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SPÉCIAL GÉOPOLITIQUE
inq L’actualité en orbite
HORS-SÉRIE N°2
ÉTATS EN QUÊTE D'INDÉPENDANCE
? Transdniestrie Abkhazie Etat islamique Nouvelle-Calédonie Somaliland Sahara occidental Québec
M 01395 * 26 * F : 3,50 € - RD
Cinq hors-série géopolitique n°2 Tous droits réservés Lyon CEDEX 09
SOMMAIRE
ÉDITO **
AGATHE ROBIN DES TERRITOIRES & DES PEUPLES… MAIS SURTOUT DES INTÉRETS Cinq dévie de sa trajectoire habituelle, et enfile une nouvelle couverture sur les enjeux géopolitiques concernant la souveraineté et la reconnaissance des États. En effet aujourd’hui, même si la majorité des États du monde sont souverains et reconnus internationalement, des peuples se battent encore pour qu’on les reconnaisse, et avoir leur propre territoire. Notre rédaction a donc choisi de les mettre en valeur et comprendre les acteurs qui les empêchent de « disposer d’eux-mêmes » – comme le dit si simplement l’Organisation des Nations Unies dans sa Charte de 1945. Pourtant rien n’est simple et rien n’est uni. Le colonialisme plait toujours à certaines nations, et les conquistadors existent encore. Toujours assoiffées par le pouvoir et la richesse, la Chine en Afrique comme la France dans ses territoires d’outre-mer, gardent les mêmes ambitions : un bout de territoire en plus sur la carte, correspond pour eux à de nouvelles richesses à exploiter et une situation stratégique pour plus de contrôle. Apparaît très clairement la notion d’impérialisme, maquillée aujourd’hui par des accords, des chartes et autres signatures factices et vides, dans l’unique but d’attendrir l’opinion publique. L'accord de Nouméa entre la France et la Nouvelle-Calédonie est le parfait exemple. Depuis plus de 20 ans, l’État français promet un référendum d’autodétermination au peuple néo-calédonien, pouvant amener à une possible indépendance. Une manœuvre déguisée pour réduire les tensions entre indépendantistes et anti-indépendantistes mais surtout pour positionner l’État français comme le médiateur – le faux héros, vrai zéro.
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Rédactrice en chef : Agathe ROBIN Secrétaire général de rédaction : Agathe ROBIN Secrétaires de Rédaction : Damien ORSAT, Baptiste NOBLE-WERNER Graphisme / mise en page : Guillaume DREVET, Tanguy COLON Rédacteurs : Ludivine CAPORAL, Baptiste NOBLE-WERNER, Damien ORSAT, Tanguy COLON, Jeanne ROUTHIER, Eugénie VADIVELOU, Thomas VAN DEN BERGH, Ruben ZADEL, Agathe ROBIN, Guillaume DREVET Photo de couverture : Photo Xxx / XXX Joindre la rédaction : 47 rue Sergent Michel Berthet - 69 009 - Lyon Twitter : @Cinq_magazine Mail : redaction.cinq@gmail.com
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Infographie : Les États et territoires non reconnus
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La Transdniestrie, un État fantôme
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L'Abkhazie, un pays inexistant
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L'interview : Gilles Thevenon L'État islamique est-il un territoire ?
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Nouvelle-Calédonie : À quand l'indépendance ?
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Le Somaliland, en quête de reconnaissance
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Au Sahara occidental Le soutien espagnol menacé
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Sujet historique : Québec, une identité controversée
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États et territoires Non reconnus
SOURCE : ONU
LA TRANSDNIESTRIE :
UN ÉTAT FANTÔME La Moldavie abrite dans ses frontières un État que la communauté internationale ne reconnaît pas : la Transdniestrie. Située à trois heures de vol de Paris, la Transdniestrie s’est émancipée du régime de Chisinau depuis 1991. La Transdniestrie est une longue bande de terre de 4160 m² coincée entre le fleuve Dniepr et l’Ukraine. Depuis 1991, au lendemain de l’effondrement du bloc soviétique, cette région revendique une totale autonomie vis-à-vis de la Moldavie, son pays de rattachement. Depuis cette date, les relations entre la Moldavie et la Transdniestrie sont tendues. En 1992, la Moldavie envoie son armée reprendre la région par la force. L’intérêt était avant tout économique, la région concentrait environ 40 % des industries du pays. Moscou est alors intervenu militairement pour couvrir de son aile protectrice cette région russophile. Depuis, des forces russes sont toujours présentes le long de la ligne de démarcation entre la Moldavie et la Transdniestrie.
"Transdniestrie", "Priednistrie", ou "Transnistrie" ? La situation de cette région est si complexe que son nom est devenu un moyen de revendication territoriale. La Moldavie parle de « République moldave du Dniepr » ou de « Transnistrie » ce
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qui signifie "de l’autre côté du Dniepr". Ainsi, les autorités Moldaves amputent sciemment une partie du territoire revendiqué par les autorités transdniestriennes. La terminologie russe évoque, quant à elle, la « Priednistrie » qui signifie "près du Dniepr", revendiquant ainsi des terres situées sur chaque rive du Dniepr. Pour des raisons de neutralité, nous choisirons donc le terme de "Transdniestrie" utilisé par le Conseil de l’Europe.
Toutes les composantes d’un État En droit constitutionnel, un État est une personne morale territoriale de droit public personnifiant juridiquement la Nation, titulaire de la souveraineté interne et internationale et du monopole de la contrainte organisée. La notion d’État induit l’existence d’une constitution, d’un gouvernement, d’un territoire, d’une population, d’un drapeau ou encore d’une monnaie. La Transdniestrie présente toutes ces exigences. Son gouvernement se nomme le "Soviet Suprême", un des héritages de l’URSS. Sa population,
majoritairement russophone, est composée de Russes, d’Ukrainiens et d’une minorité moldave mise au ban de la société. La monnaie s’appelle le rouble transdniestrien. Une monnaie exclusivement faite de plastique. Cet "État" dispose même de deux ambassades. Une en Ossétie du Sud et une autre en Abkhazie. Deux régions, au statut plus que flou, administrées par la Russie. Tout sauf un hasard. Malgré le respect de ces conditions, la Transdniestrie n’est pas reconnue par la communauté internationale.
Moscou tire les ficelles de la politique en Transdniestrie Le pays est dirigé par un président, Evgueni Chevtchouk. Ce dernier confiait à L’Express ses ambitions d’émancipation : « L’Ouest (la Moldavie ndlr) ne nous reconnaît pas. Il serait peut-être venu d’admettre que nous sommes un pays stable depuis 25 ans. Divorçons à l’amiable avec la Moldavie. » Chevtchouk a succédé à Igor Smirnov en 2011. En principe, le président est élu par le peuple. Mais entre le principe et la réalité, il peut exister un fossé. Igor Smirnov avait été placé par la Russie à la tête de la région en 1991. Pendant 20 ans, il a régné sur la Transdniestrie. Surnommé le "Duc" ou "Le Shérif de Tiraspol", Smirnov a réussi en 2001 à être élu avec plus de…103 % des voix. Ce n’est qu’une illustration de la mainmise de la Russie sur la région. Lâché par Moscou, Smirnov sera éliminé dès le premier tour des présidentielles de 2011, atteignant à peine les 20 %. Il se murmure que Moscou pourrait rapidement se débarrasser de Chevtchouk, le président actuel, après sa conclusion d’un accord avec l’Union Européenne : « Poutine fait la pluie et le beau temps en Transdniestrie », souffle un observateur.
En Transdniestrie on rêve d'une chose, l'union avec la Russie de Vladimir Poutine. Photo Politico / BRIANNA EHLEY
sont minimes comparés aux tarifs appliqués en dehors de la Transdniestrie. Mais cette générosité commence à s’éroder. L’économie russe a traversé une zone de turbulence début 2016 avec la chute des cours du pétrole et du rouble, ainsi que les sanctions européennes prononcées à son encontre. Moscou a donc réduit son aide financière en Transdniestrie. Malgré tous ses efforts, la Russie elle-même ne reconnaît pas la Trandsniestrie en tant qu’État à part entière. Elle ne souhaite pas s’empêtrer dans un conflit comme celui de la Crimée dans l’Ukraine voisine. Moscou encourage plutôt la création d’une Moldavie fédérale. Un système qui permettrait au Kremlin d’accentuer son influence sur la Gagaouzie, région pro-russe du Sud de la Moldavie. Baptiste NOBLE-WERNER
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En 1992, la Moldavie signe un accord qui octroi à la Transdniestrie un droit à l’autodétermination en cas d’union entre la Moldavie et la Roumanie.
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Sous l’ère soviétique, l’URSS avait concentré l’implantation des industries lourdes en Transdniestrie.
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L’influence de l’URSS est encore forte aujourd’hui dans la région. Le gouvernement transdniestrien est appelé "Soviet Suprême".
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Le groupe industriel Sheriff dispose d’un monopole commercial sur le "pays". Avec l’accord de Moscou, il règne sur l’économie du pays.
Un pays sous perfusion russe Moscou l’a bien compris, l’argent est le nerf de la guerre. Pour garder son emprise, la Russie finance à tour de bras la Trandsniestrie. Les capitaux russes font littéralement vivre la région. En 2015, le financement russe, appelé "aide humanitaire russe", représentait environ 70 % du budget transdniestrien, soit près de 20 millions d’euros. La Russie alimente aussi en capitaux les usines de la région, essentiellement des industries lourdes. Moscou va encore plus loin en versant des retraites aux binationaux (Moldaves et Russes) bien plus élevées que dans le reste de la Moldavie. Autre traitement de faveur, la tutelle énergétique russe. Les prix du gaz et de l’électricité
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Le conflit russo-moldave de 1992 a fait plus de 500 morts et 2000 blessés.
pour aller + loin
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L’ABKHAZIE : Depuis 1992, l'Abkhazie, région de l'Ouest Géorgien, revendique le statut de République indépendante. La région entrera en guerre contre la Géorgie en 1993, entrainant la mort de 3000 personnes. Reconnue seulement par une poignée de pays dans le monde, la "Perle de la Mer Noire" n’a toujours pas trouvé sa place au sein de la communauté internationale.
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'Abkhazie est ce que l'on nomme un Etat "de facto" : un État qui « ne survit que grâce au soutien d’une partie de la communauté internationale et non par ses propres moyens. Il est souvent un territoire qui a fait sécession avec l’État auquel il appartenait et parvient plus ou moins complètement à mettre en œuvre des services publics et une administration ». Par ailleurs, l’Abkhazie présente toutes les composantes d’un véritable État : un drapeau, un hymne, un gouvernement, une armée, mais pas de monnaie car le rouble y a cours. Si une majorité d'États refuse de reconnaître l'Abkhazie comme indépendante, ce n'est pas le cas du voisin russe. La Russie fut le premier pays à reconnaitre l’indépendance de l’Abkhazie, en 2008. Aujourd’hui, seuls cinq autres pays on fait de même: le Venezuela, le Nicaragua, l’Île de Nauru, et les archipels de Vanuatu et de Tuvalu.
Influence russe et stratégie "poutinienne" En 2008, La Géorgie se rapproche de l'Union européenne. La Russie ne voit pas ça d'un bon œil et intervient militairement dans le pays. Moscou justifie cette intervention par la volonté d'indépendance de l'Abkhazie. Une démonstration de force qui permet également à Poutine de renforcer son cercle d'influence sur les États voisins, tout en envoyant un signal fort à l'Occident. En 2014, la petite république autoproclamée élit un président pro-russe: Raul Khadjimba. Six mois après, l’homme politique signe un accord d’alliance et de partenariat stratégique avec Vladimir Poutine. Condamné par l’OTAN et l’Union européenne,
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CE PAYS QUI N’EXISTE PAS l’accord compte « assurer l’existence de l’Abkhazie et créer des conditions afin de poursuivre le développement des liens socio-économiques ». En 2015, cinq milliards de roubles (268 millions d’euros) ont été octroyés à l’Abkhazie dans le cadre de la mise en place de cet accord. Actuellement, l’économie abkhaze vit sous perfusion russe.
Vers une reconnaissance diplomatique ? Pour l’heure, l’avenir de la région est aussi incertain qu’il l’a été durant les dernières années. En effet, en vue des priorités russes, la véritable reconnaissance de l’Abkhazie en tant que république indépendante par la communauté internationale n’est pas prioritaire. Il semblerait même qu’elle pose un problème à son allié russe : si l’Abkhazie dispose d’une reconnaissance de la part de la communauté internationale, la Géorgie se rapprocherait sans aucun doute de l’Occident, en représailles de son territoire perdue. De ce fait, si ce n’est pour asseoir sa domination, il n’est pas dans l’intérêt de la Russie de laisser l’Abkhazie prendre son envol. Pour les citoyens abkhazes, la reconnaissance internationale, c’est la garantie de pouvoir voyager à l’étranger. Pour le gouvernement, c’est la garantie de disposer d’une protection juridictionnelle et de pouvoir construire des relations diplomatiques avec d’autres acteurs internationaux. Mais pour les différents acteurs mondiaux, la Russie et la Géorgie, cette reconnaissance internationale n’est autre qu’un énième conflit diplomatique et territorial qui viendrait mettre en péril les intérêts de chacun. Ludivine CAPORAL
L'INTERVIEW G É O P O L I T I Q U E
5 questions à....
Gilles THEVENON
Maître de conférences à l'Université catholique de Lyon
La notion d’État / territoire fait partie intégrante du droit international contemporain. Autour de ce terme, la rédaction du Cinq a décidé de se pencher sur la situation de l’État islamique. Entretien avec Gilles Thevenon, maître de conférences en relations internationales à l’Université catholique de Lyon.
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La notion d’État est assez large. Pouvez-vous nous rappeler à quoi elle renvoie ?
En droit international, l’État est composé de trois critères fondamentaux. D’une part, un territoire, c’està-dire l’espace où l’État exerce ses compétences, qui est délimité par des frontières. Il existe trois types de territoires : terrestre, maritime et aérien. Ensuite, une population, qui regroupe les personnes rattachées à l’État par un lien juridique, la nationalité. Enfin, un appareil gouvernemental qui est organisé, indépendant et doit exercer effectivement l’autorité politique.
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Est-ce qu’au sens du droit international, l’État islamique peut être un État ?
Il faut que les choses soient claires : le nom d’"État islamique" ne convient pas à la réalité, c’est une appellation donnée par l’Occident mais qui ne fonctionne pas. Car l’État se réfère à des notions remontant à l’apparition et
à la consolidation des États occidentaux. Ce que ne peut pas être Daesh. De plus, au Moyen-Orient, les pays comme l’Irak, la Syrie ou la Libye n’utilisent pas ce terme, car le groupe terroriste n’est absolument pas perçu comme un État.
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Pour quelles raisons Daesh ne peut être assimilé à un État ?
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Quel est l’ambition de Daesh ?
L’organisation ne possède aucun territoire selon la définition du droit international, elle n’a en plus aucune légitimité sur les zones qu’elle contrôle. Elle n’a pas non plus de population. Ce sont des combattants qui viennent de plusieurs régions et ils ne sont donc pas liés par la nationalité.
Le califat, s’installant aujourd’hui autour des vallées et des quelques villes, aurait une prétention mondiale. Un califat qui prend la forme d’une théocratie car les dirigeants ne sont pas des hommes politiques, mais des politico-religieux, qui utilisent la religion pour gouverner.
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Quel est l’autorité de Daesh sur les zones sous son contrôle ?
Ce n’est ni plus ni moins qu’une autorité de fait, c’est-à-dire une autorité qui n’est pas dictée par la loi, les textes. Elle s’impose d’elle-même. Daesh semble s’inspirer d’une notion rationnelle du 18e siècle, celle d’imperium. C’est le droit réel de souveraineté sur le territoire que l’on contrôle. Une domination qui se fait principalement par le monopole de la contrainte puisque les populations des villes sont prisonnières et persécutées par l’organisation. Propos recueillis par Tanguy COLON
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NOUVELLE-CALÉDONIE : À QUAND L’INDÉPENDANCE ? Le 15e Comité des signataires sur l’accord de Nouméa s’est déroulé en novembre dernier à Matignon : un rendez-vous régulier présidé par Manuel Valls avec les élus indépendantistes et anti-indépendantistes de la Nouvelle-Calédonie. Annoncée depuis la signature de l'accord de Nouméa, en 1998, l’initiative d’un référendum en faveur de l’indépendance de l’archipel a toujours été repoussée. Après presque 20 ans, quelles sont les causes de ce repli continuel ?
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itué en plein océan Pacifique, l’archipel de la Nouvelle-Calédonie a connu différents statuts. Ancienne colonie française depuis 1853, elle est devenue un "Territoire d’outre-mer" en 1946 puis une "Collectivité aux statuts spéciaux" le 5 mai 1998 lors de l'accord de Nouméa, signé sous l’égide du Premier ministre de l’époque Lionel Jospin. Elle est dotée d’un statut particulier en plus des précédents accords de Matignon. L’État français, avec ce nouvel accord, organise une décolonisation de l’archipel par étapes avec une souveraineté partagée : la Nouvelle-Calédonie doit déterminer son futur statut institutionnel avec le transfert de certaines compétences depuis l’État français : le droit du travail, le commerce extérieur, la réglementation des hydrocarbures et l’enseignement primaire public. La France garde cependant les fonctions régaliennes (police, justice, armée). Grâce à l'accord de Nouméa, l’archipel bénéficie d’une première autonomie politique avec la séparation du territoire en trois provinces semi-autonomes : la province du Sud, du Nord et des Îles Loyauté. Chacune de ces régions est dirigée par une assemblée dont une partie des élus est choisie pour constituer le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Une fracture sociale mais aussi politique entre ces trois provinces inquiète
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l’État français : les tensions entre indépendantistes et anti-indépendantistes pourraient bousculer son processus de décolonisation jusqu’à l’échéance prévue en 2018.
Indépendants et anti-indépendantistes : des tensions profondes La situation politique de la Nouvelle-Calédonie est très complexe et se divise entre partis indépendantistes et partis anti-indépendantistes. Les Kanaks (population autochtone) représentent la plus importante communauté de l’archipel : 40% de la population néo-calédonienne. Revendiquant la Nouvelle-Calédonie comme étant leur territoire, ils ont beaucoup souffert des années de colonisation. Ces soumissions ont poussé la population à des mouvements de révolte. Le statut de colonie de la Nouvelle-Calédonie a disparu après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, durant les années 70-80, le gouvernement français a favorisé l'immigration en masse de Français métropolitains sur l'archipel, pour peser contre une population kanak de plus en plus majoritaire. Une séparation entre ces deux communautés a provoqué des conflits, qui ont atteint leur paroxysme lors de la prise d'otages de
Durant les années 70-80, le gouvernement français a favorisé l'immigration en masse de Français métropolitains sur l'archipel, pour peser contre une population kanak de plus en plus majoritaire la grotte d’Ouvéa en 1988 : des indépendantistes, suspectés d’appartenir au Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS), ont tué quatre gendarmes. Les ravisseurs, 19 indépendantistes, ont été exécutés quelques jours plus tard. La France, sous Mitterrand, décide d’apaiser les tensions avec la signature des accords de Matignon entre les deux chefs des partis, Jean-Marie Tjibaou (FLNKS) et Jacques Lafleur du RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République), aujourd’hui nommé "le Rassemblement". Les signatures se sont effectuées en métropole le 26 juin 1988, sous la direction du Premier ministre de l’époque, Michel Rocard : ces accords prévoyaient la création d’un scrutin d’autodétermination dans les dix ans à venir.
Un archipel producteur d’"or vert" L’économie de la Nouvelle-Calédonie repose principalement sur sa production d’"or vert", le nickel, un minerai rare. Avec une telle production, l’archipel s’est fait une place dans le marché mondial des matières premières et possède aujourd’hui 25 % des ressources mondiales de nickel dont 9 % des réserves planétaires. Durant des décennies, l’explosion de la demande de ce minerai a placé la Nouvelle-Calédonie au premier rang de producteur mondial. Mais depuis 2014, une crise due à la baisse du prix du nickel place les trois usines néo-calédoniennes en mauvaise posture. La France compte beaucoup sur ces activités : elle a annoncé la création d’un prêt d’environ 200 millions d’euros pour aider chaque filiale étrangère. L’État français garde un certain monopole sur les affaires économiques de l’archipel, malgré l'accord de Nouméa. Il ne faut pas oublier que la France est la seconde puissance maritime mondiale avec sa ZEE (Zone Économique Exclusive) qui représente 11 millions de kilomètres carrés. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française représentent 9 millions de kilomètres carrés à elles seules : des possessions stratégiques avec l’expansion de ressources minérales, comme les
Vue aérienne du site d'extraction de nickel Koniambo. Photo
AFP
nodules polymétalliques, métaux rares uniquement présents dans les fonds marins. Ce marché potentiel, comme solution à la baisse des activités métallurgiques sur le sol néocalédonien, pourrait amener l’État français à retarder encore un peu l’échéance de l'accord de Nouméa. Agathe ROBIN
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Les migrations de jeunes se sont multipliées à cause du manque d’emplois et de scolarisation au Nord et sur les Îles Loyauté.
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L’indépendantiste Tjibaou, qui a signé les accords de Matignon le 26 juin 1988, a été assassiné un an plus tard, par un kanak indépendantiste.
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Le nickel est un minerai rare de couleur verte principalement utilisé dans le domaine de l’économie, la chimie, l’automobile, le bâtiment et l’aéronautique.
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La Chine et le Japon sont les principaux acheteurs de la production de nickel néo-calédonien.
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L’usine Doniambo de la SLN (ERAMET) partage désormais ses productions avec l’usine de Goro, au sud, dirigée par le multinational brésilien Vale, et l’usine du Nord Koniambo Nickel appartenant au groupe anglo-saxon Glencore.
pour aller + loin
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SOMALILAND : EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE Non reconnu par la communauté internationale mais autoproclamé indépendant depuis 1991, le Somaliland réussit à maintenir la paix et la stabilité dans ses frontières. Mais ses pays voisins ne l’entendent pas de cette oreille.
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ous le joug de la colonisation britannique jusqu’en 1960, le Somaliland (anciennement Somalie britannique) s’unit à la Somalie cinq jours après son indépendance. Une vie commune qui durera plus de trente ans. À l’aube des années 90, une guerre civile éclate. Le conflit fera 800 000 morts. 50 000 « Somalilanders » périront lorsque Siyaad Barre, président somalien, fera bombarder la capitale du Somaliland, Hargeisa, en 1988.
L'Union africaine est défavorable à la partition de l'Afrique Doté d’une véritable colonne vertébrale institutionnelle, le Somaliland a une superficie de 137 000 km², un drapeau, mais également une population d’environ quatre millions d’habitants. À cela s’ajoute un pouvoir politique presque stable, et bien plus influent que celui de Mogadiscio. La question du territoire est plus complexe. À l’est du Somaliland se trouve une bande de terre que revendique le Puntland, région semi-autonome de l’État somalien. Malgré une autonomie avérée, le Somaliland n’est pas un État. Le reste du monde laisse l’Union africaine s’occuper du dossier. Cette organisation internationale fait, pour l’instant, la sourde oreille aux multiples déclarations d’indépendance du Somaliland (1991, 1993, 1997 et 2001). L’Union
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africaine ne voit pas d’un bon œil la partition d’États africains. Des États influents, comme l’Egypte et l’Éthiopie, sont en désaccord sur la question. Mais ceux-là servent avant tout leurs intérêts. L’Éthiopie, ennemi de la Somalie, soutient le Somaliland dans son envie d’indépendance. L’Egypte s’y oppose, redoutant un contrôle de l’Éthiopie sur la Corne de l’Afrique. Une position de force qui pourrait lui permettre de bloquer le Nil Bleu, qui prend sa source dans le lac éthiopien Taha, sans trop d’opposition.
Une économie en pleine croissance Privé de tout prêt bancaire international, en raison de son absence de reconnaissance, le Somaliland a dû trouver une parade pour s’enrichir. L’Afrique de l’Est est une région pétrolière très instable. Le relatif calme de ce « non-État » attire les exploitants étrangers qui ont, par exemple, fui la Somalie. Le Somaliland est aussi réputé pour son bétail qu’il exporte de l’autre côté du Golfe d’Aden, et jusqu’au Golfe Persique. Une exportation qui passe par Djibouti ou par le Port de Berbera. Ce dernier est en plein développement. Plus de 20 % du commerce éthiopien transite par les quais de Berbera. De quoi attiser l’intérêt d’investisseurs occidentaux. Ainsi, les monarchies du Golfe poursuivent leur rénovation de la région. Rubens ZADEL et Baptiste NOBLE-WERNER
SAHARA OCCIDENTAL : Àtraversdenombreusesmanifestations, la population espagnole veut montrer à son gouvernement sa volonté de voir leur pays peser dans la mise en place du référendum d’autodétermination sahraoui. Une opportunité de taille pour le peuple du Sahara occidental, mais déjà menacée par des mouvements sahraouis pro marocains.
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ans de domination marocaine. 150 000 réfugiés en Algérie. « Fixer une date pour la tenue d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental ». José Taboada, coordinateur espagnol des associations amies avec le Sahara occidental (CEAS-Sahara), a démontré sa volonté de voir son pays peser dans la mise en place du référendum Sahraoui. En 1974, suite au retrait des colons espagnols du Sahara, les accords de Madrid promettaient ce référendum. Depuis, il n’a toujours pas été organisé. Aujourd’hui, une large partie de la population espagnole met en avant la « responsabilité juridique » de son pays sur la dernière colonie d’Afrique. Samedi 12 novembre 2016, des centaines de manifestants ont défilé en Espagne lors d’une campagne nommée « L’Espagne n’a pas décolonisé le Sahara ». L’organisation espère se faire entendre par le gouvernement espagnol. Une cause fortement soutenue par le peuple sahraoui, d’autant plus que c’est le pays de Mariano Rajoy qui présidera le prochain conseil de l’ONU (Organisation des Nations Unies), en décembre.
Des obstacles internes Mais il reste encore bien des obstacles à ce référendum. Et ceux-ci ne sont pas uniquement
LE SOUTIEN ESPAGNOL MENACÉ
extérieurs au pays. Le Maroc n’est pas la seule partie à refuser l’indépendance du Sahara. C’est même un mouvement Sarahoui, Khat Achahid, opposé au Front Polisario, qui refuse l’indépendance totale de son pays. Selon le quotidien arabophone Al Massae, Khat Achahid aurait contacté le gouvernement espagnol pour demander à son armée d’arrêter Brahim Ghali, dirigeant Sahraoui et leader du Front Polisario, s’il se rendait en Espagne. Un voyage diplomatique où le président de la République arabe sahraouie démocratique prévoit d'apporter son soutien à son ancien colonisateur, devenu aujourd’hui un sauveur potentiel. Pour justifier cette demande, Khat Achahid s’appuie sur des accusations de crimes contre l’humanité visant Brahim Ghali contre la population sahraouie des camps de réfugiés de Tindouf, en Algérie. Anciennement membre du Front Polisario (Parti politique et armé du Sahara Libre) le mouvement Khat Achahid, « La voie du Martyr », a toujours été favorable à la proposition marocaine d’autonomie élargie du Sahara, qui permet aux Sahraouis d’être "élus démocratiquement pour diriger leur gouvernement local". Si l’Espagne semble être un soutien de taille sur le dossier du Sahara occidental, la tenue du référendum reste incertaine face aux tentatives de blocage des mouvements contestataires au sein du pays. Guillaume DREVET
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Rewind
UNE IDENTITÉ QUÉBÉCOISE CONTROVERSÉE
Les souverainistes québécois peuvent aujourd’hui compter sur de nouveaux alliés, l’organisation des Anglophones pour un Québec indépendant (AQI). Lié à aucun parti politique, le groupe promeut l’indépendance du Québec, un sujet qui fait débat depuis les années 60 au sein du pays. Revenons sur cinq dates qui ont rythmé cette envie d’indépendance.
20 MAI 1980 : 1E RÉFÉRENDUM POUR LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC
Le gouvernement du Parti québécois invite la population à se prononcer lors d’un référendum sur une possible souveraineté de la province du Québec. Il veut un mandat pour négocier une entente de souverainetéassociation avec le gouvernement fédéral. Le "non" l’emporte avec 59,5 % des voix.
5 JUILLET 1960 : JEAN LESAGE, PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC
Dirigé par Jean Lesage, le Parti libéral du Québec entre au pouvoir. "Le père de la Révolution tranquille" souhaite le changement des mentalités québécoises et la transformation des institutions à travers un programme électoral. C’est l'affirmation de l'identité québécoise et la prise de conscience linguistique.
24 JUILLET 1967 : "VIVE LE QUÉBEC LIBRE"
Lors de sa visite officielle au Canada, le général de Gaulle lance : « Vive Montréal ! Vive le Québec ! Vive le Québec libre ! Vive le Canada français ! Vive la France! » qui est perçu comme un encouragement aux revendications indépendantistes par la majorité des Québécois francophones.
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30 OCTOBRE 1995 : UN SECOND RÉFÉRENDUM POUR LA SOUVERAINETÉ QUÉBÉCOISE EST REJETÉ
La population québécoise rejette une nouvelle fois le projet de souveraineté de la province ainsi que leur partenariat économique et politique avec le reste du Canada. Lors de ce second référendum, le "non" est majoritaire à seulement 50,6 % des voix soit environ 9 % de moins que le précédent.
23 SEPTEMBRE 2016 : L’AQI AUX CÔTÉS DES INDÉPENDANTISTES QUÉBÉCOIS
La nouvelle organisation des Anglophones pour un Québec indépendant (AQI) s’est exprimée lors d’une conférence de presse à Montréal en faveur du souverainisme québécois. La professeure et auteure Jennifer Drouin revendique un peuple distinct, et veut chasser l’idée que les anglophones soient fédéralistes par défaut. Eugénie VADIVÉLOU