Asphalte iscpa lyon

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N O Y L U ADIE UCHONS

VERS UN DIVORCE

EST/OUEST

BO ET SES

ATTENTION DÉCLASSEMENT EN ROUTE PAGE

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REDACTION

EDITO Directrice de la publication : Isabelle Dumas Directeur de la rédaction : Alexandre Buisine Rédacteur en chef : Rémi Métral Rédacteur en chef adjoint : Hugo Harnois Journalistes : Loris Martin, Léa Dusson, Clémentine Emonoz, Auriane Guiot, Sara Chalbos, Zacharia Gunet, Hugo Harnois, Rémi Métral, Florine Bouvard, Alexandra Duchaine, Alexandra Pacrot Secrétaire de rédaction : Alexandra Pacrot PAGE

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EDITION

TO

Le déclassement sera une transition

F

ruit d’une époque où l’on a tout fait pour adapter la ville à l’automobile, la traversée de Lyon sans un feu, si chère à Pradel, est aujourd’hui en passe de disparaître. S’il ne fait aucun doute que la quasi-totalité de la population lyonnaise est favorable à la reconversion de la portion A6/A7 qui s’étend du nord au sud de la ville, de Limonest à Pierre Bénite, les solutions mises en œuvre face au déclassement ne feront pas que des heureux. Elles sont d’ailleurs amenées à créer les mêmes mécontentements que ceux d’aujourd’hui quant à la voirie qui traverse la ville. Pourquoi ? Parce que l’expansion démographique de la région lyonnaise est incessante, particulièrement à l’Est. Ce qui nous apparaît aujourd’hui comme un « grand contournement » sera probablement une énième scarification urbaine demain pour les habitants de l’est lyonnais. A Lyon, certains auraient rêvé d’un centre-ville débarrassé des voitures, d’une Presqu’île où ne circulent plus que bus, métros, vélos et piétons. Les mentalités sont-elles aujourd’hui en phase avec une perspective aussi radicale ? Rien n’est moins sûr. Pourtant la dynamique de ces dernières années tend à limiter de plus en plus la présence de l’automobile en ville (le réaménagement des berges du Rhône et de la rue Garibaldi en témoignent) même si le modèle urbain lyonnais est encore loin de celui d’autres grandes agglomérations telles Amsterdam ou Bruxelles. Que les Lyonnais se rassurent : avec une échéance électorale en 2020, Gérard Collomb souhaite à la fois se revendiquer du déclassement de l’autoroute sans pour autant les braquer et empêtrer la population dans des travaux en pleine campagne municipale. Le temps joue de toute manière en sa faveur. Les délais de réalisation des études de voirie sont suffisamment longs pour que rien de significatif ne soit entrepris avant 2020. Reste que le déclassement ne se verra que si l’on réalise des aménagements conséquents en termes de voirie. Cela signifie aussi des dépenses lourdes, même pour la deuxième agglomération de France. Si l’Etat prendra en charge le contournement autoroutier à l’est, l’ensemble des investissements liés au déclassement seront pour la Métropole. Celles et ceux qui espèrent assister à la naissance d’un Lyon débarrassé des automobiles seront déçus. Ce n’est ni le but, ni la réalité du déclassement. Les déplacements au sein de l’agglomération lyonnaise sont encore bien trop dépendants de la voiture et les politiques bien trop frileux pour s’engager aujourd’hui sur cette voie. Néanmoins, il n’est pas absurde d’envisager le déclassement comme une période de transition qui marque la fin de l’ère du « tout automobile ». La preuve en est, les réseaux de transports en commun et les zones cyclables sont partie intégrante du débat autour du déclassement. Chose inconcevable il y a 25 ans.

Photographe : Auriane Guiot Maquette & illustrations : Sarah Jobert est un magazine gratuit édité par les éditions ISCPA Lyon. Siège Social : 47 Rue Sergent Michel Berthet- 69009 Lyon - France. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations parus dans nécessite l'accord de la rédaction. Photo de couverture : le visage actuel de l'autoroute A6/A7 en direction du Sud © Auriane Guiot & Sarah Jobert PAGE

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Remi Metral


SOMMAIRE

Métropole

NAIS

N T LYO S E U O

Est L yon IÈRE

V FOUR

nais

CEntre-Ville

PERRACHE CONFLUENCE

© Sarah Jobert

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Est/ouest PERRACHE CONFLUENCE Métropole

CEntre-Ville L'ABC du déclassement L'Anneau des Sciences Dans les bouchons FOURVI ÈRE ACHE PERR Stuttgart VS Lyon

CONFLUENCE Est/ouest

La ruée vers l'Est CEntre-Ville

p 8 à 10 p 11 p 12 p 13

p 14 à 18

Métropole FOURVIÈRE ACHE PERR L'histoire d'une "grande gueule" LUEN CONF Dans les coulisses du posteCE de contrôle Est/ouest

p 20 p 21

CEntre-Ville Métropole

Lyon avant la route Le tourisme È impacté FOURVI RE ? Les routes de demain

p 22 à 24 p 25 p 26

Est/ouest PERRACHE

CONFLUENCE

Le 2e revitalisé Métropole Les écolos s'en mêlent CEntre-Ville -5-

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FOURVIÈRE

p 28 à 29 p 30 à 31


EN BREF

30 A L'HEURE !

L’ évaporation du trafic lyonnais. C’est ce raisonnement que suit ce déclassement : réduire le trafic en partant du principe qu’une partie va disparaître sans se reporter sur d’autres voies.

PERRACHE ET SAINTE-BLANDINE Perrache et Sainte-Blandine sont devenus les « nouveaux spots » où investir, notamment dans les petites surfaces. 23 % des biens en vente sont des appartements T1 ou T2 de moins de 40 m². Des surfaces recherchées par les étudiants qui souhaitent s’installer à proximité de leur lieu de vie scolaire et des transports en commun.

RIEN N'ARRÊTAIT LOUIS PRADEL... Dans les années 1960, le maire de Lyon souhaite raser une partie du Vieux-Lyon afin de créer une bretelle d’autoroute et faire passer les voitures en plein centre-ville. Qu’importe, la zone qu’il veut détruire près de la cathédrale Saint Jean est insalubre. Mais certains habitants contre ce projet ont le nez fin et s’associent à des groupes comme « La Jeune Chambre Économique ». Résultat, le ministre de la Culture André Malraux fait du Vieux Lyon le premier « secteur sauvegardé » de France en 1964. Et trente-quatre ans plust tard, le quartier fait son entrée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

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EN BREF

250 000 EUROS ont été investis par la Métropole dans le but de financer les études de voirie relatives au projet de contournement.

81 !

C’es t déci le nom b bels l’axe ress re de e A heu 6/A7 ntis sur res d d e po urant le inte s .

LA COMMUNE DE DARDILLY

SU nsolite d’un bre S O L E em ei ES V e le 6 nov ’imag

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n’était « pas en mesure d’émettre le moindre avis sur le déclassement ». Ils sont pour le moment « davantage inquiets sur le dossier A89/A6 qui est une parfaite hérésie ». Un autre dossier bouillant en cours qui concerne également Limonest.

ntr e2 re l ait êt rganisée l acture, co a devrait v e d Cela station o iation Fr 6/A7. « C ue s’il c q A fe mani r par l’asso utoroute nous a dit abilité s ’a l e e n i r e o n sp td ctu der emen is la préfe serait la re bre de s s a l c a la dé mem une vélo m me ce e un être à un problè », expliqu c de faire oins fun, n s it y ava anisateur igation do . Un peu m même l g e d r b des o isation. O t en voitur ont quan t o e n l’orga ion escarg s à ce proj ix. t o t opéra s opposan dre leur v n e l e t mais re en i à fai réuss

ire ma u d éa nn gran on o d e s t s, ,l que radel 960. A ction le i r P u 1 ob ru le s Louis nées cont grès o à l n i e , n a Vo yon des nes d s Co L de isseur dizai ais de ieu. l â b t f : des le pa art D i e t ac es qu e la P d tell rtier a u q

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ESTIMÉ A 3 MILLIARD D'EUROS... Le déclassement de l’A6/A7 pose le problème d’un contournement sous forme de nouvel axe autoroutier qui serait une « catastrophe écologique » selon Pierre Hémon, élu EELV de Lyon. « La priorité est d’aménager ce boulevard qui va naître, en proposant des infrastructures adéquates en favorisant les déplacements en transports en commun et à vélo ».

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Le déclasseme

METROPOLE

Villefranche-sur-Saône A6

Anse

A46

A432

A6 A42

Dardilly

Partie enterrée de de l’anneau des sciences

Contournement ouest à construire

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Lyon

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Actuelle autoroute A6/A7 et projets de nouvelles autoroutes de contournement se confondent Autoroutes A6/A7 actuelles Contournement de Lyon sur des routes déjà existantes Contournement de Lyon : projets de routes à construire (soit à l'ouest, soit à l'est) Projet d'autoroute A45

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ment, kézaco ?

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METROPOLE

Le déclassement des voies autoroutières A6/A7 qui traversent Lyon est lancé. Les débats autour de la construction du projet ont commencé. Les idées principales : un boulevard urbain à la place de l'autoroute en ville, ainsi qu'un grand contournement. Ces changements ne sont toutefois pas pour tout de suite. Le déclassement : pourquoi aujourd'hui ?

l faut alléger le trafic automobile à Lyon. Voilà la principale raison pour laquelle le déclassement a été voté. Et pour concrétiser cela, les idées fusent : mettre en place un grand boulevard avec certes, une voie routière, mais aussi des voies de bus, des trottoirs plus larges et des pistes cyclables, par exemple (cf p.30). Tout ceci, avec des feux rouges et des passages à niveau, permettrait de rendre l'air plus respirable et de mieux réguler la circulation. Des voies moins rapides et plus compliquées à emprunter pour les automobilistes devraient diminuer le nombre de voitures en circulation. Certains membres de la Métropole, notamment chez Europe Écologie les Verts, comme Pierre Hemon qui préside le groupe EELV au Grand Lyon, poussent le raisonnement jusqu'à vouloir complètement bannir les voitures de certaines zones de la ville. Plus précisément, de la Presqu’île. « Une ville sans voitures est un rêve d'écologiste » commente Yves Crozet, membre du LAET, le Laboratoire Aménagement Économie des transports, « la voiture est dominante et peut le rester longtemps ». Au programme pour remplacer l'A6/A7, il y a le grand contournement. Celui-ci a toutes les chances de passer du côté est de la ville. Le problème : convaincre les automobilistes de le prendre, plutôt que de passer par le périphérique, ou encore, de tenter de traverser la ville. D'où la volonté de ralentissement du trafic sur le boulevard urbain à Lyon, et les travaux à venir sur le périphérique qui entoure la Métropole. Une idée d'Yves Crozet, serait d'installer un péage sur le périphérique voire même, des abonnements peu chers pour les Lyonnais et Rhône-Alpins, mais coûteux pour les routiers qui ne font que transiter par la ville. Cette dernière idée n'est pas très populaire auprès du Grand Lyon, qui la considère comme politiquement inapplicable. Pour son président, Gérard Collomb, pas question de prendre une décision qui risque d'être impopulaire auprès des élus locaux, comme des automobilistes, avant les élections municipales. Autre idée : l'enterrement et le resserrage de l'Anneau des Sciences, la grande voie périphérique à l'ouest de la Métropole qui fait le tour de la ville : en plus du péage, rendre plus étroite la voirie afin de baisser le trafic. Bien sûr, les résultats ne sont pas encore garantis. Adopter une telle mesure nécessitera un temps d'observation et d'étude, afin de constater la manière dont réagissent les automobilistes. Seulement ensuite pourra être décidé le futur de l'Anneau des Sciences.

L'idée du déclassement de l'autoroute A6/A7 ne date pas d'hier. Si elle a été adoptée cette année, c'est grâce à des circonstances particulières. Un désaccord entre le gouvernement Hollande et Gérard Collomb en serait à l'origine. Il existe en effet une autre idée pour éviter un renflouement des voies à Lyon : éloigner le projet de l'autoroute A45, plus au sud de la ville, afin qu'elle rejoigne un nœud autoroutier plus bas, pour fluidifier le trafic dans la ville même. Le gouvernement ayant cependant décidé de rapprocher de la ville les plans de cette voie, cela a contribué à lancer les changements qui ont aujourd'hui commencés sur les routes de Lyon. La réaction du président le la Métropole ne s'est ainsi pas faite attendre : l'État n'allant pas dans son sens, il décide de réduire la « taille des tuyaux », de resserrer les voiries ; d'où le déclassement. Certains membres de la Métropole, sans citer de noms, pensent toutefois que le déclenchement du déclassement aujourd'hui, est simplement dû à l'approche des municipales, et du fait que Gérard Collomb ait décidé de lancer un grand projet pour frapper un grand coup... sans pour autant dans les faits, tout chambouler afin de ne pas bousculer ses électeurs.

Un projet financé par des concessions « Non, rien n'a été décidé au niveau du financement », déclare Pierre Hemon du Grand Lyon. Pas de budget pour l'instant donc, ni d'argent mis de côté pour financer le déclassement, le resserrage des voiries. Tout ceci est en discussion. Il est cependant hors de question pour la Métropole d'augmenter les impôts. Elle devrait avant tout jouer sur les concessions et les tarifs d'autoroutes, afin de lever les cinq cents millions d'euros environ que devrait, encore selon Hemon, coûter la construction du tronçon d'autoroute à l'Est. Yves Crozet parle d'adosser les nouvelles voies aux autoroutes existantes. C'est ce qui a été fait pour l'A46 plus au nord, que les concessions autoroutières ont financées en grande partie, ce qui reviendrait à augmenter les tarifs des voies locales. Il est d'ailleurs fortement possible que la route du contournement devienne gratuite. Il s'agit du nouveau tronçon que l'A432 est supposée compléter. Seuls les tarifs des autres autoroutes augmenteraient. Tout ceci aussi bien pour financer le projet, que pour pousser les automobilistes à emprunter la voie contournant la Métropole. PAGE

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METROPOLE

Un déclassement qui se donne des airs, mais avec peu de retombées Au niveau du paysage urbain, il est peu probable que le déclassement et les projets de resserrage des voies pour encourager les automobilistes à contourner la ville, changent grand-chose. Du moins, pas dans l'immédiat. Gérard Collomb ne veut pas faire trop de vagues ou prendre de décisions s'apparentant à un suicide politique. Pas avant les élections. La Métropole va y aller doucement. Pas de feux sur le boulevard urbain pour le moment donc, ni trop de passages piétons, selon Yves Crozet, qui ajoute : « on peut se faire un scénario catastrophe avec un élu du type sale brute qui met des passages à niveau et qui bloque tout, mais il [Gérard Collomb, ndlr] ne va pas faire ça. Il veut se représenter en 2020 ». Normalement, aucun grand changement dans le paysage urbain n’est à prévoir avant les prochaines élections.

Cartographie de l’indicateur annuel de la pollution air-bruit de Lyon. La couleur des zones va de violet foncé si elle est hautement dégradée, jusqu’à jaune/vert si elle n’est que peu altérée. Cette carte montre que les axes routiers sont les plus pollués. © Orhane

En ce qui concerne l'aspect écologique, une épuration du trafic en ville améliorerait grandement la qualité de l'air. Les émissions de gaz nocifs émis par les pots d'échappement toucheront en théorie bien moins les populations à proximité des voies, ou encore celles vivant dans des immeubles longeant l'actuelle autoroute. Tous ces dangers directs pour la santé des Lyonnais, seraient déplacés hors de la ville. Bien sûr, ça reste une autre histoire pour les particules fines bien plus légères et plus facilement disséminées par les vents.

Le déclassement

expliqué par maître Antoine Louche

E

Cet air, plus respirable, n'est néanmoins pas pour les années à venir. Le président de la Métropole n'étant pas favorable à la mise en place de contraintes importantes sur le boulevard qui remplacera l'autoroute en ville, la circulation ne devrait pas beaucoup diminuer. De plus, la baisse du trafic est déjà actée au niveau du tunnel de Fourvière, au nord de la ville, notamment grâce aux projets de transports « Smart City Lyon » et au programme « Optimod'Lyon », qui visent à fluidifier la circulation en ville. Ils permettent à leurs adeptes de circuler plus intelligemment à Lyon. Une baisse de la circulation est à prévoir donc, mais pas beaucoup plus importante que celle qui a déjà lieu en ce moment. Pour que le déclassement de l'autoroute à Lyon change vraiment quelque chose, il va falloir attendre la période post-élections municipales, que les véritables mesures d'évaporation du trafic commencent à être mises en place. Zacharia Gunet

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n matière de déclassement, de manière classique, il faut une désaffectation du bien. En d'autres termes, il ne faut plus que le bien à déclasser remplisse son office. Pour l'autoroute, elle ne doit plus servir en tant que telle, ne doit plus être accessible au public. Il faut que matériellement et officiellement, elle ne soit plus considérée comme une voie autoroutière. Il faut une décision juridique qui prenne acte de cette désaffectation, en déclassant. Déclasser, c’est transférer un bien du domaine public au privé. À Lyon, l'A6/A7 est pour l'instant nationale. Elle appartient à l'Etat. Elle va devenir une route du Grand Lyon. Ce n'est pas exactement une privatisation, mais la voie change néanmoins de domaine. Comme il s'agit d'un bien de l’Etat, le processus prend un certain temps. Il faut attendre la validation du projet, faire les budgets, les marchés, effectuer les travaux, etc. La Métropole vient de l'annoncer. Ça ne sera pas effectif avant plusieurs années.

Zacharia Gunet


METROPOLE

Anneau des Sciences : mode d'emploi S’il ne concerne pas le déclassement de l’autoroute à proprement parler, l’Anneau des Sciences fait partie d’un vaste projet lancé par l’agglomération pour faciliter les déplacements des Lyonnais.

P

révu à l’horizon 2030, l’Anneau des Sciences souhaite avant tout boucler le boulevard périphérique Laurent Bonnevay, à l’ouest. Pour le moment, ce sont les axes A6/A7 ainsi que le tunnel de Fourvière qui scellent cette voie, empruntée quotidiennement par plus de cent mille véhicules. Pour commencer, un ouvrage routier de 14,6 kilomètres doit voir le jour et permettra de relier Tassin-la-Demi-

Lune à Saint-Fons. Souterraine à 90 %, la route ne sera en surface qu’au niveau de ses sept portes : Valvert, Trois Renards, Alaï, Beaunant, Hôpitaux Sud, La Saulaie, Saint-Fons. Selon la Métropole, entre cinquante-cinq mille et soixante-dix mille véhicules circuleront sur cette portion au quotidien. Voitures, métros, vélos… L’Anneau des Sciences donnerait également la possibilité aux voyageurs d’utiliser tous types de transports pour un même trajet. Comment ? Grâce à la mise en place de nouvelles lignes de bus à l’ouest, le prolongement du métro B et la création de parcs relais. Tout cela dans le but de faciliter les trajets multimodaux.

« L’Anneau des Sciences est illusoire » Mais finalement, pourquoi le nommer « Anneau des Sciences » ? Toujours selon la Métropole, l’idée est de relier plus aisément les laboratoires de recherches ainsi

que les universités, dont les campus Porte des Alpes, Lyon Tech La Doua ou encore l’université Lyon 3. Mais pour Bernard Gauthiez, professeur de géographie régionale, humaine et physique, « l'Anneau des Sciences est totalement illusoire ». Considérant plus ce projet comme une simple voie rapide, l’enseignant critique un « coup de communication avec l’idée de donner une étiquette qui fait chic sur une chose somme toute très banale ». Après plusieurs études d’approfondissements concernant le financement et les déplacements, une enquête publique devrait voir le jour d’ici 2020 et durer un an. La dernière étape, et non des moindres, concernera la phase de construction avec le bouclage du périphérique et la requalification de l’A6/A7. Vu les délais, tout ceci ne devrait se concrétiser qu'après les prochaines municipales. Ce qui permettra à Gérard Collomb d'éviter les travaux en pleine campagne électorale.

Hugo Harnois

Pour aller plus loin ... C'est le coût total estimé du projet de

l'ANNEAU DES SCIENCES

150 000

habitants supplémentaires sont attendus dans l'agglomération lyonnaise d'ici 2030.

millions à 1 milliard d'€

seront investis pour les transports en communs dans le secteur de l’Anneau des Sciences.

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Le trafic serait divisé par 2 sur l’actuelle A6/A7 grâce à l’Anneau des sciences. du bouclage de l’Anneau des Sciences sera souterrain, soit,

12,9 KM. d'ouvrage routier relieront Tassinla-Demi-Lune par la porte du Valvert au boulevard périphérique Laurent Bonnevay à Saint-Fons. Ce qui permettra de boucler le périphérique. Source : Grand Lyon © Sarah Jobert


METROPOLE

"Maman, c’est super moche" Les embouteillages, au quotidien, sont parfois lourds à porter. La circulation lyonnaise, notamment à hauteur de l’A6 à Confluence et du tunnel de Fourvière, est bien souvent chaotique. Marie-Hélène, Thierry et René sont des habitués de ces trajets. Ils racontent leur ras-le-bol. Maman, c’est super moche ». C’est la déclaration franche de Louis, six ans lorsqu’il découvre les embouteillages à hauteur du tunnel de Fourvière. Sa maman, passablement énervée par le trafic important lui jette un coup d’oeil furieux. Marie-Hélène Durieux roule depuis une bonne heure. Elle vient de Saint-Etienne, comme tous les jours. Et comme tous les jours, elle se retrouve bloquée à hauteur du tunnel de Fourvière. Un cauchemar pour cette maman, éprise de campagne. Par moments, elle tente de prendre sa situation avec le sourire. Sourire qui tend cependant à vite disparaître. « Les trois quarts du temps, je suis toute seule, j’insulte les gens, surtout quand ils sont immatriculés soixanteneuf », se moque-t-elle avec une ironie mordante. Mais en ce vendredi venteux, elle doit amener son fils cadet chez la nourrice, à Limonest, qui est aussi la ville où elle travaille comme secrétaire. Louis a eu un comportement exemplaire jusqu’à Lyon. Depuis, il est insupportable, braille, s’énerve. La tension monte d’un cran dans la Clio rouge de sa mère. Ses sourcils blonds se froncent quand une voiture lui fait une queue de poisson. « Et voilà, encore un qui a appris à conduire comme un con… » soupire la jeune femme de trentedeux ans. Son ras-le-bol est constant depuis qu’elle a passé ce qu’elle nomme « le barrage » de Confluence. Marie-Hélène continuera de maugréer jusqu’à ce qu’elle pose son fils chez sa nourrice. « Habituellement, elle me paie un café », explique la Stéphanoise. « Mais là, vu le bordel absolu qu’a été la route, je n’ai pas le temps… »

Les Lyonnais, ces blasés… Une exaspération partagée partiellement par Thierry Grondin. Cadre dans une entreprise en centre-ville, il descend quotidiennement de Dardilly. « Je commence tous les jours à huit heures trente. En

comptant le temps de trajet, et celui dont j’ai besoin pour trouver une place, je pars presque une heure vingt en avance. C’est particulièrement contraignant ». Patient, pourtant, ce quadragénaire aux yeux verts, semble l’être. Il laisse quelques voitures le précéder, une autre le doubler. Il se permet un appel de phares lorsqu’une Audi rouge se rabat un peu vite devant lui. Sa sérénité sur la route surprend un peu. « Je suis Lyonnais, j’ai toujours vécu ici. Je ne connais rien d’autre. Je peux comprendre que ce soit étonnant, mais c’est mon quotidien et je fais avec », philosophe Thierry Grondin. « Et puis, si je commence à m’énerver dans les bouchons, la journée au bureau est interminable ».

… exaspérés par les années

pointe, mais quand elle travaille, elle n’a pas toujours le choix. Je pars parfois aux alentours de huit heures du matin, et forcément, je me retrouve coincé. Ça a le don de m’exaspérer. Et puis, une bonne partie de la Loire vient travailler sur Lyon. Ils ne savent pas conduire et passent leur vie à rouler à gauche ». L’exaspération transpire dans son timbre au fur et à mesure qu’il parle. Ses doigts se crispent d’ailleurs sur sa tasse de café. « Il faut vraiment trouver une solution à cette autoroute ». En attendant que cette alternative soit créée, René Villard a décidé de ressortir son vélo. « Ça me prend un temps fou, je n’aime pas ça, mais je préfère pédaler pendant une bonne heure plutôt que de rester bloquer comme un con dans ma voiture ».

Alexandra Pacrot

Cette vision du Lyonnais blasé et habitué n’est pas au goût de René Villand. Retraité depuis sept ans maintenant, il emprunte régulièrement l’A6 pour se rendre chez sa fille qui vit près de Saint-Genis-Laval. « Les embouteillages, c’est bien quelque chose qui me tape sur le système. Peu importe l’heure, la période de l’année, l’autoroute est toujours bouchée. Du moment où j’ai besoin de plus d’une heure pour faire dix kilomètres, je considère que je suis pris pour un con. J’ai presque soixante-dix ans, alors me faire doubler par un gamin qui vient juste d’avoir son permis, ouais, ça me prend la tête ». Le vieil homme a les yeux qui pétillent de colère quand il évoque le problème. « Je vais voir ma fille trois fois par semaine. Elle me fait mes repas, je suis trop mauvais en cuisine. J’essaie de ne pas aller la voir aux heures de PAGE

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Trafic important à hauteur de Perrache © Auriane Guiot


STUTTGART

© Sa

Gina Paysan, dix-neuf ans, « ne sai[t] pas ce qu’est un bouchon ». Allemande, vivant à Stuttgart, elle raconte "son" autoroute, celle qui ne pose pas de problèmes majeurs.

S

tuttgart. Allemagne. 7h36. Heure de pointe. Gina Paysan, prend sa voiture au départ de Karlshöhe, un quartier excentré et cossu. Comme tous les matins, elle se rend à l’université où elle étudie le droit. De l’autre côté de la ville. Ville qu’il faut traverser de part en part. Le plus étonnant ? Le trajet se passe sans encombre. Pas d’embouteillages, pas de problèmes d’insertion, pas de radar devant lequel la conductrice pilerait pour imiter ses congénères. Pas d’excités du volant à hurler dans leur voiture pour doubler un papy qui roule sur la voie de gauche. Limitation : 90 km/h. Et ils sont peu, ces Germains, à pousser sur l’accélérateur. De temps à autre, une berline dépasse la jeune femme. Mais l’allure reste modérée. La pédale de droite n’est utile que sur les portions d’autoroutes européennes, qui elles, n’ont aucune limitation de vitesse.

« Les gens sont satisfaits » Dans sa petite Volkswagen bleue, Gina Paysan écoute du Green Day, s’amuse à chanter par-dessus la voix de Billie Joe Armstong. Une bonne humeur tout à fait surprenante, pour moi Française, habituée aux visages maussades des Lyonnais quand ils prennent la route. La jeune femme s’ambiance dans sa voiture avant de partir en cours de droit, qu’elle explique « barbant », avec un professeur des plus « soporifiques ». Une Audi noire sur la voie de gauche met poliment son clignotant pour se rabattre. Gina Paysan ne lui prête aucune attention véritable, ne l’insulte pas, se contente de lever un peu le pied tout en continuant de massacrer allègrement « Boulevard of Broken Dreams ». D’un naturel qu’elle qualifie elle-même de « jovial quand il n’est pas extravagant », elle m’explique les raisons de son détachement : « Je n’ai pas connu avant la Paulinenstrasse. Quand j’ai besoin d’aller en ville, je ne prends pas la voiture, c’est un cauchemar. Beaucoup d’endroits sont piétons, totalement interdits aux voitures. Vaut mieux prendre le métro ». Le centre-ville, Gina Paysan dit « beaucoup l’aimer ». Puis, toujours avec son éternel sourire elle ajoute : « Tu peux demander à ma grand-mère, elle te dira l’inverse par contre ».

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Stuttgart, l’autre visage de l’autoroute

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METROPOLE

KARL

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Point de départ/arrivée

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Voies rapides

La Paulinenstrasse qu’elle emprunte au quotidien lui permet d’éviter le cœur de Stuttgart. « Si je devais passer par le centre pour aller à l’université, il me faudrait bien le double en temps. Là, je mets tout juste vingt minutes et encore, quand il y a du monde ». A ces mots, Gina Paysan explose de rire. Je reste scotchée. Elle poursuit : « Je suis déjà allée à Lyon. C’était… différent de chez moi. Les gens klaxonnaient dans tous les sens. Je les voyais s’énerver tout seul dans leur voiture. C’est quelque chose qu’on ne verrait jamais ici. Les rares fois où le trafic est ralenti, c’est quand il y a des accidents ». Hilde Vonderstrasse est chargée des transports à la Ville. Elle confirme les propos de la jeune femme. « Quand la Paulinenstrasse a été construite, les gens râlaient, surtout les écologistes. Mais aujourd’hui, ils s’en servent comme tout le monde. Ils protestent de temps en temps contre la pollution, mais dans l’ensemble, les gens sont satisfaits ».

Une efficacité qui n’a pas toujours existé Ursula Derniew est née et vit à Stuttgart depuis soixante-dix sept ans. Elle se souvient du centre-ville des années 70 avant que les voies rapides ne soient construites. « Je n’ai jamais conduit de ma vie. Mais quand j’allais en centre-ville, vers la Charlotten Platz [équivalent de la place Bellecour, ndlr], les voitures saturaient les rues. On respirait mal. Je vis à Karlshöhe, j’y allais à pied. C’était horrible. Les gens s’énervaient, un peu comme chez vous en France. Enfin, rien n’est comparable, restons honnêtes. Depuis que la Paulinenstrasse et la Holzstrasse sont construites, le centre-ville est redevenu ce qu’il aurait toujours dû être : un centreville ». La vieille dame sourit. Ses yeux bleus regorgent de souvenirs. « Comme j’habite près de la frontière française, je vais assez régulièrement à Strasbourg. Mon mari conduit. Et dès que le Rhin est passé, il change de comportement. Il se met à maugréer, passe son temps à râler, bref, un vrai Français ». La conduite allemande est radicalement différente de notre conduite à nous. C’est vrai qu’il y a rarement un mot plus haut que l’autre, peu de dépassements impromptus, les clignotants, cette espèce rare en France, prennent place là où ils le devraient… Déroutant.

Alexandra Pacrot

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"La question du report du trafic pendant les travaux,notamment sur la rocade est, inquiète de nombreux élus” © Auriane Guiot

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EST/OUEST

Déclasser l’autoroute, oui ! Mais pas à n’importe quel prix. C’est le message que les maires de la Métropole lyonnaise cherchent à faire passer. Qu’ils soient de l’est ou de l’ouest, de droite ou de gauche, tous aimeraient trouver une solution afin de satisfaire le plus, sinon l’ensemble, de la population. D’une voix commune, ils scandent qu’il n’y a pas de guerre politique ou encore de problèmes géographiques opposant l’Est à l’Ouest de la Métropole. Pour essayer de nous aider à comprendre les enjeux de ces points de discordances, les maires Les Républicains de Saint-Priest, Toussieu, Tassin-la-Demi-Lune et ceux de divers droite de Chassieu et Limonest se sont prêtés au jeu des questions-réponses. Enquête au coeur d’un dossier brûlant. PAGE

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par Auriane Guiot et Loris Martin


1. EST/OUEST

TOUS D'ACCORD POUR LE DECLASSEMENT DE L'AUTOROUTE

Les maires sont unanimes sur un point : le déclassement de l’autoroute A6/A7 doit avoir lieu pour le bien-être et la tranquillité de Lyon et de ses habitants. « Il faut raisonner dans l’intérêt général », reconnaît Paul Vidal, président de la communauté de communes de l'est lyonnais (CCEL) et pourtant hostile à la suite du projet. Mais cette autoroute n’est plus dans l’ère du temps. Jusqu’à présent, la ville est coupée en deux et mélange les Lyonnais qui vont travailler (le trafic), et ceux qui ne sont que de passage (le transit). Louis Pradel a pensé que ces derniers allaient s’arrêter dans sa ville. Sans porter un quelconque jugement de valeurs, cette période n’est plus la nôtre, et cette vision à court terme n’est plus d’actualité. « Ce n’est plus l’image de la ville dont nous avons besoin » explique Pascal Charmot, maire de Tassin-la-Demi-Lune. « Il ne faut plus que des voitures rentrent sous Fourvière ou le long des berges », souligne Jean-Jacques Sellès, qui enfile « sa casquette métropolitaine » en disant cela. Il s’est en effet abstenu lors du vote à propos du déclassement, soumis au conseil métropolitain, mais cette fois-ci, en tant que maire de Chassieu. Michel Forissier (LR) qui distingue l’intérêt de la Métropole et celui de Meyzieu est dans un cas identique à son homonyme. Moins d’automobilistes permettraient en tout cas de libérer les riverains de la pollution. Les raisons sont suffisantes pour séduire l’Est comme l’Ouest, dans un débat qui reste typiquement lyonnais.

2.

L'ABANDON DU CONTOURNEMENT À L'OUEST

Le déclassement de l’A6/A7 relance la question du contournement. Il faut inévitablement de nouveaux tracés pour replacer les cent dix mille véhicules journaliers qui empruntent le tunnel sous Fourvière. L’idée première était d’en créer un à l’ouest, hors de la Métropole. Mais le contournement par l’ouest de Lyon, appelé communément COL, n’est plus une affaire crédible pour le Grand Lyon. Ce projet à long terme, prévu initialement pour 2030, devait commencer au niveau de l’A89 entre Lentilly et La Tour-de-Salvagny et rejoindre le cœur de Vienne ou de Givors. Le COL se confronte sur son chemin aux Monts du Pilat, aux Monts du Lyonnais, aux Monts du Beaujolais et le tout, en évitant les vignobles. Un parcours du combattant au milieu de tout ce relief. Afin de ne pas abîmer les terres préservées des habitants dans cette région et pour éviter les montagnes russes, une grande partie de ce contournement nécessite d’être enterrée (cf p.11). « Il y a quand même un gros problème de voiries et d’infrastructures à l’ouest » reconnaît Jean-Jacques Sellès. Les coûts liés à ces dernières sont donc trop élevés pour être pris au sérieux. Une autre question, plus pernicieuse, se pose également pour expliquer l’abandon du COL : « les mauvaises langues disent que c’est parce que les habitants des communes de l’ouest sont plus riches » rapporte Jean-Jacques Sellès. C’est la raison pour laquelle ils seraient épargnés. Sans parler de l'abandon du COL, les habitants peuvent compter sur l'appui de leurs communes qui soutiennent le socialiste Gérard Collomb, notamment à travers Synergies-Avenir. Ce groupe, réunissant 29 maires de la Métropole dont celui de Limonest, défend les intérêts des résidents des Mont d'Or et du Val de Saône, plus au nord. Ce débat autour du COL est aussi et surtout « un serpent de mer ». Il revient souvent dans les conversations, « remis sur le tapis à chaque fois », donne lieu à des discussions virulentes, mais ne trouve jamais de conclusion. « Quand je suis arrivé en 1980 à Chassieu, nous parlions déjà du COL » témoigne son maire. « Rien n’a bougé jusqu’à aujourd’hui. Le COL a tout simplement été abandonné depuis pas mal de temps » concède Gilles Gascon, maire de Saint-Priest. Il faut donc trouver une alternative ailleurs.

Feu vert ! Ils sont d’accord ! Profitez-en car pour une fois, tous les acteurs concernés par ce projet partagent l’idée qu’il faille déclasser l’autoroute. « L’A6 et l’A7 doivent être bien évidemment déclassées », admet Gilles Gascon, maire de Saint-Priest. A l’ouest de la Métropole Max Vincent, maire de Limonest, parle même d’un « dossier important », en ajoutant qu’on « ne peut être que pour ce déclassement ».

Dans ce dossier vous trouverez des encadrés à la fin de chaque partie. Ces apports d’informations sont accompagnés d’un indicateur de température sous forme de feu de circulation. Ce thermomètre a pour vocation de mesurer la température des discordances politiques entre les différents maires, selon les sujets traités dans les parties. PAGE

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EST/OUEST C’est en ces termes que Paul Vidal décrit le projet de contournement à l’est. Autre point noir, le fait que les communes n’aient pas été consultées pour imaginer cette nouvelle route. « Gérard Collomb ne peut pas faire un déclassement sans nous en parler et en nous montrant des schémas où il renvoie tout chez nous, sans que nous soyons au courant localement » souligne le président de la CCEL où deux communes, Saint-Pierre-deChandieu et Toussieu, sont traversées par l’autoroute. Outre ces villes, l’A432 a pour avantage d’être en rase campagne, avec peu d’habitations de chaque côté. Mais pour Paul Vidal, « il faut la ramener au sud de Vienne, sur l’autoroute A7. Il faut faire une vraie déviation avec un axe nord/sud ». C’est la seconde alternative effectivement. Beaucoup plus longue, par sa distance mais aussi sa mise en œuvre, et beaucoup plus coûteuse. Les questions soulevées par M. Sellès (au-dessus) pour le premier contournement, sont les mêmes pour celui-ci aussi avec « 30 kilomètres supplémentaires cette fois-ci ». Ces projets de contournements à l’est sont pour le moment hors de la Métropole mais entraînent naturellement un développement économique dans cette direction. Et ce n’est que le début. « Dans vingt ou trente ans, la Plaine de Saint-Exupéry risque de faire partie intégrante de la Métropole » prévient Gilles Gascon. Une conséquence non-négligeable puisque Saint-Priest deviendrait le centre géographique avec deux axes au cœur de la Métropole, le périphérique Laurent Bonnevay et la rocade est, complètement surchargés. Et ce phénomène va s’amplifier dans les prochaines années avec l’évolution démographique. « Nous aurons une agglomération déplacée avec des voies trop petites. Il faut travailler différemment et freiner la densité de l’agglomération » considère Pascal Charmot. De son côté, Gilles Gascon reconnaît que c’est un problème qu’il « faut anticiper ». Saint-Priest est la commune de la Métropole qui a l'une des plus grosses productions de logements, quatre mille logements supplémentaires d’ici 2020. « Avec un coefficient deux, autour de huit mille personnes vont arriver chez moi » expose le maire. À trop vouloir déplacer le problème à l’est plutôt que le résoudre, ce n’est donc plus la ville qui sera morcelée par une autoroute, mais la Métropole.

Ça se corse... Sur ce point du dossier, ça commence à chauffer entre les politiques ! Gilles Gascon aimerait que l’on « arrête de reporter les problèmes à l’est ». Si le maire se sent défavorisé, il souhaite rappeler que « l’Est fait partie intégrante de la Métropole ». Tous semblent insister afin de ne pas décrire ce problème comme une bataille Est/Ouest. « Je refuse de tomber dans cette opposition est et ouest dans laquelle nous voudrions nous enfermer pour pouvoir dire vous voyez ils s’engueulent entre eux » ajoute Paul Vidal, le président de la CCEL. A Tassin, le maire Pascal Charmot justifie cet abandon du COL par les délais des travaux « l’Etat a dit qu’il fallait attendre 2030 pour le contournement à l’ouest et c’est inacceptable d’attendre si longtemps ». Pourtant ce n’est pas en 2020 que le contournement sera construit à l’est…

3.

QUEL CONTOURNEMENT A L'EST ?

Il existe deux alternatives sur la table aujourd’hui, qui sont toutes à l’est. La première est la plus « crédible » selon la Métropole puisqu’il reste seulement douze kilomètres à aménager. Le coût est moindre par rapport aux autres projets émis depuis des années (COL). Il s’agit en fait d’ « un premier barreau », le prolongement de l’A432 et d’ « un second barreau » qui relierait l’A432 à l’A46 à hauteur d'un boulevard urbain sud (BUS), entre Corbas et Mions. Jusqu’à présent, l’A432 est payante et ne souffre donc pas d’un flux d’automobilistes considérable. C’est tout l’inverse de l’A46, gratuite et déjà saturée. Le problème va donc être de parvenir à renvoyer d’ici 2026, lorsque ces deux barreaux seront terminés, tout ce flux sur l‘A432. « Comment expliquer à des automobilistes ou à des routiers qu’il va falloir faire plus de kilomètres et qu’il va falloir payer ? Tandis que s’ils passent par la rocade est, c’est gratuit et plus court » s’interroge Jean-Jacques Sellès. « Et qui va les obliger à se rendre sur cet axe ? Ce n’est pas une alternative crédible ». Gilles Gascon, maire de Saint-Priest © Auriane Guiot

Ce n'est pas un combat de l'Ouest contre l'Est, de la gauche contre la droite, mais il faut arrêter de reporter tous les problèmes à l'est... PAGE

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EST/OUEST Vidal. « Avant de créer les infrastructures qui permettront de déclasser l’autoroute, il nous faut une vraie troisième couronne. Nous n’avons que des demies ceintures à Lyon pour le moment. Le périphérique Laurent Bonnevay et la rocade est ne sont pas bouclés et maintenant, une A432 qu’ils ne veulent pas prolonger ». Les riverains de l'Est redoutent eux une asphyxie. La peur est qu’une fois l’autoroute déclassée en boulevard urbain, la circulation ne soit plus possible. Mais c’est peut-être aussi le prix à payer pour arriver enfin à déclasser l’autoroute A6/A7. C’est du moins l’avis partagé par les riverains de Lyon. Pascal Charmot aurait souhaité que la Métropole n’engage pas le déclassement. Aujourd’hui, il reconnaît qu’il « faut suivre la démarche de l’Etat ». Le gouvernement n’a effectivement pas fait du report du trafic sa priorité. Mais ce déclassement est un « élément d’appui fort qui va activer ces autres dossiers et accélérer les autres contournements ». Pourtant, nous sommes en décembre et le décret de déclassement n’a toujours pas paru alors qu’il doit être signé avant la fin de l’année pour être effectif.

Embouteillages... Vaulx-en-Velin et Corbas, deux communes dirigées par le PS ne font pas partie de l’association Grand Est Métropole, présidée par Gilles Gascon. « C’est une erreur de leur part. Ils suivent les décisions qui sont prises par le président de la Métropole, sans aucune opposition, aucune réflexion », explique-til. Pour Paul Vidal, cela va encore plus loin. « Bien sur que c’est un affrontement, c’est évident. Nous ne pouvons pas nier le politique ». Les maires de l’Est approuvent pourtant le contournement de leur côté, mais pas n’importe comment. « On a travaillé avec Paul Vidal et la communauté de communes de l’Ozon sur une proposition que nous ferons au préfet dans les prochaines semaines, précise Gilles Gascon. Nous demanderons un rendez-vous au président de la Métropole avec les autres maires pour poser le plan sur la table ». Un tracé qui « rejoint l’idée du barreau de l’A432 sur la rocade », mais sans s’arrêter au milieu de cette dernière. Affaire à suivre.

Auriane Guiot et Loris Martin

4.

Collision sur la décision

LE PROBLÈME DU REPORT DU TRAFIC PENDANT LES TRAVAUX

« Ça va être une catastrophe », prévient JeanJacques Sellès. Le maire de Chassieu ne mâche pas ses mots sur ce nouveau point de désaccord du dossier. « Pendant trois ou quatre ans, toute la circulation va être renvoyée sur le périphérique Laurent Bonnevay et la rocade est » assure l’élu. Et c’est là que le bât blesse. « J’attends de voir arriver sur la rocade tout le transit habituel de Lyon. Tout va être saturé. C’est une folie », commente Gilles Gascon. Un constat partagé par l’ensemble des maires de l’est. Paul Vidal ne semble pas rassuré non plus. « L’Est est déjà bien encombré. Si la déviation amène le trafic de Lyon à Villefranche en passant par l’aéroport pour les ramener sur la rocade saturée, l’alternative n’est pas du tout crédible », maugrée le maire de Toussieu.

Le déclassement avant le contournement. Cette idée est partagée par certains, moins par d’autres. Quid du flux d’automobilistes sur les routes pendant les travaux ? Le périphérique Laurent Bonnevay et la rocade est étant déjà surchargés. Et cette dernière pourrait récupérer seize mille véhicules de plus par jour. L’Anneau des Sciences lui, qui était censé fermer le boulevard de ceinture, aurait pu servir à ceux de l’ouest pour se rendre plus facilement au sud. Mais c’est un autre serpent de mer et ce n’est « plus la peine de relancer le débat » selon Pascal Charmot. « Il n’y a pas le moindre euro pour lancer l’étude » nous confie Gilles Gascon. « Ils ont pris le problème à l’envers » regrette Paul

Rocade bouchée

© Auriane Guiot PAGE

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FOURVIERE

Fourvière en chiffres... Lancement des travaux de construction

de longueur

Inauguration du tunnel par Albin Chalandon, ministre de l'Equipement, et Louis Pradel

Le Grand Lyon devient (enfin) propriétaire du tunnel

L'accès est interdit aux véhicules de plus de 7,5 tonnes

fréquentent chaque jour le tunnel du traffic est local

ont été investis pour améliorer la sécurité du tunnel en 2014

d'amende maximum encourus par les camions fraudeurs © Source : Grand Lyon

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ah Sar

Jobert


FOURVIERE

Gérard Dutal, cette grande gueule Il est à l’origine des banderoles écologistes du Cours de Verdun et cofondateur de l’association des riverains de l’autoroute dans Lyon depuis juin 2011. Voisin du tunnel de Fourvière, Gérard Dutal se bat sans ménagements contre la pollution dégagée par cet axe qui passe en centre-ville. Portrait de ce partisan historique du déclassement de l’A6/A7.

Alors vous voulez parler de quoi ? » L’entrée en matière est réussie. Et c’est avec une voix grave et porteuse qu’il retrace, pendant près de deux heures et demi, sans jamais être distrait, le sujet. Gérard Dutal n’a pas le temps au départ de consacrer son attention au problème de l’autoroute. Pas encore à la retraite, il dirige alors l’entreprise Grange, fabricant de meubles, puis celle de Paraboot, chaussures haut de gamme, cousues main, qui explique sa tenue vestimentaire très soignée. Pas de place dans son emploi du temps pour se pencher sur cet épineux problème. La retraite vient, cinq ans passent. Celui qui se revendique lui-même comme une « grande gueule » trouve enfin du temps pour se consacrer à l’autoroute A6/A7. Le dossier, il le connaît aujourd’hui sur le bout des doigts et salue « enfin », la signature du déclassement en mai 2016 par Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des Transports. L’homme veut garder un regard « non-politique », mais néanmoins très tranché sur ce déclassement. Gérard Dutal, Place Carnot © Auriane Guiot

« Des politiques incompétents »

couronne et disperser le trafic ». A l’inverse des écologistes qui ont « bloqué les réunions avec toutes les associations à l’est à coups de pancartes ». ARALY n’a donc plus voix au chapitre, encore aujourd’hui. « J’ai été complètement naïf. J’étais plutôt d’accord avec eux et tout se passait bien. Mais en fait, ce sont des politicards qui ont des idées à dormir debout ». Il leur reproche leur vision utopiste : le parti souhaite le déclassement, mais s’oppose à tout contournement, suggérant que le transit se fasse en autobus, en tramway ou à vélo. Gérard Dutal continue son combat seul, avec une obsession : en finir avec la pollution sur la Presqu’île.

« Je ne suis pas un politique, je ne cherche pas à me faire élire, je me bats contre l’autoroute, point ! ». C’est le poing sur la table et à de multiples reprises qu'il martèle son credo. Malgré la pluie qui tombe, il ne perd pas le nord. Il en veut à de nombreux politiques, pour ne pas dire à tous, mais garde une relation de respect avec tous les élus locaux, y compris Gérard Collomb, qui le connaissent bien. Il faut dire aussi qu’il prend systématiquement la parole à chaque réunion. Pour ce Lyonnais pure souche qui a grandi sur les pentes de la Croix-Rousse, ce n’est pas la faute de la Métropole, mais « celle de l’Etat ». Les autoroutes dépendent de ce dernier et non de la ville. C’est donc lui qui bloque ou permet le déclassement. Gérard Dutal reproche aux élus parisiens de « se succéder sans connaître le dossier, de le mettre en stand-by, de se le refiler sans jamais s’en occuper ». Et cette procrastination étatique dure depuis 1971, date d’inauguration du tunnel sous Fourvière. L’annonce du gouvernement, favorable au déclassement est une aubaine que le militant souhaite voir réussir en empêchant l’État de revenir sur sa décision. « Il ne faut pas attendre le contournement pour déclasser l’autoroute. Sinon, des discussions vont s’enclencher de nouveau pour la prochaine décennie et ainsi de suite ».

Un combat par amour Le cours de Verdun voit quotidiennement des dizaines, voire des centaines de milliers de véhicules se succéder sous ses fenêtres. Et ça ne s’arrête jamais. Pas même la nuit où les poids lourds défilent sur cette portion qui leur est normalement interdite. Quand il parle de son quartier, le ton monte encore d’un cran. « L’été, il fait quarante-cinq degrés sur le trottoir. Il faut y habiter pour se rendre compte. C’est invraisemblable ». Les deux fils de Gérard Dutal vivent à proximité : l’un cours de Verdun, l’autre rue Franklin. « Tout est noir. Il y a une crasse très épaisse sur les boiseries. C’est impossible d’ouvrir ». Le militant est à l’origine des banderoles à la sortie du tunnel de Fourvière avec des slogans écologistes : « Asphyxie ! Et nos poumons ? » ; « Pollution = poison »… La visibilité de ces affiches est conséquente. La dernière a tenu six mois, en 2014. L’homme se bat pour obtenir une borne fixe d’analyse de l’air. Le projet ne s’est jamais concrétisé « par trouille des responsables ». Aucun chiffre n’est communiqué. Ce quartier, Gérard Dutal l’aime. Et par amour, il est prêt à tout pour que ce déclassement aille jusqu’au bout.

Ecologie utopiste L’association de Gérard Dutal est née de sa rencontre avec un écologiste qui partageait le désir du sexagénaire de lutter contre la pollution de l’autoroute. L’ARALY voit le jour en 2011. En un an, elle regroupe plus de deux cents adhérents. Pourtant, des dissensions apparaissent vite entre Gérard Dutal et les protecteurs de l’environnement. La faute à l’Anneau des Sciences. L’homme est « naturellement favorable [au projet, ndlr] pour terminer la PAGE

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Loris Martin


FOURVIERE

Les fourmis de Choulans se cri de alle ns re nie ros dC rar Gé

Le jour comme la nuit, l’équipe de surveillance du poste de contrôle de Choulans veille au bon fonctionnement des tunnels lyonnais. Un travail qui peut regorger de surprises.

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yon et ses tunnels, c’est une idylle à n’en plus finir. Des milliers de voitures les empruntent chaque jour, sans vraiment les voir. Les conducteurs passent, n’attendent que le moment d’en sortir. Pourtant, c’est tout un monde qui vit derrière ces structures. Il faut les entretenir, les sécuriser… « Le poste de surveillance est une vraie usine » explique l’adjoint au responsable d'exploitation des tunnels, Gérard Crosnier. Un immense bâtiment beige surplombe Perrache. Les agents s’activent jour et nuit, toute la semaine. « Nous gérons sept tunnels sur Lyon. Il faut être bien organisé pour que tout se passe bien. Deux personnes sont toujours présentes pour assurer la sécurité, puisqu’elle est l’enjeu principal du poste de surveillance ». Dans des bureaux dignes de séries américaines, deux opérateurs sont toujours sur le qui-vive, surveillant les écrans.

L’alerte attendue

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L’alarme se déclenchera-t-elle ? Les opérateurs sont en permanence à l’affût du moindre incident. La sirène s’avère indispensable. « La nuit, nous faisons face à certaines situations un peu inhabituelles » raconte Anthony avec un sourire dans la voix. En poste depuis un an et demi à Choulans, des cas, il en a vu défiler : « beaucoup de cyclistes empruntent les parties réservées aux voitures, et pour certains ils les prennent même à contresens » expose-t-il. Des situations auxquelles les employés doivent réagir rapidement. « Nous intervenons directement sur place en cas d’incidents, mais ce n’est pas toujours évident. La situation peut être parfois désastreuse quand un piéton alcoolisé s’aventure dans le tunnel », complète Patrice, responsable au poste de surveillance. Bien que le risque soit le quotidien des opérateurs, ces hommes ont toujours une anecdote à raconter : « les poids lourds de plus de sept tonnes cinq sont interdits sous Fourvière. Mais certains passent quand même », témoigne Anthony. « Quand ils forcent le passage, ils arrachent tout, notamment les panneaux. C’est à nous de réparer après, même quand ça bloque la circulation ». Certaines situations sont comiques : « un camion a perdu son contenu dans le tunnel : un matelas, quelques déchets et autres. Ça ne l’a pas empêché de continuer tranquillement sa route », se souvient Gérard Crosnier.

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Florine Bouvard PAGE

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Photos © Auriane Guiot


CENTRE-VILLE

Cours Verdun, 1939, Place Carnot © Jean Paul Tabey

RETOUR aux sources « Un blockhaus qui saccage l’une des plus belles perspectives de Lyon »

Quand, dans les années 1960, l’Etat français demanda la construction d’une jonction entre les autoroutes A6 (ParisLyon) et A7 (Lyon-Marseille), Louis Pradel, alors maire de Lyon, se mît à imaginer les choses les plus folles. Il décida de faire passer ces voies à l’intérieur de la ville. Pour le meilleur et pour le pire.

Après deux ans de dur labeur, Gagès est fier de son premier projet et parle de « générateur de ville ». Mais le son de cloche n’est pas le même partout. Effrayée à l’idée que l’on touche à ses terrains — particulièrement aux voûtes — la SNCF émet un véto. La deuxième tentative sera la bonne avec un résultat avoisinant les cents hectares. Professeur de géographie physique à Lyon 3, Bernard Gauthiez parle de « mégastructures. L’idée, c’est qu’elles intègrent un maximum de fonctions dans un seul objet architectural. Gagès voulait donc intégrer le passage de l’autoroute, le métro, une gare routière, un centre commercial, un square par-dessus, un parking, etc. » Mais très vite, des protestations commencent à éclater. En cause ? L’arrachage de nombreux arbres, la disparition d’une vaste promenade ou l’inquiétude d’hôtels et de restaurants, isolés par un véritable « mur minéral ». Préfet de Rhône-Alpes en 1972, Jacques Pélissier parlera même d’un « blockhaus, où cette ligne Maginot saccage l’une des plus belles perspectives de Lyon ». Si la zone entre la Place Carnot et Perrache était un lieu très fréquenté le week-end à l’époque, des obstacles existaient déjà avant la construction de l’échangeur. On peut notamment penser aux voûtes permettant de passer de l’autre côté de la gare, ou aux voies ferrées. De même, l’espace aux alentours n’a presque pas changé. Les alignements d’immeubles des deux côtés du cours de Perrache étaient pratiquement les mêmes. Pour faire une comparaison locale, cette scène urbaine était assez similaire à celle des Brotteaux.

C’est un monstre, un barrage, une vraie barrière, le mur de Verdun, le mur de la honte ». Voilà les tristes adjectifs qui apparaissent à la suite d’une enquête réalisée par la communauté urbaine de Lyon. Ils qualifient pour bon nombre de Gones l’échangeur de Perrache, construit entre 1974 et 1976. Pratique mais d’un esthétisme effroyable, cette structure de béton permet de relier l’A6 et l’A7 en plein centre de la capitale des Gaules. Retour en 1967, où au nom de l’Etat, le directeur départemental de l’Equipement, Raoul Rudeau, confie une étude à deux architectes lyonnais du nom de Charles Delfante et René Gagès. Selon Gérard Corneloup dans Le Dictionnaire historique de Lyon (Éditions Stéphane Bachès), ces derniers imaginent une « jonction qui pourrait s’effectuer intra-muros, par le biais d’un gigantesque échangeur souterrain, installé dans le sol volontiers meuble de l’ancien confluent. En revanche, il faudra accepter de voir un nouveau tunnel creusé sous la colline de Fourvière et sacrifier le cours de Verdun – car le ministère de la Justice se refuse à laisser détruire les deux prisons ».

Grand admirateur de la modernité nord-américaine, Pradel est surnommé M. Béton Pour bien comprendre ce fait unique en France, il faut aussi pénétrer dans l’esprit de Louis Pradel, surnommé « Zizi », maire populaire et apprécié à Lyon de 1957 à 1976. Toujours dans Le PAGE

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CENTRE-VILLE

Place Carnot, 2016 © Auriane Guiot

Louis Pradel

Dictionnaire historique de Lyon, c’est cette fois Bruno Benoît qui prend la plume pour décrire cette personnalité politique : « Qu’importe s’il n’est pas un grand maire, il est aux yeux de la majorité un bon maire ». Grand admirateur de la modernité nord-américaine, il est surnommé « M. Béton » après la construction de la Part Dieu, le Musée gallo-romain, la Bibliothèque municipale et plein d’autres. Il n’est pas étonnant qu’il soit à l’origine de l’autoroute à Lyon, lui, le fervent défenseur de l’automobile. Mais outre l’influence des voitures, Louis Pradel pensait aussi aux commerçants locaux. C’est en tout cas ce qu’affirment Bilange, Butin, Muron, Sauzay dans leur livre Lyon radical : un siècle de maires radicaux (Éditions lyonnaises d’art et d’histoire) : « La grande idée de Louis Pradel était la suivante : si on ne fait pas venir les automobiles en centre-ville, c’est la mort assurée du petit commerce. Plus il y a d’automobilistes, plus le commerce prospère ». Ancien directeur d’hôpital et ayant rencontré personnellement Louis Pradel, Jacques Brunier a également écrit le livre Lyon, des histoires pas comme les autres (Éditions Baudelaire). Selon lui, « Zizi » était un homme d’une grande simplicité, très sympathique, qui « disait que l’argent, c’était pour aller dans les constructions, et non pour faire bouffer les Lyonnais à l’Hôtel de Ville ». Pour Jacques Brunier, il avait seulement un esprit pratique et pensait que les voyageurs pourraient faire une escale à Lyon durant leurs trajets. On sait aujourd’hui qu’il n’y a pas eu de véritable impact touristique. Néanmoins, l’auteur, âgé de soixante-huit ans, se souvient : « avant que l’autoroute ne soit construite, il faut dire que le cours de Verdun était un bazar noir, on pouvait y rester une heure, c’était absolument infernal et il fallait faire quelque chose ». Quarante ans après, nul besoin d’émettre un avis critique sur ce qu’il s’est produit. Pourtant, il est essentiel de se plonger dans notre passé pour construire le futur, et ne pas refaire les mêmes erreurs. Mais avec ces collines, des disparités Est/Ouest et une démographie croissante, pas sûr que la circulation lyonnaise s’apaise un jour.

Maire de Lyon de 1957 à 1976

©

Hugo Harnois

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CENTRE-VILLE

''C’était facile de construire l’autoroute ici''

Professeur de géographie physique à l’université Lyon 3, Bernard Gauthiez est également l’auteur de "Lyon entre Bellecour et Terreaux". Architecture et urbanisme au XIXème siècle. Il revient sur la motivation des acteurs qui ont permis la construction de l’autoroute à Lyon. L’architecte René Gagès était réputé pour faire un art assez brutal. Louis Pradel était surnommé « M. Béton », pensez-vous qu’il y aurait pu avoir une meilleure solution à cette construction d’autoroute ?

vers 1956, ait décidé la création du réseau des autoroutes entre les états. Et pour Boston, on a fait une saignée dans l’ancienne ville le long du port. Mais on a regretté tout de suite cette autoroute parce qu’il y a directement eu des bouchons.

Justement en France, on voit aujourd’hui que Lyon est la seule ville à avoir cette configuration…

Oui c’était de ne pas la faire passer là. Il y a des gens qui étaient contre. A ce moment-là, on avait des possibilités bien plus grandes qu’aujourd’hui pour faire passer cette autoroute plus au sud et contournant la colline de Fourvière.

Oui parce que c’était facile de construire ça à Lyon. On passait sur le quai qui était déjà une grande avenue. C’est une propriété publique donc pas besoin d’expropriation. Et puis même chose pour le cours Perrache qui est aussi une propriété publique. C’est un argument extrêmement important qu’il ne faut pas oublier. Mais ce n’était pas forcément plus cher de faire ce qui a été fait à ces endroits que de passer à l’ouest.

Même des années après, on observe que René Gagès a toujours défendu son travail. Oui les architectes sont très forts pour justifier ce qu’ils ont fait. C’est toujours très difficile d’analyser les discours de justification après coup. Gagès a gagné beaucoup d’argent dans cette histoire. Il a cherché à convaincre que c’était la bonne solution. A l’époque on croyait à ce genre de choses. Et puis il y a la dimension symbolique. Quelqu’un qui conçoit un bâtiment qui se voit autant dans l’espace de la ville en ressent lui-même une très grande fierté.

Précisément, pensez-vous que l’influence de riches propriétaires à l’ouest ait pu jouer dans la construction de l’autoroute ? Je n’y crois pas trop parce qu’à ce moment-là, l’opposition n’était pas encore très forte. Si Louis Pradel n’avait pas insisté pour que ça passe au centre, il l’aurait fait passer ailleurs. Il n’y a aucun doute.

Les intentions de Louis Pradel étaient d’attirer les automobilistes pour qu’ils s’arrêtent à Lyon durant leurs trajets…

Suite à la construction de cette autoroute, est-ce qu’il y a eu un retentissement économique important à Lyon ?

Il y a plusieurs éléments à faire rentrer en ligne de compte. Il faut dire que l’on était à un moment où on pensait vraiment que le développement de la situation automobile finirait par amoindrir considérablement les transports par voie ferrée. Mettre l’autoroute à l’emplacement de la gare, c’était comme substituer un mode de transport à un autre. Et on croyait vraiment, pas forcément à tort, que de faire venir les voitures très près du centre-ville permettrait de conserver une certaine activité, le revivifier ; alors que les banlieues pavillonnaires se développaient beaucoup. A mon avis, l’angle touristique était complètement secondaire.

Non je ne pense pas parce que c’est intervenu en pleine première grande crise liée au pétrole. Donc cela intercède trop tard pour avoir un réel impact sur l’économie de la ville, parce que c’est un moment où on va plus se pencher sur l’économie tertiaire. C’est aussi le moment où s’accélère la construction de la Part Dieu. Donc la polarité économique de la ville est en train d’évoluer rapidement au détriment de la partie centrale de la cité.

Et à l’époque, est-ce qu’ils ont dû détruire une partie du paysage pour installer l’autoroute ?

Louis Pradel aurait voulu reprendre le modèle américain en faisant de Lyon une sorte de nouveau Los Angeles. Pensez-vous que c’est vrai ?

Oui les arbres massivement. Mais on voit justement que les gens à Lyon protestent très peu quand on en coupe. On peut le voir récemment quai Saint-Antoine, où la ville l’a fait en douce. Cours Lafayette aussi, alors que ce n’était pas obligatoire. Pour revenir à Perrache, évidemment des gens ont regretté, mais ils ne sont pas montés au créneau.

J’ai lu ses mémoires il n’y a pas longtemps. Il ne parle pas de Los Angeles, en revanche, tout le monde avait en tête le modèle américain. Il y avait un exemple qu’il ne cite pas mais qui est extrêmement comparable : l’autoroute qui a été construite en plein centre de Boston après que le président américain Eisenhower,

Propos recueillis par Hugo Harnois

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CENTRE-VILLE

Lyon incontournable ?

Les voyageurs français ou européens sont nombreux à emprunter l’autoroute du Soleil afin d’atteindre les plages de Saint-Tropez ou les monuments de Paris. Ils n’auront plus, un jour, à traverser le coeur de Lyon. La ville, une fois contournée, risque-t-elle d’être boudée par les visiteurs ?

Un impact à minimiser Les experts minimisent l’impact du déclassement sur le tourisme. Lyon était autrefois perçue comme une sorte de halte autoroutière qui accueillait de nombreux conducteurs harassés par un long voyage et en quête de repos ou quelques curieux de passage. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les touristes viennent d’eux-mêmes à Lyon. « Peu de vacanciers s’arrêtent maintenant de manière impromptue au sein de la capitale des Gaules », affirme le président du Club hôtelier lyonnais Jonathan Bel. « Les réservations à l'hôtel se font à 99% en amont de l’arrivée des personnes. Les gens planifient de visiter la ville. Curieux, ils ont dès le départ une réelle volonté de la découvrir et d'y rester », assure-t-il.

Lyon, une destination touristique privilégiée « Lyon était une ville de transit il y a dix ans ; désormais, c'est majoritairement une destination touristique à part entière, populaire et prisée toute l'année, et surtout le week-end », soutient la directrice du développement des entreprises de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon, Mihaela Neaga. Elle a rédigé le tout dernier bilan annuel de l'activité hôtelière lyonnaise. « Il est presque impossible de trouver une chambre de libre les vendredis et samedis soir. Et ce, même si les propriétaires font

grimper les prix », renchérit-elle. « Il y a certainement des automobilistes qui profitent de leur passage dans Lyon pour s'arrêter et se reposer une nuit. Mais c'est une part infime des visiteurs », nuance l’experte. Il y a donc peu à craindre du détournement de l'autoroute pour la nouvelle chérie des vacanciers. La ville a d’ailleurs été sacrée par les prestigieux World Travel Awards, en septembre, comme la « meilleure destination week-end en Europe ». Le pari est lancé que la Métropole, aujourd'hui convoitée et reconnue à l'international pour sa gastronomie, ses festivals, ses musées et son histoire, ne sera pas moins fréquentée lorsqu'elle sera esquivée par l'autoroute A6.

Le déclassement, un bénéfice pour le tourisme lyonnais Le contournement autoroutier qui devrait remplacer les autoroutes A6/A7 pourrait au contraire « contribuer au rayonnement de l'ancienne cité médiévale », selon Jonathan Bel. « L'autoroute apporte des nuisances visuelles, olfactives, auditives et respiratoires très importantes. Son déclassement en boulevard périphérique donnera une meilleure image et une meilleure connotation à la municipalité », défend le président. La ville des Lumières, qui accueille aujourd'hui presque six millions de têtes par an, en reçoit deux millions de plus qu'en 2006. Ses chambres, réservées pour de plus longs séjours, connaissent ainsi depuis six ans un taux d'occupation record, en augmentation de 5,3 points. « L'inscription du Vieux Lyon au patrimoine mondial de l'Unesco en 1998 a été certainement d'une grande aide à la récente reconnaissance de la ville », croit Mihaela Neaga. « Mais c'est surtout la politique offensive de l'office du tourisme, mis en place il y a dix ans, qui commence à payer », assure la femme d’affaires. La stratégie marketing d'attaque de OnlyLyon, développée en 2007 par treize grands partenaires institutionnels, dont le département du Rhône, vise à promouvoir la troisième ville de France comme une marque. Faire rayonner la ville à l’international, à l’aide des milliers d’ambassadeurs, des campagnes publicitaires et du développement des réseaux sociaux appartient également au plan mené par l’office du tourisme. Gageons qu'OnlyLyon, qui a décliné tous nos appels, saura vanter les mérites d'une autoroute périphérique. PAGE

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Alexandra Duchaine

Vue sur Fourvière © Auriane Guiot

a brève histoire lyonnaise des Québécois Vincent Houle et Noémie Laurendeau permet de le supposer. En cherchant à aller en voiture à La Bâthie, en Savoie, l'année dernière, les amoureux se sont arrêtés à Lyon simplement parce qu'ils y passaient. « Visiter la commune n'était pas dans nos plans, puisque j'avais déjà parcouru ses rues, trois ans plus tôt », explique Vincent Houle. « Sauf qu'on a profité de notre entrée dans la ville pour la visiter et y rester le plus longtemps possible », ajoute l’étudiant. Le couple s'y est donc arrêté et a profité de la richesse historique lyonnaise. « Avec un pass métro illimité, on a presque pu tout voir », se réjouit le Montréalais, qui affirme sans hésiter qu'ils ne se seraient pas rendus à Lyon s'ils n'avaient pas eu à y entrer. Comme quoi la ville a peut-être un peu à perdre du déclassement autoroutier et du futur contournement.


CENTRE-VILLE

technologies pour un meilleur Lyon

S

Parmi les raisons officielles pour le déclassement de l'autoroute A6/A7, sont mentionnés le confort des habitants, une meilleure circulation, ainsi que l'environnement. Quelques technologies pourraient remédier à ces contraintes et diminueraient la nécessité d’un grand contournement. i les voitures subissent dernièrement beaucoup de changement dans leur conception, ce n'est pas vraiment le cas des routes et autoroutes. Mis à part les travaux d'entretien et en l’occurrence, de déclassement et de rénovation , les Lyonnais ne remarquent que très peu de changements sur leurs voies autoroutières. Pourtant, ceux-ci sont en route. Ces technologies permettraient de chambouler la circulation telle qu’elle est aujourd’hui. LA BANDE D'ARRÊT D'URGENCE À INDUCTION serait une technologie bien pratique dans une ère de véhicules personnels tout électriques. Il n'y aurait plus besoin d'essence donc, les émissions de gaz à effets de serre diminueraient. Fini la recherche de borne pour recharger son véhicule : en roulant sur la partie de la route équipée, le véhicule se rechargerait grâce à l’intermédiaire des champs magnétiques. Cette idée fait partie du Smart Highway Project du studio hollandais Roosegarde. Celui-ci est détenu par l'artiste et innovateur du même nom, dont la spécialité est de mélanger design et technologie dans ses projets. DES ROUTES SANS FEUX ROUGE POUR VÉHICULES AUTONOMES. C’est ce que propose le MIT (Massachusets Institute of Technology). Afin d'éviter les embouteillages, le stress et les accidents sur de grands boulevards, des voitures conduites par des logiciels entameraient une « danse » en se cédant le passage par ordre de priorité. Bourrées de senseurs, ces machines recevraient des informations d'un centre de contrôle qui les feraient avancer ou patienter, en réduisant au maximum la durée d'attente dans les bouchons voire, en l'annulant totalement. Selon le centre de recherches technologiques Garner Inc, les voitures connectées à Internet, grâce à une forte connexion Wi-Fi, se seront complètement banalisées dans les pays les plus développés d'ici 2020. Le projet du MIT pourrait alors commencer à être testé et installé en ville. Pratique pour fluidifier la circulation à Lyon. LES ROUTES À ÉNERGIE SOLAIRE ne sont pas un projet neuf, aussi bien dans leur conception que dans leur réalisation. Tout d'abord, visualisez : l'asphalte de voies routières entières, remplacé par des panneaux solaires. De telles routes ont déjà été inaugurées en France en juillet 2016, dans l'Orne. En mars dernier, la ministre de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, Ségolène Royal, a investi cinq millions d'euros dans la recherche pour qu'un « laboratoire grandeur nature » puisse être mis en place. Les panneaux horizontaux sont moins efficaces que ceux posés en position inclinée. Le coût de telles installations n'est pas encore rentable selon les estimations du Conseil français de l'énergie. Il faudrait tout d'abord davantage investir dans la recherche afin de produire des capteurs solaires plus efficaces. Les panneaux actuels capturent environ 24% de l'énergie solaire, bien que des chercheurs en Australie aient réussi à en créer captant 10% de plus, en mai 2016. LES VÉHICULES LOURDS SURÉLEVÉS ont déjà été dévoilés en Chine, lors de la dix-neuvième expo high-tech internationale de Pékin en mai 2016. Pour l'instant, il ne s'agit que d'un bus. Le TEB (Transit Elevated Bus) porte plus de 1400 passagers et passe au dessus de deux voies routières. Si tous les poids lourds étaient équipés d’une telle technologie, la circulation serait fluidifiée. Bien sûr, il faudrait en ce cas trouver un moyen d'éviter les tunnels comme celui de Fourvière. PAGE

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Zacharia Gunet


CENTRE-VILLE

© LyonBombing

Une histoire d'amour La nature va reprendre ses droits sur la ville », s’extasie Pascal Navarranne, gérant du collectif de graffeurs Lyon Bombing. « Le quartier de Perrache et celui de Confluence ne sont pas très esthétiques. En refaire une partie permettra de redonner un côté naturel à cet endroit. Ce sera beaucoup plus agréable à regarder ». Une nature qui va reprendre ses droits au détriment du graffiti après le déclassement de l’autoroute. « Aujourd’hui, notre graff ’ est un graff ’ de rue. Ce sera beaucoup plus difficile de poursuivre après.

Certes, d’autres spots vont voir le jour, mais pour nous, ce sera plus risqué. On sera à découvert ». Pour que le graff ’ vive, il a besoin d’être vu. « Beaucoup d’autres graffeurs en plus de nous travaillent souvent aux alentours de Perrache, sur les quais et aux abords de l’autoroute. Nos graff ’ sont bien exposés ». Cent mille voitures passent chaque jour devant ces nombreux tags. Le déclassement nuira à cette belle visibilité. Pascal Navarranne garde le sourire. « Les gens rouleront moins vite. Ils auront plus de temps pour admirer notre travail ».

Florine Bouvard

Orhane, les nuisances de ma rue Orhane (Observatoire régional harmonisé Auvergne-Rhône-Alpes des nuisances environnementales) est une plateforme internet qui permet à tout un chacun de faire le point sur la qualité de son environnement. Comment cela fonctionne- t- il ? Focus.

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ette plateforme a vu le jour grâce à la Région, dans le cadre de son « Plan Régional Santé Environnement ». Deux associations soutiennent son projet : Accoucité et ATMO Auvergne-Rhône-Alpes. Elles ont recroisé plusieurs cartographies préexistantes : celle des bruits routiers, ferroviaires et aériens pour créer une carte interactive (p.10). A partir de ces trois cartes, une échelle de un à six est créée où l’indice cinq représente une gêne équivalente à soixante-cinq dB(A). Pour la pollution atmosphérique, deux cartes

sont utilisées, celle des concentrations annuelles de dioxyde d’azote et celle du nombre de jours de dépassement du seuil journalier en particules PM10. Une fois de plus, les données de ces deux cartes sont converties et exprimées sur une échelle allant de un à six.

L’utilisation pratique Une fois sur le site orhane.fr, une carte apparaît avec pour légende « Indicateur air/bruit » et un code couleur de six niveaux allant de vert (zone très peu altérée) PAGE

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à rose foncé (zone hautement dégradée). On peut malheureusement remarquer un tracé dans les tons de rose foncé sur l’axe nord/sud qui traverse Lyon : celui de l’autoroute, où la qualité environnementale laisse à désirer. Si on prend le cours Charlemagne, il est classé en zone hautement dégradée. Mais ça ne s’arrête pas là puisque c’est tout le centre-ville qui semble dégradé par la pollution et le bruit. Là où l’autoroute ne passe pas directement, comme dans le 6e ou le 3e, d’autres facteurs de dégradation apparaissent également.

Sara Chalbos


PERRACHE CONFLUENCE

Derrière les voûtes... L’axe gris de l’A6/A7 coupe le deuxième arrondissement de Lyon. Cachée derrière l’autoroute, la vie de cette partie de la ville volontairement oubliée, considérée comme mal-famée se poursuit. Proche du centre-ville, les pieds à la fois dans l’eau et sur la terre, Confluence réfléchit à son avenir, après le déclassement de l’autoroute.

vant le Musée des Confluences, le quartier n’était encore qu’une ébauche. On y accédait par le cours Charlemagne, reconnu comme un véritable coupe-gorge. Fin 2014, le musée sort finalement la tête de l’eau et relance le projet du déclassement de l’autoroute A6/A7. Il suit la création d’un beau quartier aménagé pour le tramway et des bâtiments à l’architecture extravagante, moderne. Son coût est considérable. Un vrai quartier chic. Tout l’inverse de Sainte-Blandine, plus au nord. Le clivage saute aux yeux des habitants et à ceux de la Métropole. Depuis Perrache, l’accès le plus direct reste le tunnel qui « pue et qui fait peur ». Celui que beaucoup évitent la nuit, de peur de ne jamais ressortir. D’après une étude lancée par le Grand Lyon, le tunnel attire « les SDF et les délinquants ». Une fois cet obstacle passé, la vie découverte est banale. En journée, Sainte-Blandine reste calme : quelques bâtiments dépareillés cours Charlemagne, un peu dégradés par la pollution et la négligence de la municipalité. La nuit tombe. Les prostituées s’amassent sur les bancs, observées par quelques dealers assis un peu plus loin. La rue est empruntée par tous les amateurs du Sucre, un club mainstream. Des jeunes filles pré-

cisent « vouloir toujours rentrer en groupe s’il faut rentrer à pied ». Une image du quartier que la ville de Lyon souhaite modifier, en harmonisant Sainte-Blandine avec le reste de Confluence. « On réclame depuis quelques années qu’ils fassent en sorte que la rue Victor Hugo soit continuée jusqu’au cours Charlemagne. La Métropole cherche des solutions pour rendre le passage du tunnel sécurisé pour lui ôter sa mauvaise réputation, avec un tapis roulant et une plus grande ouverture », explique Marcel Brévi, président du comité d’intérêt local Presqu’île sud.

Confluence, le futur hyper centre lyonnais La municipalité a déjà entamé des travaux de rénovation. En 2012, le Grand Lyon publiait une étude et un plan de construction du quartier de Confluence. La démolition du 42 quai Perrache était évoquée et est aujourd’hui avérée. Ces travaux permettront d’organiser le stationnement et la desserte des îlots du quartier après le déclassement de l’autoroute. Un quart des habitants du deuxième arrondissement vit au sud du « plat de nouille » (échangeur). Pour Marcel Brévi, « il y a déjà une vraie vie de quartier derrière les murs de Perrache. Tout le monde se connaît. A part PAGE

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quelques heures dans la nuit, le quartier n’est pas du tout mal famé ». Un fort potentiel réside dans les terres en termes fonciers. Les cent cinquante hectares disponibles attirent les promoteurs et les acteurs de la vie lyonnaise. Le quartier est relié à celui de Gerland, qui offre un potentiel identique. « Il faut se rendre compte que d’ici à une dizaine d’années, le secteur Perrache-Sainte-Blandine-Gerland sera le nouveau centre. La ville construit différents bureaux à cet endroit pour y implanter un centre de start-up, un peu sur le modèle américain, à échelle lyonnaise. Ils veulent quelque chose de novateur, d’aéré, capable de créer un cadre propice au calme et à la réflexion. Quelque chose qui séduirait les jeunes », assure Marcel Brévi. Des jeunes bien présents depuis la réhabilitation des anciennes prisons SaintPaul et Saint-Joseph reconverties en campus de l’Université Catholique. Depuis son inauguration en 2015, cinq mille étudiants vivent au quotidien dans un quartier que la plupart reconnaisse « avoir longtemps boycotté avant ». Un boycott que Marcel Brévi, qui vit depuis vingt ans à la sortie du fameux tunnel qui fait peur, ne s’explique pas. « Je n’ai jamais entendu parler d’une quelconque agression entre les murs de ce passage souterrain ».

Clémentine Emonoz


PERRACHE CONFLUENCE

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L’échangeur inchangé D

ans le cadre du déclassement de l’autoroute en ville, le Centre d’Echange de Lyon Perrache (CELP) nourrit certains fantasmes. Les plus nostalgiques, celles et ceux qui auraient éventuellement connu le site avant la construction de l’échangeur (de 1972 à 1976) regrettent une époque où le cours de Verdun était animé. Par ailleurs, les riverains du deuxième arrondissement de Lyon l’accusent de constituer une véritable enclave entre Bellecour et le sud de la Presqu’île. Yves Crozet, soixante-et-un ans, spécialiste en économie des transports au Laboratoire Aménagement Economie Transport de Lyon et Lyonnais d’origine explique pourtant : « le problème avec l’échangeur, ce n’est pas ce qu’il y a derrière. C’est ce qu’il a enlevé. Le cours de Verdun, les arbres, les espaces dédiés aux boules devant la Brasserie Georges… Mais retrouver le cours de Verdun c’est impossible aujourd’hui car raser le CELP serait un chantier colossal, de plusieurs milliards d’euros. La question, c’est la récupération d’un espace dédié à la circulation urbaine pour devenir un espace urbain ouvert, en rendant l’échangeur plus pratique et en aménageant la voirie côté Rhône. » Cette vision, partagée par la Métropole aboutie à un projet de réhabilitation pour le CELP. Entre 2017 et 2019, les bâtiments de l’échangeur seront rénovés, les voûtes ouest ouvertes et de nouveaux accès aux lignes de métro et de tramway ajoutés pour une meilleure ouverture sur le quartier Confluence. Pas de suppression du CELP donc, simplement un coup de jeune attendu pour un bâtiment peu esthétique et mal fréquenté (cf p.28).

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Un nouveau quartier

Madame Terdjman, directrice d’agence immobilière sur le cours Charlemagne, nous éclaire sur le marché immobilier dans cette partie de Lyon. A quoi ressemble le marché immobilier du secteur Confluence – Perrache ? Le prix de l’immobilier est maintenant comparable à celui de Bellecour. Avant la nouvelle Confluence, l’achat était encore très accessible, depuis il varie entre 3200 et 5500 euros au m2. On trouve de tout. 25 % des logements sont des HLM et 23 % sont des petites surfaces de moins de 40 m2. Seuls 19 % des habitants sont propriétaires. Les bâtiments anciens sont essentiellement détenus par de riches familles, pour les nouveaux ce sont les promoteurs immobiliers.

Quels sont les facteurs responsables de la hausse du prix de l’immobilier dans ce secteur ? Il s’agit vraiment de la récente rénovation du quartier et du prolongement du tram T1 jusqu’à l’Hôtel de Région. D’autant plus que la construction du neuf tire les prix vers le haut.

Qui décide de vivre ici ? Il y a une différence entre Confluence qui attire la richesse et le reste du quartier. Depuis la patinoire jusqu’à Perrache la population est moins aisée. L’âge moyen des habitants du secteur est de trente-sept ans. Il s’agit d’une population active, qui travaille généralement dans le centre d’affaire de Confluence. Beaucoup de Parisiens et de Toulousains, entre autres, ont fait le choix de s’installer ici pour le travail et la proximité avec la gare.

Peut-on encore s’attendre à des hausses du prix du marché avec le projet de déclassement de l’autoroute ? Bien sûr. Il y a peu d’offre et beaucoup de demande. Le réaménagement des voûtes pour accéder au quartier devrait l’ouvrir à une nouvelle population qui reste encore réticente. Une vie de quartier est en train de voir le jour au sud du secteur et les commerces sont désireux de s’étendre. PAGE

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Propos recueillis par Clémentine Emonoz


PERRACHE CONFLUENCE

Un report de circulation qui pose problème

Le déclassement prochain de l’A6/A7 a suscité beaucoup de questionnements autour de l’amélioration des déplacements, notamment auprès des collectifs et associations prônant les modes de circulation considérés comme doux. basé sur la lecture du dossier d’enquête publique faite en 2012 à Lyon. Seulement 10% du trafic de l’A6/A7 provient du transit national et international. Et il existe déjà l'A46 pour contourner Lyon.

ne fois l’autoroute déclassée, l’espace sera réaménagé en différentes voiries où bus, voitures et cycles cohabiteront avec les piétons et la verdure. Une décision perçue comme une aubaine par le collectif VALVE (Venir à Lyon à Vélo) qui encourage ces modes de transports alternatifs. Depuis 2012, cette antenne locale de La Ville à Vélo qui se veut apolitique réunit plus de six cents sympathisants. Elle lutte pour promouvoir et améliorer l’usage du vélo à Lyon. Fabien Bagnon, son président, se réjouit du déclassement de l’autoroute qui permettrait de réintégrer les deux-roues au centre-ville. Mais pour l’homme, construire un contournement « n’est pas la réponse et ne ferait que reporter le problème. Créer de nouvelles infrastructures autoroutières va encourager les déplacements automobiles et à terme, même si cela dé-sature pendant quelques années, tout va être re-saturé rapidement ». Fabien Bagnon s’appuie sur l’exemple de la ville d’Atlanta aux Etats-Unis qui est en passe de construire son cinquième périphérique. Un constat « déplorable » d’après VALVE qui a peur d’une situation similaire à Lyon. Tant que de nouveaux axes routiers seront créés aux abords de la Métropole, les problèmes pour accéder au centre-ville persisteront. Un raisonnement

Quelle alternative au passage du tunnel de Fourvière ? Le déclassement pose toutefois un problème de taille : que va devenir le trafic de transit qui s’engouffre sous le tunnel de Fourvière en direction de Paris ou Marseille, puisque le projet d’un nouvel axe autoroutier est remis en cause que ce soit dans l’est ou l’ouest lyonnais (cf p.15/18). L’alternative proposée par la Métropole serait donc celle de l’A46 (rocade est). Certes, cette nouvelle solution rallongerait le trajet de quelques minutes. Fabien Bagnon conclut en affirmant que « dépenser des milliards en nouvelles autoroutes pour que certains gagnent cinq minutes serait du gaspillage ».

Changer les manières de penser Aujourd’hui, plus de la moitié des déplacements quotidiens effectués en voiture au sein de la Métropole font moins de trois kilomètres. « Ce sont des déplacements qui peuvent être envisagés différemment et autrement qu’en voiture, à conditions que l’on accompagne et qu’on crée des infrastructures adaptées » soutient Fabien Bagnon. La Métropole réfléchit actuellement sur ces alternatives : trottoirs, parcours piétons… La collectivité souhaite justement augmenter le trajet qu’un piéton peut faire avant de décider de prendre la voiture. « Les gens ne s’aperçoivent pas qu’ils peuvent faire cinq cents mètres ou un kilomètre à pied », assure Fabien Bagnon. « Ce sont les mentalités qui doivent changer dans les années à venir ».

Léa Dusson

Améliorer les déplacements '' doux'' 20 minutes à vélo entre Oullins et Bellecour. Job ert

50% des déplacements effectués en voiture

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dans la Métropole font moins de 3 km.

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Depuis 6 ans, le trafic cycliste augmente de 15% chaque année.

85% des 20 000 déplacements en Vélo’V sont effectués PAGE

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entre le domicile et le lieu de travail tous les jours.


PERRACHE CONFLUENCE

"Arrêter de construire des autoroutes " Pie

Faudrait-il, selon vous, être plus strict sur la circulation automobile ? Chaque fois que vous réduisez la voirie, la circulation automobile diminue. On a un très bel exemple à Lyon, avec la fermeture du tunnel de la CroixRousse, pour travaux. Une opération qui a duré sept mois, dans un tunnel qui voyait passer cinquante mille véhicules par jour. Le métro D a alors vu sa fréquentation fortement augmenter, et il y a eu une « évaporation ». Certains ne prennent plus leur voiture, même si le tunnel a été rouvert. Finalement ils y prennent goût et se rendent compte que cela coute beaucoup moins cher. Je pense que restreindre la voirie est l’une des solutions.

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C’est le résultat d’une opportunité. Le président de la Métropole, Gérard Collomb, était pour ce déclassement, mais voulait d’abord le grand contournement ouest de Lyon. Il a senti qu’avec les changements de majorité à venir, il y avait peut-être une opportunité, avant qu’il n’ait plus le droit à la parole au niveau national. Cette décision a été en partie appuyée par le préfet, Michel Delpuech, qui a cependant une vision inverse : commencer par le déclassement et après se concentrer sur le périphérique. Je pense que cette décision a mis si longtemps car on a encore une classe politique qui est issue de la génération voiture. Il n’y a que chez les écologistes, peu importe l’âge, que la voiture doit être minoritaire. C’est une source extraordinaire de nuisances sonores, atmosphériques, de pollution. Pour beau-

coup, s’il y a des embouteillages il suffit d’élargir la route. On le voit encore chez le président de la Métropole qui veut son tronçon ouest du périphérique. Si ça va vite en voiture, les gens vont la prendre, et on ne va pas le leur reprocher.

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Europe Ecologie les Verts appuie depuis un certain nombre d’années ce déclassement. Pourquoi ce projet a-t-il mis si longtemps à être voté ?

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L'annonce du déclassement de l’A6/A7 en mai dernier a été un soulagement pour les écologistes. Six mois plus tard, leur combat contre la pollution continue. Rencontre avec Pierre Hémon, le président du groupe Europe écologie les Verts à la Métropole.

Justement, une des solutions de la Métropole c’est l’Anneau des Sciences. Une catastrophe écologique ? Ce n’est pas la solution. Déjà pour son prix qui ne rentre pas dans le budget, et puis comme je l’ai dit, faire une voirie en plus, c’est attirer la voiture. Nous, on veut la réduire. C’est une catastrophe écologique pour tout ce qu’elle engendre : pollution, destruction d’espaces naturels importants. Ce contournement va détruire des terres agricoles. On retrouve d’ailleurs ce cas-là dans le cadre de l’A45, où cinq cents hectares de terres agricoles sont sacrifiés. Dans l’Hexagone, il faut savoir qu’on « imperméabilise » l’équivalent d’un département français tous les cinq ans, en bétonnant. Il faut que ça s’arrête. Quand tout est imperméabilisé, ça facilite les inondations. Il faut donc arrêter de construire partout des autoroutes.

Propos recueillis par Léa Dusson

Développer Confluence dieu les vingt kilomètres d’autoroute qui séparent Lyon en deux. La partie d’autoroute entre le Musée des Confluences et le centre d’échange de Perrache va être totalement transformée. Bien qu’actuellement les automobilistes soient déjà limités à 70km/h sur ce tronçon, les choses vont encore changer. L’A7 devrait être remplacée par un boulevard urbain doté de pistes cyclables et de zones piétonnes. Un projet qui se rapproche de celui en cours sur la rue Garibaldi et permettrait d’amorcer la construction de nombreux édifices le long du Rhône. Une façon de conclure la mutation du quartier de la Confluence en un quartier moderne et innovant. Il est notamment envisagé de mettre en avant les fleuves et le paysage lyonnais, en dégageant la vue mais aussi en permettant de réhabiliter les friches industrielles et logistiques. Enfin, il serait aussi question de désenclaver le sud de la Presqu’île en ajoutant des transports en commun. Sara Chalbos PAGE

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