accueil des personnes âgées.
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e plus laisser les personnes âgées attendre dans le froid pendant des heures. Le centre des Restos du Cœur de Montreuil a atteint cet objectif en leur réservant des horaires de distribution. Grâce à ce projet, mis en place depuis lundi, les séniors pourront venir les lundis et les jeudis après-midi de 13h30 à 15h30. Tandis que les autres bénéficiaires doivent se présenter le matin de 9 heures à 11h30. « Ils échappent ainsi aux bousculades qui ont parfois lieu le matin dans les files d’attente », se réjouit Richard Sautour, directeur de ce centre. Mais ce n’est pas le désagrément physique qui gêne le plus les personnes âgées. « S’il faut faire la queue, je la fais comme tout le monde », affirme Moaamar, 67 ans et bénéficiaire de l’aide de l’association depuis trois ans. Un sentiment de honte
demeure essentielle pour l’association. « Cela représente 23% des repas que nous distribuons (soit plus de 26 millions de repas, ndlr) et (…) nous n’avons aucune baguette magique pour les remplacer du jour au lendemain », a expliqué Olivier Berthe. L’association, ainsi que le Secours populaire, la Croix rouge et les Banques alimentaires, devront patienter jusqu’à janvier 2013. A ce moment là, les Etats européens devront décider de l’avenir du PEAD pour les sept ans à venir.
Le 26 novembre, Moammar était présent pour l’ouverture du secteur réservé aux séniors. Il a alors suivi la même procédure que celle dont il avait l’habitude au cours des dernières années. L’homme s’est d’abord présenté au secrétariat pour montrer sa carte de bénéficiaire. Ce papier lui a été donné après son inscription au centre de Montreuil, après qu’il a fourni plusieurs documents (quittances de loyer, justificatif de ressources de l’année précédente, papiers d’identité). Sur la carte, le nombre de parts auxquelles a droit Moaamar est indiqué. Accompagné d’une bénévole, il reçoit de la farine, des pommes, des navets, des carottes, du fromage et des plats surgelés. « Je viens ici parce que je n’ai pas le choix. J’ai ma dignité, je ne veux pas mendier
pour manger », confie t-il avant de s’en aller aussi vite qu’il est arrivé. Les séniors qui viennent aux Restos du Cœur agissent souvent ainsi. Beaucoup sont gênés d’être là. Juliana, 80 ans, avançant péniblement avec son chariot, garde la tête baissée et pleure en recevant la nourriture. « Les personnes qui viennent aux Restos du Cœur alors qu’elles ont travaillé toute leur vie le prennent comme un échec, explique Richard Sautour. Il faut briser ce sentiment de honte ». Les membres de l’association sont d’ailleurs persuadés que, par fierté, beaucoup de séniors préfèrent manquer de nourriture que de venir aux Restos du Cœur. Selon Hubert, bénévole depuis plus de quatre ans, c’est une des raisons qui expliquent que seulement 28 personnes se sont déplacées lundi après-midi pour bénéficier de la distribution. « Mais petit à petit, avec le bouche à oreille, de plus en plus de personnes vont venir », estime t-il. Afin d’encourager les séniors à s’inscrire aux Restos du Cœur, les bénévoles s’attèlent à faire circuler un message positif sur leur centre. « Il faut vouvoyer la personne, lui montrer qu’on la respecte, affirme Hubert. On essaie de les faire rire, de leur changer un peu les idées. » Un avis que partage France. Bénévole depuis plus de six ans, elle met un point d’honneur sur l’accueil des personnes âgées, qu’elle reçoit toujours avec le sourire. En plus de la distribution alimentaire, une école d’ostéopathie proposera prochainement ses soins. Des coiffeuses et des esthéticiennes sont également attendues. Le centre de Montreuil entend ainsi apporter un soutien psychologique pour briser la solitude des personnes âgées. LE Comptoir
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Juliana, retraitée, n’a pas les moyens de manger
Dossier
Pour survivre Juliana, 82 ans, doit faire appel aux Restos du Coeur.
Les restos aident les familles
En France, 85 « Restos Bébés » apportent une aide matérielle aux parents.
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e plus en plus de familles avec des enfants en bas âge dépendent de l’aide des Restos du Cœur. En France, 85 centres ont ouvert des « Restos bébés » pour répondre à leurs besoins. Les parents y reçoivent du lait et des petits pots en fonction de l’âge de l’enfant. Une aide matérielle est également mise à leur disposition : couches, produits d’hygiène, vêtements, chaussures… Certains centres ont également aménagé des « relais bébés » où les bénévoles gar-
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euros pour 580 euros de loyer, ndlr]», raconte-t-elle. Bien qu’elle touche également 200 euros d’Aide pour le logement par mois, une fois le téléphone, le gaz et l’électricité réglés, il ne lui reste plus assez d’argent pour se nourrir. Comme ses enfants ne peuvent pas l’aider et que son mari l’a quitté depuis des années, travailler est vital pour la vieille dame. Cependant, plus les années ont passé, moins elle a trouvé de travail. « C’est normal, maintenant les gens préfèrent faire appel à des autos entrepreneurs pour le déduire de leurs impôts», regrette t-elle. Il reste néanmoins un « petit boulot » à Juliana : toutes les semaines elle fait le ménage dans un immeuble près de chez elle
pour essayer de joindre les deux bouts. « Juliana ne nous aurait jamais dit qu’elle travaillait encore, je l’ai su parce que je l’ai rencontrée alors qu’elle lavait les escaliers » explique Richard Sautour, le directeur du centre de Montreuil. Alors pour contrebalancer ces obligations, Juliana vient chercher un peu de réconfort aux Restos du cœur en venant prendre un café avec les bénévoles ou en profitant de la bibliothèque mise à la disposition des seniors. « Beaucoup de gens ici sont comme des membres de ma famille, affirme t-elle. Ca me fait du bien de pouvoir parler avec eux, de se sentir écoutée ».
Les bénévoles des Restos du Coeur distribuent du lait en poudre aux parents les plus démunis
dent les enfants. « Nous souhaitons permettre aux mamans de souffler un peu en prenant un café avec des femmes dans la même situation qu’elles, explique Françoise, bénévole aux Restos du Cœur depuis 2004. Nous pouvons aussi garder les enfants pendant qu’elles rédigent un CV ou qu’elles vont à la distribution alimentaire. » Des conseils pour les parents
Bien que ces centres concernent principalement des mères seules, tous les parents peuvent y trouver conseil. Ils sont
© Restos du Coeur
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près avoir travaillé toute sa vie, à 82 ans, Juliana doit se rendre aux Restos du cœur pour se nourrir. Equipée d’un chariot, elle vient chercher des fruits, des légumes, du fromage et du poisson toutes les semaines depuis trois ans au centre de Montreuil. Cette petite dame a quitté l’Espagne pour la France en 1961, fuyant la misère qui régnait sous la dictature de Franco. Elle a tout de suite commencé à travailler en tant que femme de ménage. Un métier qu’elle a exercé pendant 50 ans, au delà de l’âge légal de départ à la retraite : lorsqu’elle a commencé à toucher sa pension, Juliana a du continuer de faire des ménages pour des particuliers. « Je ne peux même pas payer mon loyer avec ma retraite [540
encadrés par des bénévoles, dont des pédiatres, des sages-femmes, des puéricultrices et des assistantes sociales. Et pour que les enfants passent aussi de bonnes fêtes de fin d’année, les Restos du Cœur organiseront, comme tous les ans, une distribution de jouets. Les moins de 8 ans recevront ainsi des jeux de société, des poupées et, principalement, des peluches. Les jouets proviennent de dons de particuliers et de magasins partenaires.
« Tout ce qui est simple pour vous est impossible pour un gitan »
© Kahina BOUDARENE
France
Le livret de circulation de Moundi, chef du campement.
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a journée, Moundi travaille dans le bâtiment ; le soir, une fois rentré « à la maison », il retrouve son rôle de chef du campement. « - T’as l’eau courante ? – Ouais ! » Toute la journée, les habitants se démènent pour accéder à l’eau et à l’électricité. En passant la porte de sa caravane, Moundi est heureux de constater que les lampes s’allument. Le confort sera de courte durée. Très vite, nous n’avons pas d’autre choix que de nous éclairer à la bougie. Une situation « alarmante » : la vieille dame, dans la caravane d’à côté, a besoin d’une assistance respiratoire.
La famille de Jean va devoir plier bagage et trouver un autre endroit pour vivre. Difficile dans ce jeu du chat et de la souris de pouvoir scolariser ses enfants ou d’avoir un métier stable. Moundi, lui, a commencé à travailler à douze ans. Il espère un autre avenir pour ses enfants ; son fils de 18 ans l’accompagne sur les chantiers depuis l’an dernier ; sa fille de 12 ans, elle, suit des cours par le CNED bien qu’elle ne les reçoive presque jamais. « Je pense que l’intégration passe par l’éducation, sauf que dans ces conditions, c’est impossible d’aller jusqu’au bac… »
Mais pour l’instant, la première préoccupation de Moundi et sa femme, ce sont les policiers qui viendront dans trois jours chasser les gitans hors de la ville. En cause, l’usine derrière laquelle ils vivent. Elle semble abandonnée, pourtant l’entreprise demande aux habitants du campement de quitter les lieux. « La communauté a proposé 3000 € pour pouvoir rester jusqu’en mars mais ils ne veulent ni de nous, ni de notre argent. »
Sans adresse, pas d’école, pas d’entreprise, mais aussi, pas de droit de vote. « On nous empêche de nous intégrer à la société alors que nous sommes Français » Le grand-père de Moundi a servi la France pendant la Seconde Guerre Mondiale, leur caveau familial est en banlieue parisienne, leurs ancêtres sont arrivés en France au XVeme siècle : pour ce nomade, l’impossibilité de peser sur la vie politique est une « insulte ». « Tout ce qui est
Moundi en gitan, Jean en français. L’homme qui nous accueille, crâne rasé et iPhone à la main, ressemble à n’importe quel Gaulois. A la différence près qu’il vit avec sa femme et ses deux enfants dans une caravane, à quelques kilomètres de la gare de Villeparisis. Ils se sont installés avec toute leur famille, soit plus d’une centaine de personnes, sur le parking d’une usine abandonnée. simple pour vous est impossible pour un gitan. » Et les injustices ne s’arrêtent pas là. En guise de pièce d’identité, on leur livre un « livret spécial de circulation » à faire signer tous les trois mois, comme s’ils étaient des repris de justice. « Je suis perçu et chassé tel un criminel alors que la seule fois de ma vie où j’ai mis les pieds dans un commissariat en tant que coupable, c’était l’an dernier parce que j’avais bu quelques verres de trop. » Pour lui, « c’est de la persécution ». Et le mutisme des pouvoirs locaux pourrait être lourd de conséquences. « Puisque personne ne veut nous entendre, je pense qu’on va finir par être obligé de foutre le bordel. »
Kahina BOUDARENE
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Les militants UMP veulent une « Droite forte »
France
Le résultat des votes des motions a été totalement éclipsé par la guerre des chefs qui fait rage à l’UMP. Les militants ont pourtant choisi une orientation politique claire puisque les deux motions les plus à droite recueillent presque 40% des voix à elles deux.
S
i le vote de dimanche dernier était censé désigner le nouveau président de l’UMP, 300 000 militants s’étaient aussi déplacés pour choisir la ligne politique à donner au parti. Ils avaient le choix entre six différentes motions et les résultats se sont portés sur la plus à droite de toutes avec la victoire de la « Droite forte », une droite dure, avec près de 30% des voix. Volontairement issu du slogan de campagne de Nicolas Sarkozy, « une France forte », ce mouvement se revendique « sarko-copéistes ». Les têtes d’affiche de ce courant, les trentenaires Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, tous deux passés par le FN, ont marqué leur placement à droite de l’échiquier par des propositions chocs. Parmi les plus controversées, l’interdiction du droit de grève des professeurs, l’inscription dans la Constitution que la France est une « République laïque de tradition chrétienne » ou encore la garantie « d’embaucher des journalistes de droite » dans les radios et télévisions publiques.
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D.R.
Charles JEGOU
Les trentenaires Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, discrètement encouragés par Nicolas Sarkozy, ont réussi à imposer leur courant face aux ténors du parti.
La Droite sociale de Laurent Wauquiez (soutien de Fillon), se classe deuxième et obtient 22,5% des suffrages ; la motion France moderne humaniste de Raffarin et Luc Châtel (soutiens de Copé) a recueilli 17,1% des voix ; les Gaullistes en mouvement de Michèle Alliot-Marie suivent avec 12,6% ; la Droite populaire de l’ancien Ministre des transports Thierry Mariani ferme la marche avec 10,1% des suffrages. Seule la Boîte à idées de NKM n’est pas reconnu, faute d’avoir pu atteindre 10%. Démocratie ou facteur de division Une fois n’est pas coutume, Jean-Pierre Raffarin avait prévenu : « L’élection du président de l’UMP sera surtout un choix d’homme tandis que la ligne politique sera tracée par le vote sur les motions ». L’enjeu pour ces six acteurs était de savoir lequel allait peser le plus sur les choix politiques de Jean-François Copé, en tant que chef du parti. En dépassant le seuil des 10% des votes, les motions sont assurées de disposer de moyens financiers et de
peser, plus ou moins, dans les instances dirigeantes du parti. Ces élections étaient une première à l’UMP. Contrairement au PS, où les courants sont légions, les « troupes » ont l’habitude qu’un chef se dégage et que tout le monde se range derrière lui. Le départ de Nicolas Sarkozy a fait en sorte que les différents mouvements au sein de l’UMP s’expriment. La présence de ces courants de pensée au sein de l’UMP ne veut pas dire pour autant qu’il y ait tant de clivages que cela. Jean-François Copé et François Fillon par exemple sont bien plus ressemblants sur le fond que sur la forme. L’ancien Premier ministre, qui possède l’image la plus modérée des deux, présente même la mesure la plus proche des thématiques du Front National. Dans son programme, il veut en l’occurrence refuser de payer les cotisations sociales aux étrangers qui sont sur le sol français depuis moins d’un an. Bien plus que le vote des motions dans ces élections, ce sont les ambitions personnelles des candidats qui sont facteurs de divisions au sein de l’UMP.
France
Jean-Romain BLANC
Le Qatar est devenu « membre associé » de la Francophonie, sans passer par la case « observateur ». Mais le formidable effort déployé depuis quelques années par l’Emirat pour s’inscrire dans le concert des nations n’est pas du goût de tous.
C
ela fait maintenant quatre ans que le Qatar investit massivement en France. L’émirat a placé ses pétrodollars dans différents secteurs, comme le sport (PSG), le capital de grands groupes (Suez, Total, LVMH, Vinci…) ou encore dans les PME de banlieues. Mais plus encore que pour son industrie du luxe ou le talent de ses footballeurs, la France intéresse l’émirat pour son aire d’influence. Ce qui explique pourquoi le Qatar, ancien protectorat britannique, a rejoint le 13 octobre dernier l’organisation internationale de la Francophonie. Ce parti pris diplomatique est délibéré et tout à fait assumé par l’ambassadeur du Qatar en France, Mohamed Jaham Al Kuwari. « Il y a plusieurs dimensions à notre présence dans la francophonie, dont celles des relations multilatérales entre tous les Etats-membres (de l’OIF), a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse à l’ambassade. Nous pensons qu’il s’agit d’un instrument culturel, politique et économique important, qui rejoint l’action diplomatique du Qatar ». Pour l’Organisation in-
© AFP
La Francophonie, tremplin pour la diplomatie qatarie
Francois Hollande avec l'émir du Qatar, Cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani
ternationale de la Francophonie, c’est un processus habituel que les pays membres passent par elle pour promouvoir leur diplomatie internationale. Le service de presse de l’organistion explique : « certes le Qatar est peu francophone mais ce genre de pratiques est chose courante. Dans les années 90, certains pays de l’exURSS se sont rapprochés de l’organisation en arguant qu’ils désiraient s’impliquer d’avantage dans le monde. L’important est qu’il fasse preuve de leur désir de promouvoir la langue française». Une adhésion intéressée
Mais est-ce vraiment le cas ? Le Qatar a beaucoup d’autres raisons de se lier à la Francophonie. Il s’était déjà beaucoup impliqué dans les révolutions arabes, finançant de nombreux mouvements de manifestants. Le politologue Jean-Arnaud Felipe ajoute « il paraît évident que l’émirat cherche d’avantage à approfondir ses relations avec les pays de l’Afrique de l’ouest que de promouvoir la langue française ». Bien que le Qatar ait suivi le pro-
cessus normal d’adhésion en faisant sa demande six mois avant la conférence de novembre, il s’avère que son intégration n’allait pas de soi. « Même si les chefs des Etats membres ont voté à l’unanimité pour la présence du Qatar dans la Francophonie, la dernière commission consultative avant le vote avait rendu un avis négatif » explique le service de presse de l’organisation.
Profitant de la toute récente adhésion de son pays à la Francophonie, l’ambassadeur qatari en France a profité d’une tribune dans Le Monde pour présenter « les lycées français » comme le « fruit de la collaboration entre les deux pays ». Il a également annoncé l’intention du Qatar de financer d’autres établissements du type du lycée français de Doha. L’ambassadeur a oublié de préciser que la Mission laïque française (MLF), qui gère le lycée français Voltaire de Doha, a été priée de quitter le territoire en décembre prochain après de multiples conflits au sujet de l’enseignement pédagogique. LE Comptoir
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Un soulagement temporaire pour la Grèce
Monde
Athènes bénéficiera d’une aide de 43,7 milliards mais l’effacement d’une partie de la dette publique n’est toujours pas à l’étude.
L
es pays de la zone euro, le FMI et la BCE se sont entendus lundi à Bruxelles pour reverser à la Grèce une nouvelle aide de 43,7 milliards d’euros. Au terme de treize heures de réunion, les instances financières européennes seront enfin parvenues à un consensus. Le FMI proposait, pour déclencher la nouvelle tranche d’aides, de fixer l’objectif à la Grèce d’une dette à 120 % de son PIB en 2020. Après d’âpres négociations, les Européens se sont accordés pour stabiliser la dette à 124 % du PIB en 2020 - une concession de près de 40 milliards – et « substantiellement en dessous » de 110 % en 2022. La Grèce pourra donc recevoir une première aide très attendue de 34,4 milliards dès le 13 décembre, puis de 9,3 milliards l’année prochaine. D’autres leviers ont été mis en place pour alléger la facture de la Grèce, tout en évitant un effacement de la dette. Première piste engagée : retarder les délais de remboursement. Les pays de la zone euro ont accepté de rallonger de quinze ans la durée des prêts consentis à Athènes, et lui ont accordé un moratoire de dix ans pour payer les intérêts au FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière). Deuxième voie : diminuer voire supprimer les intérêts des emprunts grecs. Il a 8 | LE Comptoir
La Grèce bénéficiera de 43,7 milliards d’euros d’aide de la part de l’UE
été décidé de baisser les taux sur les prêts bilatéraux concédés en 2010, et de reverser sur un compte bloqué les gains réalisés par la BCE sur la dette grecque – à hauteur d’environ 11 milliards. Enfin, le rachat par la Grèce de sa propre dette a été accepté. Athènes pourra ainsi emprunter à taux très bas au FESF afin de racheter ses obligations détenues par des investisseurs privés. Restructuration taboue Enfermée dans une terrible récession depuis plus de cinq ans, la Grèce devrait voir son endettement atteindre les 190 % du PIB en 2014. « Depuis 2009, la Grèce a perdu 20 points de PIB, explique Thomas Grjebine, économiste au CEPII (Centre d'Études Prospectives et d'Informations Internationales). Si la situation perdure, le niveau de dette par rapport au PIB ne pourra jamais baisser ». Optimisme ou politique de l’autruche, il semble peu probable que la tendance s’inverse mais l’Union Européenne et le FMI estiment que « la croissance potentielle » grecque est très supérieure à sa croissance actuelle. C’est pourquoi ils se contentent de rééchelonner régulièrement la dette. « On essaie de gagner du temps, en attendant un retour de la croissance en Grèce » résume Thomas Grjebine. Et partout en Eu-
© AFP
Raphaël DOR
rope, pourrait-on ajouter. Certains Etats « triple A » – l’Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas – s’opposent toujours fermement à un effacement pur et simple d’une partie de la dette grecque car euxmêmes en seraient les premières victimes. « Nous n’avons pas discuté d’un effacement de la dette, c’est hors de question » a réaffirmé Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances. La France ou l’Italie n’ont jamais écarté l’idée, sans pour autant trop s’avancer sur la question puisque les finances des deux pays pourraient tout de même en souffrir. Henri Sterdyniak, chercheur à l'OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Economiques) et membre des Economistes Atterrés, rappelle : « Il y a deux ans, la restructuration de la dette était un sujet tabou ! En mars dernier, le FMI a convaincu les créanciers privés d’effacer une partie de la dette, et l’idée commence à circuler auprès des Etats ! » Quant au blocage de l’Allemagne, il pourrait être révisé si Angela Merkel essuyait une défaite politique durant les élections allemande à l’automne 2013. « Ce n’est qu’une question de temps, mais en attendant la Grèce vit des heures difficiles » conclut Henri Sterdyniak.
Pétrole : Le Sud-Soudan coupe les ponts avec le Nord
© AFP
Monde
Puit de pétrole dans le Sud-Soudan
Incapable d’exporter ou de transformer son pétrole pour l’exploiter sur son propre sol, le Sud Soudan a décidé de se doter d’une raffinerie d’ici 2013. De quoi lui permettre de ne plus dépendre des décisions de Khartoum.
Raphaël HOMASSEL
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a République du Soudan du Sud, indépendante depuis le 9 juillet 2011, a lancé vendredi dernier un projet de raffinerie de pétrole dans la ville de Thangrial. Ce serait alors la première de sa jeune histoire. Avant l’indépendance, le Soudan du Sud produisait 85% des 470 000 barils quotidiens de l’ensemble du pays. Toutes les raffineries étaient situées au nord, laissant la partie sud orpheline de toute industrie de transformation au moment de la séparation des deux Etats. Incapable de transformer son pétrole afin de l’exploiter sur son propre territoire, le Sud Soudan était condamné à l’exporter sous forme brute, via un oléoduc traversant les terres de son voisin du nord. Les rapports entre les deux pays étant restés tumultueux depuis l’indé-
pendance, notamment par rapport au tracé des frontières, Khartoum a décidé de fermer le pipeline. La capitale soudanaise ne laissera les vannes ouvertes qu’en cas d’accord sur le partage des revenus pétroliers. Un handicap inacceptable pour le Sud Soudan, dont le PIB repose à 98% sur son activité pétrolifère. « Nous étions supposés reprendre les exportations de pétrole via Port Soudan au Soudan le 15 novembre. Soudainement, Khartoum a changé d’avis » s’indignait le président sud-soudanais, Salva Kiir, en conférence de presse. C’est ce véritable coup de massue qui a engendré le projet de cette raffinerie de petite taille. Elle sera opérationnelle dès 2013 et pourra produire 20 000 barils de pétrole raffiné par jour. Il s’agirait également d’un moyen d’alimenter une centrale thermique d’une puissance de 180 Mégawatts. Autant de mesures qui permettraient au Sud Soudan de se défaire peu à peu de l’influence de son voisin du nord concernant le domaine de l’énergie. « Au lieu que le pétrole soit utilisé pour aider d’autres pays, il serait mieux qu’il soit utilisé pour aider notre propre pays »,
affirmait le président sud-soudanais à Thangrial. Il se montre ainsi déterminé à ne pas négocier avec Khartoum. Parmi les plans alternatifs étudiés pour améliorer la vie économique du pays, la création d’un oléoduc en direction du Kenya est la piste la plus sérieusement envisagée. Le projet est estimé à 3 milliards de dollars et pourrait commencer en juin 2013. Le Sud Soudan, grâce à ses réserves de brut, pourrait financer une partie de l’oléoduc tout en faisant appel à d’autres investisseurs. Ce conduit pétrolier éviterait donc de franchir la frontière soudanaise et ne pourrait être empêché de voir le jour que par la réouverture par Khartoum du pipeline déjà en place.
Indépendance douloureuse L’idée d’une indépendance du Sud Soudan prend racine dès 1956, lors de l’indépendance de l’état du Soudan vis à vis de l’Egypte et du RoyaumeUni. Le pouvoir musulman en place à Khartoum ne tient pas sa promesse d’accorder un état fédéral au sud, région chrétienne et animiste. S’en suit alors une guerre civile jusqu’en 1972 qui débouchera sur un certain degré d’autonomie acquis par le sud. En 1983, Khartoum décide d’étendre le droit musulman sur l’ensemble du pays. De quoi susciter une seconde guerre civile, et la paix ne sera retrouvée qu’en 2005. Le Sud Soudan, soutenu par les Etats-Unis, gagne alors une autonomie sur 6 ans, qui aboutira sur un referendum d’autodétermination. La République du Soudan du Sud voit donc le jour le 9 juillet 2011. LE Comptoir
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L’ETA en phase terminale
Monde
© Baldeadly
Thomas INGLOT-FANTUZZI
Affiche pro-séparatistes basques dans une rue de Bilbao
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rès d’un an après avoir annoncé la fin officielle de la lutte armée, Euskadi ta Askatasuna (ETA) annonce le début d’un processus de paix menant à la dissolution de l’organisation séparatiste au profit d’un rapprochement politique. Un gage de bonne volonté dévoilé au grand jour le 25 novembre dernier au
Le groupe séparatiste basque ETA a déclaré vouloir instaurer une paix définitive et durable en proposant la dissolution pure et simple de l’organisation. La fin de la lutte armée marque un tournant résolument politique dans l’action des indépendantistes basques. travers d’un communiqué paru dans le journal basque GARA, dans lequel ETA propose la création d’un « agenda de dialogue » dans le but « de convenir des formules et délais pour rapatrier les prisonniers et exilés politiques basques, du désarmement et de la dissolution des structures armées et de la démobilisation
des militants d'ETA ». Un communiqué qui fait suite à de nombreux revers connus par les séparatistes ces derniers mois. Mise en difficulté ces dernières années, l’organisation séparatiste basque met ainsi fin à 53 ans de lutte indépendantiste paramilitaire ponctuée de dizaines d’attentats et assassinats politiques. Impasse gouvernementale
Le tournant politique de la lutte indépendantiste basque n’est cependant pas du goût de l’état espagnol, ce dernier persistant à nier l’existence d’un recours politique au problème basque. Le gouvernement de Mariano Rajoy, premier ministre espagnol, s’est refusé à « l’ouverture de toute sorte de négociation avec l’ETA ». Le refus du rapatriement des prisonniers et exilés basques marque une intransigeance vis-à-vis actions menées par le passé par l’ETA sur le sol espagnol. Ce refus fait suite à la décision du gouvernement français de suivre le jugement du gouvernement espagnol sur le sujet de l’ouverture de négociations avec le groupe terroriste. Une entente francoespagnole illustrée par l’arrestation et l’extradition le 1er novembre dernier d’Aurore Martin, militante séparatiste française.
Espagne-Catalogne : Un match pas gagné d’avance
Les élections de dimanche dernier ont conforté la Catalogne dans son chemin vers l’indépendance, restant toutefois en proie aux affres de la crise économique. Avec un PIB proche des 210 millions d’euros en 2011, la Catalogne se place en quatrième position du classement des provinces espagnoles. Représentant près de 8% des contribuables du pays, les Catalans contribuent à hauteur de 16 milliards d’euros, soit environ 20% du budget de l’Etat central. Barcelone est une place économique de premier ordre, pôle mondiale en matière de finance et deuxième ville espagnole. Des arguments 10 | LE Comptoir
en faveur d’une désolidarisation avec le Royaume d’Espagne. Longtemps citée comme un exemple de région prospère en Europe, la Catalogne a néanmoins encaissé la crise financière avec difficulté. Le chômage local a augmenté de manière exponentielle sur les quatre dernières années pour s’établir à 22,8% de sa population active, alors que la région accuse une dette cumulée égale
à 22% de son PIB. La percée indépendantiste de la région ne devrait pas affecter le soutien financier annoncé par le gouvernement hispanique dans le remboursement des créances, mais va très certainement entraver les relations entre la région et son pays. Un constat économique préoccupant qui tempère résolument l’indépendance de la province catalane.
En Allemagne, le zoo file
Monde Chloé EMMANOUILIDIS
Une loi visant à interdire la zoophilie va être votée par le Bundestag, le parlement allemand. Un crève-cœur pour les adeptes des pratiques sexuelles bestiales.
Les associations de protection des animaux demandent que la zoophilie soit considérée au même titre que le viol ou la maltraitance animale. Ces dernières ne sont pas réellement emballées par les at-
Primari en Italie Le chef du Parti Démocrate (PD), Pier Luigi Bersani, est arrivé en tête du premier tour des primaires qui ont eu lieu dimanche dernier. Avec 44% des suffrages obtenus, il devance son rival, le jeune maire de Florence, Matteo Renzi. Le gagnant du second tour qui se déroulera dimanche 2 novembre sera désigné candidat du parti de centre-gauche aux prochaines législatives et succèdera peut-être à Mario Monti. Silvio Berlusconi laisse cependant planer le doute. « Il Cavaliere » devrait annoncer cette semaine s’il compte emmener son parti, le Peuple de la Liberté (PdL), aux élections législatives de 2013.
D.R.
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ratique pour le moins douteuse, la zoophilie pourrait être bientôt interdite en Allemagne. Pourtant, depuis 1969 nos voisins d’outre-Rhin peuvent librement s’adonner à des relations sexuelles avec nos amies les bêtes. Démocrates et libéraux prévoient de voter une loi sur la protection des animaux. La ministre allemande de l’agriculture, Ilse Aigner, a indiqué souhaiter interdire « d’utiliser des animaux pour toute activité sexuelle ou des actes sexuels tiers ».
L’Australien Joseph Guiso a épousé sa chienne Honey en 2010
touchements et autres pénétrations tentés par un Hans en mal d’affection sur son animal de compagnie. L’Allemagne, pays des droits des amoureux des animaux, va donc perdre une de ses libertés les plus glauques et malsaines. Toute personne surprise en plein ébat avec une chèvre ou une tortue sera exposée à une amende pouvant aller jusqu’à 25 000 euros. Michael Kiok, président de la ZETA, l’association des zoophiles alle-
mands qui compte 100 membres à ce jour, déclare que des actions légales vont être entreprises afin de combattre cette décision de justice. « Quand je regarde mon chien, je sais immédiatement ce qu’il veut. Les animaux sont plus simples à comprendre que les femmes », précise amoureusement ce zoophile accompli et convaincu. D’après Michael Kiok, 100 000 zoophiles actifs séviraient en Allemagne.
La compagnie de satellite DigitalGlobe a dévoilé lundi que la Corée du Nord allait effectuer des tests de missiles nucléaires d’ici trois semaines. Suite aux analyses d’images prises sur la base de lancement de Sohae, le journal japonais Asahi Shimbun a rapporté que les services secrets américains auraient détecté des mouvements perçus comme une préparation de lancement de missiles. La Corée du Nord s’efforce de développer un système de missiles capable de frapper les EtatsUnis. Ces préparations font suite à l’échec d’avril dernier où le lancement des missiles UNHA3 avait échoué.
La France votera « oui » à la demande des Palestiniens d’obtenir un statut d’Etat observateur non-membre à l’ONU. Laurent Fabius a déclaré mardi à l’Assemblée nationale : « Paris répondra oui, par souci de cohérence ». La demande officielle de l’Autorité palestinienne doit être présentée devant l’ONU jeudi 29 novembre. Les Palestiniens doivent réunir 97 votes positifs sur 193. Plus d’une centaine de pays ont pris position en leur faveur. L’Angleterre a rejoint la France et se dit prête à soutenir cette initiative, à condition que Mahmoud Abbas renonce à « poursuivre Israël pour crimes de guerre » et maintienne les pourparlers pour la paix. Les Etats-Unis sont contre.
La Corée du Nord prête à lancer ses missiles
Palestine : L’ONU dit oui
LE Comptoir
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Nuléaire : La France au top de son énergie
D.R.
Environnement
Le gigantesque parc nucléaire français offre une qualité unique de l'électricité
La France est aujourd’hui au neuvième rang mondiale pour sa compétitivité énergétique. Une place satisfaisante à l’heure où l’on évoque une réduction du nucléaire, atout majeur du secteur de l’énergie français.
Médaille d’or de l’électricité
conséquence d’un parc nucléaire important », précise KPMG. Ce dernier occupe actuellement 80% de la production ce qui permet au territoire d’être énergétiquement dépendant et même d’exporter à de nombreux pays voisins tels que le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne. Le coût de l’électricité en France est également largement en dessous de la moyenne mondiale et européenne. Pour un kilowattheure, un Allemand paie 13,8 centimes d’euros contre 9,2 pour un Français. « Le nucléaire est l’énergie la plus rentable », précise l’économiste Hervé Ertel. « Même si l’on décide d’installer des centrales éoliennes le long de tout le littoral français, de Dunkerque à Nice, la production totale serait inférieure à celle réalisée par quatre centrales nucléaires. »
Pour ce qui est de la qualité, de l’accessibilité et de la disponibilité de l’électricité, l’Hexagone se hisse en première position (ex-aequo avec la Corée du Sud). « La
En matière de protection de l’environnement, la France est en revanche très mal classée (64e). Sa dépendance à l’énergie fossile en est la principale raison, tout
L
ouis Gallois peut être content, la France se classe neuvième mondiale en terme de compétitivité énergétique. Elle se place ainsi devant le Royaume-Uni et les Etats-Unis, tous deux onzièmes, ou encore l’Allemagne treizième. Une étude inédite publiée par le cabinet KPMG, en association avec l’Institut Choiseul, révèle effectivement un classement détaillé de cent quarante-six pays. Les experts se sont appuyés sur treize indicateurs, séparés en quatre catégories, pour établir ce rapport : la qualité de l’électricité, la qualité du mix énergétique, la compatibilité avec l’environnement, et une dernière rubrique plus floue concernant le climat général des affaires.
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comme son retard sur le développement des énergies renouvelables. Dans ce classement, c’est l’Allemagne, le Danemark et la Suède qui occupe le podium. Pour le gouvernement français, cette étude arrive à point nommé. Le lancement, ce jeudi, du débat national sur la transition énergétique devrait prendre en compte les données du cabinet KPMG. La redistribution des moyens de production d’énergie sera d’ailleurs l’une des principales occupations de Delphine Batho, Ministre de l’Energie, dans le mois à venir. Malgré ses bons résultats, le nucléaire sera sans doute le grand perdant de ces discussions.
Grégoire GANTOIS
Conférence de Doha : Du bruit pour rien ? Axelle BICHON
«U
n engagement collectif ne peut plus attendre ». Célia Gautier, chargée des Politiques européennes au Réseau Action Climat, est catégorique : « Les pays développés doivent se joindre à la lutte contre le réchauffement climatique ». Si ces Etats sont capables de payer des milliards pour les dégâts occasionnés par les catastrophes climatiques - rappelons seulement que celles-ci ont coûté 1600 milliards de dollars aux Etats-Unis entre 1980 et 2011 -les pays en développement, plus particulièrement touchés, sont obligés de prendre le problème à bras le corps et de s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les objectifs de Kyoto ne seront pas tous atteints, c’est un fait avec un réchauffement global de 3,5 à 6°C d’ici à la fin du siècle au lieu des 2°C à ne pas dépasser selon les experts. « Il s’agit maintenant de ne plus faire les choses à moitié pour la deuxième période du Protocole, si celle-ci est un jour engagée », explique Célia Gautier. Tous sans exception doivent s’y mettre pour que les efforts entrepris jusqu’ici dans la sauvegarde de l’environnement ne soient pas vains.
Environnement
La 18ème Conférence des Parties (COP18) à la Convention cadre des Nations unies sur le climat a débuté lundi matin à Doha, au Qatar. Un sommet annoncé comme celui de la dernière chance par les principales ONG écologistes.
mise en place d’une seconde période d’engagement du protocole de Kyoto dès maintenant et la signature d’un nouvel accord mondial équitable, ambitieux et juridiquement contraignant pour 2015. Le protocole de Kyoto a de nombreuses zones d’ombres, dont la répartition des efforts entre les pays. Car si l’Allemagne est prête à investir 1,9 milliards d’euros dans les financements climats, la France, beaucoup moins ambitieuse, s’arrêtera à un engagement de l’ordre de 110 millions sur 3 ans. Silence radio sur les financements Les 30 milliards de dollars mobilisés entre 2010 et 2012, (engagement pris à Copenhague en 2009) n’ont pour l’instant trouvé aucune suite. Sans contributeurs, le Fonds Vert pour aider les pays du Sud dans la lutte contre le réchauffe-
ment climatique, à l’étude depuis 2009, risque de rester coquille vide. Les ONG demandent 10 à 15 milliards de dollars pour le rendre opérationnel et un doublement des financements précoces. « Si certains pays font preuve de bonne volonté comme l’Australie, beaucoup manquent à l’appel », insiste Célia Gautier. Citons notamment le Japon, la Nouvelle-Zélande et le Canada, qui s’est éclipsé avant de devoir payer ses nombreux débordements environnementaux. « L’urgence est extrême », conclue Célia Gautier. Il y a 20 ans, l’écologie était considérée comme un fantasme d’experts éberlués, aujourd’hui, ce sont les caisses qui sont vides. La mauvaise foi et le manque de volonté des plus aisés ne peuvent plus être tolérés. Sans cela, nous courons à la catastrophe climatique. Croisons les « Doha ».
Doha dans la confiture Le 31 décembre 2012 prend fin la première période du protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2008. L’issue de la Conférence de Doha, qui se déroule du 26 novembre au 7 décembre, sera donc déterminante pour l’avenir du protocole mais aussi pour la tendance climatique future. Avec deux objectifs majeurs: la
La politique de l'autruche ne peut plus être tolérée LE Comptoir
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© Stéphane BLOT
Société
Sida : Le slogan de la discorde Le slogan de l'association Aides, durant la marche du 1er décembre en 2011
Mathieu BRANCOURT
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a fin de l’unité de façade. A deux jours du 1er décembre, l’association de lutte contre le sida Aides a indiqué à Act-Up Paris qu’elle ne défilera pas à ses côtés, contrairement à une vingtaine d’autres associations de santé. A l’origine de cette scission, le mot d’ordre proposé par cette dernière, autre organisation contre le VIH : « ce gouvernement nous désespère! ». « Nous sommes surpris, car il n’y a pas de désaccord de fond », indique Arthur Vuattoux, vice-président d’Act-Up Paris. Il indique avoir appelé Bruno Spire, président de Aides, qui lui a signifié que son association ne souhaitait pas défiler sous ce slogan. « C’est la première fois et je regrette beaucoup cette situation », ajoute-t-il. Sur le fond pourtant, les deux associa-
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Aides ne participera pas à la marche unitaire du 1er décembre. Une première. En cause, le mot d’ordre commun, choisi par Act-Up Paris. Officiellement du moins. tions reconnaissent la même désillusion face au nouveau gouvernement. Pour le vice-président d’Act-Up Paris, cette « désespérance » vient d’une déception globale, sur toutes les revendications. « Concernant la violence faite aux transgenres, la lutte contre la sérophobie (discrimination envers les personnes séropositives) ou la situation des étrangers malades, la majorité socialiste a douché nos attentes », déplore-t-il. Sur le mariage pour tous, l’organisation issue des revendications homosexuelles parle même de « trahison ». Chez Aides, on partage une certaine amertume après les promesses de la Présidentielle : « il y a un dialogue de façade, mais la concertation n’existe pas. La parole associative n’est pas prise en compte sur des enjeux centraux comme l’égalité des droits ou le droit au
séjour pour soins », accuse Antoine Henry, responsable de la communication de l’organisation. Il plaide pour la création « d’une mission interministérielle de lutte contre le sida, similaire à la MILT » (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie, ndlr). Pourtant, après 12 ans de mobilisation sous la droite, Aides refuse officiellement un mot d’ordre aussi clivant et stratégiquement peu productif. Une rivalité historique Ce désaccord semble le point d’orgue d’un contexte tendu, à la suite des attaques publiques d’Act-Up sur la légitimité de Aides. « On en a marre de tendre la joue à Act-Up, parce qu’elle ne semble pas comprendre que nous ne la suivions
Société se trouvent à Aides avec notamment son directeur général, qui « émarge à 11 000 euros brut ». Un chiffre issu d’un article à charge du Parisien contre Aides sorti en janvier 2011. « Non seulement nous sommes insultés, mais le chiffre avancé est faux », dénonce Antoine Henry.
La pipe au plastique ? La protection durant la fellation est emblématique de la divergence de vue entre ActUp et Aides. La première, très pro-latex, recommande l’utilisation d’un préservatif à chaque rapport bucco-génital. L’autre préfère inciter à la réduction du risque de transmission (très faible, ndlr) : on « n’avale » pas, on évite la fellation en cas de plaie dans la bouche, le brossage de dents peu avant ou les fameuses « gorges profondes », qui fragilisent la muqueuse lors de la fellation. un membre d’Act-Up Paris affirme que ce n’est pas à Sidaction que l’on trouve les « pires sidacrates ». Comprenez ici qu’ils
Samedi, la manifestation rassemblera Act-Up Paris et autres signataires, pour un départ à 18h de l’Hôtel de Ville. De son côté, Aides organisera, à quelques mètres de là, une opération de dépistage.
© Act Up Paris
pas », explique Antoine Henry. En cause, l’article de libération.fr du 5 octobre dernier sur les problèmes internes de Sidaction (qui s’est également prononcée contre le slogan de la marche, ndlr), où
Ces bisbilles actuelles ont pour toile de fond une hostilité plus ancienne. Arthur Vuattoux le reconnaît : « il y a des désaccords historiques, notamment sur la prévention ». Dans les années 2000, les divergences idéologiques sur la prévention sont profondes. Alors qu’Act-Up Paris se positionne sur une ligne maximaliste sur l’utilisation du préservatif, Aides plaide pour une prévention plus modulable et adaptée aux pratiques des personnes. Lors de débats houleux sur la réduction des risques sexuelle, les « actupiens » traiteront les militants de Aides de « criminels ». Un véritable affrontement entre deux conceptions de la lutte contre le sida, dont les traces subsistent encore aujourd’hui. Mais pour le 1er décembre, Arthur Vuattoux déplore cette non-signature, pour un événement où Act-Up est dans une « optique d’unité ».
Des nouvelles de l’ONUSIDA Le 20 novembre dernier, la structure de lutte contre le sida des Nations Unies a publié les résultats des programmes internationaux de réponse à l’épidémie du VIH. L’organisation annonce une baisse de 50 % des nouvelles infections de VIH dans près de 25 pays, notamment sur le continent africain. Durant les 24 derniers mois, l’accès aux traitements antirétroviraux a augmenté de 63 % et le nombre de décès a baissé de 25 %, sur la période 2005-2011. « Le rythme des progrès s’accélère », salue Michel Sidibé, directeur exécutif de l’ONUSIDA. Autre signal positif, les pays assument de plus en plus la riposte au sida. Près de 81 pays ont augmenté leurs investissements nationaux de plus de 50 % entre 2001 et 2011. Il reste 1000 jours pour atteindre les objectifs mondiaux de la lutte contre l’épidémie, indique encore le communiqué de l’organisation. L’ONUSIDA estime à 6,8 millions le nombre de personnes qui sont éligibles aux antirétroviraux et qui n’y ont pas accès. Autres points à améliorer : la connaissance de son statut sérologique, l’observance aux traitements et la mise à disposition des outils de prévention, comme la circoncision et l’accès facilité aux préservatifs. « L’ONUSIDA s’efforcera d’aider les pays à accélérer l’accès au dépistage et aux traitements », ajoute Michel Sidibé. Un soutien indispensable pour concrétiser l’objectif « Zéro nouvelle infection. Zéro discrimination. Zéro décès lié au sida » de l’organisation internationale.
Affiche du slogan de Act Up Paris :"Ce gouvernement nous désespère" pour la marche de 2012
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Société
Comment j’ai cuisiné
Après avoir tué quelqu’un, vient ce moment où l’on se demande quoi faire du corps. Histoire de ne pas se faire piquer, le mieux est encore de le faire complètement disparaître. Quatre pistes pour faire cela proprement.
e p u o S La
Printemps 2011. David Viens se jette d’une falaise de 25 mètres mais s’en sort miraculeusement. Sur son lit d’hôpital, il se résout à avouer le meurtre de sa femme Dawn, disparue depuis presque trois ans. Parce que jusqu’à présent, les forces de police avaient beau fortement suspecter ce restaurateur de Los Angeles, aucune preuve matérielle ne venait confirmer leurs suppositions. Et pour cause : « Je l’ai cuite pendant quatre jours, je l’ai laissée refroidir et j’ai filtré le gras » confesse le proprio du Thyme Contemporary Café. Plus précisément, il a utilisé un baril de près de 210 litres d’eau bouillante. La mixture, impropre à la consommation, a fini pour une part dans le bac à graisse de la brasserie et pour l’autre à la poubelle. Sauf la tête, cachée dans le grenier de la mère de Viens. Un bon plan, si on excepte la paralysie à vie consécutive à la tentative de suicide et la nécessité d’avoir une grosse marmite à disposition. Déjà jugé coupable, le chef a sorti hier une parade de sa toque pour repousser la sentence: il a viré son avocat.
La d
Soupe à la rouille
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Le chef-d’œuvre des frère Cohen, Fargo, s’ouvre avec la mention «This is a true story» (cette histoire est vraie). Vers la fin du film, Peter Stormare balance son acolyte Steve Buscemi dans un broyeur de bois. Dans la réalité, la victime est une femme, Herre Crafts. Cette hôtesse de l’air habitant le Connecticut disparaît des écrans radars en 1986. Son mari, Richard Crafts, un pilote de ligne, raconte à ses amis plusieurs versions : elle l’a quitté, elle rend visite à sa famille au Danemark, elle est aux Canaries avec une amie. La police, informée de l’affaire, s’intéresse aux relevés bancaires de Richard. Et découvre la trace de l’achat d’un congélateur, de nouveaux draps et couvertures, ainsi que la location d’une déchiqueteuse à bois. Un détective privé trouvera quant à lui le reçu d’une tronçonneuse. Tout devient limpide grâce au témoignage d’un routier qui affirme avoir vu Richard utilisant la déchiqueteuse près d’un lac. Si le corps – ou ce qu’il en restait – n’a jamais été retrouvé, la tronçonneuse l’a été, couverte du sang d’Herre. Résultat, 50 ans de taule pour le mari bricoleur. Conclusion, une solution onéreuse (900$ la location tout de même, sans compter les frais annexes) mais efficace, si on pense à nettoyer ses outils. A la broyeuse, façon Fargo 16 | LE Comptoir
ma femme c s e L
Société Charles Alf LAFON
s n o h oc
Le chien est le meilleur ami de l’homme. Mais pour manger de la chair humaine, rien de tel qu’un cochon. Si l’on en croit le gangster « Tête-de-Brique » dans le film Snatch de Guy Ritchie, « ils dévorent les os comme du beurre. Il vous faut au moins 16 porcs pour finir le travail en une seule fois. {…} Ces bestiaux sont capables de venir à bout d’un cadavre de 100kg en moins de 8 minutes, ce qui veut dire qu’un porc peut engloutir, en moyenne, un kilo de viande toute les minutes. D’où l’expression se goinfrer comme un porc ». Un agriculteur allemand a utilisé cette technique pour continuer à toucher la pension de retraite de son voisin, qu’il avait retrouvé inanimé. Une alternative verte et écologique qui pourrait séduire ceux qui ont peur d’utiliser des produits toxiques. Hélas, on ne trouve pas vraiment de meute de cochons en ville et il faut raser les victimes, nos amis porcins ne digérant pas les cheveux. Tout est bon pour le cochon
lE B e
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Question disparation, la Mafia en connaît en rayon. Selon Hollywood, ses membres ont pour habitude de fabriquer de très saillantes « chaussures en ciment » pour leurs ennemis avant de les balancer à l’eau. On en trouve trace dans le premier volet du Parrain lorsqu’on apprend que « Luca Brasi dort avec les poissons. » Dans les faits, les Familles n’utiliseraient quasiment jamais cette technique à cause de la possibilité de draguer les cours d’eau ; et donc de retrouver les corps. Pourtant, il semble que le béton ait été utilisé pour Jimmy Hoffa. Ce célèbre syndicaliste américain, connu pour ses liens présumés avec l’organisation criminelle, est introuvable depuis 1975 et a été déclaré mort sept ans plus tard. Pendant longtemps, une thèse prédominait. Richard Kalinski, un homme de main à la solde de ses « amis », l’aurait poignardé, brûlé pendant « une demi-heure environ » dans un bidon avant de l’enterrer. Lorsque la police a commencé à s’intéresser à l’affaire, il aurait déterré ledit bidon pour le placer dans le coffre d’une voiture destinée à être compressée dans une casse. Les morceaux auraient ensuite pris la direction du Japon pour y être vendus. Mais selon The Weasel: A Double Life in the Mob du journaliste Adrian Humphreys, un livre publié cette année, le corps d’Hoffa serait coulé dans un mur du siège social de General Motors à Chicago, en construction à l’époque. Classe, à condition de choisir un bâtiment assez important pour ne pas être détruit trop facilement. Chaussures de plongée
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Accro aux jeux et au sexe
Société
Lucie ALEGRE
Victoire pour Didier Jambart contre le laboratoire GSK. Le géant pharmaceutique, accusé de commercialiser un médicament défectueux et d’en cacher les effets secondaires, devra verser une indemnité au Nantais.
Didier Jambart, conseiller municipal traité pour la maladie de Parkinson avec le médicament Requip, a vu sa vie basculer à cause d’effets secondaires dévastateurs. Entièrement satisfait au début du traitement, il devient vite accro aux jeux d’argent et peine à refouler ses pulsions sexuelles. Le cauchemar commence lorsqu’il découvre le PMU. Il se met à dépenser près de 10 000 euros par mois en jeux d’argent. Afin de couvrir ses dépenses, il vole les cartes de crédits de ses amis. Sa libido également décuplée, il s’exhibe sur internet, se travestit et va jusqu’à se faire violer. Entre 2003 et 2006, son neurologue ne cesse d’augmenter les doses du traitement. Les addictions deviennent alors de plus en plus fortes. Sa vie devenue un réel enfer, il décide d’arrêter le traitement commencé plusieurs années auparavant. Les addictions diminuent naturellement jusqu’à disparaître complètement. Cependant, les troubles ont 18 | LE Comptoir
Didier Jambart accompagné de sa femme, sort soulagé après la décision de la cour d'appel de Rennes.
provoqué un gros traumatisme psychologique. Le traitement interrompu, Didier Jambart fait 8 tentatives de suicides et séjourne à deux reprises en hôpital psychiatrique. Ces effets secondaires n’étaient pas mentionnés sur la notice. Depuis le jugement en mars 2011, ils le sont. Il est maintenant indiqué dans la rubrique « effets secondaires » : « attirance compulsive pour les jeux d’argent, augmentation du comportement impulsif et/ou des pulsions sexuelles ». Des médicaments dangereux
Début octobre 2012, l’avocat du laboratoire, Jacques-Antoine Robert, réclame une expertise judiciaire contradictoire. Estimant que le dossier comporte des incohérences majeures, il remet en doute les addictions diagnostiquées chez Didier Jambart. Il évoque, selon l’AFP, une « possible maladie bipolaire ». Cependant, des
© AFP
L
a cour d’appel de Rennes a rendu son verdict dans le procès qui opposait Didier Jambart au géant pharmaceutique GSK (GlaxoSmithKline). Ce dernier devra verser 197 500 euros au plaignant.
certificats médicaux démontrent que Didier Jambart a bel et bien été dépendant. Ce nouveau procès renvoie à tous ces médicaments qui se révèlent néfastes sur la durée. Après l’affaire du Médiator, ce nouveau scandale vient écorner l’image déjà peu glorieuse des laboratoires pharmaceutiques. Addictions en tout genre ou insuffisance cardiaque, tous les médicaments ont des effets secondaires plus ou moins importants. Mais, le plus souvent, tous les effets secondaires ne sont pas mentionnés sur la notice. Entre rumeurs et réalité, les combats entre particuliers et gros laboratoires sont de plus en plus fréquents. Après sa première comparution en mars 2011, le laboratoire GSK devait verser 117 100 euros à Didier Jambart, en réparation du préjudice qu’il a subi. Une somme dérisoire face au préjudice subi par Didier Jambart.
Le seigneur du métro Arthur SCHERER
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n cette fin d'année, pas de Disney attendu, ni de super-héros masqué Marvel prêt à exploser le Box-Office mondial. La vraie star cinématographique de 2012 porte bien une cape mais ne mesure qu'1 mètre 20. Il s'agit bien évidemment de The Hobbit, la suite de la trilogie Le seigneur des anneaux, sur les écrans français le 12 décembre prochain. Un prequel plutôt, puisque le film retourne aux origines de cet anneau unique créé par Tolkien et sublimé au début du siècle par le cinéaste néo-zélandais Peter Jackson. A film exceptionnel, promo exceptionnelle. La RATP en partenariat avec la Warner, a donc investi toute la semaine une grande partie de la station de RER parisienne Auber, redécorée pour l'occasion aux couleurs du film. Le tout à grand renfort de promo dans les quotidiens gratuits et sur les murs des tunnels souterrains. « Cet événement est unique en France, voire peut-être dans le monde », explique Miguel Pancorbo, régisseur du dispositif animation de la RATP, qui oublie peut-être qu’en Nouvelle-Zélande ils ont quand même floqué un Boeing 777 à l'effigie du film.
Culture
A l’occasion de la sortie prochaine du film The Hobbit, la station de RER Auber s’est parée aux couleurs de la Comté, univers imaginaire du Seigneur des anneaux, ameutant les fans et les curieux.
Hobbit ont été construites, fidèles à l'esprit et aux dimensions du film, c'est-àdire verdoyantes et à hauteur de torse. « Tout le décor a été financé par la Warner », précise le régisseur pas peu fier de la maison de poupées souterraine. A cette flore luxuriante et ces petites constructions en bois s'ajoutent des animations gratuites. Il est possible de se faire prendre en photo devant la cahute du bon Bilbon ou d’obtenir sa caricature façon Hobbit. Au photocall, on a du mal à distinguer Didier des Gandalf et Bilbon en carton, tant il semble tout droit sorti de la Comté avec sa grande barbe noire et sa mine radieuse. « Avec mon look, je fais un peu Hobbit », avoue le quinquagénaire, grand enfant un peu geek assumé. « Je suis un gros fan de science-fiction, le côté imagi-
natif et féerique du film est bien représenté ici », se réjouit Didier, qui compte revenir dans la semaine avec des amis. « Ça fait oublier ses soucis ». Du côté des cinq écrans et consoles de jeux installés dans un coin de la station, trois potes sont en pleine discussion : « J'ai lu trois fois le livre, ça fait six ans que j'attends ce film », explique Léo, jeune lycéen, longtemps frustré par les retards successifs du long-métrage. « On imaginait tout ça un peu plus grand, mais ça reste bluffant », avoue Armand, qui raille les décors un peu vides de l’animation. Les Hobbits en herbe ont donc jusqu'à vendredi pour venir visiter cette drôle de terre, perdu au milieu des couloirs souterrains et des annonces RATP. De quoi patienter en attendant son RER en retard.
Cabanes, Hobbits et Didier
L'accueil de la Comté artificielle se fait par une immense carte de la Terre du Milieu au sol, ringardisant le plan des métros parisiens. Quelques cabanes de
© Arthur SCHERER
Un public éclectique est attendu, allant des « simples curieux aux fans de la saga âgés de 15 à 45 ans » explique Miguel Pancorbo. Pour Virginie Doro, responsable du marketing de la RATP, la station Auber a été l'heureuse élue car « il existe déjà une zone d'animation commerciale ». Puis, avec ses « 80 000 entrants par jour », le choix a été vite fait.
Didier, au Photocall de la station Auber, se prend pour un Hobbit LE Comptoir
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Culture
Thomas CIRET
Du cinéma de basse intensité
Aujourd'hui sort Piazza Fontana, la dernière œuvre du réalisateur italien Marco Tullio Giordana. Le film relate l'histoire de l'attentat éponyme qui a secoué l'Italie à la fin des années 60 et pour lequel aucun coupable n'a été désigné.
L
e 12 décembre 1969, une bombe explose Piazza Fontana, à Milan. 16 morts, le bilan est lourd. L’enquête est menée par le commissaire Calabresi qui s’oriente vers l’extrême gauche et l’extrême droite. Mais les responsables pourraient bien se trouver au sein des plus hautes sphères de l'Etat. Problème : plombé par les faits, le film ne prend pas. En vingt minutes, le spectateur est déjà perdu. Trop de noms, de lieux, de faits. Le film est exigeant, très précis historiquement, trop même. Pour essayer d'y voir plus clair, Giordana a jugé judicieux de découper son film en plusieurs « actes » indiqués par des titres. Malheureusement, en plus d'être inégaux, ils sont mal définis. Quant à la photographie, assez classique, elle est trop lumineuse et manque de contrastes. Heureusement, le
réalisateur se rattrape lorsqu'il filme certaines zones d'ombres de l'affaire. Le poids de l'histoire Reste qu'il est bien là, le problème du film de Giordana : l'Histoire. Trop détaillée, trop complexe, elle pèse sur tout. Et notamment sur les personnages qui, à l'exception de l'anarchiste Pinelli (joué par l'excellent Pierfrancesco Favino), ne dégagent pas d'émotion. Autre problème, la musique. Mal utilisée, elle gâche la narration lorsque ses violons stridents jouent pendant les scènes de drames liés à l’attentat. Alors bien sûr, le simplisme n'est pas de rigueur lorsque l'on évoque l’attentat qui a amorcé des années noires pour l’Italie. Mais Giordana, qui a vu bien trop grand, se prend les pieds dedans.
Une sélection qui sent Noël
Oh Oh Oh ! C’est bientôt Noël, et si vous ne l’avez pas déjà remarqué dans vos supermarchés, ce sera désormais bien visible sur les affiches ciné.
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ette semaine, voyage au pays des rêves enfantins. Les studios Dreamworks, à l’instar de Sylverster Stallone dans Expendables, réunissent une équipe de choc où les gros bras sont remplacés par des pouvoirs féeriques. Dans Les cinq légendes, pas de Bruce Willis ou autres Schwartzenegger. La Fée des dents (l’équivalent américain de notre petite souris européenne), le Marchand de sable, le Lapin de Pâques et bien évidemment le bon vieux Père Noël s’associent à l’adolescent Jack Frost pour
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enrayer les plans du vilain Croque-Mitaine. Et le tout en 3D. Enfin un film avec l’homme en rouge en tête d’affiche. CocaCola se frotte les mains. Puisque Noël fait la part belle à l’animation, les bambins auront doublement l’occasion de rêver cette semaine. Et cette fois-ci, ce sont les spécialistes du 24 décembre qui s’occupent d’endormir les mômes. La Finlande, associée au Danemark, l’Allemagne et la Grande-Bretagne racontent l’histoire de Niko le petit Renne, jeune cervidé qui va chercher à rejoindre son père, membre de la brigade du Père Noël.
Loin de l’esprit de Noël et de ses joujoux par milliers, le cinéma français accueille cette semaine un OVNI. Populaire, premier film de Régis Roinsard, nous renvoie à l’époque où être secrétaire était cool. Rose (Déborah François) fuit sa Normandie et est embauchée par Louis (Romain Duris), patron d’un cabinet d’assurances. Ce dernier découvre les dons de vitesse dactylographique de sa secrétaire et décide de l’inscrire à des concours de célérité. Assurément la belle surprise hexagonale de l’année, et un favori certain pour les Césars 2013.
La claque de Larry
Culture
« Fuck Hollywood ! ». Larry Clark frappe un grand coup avec « Marfa Girl ». Son huitième film ne sera pas projeté dans les salles de cinéma. Acte militant ou nouvelle tentative d’attirer l’attention ?
« Si tout le monde regarde les films sur son ordinateur, télécharge des séries télé, ne jure que par Youtube ; si tous les jeunes passent leur temps devant leurs ordinateurs (…) alors allez directement à eux !
Proposez leur les films en ligne ». On l’aura compris, Larry Clark ne fait jamais les choses à moitié. Provocant, choquant, avant-gardiste mais jamais dénué de sens, il déclare à qui veut l’entendre que « c’est le propre de l’art d’aller trop loin ». Le film Ken Park, interdit aux moins de 18 ans et sorti en 2002, montrait des scènes pornographiques non simulées, entre de très jeunes adultes, pour ne pas dire adolescents. Sans surprise il y a deux ans, la Mairie de Paris avait interdit l’exposition Kiss the past hello teintée de sexe, drogue et alcool, aux moins de 18 ans. Une diffusion, exclusivement destinée aux « petits écrans », continu d’inscrire Larry Clark dans la lignée de la provocation. « Bientôt il n’y aura plus que des salles qui montrent des blockbusters (…) il n’y a rien d’autre à faire que mettre ses films en ligne. Allez sur larryclark.com et achetez mon film » a encouragé ce dernier. Une révolution culturelle en marche ?
Larry Clark victorieux lors du Festival International du film de Rome
D.R.
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arry Clark prive les salles de cinéma de son dernier film. Marfa Girl est visible seulement sur son site web, au prix de 5,99 dollars (4,50 euros), pour une durée de 24 heures. « Je n’ai jamais touché un sou pour mes films. Je les fais, et ensuite on ne me paye strictement rien » déclarait-il lors d’une conférence de presse. Très attendu lors du Festival International du Film de Rome, il a remporté le Marc-Aurèle d’or. Le jury s’est laissé séduire au cours de l’unique projection publique, mais a surtout apprécié la stratégie de diffusion « effrontée ». De quoi faire rager les producteurs et distributeurs hollywoodiens, que le cinéaste qualifie sans complexe « d’escrocs ».
Julie LACOURT
Les papilles de la rédaction
Aujourd’hui, le froid et la pluie sont à l’honneur. Pour éviter de noyer son chagrin dans des litrons de thé, les restaurants de notre sélection sauront vous réchauffer... Chez Casimir 6, rue de Belzunce, 75010 Paris
Le Bar à Soupes 33, rue de la Charonne, 75011 Paris
Aux Petits Oignons 11, rue Dupont-de-l’Eure, 75020 Paris
La carte se compose de plats « comme à la maison ». Volaille de Bresse aux petits légumes, brandade de cabillaud et mesclun ou encore civet du chasseur et pommes grenailles. Vous salivez ? La carte des desserts vous fera chavirer avec un far breton maison parfait ou encore la panna cotta au gingembre et nèfles au sirop…La carte des vins est impeccable sans creuser l’addition. Menus 24 euros (midi) et 32 euros (soir).
Anne-Catherine Bley, maman et propriétaire, a été la première à comprendre les pulsions régressives qui sommeillent en chacun de nous. Elle a donc eu envie de conceptualiser la soupe, avec des saveurs rassurantes mais délicates : un mélange délicieux de poireaux, lait de coco, curry, courgettes et citron confit ou la fameuse soupe de petits pois à la menthe. Tous les produits sont frais et attentivement choisis. Un sans faute. Soupes de 5 à 6 euros.
Un bistrot de quartier décontracté et parfumé des effluves sortants de la cuisine. Le patron lui-même aime dire que, chez lui, c’est sans « chichi ». Pourquoi ne pas commencer par un œuf cocotte au gorgonzola, puis continuer sur un bar farci avec épinards et ricotta… Vous avez encore faim ? Les bruits de couloir laissent entendre que le fondant au chocolat « déchire ». Formules de 13,50 à 15 euros (midi). Carte de 25 à 40 euros. LE Comptoir
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La revanche de Stravius Sport
Hugo DERRIENNIC
Une fois de plus, Laure Manaudou a servi de locomotive à la délégation française pour ces championnats d’Europe en petit bassin. Sacrée championne olympique sur 400m aux JO d’Athènes en 2004, l’ancienne disciple de Philippe Lucas a remporté trois médailles, dont une en or sur 50m dos. Elle s’offre ainsi son premier titre international depuis quatre ans. Elle a offert un beau moment d’émotion au public de Chartres en chantant la Marseillaise sur le podium avec sa fille dans les bras. L’occasion parfaite pour ranger son maillot de bain et tirer sa révérence après un nouvel exploit. C’est en tout cas l’avis de son entraîneur, Romain Barnier, qui déclarait à France Inter qu’il « reste 1% de chance qu’elle continue ». Mais Laure est une compétitrice et ses récentes performances ont quelque peu modifié ses intentions. « J’avais prévu de prendre ma décision après ces championnats d’Europe. Finalement, je me laisse un délai de réflexion jusqu’aux vacances de Noël », a décidé Manaudou. L’aventure de la plus grande championne de la natation française n’est donc peut-être pas terminée. 22 | LE Comptoir
Jérémy Stravius après sa victoire sur 100m dos et son record de France
D.R.
Clap de fin pour Manaudou ?
Jérémy Stravius, avec six médailles, a été le poisson-pilote de l’équipe de France lors des championnats d’Europe en petit bassin. Une résurrection après sa non-participation aux JO de Londres en individuel.
J
érémy Stravius est un véritable revenant. L’amiénois a été l’un des grands artisans de la réussite des nageurs français lors des championnats d’Europe en petit bassin, qui se tenaient à Chartres la semaine dernière. Il repart de cette compétition avec le titre honorifique d’athlète le plus titré de ces championnats. En effet, Stravius a glané six médailles, dont cinq en or sur 50m dos, 100m dos, 4x50m nage libre messieurs, 4X50m 4 nages messieurs, 4X50m 4 nages mixte. Fort de sa technique incroyable et de coulées dignes de celles de Michael Phelps, le Français est revenu à un niveau qui lui avait permis de devenir champion du monde sur 100m dos en 2011. «J’ai fait six courses pour six médailles. Je ne pouvais pas rêver grand chose de mieux », confiait-il à nos confrères du journal L’Equipe. Les performances du dossiste ne constituent pas une réelle surprise. Mais sa moisson de médailles sonne comme une renaissance. Revenons neuf mois en arrière. Stravius se « noie » dans le bassin des championnats de France de Dun-
kerque en mars et ne parvient pas à se qualifier pour les Jeux Olympiques de Londres sur 100m dos. Pourtant auréolé du titre de champion du monde sur la distance, il est victime de critères de sélection drastiques et laisse sa place à Camille Lacourt et Benjamin Stasiulis. « C’est de ma faute », déplorait-t-il au micro de RTL au terme d’une course ratée dont il prend la troisième place. « Je n’ai pas été capable de faire ce que je savais faire. Je suis vraiment déçu. » Non retenu en individuel, il doit se contenter des relais 4X100m et 4X200m nage libre et ne participe qu’aux séries. Il assiste donc en quasi spectateur à la razzia des nageurs français qui décrochent sept breloques dans la piscine londonienne. Marqué par cet échec, Stravius se remobilise dans le centre d’entraînement d’Amiens avec l’aide de son mentor, Michel Chrétien. C’est dans cette structure familiale, où il évolue depuis 2008, qu’il lance son programme de reconquête. Jusqu’à cette fin de saison en apothéose dans le bassin de Chartres.
Drapeau rouge pour le « Baron »
Sport Jérémy BLAIS
Après 19 saisons au volant d’une Formule 1, Michael Schumacher a décidé de tirer sa révérence. L’Allemand, septuple champion du monde, a marqué ce sport de son empreinte malgré une fin de carrière ratée.
Etait-ce la bonne route à prendre ? Pas sûr quand on voit ses médiocres résultats. Son premier manager, Willi Weber, s’est d’ailleurs exprimé sur le sujet dans le magazine Auto Motor und Sport, « Michael n’a plus rien à prouver en Formule 1. Il est maintenant temps pour lui de laisser la place aux jeunes ». Mais pourquoi un tel retour ? On connaît la passion de « Schumi » pour la F1. Le manque d’adrénaline l’a incité à retourner dans les paddocks. Certains ont évoqué l’intérêt financier mais avec 625 millions d’euros gagnés en dix-neuf saisons, le second sportif le mieux payé de l’histoire avait largement de quoi s’assurer une retraite paisible. À son retour, le monde de la F1 s’était totalement métamorphosé. Un règlement restrictif, une forte concurrence et trois années loin des circuits, l’Allemand a perdu de sa superbe. Au point de
© Mark McARDLE
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07 Grands Prix, 155 podiums et 91 victoires. Malgré un palmarès hors norme, c’est dans un anonymat presque total que Michael Schumacher a mis fin à sa carrière ce dimanche au Brésil. Revenu après une période de trois années sabbatiques, de 2007 à 2009, le septuple champion du monde de Formule 1 a tenté un retour en signant pour trois saisons chez Mercedes. Comeback raté. Au volant de sa monoplace grise, l’Allemand n’est monté sur le podium qu’à une seule reprise, une troisième place au Grand Prix d’Europe à Valence en 2012.
Michael Schumacher en 2011
jouer les seconds rôles dans le championnat. Ses 41 ans n’ont pas arrangé les choses. L’expérience du champion n’a pas pu combler la perte des reflexes due à l’âge. « Schumi » tête brulée Malgré cette réapparition manquée, le « Baron rouge », surnom tiré de ses années passées au sein de la Scuderia Ferrari, reste une légende. Son caractère bien trempé est resté inégalable. Souvent à la limite sur le circuit, l’Allemand n’a pas toujours fait l’unanimité. Non-respect des pénalités, conduite agressive ; les règles et le fair-play n’étaient pas sa priorité. Il tenta par deux fois des coups bas sur ses rivaux pour s’adjuger les titres en 1994 et 1997. Le dernier n’a pas fonctionné et sa voiture a fini dans le bac à sable. D’autres passes d’armes sont restées mémorables notamment avec son grand rival lorsqu’il était chez Ferrari, Mika Hakkinen. L’Allemand avait fière allure et sa conduite possédait un côté magique.
Malgré son agressivité apparente, le « Baron rouge » montrera aussi une autre facette de sa personnalité. Celle d’un homme touché par la mort de son rival. En 1994 à Imola, il est aux prises avec Ayrton Senna avant que celui-ci ne perde le contrôle de sa monoplace. Le pilote Williams se tue juste devant ses yeux. Six ans plus tard, à Monza, il a fondu en larmes le jour de sa 41e victoire, égalant ainsi le Brésilien. Il y a probablement repensé à Silverstone en 1999 lorsque sa Ferrari a tiré tout droit avant de finir à presque 300 km/h dans la barrière de sécurité. La voiture est broyée en deux. Survivant miraculé, le pilote de la Scuderia s’en sortira avec une jambe cassée. Après avoir mis un terme à sa carrière à 43 ans, il fait déjà l’objet de nombreuses sollicitations. Pilote de développement chez Pirelli, manageur chez Mercedes… L’Allemand doit laisser place à la relève brillamment incarnée par son compatriote Sebastian Vettel. LE Comptoir
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Des sourires et des hommes
Rencontre
Un artiste d'un nouveau genre traque la mauvaise humeur dans les transports franciliens. Son nom de scène : Le Contrôleur du Bonheur. Mais qui se cache derrière la casquette ? Portrait d'un fonctionnaire du sourire.
I
« Vous inquiétez pas, c'est succinct, et vous me remercierez après ». Accompagné de son fidèle haut-parleur, qu'il appelle son « gueulophone », le contrôleur du bonheur vient de scander la première ligne de son speech bien huilé. « Je suis obligé de mettre les gens à l’aise en premier lieu parce que quand ils me voient débarquer avec mon gueulophone, ils râlent », expliquera-t-il. Si le stratagème n'est pas toujours efficace, il a au moins le mérite d'annoncer la couleur : Emmanuel n'est pas là pour s'apitoyer sur son sort contre quelques deniers. Cas de « bougonnerie »
« A mon retour de New-York, il y a trois ans et demi, j'ai eu l'impression d'atterrir dans un pays inconnu : les gens faisaient la tête, ils étaient éteints », raconte notre autodidacte de « 40 ans et des poussières ». « De là m'est venue l'idée du contrôleur du bonheur. » A l'époque, Emmanuel travaillait dans le journalisme. Mais, avoue-t-il, son insolence lui a fermé des portes. Artiste dans l'âme, c'est tout naturellement qu'il s'est orienté vers le spectacle de rue. Les premières tentatives en tant que contrôleur du bonheur sont difficiles : les 24 | L’LEInternational Comptoir
Le contrôleur du bonheur et son «gueulophone»
sketchs ne sont pas rodés, les passagers/spectateurs s'avèrent peu réactifs. Puis Emmanuel prend peu à peu ses marques. « J'étais comme le sculpteur sur son bloc de granit : mon œuvre, je l'ai formée lentement. » Aujourd'hui, l'artiste se sert des sujets qui le fâchent pour interagir avec les passagers : le manque de galanterie, la mauvaise humeur, l'incivilité... « Au début de mon intervention, je demande aux hommes assis de laisser leur place aux femmes debout. S'ils acceptent, je demande à l'assistance de les applaudir, ceux qui refusent se font huer. » Puis vient le contrôle à proprement parler : la sentence est implacable pour celui qui n'a pas son sourire sur lui. « Nous avons ici un cas de bougonnerie », tonne le contrôleur, de son accent gouailleur. Et le public de huer à qui mieux mieux. « Ce qui me motive, c'est de recevoir les remerciements des passagers, le sourire aux lèvres », confie Emmanuel, avant d'ajouter : « Je fais pas ça pour l'argent ». Car contrôleur du bonheur, ça ne paie pas.
D.R.
l est 9h du matin, station Bourg-laReine du RER B. Emmanuel, casquette vissée sur la tête, godillots élimés et sourire de circonstance, s'apprête à prendre du service. Dans le monde du spectacle de rue, on l'appelle « le contrôleur du bonheur ». Et pour cause : ce matin, comme chaque matin, Emmanuel va s'évertuer à offrir un peu de joie de vivre aux passagers du réseau francilien.
Dans les pires journées, Emmanuel récolte moins de 50€ pour dix heures de travail, tout juste de quoi faire vivre sa femme, qui ne travaille pas. Pourtant, le fonctionnaire du sourire n'abandonnerait son poste pour rien au monde. « Aujourd'hui, « contrôleur du bonheur » est une marque déposée, brevetée, déclare-t-il. On en a fait des tee-shirts, des badges, etc... » D'ailleurs Emmanuel a d'autres ambitions pour son personnage. Il travaille sur un one-man-show qui, ditil, « se situerait entre le travail d'un humoriste stand-up et celui d'un conteur ». Aux dernières nouvelles, Bruno Solo serait sur le coup.
Mathieu CARLIER