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Anonymous : «hacktivistes» ou média ?

© Tom Roberts

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Un peu oublié ces dernières années, Anonymous a fait son retour sur le devant de la scène en marge de l’éclosion du mouvement #BlackLivesMatter des suites du décès de Georges Floyd à Minneapolis. Entre prise de position et information, le mouvement «hacktiviste» peut-il être considéré comme un média à part entière aux États-Unis ?

«Nous sommes Anonymous. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas. Redoutez-nous. ». Une devise qui annonce déjà la couleur sur ce groupe. Souvent présent lors de gros conflits, le mouvement « hacktiviste » surgit régulièrement de l’ombre pour monter au créneau et défendre la liberté d’expression ou les droits fondamentaux. Cette fois-ci, c’est pour s’allier au mouvement #BlackLivesMatter. Plusieurs menaces ont été proférées à l’encontre de la police de Minneapolis ainsi qu’à Donald Trump, notamment par le biais d’une vidéo partagée massivement sur les réseaux sociaux. Vidéo qui a par ailleurs été supprimée à de nombreuses reprises par YouTube, Facebook ou encore Twitter, en vain tant la viralité faisait resurgir l’extrait rapidement sur les différentes plateformes. Mais avant toute chose, il faut bien comprendre ce que représente « Anonymous ». Ce n’est pas un groupe, c’est un mouvement, un peu comme une bannière que chacun peut endosser. Ainsi, n’importe qui peut se revendiquer comme tel et c’est notamment pour cela qu’il y a une très grande part d’ombre autour d’eux. Les codes du journalisme couplé à l’illégalité du « Hacking »

Se pose alors la question de savoir si nous pouvons considérer Anonymous comme un média dans ce cas de figure. Le mouvement « hacktiviste » présente ici plusieurs aspects d’un média. Ils enquêtent même s’ils le font à l’aide de moyens controversés comme le « hack » pour accéder à des données tenues secrètes et informent à la manière de WikiLeaks en les faisant fuiter au public. Ainsi, Anonymous n’est autre que des supposées centaines voire milliers de personnes qui agissent chacun dans l’ombre et sans réelle organisation ni hiérarchie pour la liberté d’expression, mais aussi pour contester. Dans ce cas de figure là, peut-on donc considérer Anonymous comme un média? La réponse à cette question est complexe et tout dépend du point de vue sur lequel on se base. D’un côté, le mouvement informe à sa manière et à l’image du compte Twitter associé à Anonymous, suivi par maintenant 7,4 millions de personnes, cela témoigne d’une certaine fascination, mais aussi d’une réelle confiance. Par le passé, le mouvement avait déjà fait irruption sur la scène mondiale pour prendre la défense de WikiLeaks. En effet, en 2010, des attaques « DDOS » contre le site de la plateforme de paiement « PayPal » qui avait bloqué l’accès au compte de WikiLeaks avaient été orchestrées et revendiquées par Anonymous. Mais surtout, ce n’est pas la première fois que le mouvement s’associe au #BlackLivesMatter. Il faut remonter à 2014 pour retrouver une trace d’un engouement similaire. Et il était déjà question de violences policières aux États-Unis. Peu après la mort de Michael Brown à Ferguson (Missouri), des membres revendiqués d’Anonymous avaient eu un rôle militant actif dans la dénonciation des autorités. Une prise de position très ancrée pour ce personnage presque mythique qu’est Anonymous. Christopher Coustier on ne peut dire si c’est le même groupe

François JOST Sémiologue et professeur en sciences de l’informationcommunication à la Sorbonne Paris III. Peut-on considérer Anonymous comme un véritable média ?

Le fait de révéler des informations n’est pas le propre d’un média : un témoin, un lanceur d’alerte le font aussi. Et toute personne qui a un compte Twitter ou Facebook et déverse continuellement sa vision du monde ou des infos de institution ou une organisation qui met en forme les nouvelles du monde pour les adresser à un public. Dans les messages des Anonymous nous avons une adresse directe d’une personne, comme il en existe toute sorte sur internet. En fait, nous sommes dans la configuration d’une lettre anonyme ou d’un communiqué d’activiste, d’une menace voulant créer la peur. Du fait même de l’anonymat,

bouche à oreille. Un média suppose une que celui qu’on a appelé par le passé « Anonymous ». Ce «type de journalisme» peut-il être considéré comme dangereux à termes ?

Il peut être dangereux dans la mesure où cela jette le discrédit sur les médias, qui sont en tant que tels une condition de la démocratie. Cela renforce également chez les gens les idées complotistes (on nous cache des choses, on nous ment, etc.…)

Propos recueillis par Christopher Coustier

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