Loi 1905 Comment sont financés les lieux de culte ?
Le Grand Entretien
Whaleed al Husseini :
Pourquoi j’ai quitté l’islam
Dossier :
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par Paul Dalas, rédacteur en chef
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l y a plus d’un mois, notre jeune rédaction imaginait difficilement travailler sur le thème de la religion en publiant, cinq fois par semaines, un quotidien. Nous nous sommes finalement laissés prendre au jeu et avons trouvé dans la religion un sujet intarissable. Une fois le dernier numéro publié, nous en redemandions encore. À ma maigre connaissance, le défi est inédit. Publier un magazine de 90 pages en l’espace de dix jours nous paraissait impossible mais nous avions la foi. Croire a fait tomber certaines barrières. Parce que nous avons cru, nous nous sommes dépassés. Nous n’étions plus hésitants, nous devenions sûrs de nous, nous n’étions plus contraints, nous devenions libres de choisir, nous n’étions plus étudiants, nous sommes devenus journalistes. En approchant des sujets sociétaux, économiques, purement spirituels ou politiques, j’ai découvert une foi, je parle de celle qui transcende. Je apporte peu de crédits aux institutions religieuses dont les dogmes me paraissent très éloignés de la réalité. Elles semblent toujours reposer sur les mêmes
28 piliers, jouant à la fois avec nos peurs les plus fondamentales et notre espoir. Les grandes religions monothéistes possèdent les mêmes mécaniques : la puissance infinie d’un Tout-Puissant, maître de vie et de mort, un épais brouillard de mystère - d’où vient-il ? existe-t-il ? -, et enfin le pouvoir fascinant qu’exerce chaque symbole religieux. Il y a peu de temps j’assistais à une conférence intitulée : « COP21 : la réponse est-elle spirituelle ? ». Le titre m’intriguait et ces deux sujets me semblaient non-associables. J’y entendais Axel Kahn, scientifique agnostique, expliquer au Grand Rabbin de France et à un cardinal que la foi était un moteur et permettait à l’humanité de se mettre en action. Croire en un objectif et se dépasser pour l’atteindre. « Sauver la planète est possible, il suffit juste d’avoir la foi », expliquait-il. J’admire l’humanité pour sa capacité à croire en un objectif et à se dépasser, si nous ne devions garder qu’un seul enseignement de la religion, ce serait cette capacité à croire aveuglement en un objectif, à bannir l’idée que « cela » est impossible. C’est ça, avoir la foi.
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Le portrait Bertand Virieux libère sa parole
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Parole d’évangile Ils l’ont dit, on n’y a pas cru.
Sacrée mine L’actualité dessinée par Tanguy
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Des canons, des boulets Les réussites et les échecs des hommes 7 et femmes religieux
Le grand entretien
Le « Blasphémateur »
La religion en bref Drôles, informatives, étonnantes : les infos religieuses en brèves
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Le confessionnal Après six semaines de religion intensives, certains rédacteurs avaient besoin de passer au confessionnal 10
Un monde de religions Un planisphère pour mieux appréhender la place des religions dans le monde 12 28
Amour, sexe et religion La société change, ses moeurs aussi. Pourtant la religion interfère encore dans les questions d’amour et de sexualité 14
Les saints du bois de boulogne Pour l’amour de Dieu, un prêtre recueille d’anciennes prostituées avec l’association Magdalena 14
7 millions de consomateurs Entre business et religion, le marché du halal est en pleine expansion 34
Compte coran Sous couvert de la religion, la finance islamique se fait son beurre 44
l’école à l’épreuve de la religion On n’a jamais autant parlé de religion. Les collèges et lycées n’échappent pas à la règle 48
Les lieux de cultes font la manche Si les Églises sont en partie financées par l’État, ce n’est pas le cas des mosquées ou des synagogues. Par qui et comment sont elles financées ? 60
Startup et religion L’Église s’offre une cure de jeunesse en investissant dans la technologie 69
Pour le meilleur et pour le rire L’humour n’est pas toujours accepté dans les sphères religieuses. Entre critique et dérision, réduisent-ils nos libertés de penser ? 70
IMPIE HOUR Avec le pire de twiter, la censure, et le monde imaginé comme si Dieu était une femme, tout n’est pas que sacré dans la religion 83
Pour avoir publiquement rejeté l’islam, Waleed Al-Husseini est persona non grata en Palestine
en page 28 le confessionnal est un magazine spécialisé sur le thème de la religion publié par les étudiants en troisième année de journalisme de l’ISCPA Lyon.
ours Directrice de la publication Isabelle Dumas Directrice de la rédaction Claire Pourprix Rédacteur en chef Paul Dalas Rédacteur en chef adjoint Lilian Gaubert Concepteurs graphiques Lilian Gaubert, David Hernandez, Johanne-Eva Desvages, Paul Dalas Secrétaires de rédaction Laura Turc, Léo Roynette Rédaction Charlène Ravella, Maxime Feuillet, Charline Bakowski, Morgan Couturier, Florentin Perrier, Axel Poulain, Arnaud Bastion, Pierre-Antoine Barut, Laura Turc, Lilian Gaubert, Stéphane Monier, David Hernandez, Léa Masseguin, Léo Roynette, Hugo Borrel, Johanne-Eva Desvages 47, rue Sergent Michel Bertet www.10dumat.iscpalyon.com
BERTRAND VIRIEUX, UNE FOI CONTRARIÉE À la suite de l’affaire de pédophilie révélée en octobre dernier par le diocèse de Lyon, plusieurs victimes se sont rassemblées pour créer l’association La parole libérée. Bertrand Virieux, aujourd’hui quadragénaire, est l’un des membres de cette association. 4
« On peut largement dépasser ça, grâce à des événements de la vie »
par Florentin Perrier
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our ce cardiologue, tout commence le 4 décembre dernier. Initialement à la recherche de cadeaux de Noël sur internet, Bertrand Virieux tombe pour la première fois depuis les faits sur un article mentionnant le nom « Preynat ». « Le papier est sorti en octobre et je ne l’ai vu qu’en décembre, en tournant quelques pages web. C’est la première fois que ce nom sortait ! », explique-t-il. Pour rappel, le prêtre Bernard Preynat est accusé d’être l’auteur d’agressions sexuelles sur d’anciens scouts de la paroisse Saint-Luc, à Sainte-Foy-lès-Lyon, entre 1970 et 1991. Les faits concernant Bertrand Virieux remontent, quant à eux, entre 1979 et 1980. « J’ai eu « la chance » de n’avoir subi que des attouchements. D’un point de vue gradation, je n’ai pas subi de viol, ce n’est pas allé aussi loin que pour beaucoup d’autres garçons. » L’intéressé n’était alors âgé que de huit ou neuf ans. « Le problème, c’est qu’on m’a laissé au scout. On m’a laissé faire la messe, on m’a laissé au catéchisme, en connaissance de cause. Mes parents ont reçu l’assurance que ce prêtre ne m’approcherait plus. Néanmoins, j’étais obligé d’être servant de sa messe, de son confessionnal et d’être au scout pendant trois ans. » Avant que cette affaire n’éclate, le quadragénaire concède qu’il était passé à autre chose, à tel point qu’il pensait que le père Preynat n’était plus de ce monde.
Bertrand Virieux fera ses armes pour la cardiologie. Mais là encore, c’est par défaut que l’étudiant se lancera dans l’apprentissage de cette spécialité. « La cardiologie s’est presque imposée à moi et il se trouve que j’ai adoré ! Ce n’était pas, là non plus, une passion de jeunesse », remarque le médecin, amusé. Après quatre ans d’internat de cardiologie, Bertrand Virieux devient chef de clinique à l’hôpital cardiologique de Lyon. Par la suite, il s’installera en tant que cardiologue à Ternay. Au fil des années, il passera plusieurs diplômes supplémentaires : un diplôme d’échographie cardiaque et de cardiologie du sport. Actuellement, le médecin en prépare un troisième : le diplôme de réadaptation cardiaque.
« CETTE HISTOIRE M’A ÉLOIGNÉ DU CLERGÉ MAIS N’A PAS MODIFIÉ MA FOI » Pour que l’affaire soit entendue, le médecin s’engage dans l’association La parole libérée, présidée par François Devaux. « Il faut que cette affaire-ci fasse date ! Et que, pour la suite, on n’aborde plus la pédophilie comme une sorte de fait divers qui s’est répété, qui se répète et qui se répètera. C’est la grande motivation de tout le monde au sein de l’association ! » martèle-t-il. Et au sujet de son passé, Bertrand Virieux consent qu’il faut « vivre avec ». Mais « on peut largement dépasser ça, grâce à des événements de la vie, de l’environnement, aux rencontres et aux occupations, comme le sport ou la musique », concède le judoka. Obtenant sa ceinture noire en 2011, ce sportif aguerri ne se contente pas seulement du judo. Coureur régulier, il a déjà participé à quelques marathons et pratique même le rugby universitaire. Il est aussi pianiste à ses heures perdues. Et c’est en partie grâce à ces loisirs que le médecin a réussi « à se construire ». Lui, dont le passé l’a « éloigné du clergé sans pour autant modifier sa foi ».
« J’AI FAIT MÉDECINE PAR AMITIÉ » Né en 1971 à Villefranche-sur-Saône, Bertrand Virieux a « toujours été intrigué par la connaissance du vivant ». Mais à l’obtention de son bac scientifique, le futur cardiologue ne sait pas encore que son avenir est en médecine. « C’est grâce à des amis d’enfance ! J’y suis allé parce qu’ils y allaient. Ce choix de faire médecine est avant tout une histoire d’amitié. » C’est donc sur les bancs de Lyon Sud que
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Paroles d’évangile Qu’il s’agisse de religieux, politiques, écrivains, chacun y va de sa phrase. Certaines déclarations sur la religion ont marqué, d’autres sont restées dans l’anonymat. Petit tour d’horizon. par Léo Roynette et David Hernandez III.
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I. « Une attaque contre une religion est une attaque contre toutes les religions »
II. « La gauche est aujourd’hui incapable de comprendre le djihadisme »
III. « Ma seule préoccupation a été qu’aucun mal ne soit plus commis »
Barack Obama l’a martelé maintes fois. Pour la première fois depuis le début de sa présidence, il s’est rendu dans une mosquée sur le sol des Etats-Unis, à Baltimore, pour évoquer le climat antimusulman entretenu par Donald Trump. À travers un discours passionné, Obama a réaffirmé son refus des amalgames, fidèle à sa réputation. Par la même occasion, il a pu envoyer de multiples piques au candidat républicain Trump, sans même le citer. En faisant allusion aux allocutions du milliardaire, il rappelle sa responsabilité dans la montée des actes islamophobes. Une manière de discréditer celui qui pourrait devenir la tête de liste républicaine pour les présidentielles de novembre prochain.
C’est ce qu’affirme le journaliste Jean Birnbaum dans son dernier livre Un silence religieux, la gauche face au djihadisme. L’auteur dénonce le refus de la gauche de voir le terrorisme religieux tel qu’il est : un groupe uni, rassemblé autour d’un discours cohérent, bien qu’apocalyptique et terrible. De peur de provoquer la colère de la communauté musulmane, elle se barricade derrière son leitmotiv « pas d’amalgame » en ne les comparant qu’à une bande d’égarés sans foi ni loi. Une hypertrophie qui n’est pas pour le meilleur. Pour mieux combattre quelque chose, il faut mieux le connaître. Si le gouvernement se risquait à appréhender le radicalisme d’une autre manière, l’expérience pourrait être un succès, ou une erreur. Mais le pire, comme disait Stendhal, c’est bien de ne rien faire.
Dans une interview accordée au journal La Croix, le mercredi 10 février, le cardinal Barbarin avait réagi pour la 1ère fois à l’affaire du prêtre violeur de Sainte-Foy-lèsLyon. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce fut un choc. En effet, le primat des Gaules a avoué être au courant de l’affaire depuis 2007. Il n’a infligé aucune sanction au père Preynat, ce dernier lui ayant juré que plus rien ne s’était passé depuis début 1990. Face à ces déclarations, la pression populaire et le mouvement La Parole libérée réclament la démission du cardinal : « Nous portons plainte pour non dénonciation de faits de pédophilie. » En 2001, un évêque de Bayeux avait été condamné à trois mois de sursis pour non dénonciation dans une histoire similaire.
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IV. « Nous invitons nos frères et sœurs catholiques à pardonner quand, aujourd’hui ou dans le passé, ils ont subi des offenses d’autres chrétiens » Énoncée par le pape François, le 25 janvier dernier, à l’occasion de la semaine de l’unité chrétienne, cette déclaration renforce la position du pape dans son processus d’unification. En effet, il a fait de l’œcuménisme un de « ses objectifs prioritaires » de son pontificat. Après avoir fait amende honorable vis-à-vis des protestants, le Saint Père s’est attaqué à la branche orthodoxe de la chrétienté. Il a rencontré, le 12 février, à la Havanne, le patriarche orthodoxe de Moscou, Kirill 1er. Une rencontre historique qui fait écho à la rencontre avec le patriarche œcuménique de Constantinople, courant 2014, dont aurait découlé une forte amitié.
Icono clash Le dessinateur de presse Tanguy nous éclaire à sa manière sur l’actualité du début de l’année 2016.
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La fifille à son grand-père
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Il savait tout !
Bêtise humaine Donald Trump, perçu comme le favori de l’investiture républicaine aux élections présidentielles américaines, avait, en novembre dernier, préconisé « la fermeture totale des frontières des Etats-Unis aux musulmans », justifiant une haine de ces derniers envers le pays de Disney. Idiotie…
« Un évêque qui change de paroisse un prêtre alors qu’il sait qu’il est pédophile est un inconscient, et la meilleure chose qu’il puisse faire est de présenter sa démission. » Cette déclaration du pape François envers le cardinal Barbarin, au courant des agissements du prêtre Preynat, mis en examen pour agressions sexuelles sur mineurs, ne fait que fragiliser la position de l’archevêque de Lyon, déjà acculé de toute part. Next !
Toujours plus Latifa Ibn Ziaten, mère Yahya Jammeh est un homme qui en veut toujours plus. Après avoir changé la langue officielle de la Gambie, passant de l’anglais à l’arabe, puis proclamé le pays comme étant un Etat islamique, ce chef d’Etat a tout bonnement déclaré le voile obligatoire dans les administrations publiques, même pour les femmes non musulmanes. Et un dictateur, un !
Le 12 janvier dernier, le pape François a sorti son premier livre-entretien, Le nom de Dieu est miséricorde, dans 86 pays et plusieurs langues. Des millions de ventes et donc un pari réussi pour celui qui est perçu comme l’un des souverains pontifes les plus populaires.
C’est lui, Kirill 1er, patriarche de l’Eglise orthodoxe de Moscou, qui est à l’origine de la rencontre historique organisée avec le pape François, le 12 février dernier, à Cuba. Ce fut la première fois depuis plus de 1 000 ans que les deux chefs de l’Eglise chrétienne se rencontraient.
En décembre dernier, lors d’un meeting pro-Front national, Marion Maréchal Le Pen déclarait : « Si des Français peuvent être de confession musulmane, c’est à la condition seulement de se plier aux moeurs et au mode de vie que seize siècle de chrétienté ont façonné (…). Chez nous, on ne vit pas en djellaba… » Aussi sénile que son grand-père de 87 ans…
Tendance avec un hijab. C’était ce que voulait prouver Haneefa Adam, jeune étudiante nigériane musulmane, qui a décidé de poster ses « créations » de poupées Barbie voilées sur les réseaux sociaux. « Que les jeunes filles s’inspirent et s’identifient à une poupée qui leur ressemble. » Une bonne initiative !
HIJARBIE
Le pape sort son livre
Le premier pas
Latifa Ibn Ziaten, mère d’Imad, soldat français tué par Mohamed Merah en 2012, force le respect de tous en ayant surmonté son deuil tout en prônant sans relâche, auprès des plus jeunes, la tolérance et les valeurs républicaines. Un grand bravo à celle qui ne cesse de sillonner la France et qui a remporté le prix Chirac en novembre dernier !
Mère courage
par Pierre-Antoine Barut
Certains mériteraient d’être connonisés d’autres sont de vrais boulets. La rédaction a fait son classement.
CANONS & BOULETS
EN BREF
BRUCE TOUT PUISSANT par Laura Turc, Axel Poulain, Florentin Perrier et Stéphane Monier
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Neil H Kitson/Redferns via Getty Images
« Vous êtes-vous déjà demandé combien d’enfants seraient en retard, ou ne viendraient même pas à l’école, si Dieu leur apparaissait ? » Ce sont les mots d’un père de famille qui a tenté de justifier le retard de sa fille auprès de l’école de Saratoga Springs, aux Etats-Unis. Mais la jeune adolescente n’a pas rencontré le Tout-puissant mais le rockeur Bruce Springsteen. « Ça ne m’étonne pas qu’on le prenne pour un Dieu, ce mec est dans le business depuis quarante ans, il a joué avec les plus grands », s’exclame Olivier, fan lyonnais du « Boss », depuis plus de quinze ans.
BARBARIN DANS LA TOURMENTE Depuis quelques semaines déjà, le cardinal Barbarin a été entraîné dans une spirale infernale. Faire face à l’affaire de pédophilie du père Preynat sur des scouts mineurs n’est pas chose facile pour permettre au diocèse de Lyon de ne pas pâtir de cette affaire. Mais c’est encore plus difficilelorsque l’on est mis en cause. En effet, l’association Parole libérée, regroupant les victimes de cesactes de pédophilie, a menacé de porter plainte contre Barbarin pour non dénonciation de faits d’agressions sexuelles. Il avait déclaré dans La Croix qu’il avait eu connaissance de ces faits « vers 2007-2008 »
LA RADICALISATION À L’ÉCOLE « Renforcer la recherche sur l’islamologie et la radicalisation », voilà le souhait de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education. En effet, accompagnée de son secrétaire d’Etat Thierry Mandon, elle a annoncé, le 19 février, la création d’emplois d’enseignants-chercheurs dans six universités de France pour mieux maîtriser ce sujet. Une mesure qui résonne comme un coup d’éclat à la suite des attentats de Charlie Hebdo. Paris, Marseille, Strasbourg et même Lyon, où un poste d’ingénieur de recherche sur l’histoire de la pensée islamique sera notamment créé d’ici la prochaine rentrée scolaire. Cependant, nous ne savons pas encore de quelle université il s’agit. « Nous n’en avons pas encore entendu parlé, mais cela sera très certainement à Lyon 2 ou Lyon 3 », explique Anne Guinot, responsable communication à l’Université de Lyon.
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« LE RAP AVANT LA TEMPÊTE», GENEST Le duo de rappeur BigFlo & Oli était invité pour l’émission de la chaîne D8, Touche Pas à Mon Poste du 20 janvier. Apprenant plus tôt la présence de Véronique Genest sur le plateau, les deux rappeurs toulousains ont refusé de participer, justifiant qu’elle était « une personne qui ne partage pas certaines de nos valeurs de tolérance, de fraternité et d’ouverture (...) et qui nous a choqués par la maladresse de ses propos envers la religion de proches ». Déjà autoproclamée islamophobe après un tweet qui avait fait le buzz, l’actrice a réagi : « Foutez-moi la paix avec vos problèmes de religion ! »
+ 223 % C’est le pourcentage d’actes anti-musulmans, dévoilé le 20 janvier dernier, par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Selon un rapport, les actes antireligieux seraient de plus en plus nombreux en 2015, ainsi qu’en ce début d’année. Avec 419 agissements anti-musulmans et une hausse de 20 % des actes anti-chrétiens (810), seul l’antisémitisme semble connaître une baisse, de 5%. Reflet d’une défiance antimusulmane croissante, ces actions ont quasiment triplé depuis les tragiques événements de 2015.
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Toute la rédaction a son opinion sur les religions. Après des semaines à travailler sur ce sujet, certains avaient besoin de vider leur sac sur le banc du confessionnal. La rédaction en chef a tenu a les publier.
LE CON FESSI ONAL
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À tes convictions
par Morgan Couturier
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el un croisé, le périple quotidien du 10 du mat’ nous a amenés à prendre les rênes de nos montures (électroniques) pour assiéger les lieux de culte, nos Terres Saintes, dans la quête de savoir. Un Graal pour nous ignorants, embarqués dans une croisade aux premiers abords sans fin, décidée par nos chefs spirituels (notre rédaction en chef). Délivrer nos lecteurs de toute méconnaissance, l’initiative était louable. Elle fut loin d’être vaine, tant nous avons su rameuter, sous notre bannière, quelques fidèles. Avec nos armes – de séduction - il a donc fallu planter notre étendard loin de nos contrées, dans des terres souvent méfiantes vis-à-vis de la pointe aiguisée de nos stylos. Mosquées, synagogues et églises ont fini par ouvrir leurs portes, au même titre que la périlleuse demeure de la Scientologie, où la Cruise army nous a longtemps donné envie de rebrousser chemin. Mais l’envie d’atteindre ce Graal, partagée par 17 Robert Langdon, a permis de réunir un joli butin. Cette croisade pour la religion nous a menés à un puits de connaissances, à défaut du sang du Christ. Templiers des temps modernes, nous avons soulevé bon nombre de questions, inquiétés par nos problématiques et suscité la curiosité. Le tout, en demeurant dans cet ordre ecclésiastique d’athées. Un paradoxe alors que le Juge Suprême n’a jamais été aussi proche, autant que la tentation d’une conversion. Méritonsnous le bûcher? Seule l’histoire le dira.
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ssue d’une famille polonaise du côté paternel, la pratique catholique a toujours été présente, voire omniprésente dans ma vie. Baptisée par un prêtre polonais, ancrée dans un univers religieux, je ne me suis pourtant jamais considérée comme une personne croyante. Je n’ai pas fait de catéchisme, ni ma communion, et encore moins ma confirmation. Une décision qui a eu beaucoup de mal à passer auprès de ma grand-mère. Au décès de mon père, les rapports avec ma famille paternelle se sont « bizarrement » quelque peu compliqués. Ce qui explique, peut-être, le fait que j’ai toujours eu une relation assez difficile avec la religion. Alors, à l’annonce du thème « religion » pour nos six semaines de spécialité presse écrite, j’ai été (très) réticente. Première chose qui m’est ainsi venue à l’esprit : « Mon Dieu ! » Ironie du sort, quand on sait que j’allais être plongée dans cet univers fermé et restreint qu’est la religion. Trouver des sujets diversifiés et surtout intéressants ? Impossible pour moi. Mais finalement, les sujets, les rendez-vous se sont enchaînés par Charline Bakowsky et les rencontres, se sont révélées toutes plus intéressantes les unes que les autres. J’ai très certainement appris plus de choses en six semaines qu’au cours de ces vingt dernières années. Un retournement de situation pensez-vous ? Peut-être. Du moins une relation plus intime qu’auparavant, que ce soit avec la religion catholique, mais également avec les religions juive et musulmane.
Une ouverture d'esprit
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Pour le meilleur et pour le pire
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par Florentin Perrier
ce jour, la religion inquiète. Pour beaucoup de Français, les religions sont vectrices de clivages sociaux et même de conflits. La foi, point de départ initial d’une quête pour le bonheur et la quiétude, semble s’être davantage tournée vers la quête identitaire, à la redécouverte de ses propres racines culturelles et à la solidarité communautaire. Hélas, elle est de plus en plus rattachée à la peur de l’autre et au repli sur soi. Retour identitaire et normatif, la religion semble donc s’être éloignée de son but originel, celui d’une sagesse convoitée. À travers les générations, le motif religieux s’est donc altéré. Aujourd’hui, la conviction religieuse prend source par besoin de repères forts ou par désir d’ancrage dans la tradition de leurs pères. Réactions à la mondialisation, à la mixité ou à l’individualisation brutale de nos sociétés ? Des raisons, il y en a pléthore. De fait, cette mutation religieuse s’inscrirait dans une logique de développement, référente de cette évolution sociétale. Pourtant, la religion, telle qu’on la connaît aujourd’hui, conserve l’importance du lien social, de la loi et de la vertu. Et c’est tout ce qui a de bon. Ce qui est déplorable, c’est le développement de l’intolérance religieuse et des communautarismes, et non les religions en tant que telles. Puisque, nous le savons, la profession de foi peut apporter le meilleur, comme le pire.
La religion, ou l'art de la delegation
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par Léo Roynette
a religion, cette bêtise humaine. Nous sommes à ce jour sept milliards, mais l’homme a depuis toujours été seul. Seul face à la vie, face à la mort. Les questions existentielles fusent et donnent le vertige. De l’absurde naît la peur. Non contents de pouvoir compter les uns sur les autres, nous avons inventé la religion. Un Dieu pour tous nous entendre, un messie pour tous nous sauver. L’homme n’a pas été capable de prendre son destin en main : il a préféré le mettre entre les mains de Dieu. « Si Dieu le veut », « seul Dieu le sait »... Il nous fallait un chef. Quelqu’un qui nous surpasserait, qui nous protégerait, qui pardonnerait nos péchés. Pourquoi chercher soi-même ? Nous pouvons tout déléguer. Dieu a bon dos, et lorsque l’Homme s’est décidé à faire des choses, bonnes ou non, c’est Dieu qui a porté le chapeau. J’ai survécu à une avalanche ? C’est « grâce à Dieu ». Marqué un but ? Encore lui. Au nom de Dieu, des guerres ont éclaté, le sang et les larmes ont jailli, mais surtout, les têtes ont cessé de penser. Si une quelconque forme de puissance supérieure existe, elle nous a en tout cas doté d’une cervelle, le seul vrai miracle sur Terre qui fait de nous tous des êtres dotés de jugement, d’empathie, d’humanisme. Personne ne prendra soin de nous si ce n’est nous-mêmes. Je n’ai qu’une seule foi, elle est en l’humanité.
L'irrespect religieux
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par Stéphane Monier
a religion est-elle incorrectement respectueuse ? Il n’y a pas, dans ce bas monde, d’ambivalence plus forte que le discours résolument respectueux dela religion et l’interprétation, résolument contradictoire qu’en font les fidèles. Pourtant, dans tous les grands textes religieux, Torah, Coran et Bible en tête, le respect d’autrui est martelé en lettres d’or, comme le socle d’une pyramide pour devenir un homme « bon ». Moi, jeune homme de 22 ans, né dans les années 90, fier d’être le porte étendard de la génération Y, n’ai pas la même notion durespect et du vivre ensemble que vous, messieurs les prosélytes. Il faut dire que l’actualité dans laquelle j’ai grandi ne m’y a pas aidé. Entre les attentats du World Trade Center en 2001 et l’éternel conflit israélo-palestinien, le blason du dogme respectueux qu’enseignait mon professeur de catéchèse en a pris un sacré coup. Aujourd’hui, ne vous étonnez pas que ma génération se détourne de la religion. Comment inculquer le respect, alors que le prêtre est pédophile, que l’imam radicalise et que, comble de l’ambivalence, des guerres de religion existent toujours dans le monde. Pour finir, ne voyez pas là un pamphlet d’un incroyant contre l’odieuse religion. Simplement, je ne suis pas athée, mais moi, ma religion, c’est l’amour.
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Les religions du monde
« Le 21ème siècle sera religieux, ou ne sera pas » André Malraux
source : ARTE
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Baise, prie, aime 10
L’amour et le sexe sont des sujets sensibles, quelles que soient les religions. Même si la société a évolué avec le temps, certaines pratiques sont encore taboues aujourd’hui. Couples mixtes, homosexualité, contraceptions, avortement ou encore sites de rencontres décalés, les religions ont encore du mal à s’adapter.
par Léa Masseguin
Le cœur a ses raisons que la religion ignore Juifs, musulmans, catholiques, hindous… Malgré tous les défis que cela implique, l’amour ne semble pas avoir de religion. Respect, ouverture d’esprit et compromis sont les ingrédients indispensables pour concilier croyances et sentiments.
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ien ne les prédestinait à une histoire amoureuse, et pourtant. Firouze et David se sont rencontrés sur les bancs de l’école et filent désormais le parfait amour. Après plus de vingt ans de vie commune, ils ont aujourd’hui trois enfants et coulent des jours heureux dans la banlieue lyonnaise. Pourtant, tout aurait pu en être autrement. En effet, Firouze est musulmane et David, à l’époque, enfant de chœur. Une différence de religions et de cultures qui aurait pu être fatale à leur idylle. Pour arriver au couple solide qu’ils sont aujourd’hui, ils ont traversé beaucoup d’épreuves. « Nous, on ne se posait pas vraiment de questions. C’est le monde extérieur qui nous poussait à nous interroger. Au départ, nos parents étaient inquiets. Ils se demandaient comment nous allions avancer malgré nos différences », explique la quadragénaire. Avec le temps, les doutes se sont estompés et les craintes envolées. Le couple a réussi à convaincre son entourage que l’habit ne faisait pas le moine : « On ne choisit pas la personne que l’on aime. L’amour n’est pas cartésien. Le jour où ça vous tombe dessus, c’est comme cela et pas autrement. » Firouze et David sont un bel exemple pour donner tort à ceux qui pensent qu’un couple mixte est inévitablement voué à l’échec.
Une augmentation du nombre de couples mixtes L’histoire de David et Firouze est loin d’être un cas isolé. Clément et Clélie, Cyrielle et Momo, Sophie et Raphaël… Tous ces couples ont deux points communs : ils s’aiment mais n’ont pas les mêmes croyances. Il n’existe pas de statistiques officielles sur les mariages interreligieux, mais le directeur du cabinet du cardinal Barbarin, Pierre Durieux, remarque une augmentation de ces unions. L’association Aux amoureux du ban public, ayant pour but de faciliter les démarches juridiques des couples franco-étrangers, établit le même constat : « Ici, la religion intervient forcément car elle fait partie du bagage culturel de ceux que l’on accueille, explique Cyrielle, une bénévole. Nous recevons de plus en plus de monde, surtout des étudiants. »
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Ces différences de convictions, S’aimer malgré souvent sources de discordes, sont les différences toutefois celles qui font la force et la Les histoires d’amour interreligieuses richesse d’un couple. Avec le recul, ne sont pas toujours roses. Dans la David et Firouze sont persuadés plupart de ces couples, le jugement d’avoir créé un socle beaucoup plus des personnes extérieures peut solide pour leur relation : « Nous entraîner d’importantes remises avons dû creuser au fond de nousen question. Les premières mêmes pour savoir pourquoi nous incompréhensions et appréhensions voulions vraiment être ensemble viennent notamment des familles », confie Firouze. Pour vivre et de l’entourage. heureux malgré les Les mariages C’est le quotidien différences, d’autres interreligieux de Sophie, sont parvenus à représentent de m u s u l m ane. séparer la sphère Voilée et mariée nombreux enjeux et religieuse de leur histoire amoureuse. défis pour tous ceux à un musulman pendant dix« Pour moi, la qui s’y engagent. huit ans, elle a religion et l’amour Le respect, la refait sa vie avec sont deux choses indépendantes », tolérance et certaines Raphaël, un juif non-pratiquant. explique Clément, concessions sont Née d’un coup de juif pratiquant, en nécessaires pour foudre à l’occasion couple avec Clélie, la pérennité d’un d’un don du sang, athée. Selon lui, leur idylle ne tient si chacun respecte couple mixte. Mais toutefois qu’à un les croyances et les différences de fil. Aujourd’hui, l’éducation de son cultures et la pression elle a des doutes (sa) partenaire, il n’y quant à l’avenir de l’entourage sont a aucun problème. Sa petite-amie le parfois trop fortes… de sa relation et envisage même rejoint sur ce point de lâcher prise (lire page suivante). et se réjouit du partage culturel que Les réticences des familles se font leur offre leur relation : « La religion également sentir au sein du couple n’a pas du tout été un frein dans de Manuel. À l’époque où il a connu notre couple, au contraire. Clément Amel, il y a cinq ans, il était athé. prend le temps de m’expliquer Aujourd’hui, il s’est converti et sa tout ce que je ne comprends pas famille a bien du mal à le soutenir sur ses croyances… et j’adore ça dans son choix : « Mes parents ! » Finalement, ces couples se pensent que je me suis converti pour considèrent comme des gens comme ma copine, à tort. Ils ont beaucoup les autres. « On se prend la tête de préjugés sur l’islam, ce qui me comme tous les couples. Je m’énerve chagrine. »Les difficultés peuvent quand il ne fait pas la vaisselle ou se ressentir au sein même du couple, quand il laisse traîner ses chaussettes en particulier entre un athée et un », rigole Firouze. croyant, selon Cyrielle, qui ne croit pas en Dieu, en couple avec Momo, De leur côté, les enfants issus des un musulman. N’ayant pas les couples interreligieux s’estiment mêmes aspirations que son conjoint plutôt chanceux. Maëlys est née à propos de leur avenir, elle craint d’une union entre un hindou et une l’évolution de leur relation. « Il veut catholique. « Parfois j’allais à la que notre enfant soit musulman et, si messe le mercredi et au temple le c’est un garçon, qu’il soit circoncis. week-end suivant. Mes parents ont Moi, je veux qu’il ait ma liberté de fait le choix de m’éduquer avec leurs pensée et que la circoncision ne soit deux religions pour que je puisse pas automatique ! » La jeune fille décider de la mienne. » Ironie du sort, est convaincue que la religion est elle est désormais athée. Mais elle se une entrave à une histoire d’amour, dit très fière d’avoir grandi avec une « à part si le taux de tolérance et telle ouverture sur le monde.
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d’ouverture d’esprit entre les deux personnes est élevé ».
Le choix de la conversion Souvent, le mariage mixte entraîne la laïcité ou pousse l’un des deux partenaires à mettre de côté ses convictions religieuses. Pour s’unir à la mosquée, les femmes musulmanes doivent obligatoirement se marier avec un homme de la même religion (l’inverse n’est pas obligatoire). Manuel et David ont donc décidé de se convertir à l’islam. « Je ne lui ai rien imposé, explique Firouze. David n’avait pas envie de me perdre. En se convertissant, il a souhaité me prouver son amour, c’est venu naturellement. » Une démarche que ne conçoivent pas Clélie ou Cyrielle qui réfutent l’idée d’une conversion. « Pour se convertir, il faut un minimum de convictions religieuses », affirme Cyrielle. La démarche doit donc être intentionnelle avec une réelle volonté d’adopter une nouvelle religion.
Les religieux se veulent prudents La plupart des chefs religieux désapprouvent le mariage interreligieux. Même s’il n’est pas interdit dans la religion chrétienne, le directeur du cabinet du cardinal préfère prévenir les personnes voulant s’engager dans cette direction. Selon lui, le mariage est une « affaire compliquée » et les différences culturelles sont un véritable défi à l’heure où le nombre de divorces est à son apogée. La religion musulmane suit la même lignée. Azzedine Gaci, à l’initiative des rencontres islamochrétiennes, invite les futurs mariés à la prudence sur trois points : les différences culturelles entre les parents, la nourriture et l’éducation des enfants. Le Grand rabbin de Lyon, Richard Wertenschlag, est plus catégorique. Pour la religion juive, les mariages interreligieux sont « un danger au niveau de la tradition de nos valeurs et de la pérennisation du peuple juif ».
Sophie kiffe Raphaël et Raphaël kiffe Sophie « Un amour dans l’orage, celui des dieux, celui des hommes, un amour du courage et deux enfants hors des normes. » Les mots de Grand Corps Malade, poète des temps modernes, sont le reflet de l’histoire de Sophie et Raphaël. Dans sa chanson Roméo kiffe Juliette, il aborde la question de l’amour impossible entre un musulman et une juive. par Léa Masseguin
«J
e voulais juste sortir de ma chambre ! s’exclame Sophie. Pour m’échapper, j’ai donc accepté de me marier avec mon cousin. C’est comme cela que j’ai accepté la religion musulmane. » À l’époque, elle est la seule fille de la fratrie de parents musulmans pratiquants, sa mère étant convertie. À à peine 20 ans, elle accepte de s’unir avec le premier qui lui demande sa main. Peu après, elle donne naissance à Hamza, puis à trois autres garçons. À l’époque, Sophie ne se pose pas vraiment de questions. Ce n’est qu’avec le temps que l’islam, et notamment la condition de la femme, la révolte. Quand elle apprend l’adultère de son mari, vingt-huit ans plus tard, Sophie se sauve et rejette totalement la communauté musulmane. « J’ai décidé de donner un coup de pied au voile ! » ♪♫ « ILS ONT 16 ANS TOUS LES DEUX ET CHAQUE JOUR QUAND ILS SE VOIENT, GRANDIT DANS LEUR REGARD UNE VIE DE PARTAGE. » ♪♫ Sophie, musulmane devenue non-pratiquante, se met alors en quête de « l’homme idéal ». Cet homme-là, elle le rencontre lors d’un don du sang. Un Égyptien de 44 ans, dont elle se sent liée par une culture orientale commune, sans pour autant connaître ses croyances. Pour lui dévoiler son « secret », Raphaël l’invite au restaurant et lui pose des devinettes. C’est à ce moment-là que Sophie comprend que l’avenir de leur amour sera tumultueux ; Raphaël est juif. « C’était peut-être une forme de rébellion, explique Sophie. En tout cas, l’amour était plus fort que tout. »
Les proches de Sophie ne perçoivent pas leur relation du même œil. Il faut dire qu’avec le conflit israélo-palestinien qui déchaîne les passions, les couples judéo-musulmans sont plutôt mal perçus en France. « Mon entourage ne voit pas une personnalité mais un juif, regrette Sophie. C’est comme si j’étais célibataire. » Les enfants de Sophie, musulmans, ont eux-aussi eu du mal à accepter la relation de leur mère. « Quand ils ont vu que j’avais enlevé le voile, ça a été dur. Mais quand ils ont su que j’étais en couple avec un juif, ça a été encore plus difficile. » De son côté, Raphaël se sent rejeté. ♪♫ « MAIS JULIETTE ET ROMÉO CHANGENT L’HISTOIRE ET SE TIRENT, À CROIRE QU’ILS S’AIMENT PLUS À LA VIE QU’À LA MORT. PAS DE FIOLE DE CYANURE, N’EN DÉPLAISE À SHAKESPEARE. CAR L’AMOUR A SES HORIZONS QUE LES POISONS IGNORENT… » ♪♫ La fin de la chanson de Grand Corps Malade ne coïncide pas vraiment à l’histoire de Sophie et Raphaël. Aujourd’hui, ils s’aiment depuis cinq ans et la quadragénaire ne culpabilise pas vis à vis de sa relation : « Pour moi, la religion correspond au fait d’être en adéquation avec moi-même. C’est ce que je fais. » Mais les choses risquent de s’envenimer. Sophie envisage de pratiquer à nouveau sa religion (faire sa prière, aller à la mosquée, écouter des prêches, etc.). Son idylle serait alors inimaginable puisque sa religion le lui interdit. « Mon but, c’est le paradis. L’amour n’est pas plus fort que tout car nous ne sommes pas invincibles. »
♪♫ « JULIETTE ET ROMÉO SE VOIENT SOUVENT EN CACHETTE. CE N’EST PAS QU’AUTOUR D’EUX LES GENS POURRAIENT SE MOQUER. C’EST QUE LE PÈRE DE JULIETTE A UNE KIPPA SUR LA TÊTE, ET CELUI DE ROMÉO VA TOUS LES JOURS À LA MOSQUÉE. » ♪♫
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La religion brime-t-elle la sexualité ? De l’importance de la virginité au choix d’une vie pieuse, la religion semble astreindre les fidèles à une vision néfaste du sexe. Pour le 10 du Mat’, les représentants des trois grandes religions monothéistes aborde ce sujet sensible. par Morgan Couturier
Père David Gréa :
©L.Gaubert
Il faut casser les préjugés. La plupart des prêtres sont mariés. Dans l’Église catholique, la majorité des gens le sont. La sexualité, c’est d’abord quelque chose de fondamentalement bon. La première chose que dit Dieu, c’est reproduisez-vous, qu’on soit plus nombreux et qu’on ait des enfants. Et ça passe par là (rires). C’est quelque chose de très bon finalement. C’est le lieu de la procréation, où on continue ce que Dieu fait. C’est une part divine dans l’Homme. Souvent ce qui est vu, c’est la crainte autour de la sexualité. Les lieux de ©Charline Bakowski nos vies qui sont les plus beaux sont ceux où l’on risque d’apporter le plus de mal. La sexualité, c’est le lieu de la relation, de l’intimité dans le sens où, quand on veut parler de la relation Dieu - Homme, l’exemple qui est pris, c’est la relation charnelle. Néanmoins, ça peut être le lieu d’un abus, d’une violence. C’est ce que l’Église essaye de défendre. Il faut garder ce caractère de beauté concernant la sexualité et éviter qu’elle devienne une perversion. Finalement, le projet de Dieu pour l’Homme, ce n’est pas qu’on se reproduise, mais c’est qu’on vive.
Nissim Malka, rabbin à Lyon:
©Lilian Gaubert
La religion juive impose certaines limites qui sont différentes de celles fixées par notre société. Ainsi, un homme ne peut avoir des relations sexuelles uniquement avec une personne avec laquelle il s’est engagé officiellement à la respecter, et à fonder un foyer. Car la sexualité, au delà du plaisir qu’elle procure, est aussi un acte créateur qui est considéré comme sacré dans la religion juive. Dès lors, les relations sexuelles ne sont pas autorisées avant le mariage. C’est pourquoi, la virginité acquiert un symbole d’exclusivité, même si depuis la nuit des temps, on savait préserver sa virginité tout en ayant des relations sexuelles. Par exemple, le commentateur Rashi de Troyes au XIème siècle expliquait que «les filles des peuples païens préservaient l’endroit de leur virginité mais avaient des relations par d’autres orifices».
Hacène Taïbi, enseignant à la Grande mosquée de Lyon : La sexualité est permise mais elle est cadrée. Elle se passe dans le cadre du mariage. Notre conception de la sexualité est que c’est un moyen pour la procréation et pour trouver un équilibre, sachant qu’il s’agit d’un besoin naturel, un instinct. C’est comme manger ou boire. Dans l’islam, ontologiquement, quand on parle de l’être, la femme et l’homme sont égaux. Le Coran dit que Dieu a créé l’homme et la femme à partir d’une seule âme. Cette dernière a été dupliquée et a habité deux corps différents. C’est pour ça que dans l’islam, le mariage est presque obligatoire. On n’a pas le droit de choisir le célibat par choix. Maintenant, s’il y a un problème de santé, qu’on ne peut pas assumer, on peut être exonéré de cette obligation. L’homme a besoin de la femme et réciproquement. Les rapports sexuels sont, dès lors, le moyen de trouver cet équilibre. Mais il ne faut pas que ce soit une raison de vivre, il n’y a pas que ça dans la vie. Dieu a créé cette attirance pour qu’on puisse procréer. Le prophète lui-même, a dit que le célibat n’était pas la voie à suivre.
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HISTOIRE D'UNE ÉVOLUTION
DEPUIS PLUS DE DEUX MILLE ANS ET L’AVÈNEMENT DES RELIGIONS DU LIVRE, CHRISTIANISME, JUDAÏSME ET ISLAM, LA SEXUALITÉ EST RÉGIE AUTOUR D’UN SEUL ET MÊME AXE, LA PROCRÉATION. LA MORALE RELIGIEUSE A-T-ELLE TOUJOURS UNE INFLUENCE SUR LES COMPORTEMENTS SEXUELS DES INDIVIDUS ?
© Stockpic
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par Pierrre-Antoine Barut our beaucoup, sexe et religion ne sont pas compatibles. En effet, à leur origine, les trois grandes religions monothéistes que sont le christianisme, le judaïsme et l’islam, imposent des règles strictes et un cadre de vie à suivre en ce qui concerne les rapports sexuels. Le christianisme décrit la sexualité comme quelque chose de bon. Cependant, la notion de procréation reste l’élément fondamental et tout le reste est vu comme perversité. De fait, le sexe hors procréation et hors mariage, lors des menstruations, pendant la grossesse,
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et après la ménopause est très mal perçu. Dans le judaïsme un homme ne peut avoir de relations sexuelles avec une femme avec laquelle il sait qu’il partagera sa vie. La notion de procréation est donc toujours au centre du sujet. Facteur sacré du judaïsme, la procréation ne peut donc se faire avant le mariage. Enfin, dans l’islam, la sexualité est vue comme un point d’équilibre entre l’homme et la femme. Comme le dit Hacène Taïbi, enseignant à la Grande mosquée de Lyon : « La sexualité est un besoin naturel. » Mais là encore, elle doit être encadrée par les lois du mariage. Cependant, ces notions, vues comme fondamentales par la religion, peuvent-elles encore réellement s’intégrer dans nos sociétés actuelles ? Pour Mary Gohin, sexologue lyonnaise, « c’est évident que la société a connu et connaît toujours une érotisation croissante ». À l’heure actuelle, pour beaucoup, les restrictions de la religion concernant la sexualité ne semblent plus à la page, dans une société où le sexe est prôné, notamment par les médias, comme un objet de consommation. « Maintenant, c’est la notion de plaisir qui est mise en avant », ajoute-t-elle. Les gens consomment avant le mariage, et ne se posent plus réellement la question d’aimer et préfèrent les conduites sexuelles variées. « Il y a eu, comme au niveau de la société, une modernisation de la sexualité », précise la sexologue. Aujourd’hui, le bien-être individuel, étendard des réseaux sociaux, a donc fait surgir les notions d’érotisme et d’autosatisfaction, bien que bannies à l’origine par les religions. De plus, il est évident qu’actuellement, le pouvoir sociétal a pris le pas sur la religion. Il n’est donc pas anodin de croiser ou côtoyer des personnes croyantes et mêmes pratiquantes qui ont une vie sexuelle totalement libérée. « Il y a bien eu une révolution sexuelle », conclut Mary Gohin. Cependant, malgré une certaine « banalisation » de la sexualité, ce sujet reste difficile à aborder, car chaque individu le voit différemment et le vit donc de façon très personnelle.
SEXE CONFESSIONS Ils sont tous croyants. Qu’ils soient chrétiens, juifs ou musulmans, ils vivent chacun leur sexualité de manière différente. Ils ont entre 23 et 64 ans et pour l’équipe du 10duMat’, ils ont décidé d’en parler. Témoignages.
Philippe, 28 ans, et Marie, 26 ans, tous deux de confession chrétienne : « C’est vrai que chaque religion prône l’abstinence avant le mariage. Il ne faut pas oublier non plus qu’elle prône également l’amour du prochain. C’est même la base. L’amour ouvre les portes de la tolérance, cela rapproche. Nous, on a décidé de ne pas attendre le mariage. Est-ce que cela fait de nous des mauvais croyants ? Je ne suis pas sûr. Ce qu’il faut, c’est vivre selon ses convictions. Le propre de la liberté individuelle, c’est quand même de vivre comme l’on veut ! »
Zina, 42 ans, de confession musulmane :
Eliott, 23 ans, de confession juive :
« Moi, je suis de l’ancienne génération et je ne pense pas que les jeunes d’aujourd’hui vivent leur religion comme je l’ai vécue. Je suis très croyante et pratiquante. Je suis désolée pour les jeunes, mais dans le Coran, il est clairement dit que le sexe avant le mariage est proscrit. Je reste persuadée par beaucoup de choses. Si les relations sexuelles restaient uniquement dans le cadre du mariage, on pourrait éviter beaucoup de maladies. Et puis, le corps de la femme est un trésor, on ne peut pas l’utiliser puis le jeter. »
« Bien évidemment, je suis pratiquant. Après, je suis jeune, cela ne veut pas dire que je suis détaché de la religion, au contraire, j’ai des convictions, mais je pense qu’il ne faut pas s’empêcher de vivre. Les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup de désirs et je pense que pour être bien dans sa peau, il faut les assouvir. Évidemment que je ne suis plus vierge et que je ne suis pas encore marié, je vis ma vie de jeune Français de 23 ans. Ce qu’il faut à mon avis, c’est garder la notion de respect. Après, que tu sois croyant ou non, tu fais ce que tu veux. »
Michel, 64 ans, de confession chrétienne :
Imad, 25 ans, de confession musulmane :
« Moi, j’avais 23 ans quand j’ai connu ma femme. Croyezle ou non, c’est la seule avec qui j’ai eu des rapports, et seulement après le mariage ! Je sais que ces temps-ci, cela relève de l’exploit, mais je pense que la nouvelle génération n’a plus vraiment de repères et fait ce que bon lui semble. Personnellement, je ne me suis jamais posé la question d’aller voir ailleurs, je n’en ai jamais eu envie et je ne voyais pas l’intérêt. De toute manière, maintenant, c’est trop tard ! »
« Je ne veux pas devenir fou en m’interdisant quoi que ce soit ! Je suis croyant et même pratiquant, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se priver. Tu peux être un bon musulman et avoir des relations. Je pense même que cela peut relaxer certaines personnes. Après oui, il ne faut pas en abuser, il faut respecter l’autre et se respecter. Mais pour moi, religion ne veut pas dire abstinence. »
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CONTRACEPTION ET RELIGION : SORTEZ DÉCOUVERTS Utiliser des moyens pour limiter, tempérer ou tout simplement stopper les naissances au sein d’un couple n’est pas bien vu dans les sphères religieuses. Toutes à des degrés différents, les religions ont leur point de vue, leurs raisons et leurs exceptions en ce qui concerne les moyens de contraception et l’avortement. par Charline Bakowski
«L
’homme a été créé sexué, la sexualité ne devrait donc pas être tabou dans la religion catholique », explique Isabelle Brault, à la pastorale des familles de Lyon. En effet, son image négative s’estompe, mais les religieux restent encore stériles à son sujet. Avant, le sexe était uniquement vu pour procréer, aujourd’hui on s’accorde sur le fait qu’il peut également être un épanouissement pour l’Homme. Des rapports sexuels qui ne devaient avoir lieu qu’au sein du mariage, et une femme qui tomberait enceinte hors-mariage, serait automatiquement responsable. L’Église interdit les moyens de contraception « chimiques » actuels et recommande des méthodes naturelles, où femmes comme hommes, apprennent à connaître leurs corps pour pouvoir réguler les naissances. Mais elle ne condamne pas pour autant un couple qui doit utiliser la pilule, des préservatifs ou des stérilets pour des raisons personnelles et fragiles. Les orthodoxes et les protestants, quant à eux, laissent libre choix à leurs fidèles.
« La procréation est également le but ultime dans l’islam », déclare Hacène Taïbi, enseignant à la Grande mosquée de Lyon. En effet, le Coran lui-même déclare qu’un couple est dans l’obligation d’avoir des enfants. En revanche, elle n’exclut pas les moyens de contraception. « On a le droit de planifier les naissances dans le temps, mais pas de les limiter. Impossible de déclarer je n’aurais que deux enfants », explique-t-il. D’autant plus si la relation est extraconjugale, on préfère ainsi l’utilisation du préservatif pour protéger la personne. Mais, que ce soit chez les musulmans ou chez les catholiques, si une femme décide de ne pas avoir d’enfant, « sans raison valable », cela remet entièrement en cause son mariage. La religion juive tolère, elle, la contraception féminine lorsque les conjoints ont déjà eu un garçon et une fille. Les rabbins peuvent toutefois autoriser au cas par cas l’usage du préservatif contre le sida, au nom du premier commandement : «Tu ne tueras point». « Toute vie vient de Dieu et doit être
© Charline Bakowski.
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L’avortement, un péché mortel accueillie même si c’est douloureux », confie Isabelle Brault. En effet, l’Église condamne l’avortement car il y a déjà eu nidation de l’embryon, qui est, dès sa conception, une personne humaine. « Ce n’est pas banal », explique-t-elle. Avec un temps de réflexion très court, la pression est très forte, donc chaque femme reste marquée. Une action qui est tout autant condamnée dans l’islam. Cependant, elle ne serait pas considérée comme un crime s’il survient avant le 120ème jour du fétus, moment où l’esprit pénètre en lui. Pour les musulmans, comme les catholiques, l’avortement est considéré comme un péché mortel. Ce qui peut expliquer que la majorité des enfants handicapés sont catholiques et musulmans car ce sont les seuls qui interdisent l’avortement. Cependant, une femme peut être amenée à avorter si la grossesse met sa santé en danger. Chez les protestants, cela reste plus mitigé. Certains s’accordent aux autres confessions, pendant que d’autres déclarent que « tant qu’il n’y a pas de naissance, il n’y a pas de vie ». Personne ne peut dire les risques d’avorter pour une femme religieuse. La Bible ne l’annonce pas clairement, mais aujourd’hui, l’Église met en place des écoutes aux femmes avortées et forment de plus en plus de prêtres à ces situations. Une pratique qui semblerait «normale» lorsqu’on sait que tout péché peut être pardonné par la foi en Jésus-Christ. Le pape François a même récemment déclaré dans une lettre de « pardonner les personnes croyantes qui ont avorté, et celles ayant « provoqué » l’IVG ». Ce qui est également le cas chez les musulmans, comme l’a souligné Hacène Taibi : « On protège la société avant tout, on n’interdit pas pour interdire. »
« JE N'AI PAS VOLÉ, J'AI TUÉ QUELQU'UN » LUCIE VIENT D’UNE FAMILLE CATHOLIQUE PRATIQUANTE. TOMBÉE ENCEINTE À 21 ANS, ELLE A DÉCIDÉ D’AVORTER, SANS EN INFORMER SON ENTOURAGE. UNE VÉRITABLE ÉPREUVE POUR ELLE. C’EST AVEC UN NOM D’EMPRUNT QU’ELLE A ACCEPTÉ DE NOUS RACONTER SON HISTOIRE.
«J
e suis issue d’une famille latino-américaine, où la religion catholique est très présente. Quand j’étais plus jeune, mon grand frère a mis enceinte une fille lorsqu’il était en Colombie. Sa vie est devenue un enfer et je m’étais dit jamais je ne voudrais vivre ça. Quelques années plus tard, en décembre 2012, alors que j’avais seulement 21 ans, je suis tombée enceinte. Je ne m’en suis pas rendue compte tout de suite. Il est vrai que je n’avais pas eu mes règles, mais j’étais très décalée à cette périodelà. J’étais déjà à 3 mois et presque à la fin du délai obligatoire pour avorter, mais heureusement j’ai pu réagir à temps. Mon copain, d’origine espagnole et lui-même très croyant, était d’accord avec moi. Malgré l’interdiction de notre religion, on ne pouvait pas avoir cet enfant, on était bien trop jeunes pour pouvoir avoir une situation familiale.
Le plus pesant a réellement été « l’avant » : la prise de décision et la contrainte de la religion. Mes amies proches me disaient : « C’est rien, tu vas aller sur la table, ils vont te l’enlever et voilà. » En effet, pour une personne athée, l’avortement est même vu aujourd’hui comme un nouveau droit, une liberté de la femme. Mais pour une croyante catholique comme moi, c’est tout l’inverse : j’ai réalisé le pire pêché mortel que l’on
puisse commettre. En temps normal, il ne faut jamais penser ou imaginer tuer quelqu’un, moi je suis allée au-delà, je suis passée à l’acte. C’est vrai, qu’à ce moment-là, j’aurais aimé être loin de la religion, cela aurait été plus simple. C’est pourquoi, aucune personne de ma famille n’est au courant. J’ai honte car ce n’est pas comme ça que l’on m’a éduquée. Le dire à mes parents aurait été comme avoir un avant-goût du Jugement qui m’attend. L’avortement nous emmène tout droit en enfer. C’est notamment pourquoi je ne me suis encore jamais confessée. C’est vrai, je saurais enfin ce qu’il m’attend, mais j’ai peur de ce que l’on pourrait me dire. On dit souvent « dans 10 ans j’en rigolerai », personnellement je ne pense pas. Je préfère oublier et préserver ma famille. Si je suis tombée enceinte c’est que je n’aime aucun moyen de contraception. D’une part car c’est contre-catholicisme, et d’autre part car je ne suis pas pour ce principe de s’injecter des hormones. Mais si je ne prends pas la pilule c’est également car j’ai peur que le Bon Dieu me prive d’avoir des enfants, sachant surtout que j’ai déjà commis l’irréparable en avortant. Après un tel événement, j’aurais pu me remettre en question, mais c’est plus fort que moi je ne peux pas. Je me dis que si je dois à nouveau tomber enceinte, c’est que c’est mon destin, je défie le Bon Dieu en quelques sortes.
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D’ailleurs, si je devais revenir en arrière, je ne referais certainement pas la même erreur, je le garderai. Mais je ne regrette pas pour autant, car c’était la meilleure décision à l’époque. Evidemment cela a nourri un besoin de maternité, même si une partie de moi reste effrayée. J’essaie de me déculpabiliser en me disant « Je ne l’ai pas tué, je l’ai perdu ». En effet, la nuit qui a suivi la prise des médicaments pour l’avortement, j’ai eu d’affreuses douleurs dans le bas du ventre. Mon ami a appelé les pompiers, qui m’ont annoncé que, dans tous les cas, j’étais en train de perdre le bébé. Mon conjoint actuel n’est pas au courant non plus. Je ne préfère tout simplement pas en parler, d’une part pour préserver notre couple mais également pour ne pas lui faire ressasser de mauvais souvenirs. De religion juive, il a vécu une histoire semblable avec sa copine de l’époque, également d’origine catholique. Cette dernière est tombée enceinte mais a perdu son bébé pendant la grossesse. Mon ami a alors été sévèrement réprimé par son rabbin, qui lui a dit que c’était une punition de la part de Dieu car cet enfant n’avait pas été conçu au sein d’un mariage entre personnes juives. »
TROUVER L'AMOUR EN LIGNE © Captures d’écran de Muslima.com
par Johanne Eva Desvages
En l’espace de quelques années, la toile a été submergée par les sites de rencontres. Parmi eux, des réseaux sociaux exclusivement réservés aux croyants. Des sites pour musulmans, juifs ou chrétiens. La rédaction s’est jetée à l’eau et a testé pour vous ces opportunités de rencontre 2.0
L
es sites de rencontres, ce n’est pas ma tasse de thé. J’ai toujours trouvé un peu dégradant de s’y inscrire. Mais pour ce magazine, je me jette à l’eau, en choisissant d’abord Muslima.com, le géant des sites de rencontres musulmans, comptant plus de 5 millions d’inscrits. Le réseau me demande d’indiquer si je porte le voile, souhaite me convertir, accepte la polygamie ou encore si je mange halal. J’indique qu’il s’agit d’une inscription factice pour projet professionnel et reçoit peu après un message du serveur indiquant la suppression de mon compte, ne correspondant pas aux attentes de Muslima.com.
« PAYER POUR CONVERSER » J’enchaîne en m’inscrivant sur un site de rencontres juif : E-mazal.com, qui compte 24 453 membres. La maquette du site donne l’impression de consulter les annonces du journal. « J’aimerais trouver une belle femme pour construire une relation sérieuse », écrit Romain. Je peux consulter les profils sans même être inscrite. Mais dans ce fouillis, je m’y perds facilement. Afin de rester dans le thème des petites annonces, je poursuis l’expérience sur Connexion-chrétienne où les comptes des nouveaux membres sont visibles publiquement sur la page d’accueil. Mais pour finaliser l’inscription, encore faut-il recevoir le code d’activation. J’ai beau vérifier dans mes spams et renseigner deux adresses mails différentes, le lien attendu n’arrive pas. Je tente alors ma chance sur Rencontrescatholiques.eu. Comme pour Muslima.com, on me demande de renseigner mon degré de croyance. Une fois membre, il est possible de consulter les profils des inscrits et de leur envoyer des messages. En revanche, il faut payer pour espérer une réponse. Je dois débourser entre 15 et 20 euros par mois pour discuter librement avec les membres. Sur Muslima.com, c’est entre 10 et 35 euros. Sans payer, je ne peux consulter les messages reçus par les membres Premium. Des petits détails masqués lors des inscriptions... Dans ma lancée, je cherche des alternatives aux sites de rencontres religieux et découvre Meetmevirgin.com, un réseau social américain dédié aux personnes vierges. Dans un pays pourtant sous l’influence de la religion, ce réseau ne me semble pas « très catholique ». Toutefois, ces annonces ne sont pas aussi coquines que celles de ses cousins français : Rencontre-puceau.com et Rencontre-pucelle.com. Deux sites complétement décalés où les inscrits n’ont qu’une idée en tête : perdre leur virginité au plus vite !
Je décide alors de jouer le jeu à fond. Sur mon nouveau profil, je poste une photo attrayante et indique en descriptif la phrase type : « Jeune fille de 20 ans recherche jeune homme gentil et attentionné. » En l’espace de quelques minutes, plusieurs célibataires m’ont ajoutée en favori et je commence déjà à recevoir des messages. J’en profite pour consulter d’autres sites musulmans, dont Inchallah.com, deuxième au classement avec 149 041 visites comptabilisées en 2014. En surfant sur le net, je tombe sur un article de Ajib.fr mettant en garde contre « le piège des sites de rencontre musulmans. » D’après ce site, où l’actualité religieuse est traitée par des musulmans, l’utilisation de ces réseaux sociaux n’est pas adaptée aux valeurs de l’islam. Pourtant, en un peu plus d’une heure, 17 célibataires musulmans m’ont ajoutée en favori sur Muslima et neuf d’entre eux m’ont contactée. Des croyants qui, eux, ne voient pas d’inconvénients à utiliser ce réseau pour faire des rencontres.
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HOMOSEXUALITÉ ET RELIGION : LES DIEUX NE FONT PAS LA PAIRE La sexualité a toujours été un sujet tabou dans les croyances. L’homosexualité, elle, dérange d’autant plus. Deux personnes de même sexe éprises l’une de l’autre ne correspondent pas au modèle d’Adam et Eve imposé par la religion. Une mentalité qui tend à changer, lentement mais sûrement.
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Alexandra a créé «21ème sexe», abordant le concept des genres. ©JED
e suis lesbienne et quand je rentre dans une église, je me dis que je ne suis pas la bienvenue », confie Alexandra Pommatau, 22 ans. Après des années de refoulement, la jeune fille assume aujourd’hui son homosexualité mais garde une relation conflictuelle avec la religion. « Une partie de ma famille est de confession catholique et elle est homophobe », explique t-elle.
l’association chrétienne David et Jonathan, qui comporte 450 adhérents catholiques et homosexuels, n’est pas de cet avis. Elle regrette que « les institutions restent fermées sur le sujet ». A l’inverse, elle « rencontre beaucoup de prêtres qui sont ouverts ». À l’image de père Gacogne, « Des penchants à corriger » accueillant dans sa paroisse des Si la religion n’accepte pas couples gays ou lesbiens : « Ils l’homosexualité, c’est qu’elle est proscrite viennent pour demander à baptiser dans les textes saints. Au chapitre 18, verset leur enfant, c’est une démarche 22 du lévitique il est inscrit : « Avec un qu’on n’avait pas il y a dix-quinze mâle tu ne coucheras pas comme ans », constate-t-il. on couche avec une femme, c’est « Se servir d’un autre homme Si le religieux lyonnais pour assouvir une abomination (toeva) ». reconnaît la dureté des « Mais pour les femmes, ce n’est ses passions est textes saints, Yazid, gay et pas aussi grave car il n’y a pas musulman, assure que le une forme de viol » pénétration », explique la veuve Coran ne comporte aucun du rabbin Maman de Villeurbanne. Dans texte interdisant l’homosexualité son livre, Et tu marcheras dans ses voies, « mais certains croyants utilisent roman référence dans la religion juive, le des passages discutables pour Grand rabbin Michel Gugenheim, incite à dire que c’est interdit », explique « corriger » les penchants homosexuels. le jeune homme, bénévole au sein Un message laissant entendre que de l’association Homosexuels l’homosexualité est toujours considérée musulmans de France (HM2F). dans le judaïsme comme une anormalité. D’après le prêtre Franck Gacogne, de la « Elle a été battue parce paroisse de Bron, « la Bible condamne qu’elle était lesbienne » les actes et non les personnes ». Mais Mais être gay, c’est aussi s’attirer si le sujet « demeure encore tabou dans les foudres des plus extrêmes. les familles chrétiennes », une évolution Après son coming-out, Alexandra semble se dessiner avec l’arrivée du est devenue bénévole à l’antenne pape François, indique le père. Pourtant,
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lyonnaise de Contact, où elle vient en aide aux personnes homosexuelles. « On a accueilli en début d’année une femme venant de Gambie qui a été battue par tout le village parce qu’elle était lesbienne. Elle a été séquestrée, défigurée, et quasiment laissée pour morte », explique Alexandra. Un traitement violent devenu commun dans ce pays proclamé Etat islamique, en décembre dernier. En France aussi, Alexandra, sait qu’à tout moment, elle peut être prise à partie. Dotée d’un incroyable sang froid, elle avoue avoir déjà reçu plusieurs menaces d’inconnus l’ayant vu main dans la main avec sa copine. « Mais ils peuvent bien passer à l’action, j’assume », lâche-t-elle avec aplomb. En France, on estime que 1,8 à 4,2 millions de personnes seraient homosexuelles, dont au moins 87% auraient déjà été victimes d’insultes homophobes.
©Magdalena92
LES SAINTS DU BOIS DE BOULOGNE L’association Magdalena, créée par Jean-Philippe Chauveau, prêtre de la communauté Saint-Jean qui travaille aux côtés des prostitués du bois de Boulogne, a pour projet d’ouvrir une maison d’accueil courant mai. Une initiative qui divise catholiques et travailleurs du sexe.
C’ © DR
par Léo Roynette
est dans un ancien monastère de Seine-et-Marne que devrait voir le jour le projet de l’association Magdalena. Une maison d’accueil et de réinsertion à l’intention des prostitués, dont la volonté est de changer de métier, le plus souvent de vie. Ce nouveau chantier s’inscrit dans la continuité des missions menées par l’association, créée en 1998, par le prêtre Chauveau. Des tournées dans le bois de Boulogne toutes les nuits et des dîners solidaires étaient déjà menés par les 250 bénévoles de l’association, afin de sortir les prostitués de l’isolement. Désormais, c’est un logement permanent (le seul de France a posteriori) qui sortira de terre, pouvant accueillir sept pensionnaires, hommes, femmes, pour certains transsexuels. Ils seront encadrés par un directeur et une maîtresse de maison. Une idée initiée par le père Jean-Philippe Chauveau, qui a passé sa vie à se vouer aux marginaux. Issu d’une famille pauvre, il souffre d’un cruel manque d’affection dès son plus jeune âge. Violé alors qu’il n’a que 12 ans, il tombe dans la délinquance et la drogue, et multiplie les maisons de correction. Celui qui était vu comme un bon à rien décide de devenir prêtre en 1982,
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et s’engage pour ceux que la misère humaine n’épargne pas : toxicomanes, délaissés de la société, prostitués, etc. « En allant faire du sport dans le Bois, j’ai rencontré des prostitués qui me disaient vouloir sortir de la prostitution, sans pouvoir y parvenir. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose, décrit-t-il. Aujourd’hui, c’est mon rêve qui va se réaliser. »
UNE INITIATIVE BIEN ACCUEILLIE PAR LA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE En tout cas, ce projet est bien accueilli par la communauté catholique lyonnaise, comme en témoigne les dires du prêtre George Laïlo : « À condition que cela se fasse avec une extrême délicatesse, pourquoi pas. Il faudra bien veiller à la dignité de la personne. » Alors tout cela se ferait dans un pur but humaniste, dénué d’intentions prosélytes ? Le père Chauveau s’en défend : « Quels qu’ils soient, on les accepte. On se base sur un respect mutuel. Qui suis-je pour les juger ? On vient pour se faire des amis, pas pour faire du prosélytisme. Si tu veux devenir catholique, je suis là. Mais mon premier objectif est de les aider et de leur faire découvrir leur vie spirituelle, intérieure. Je peux les soutenir, mais je ne leur dicterai jamais rien. » Et de conclure sur la question de la pénalisation de la prostitution : « Pourquoi pas pénaliser. Mais dans ce cas, il faudra un réel accompagnement après, pour les réinsérer dans la société. »
« UN COMBAT POUR LA MORALE CHRÉTIENNE, PAS POUR LES PROSTITUÉS » Les Seulement, qu’en pensent les principaux intéressés et les personnes qui les côtoient au jour le jour ? « C’est un vieillerie », estime Jérôme Expuesto, éducateur spécialisé au sein de l’association lyonnaise Cabiria qui œuvre pour la préservation des droits et des conditions de vie des prostitués. « Malheureusement quand on voit les difficultés qu’on a pour exister, survivre, alors qu’on fait de la santé publique, je trouve ça très triste. Et à la fin ce seront les prostitués qui paieront le prix fort ». Un avis que partage Thierry Schaffauser, travailleur du sexe, membre fondateur du Syndicat du Travail Sexuel (STRASS), coordinateur du collectif Droits & Prostitution et enfin, auteur du livre La Lutte des Putes. Pour lui, l’initiative du prêtre Chauveau part peut-être d’une bonne intention, mais ne fait au final que stigmatiser. « Tout cela me paraît arriéré et me fait penser au Couvent de la Madeleine (voir encadré). Il y a une logique chrétienne derrière ce projet qui fait que la prostituée va se repentir et rechercher le pardon. Cela vient de la mythologie chrétienne, avec la prostituée Marie-Madeleine dans la Bible, d’où la célèbre réplique : que celui qui n’a jamais pêché jette la première pierre », élucide-t-il. Et de revendiquer : « Mais ce n’est pas quelque chose auquel on aspire, nous, travailleurs du sexe. En priorité, nous nous opposons à la pénalisation de nos clients que le gouvernement veut appliquer. Ne pas nous reconnaître comme travailleurs, c’est nous couper de nos droits et c’est ce qui fait que nous subissons violences et discrimination au quotidien. Thierry Schaffauser est clair : « c’est un combat pour la morale chrétienne, et non pour les prostitués ».
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WAL En 20 sur in inter une a (2015
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WALEED-AL-HUSSEINI est un blogueur athée palestinien. En 2010, il a été arrêté et torturé pour avoir posté des articles sur internet critiquant l’islam. Il a alors reçu des soutiens internationaux puis trouvé refuge en France. Depuis, il a écrit une autobiographie « Blasphémateur ! Les prisons d’Allah » (2015). propos recueillis et traduits de l’anglais par Léa Masseguin
« JE TROUVE LE CONCEPT DE LAÏCITÉ À LA FRANÇAISE DANGEREUX » 29
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n janvier 2015, vous avez publié un livre « Blasphémateur, les prisons d’Allah ». De quoi s’agit-il ?
C’est une sorte de biographie avec mes idées sur l’islam et l’islam politique. Dans ce livre, j’explique comment et pourquoi j’ai quitté cette religion. Ensuite, je parle des dix mois que j’ai passés en prison après avoir parlé de mes idées sur internet. Ensuite, je raconte la manière dont je suis parti pour venir en France. Enfin, je parle de ce que je vois au quotidien dans le cadre de mon association, le Conseil des ex-musulmans de France. Pourquoi avez-vous décidé de quitter l’islam? J’ai décidé de quitter l’islam pour plusieurs raisons. Je pense que l’islam est une religion autoritaire qui ne reconnaît pas la liberté de choix des individus. La situation des femmes dans cette religion n’est pas compatible avec les droits de l’Homme : elles n’ont pas de liberté d’expression, doivent respecter les choix que l’on fait pour elles. Toutes les formes d’expression artistique sont bannies (chant, danse, peinture, etc). Il y a énormément de raisons pour lesquelles j’ai quitté l’islam. Quelle a été la réaction de votre famille ? Au départ, mon entourage ne s’en est pas mêlé. Les membres de ma famille pensaient que j’étais jeune et, qu’un jour, je serais de nouveau croyant. Mais après mon arrestation, la situation est devenue compliquée pour eux. Les gens les accusaient, pensant que ce que j’avais écrit était lié à leur mauvaise éducation. Aujourd’hui, ils sont toujours musulmans mais ils m’acceptent pour qui je suis. Et c’est parfait pour moi.
d’être athée ?». Pour eux, l’athéisme n’était pas un choix libre. Ensuite, j’ai eu un procès militaire. Les musulmans ne comprenaient pas qu’il existe d’autres choix que l’islam, que l’on puisse quitter cette religion. Ils pensaient que j’étais un espion soutenu par les sionistes et Israël, ou une personne ou organisation qui voudrait détruire l’islam.
Le Conseil des ex-musulmans de France En juillet 2013, Waleed-Al Husseini a créé le Conseil des ex-musulmans de France (CEMF). Il a pour objectifs de donner la parole à ceux qui ont quitté l’islam et de : - Faire admettre l’universalité des Droits humains et de l’égalité entre tous les êtres. - Défendre la liberté de critiquer les religions, sans conditions ni limitations. - Interdire toutes coutumes, traditions, pratiques ou fêtes religieuses qui ne respectent pas les droits et les libertés humaines. - Combattre tous les aspects répressifs et traditions des religions attentatoires à l’intégrité physique et morale qui se dressent comme handicap à l’émancipation des femmes et à l’égalité des sexes. - Interdire toute intrusion d’autorités qu’elle soit officielle, familiale ou filiale dans la vie privée de l’homme et de la femme. Protéger les enfants de l’endoctrinement. - Prohiber tout soutien matériel ou moral de la part de l’Etat au profit des activités des institutions ou à caractère religieux.
Pour quelles raisons avez-vous été arrêté ? J’ai été arrêté car j’ai créé un blog en arabe et j’y ai écrit des articles pour critiquer l’islam. Certains articles expliquaient mes idées et donnaient mon avis sur l’islam ainsi que les problèmes que j’ai remarqué, que ce soit à propos du Coran, de la vie de Mohamet ou de certains hadiths.
Cette arrestation ne vous a-t-elle pas poussé à abandonner votre lutte ? Non. Cette arrestation m’a rendu plus fort. Elle m’a convaincu que je devais continuer à me battre pour la liberté et pour que les musulmans acceptent la différence. Je ne me soucie pas de la religion, je me soucie seulement des effets que la religion a sur moi. Et sur la société entière. Voilà ce contre quoi je m’indigne ; vous pouvez Qu’avez-vous subi lors de votre croire en quelque chose mais ne vous en arrestation ? servez pas contre moi, ne me jetez pas Au début, j’ai été enfermé durant quatre votre idéologie et vos croyances à la figure. mois. Je n’ai vu personne et n’ai pas eu de procès. Je passais la plupart de mon temps Le Coran vous autorise-t-il à quitter à me faire battre par des barbares qui me l’islam ? posaient des tas de questions. Par exemple Bien-sûr que non. Le Coran et les hadith : « Qui t’a donné de l’argent pour critiquer (second fondement du dogme de l’islam, l’islam ? » ou « Qui t’a donné les moyens ndlr) sont d’accord. Et nous savons ce qui
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est arrivé à la mort de Mahomet : ils ont fait la guerre (la guerre de Reddah) à toutes les personnes qui quittaient l’islam. Comment avez-vous été accueilli en France? Quel est votre point de vue sur la laïcité à la française ? J’ai été le bienvenu en France. J’aime les Français et j’aime Paris. Mais à propos de la laïcité, je trouve le concept dangereux. L’appropriation de la valeur de la laïcité par certaines personnes peut être dangereuse. Cette réflexion a été ma seule crainte après les attentats du 13 novembre, que la laïcité soit utilisée comme un argument. Mes craintes étaient fondées. C’est pour cette raison que j’écris un nouveau livre en ce moment. C’est une analyse de la société autour de la laïcité et une critique sur toutes les choses qui, pour moi, vont mal. J’en parle au travers de mon expérience et mon vécu. Pas en tant qu’intellectuel français qui parle et débat avec sa culture de la liberté à la française. Selon vous, qu’est-ce qu’un islam modéré? L’islam modéré est la relation qu’entretient une personne avec Allah, c’est-à-dire que cette relation n’a aucune influence sur le style de vie, l’éducation scolaire ou la loi. L’islam doit rester quelque chose de personnel, la religion ne doit pas empiéter sur la sphère publique ou politique. Vous recevez régulièrement des menaces. Avez-vous peur ? Des menaces, j’en ai reçu beaucoup. Je me suis même fait attaqué dans les rues de Paris. J’évite d’ailleurs certains quartiers qui sont majoritairement habités par des musulmans. En revanche, je n’ai pas peur. Ils veulent que j’aie peur pour que j’arrête de les critiquer mais cela n’arrivera jamais. Je me bats pour la laïcité et les droits de l’Homme. Je ne changerai pas. Avant, je me battais seul en Palestine. Maintenant, je suis avec des tas de personnes qui partagent mes opinions, ce sont eux qui me donnent la force de me battre. Quels sont les conseils que vous donneriez aux musulmans de France ? Ils devraient essayer d’accepter les personnes différentes. Il faut qu’ils se rendent compte qu’ils sont d’abord Français, ensuite musulmans. La plupart d’entre eux agissent comme s’ils étaient sûrs d’être musulmans et peut-être Français. Voilà le gros problème qu’il faut qu’ils arrivent à dépasser. Il faut qu’ils comprennent que la religion ne fait pas l’identité.
L’habit ne fait pas le moine Ces personnes vouent leur vie à Dieu mais qu’auraient-elles fait si elles avaient pris un chemin différent ?
«J’ai toujours eu des envies de découvertes»
Le Père Gréa « Je suis fan de rock alternatif »
Après avoir rêvé de partir en Afrique avec femme et enfants à 20 ans, il souhaiterait découvrir, aujourd’hui, l’Iran et sa civilisation.
Ce qui explique l’arrivée du groupe Glorious pour animer les messes de l’église Sainte Blandine.
« Je me serais lancé dans le cinéma »
« J’aurais aimé faire du social »
Fan de Juliette Binoche, il a déja interprété son propre rôle dans Insoupçonnable aux côtés de Laura Smet en 2010.
C’est pour ça qu’il est devenu éducateur pour adolescents pendant deux ans.
« J’aurais fondé une famille »
« J’adore la politique » Ayant déjà fait partie d’une association, son idéal serait une démocratie locale dans laquelle les citoyens interagissent sur des thématiques précises.
Même s’il ne regrette pas de ne pas avoir fondé de famille, il reconnaît que rentrer chez soi et ne raconter sa journée à personne est quelque chose de difficile à vivre. 31
QUELLE CONVERSION POUR QUELLE RELIGION SI CERTAINS DÉCIDENT D’ABANDONNER LEUR RELIGION, D’AUTRES SE CONVERTISSENT. A LYON, C’EST LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE QUI ACCUEILLE LE PLUS DE FIDÈLES CHAQUE ANNÉE. ELLE EST SUIVIE PAR LE CHRISTIANISME, PUIS BEAUCOUP PLUS LOIN, PAR LE JUDAÏSME. par Léa Masseguin
Dans l’islam :
Dans le judaïsme :
Se convertir à l’islam est beaucoup plus simple que dans les deux autres religions monothéistes. Le musulman n’a pas besoin de sacrement, ni de rite. « La conversion se fait entre le croyant et Dieu, il n’y a pas d’intermédiaire », explique Hacène Taibi, enseignant à la Grande mosquée de Lyon. S’il le souhaite, le musulman peut toutefois prononcer sa procession de foi devant un imam ou d’autres fidèles. Cela lui servira notamment lors de son mariage ou de son décès.
LES DÉMARCHES POUR SE CONVERTIR :
La conversion au judaïsme est longue et difficile. Durant plusieurs années, la personne juive doit apprendre les règles et les lois du judaïsme et prouver qu’elle est prête à porter le message de Dieu sur les autres. « Le juif a un certain pouvoir, explique le rabbin Nissim Malka. La conversion peut durer six mois comme 20 ans, cela dépend des personnes. » Selon lui, une seule chose est à retenir : « Le judaïsme n’est intéressé que par des personnes désintéressées. »
Dans le christianisme :
La conversion au christianisme est un long cheminement de deux ans, jalonné de différentes étapes. Lorsque le sympathisant a prouvé son réel désir de devenir chrétien, il est accompagné personnellement par un autre fidèle (une rencontre est organisée tous les 15 jours pendant 1h30). Les futurs convertis se retrouvent également une fois par mois pour partager leur expérience. La conversion s’achève par les trois sacrements : le baptême, l’eucharistie et la confirmation.
On peut quitter l’islam et le christianisme, pas le judaïsme. Dans la religion musulmane, il est tout à fait possible de quitter l’islam. Le Coran contredit l’idée de contraindre les fidèles. « On ne peut pas imposer à quelqu’un de rester, explique Hacène Taibi. Quelqu’un qui fait semblant d’être musulman, cela n’a pas de sens. »
LES ACTES D’APOSTASIE :
Un juif (converti ou non) n’a pas le droit de quitter sa religion. « Il naît juif et le reste quels que soient ses actes », explique le rabbin lyonnais Nissim Malka.
Dans le christianisme, les actes d’apostasie consistent à renier son baptême ; ils sont donc assez rares (une dizaine par an à Lyon). « Généralement, cela se produit lorsque des personnes revendiquent leur athéisme ou parce qu’elles changent de religion », explique Nathalie Giaconia, du diocèse de Lyon. Cependant, les personnes baptisées ne sont pas pour autant toutes pratiquantes.
Environ 300 personnes par an suivent un accompagnement par la Grande mosquée de Lyon. Cependant, le nombre de convertis ne peut pas être comptabilisé car les musulmans ne sont pas obligés d’informer la communauté.
LE NOMBRE DE CONVERTIS À LYON :
Ils sont seulement quelques dizaines par an à se convertir au judaïsme.
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154 personnes se sont fait baptiser en 2016 (en nette augmentation ces dernières années).
Sur les 154 catéchumènes (personnes qui demandent à l’Église de devenir chrétiens) qui seront baptisés cette année, environ 10 % étaient musulmans. La plupart d’entre eux sont des femmes, parfois des couples. L’Église est très attentive à leurs conditions de sécurité car elles sont souvent menacées par leur entourage à cause de leur conversion. Beaucoup de demandes ne peuvent pas aboutir pour des raisons de sécurité ou pour préserver l’harmonie au sein de leur famille.
© L.ucia Romero
« JE VEUX QU’ON ME LAISSE MA LIBERTÉ DE PENSÉE »
Lucia, une Lyonnaise de 25 ans, était une catholique très pratiquante jusqu’à la fin de son adolescence où elle a décidé de quitter sa religion.
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e suis née dans une famille très pratiquante. Chaque dimanche, c’était le même rituel, nous allions à la messe. J’étais même enfant de chœur et suis allée à l’aumônerie jusqu’à l’âge de seize ans. Et puis un jour, tout a basculé. Je ne me retrouvais plus dans la religion dans laquelle j’avais été endoctrinée. Pour moi, le christianisme était une religion très archaïque qui n’avançait pas avec son temps. J’avais besoin de quelque chose qui me corresponde. J’ai donc stoppé mon rapport avec l’Église. À mon grand étonnement, ma décision a ouvert les yeux de ma mère et de ma sœur qui ont réalisé que ma façon de penser n’était pas si mauvaise que ça. Mon père était heureux que je trouve quelque chose qui me corresponde. On peut dire que j’ai entraîné toute ma famille vers la « déconversion ». « Les gens ont besoin de se rattacher à quelque chose » Je ne pense pas que la religion soit une mauvaise chose, mais certaines personnes peuvent vite se faire endoctriner. Les gens ont besoin de croire en Dieu pour se rattacher à quelque chose, se rassurer. Je crois que chacun d’entre
nous a le droit de croire, à condition qu’il soit heureux et, surtout, qu’il puisse sortir de la religion lorsqu’il le souhaite. Je ne suis pas réfractaire à la foi car je côtoie encore des croyants. Mais je remarque que l’abandon du catholicisme est très fréquent. Toutes les personnes que j’ai connues à l’aumônerie ont pris des chemins différents, mais pas celui de l’Église. « Aujourd’hui, je ne culpabilise plus » Aujourd’hui, je suis tellement contente d’être extirpée de tout ça ! Je me sens totalement libre et en phase avec moi-même. Personne ne me dit que je dois faire attention à mes actes car je risque d’aller en enfer. Je ne culpabilise plus. Je peux également piocher des fondements et des concepts dans chaque religion pour me faire ma propre opinion. Ce que je souhaite avant tout, c’est qu’on me laisse ma liberté de pensée. « Quelque chose qui fait jouer les manettes »Pour autant, même s’il n’existe pas de Dieu pour moi, je suis convaincue qu’il y a quelque chose « là-haut » qui fait jouer les manettes, qui nous regarde un peu. Nous avons besoin d’amour et de croyance tout au long de notre vie, mais nous n’avons pas besoin d’aller à la messe pour cela. »
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L'ELDORADO DU MARKETING ETHNIQUE
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Le marché du halal est en pleine expansion. Aujourd’hui, il est estimé entre 5,5 et 7 milliards d’euros. Il attire l’œil des grands industriels, de la restauration rapide et de la grande distribution. La certification halal tend-elle à devenir un simple produit commercial au détriment de ses significations originelles religieuses ? Focus sur un marché opaque.
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©C.Ravella
QUICK, NOUS C'EST LE HALAL La chaîne de fast-food d’origine belge est la première à s’être tournée vers le marché florissant du halal. Six ans plus tard, après le récent rachat du groupe par le géant américain Burger King, l’offre halal de la chaîne tend à s’accroître, pour le plus grand plaisir des consommateurs musulmans pratiquants.
par Maxime Feuillet e la viande halal dans les cuisines d’une grande chaîne de fast-food. L’histoire dure depuis maintenant six ans. Fin 2009, le géant de la restauration rapide Quick se lançait dans ce marché florissant. Huit restaurants tests étaient alors choisis pour proposer des offres halal aux consommateurs. Le Quick de Toulouse est le premier à avoir franchi le pas, il a immédiatement doublé son chiffre d’affaires. Idem pour le Quick Saint-Louis à Marseille. William Warzee, l’un des managers du restaurant en 2009, expliquait à Saphir News : « Le restaurant de Saint-Louis est situé dans un secteur où 80 % de la population est musulmane. On savait donc qu’en faisant du halal, ça allait nous apporter des nouveaux clients. On a touché des clients qu’on ne touchait
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pas avant. Cela a donc développé le chiffre d’affaires ». Le Quick de Villeurbanne, situé route de Genas, faisait lui aussi partie des huit restaurants tests. Karim Bouzenada, gérant de l’établissement, assurait auprès de 20minutes en 2010, avoir vu sa fréquentation doubler après le lancement de l’offre halal. « Lors de l’ouverture, l’attente pouvait dépasser une heure. Cela s’est ensuite stabilisé et puis nous avons plus que doublé le nombre de salariés pour faire face à la demande. » Contactés, les directeurs de ces établissements ne souhaitent plus s’exprimer sur ce sujet aujourd’hui.
DES CLIENTS PLUS QUE SATISFAITS Au vu du succès rencontré par les restaurants tests, Quick décide en 2010 d’étendre son offre halal à quatorze nouveaux établissements en France. Dans ces restaurants, le bacon
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disparait des burgers, laissant place à la dinde fumée halal et les sandwichs à base de bœuf et de volaille sont certifiés halal par l’Association Rituelle de la Grande Mosquée de Lyon (ARGML). Pour qu’un Quick mette en place une offre halal, celui-ci doit répondre à plusieurs critères bien précis définis par le groupe Quick France (part des ventes réalisée par les burgers à base de poisson, de bacon par rapport à la moyenne nationale, fréquentation pendant la période de ramadan, possibilité de trouver un Quick « standard » aux alentours). Autant de conditions remplies par le Quick Villeurbanne Gratte-Ciel qui propose du 100 % halal depuis maintenant trois ans. Cette initiative a séduit Houcine, qui s’y rend régulièrement manger un Giant Max avec des amis : « C’est la révolution ! On s’appelle plusieurs fois par semaine pour se dire : « Viens, on va manger au Quick ! » Le Quick halal, ça permet à tout le monde d’avoir accès aux fast-foods. Il y a du mélange, c’est bénéfique pour la société. » Une idée partagée par Nassima, venue dîner dans le restaurant avec son mari et ses deux jeunes enfants : « Quand j’étais plus jeune, je mangeais régulièrement dans ce restaurant. Et puis j’ai commencé à bien me mettre dans la religion donc j’ai dû arrêter les burgers, mais depuis l’offre halal, je suis bien contente de revenir ici. » « Ils ont tout compris, poursuivent Kader, Samir et Foued, attablés près des jeux pour enfants, ça permet aux musulmans d’accéder à autre chose que les kebabs. Si on veut manger un bon burger, il n’y a pas beaucoup d’offre halal, McDonald ne s’y est toujours pas mis donc on vient au Quick. Après c’est aussi bien pour eux que pour nous, s’ils le font, c’est que ça marche aussi pour eux. »
32 % de la viande vendue sur tout le territoire français en 2013 est abattue selon des rituels musulmans ou juifs
5,5 MILLIARDS D'EUROS C’est le chiffre d’affaires estimé du marché du halal en France (deux fois supérieur au marché du bio)
QUEL AVENIR APRÈS LE RACHAT PAR BURGER KING ? Six ans après l’ouverture du premier restaurant à Toulouse, le parc Quick halal compte 22 restaurants sur les 405 Quick éparpillés sur toute la France. 22 restaurants qui ne savent pas encore de quoi leur avenir sera fait. Après le rachat de Quick par Burger King, le 17 décembre dernier, les stratégies marketing mises en place dans chaque restaurant devraient évoluer. Un rachat qui ne signifie pas pour autant la mort de Quick. En effet, le journal Le Parisien dévoilait mi-décembre le projet secret du groupe Bertrand, actionnaire majoritaire de Burger King France. Ce plan prévoit de faire passer la plus grande partie des 400 restaurants Quick sous le nom de Burger King. Néanmoins, 10 % d’entre eux, soit une quarantaine, devraient rester sous la marque Quick et ne servir que du halal. L’enseigne rouge et blanche s’apprête donc à muter pour devenir le leader de la restauration rapide 100 % halal en France. Chez Burger King, on ne s’est pas encore décidé à officialiser la n o u v e l l e : « Pour le moment, nous ne confirmons pas les informations qui n’ont pas été diffusées par nos soins. Les négociations sont toujours en cours » précisait au Figaro un porte-parole de l’enseigne basée à Miami. Contacté par la rédaction, le groupe Bertrand n’a pas daigné répondre à nos questions. Plébiscité par les musulmans pratiquants qui fréquentent ces restaurants, ce passage de Quick au 100 % halal, ne s’attire pas uniquement des louanges. Le journaliste et écrivain Mohamed Sifaoui dénonçait sur Europe 1 « une mesure cynique et égoïste motivée exclusivement par l’appât du gain. Certes, une entreprise commerciale doit chercher à faire du bénéfice mais elle participe aussi à la vie de la société », avant de poursuivre : « agir de la sorte, c’est favoriser le communautarisme et considérer que tous les musulmans mangeraient et demanderaient une mesure qui relève de l’éthique alimentaire et qui est une décision personnelle. Jusque-là les fast-foods ont toujours défendu une logique d’universalité. Là, c’est une logique d’exclusion. » Bien loin du « Venez comme vous êtes » de l’éternel concurrent McDonald’s, donc.
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+10-15 % La croissance par an pour les produits alimentaires halal
60 % Environ le pourcentage de musulmans qui achètent systématiquement de la viande abattue rituellement
1. Les têtes de rayon sont estampillées « halal » comme argument marketing. ©islammessage.com 2. Biolal, la « première volaille bio certifiée halal » est à l’initiative d’un entrepreneur lyonnais. ©al-kanz
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UN MARCHÉ « GRANDE SURFACE » En 2015, le halal est un argument marketing et un produit indispensable pour les professionnels de l’agroalimentaire français. Arborant une croissance à deux chiffres depuis de nombreuses années, le halal se développe et de nouvelles gammes se créent. Néanmoins, son marché opaque et peu concurrentiel s’avère être risqué pour le consommateur. État des lieux d’un marché « grande surface ». par Stéphane Monier a consommation est la seule fin et l’unique objet de production » expliquait l’économiste Adam Smith, en 1776. Plus de 200 ans plus tard, la maxime est d’autant plus vraie pour le marché du halal. En France, son « boom » est assez récent. Karim Baouz, journaliste spécialiste de la banlieue et auteur du livre Plongée au cœur de la fabrique djihadiste aborde le sujet : « En 1980, dans la cité, la mode est au walkman. Personne ne fait le ramadan ou ne mange h a l a l » . La consommation se limite alors à la vente de produits carnés en boucheries spécialisées. C’est au début des années 2000 que
«L
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les industriels vont transformer le traditionnel en marketing, à grands coups d’études statistiques. En France, six à sept millions de musulmans cohabitent. Ces derniers accordent 30 % de leur budget à la nourriture, contre 14 % pour la moyenne nationale. En dix ans, le marché connait donc un essor considérable et arbore une croissance à deux chiffres (10 à 15 % par an). Une prouesse rare en période de crise. Longtemps considéré comme un phénomène de mode à ses débuts (à l’image du bio quelques années auparavant), le halal devient un produit de marketing ethnique aux retombées économiques astronomiques et durables. La grande distribution tient sa nouvelle poule aux œufs d’or
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et compte bien optimiser ses chances d’en tirer un maximum de profit.
LE HALAL BIO ÉPARGNÉ PAR LES INDUSTRIELS
« IMPOSSIBLE DE SE PRIVER D’UN RAYON HALAL »
Arrivé en 2012 aux États-Unis, le halal bio s’installe petit à petit dans l’Hexagone, sous forme d’échoppes spécialisées. Hayani Chakib, fondateur de la marque Biolal, dont la boutique est située à Lyon, explique comment lui est venue l’idée de ce concept : « En tant que consommateurs, nous n’avions pas la possibilité de consommer de la viande saine et bio. Nous avons juste comblé un vide marketing. » Et, comme tout ce qui touche au halal se transforme en or, l’entreprise arbore une croissance prospère. Pourtant, étonnamment, les industriels ne se sont pas encore lancés dans ce business florissant. Hasani Chakib croit savoir p o u r q u o i : « Même avec des centaines de milliers d’euros et de bonnes campagnes marketing, la grande distribution ne réussira pas à attaquer le marché du halal bio. Le consommateur souhaite une approche artisanale, il veut savoir d’où vient la viande, comment elle a été traitée et surtout, pourquoi il paye si cher son produit. » Néanmoins, la quiétude de ce marché n’est pas figée. Stéphane Levan explique pourquoi : « Aujourd’hui nous n’avons pas encore de produits halal bio dans nos supermarchés. Mais, si la demande est là, il est fort probable qu’ils soient présents à moyen voire court terme. Il ne m’étonnerait même pas que les marketeurs soient déjà en train d’étudier le marché. » Pas de quoi inquiéter le fondateur de la marque Biolal, prêt à en découdre : «Nous nous attendons à ce genre de chose. Nous sommes sereins, notre business modal nous permettra de toujours concurrencer la grande distribution. » Un chef d’entreprise qui positive malgré la puissance économique de ses concurrents de l’agroalimentaire.
Au Carrefour Market de Villeurbanne, le rayon ne désemplit pas. S’il ne peut pas nous communiquer de chiffres, Stéphane Levan, directeur et responsable des produits frais, admet que « le produit est en constante évolution depuis plusieurs années dans le magasin ». Dans ces conditions, « impossible de se priver d’un tel rayon, au risque de perdre des clients ». Pour parfaire cette progression et optimiser les ventes, chaque détail compte, jusqu’au positionnement-même du rayon au sein de l’établissement. Stéphane Levan nous explique : « L’emplacement du rayon est minutieusement étudié. Il se trouve proche de l’entrée du magasin, afin que les consommateurs puissent rapidement le voir, comprendre qu’il est là, à portée de main. » Dans un souci d’organisation et de cohérence, l’échoppe se trouve à la fin du rayon charcuterie traditionnelle. Le directeur nous livre alors une anecdote inattendue : « Beaucoup d’Européens, non-musulmans, mangent halal. Ils expliquent que la viande est meilleure au goût, moins gorgée de sang. » Florence est assistante 2 commerciale au sein de la société de transport Stef. Nonmusulmane et non-pratiquante, elle déclare consommer de la viande halal régulièrement : « Il y a quelques années, au moment où le halal fleurissait dans nos magasins, je me suis laissée tenter ». Pourquoi ? Florence nous résume en une phrase toute la puissance de pénétration du marketing ethnique contemporain : « Grâce à la publicité, à l’abondance des rayons présents dans nos enseignes, à la diversité des produits, j’ai essayé et adopté. » Le halal se vend, vite et bien. Si bien que des nouvelles offres et de nouveaux besoins se créent.
UNE SITUATION DE DUOPOLE Le marché des fournisseurs de viande halal est un duopole, c’està-dire « une structure oligopolique dans laquelle deux entreprises offreuses font face à une demande astronomique ». Une situation dangereuse d’après Jean-Louis Castigon, professeur d’économie : « Un duopole est problématique car si une des deux entreprises fait faillite, l’autre est en situation de monopole. Il y a aussi un problème sur les prix, notamment en cas d’arrangement entre les deux parties. Il faut faire très attention. » En 2013, Denis Lambert, PDG du groupe LDC, qui possède 56 % de parts de marché des fournisseurs de viande halal en France, a racheté la société rhodanienne Corico, spécialisée dans la découpe et l’élaboration de viande de dinde. Le groupe volailler avait également signé en 2011 un contrat avec AN Coop, quatrième producteur de volaille d’Espagne. Une façon d’asseoir un peu plus son hégémonie sur le marché du halal, un des produits dont la croissance est la plus forte en France en 2015.
Comment fonctionne le marché du halal en France ? Il y a trois distributeurs historiques qui travaillent avec les supermarchés et vendent les produits estampillés de leur label : Dounia, Isla délice et Médina. Ces distributeurs se fournissent en viande auprès de deux fournisseurs qui possèdent tout le marché : Zaphir, dirigé par Jean-Daniel Herzog et LDC, dirigé par l’industriel Denis Lambert. 39
« Il y a plusieurs structures, donc plusieurs certifications » Considéré comme le plus important du Rhône, l’abattoir de Corbas est agrémenté par la Grande mosquée de Lyon afin de certifier la viande halal, destinée à la consommation des fidèles de la région lyonnaise. Jean-Luc Duperret, président de l’abattoir, revient sur les conditions de cette certification.
Quelles sont les différences entre un abattage traditionnel et un abattage rituel ?
Quel rôle joue la Grande mosquée ? J-L.D : Nous sommes liés avec la Grande mosquée de Lyon par une convention. Nous avons en permanence deux personnes de l’ARGML [l’Association rituelle de la Grande mosquée de Lyon, Ndlr] qui viennent vérifier et certifier que la viande a été abattue selon les rites musulmans. À partir du moment où il y a abattage halal, ils sont tenus d’être présents, puisqu’ils jouent le rôle de vérificateurs.
J.L.D : L’abattage rituel est pratiqué par des personnes qui sont habilitées. Chez nous, elles le sont par la Grande mosquée de Lyon. Au niveau national, il existe trois mosquées qui ont cette capacité à habiliter des sacrificateurs : celle de Paris, celle d’Évry et celle de Lyon. Ce qui différencie l’abattage traditionnel de l’abattage rituel, c’est la façon de faire. Pour le rituel, la tête de l’animal est tournée vers la Mecque et le sacrificateur fait la prière. La Y a-t-il des processus de communication grande différence, c’est que, dans la manière traditionnelle, spécifiques pour rassurer vos clients au l’animal va être assommé avant sujet de la certification halal d’être saigné. Dans le cas du halal, ou même du cacher, la bête est « Pour le rituel, la tête de de vos produits ? saignée directement. Dans le rituel, l’animal est tournée vers la l’animal va également être retourné et placé dans un tonneau. Ce même Mecque et le sacrificateur J-L.D : Notre travail est une « prestation de services » pour des grossistes en viande. tonneau va être tourné d’un demifait la prière. » C’est au grossiste de mettre le produit sur le tour ou d’un quart de tour, selon marché. C’est donc à lui d’assurer la partie « la religion. Dans ces conditionscommunication », y compris la certification là, l’animal est mis à mort. Mais dans le milieu du halal, halal. L’abattoir assure uniquement la « prestation de il y a plusieurs structures, donc plusieurs certifications. service ». C’est donc à mon client, qui va récupérer une Historiquement, nous travaillons avec la Grande mosquée carcasse halal, de se débrouiller pour la vendre et d’assurer de Lyon depuis vingt ou trente ans, mais évidemment, la communication qui va avec. Le marché principal de elle ne couvre pas la France entière. Il y a donc, de fait, l’abattoir de Corbas, ce sont les bouchers, qu’ils soient plusieurs structures pour la certification. traditionnels ou halal, non pas la grande distribution.
Qu’est-ce qui certifications ?
différencie
ces
Un abattage halal est-il plus couteux qu’un abattage traditionnel ?
J-L.D : Je n’en ai aucune idée ! Qu’il y ait des débats entre les différentes structures ou dans le milieu musulman pour dire que « celui-ci est plus halal, celui-là l’est moins », probablement… Mais nous ne rentrons pas dans ce débat.
J-L.D : Ça coûte plus cher pour la prestation. C’est donc plus cher pour le grossiste qui va payer le surplus de la prestation à l’abattoir, ainsi que la prestation de l’ARGML, qui certifie la viande halal.
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LES DÉRIVES DE s » LA CERTIFICATION Le marché du halal est aujourd’hui confronté à des enjeux économiques et industriels très importants, dénaturant quelque peu la notion même de halal. Parfois, il arrive même que le business engendre quelques irrégularités autour de ce sujet. Mais comment lutter contre ces dérives ? par Maxime Feuillet
Les abattoirs de Corbas, la base du halal dans le Rhône ©BibliothèqueMunicipaleDeLyon
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t si toutes les viandes certifiées halal ne l’étaient pas réellement ? Le milieu de l’abattage rituel s’est retrouvé secoué ces dernières années par plusieurs cas de scandales sanitaires ou de non-respect du cahier des charges relatif aux produits halal. Si bien qu’en 2011, les industriels et les autorités religieuses musulmanes avaient choisi de débattre sur la garantie du 100% halal dans les processus industriels. Abderrahman Bouzid, ancien consultant chez Casino pour sa marque halal Wassila, était autour de la table ronde. Il explique : « Certains industriels ont pris aujourd’hui ce problème à bras-le-corps et font les choses bien. Cependant, parmi ceux qui n’ont pas ou n’avaient pas les bonnes pratiques, il faut encore les diviser entre les individus mal informés et ceux qui veulent sciemment tromper le consommateur. » Car, en effet, les industriels ne sont pas tous musulmans et ne doivent pas obligatoirement l’être pour entrer sur le marché du halal. Ce sont les certificateurs et les sacrificateurs qui doivent être de confession musulmane. Azzeddine Bahi, de l’Association rituelle de la Grande mosquée de Lyon, participait lui aussi à ce débat. Pour lui, les bonnes pratiques, c’est avant tout une question de contrôle : « Les industriels doivent lever le doute par des contrôles permanents et à toutes les étapes de la production. »
UNE CHARTE POUR ASSURER LA FIABILITÉ DE LA CERTIFICATION ? Des contrôles qui ont parfois souligné d’importantes irrégularités ces dernières années. Traces d’ADN de porc découvertes dans des Knacki de volaille halal Herta et dans du saucisson sec de veau distribué par la marque Kenza Halal, traçabilité et propreté
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défaillantes chez l’abatteur Socopa, autant de scandales qui ont éclaboussé le marché du halal depuis 2010. Quelques mois avant les révélations concernant Socopa, filiale du groupe Bigard et ex-partenaire commercial de Casino, le CFCM (Conseil français du culte musulman) proposait une refonte de l’encadrement de l’abattage rituel par le biais d’une charte. Florence Bergeaud-Blackler, spécialiste du halal et chercheuse à l’Iremam (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman), s’est penchée sur la question. Elle détaille : « L’État encadre l’abattage rituel sur la base d’une réglementation qui n’est plus adaptée à la situation actuelle. » Le ministère de l’Intérieur a, en effet, confié le monopole de la « sacrification » dans les années 1990 aux trois Grandes mosquées (Paris, Lyon et Evry-Courcouronnes). Aucune autre mosquée, ni institution privée, ne peut ainsi délivrer de carte de sacrificateur. La sociologue poursuit : « Certains industriels profitent donc de ce marché anarchique et florissant de la certification, pour faire certifier à bons prix leurs produits par des entreprises qui n’ont de halal que le nom. Cette charte pourrait résoudre quelques problèmes inhérents au marché à moyen terme si tout le monde décidait de la suivre. » Mais cela ne sera pas le cas. L’UOIF (Union des organisations islamiques de France) s’est fait remarquée pour son absence de soutien à ce projet. L’organisation dénonce la non-remise en cause du monopole des trois mosquées. Mais, pour Florence Bergeaud-Blackler, leurs motivations sont autres : « Je crois, pour ma part, qu’il n’est pas impossible que le monopole soit levé. À mon sens, la vraie raison de l’absence de soutien de l’UOIF est dans le point suivant : le marché du halal en France souffre avant tout de la déficience du contrôle et non de l’absence d’une charte. » Les conflits qui minent le marché du halal ne sont donc pas encore résolus.
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par Florentin Perrier
ercredi 5 février dernier, le restaurant « La Fusion » ouvrait ses portes. Amateurs de cuisine française, Mahyadine Yassi et Azzedine Boudiaf ont lancé un concept audacieux : ouvrir le premier restaurant gastronomique halal de la région. Au menu : foie gras, coquilles Saint-Jacques, souris d’agneau et filet de bœuf, le tout…halal. Et pour réussir, Mahyadine compte d’abord s’appuyer sur une forte demande régionale : « J’ai constaté qu’aucun restaurant halal ne proposait de la bonne cuisine française. Et il y a véritablement un marché à prendre », souligne-t-il. Quelques jours avant l’ouverture, le patron de l’établissement, Mahyadine Yassi, s’était confié à nous au sujet de ses motivations : « Il était important pour moi de conserver l’esprit de la cuisine française traditionnelle. Il y a beaucoup de musulmans dans le secteur qui se rendaient à Paris ou Bruxelles pour bien manger. J’ai donc saisi l’opportunité. »
pas l’habitude de la gastronomie. » relève Azzedine Boudiaf.
« NOUS TRAVAILLONS AVEC DES PRODUITS BIO » Au fur et à mesure des services, la carte du restaurant s’étoffe. Pour mettre toutes les chances de son côté, le chef a d’ailleurs été accompagné avant l’ouverture par un cuisinier de chez Paul-Bocuse pour « aider à concevoir la carte ». À ce jour, la cuisine est composée d’un chef, d’un cuisinier, d’un commis et d’un second. L’équipe met également un point d’honneur sur l’origine bio de tous ses légumes, achetés localement. « Nous travaillons avec des produits nobles, bio et frais. Nous n’avons quasiment pas de stock.» souligne Azzedine Boudiaf. Les services proposés par « La Fusion » semblent avoir plaire. D’ailleurs, la brasserie bloque à 50 son nombre de réservations afin de laisser place aux clients n’ayant pas réservé. Les gérants se fixent ses limites également pour « laisser circuler » les clients et « préserver leur intimité ». Malgré son succès, Mahyadine Yassi et Azzedine Boudiaf concèdent être toujours en « période de rodage ». Et au sujet de l’éventualité d’ouvrir un deuxième restaurant, Azzedine répond en souriant : « Pour l’instant, nous essayons de fidéliser notre clientèle et voulons améliorer notre service pour qu’il soit de très bonne qualité. Aujourd’hui, on se concentre sur ce projet mais pourquoi pas, nous ne savons pas encore. » Pour s’attabler dans l’unique restaurant gastronomique halal de la région, comptez, en moyenne, trente à cinquante euros par personne.
Aujourd’hui, cela fait trois semaines que l’établissement a ouvert ses portes et la petite affaire des deux Roubaisiens tourne bien. Depuis l’ouverture, les clients affluent et sont, pour la majeure partie, satisfaits : « Il y avait de l’attente et on a eu beaucoup de monde. Généralement 80 à 90% des personnes qui ressortent de notre établissement ont aimé découvrir de nouveaux plats et saveurs. Pour le reste des clients, ils apprécient un peu moins puisqu’ils n’ont
LES PETITS PLATS DANS LES GRANDS En France, le marché du halal est estimé entre 5,5 et 7 milliards d’euros par an, environ deux fois celui du bio. Un marché si fructueux que certains se sont mis en tête d’associer gastronomie et cuisine halal. Focus sur « La Fusion », le restaurant gastronomique halal de Roubaix. 42
Quartie élevé du ©Wikim
Le cacher prend cher Quartier juif à Paris, rue des rosiers : malgré le prix élevé du cacher, les commerces ne désemplissent pas ©Wikimédia
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En France, la viande cacher est plus chère que les produits carnés estampillées halal. Ceci s’explique par le nombre de pratiquants juifs beaucoup plus faible que celui des musulmans et la certification, beaucoup plus compliquée à obtenir que celle du halal.
par Stéphane Monier
i le marché du halal connait une croissance constante depuis une dizaine d’années, celui du cacher peine à trouver son public. En France, à produit équivalent, la viande estampillée cacher couterait environ « 2 à 3 fois plus chère » que sa voisine du halal, bien qu’il soit difficile d’établir de véritables statistiques. Éric Farrache, gérant d’une boucherie cacher dans le troisième arrondissement de Lyon nous l’explique : « Il est dur de chiffrer exactement la différence car il faut prendre en compte la qualité des produits, la provenance, la transformation. Néanmoins, même s’il est difficile de le chiffrer, le fait est là : le cacher est plus cher d’israélites est même à revoir à la baisse : que le halal. » Un écart de prix qui « Il y a beaucoup moins de juifs en France s’explique par la faible taille du marché depuis un an car beaucoup d’entre eux et le nombre restreint de personnes décident de partir rejoindre Israël. » En ciblées. En 2012, la population juive plus de cette exode, les juifs ne pratiquent de France était estimée à 700.000 pas tous leur religion avec assiduité. C’est membres alors que, « 4 à 5 millions de en tout cas ce qu’insinue le rabbin : « Il musulmans cohabitaient en France » à est clair que les musulmans de France la même période, selon le ministère de pratiquent de manière fidèle et régulière. l’Intérieur. Pour Meyer Cohen, rabbin Pour ce qui est des juifs, je pense que de communauté à Lyon, le nombre certains ne sont pas très accrochés à leurs rites. » Par conséquent, les professionnels du secteur cacher doivent augmenter les prix pour dégager du bénéfice. Une pratique que déplorent certains fidèles. Simon, étudiant de 22 ans, explique : « Pour les adeptes qui ont une situation professionnelle stable il n’y a pas de problème, mais pour les étudiants,
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cette hausse nécessite de faire des coupes budgétaires. » Le problème du cacher n’est pas uniquement dû à une faible demande de la communauté juive. La certification de la viande cacher est stricte et, par conséquent, plus onéreuse.
UNE CERTIFICATION COMPLEXE, PLUS POINTILLEUSE QUE CELLE DU HALAL La communauté juive qui se nourrit de façon traditionnelle n’achètera pas de viande cacher sans que celle-ci soit estampillée d’un label reconnu par la religion, comme celui du Beth Din. Cependant, cette « étiquette » a un coût. Il faut payer des agents de surveillance qui effectuent des contrôles auprès des commerces cacher. Toute cette organisation est rendue possible grâce à l’instauration d’une « taxe » d’environ 300 euros permettant de subventionner le système. En plus de cela, le rituel de préparation est complexe : « La viande doit être trempée dans l’eau, puis trempée dans le sel. Toutes ces étapes ne se font pas toutes seules, il faut payer la main-d’œuvre et, forcément, répercuter les coûts », explique Éric Farrache. En France, le marché du cacher est loin d’avoir l’avenir radieux et le potentiel que possède celui du halal. Mais, même si ce premier n’arbore pas une croissance à deux chiffres, il ne disparaitra jamais et pourra toujours compter sur ses plus fervents fidèles puisque Éric Ferrache, le rabbin Meyer Cohen et Simon expliquent de concert : « Même si le cacher est cher, il n’y a pas d’autre alternative, nous en consommeront toujours. »
Housni Salah Eddine, directeur lyonnais de la banque Chaabi. L’une des 17 agences française.
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©P.Dalas
COMPTE CORAN
En appliquant les règles de la charia , la fiance islamique s’est fait une place dans le monde de la fiance . En France, son monopole revient à la banque Chaabi depuis 2011. Sous couvert de la religion, la banque fait payer le prix fort à ses clients. par Paul Dalas
209, avenue Félix Faure, dans le septième arrondissement lyonnais, on retrouve l’enseigne de la première banque islamique de France, Chaabi Banque. Son direc- teur, Housni Salah Eddine, est anxieux à l’idée de recevoir un journaliste : « C’est la première fois qu’on reçoit quelqu’un comme ça. Ma hiérarchie a été très claire, je n’ai pas le droit de recevoir de journalistes. Vous com- prenez, on a déjà eu des problèmes en parlant à la presse. À Marseille, un journaliste a demandé une interview et a finalement tourné des images à notre insu avec son téléphone portable, ce qui nous a porté préjudice ». Cette vidéo, toujours présente sur le site Youtube, a en réalité été tournée et diffusée sur la chaîne Al-RizqTV, dans laquelle le vlogueur Mathieu Grohs dispense des conseils pour al- lier « business et charia ». Dans cette vidéo, le jeune homme reproche à la
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banque Chaabi d’entretenir des pra- tiques nonconformes aux règles de la finance islamique. Pourtant, sur ses brochures publicitaires, la banque Chaabi affirme être « enfin une banque de détail française, vous proposant de gérer votre compte selon les principes de la finance islamique ». Concrètement elle repose sur quatre piliers. L’interdiction de générer des intérêts, de spéculer ou d’investir dans des opérations risquées, d’investir dans des secteurs prohibés comme l’alcool, les jeux de hasard ou la pornographie. Enfin, tous les acteurs ont l’obligation de partager les pertes, comme les profits.
DES PRODUITS CHARIA-COMPATIBLE Housni Salah Eddine explique : « C’est très simple. La finance islamique c’est la banque et la finance faites pour les gens qui restent attachés aux coutumes et aux traditions de notre religion (l’islam, ndlr) ». Tous les produits financiers proposés par l’enseigne islamique ont été validés par un comité de conformité à la charia, l’ensemble des règles tirées du Coran qui orientent la vie des musulmans. « Rien à voir avec le terrorisme » plaisante nerveusement le directeur de l’agence avant de poursuivre :
« Nous avons en réalité trois casquettes, trois activités que nous arrivons à conjuguer. Depuis 2008 nous sommes un bureau de représentation de la finance islamique au Maroc pour la banque populaire marocaine (Chaabi signifie populaire en arabe, ndlr), nous proposions des services et des produits concernant des comptes en dirham basés au Maroc. En 2011, la banque populaire marocaine s’est lancée dans la finance islamique en France avec sa filiale, la banque Chaabi. Cependant nous proposons également des produits convention- nels avec lesquels vous paierez des agios » ironise le directeur. Cette activité est récente en France et ces offres purement islamiques sont limitées. Le produit principal est le prêt Mourabaha. Il s’agit d’un contrat de vente au prix de revient majoré d’une marge bénéficiaire connue et convenue entre l’acheteur et le vendeur. En clair, la banque islamique achète le bien comptant auprès du fournisseur, et le revend à un prix majoré à l’acheteur. « On achète et on revend au client, c’est limpide et transparent. C’est sain », assure Housni.
« C’EST JUSTE DU BUSINESS »
banques, et pourtant. Pour les clients souscrivant à la banque version halal, la commission peut s’élever entre 5 et 20% du prix du bien, que le client s’engage à rembourser pendant 10 ans. Si, à l’instar de Housni Salah Eddine, les banquiers islamistes ne comptent pas « faire de l’argent avec de l’argent », la finance islamique est bel et bien une activité lucrative. En 2010, après la crise économique, l’administration fiscale a dopé l’implantation d’agences de finance islamique en abaissant l’imposition des actes notariés concernant l’économie divine à 1% contre 6% pour les structures conventionnelles. En 2008, la ministre de l’économie Christine Lagarde avait fait pression au gouvernement pour son implantation en France afin de séduire les capitaux du Golfe. En France, la banque Chaabi n’a pas vraiment de concurrence. Des structures comme 570 Entreprises adaptées de sous-traitance industrielle (EASI) ont tenté de faire de l’ombre au leader musulman du secteur. Aujourd’hui cette société de courtage et de microcrédits collabore avec la banque Chaabi en jouant le rôle de rapporteur d’affaires. « C’est juste du business » conclut Housni Salah Eddine.
FINANCE SAINE, SACRÉES COMMISSIONS Sous le regard de Mohammed VI, dont le portrait est affiché face au bureau, le directeur de l’agence lyonnaise affirme que la finance islamique vient changer la donne internationale. « Aujourd’hui, il y a beaucoup trop de spéculations. Les traders s’amusent avec l’économie. On a bien vu ce qu’il s’est produit avec la crise des subprimes et personne n’a retenu la leçon. Nous, nous insistons vraiment sur le mot éthique. Notre religion nous interdit de spéculer, quand on fait des opérations, tous les acteurs prennent leur part de responsabilité. Pas comme les traders », s’attarde-t-il. La finance islamique re- proche les taux d’intérêts qu’exercent les
PLUS BLANC QUE BLANC Dans un rapport émis par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en 2013, on peut lire que des lacunes dans la connaissance et la surveillance de certains clients ont été relevées. L’institution a également pointé un manquement dans l’obligation de déclaration à Tracfin, la cellule française de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. La direction de la banque Chaabi avait notamment expliqué ces disfonctionnements par une insuffisance de moyens affectés au contrôle interne. Elle avait écopée d’une amende d’un millions.
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LA LAÏCITÉ S'INVITE DANS NOS ASSIETTES
Le choix des menus dans les cantines françaises est devenu un sujet majeur, aussi bien en termes de santé que de confession. Si jusqu’à présent l’offre de menus de substitution au porc ou à la viande en général était appliquée naturellement, la demande d’une viande halal se développe ces dernières années. Un débat révélateur d’une laïcité française très complexe. par Charlène Ravella
Sarcelles Morlaix Montereau-Fault-Yonne
Strasbourg
Sargé-Lès-Le-mans
Cholet Châlon-sur-Saône
Lyon
Villeurbanne
Saint-Étienne Arveyres
Pau
Castanet-Tolosan
Perpignan
Menus sans porc supprimés au profit d’un menu de substitution Longtemps, Sarcelles a exclu totalement le porc de ses cantines pour éviter des menus confessionnels, type halal ou casher. Désormais, le porc est de retour dans les assiettes de ses élèves, mais les cantines proposent également un menu de substitution à base de poisson ou végétarien.
Menus de substitution sans porc supprimés au profit du retour d’un menu unique Certains maires ont décidé de faire de la résistance en rétablissant le menu unique au nom de la laïcité. Dans ces villes, majoritairement de droite, les repas sans porc étaient perçus comme le signe distinctif d’une appartenance communautaire. Une idée qui, selon les maires concernés, n’a pas sa place dans les écoles primaires publiques et laïques.
Multi-menus Jusqu’à quatre menus sont proposés depuis plusieurs années dans les cantines scolaires strasbourgeoises : classique, végétarien, halal ou sans porc. La capitale alsacienne est la seule grande ville française à proposer un choix aussi important.
Menus de substitution végétarien Un repas végétarien a été mis en place au menu de ces cantines. À l’image de la mairie de Perpignan, certaines ont dit stop aux menus de substitution classique, composés de poisson ou de viande autre que le porc. Un moyen de permettre à ceux qui ne veulent pas manger de viande ou poisson, pour raison religieuse ou non. Une décision qu’Yves Jégo, député UDI voudrait faire entrer dans la constitution française.
Système d’unité À Villeurbanne comme dans certains établissements lyonnais, les écoliers disposent, sur leur plateau, de cartes ou de jetons de couleur à l’attention du personnel de cantine : sans viande pour les bleus, rouges pour les « sans porc ». Un procédé qui ne rencontre aucune contestation.
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vec ou sans porc ? » Qu’il s’agisse d’établissements pénitentiaires, scolaires voire d’hôpitaux, cette question récurrente de la confection des menus peut parfois virer au casse-tête. Si, pour les cantines scolaires, la restauration ne relève pas d’une obligation et que – théoriquement - les parents ont le choix, le débat prend une tournure inédite dans les prisons. À Saint-Quentin-Fallavier, dans l’Isère, la polémique est close depuis le 10 février dernier. Après plus de deux ans de désaccord entre un détenu, la direction du centre et la justice française, le Conseil d’État a tranché : il n’existe aucune obligation légale pour servir de la viande halal aux détenus. Pour rappel, le tribunal administratif de Grenoble avait ordonné pour la première fois en décembre 2013 à un établissement pénitentiaire de servir des plats halal, après qu’un de ses détenus a saisi le juge administratif. Sept mois plus tard, la cour d’appel de Lyon avait annulé ce jugement, avant que le fameux détenu ne se pourvoie en cassation. Pour Milena Le Saux-Mattes, coordinatrice de l’Observatoire international des prisons dans le
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sud-est de la France, « c’est une véritable déception : l’affaire de Saint Quentin-Fallavier est une affaire « type » qui avait pour but d’être reproduite sur d’autres établissements ». Comme la majorité des établissements semblables, la prison iséroise propose des repas diversifiés et offre la possibilité aux détenus d’acheter leurs propres denrées, halal ou casher. Mais « le prix élevé de ces produits exclut déjà une partie des détenus qui n’ont pas les moyens de se les payer », déplore Milena Le Saux-Mattes.
LE MENU CONFESSIONNEL AU PÉRIL DE LA LAÏCITÉ Dans les cantines scolaires, où la restauration relève d’un service facultatif, il n’y a pas de règle qui incombe aux maires et chaque élu est libre. Dans la majorité des villes, il existe deux menus : « avec ou sans porc ». Cependant, si un maire décide d’autoriser le cacher ou le halal dans ses cantines, il n’y aurait rien d’illégal là-dedans. À l’inverse, d’autres maires décident de réinstaurer un
Les menus halal, sans porc ou végétariens divisent les cantines. ©C.Ravella
menu unique dans leurs cantines, à l’instar de Gilles Platret, maire républicain de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). En septembre 2015, celui qui co-préside le groupe de travail consacré à la laïcité au sein de l’Association des maires de France, a fait le choix de supprimer son menu de substitution, une pratique vieille de trente ans dans la ville. De vives réactions se sont fait entendre, et la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a dénoncé « une façon d’interdire l’accès de la cantine à certains enfants ».
DES ALTERNATIVES POSSIBLES Tandis que des villes comme Paris restent sur le traditionnel « avec ou sans porc », d’autres élus ont mis en place des dispositifs parfois insolites pour s’affranchir des considérations religieuses. À Villeurbanne, les cantines distribuent des jetons de couleurs pour satisfaire à la fois les écoliers de confession juive ou musulmane, les végétariens ou
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les omnivores. À Pau comme à Lyon, le choix du végétarien s’est imposé comme LE menu alternatif. Dans la ville de Gérard Collomb, le choix est proposé aux 125 restaurants scolaires depuis 2008. Résultat : la fréquentation de ses cantines a bondi de 35 %. Une alternative qu’Yves Jégo, député UDI, veut inscrire dans la constitution française. Le maire de Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne) a annoncé qu’il déposerait avant l’été une nouvelle proposition de loi prônant la mise en place de menus végétariens dans les cantines : « Le repas végétarien permet d’éviter le terme « menu confessionnel » que l’école ne peut tolérer, tout en laissant aux élèves le choix de ne pas manger de viande animale, quelle qu’en soit la raison », a-t-il déclaré publiquement le 4 février dernier à Saint-Etienne.
LA RELIGION A L’EPREUVE DE LA VIE Flou juridique autour de laicite ou meconnaissance du fait religieux, rarement les trois religions monotheistes n’ont cristallise autant de debats au sein des etablissements scolaires et des entreprises, qu’ils soient publics ou prives. Du milieu scolaire au monde professionnel, tous sont touches par des preoccupations religieuses.
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TABLE DE 4
4X1 = 4 4X2 = 8 4X3 = 12 4X4 = 16 4X5 = 20 4X6 = 24 4X7 = 28 4X8 = 32 4X9 = 36 4X10 = 40
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Principe complexe, la laïcité doit s’adapter Rarement le mot laïcité n’a été autant prononcé que ces derniers mois. Pourtant, ce concept a, en pratique, du mal à s’appliquer. Érigé au rang de religion à part entière par de nombreux jeunes, il semblerait que le problème provienne de la méconnaissance du fait religieux.
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par Hugo Borrel
a laïcité n’est en aucun cas une « contre religion », une sanction. C’est notamment la possibilité pour tous les enfants, quelles que soient l’origine, la religion, l’opinion et la condition sociale de leurs parents, de vivre et d’apprendre ensemble, dans le respect mutuel. En ces temps où ce principe est sur toutes les lèvres, il semble important de rappeler que la laïcité est un des trois principes fondamentaux indispensable au bon fonctionnement de l’école publique. Concrètement, il s’agit d’un principe relativement abstrait et assez indigeste pour les élèves. Pour beaucoup d’entre eux, la laïcité n’est rien d’autre qu’une religion à part entière qui cristallise de nombreuses incompréhensions.
informés des autres religions qu’ils côtoieront au sein de la société. « Il y a trois ans, cinq paroisses de Lyon sont venues avec les enfants et leurs familles pour une journée de rencontre et d’échange au sein de la mosquée », rajoute l’intéressé. Ce projet fut d’une telle réussite que l’opération a été reproduite avec la communauté juive libérale. Une position que partage Aline, professeure à l’école primaire. « On peut se dire que pour éviter le conflit, il vaut mieux ne pas en parler à l’école. En général, on décide de faire l’inverse parce qu’avec l’expérience, on se rend compte que les enfants ne connaissent pas les différentes religions et se posent des questions. Dès lors qu’on leur explique, même simplement, les bases des religions, ils comprennent et sont assez tolérants. On essaie d’en parler sans forcément rentrer dans les détails parce que ce n’est pas non plus notre rôle, et puis, dans le public on n’a pas le droit. » MANQUE DE MOYENS POUR VÉHICULER LA LAÏCITÉ Toutefois, le corps enseignant ne dispose pas de multiples ressources pour véhiculer ce principe. La charte de la laïcité mise en application à la rentrée scolaire 2013 est l’un des rares éléments pédagogiques à sa disposition. Mais tous les enseignants ne l’appliquent pas à la lettre. Frédéric, enseignant en histoire-géographie dans un collège de la banlieue de Saint-Étienne, préfère ainsi s’appuyer sur les ressources académiques qu’il a à sa disposition. « En 6ème, nous enseignons le judaïsme et le christianisme. En 5ème, l’islam et à nouveau le christianisme. Et on en reparle en 4ème avec la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État ». Il utilise par ailleurs l’actualité qui, durant l’année 2015, n’a malheureusement pas manqué, afin de tenter d’expliquer ce principe. Frédéric regrette qu’il ne s’agisse pas d’un travail de fond de la part du ministère de l’Éducation nationale. « Tout
« IL FAUT CONNAÎTRE L’AUTRE POUR LE RESPECTER » Une ignorance que condamne Hacène Taibi, responsable des enseignements à la grande mosquée de Lyon. « Ce devrait être à l’école d’expliquer ce principe mais ce n’est pas le cas. Au nom de la laïcité, on encourage l’ignorance. Il faut en parler. Il faut connaître l’autre pour le respecter. » C’est d’ailleurs dans cette idée là, qu’en plus d’un enseignement porté sur l’islam et les pratiques musulmanes, les enfants sont
« DÈS LORS QU’ON LEUR EXPLIQUE LES BASES DES RELIGIONS, ILS COMPRENNENT ET SONT ASSEZ TOLÉRANTS » 50
QUELQUES NOTIONS SUR LA LAÏCITÉ
Q est fait dans l’urgence mais sans vraiment de formation, d’explications. Dans le détail il faut assimiler les choses mais pour l’instant ce n’est pas mon cas. C’est surtout de la communication, le ministère de l’Éducation nationale n’a rien inventé de nouveau, il se contente juste de mettre des noms ronflants ».
u’est-ce que la laïcité ? C’est le principe de croire ou de ne pas croire. En France, elle s’applique selon trois grands principes. L’égalité, ce qui signifie que, quelles que soient sa religion ou ses convictions, chacun est égal devant la loi. La liberté qui permet, elle, d’avoir le droit d’exprimer ses croyances ou convictions, de pratiquer la religion de son choix, d’en changer ou de ne pas en avoir mais toujours dans le respect des autres. La neutralité de l’État, qui ne peut imposer à qui que ce soit une religion ou de ne pas croire. Comment se manifeste-t-elle à l’école ? L’enseignement doit permettre de partager les valeurs de la laïcité et des
autres grands principes de la République, de ne jamais subir de violences ou d’injustices en raison de ses croyances ou convictions. Elle doit par ailleurs offrir la possibilité de parler de sa religion ou de religion en général, toujours dans le respect des autres. Mais aussi de ne subir aucune pression de la part d’un adulte ou de ses camarades du fait de ses croyances ou de sa volonté de les transmettre. Il est aussi important de respecter les règles de l’école publique et ne pas montrer de manière trop visible sa religion d’appartenance. Enfin, la laïcité c’est avoir droit aux mêmes apprentissages que tous les autres et d’apprendre la différence entre la connaissance vérifiée et la croyance qui relève de convictions personnelles.
LE DIALOGUE COMME SOLUTION Pour Hacène Taibi, « la loi de 1905 dit que l’État ne reconnaît pas les religions mais ne les ignore pas parce qu’elles sont là, qu’elles font partie de la société, qu’elles apportent beaucoup. Mais il faut que la laïcité se fasse connaître aussi. Il faut parler de la laïcité en parlant des religions, ce qu’elles sont, comment elles fonctionnent. Elle est censée permettre la liberté de culte et quand on voit les problèmes des cantines scolaires, des fois ce sont des faux problèmes que l’on soulève ». À Lyon, cela a été réglé, il y a des menus de substitution neutres qui conviennent autant aux musulmans qu’aux juifs. Et de fait, il n’y a plus de tensions avec les enfants et surtout les parents. Toutefois, d’un point de vue juridique, la cantine des écoles primaires
n’est qu’un service public non obligatoire soumis au principe de la laïcité. Ainsi, les conseils municipaux, qui décident de la composition des menus ne sont nullement obligés de les adapter aux convictions philosophiques et religieuses de chaque élève. Mais dans la réalité, il semble inévitable qu’un menu de substitution, neutre, soit de nature à apaiser les tensions et contribuer au vivre ensemble. Un travail de fond semble donc de rigueur entre les instances gouvernementales et le corps enseignant. Une collaboration qui devrait favoriser une pédagogie constructive de nature à faciliter la compréhension du fait religieux des enfants et leur intégration future dans la société.
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L’éducation religieuse comme seul salut ?
mais l’essentiel est qu’ils sachent le lire, l’objectif premier étant qu’ils apprennent l’alphabet hébraïque, ce qui prend entre 6 mois et 1 an », explique Richard Guedj, responsable du Talmud Torah Keren Or. L’année qui suit, une fois qu’ils ont terminé de l’apprendre, les enfants vont devoir mémoriser leurs premières prières liturgiques, à moitié en français, à moitié en hébreu. Cet apprentissage préparant les enfants à la Bar Mitzvah. Ainsi, ils doivent être en mesure de diriger l’office et de lire la prière devant la communauté afin d’arriver à leur majorité religieuse. La deuxième moitié de l’enseignement étant plutôt culturelle, historique, liée aux valeurs ou aux fêtes juives. Ils vont apprendre les rituels, le sens des fêtes, l’histoire du peuple juif, les valeurs du judaïsme, la liste n’étant pas exhaustive. Côté catholiques, les enfants «apprennent» à devenir croyants à travers divers itinéraires pédagogiques, ils découvrent progressivement une relation à Dieu qui s’enracine dans l’Église. Pour cela, ils vont étudier un texte d’évangile et l’illustrer, ou bien regarder un DVD, découvrir un épisode de la Bible par le jeu ou le mime, aller voir une exposition, visiter une église, ou encore découvrir l’histoire de la vie d’un saint. Un enseignement qui là aussi a un but final, à savoir la communion de l’enfant. Tout un parcours religieux marqué par plusieurs étapes que sont la première communion, la profession de foi puis la confirmation. Mais ces enseignements ont un autre point commun: ils permettent aux enfants de rencontrer d’autre croyants, de leur propre confession pour la plupart mais pas que. Le salut du mal sociétal auquel nous sommes confrontés ne passerait-il pas par une valorisation de ces enseignements ainsi que par une ouverture sur les autres religions ? L’école pourrait-elle ainsi permettre aux enfants de mieux cerner ce qu’est la laïcité et ce qu’elle implique ? Affaire à suivre.
Une fois l’épineux problème de la laïcité posé, il s’avère qu’il existe des moyens de le combattre. Cela commence notamment par l’éducation religieuse qui forme les enfants à la religion et au respect des autres confessions.
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par Hugo Borrel
atéchisme, Madrassa, Talmud Torah, trois « écoles religieuses », une seule vocation : apprendre le fait religieux à des enfants âgés de 7 à 13 ans pour la plupart. Pour cela, le premier enseignement commun aux trois religions monothéistes est la lecture. Chez les musulmans, c’est d’ailleurs le premier mot du coran. « Lit », lit au nom de ton seigneur. C’est donc logiquement que l’enseignement débute par l’apprentissage de la langue arabe qui fait partie de leur culture d’origine. Religieusement parlant, il faut qu’ils apprennent cette langue, le Coran considérant seulement ce qui est en arabe. Pour les prières rituelles, il faut qu’ils connaissent quelques prières en langue arabe. Ensuite, l’apprentissage des pratiques religieuses, à commencer par les cinq piliers de l’islam, se fait en français. « Ce sont des enfants qui sont Français, leur langue maternelle est le français, c’est donc normal que notre enseignement soit réalisé dans cette langue. L’assimilation d’un principe va se faire en quelques jours contre un mois ou plus en arabe. C’est beaucoup plus cohérent », confie Hacène Taibi, responsable des enseignements à la grande mosquée de Lyon.
Chez la communauté juive libérale, les enfants vont suivre deux types d’enseignement mais là encore, cela débute par l’apprentissage de la lecture de l’hébreu. « Les enfants ne vont pas forcément comprendre ce qu’ils disent
Les enfants de confession juive doivent, lors de leur Bar Mitsva, lire en Hébreu les rouleaux de la Torah.
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APPRENTISSAGES LITHURGIQUES ET CULTURELS
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Quand les élèves exposent leur foi
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La question de la religion est de plus en plus présente dans les sujets de discussions à l’école. Entre enseignement et incompréhension, des convictions religieuses s’affirment et s’opposent aux enseignements universels. De l’école maternelle au lycée, certains professeurs ont accepté de nous répondre. Témoignages.
ès la maternelle, je dois dire que nous avons affaire à des questions sur la religion. Tout simplement du fait de Noël. Nous la travaillons à l’école et certains enfants, qui ne la fêtent par Hugo Borrel pas chez eux, posent des questions. Le sujet religieux vient aussi sur la table lorsqu’il s’agit de cantine scolaire, et les difficultés que cela implique. Là encore, cela suscite des questions auxquelles nous sommes obligés de répondre », confie Aline, professeure à l’école primaire, prouvant par là même que dès leur plus jeune âge, les enfants sont confrontés au fait religieux. Un questionnement que l’on retrouve en primaire. Et notamment à partir du dans leur vie religieuse CM1, où le thème de et se revendiquent de la religion est abordé telle ou telle confession dans le programme ». Michèle, enseignante d’histoire. dans un lycée de la Et quand les enfants banlieue lyonnaise, passent au cap supérieur partage cet avis, qu’est le collège, les mais pour elle « ce discussions autour de phénomène a pris une la religion ne cessent toute autre ampleur pas. Au contraire, elles depuis 2012 et les auraient tendance à attaques de Mohammed L’école cristallise depuis des années des débats sur la religion mais l’année 2015 n’a pas épargné le corps enseignant. © Marianna croître. Pour François, Merah. On a commencé à professeur dans un collège de la banlieue de Saint-Étienne, « si voir des revendications identitaires de plus en plus nombreuses toutes les religions sont représentées et sujettes à discussions, ». Le phénomène aurait pu en rester là mais il n’a cessé depuis ce sont principalement les élèves musulmans qui interviennent de croître et d’accroître les divisions. « On a vraiment eu du ou se questionnent. Régulièrement, quand on aborde un sujet mal à gérer le post-attentats Charlie Hebdo. C’était terrible. religieux qui est dans le programme, ils comparent et parlent Cet événement tragique a cristallisé de nombreuses dérives et de la religion musulmane. Dès lors, notre rôle d’enseignant est depuis j’ai des collègues qui ne veulent plus aborder certains d’expliquer de la manière la plus pédagogique possible que ce sujets de peur de ne pas arriver à gérer », rajoute Michèle. n’est pas le propos et que nous aborderons l’islam le moment Pour Catherine, il y a une raison principale à ces dérives : venu ». internet et plus largement les réseaux sociaux. « Oui, internet est un formidable outil pédagogique. Mais dans ce cas-là, il PRÉSENCE ACCRUE DE LA RELIGION nous dessert. » Prédicateurs YouTubeurs, théories du complot et forums religieux sont autant de moyens pour la jeune CHEZ LES LYCÉENS génération de vivre la foi de manière inappropriée mais le corps En ce qui concerne la vie lycéenne, Catherine, professeure enseignant n’est, en général, que très peu écouté. Par ailleurs, d’histoire-géographie dans un lycée de Lyon, a remarqué que, la laïcité n’apporte plus une certaine paix en termes de religion « plus les années passent, plus les lycéens semblent impliqués mais contribue, à sa manière, à perpétuer les clivages religieux observés jusqu’alors. La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, va donc devoir redoubler d’efforts pour réussir son examen de passage.
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La religion en entreprise, un phénomène peu maîtrisé
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La religion s’invite de plus en plus au travail. Si, en 2015, près d’un quart des managers ont été confrontés au sujet de la religion, guère sont les faits qui mènent à des litiges. Une aubaine pour les entreprises, puisque le droit en matière reste particulièrement flou.
e la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen au Code du travail : tous les grands textes de loi protègent la liberté religieuse. « La laïcité ne prédomine pas dans les entreprises, mais la liberté religieuse, oui », explique Éric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail. Il n’est pas étonnant d’apprendre qu’en 2015, 23 % des managers disent avoir rencontré régulièrement la question du fait religieux en entreprise, d’après une étude publiée par Randstad. Un nombre qui a doublé en un an. Mais pour Me Rocheblave, « ce type de contentieux est un phénomène devenu médiatique, mais qui n’est pas récurrent ». En effet, cette même enquête révèle que seulement 6 % des faits mènent au conflit. Un chiffre minime, pourtant en nette augmentation : en 2013 et 2014, il était respectivement de 2, puis 3 %. De plus, seulement 8 % des salariés se disent gênés par les pratiques religieuses de leurs collègues. Pour l’avocat montpelliérain, « ce phénomène n’existait pas il y a dix ans, car l’accroissement des revendications religieuses dans la sphère publique va de pair avec l’expansion de la religion musulmane. Mais le problème est que les indulgences particulières de cette religion
par Charlène Ravella
ne sont pas partagées par une grande majorité de la population. À dire vrai, il y a un effet de loupe dans les entreprises. Ces dernières ne sont que le reflet de notre société ». Les sujets les plus fréquemment évoqués au travail sont les demandes d’absence pour une fête religieuse, le port de signes distinctifs (croix, kippa, foulard, turban…), ainsi que les demandes d’aménagement d’horaires. Plus rarement, surviennent les demandes de prières pendant les pauses ou le temps de travail, le prosélytisme ou le refus de travailler avec une femme : « On illustre souvent ce type de blocage avec l’histoire d’un chauffeur de bus qui, de par ses convictions religieuses, ne peut pas conduire un bus si une collègue femme l’a précédé, ou d’un brancardier qui ne veut plus transporter de femme. Savoir si ces revendications sont légitimes ou illégitimes, ce n’est pas la question. Dans les domaines sociaux et médicaux, le tout est de savoir quels peuvent être les conséquences et les moyens d’éviter ces litiges. » Si 80 % des sondés comprennent que pour une raison religieuse, on puisse s’absenter, à l’intérieur même de l’entreprise, les salariés sont en attente de plus de neutralité. Ils n’acceptent pas que les croyances viennent perturber le fonctionnement de l’entreprise.
ENTRE FONCTION PUBLIQUE ET ENTREPRISE PRIVÉE, LE DROIT DIFFÈRE La laïcité et la liberté religieuse sont régulièrement évoquées lors de débats syndicaux. Pourtant, ces principes constitutionnels sont « juridiquement
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cantonnés à la sphère publique », rappelle Éric Rocheblave. Du côté des entreprises privées, le droit est encore flou. Pour les fonctionnaires, le « principe de neutralité » s’impose, soutenu par 60 % des personnes interrogées par Randstad. Les sanctions sont plus importantes dans le public : il est interdit aux salariés de manifester leurs convictions religieuses. Le prosélytisme pendant son service ou le port de signes religieux sont prohibés. Mais, en termes d’aménagement d’horaires et d’absences, la règle est plus souple, tant que cela n’affecte pas la continuité du service public. À titre d’exemple, un enseignant de confession musulmane a été renvoyé parce qu’il voulait aménager ses horaires du vendredi pour aller prier. La Cour européenne de sauvegarde des Droits de l’homme ne lui a pas donné raison. Dans le privé, le cadre est plus flou. La loi est plus tolérante que dans la fonction publique, mais le Code du travail admet certaines restrictions à la liberté religieuse, même si elles restent relativement modérées. Il en ressort que des motifs religieux ne peuvent conduire un employé à refuser une mission fixée par son contrat, que le prosélytisme n’est pas censuré, sauf en cas d’abus de liberté d’expression, et que les absents doivent respecter « le principe de bonne foi contractuelle », c’est-àdire que l’employeur doit donner une réponse favorable « s’il n’existe aucun inconvénient réel », comme le précise le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Concernant le port d’un signe religieux, il doit être justifié par des impératifs commerciaux. L’interdiction du foulard, ne peut, par exemple, viser que certains salariés qui travailleraient avec une clientèle gênée par celui-ci. Preuve du flou qui entoure la sphère privée, la très médiatisée affaire de la crèche privée de Baby Loup, qui a abouti à la validation du licenciement d’une salariée de la crèche qui portait le voile.
La liberté religieuse plus forte que le code du travail.
DES GUIDES POUR AIDER LES MANAGERS Pour l’avocat spécialisé en droit du travail, c’est la faute de l’État : « La jurisprudence renvoie une patate chaude aux employeurs. On ne peut pas laisser dans la nature des chefs d’équipe incapables de gérer ces situations. » Et si beaucoup d’entre eux n’ont pas été formés à cela lors de leurs cursus scolaires, un certain nombre de groupes ont édité leurs propres fascicules sur le fait religieux en entreprise. Parmi eux, le groupe Casino ou la RATP, qui a distribué en 2013 son guide Laïcité et neutralité à ses managers. Une idée reprise à plus grande échelle par la CFDT, qui a lancé, en décembre 2015, un guide de rappel des pratiques autorisées ou non par la loi, à l’attention de ses militants et élus. Le ministère du Travail va également publier son propre ouvrage exclusivement destiné aux employeurs, salariés et responsables syndicaux d’entreprises privées. Le texte sera construit sous la forme de questions-réponses et s’articulera autour de cinq thèmes : l’offre d’emploi, l’entretien d’embauche, l’exécution du travail, le comportement, l’organisation du temps et la vie collective. Initialement prévu au lendemain des attentats de janvier 2015, le guide devrait être publié à la fin du premier trimestre 2016. Mais pour maître Rocheblave, il faut aller plus loin, « ces guides sont une très bonne chose, mais il faudrait simplement une loi pour encadrer cette question ». Un avis que la majorité des personnes interrogées par Randstad ne partage pas. Une solution toutefois envisageable, « pour qu’enfin, la religion reste aux portes de l’entreprise », conclut l’avocat.
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entreprises ne sont que le reflet de notre société.
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Éric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail
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par Arnaud Bastion conduisons toute la cérémonie », explique-t-elle. Mais si pour les funérailles les églises font généralement salle comble, c’est loin d’être le cas en ce qui concerne les messes traditionnelles.
orsqu’un prêtre est ordonné, il y en a environ dix qui décèdent », explique le père Patrice Roumieu, curé de la paroisse Saint-Martin-l’Argentière, dans le Rhône. Un bien triste constat qui illustre parfaitement le déficit criant de jeunes recrues. Cette paroisse, qui regroupe quatorze communes et autant d’églises, est gérée par un seul curé et son vicaire (prêtre auxiliaire, numéro deux de la paroisse, Ndlr). Les suppléants sont « bien souvent des prêtres étrangers, tant il en manque en France », constate le père Roumieu. « Depuis trois ans, nous avons un prêtre burkinabé qui nous accompagne », indique-til. Mais fort heureusement, la paroisse peut compter sur l’engagement de bon nombre de bénévoles. En plus de l’équipe d’animation paroissiale, composée du prêtre, de son vicaire et d’un diacre, la communauté dispose de 14 équipes relais de proximité. Une par village, généralement composée de deux à trois personnes. Chacune d’entre elles effectue le lien entre les équipes des différents services, tels que le baptême, le mariage ou les funérailles -, et la paroisse. « Une aide indispensable pour une paroisse qui ne possède qu’un seul prêtre pour 14 clochers », assure Patrice Roumieu. Parmi ces bénévoles, Marie-Louise, 83 ans, fait partie de l’équipe des funérailles. « Nous nous occupons de la préparation des célébrations avec les familles. Nous sélectionnons les chants, les textes, nous
LA MESSE DE FRANCE 2 EN CONCURRENCE
Avec trois messes par week-end, une tous les dimanches matins à Saint-Laurent-de-Chamousset, village principal de la paroisse, et deux autres en alternance avec les 13 autres communes, la paroisse essaie tant bien que mal de perpétrer la tradition du rassemblement dominical. Mais le père Roumieu déplore tout de même la (très) faible affluence lors de ces rendez-vous : « La moyenne par village se situe aux alentours d’une trentaine de personnes par messes. Ce sont essentiellement des personnes âgées. Elles ne se déplacent donc pas forcément à chaque fois. Quand la célébration se déroule dans leur village, oui, mais sinon, beaucoup préfèrent rester devant France 2. » Un sentiment partagé par Marie-Louise, qui regrette l’absence quasi-systématique de jeunes lors des différentes célébrations : « Les jeunes ne semblent plus attirés par la religion. Cela se voit au niveau du catéchisme ! », s’exclame-t-elle. Mais si ce manque d’intérêt envers la religion la fait frissonner, elle trouve néanmoins des motifs de satisfaction quant à son activité : « Parfois, je vais soutenir le prêtre lors de la messe du dimanche. C’est vrai qu’il n’y a pas grand
Ça sonne creux dans les églises Depuis environ cinquante ans, une baisse significative de la pratique catholique est observée en France. Une tendance qui se confirme en milieu rural. Reportage dans les monts du Lyonnais, auprès de la paroisse SaintMartin-l’Argentière.
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L’église Saint-Genis-l’Argentière, l’une des plus belles de la paroisse, n’accueille plus qu’une messe par trimestre.
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➢ Le père Patrice Roumieu, curé de la paroisse ➢
6 000.
C’est, selon les projections de la Conférence des évêques de France, le nombre de prêtres catholiques (diocésains et religieux réunis) qui officieront en 2020. Ils étaient environ 50 000 en 1970, 29 000 en 1995 et 15 000 en 2015. Un chiffre en chute libre qui s’explique par la diminution des ordinations, mais aussi par l’âge médian des prêtres français, supérieur à 75 ans.
monde, mais ça fait toujours plaisir d’être là pour ceux qui sont présents. Au moins, nous sommes certains qu’ils sont ici par conviction personnelle et non par défaut. »
UN PROBLÈME DE GÉNÉRATION Qu’il s’agisse du faible nombre de prêtres, ou du manque d’affluence, pour Marie-Louise, cela relève d’un problème générationnel : « Les gens qui veulent devenir prêtre se font rares. Quand j’étais jeune, il fallait presque obligatoirement avoir un enfant prêtre par famille. Les séminaires étaient toujours pleins. » Concernant la fréquentation des églises, le constat est le même. « À l’époque, tout le monde allait à l’église, croyant ou pas. C’était normal dans l’esprit des gens », indique-t-elle. Un avis que partage Maurice, 79 ans, habitant de Saint-Genis-l’Argentière, l’une des 14 communes de la paroisse : « Je
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me souviens d’une époque où tous les villageois se retrouvaient, en habit du dimanche, pour la messe. C’était clairement la sortie de la semaine, très importante pour la vie du village », confie-t-il. Le père Roumieu, lui, concède qu’après la Seconde Guerre mondiale « la prégnance de l’Église s’est fortement atténuée ». Des propos qui se vérifient avec l’enquête réalisée par l’Ifop (institut français d’opinion publique, ndlr), qui mesure la pratique religieuse en fonction de l’assistance à la messe dominicale. 27 % des catholiques déclarés se rendaient à la messe en 1952, contre seulement 4,5 % en 2010. Le curé de Saint-Martinl’Argentière regrette l’époque où le prêtre était, avec le maire, l’instituteur et le médecin, « l’une des personnalités du village. » Une époque aujourd’hui révolue.
L’habit ne fait pas le moine Ces personnes vouent leur vie à Dieu mais qu’auraient-elles fait si elles avaient pris un chemin différent ?
« J’aurais fait une école d’ingénieur dans la rogrammation »
Le rabbin malka « J’ai toujours aimé voyager »
Après le baccalauréat, il a commencé une école d’informatique. un dada pour ce rabbin.
La religion n’est pas un frein à ses loisirs. Cet homme marié a déja visité pas moins de quinze pays.
« la compréhension de l’autre m’intéresse »
« J’aurais gardé des valeurs morales »
Pour ce rabbin, suivre des cours de psychologie est tout à fait envisageable. Il voit ce domaine complémentaire à sa fonction de rabbin.
On peut être quelqu’un de religieux et de très mauvais, comme on peut être quelqu’un de très bon sans être religieux.
« Rabbin, c’est quand même pas mal » C’est un métier enrichissant et épanouissant dans lequel il peut aborder plusieurs aspects : l’enseignement, les études, le chant, le contact avec les gens.
EN BREF par Laura Turc, Axel Poulain, Florentin Perrier et Stéphane Monier Holly Bieber Jay-Z, Kendall Jenner, Kevin Durant ou même Justin Bieber, tous se pressent sur les bancs d’églises « hype » : les Hillsong Church. Fondée à Sydney en 1983 par Brian Houston, Hillsong Church est une organisation d’églises chrétiennes évangéliques, qui a séduit des milliers de fidèles à travers le monde. L’un des arguments majeurs de cette mégachurch réside dans son affectation pour la musique, par le biais, notamment, de discours spectaculaires et de concerts chrétiens flamboyants. © Maxppp
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Ta paroisse, tu ne voleras point Un ancien prêtre de la paroisse de Saint-Lizier, dans l’Ariège, a été condamné, le mardi 16 février, à dix-huit mois de prison avec sursis pour avoir détourné les dons des paroissiens et les bénéfices des ventes de bougies. Le montant du larcin s’élève à plus de 700 000 euros. Le prêtre, âgé de 80 ans, avait avoué les faits. Une saisie judiciaire de 656 000 euros avait été prélevée de ses comptes bancaires à titre conservatoire.
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Les Landes, terre sainte du rugby Loin des stades, c’est dans les Landes que l’Ovalie regroupe ses fidèles. En 1967, à la suite du décès de trois joueurs de l’équipe de Dax, l’abbé Devert entame une refonte de la chapelle de LarrivièreSaint-Savin. Oublié le Christ, ce dernier laissant sa place à divers maillots et ballons. Notre Dame du Rugby devient un lieu de pèlerinage, attirant plus de 10 000 visiteurs chaque année. « On vient demander de devenir champion d’Europe ou tout bêtement être champion de village », déclarait ainsi Marina Toribo, animatrice du terroir, au micro de TF1.
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Un chrétien sur quatre est évangélique 1 chrétien sur 4 est évangélique C’est ce que Sébastien Fath, chercheur au CNRS et spécialiste du monde évangélique, a relevé à partir des données publiées par différents instituts. En France, 600 000 pratiquants réguliers fréquentent les lieux évangéliques, ce qui représente un tiers des protestants, un nombre multiplié par 10 en 65 ans.
« Un tiers des juifs veulent quitter la France ». C’est le résultat d’une enquête des journalistes Victor et Salomon Malka. Après les attentats de janvier 2015, ils sont allés à la rencontre de la communauté juive. « Globalement, sur les 600 000 juifs de France, nous pensons qu’il y en a aujourd’hui un tiers qui veulent quitter la France, un tiers qui s’assimilent complètement, et un dernier tiers qui se battent pour défendre leur judaïsme hexagonal », a expliqué Salomon Malka au journal l’Obs.
Les lieux de culte font la manche
En France, malgré la loi de 1905, les lieux de culte catholiques parviennent à bénéficier de financements publics, car ils font partie du patrimoine historique et doivent être entretenus. En revanche, le culte plus nouveau de l’islam peine à trouver des lieux où s’exercer. Pour permettre l’édification de mosquées, l’État joue des dérogations. Et bien souvent, les financements manquants viennent des pays du Golfe. Avec leurs valeurs.
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Les églises, un patrimoine difficile à préserver
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En France, les communes sont propriétaires de 40 000 églises. Une charge financière de plus en plus importante pour les élus qui doivent parfois faire face à de lourdes dépenses pour entretenir et rénover un patrimoine vieillissant. par Laura Turc
aintenant, « 75 % des communes possèdent au moins une église, 14 % en comptent deux, et 8 % en comptent trois ou plus. Par ailleurs, dans 73 % des communes au moins, une église est la propriété de la commune. À l’inverse, les autres édifices religieux sont en réalité très peu présents dans nos communes : seulement 5 % possèdent un temple protestant, 3 % une mosquée, 3 % un temple évangélique, 1 % une synagogue, 1 % un temple bouddhiste et 1 % une église orthodoxe. » Ces chiffres sont le résultat d’une étude TNS Sofres menée en France en 2014, dans le cadre du rapport du sénateur Hervé Mauray sur le financement des lieux de culte. Mais les chiffres les plus significatifs sont ceux concernant les dépenses des municipalités pour financer les lieux de culte de leur commune. En effet, sur près de 3 000 élus, 13 % jugent que les dépenses afférentes sont une charge excessive, et 36 % une charge importante. Les lieux de culte étant vieillissants, les dépenses liées à l’entretien et aux travaux nécessaires sont de plus en plus importantes pour les maires français, et notamment roussiennes, Saint-Bernard et Bon Pasteur. ceux des petites communes Ces deux édifices ont une particularité : leur rurales. Dans leur budget annuel, construction n’a jamais été achevée. Il manque celui attribué aux lieux de culte aux deux un parvis, ainsi que le clocher pour est souvent le premier poste de Saint-Bernard et l’escalier principal pour Bon Pasteur, dont la porte principale est située à dépense. Dans certaines communes, les trois mètres de hauteur. Mais c’est aussi ce églises, notamment (la grande qui fait leur singularité et de leur histoire. En majorité des édifices du culte 2001, la Ville de Lyon avait réalisé un devis en France est catholique, soit pour restaurer l’église Saint-Bernard, la plus 95 %, selon l’Observatoire du vulnérable avec le manque d’un contrefort stable patrimoine religieux (OPR), rendant ses fondations fragiles. La facture salée, Ndlr), sont en mauvais état, qui s’élevait à 6,5 millions d’euros, n’a pas voire à l’abandon. C’est le cas, permis à la Ville d’entreprendre ces travaux, à Lyon, de deux églises croix- même si elle a dû poser des étais pour ne pas que l’église s’effondre. Toutefois, dans la capitale des Gaules, de nombreux édifices ont été rénovés ou sont en cours de rénovation. « Je suis, en partie, satisfait de l’entretien et de la rénovation des églises par la commune, confie le père Didier Blondel, prêtre auxiliaire à Saint-Pierre-deVaise. Je suis très content que la cathédrale Saint-Jean ait été rénovée, mais on a fait que la moitié car il manque de l’argent. On a dû démonter les échafaudages et il faudra les remonter lorsqu’on continuera les travaux, ce qui coûte de l’argent. » D’autres églises mériteraient d’être rénovées au vu de leur état, comme le souligne le père Blondel : « J’aimerais bien que des travaux soient faits à Saint-Bonaventure. C’est un édifice qui reçoit beaucoup de gens, mais c’est très sombre. Je crois qu’il y a un projet mais comme il n’y a pas
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beaucoup d’argent dans les caisses, il va falloir attendre quelques années... » En effet, les dotations de l’État aux communes diminuent avec les restrictions budgétaires, ce qui ne leur permet pas d’entretenir aisément ces lieux qui demandent souvent des travaux de rénovation coûteux. Mais le père Didier Blondel apporte également une autre explication : « Même si les municipalités font le maximum pour que les églises soient en très bon état, elles doivent faire des choix et privilégient souvent d’autres dépenses, comme des terrains de sport pour les jeunes, par exemple, ce qui se comprend. » Et si la majorité des maires reconnaissent que le budget pour le financement des lieux de culte est important, 60 % se disent favorables au financement public pour ces bâtiments, selon l’étude TNS Sofres.
dernier a alors mis la main sur les biens de l’Église « POUR L’ÉGLISE, LA LOI catholique : les églises sont devenues propriété des DE 1905 N’EST PAS UNE communes et les cathédrales, propriété de l’État. MAUVAISE AFFAIRE » « Les conséquences ont surtout « Même si les gens ne sont pas croyants, été économiques pour l’Église ils tiennent à leur patrimoine », avance catholique car les clercs n’ont le père Blondel. En effet, la majorité des plus été payés », explique lieux de culte font partie du patrimoine Daniel Molinet, professeur depuis la loi de 1905, qui marque la en histoire religieuse à séparation de l’Église et de l’État. Ce l’Université catholique de Lyon. Et l’Église a aussi perdu tous ses biens, désignée comme grande perdante de cette loi même si « les évêques ont retrouvé leur liberté de parole par rapport au gouvernement ». Mais 111 ans après, c’est l’État le grand perdant… en effet, les édifices sont maintenant à sa charge. « Si on demande à l’Église catholique de retaper toutes les églises qu’elle occupe aujourd’hui, elle n’en serait pas capable. Pour l’Église, la loi de 1905 n’est pas une mauvaise affaire car elle peut se servir des bâtiments, sans avoir la charge du gros œuvre, qui revient à leur propriétaire, l’État ou les municipalités. Ce n’est donc pas l’État qui a fait une affaire, même s’il a pris les propriétés de l’Église », constate Gilles Malartre, le directeur de la Fondation de Fourvière.
« LA LOI DE 1905 A PEUT-ÊTRE BESOIN D’ÊTRE CLARIFIÉE » En mars dernier, Hervé Mauray, sénateur UDI, a publié un rapport sur le financement des lieux de culte. Pour lui, « la loi de 1905 a peut-être besoin d’être clarifiée ». Une commune peut financer ce qui relève du « culturel » et non pas du « cultuel » dans la construction ou la rénovation d’un lieu de culte. Mais cette distinction a « ses limites » et reste « floue », précise le sénateur de l’Eure. Or, « de nombreux élus utilisent cette faculté pour financer indirectement des édifices religieux ». Si les maires se montrent majoritairement attachés à la loi de 1905,
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à la laïcité (84 %, selon l’étude TNS Sofres), ils confirment également leur volonté de financer l’entretien des lieux de culte datant d’avant 1905. Dans son document, le rapporteur de la délégation aux collectivités du Sénat plaide pour une meilleure transparence des dépenses des communes liées aux édifices religieux. Il pointe notamment du doigt les baux emphytéotiques que les communes délivrent dans le but de subventionner des lieux de culte. Ce bail consiste à mettre à disposition un terrain en échange d’une redevance pour y construire une église, une mosquée, une synagogue, ou tout autre lieu de culte. Le sénateur le qualifie de « bombe à retardement » car les communes deviennent propriétaires des lieux de culte au terme du bail. Sa proposition est donc d’introduire une « option d’achat » dans le contrat. D’une part, les communes doivent entretenir les édifices religieux, de l’autre, les dotations de l’État baissent : l’équilibre est donc difficile à trouver pour que la France préserve son patrimoine religieux.
Si la majorité des biens religieux sont passés dans les mains de l’État avec la loi de 1905, il reste toutefois quelques exceptions comme la basilique de Fourvière, à Lyon. Grâce à son statut différent, elle peut notamment percevoir des subventions publiques. GILLES MALARTRE, directeur de la Fondation de Fourvière, revient sur son statut et le financement de la basilique.
par Laura Turc
« ON A LA CAPACITÉ DE LEVER DES FONDS CAR ON EST FOURVIÈRE » 64
La majorité des églises françaises font partie du patrimoine des collectivités locales depuis la loi de 1905, sur la séparation de l’Église et de l’État. Pourquoi n’est-ce pas le cas pour la basilique de Fourvière ?
d’entretien : eau, électricité, jardinage, etc. Il est de l’ordre de 1,2 million à 1,4 million d’euros. Il s’équilibre entre les recettes et les dépenses de fonctionnement. Le budget d’investissement est d’au minimum d’1 million d’euros chaque année, mais étalé sur trois ans car, généralement, les travaux durent plusieurs années. Il faut régulièrement faire de l’entretien lourd avec des frais importants. En ce moment, on est à un stade où l’on doit faire beaucoup de travaux car ils n’ont pas été effectués depuis plusieurs années. Il y a une concentration d’investissements, qui sont notamment liés à la rénovation. Dans cinq ans, les gros travaux seront presque finis. Pour tous ces travaux, il faut trouver de l’argent et demander des subventions. »
« Depuis 1905, les églises sont la propriété des communes et les cathédrales de l’État. La basilique de Fourvière est un cas un peu particulier. Cela vient de son histoire. En 1852, le cardinal Bonald, avait demandé à quelques Lyonnais de bonne famille de lui retaper la chapelle de Fourvière. Ensuite, ils se sont occupés du domaine et ont constitué une société civile par action, baptisée la Commission de Fourvière, devenant propriétaire du domaine de Fourvière. Le site n’appartenait pas au diocèse, c’était une société de personne morale, non religieuse. Quand il y a eu la loi de 1905, et en 1907 les inventaires, Fourvière n’a pas été concernée car ce n’était pas une propriété de l’Église catholique, mais une propriété privée. En 1976, la Commission s’est transformée en association de loi 1901. Puis, en 1997, cette association a créé une fondation, à qui elle a transféré tous ses biens. La Commission est restée en association, mais en réalité c’est la Fondation de Fourvière qui est devenue propriétaire. Aujourd’hui, c’est donc une fondation, une structure à but non lucratif avec une fiscalité plus avantageuse. Son conseil d’administration est composé de douze personnes, dont l’archevêque, le maire, le préfet, la direction régionale des affaires culturelles et le président du conseil départemental, qui représentent Lyon et le territoire. »
Comment vous défendez-vous lorsqu’on vous attaque sur les subventions que vous recevez pour entretenir un lieu de culte? « Nous sommes comme une société privée, nous avons des activités qui nous sont propres, comme les activités culturelles et touristiques. Le côté cultuel est du ressort des prêtres que l’évêque nomme pour s’occuper de la basilique, ils sont donc nos locataires. La loi dit que les prêtres de l’Église sont affectataires. Étant donné que la loi interdit aux collectivités de financer des lieux de culte, nous avons donc pu montrer qu’il y a des activités non confessionnelles comme les concerts, car c’est aussi un bâtiment touristique. Nous avons eu un procès avec l’affaire de l’ascenseur qui est allé jusqu’au Conseil d’État. C’est la fameuse distinction entre le cultuel et le culturel. La basilique a une fonction cultuelle mais pas que. Nous sommes capables de faire l’analyse comptable en distinguant les activités culturelles et les activités cultuelles. Et nous pouvons le prouver au tribunal. »
« FOURVIÈRE N’A PAS QU’UNE FONCTION CULTUELLE, C’EST AUSSI ET SURTOUT UN SITE CULTUREL. »
Quelles sont les sources de financement de la Fondation de Fourvière ? « Il y a trois principales sources de financement. Tout d’abord, l’argent qui provient des différentes locations : les antennes radio, le restaurant qui est en location gérance, les magasins de souvenirs et autres, ainsi que quelques appartements que possède le site. La deuxième source provient des événements et des activités animés par Fourvière : les concerts, les conférences, la location de salles et bien sûr le musée. Enfin, l’Église nous livre de l’argent pour occuper les lieux et organiser les messes. Il y a une participation des prêtres aux frais de fonctionnement, c’est comme une sorte de location. La fondation est propriétaire mais pas occupante des lieux. C’est pour cela que l’Église nous verse un loyer. Outre ces principales sources, il y a aussi des sources exceptionnelles de financement qui sont liées aux chantiers et aux projets : les subventions, les dons et les legs. Elles sont toujours affectées à un projet. Par exemple, lors de la remise en état de la toiture, une partie importante de subventions a été versée par la Ville de Lyon, par l’État, mais aussi par des dons. »
Certains médias relèvent des liens étroits entre la Ville de Lyon et l’Église catholique. Un point a été soulevé : le financement par la Ville, à hauteur de près d’un million d’euros, en 2012, pour la mise en lumière de la basilique… « La mise en lumière est un résumé car, en réalité, c’est la mise en sécurité et aux normes du système électrique ET la mise en lumière. Tous les vingt ans, nous devons nous adapter aux normes donc il faut refaire l’électricité. C’était un chantier de 600 000 euros et la Ville a participé à hauteur de 200 000 euros. C’était autant technique qu’esthétique, mais dans tous les cas, il faut se dire que Fourvière est aussi et surtout un site culturel. »
Comprenez-vous le fait que les maires de certaines communes, notamment les plus petites, aient des difficultés à financer l’entretien de leur église ? « Oui, je comprends totalement ! Nous on a une chance car Fourvière est un site majeur donc quand nous avons besoin d’argent, on arrive à trouver les financements. Difficilement, mais on y arrive. De plus, la basilique est classée monument historique. En le décrétant, l’État s’est engagé à toujours aider au financement des travaux importants. »
Quel est le budget annuel de la fondation attribué à l’entretien du site ? « Il y a deux types de budget : un budget de fonctionnement et celui d’investissement. Le premier concerne tous les travaux
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Une hypocrisie nommée loi de 1905 Si l’islam est la deuxième religion de France, les moyens apportés à l’exercice de ce culte sont jugés trop maigres par la communauté musulmane. L’autofinancement ne suffisant souvent pas, c’est parfois l’État qui met la main à la poche, en jouant avec les dérogations faites à la loi de 1905.
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par Léo Roynette
l y a aujourd’hui 2 500 mosquées en France. Il en faudrait le double ! » Le constat de Abdelkader Bendidi, président du CRCM (Conseil régional du culte musulman) RhôneAlpes, est sans appel. La France compte environ 4,5 millions de musulmans. En partant du principe qu’il y a autant de pratiquants, cela revient à une mosquée pour 1 800 personnes. Or, il est évident que rares sont les mosquées à pouvoir accueillir un tel nombre de fidèles. De plus, elles ne sont pas implantées de manière homogène sur le territoire, mais sont pour la plupart en périphérie de grandes agglomérations. Alors que les catholiques peuvent compter sur quelque 50 000 églises, héritage culturel d’une religion historique de France autrefois financée par l’État, les musulmans voient leurs lieux de culte ne sortir de terre qu’au compte-gouttes, faute de financements. Une offre cultuelle bien inférieure à la demande.
Strasbourg, Saint-Étienne, Lyon et Mantes-la-Jolie, qui ont reçu des aides financières de la part du Maroc, de l’Algérie et de l’Arabie Saoudite », précise-t-il. Pourtant, Le Point recensait, en décembre dernier, 350 mosquées en cours de construction qui bénéficieraient d’un appui financier de la part de la seule Arabie Saoudite. Le recteur de la Grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, répondait quant à lui à un internaute sur le forum de la mosquée qu’« il est passé le temps où l’on allait chercher de l’argent dans les monarchies du Golfe. (...) Depuis 2001 et les accusations occidentales contre ces pays de financer le terrorisme, aucune subvention n’est parvenue de ces pays. La Grande mosquée de Lyon, qui a bénéficié en 1994 de financements saoudiens, ne reçoit désormais plus aucune aide internationale. Ce qui finance la mosquée aujourd’hui, ce sont les dons des fidèles, l’achat de viande halal produite par la mosquée, et la collecte de fonds via des actions de solidarité ». Alors, les mosquées sont-elles si fauchées que cela ? L’État lui aussi vient en aide au culte musulman, sans le subventionner directement, mais en facilitant l’édification de mosquées et en finançant des activités, des équipements et des infrastructures distincts de l’exercice du culte mais en lien avec la religion. Ce n’est pas tout : en vue de la construction d’un édifice, les
QUAND L’ÉTAT FLIRTE AVEC UN CADRE JURIDIQUE FLOU Abdelkader Bendidi affirme qu’un moratoire de la part de l’État sur la loi de 1905 permettrait de combler ce manque. « Toutes les mosquées sont en autofinancement, sauf celles de
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associations cultuelles peuvent contracter des emprunts bancaires auprès des collectivités territoriales mais également bénéficier d’un bail emphytéotique administratif. La mairie peut mettre à la disposition d’un culte des locaux publics, tant qu’aucun culte n’est favorisé. Un jonglage avec la loi auquel s’essaient de nombreux maires, tel que celui d’Annemasse, Christian Dupessey – pour ne citer que lui –, qui balaient d’un revers de main les accusations quant à des manœuvres « électoralistes ».
DÉPENSER POUR MIEUX CONTRÔLER
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Si une poignée d’islamophobes tiennent des discours catastrophistes au moindre minaret à l’horizon, ils devraient savoir que c’est en institutionnalisant une croyance, en la faisant rentrer dans les mœurs et en facilitant son culte qu’elle devient davantage contrôlable par l’État. « Sans mosquée, les gens prient dans la rue, dans les caves, se sentent davantage ème stigmatisés et ont tendance à effectuer un repli La mosquée Essalem, en construction dans le 3 arrondissement de Lyon, fera plus de 600m². communautaire. C’est de là que naît le radicalisme, explicite Abdelkader Bendidi. Même chose dans les prisons qui manquent d’aumôniers ou dans les salles de prière sans imams. L’islam ne connaissant pas de hiérarchie, n’importe quel croyant, un tant soit peu savant, peut prendre un ascendant sur ses fidèles, peu importe ses convictions et ses valeurs. » Les élus à tendance islamophobe et les musulmans se sont au moins trouvés un point commun : ils sont tous les deux favorables à la création d’un fonds d’investissement public à destination des religions. L’un pour vérifier la traçabilité de cet argent et l’influence possible des pays du Golfe, l’autre pour subvenir aux besoins de lieux de culte.
La communauté musulmane française réclame davantage de lieux de culte.
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N’ayez pas peur de devenir les citoyens du territoire numérique », lançait le pape François en 2014. Une célèbre injonction que les jeunes créateurs de La Quête, GeoConfess, Hozana ou encore Entourage ont pris au pied de la lettre. C’est à l’initiative de l’association Église et Innovation numérique, créée par un jeune de 24 ans, François Pinsac, que ces startups d’un nouveau genre se sont réunies dans la crypte de l’église SaintHonoré-D’Eylau, à Paris, pour la première soirée Pitch my Church. En cinq minutes chrono, ces « CathoTech », comme les médias aiment à les surnommer, ont présenté leurs innovations visant à faire entrer la foi dans l’ère du numérique.
QUATRE APPLICATIONS AU SERVICE DE L’ÉGLISE
STARTUP ET ÉGLISE, UN MÉLANGE RAJEUNISSANT Quête numérique, réseau social de la prière ou aide aux sans-abri : plusieurs entrepreneurs français ont présenté, fin janvier, à Paris, des applications aux dimensions chrétiennes. Leurs objectifs ? Servir l’Église et convaincre ses fidèles que le numérique est loin d’atténuer la foi. Bienvenue chez les cybercathos. par Charlène Ravella
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Guidées par la religion, les applications sont toutes gratuites et se distinguent chacune par leur thème : la confession, le don, la prière ou la charité. Le tout, dans le but « de mettre le numérique au service du réel et du spirituel », témoigne François Pinsac, également fondateur de l’agence digitale Angetech. Présentée en premier lors de la soirée Pitch my Church, GeoConfess est destiné à géolocaliser le prêtre le plus proche auprès de qui se confesser. Surnommé le « Uber de la confession » par son créateur, Tanguy Levesque, le concept est simple : prêtres et croyants s’inscrivent, comme le feraient chauffeurs et passagers. Les premiers renseignent adresses de paroisses et horaires de confessions, tandis que pour les fidèles, le service de géolocalisation permet d’obtenir rapidement la liste des confesseurs les plus proches du lieu où ils se trouvent. Selon Tanguy Levesque, quelques dizaines de prêtres seraient prêts à tester le dispositif. Ce dernier permet ainsi d’augmenter les bénéficiaires : curés chômant comme pratiquants demandeurs. Après le « Uber de la confession », voici « le Facebook de la prière. » Thomas Delenda, jeune Parisien de 25 ans, a pour sa part imaginé Hozana, un réseau social destiné à prier ensemble. Cet étudiant de HEC n’est presque plus un novice en la matière : il y a un an, il a lancé le site internet Hozana.org, sur lequel les priants déposent une intention de prière. Ce site compte aujourd’hui plus de 70 000 inscrits. Dès lors, le créateur a pensé à adapter son réseau social aux téléphones. Son idée est devenue réalité le 10 février dernier. Aidé de cinq développeurs bénévoles, le jeune entrepreneur a lancé son application sur iPhone puis Android. Le concept, très simple, reprend les principes de son site, avec une touche plus intimiste : il s’agit d’inviter ses proches et ses amis à prier, où que l’on se trouve. L’invité reçoit une notification de la part de son ami, et en l’acceptant, cela déclenche un chrono, sous la forme d’une bougie se consumant simultanément sur les deux téléphones. « L’application nous a été très utile lorsque j’étais au Sénégal et ma copine en France, raconte François Pinsac, élevé au sein d’une famille pratiquante. Avant, j’étais obligé de mettre un réveil, mais
aujourd’hui c’est beaucoup plus simple de se retrouver pour prier. » Thomas Delenda espère d’ici quelques mois internationaliser son application. Depuis six mois, c’est sur un tout autre projet que se penchent Paul Tréhard et son équipe : digitaliser la quête en payant avec son smartphone. Prévue pour fin février, l’application La Quête est partie d’un constat très simple : il est plus courant de sortir avec son téléphone portable qu’avec de la monnaie, même pour aller à l’église. Plutôt que déposer quelques pièces dans la corbeille, cette quête digitale permet de programmer un virement, en entrant ses coordonnées bancaires, sa paroisse et le montant choisi. Au-delà de l’offrande ponctuelle, elle offre la possibilité de programmer un don hebdomadaire : « Vous êtes originaire de Lyon et vivez à Paris. Il vous suffit de quelques clics pour soutenir votre paroisse à laquelle vous êtes attachés », explique Paul Tréhard. Pourtant, la quête digitale n’est pas chose facile dans une église : « Historiquement, le téléphone n’y a pas sa place. Mais aujourd’hui, il est multifonction et, en silencieux, il ne dérange presque personne. » Si certains s’inquiètent de la disparition du rituel et de l’irruption du smartphone en pleine messe, une trentaine de paroisses se disent intéressées par La Quête. « À terme, l’objectif est de faire de l’application un outil pour tous les diocèses de France, surtout pour ceux qui rencontrent actuellement des difficultés financières. » Dernière application présentée lors de la Pitch my Church, Entourage, créée par
l’ancien vice-président Europe de Yahoo!, Jean-Marc Potdevin. Contrairement aux précédentes startups, celle-ci n’est pas réservée aux chrétiens, mais est née dans la tradition religieuse. Ce réseau mobile est destiné à aider les sans-abri et ceux qui les accompagnent. L’application répertorie les zones de maraudes, les associations et les particuliers d’un même quartier. Chaque équipe peut référencer ses circuits de ronde, ses plannings ou effectuer des compterendus vocaux. Testé auprès d’une paroisse parisienne ou avec le Samu social grenoblois, Entourage est soutenu par onze associations dispatchées dans six villes. Toutefois, la crainte d’une géolocalisation des sans-abri refroidit certaines associations.
L’ÉGLISE EST-ELLE PRÊTE ? Convertir l’Église au numérique est une mission plus attendue par les fidèles que par les hérétiques eux-mêmes. En effet, François Pinsac, organisateur de la soirée Pitch my Church a été étonné de l’engouement rencontré par l’événement : « Plus de 400 personnes ont assisté à la soirée, et 800 000 la suivaient par l’intermédiaire de la chaîne KTO. Il y a donc une énorme attente de la part du public. » Et pour le jeune entrepreneur Paul Tréhard, ce ne sont pas seulement les jeunes hyper-connectés qui s’y intéressent. « La semaine dernière, je me suis fait réprimander par la secrétaire d’un diocèse
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Hozana, le « Facebook» de la prière ©C.Ravella
qui m’a conseillé d’arrêter de dire que La Quête était destinée au moins de 50 ans. Même les personnes plus âgées utilisent leur smartphone, et cela tend à augmenter considérablement. » Pourtant, les plus sceptiques s’interrogent : l’Église est-elle prédisposée à accueillir ce tournant numérique ? Pour François Pinsac, tradition et conservatisme peuvent très bien s’accorder avec progressisme : « On peut être conservateur et innovateur, l’essence de la foi n’évolue pas, mais sa pratique oui. » Il lui paraît donc indéniable que les nouvelles technologies sont utiles à l’Église. Mais loin de l’image « gadget » des applications inutiles, François Pinsac, paradoxalement technophobe sur les bords, veut que « la transition numérique de l’Église soit bien réfléchie, pour éviter les dérives ». Pour l’heure, si l’Église apparaît quelque peu en retard, le « CathoTech » relativise : « L’Église est une vieille dame qui a l’éternité devant elle. Le but n’est pas d’avancer publiquement, en faisant du buzz, mais en tout humilité. » Que tous les chrétiens s’en accommodent : tous les religieux ne sont pas au point, comme en témoigne avec humour le concepteur de La Quête : « J’ai eu le diocèse d’Agen au téléphone dernièrement. Un de ses responsables a rigolé lorsque je lui ai parlé de notre projet. Il m’a répondu qu’il venait à peine d’expliquer à ses curés ce qu’était un site internet. » Le chemin est encore long.
POUR LE MEILLEUR ET POUR LE RIRE Par nature, l’humour est bien connu pour ses vertus de joie et de bonne humeur. Or, en termes de religion, il peut être tout autant l’objet de nombreux clivages. Sujet tabou au point de remettre en question la liberté d’expression, le rire se résigne à laisser la foi loin des scènes. En attendant des jours meilleurs.
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Du rire aux larmes
Inscrit au plus profond des textes religieux, l’humour semble en symbiose avec la foi. Mais à la croisée des chemins, le rire peut être à la fois symbole de paix comme de destruction. par Morgan Couturier, Arnaud Bastion et Axel Poulain
L’HUMOUR DANS LES TEXTES FONDATEURS À travers les trois grandes religions monothéistes (islam, judaïsme et christianisme), il existe différentes interprétations et approches de l’humour dans les textes fondateurs. Pour les chrétiens, qui rejoignent le patrimoine du judaïsme, le rire est au fondement même de ce que va devenir le peuple d’Israël. « Pour qu’Isaac naisse, il faut deux choses : qu’Abraham et Sarah aient ri. Donc c’est fondamental, il n’y aura pas de fils donné par Dieu si l’un et l’autre n’ont pas ri d’abord », a annoncé Olivier Petit. Dans le judaïsme, Nissim Malka précise que « l’humour est transparent à toutes les religions, dans tous les textes ». Une version finalement conciliée avec les dires d’Olivier Petit, où chaque patrimoine, chaque religion semble avoir beaucoup de points communs en matière d’humour. En
outre, chez les musulmans, le rire est une expression humaine qui ne doit pas être interdite, au même titre que la tristesse. D’après Hacene Taïbi, « dans le Coran, il y a un verset qui nous dit que Dieu fait rire et fait pleurer, qu’il donne la vie et la mort. Et ici, on dit qu’il associe le rire à la vie et les pleurs à la mort ». Cependant, celui-ci tient à distinguer le rire de la moquerie, nous renvoyant alors à un autre verset : « Ne vous moquez pas les uns des autres ». Les musulmans s’interdisent la moquerie, puisqu’elle humilie et dégrade autrui. Un point pour lequel les trois intervenants sont en total accord. Notamment lorsqu’Olivier Petit ajoute : « D’un point de vue chrétien, si on pratique l’humour, c’est pour aimer. Donc si vous êtes dans un humour qui détruit, qui humilie, qui avilit, c’est peut-être de l’humour, mais un mauvais humour ». De quoi s’interroger sur les caricatures et leurs significations à l’égard des différentes religions.
LES CARICATURES AU CŒUR DU DÉBAT La caricature est un moyen d’expression bien connu depuis des siècles à travers l’Europe. Un outil de communication comme un autre qui permet de faire valoir sa liberté d’expression. Mais ces dessins agacent, voire irritent certains religieux, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou juifs. Leur credo ? Ne pas confondre humour et blasphème. Pour Nissim Malka, « il faut juste avoir conscience de l’importance de ce que l’on dit ou ce que l’on dessine car tout a une portée, une importance. Chacun doit
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est autour d’une table ronde organisée dans le studio radio de nos locaux que trois intervenants, tous issus de confessions différentes, ont pu expliquer et débattre sur la question du rire dans la religion. Ainsi, Hacene Taïbi, chargé de l’enseignement à la Grande mosquée de Lyon, Nissim Malka, rabbin de la Grande synagogue et Olivier Petit, prêtre de la paroisse du Bienheureux Antoine Chevrier, étaient en notre compagnie pour apporter leur éclairage respectif sur cette thématique.
Les représentants des trois grandes religions, rassemblés pour débattre sur la question de l’humour.
prendre ses responsabilités. » Quand on lui parle des dessins polémiques de Charlie Hebdo, le rabbin se demande : « Quelle est la part d’utilité par rapport à la part de dégâts indirects ? » Il fait là, bien évidemment, référence aux douloureux événements de janvier 2015, survenus après une énième caricature du prophète Mahomet. Pourtant, Hacène Taibi estime qu’en soi, représenter le prophète « n’est pas un problème. Mais le stigmatiser en est un ». Olivier Petit quant à lui, explique que dans le monde où nous vivons aujourd’hui, très internationalisé, tout va très vite, la prudence est d’autant plus de mise : « Plus le truc est glauque, plus vous êtes sûr que ça va faire le tour du monde. Il faut donc faire très attention. On ne sait jamais si un fou va démarrer au quart de tour. » Mais tous trois s’accordent à dire que, dans un pays comme la France où la liberté d’expression est un droit fondamental qu’il ne faut pas occulter, « chacun peut faire ce qu’il veut, dire ce qu’il veut, mais doit assumer ses actes. Ce n’est pas à nous, religieux, de contraindre les gens », estime l’enseignant musulman.
L’HUMOUR, UNE VERTU PACIFICATRICE ? Souvent décrié, le rire s’avère néanmoins être un moyen efficace de conciliation, notamment entre des cultes présentés comme antagonistes. « Mieux vaut prévenir que guérir » dit le dicton, d’autant plus au moment d’aborder la question de l’humour dans la religion. « Il faut faire attention lorsque l’on parle de l’être humain, prévient Hacène Taïbi, pourtant favorable à l’idée d’un festival du rire organisé entre religieux, au sein de la mosquée.
humour.
L’humour ne conduit pas forcément à la stigmatisation. Tout dépend du message que l’on veut transmettre ». Car finalement, la foi ne repose que sur des interprétations, ces dernières offrant une brèche pour l’humour. Tant que celui-ci interpelle sur la véracité des textes, sans dénigrer, il est alors cautionné, toutes religions comprises. « L’humour, que ce soit sur la religion ou pas, c’est quelque chose qui me touche énormément », poursuit le rabbin Nissim Malka, démontrant ainsi une certaine ouverture d’esprit des religieux. La culture juive mettant même en valeur le rire, en l’intégrant dans son calendrier. Le mois d’Adar (soit le mois de février) comprend en effet le pourim, jour consacré aux conférences et à la dérision. Du propre aveu des protagonistes, le rire a donc une vertu pacificatrice et réunificatrice. Dès lors, une vanne bénéficie d’une meilleure acceptation. « Une blague, si elle est marrante on rigolera, d’où qu’elle vienne », rétorque Olivier Petit pour casser ce cliché d’un humour intra-religion. La connaissance est souvent la solution à tous les maux. « Quand on se connaît, on peut se permettre de dialoguer et rire ensemble », témoigne le chargé de l’enseignement à la Grande mosquée de Lyon. Une heure de débat aura suffi pour réunir ces trois figures des grandes religions monothéistes, chacun y allant de son anecdote comique, incluant au passage, le culte de son confrère d’un jour. Du Shnorrer, ce mendiant juif professionnel à la drague de l’évêque Paul Raymond, l’humour développe une réelle complicité. « Je crois qu’il faut rire parfois, pour oublier les malheurs », conclut Hacène Taïbi. Au carrefour des rencontres, l’humour a trouvé sa place, donnant l’espoir de religions avançant main dans la main. Il sera alors opportun de rire de tout avec ce sujet sensible.
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« Dans le Coran, il y a un verset qui nous dit que Dieu fait rire et fait pleurer, qu’il donne la vie et la mort. » Hacene Taïbi
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L’humour n’a plus la foi Rares sont les personnes qui n’aiment pas rire ou même blaguer. Pourtant, il y a des sujets avec lesquels il semble préférable de prendre des pincettes. Et la religion est certainement celui qui alimente le plus de polémiques. par Arnaud Bastion et Morgan
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La société, ancrée dans un besoin identitaire, tire donc le rideau sur la foi, laissant aux humoristes le soin de divaguer sur d’autres sujets. L’humour Couturier fait donc du neuf avec du vieux, en replaçant la « censure » sur l’échiquier du rire.
VERS UN HUMOUR INTRA-RELIGION
ne chose est sûre, la religion est un terrain glissant quand elle est associée à l’humour. Pourtant, elle fait partie de la vie et l’humour est nécessaire à la vie. Donc nécessaire à la religion. Pour Guy Lefebvre, cinéaste et ancien directeur de centre culturel avec programmation de spectacles d’humour, « il ne faut pas avoir d’a priori. L’humour en soi, n’est pas tabou. C’est un outil, un savoir vivre. C’est le regard qu’on lui porte qui parfois est désuet, impropre, et détourne le sens qu’on peut lui donner ». Si l’humour en matière de religion peut parfois sembler irrespectueux, la notion d’équilibre entre liberté d’expression et respect d’autrui pourrait être la solution idoine pour mettre un terme aux nombreuses polémiques. Des polémiques qui entourent ces deux thèmes, si compliqués à associer sans choquer. Mais cela reviendrait à se brider, mettre des barrières à la plaisanterie. Le cinéaste ajoute : « L’humour joue sur un déséquilibre. Il n’y a donc pas véritablement de liberté d’expression ni de respect des autres en matière d’humour. » Les dessins de Plantu, les paroles de Guy Bedos ou de Coluche véhiculent de nombreux messages et respectent la sensibilité de la religion afin de pouvoir toucher la limite de l’acceptable mais pas l’irréparable. Coluche disait : « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. » Une phrase qui semble trouver encore plus d’importance aujourd’hui, avec une montée significative des tensions liées à la religion.
« Il y a 25 ans, et jusqu’à il y a une dizaine d’années, on pouvait rire de tout, de tout le monde et de toutes les religions, regrette l’humoriste lyonnais Didier Bouchaud, lequel n’a eu d’autre choix que de modifier son registre. Nous sommes plusieurs à avoir enlevé tout ce qui se rapportait à la religion ou même à se restreindre de stigmatiser de façon drôle un Arabe, un Juif, un Belge ou un Chinois ». Cette peur de la stigmatisation a finalement redéfini les codes de l’humour, où la religion laisse planer une certaine ambivalence entre critiquer les siens ou les autres. Devant ce dilemme, peu s’y aventurent, la frontière du tabou étant aussi fine que les blagues réclamées par la religion. « Ce sujet devient dur à aborder, poursuit Didier Bouchaud. Si on regarde bien le Jamel Comedy club, seuls ceux qui sont originaires du Maghreb peuvent parler des Arabes sans passer pour des racistes. Alors que nous, humoristes, nous ne sommes pas racistes du tout... » Thème sacré par définition, la religion est donc brimée, privilégiant le vivre ensemble au rire collectif, le tout dans un contexte d’individualisation des mœurs qui occulte la connaissance de son prochain.
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Peut-on rire de tout ? D’après une étude de l’institut Opinion Way effectuée en octobre 2015, 92 % des français ont estimé que l’humour est indispensable à la vie en société, notamment pour prendre du recul par rapport aux sujets difficiles. En parallèle, huit français sur dix considèrent que l’on doit pouvoir rire des religions. Pour conforter ces statistiques, cette fois-ci à l’échelle locale, nous sommes partis à la rencontre des Lyonnais. par Morgan Couturier, Arnaud Bastion et Axel Poulain
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JEAN-PAUL, RETRAITÉ
PEDRO, EMPLOYÉ
JEAN, ÉTUDIANT
« De base, l’humour, c’est fait pour rire. Il faut savoir rire de tout. Mais, c’est particulièrement difficile ces mois-ci, avec tout ce que l’on a pu voir aux infos. Et à certains moments, il faut savoir mettre des limites et éviter l’humour qui tacle, l’humour qui provoque. »
« Bien sûr, on peut rire de tout. Après, pour les thèmes, il faut poser la question aux personnes de confession musulmane. Je suis d’origine portugaise et catholique et pour moi, qu’on fasse des blagues sur ma religion, ça ne me pose aucun souci. Je rigole de tout. Si on commence à mettre des limites… »
« Ça serait bien si on pouvait rire de tout dans la religion. Mais malheureusement, il faut se mettre des limites parce que la mentalité de certaines personnes est encore très restreinte. Il faut alors faire attention de ne pas choquer l’opinion. Ça peut prendre du temps avant d’avoir une totale liberté d’expression. »
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JULIA, PROFESSEUR DE DANSE « Je ne pense pas qu’on puisse rire de tout avec la religion. Ça peut en choquer certains. Il faut respecter les gens et leurs croyances, surtout en ce moment. Après, il est vrai que je ne m’empêche pas de faire quelques blagues. Mais je sais à qui je les adresse. Du moment que ça ne blesse pas, je ne me donne pas de limites. »
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« Il y a un certain respect à avoir. Le rire sur les religions, c’est assez délicat. Il y a tellement de religions maintenant. Ils n’ont pas tous de l’humour. Il y a des sujets que l’on doit davantage prendre au sérieux, qui ne sont pas distrayants. Dans ce cas, on fait des blagues sur autre chose. La religion, ça fait partie de la vie mais c’est quand même à part en ce qui concerne les réjouissances. »
« Principalement oui, mais c’est assez sensible. Après, ça dépend des moments, dans quels buts. Et si c’est petit ou grand public. J’éviterais de rigoler sur le sujet suivant les croyances de chacun. A l’université, je fais attention à qui m’entoure. On sent si les gens réagissent ou pas. Ca dépend de l’ouverture d’esprit et de l’expérience de chacun. Avec certaines personnes, le dialogue ne passe pas du tout. »
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T H I B A U T , EMPLOYÉ DANS UN SUPERMARCHÉ « Pour moi, on ne peut pas rire de tout dans la religion car beaucoup trop de sujets sont sensibles. Je me verrai mal faire une blague sur les prêtres pédophiles ou sur les terroristes musulmans qui tuent au nom de leur Dieu. Il faut savoir peser ses mots et faire attention de ne pas choquer. »
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S O P H I E , RESPONSABLE CROIXROUGE FRANÇAISE « Je rigole de tout. Je trouve qu’il y a des choses très dogmatiques au niveau de la religion, donc oui je peux en rire. Il est vrai que quelques fois, je peux en rire parce que ça ne me correspond pas et que je traite ça avec humour. Ca dépend tout à fait des personnes. Il y a des gens qui rient de tout et des gens qui prennent tout au premier degré, qui n’ont pas le sens de la dérision. Il est certain que la religion est un sujet délicat. »
LE VATICAN ET SA COUPE DU MONDE En France, de nombreux étudiants en théologie, futurs prêtres, sont envoyés par leur diocèse au séminaire français de Rome pour parfaire leur éducation religieuse. Certains en profitent pour chausser les crampons et disputer leur Coupe du monde à eux. par Maxime Feuillet Les capitaines d’équipes de la Clericus Cup 2016. ©F.Alborghetti
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ome, dimanche 21 février, 19h20. L’arbitre siffle la fin de la rencontre et renvoie les 22 acteurs au vestiaire. Le PSG vient de l’emporter deux buts à zéro. Non, ce PSG là n’est pas entraîné par Laurent Blanc ; il n’évolue pas au Parc des Princes mais sur les pelouses verdoyantes du Vatican. Le Pontificio Seminario Gallico (séminaire français de Rome), l’autre PSG, participe à la dixième Coupe du monde des prêtres de l’histoire, la Clericus Cup. Une compétition créée en 2007 par le cardinal secrétaire d’État SaintSiège, Tarcisio Bertone, grand fan de ballon rond. L’objectif du tournoi est affiché en italien sur le site internet de la Clericus Cup : « Relancer la tradition du sport dans la communauté chrétienne. » Le père Patrick Monnier, capitaine de l’équipe du séminaire français, détaille : « Ça a permis de changer l’image qu’on avait du prêtre ou du séminariste. » Une idée également partagée par Paul Clerval, attaquant du PSG, qui ajoute : « Le but, c’est de se retrouver entre séminaristes, prêtres ou futurs prêtres pour passer des bons moments ensemble. Le sport, c’est un excellent moyen de se
connaître mieux, différemment et de nous faire grandir dans l’amitié ensemble. » Au total, la Clericus Cup rassemble 16 équipes réparties en quatre poules de quatre. Les joueurs et équipes sont sélectionnés dans les différents séminaires internationaux de Rome. Outre l’équipe de France, on retrouve ainsi les équipes du Mexique, d’Espagne, des EtatsUnis ou du Nigéria. Des universités théologiennes de Rome peuvent elles aussi constituer une équipe. C’est le cas de l’Université grégorienne dans laquelle étudie la plupart des étudiants du séminaire français. « To u s les gars de l’université qui sont bons au foot mais qui ne font partie d’aucun séminaire peuvent jouer pour l’équipe de la Grégorienne », explique Paul Clerval. Ainsi, l’effectif de la Gregoriana compte 20 joueurs pour 14 nationalités différentes.
OBJECTIF DEMI-FINALE POUR LES BLEUS L’équipe de France retrouvera justement la Gregoriana pour son troisième et dernier match de poule mi-mars. Avant cela, ils tenteront de bonifier la belle victoire (20), acquise en ouverture face à l’Altomonte (les joueurs de l’Opus Dei), face au séminaire mexicain. Et père Patrick, le capitaine, y croit : « En cas de victoire, on
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serait qualifié pour les quarts. L’année dernière, on avait perdu lourdement nos trois matches de poule. Mais cette année, on a le potentiel pour aller loin. J’ai fixé un o b j e c t i f : la demie. » Et le capitaine sait motiver ses troupes. « Il nous a demandé d’aller courir dans la semaine pour être en forme physiquement contre les Mexicains », s’amuse Clerval, le buteur. Chaque match de la Clericus Cup est suivi par les supporters des deux équipes en tribunes, il ne faut donc pas décevoir. Clerval : « On s’entraîne, on prépare nos plans de jeu, alors bien sûr qu’on a envie de gagner quand on est sur le terrain, mais il faut que ça reste dans un cadre chrétien. » Il en va de même pour son capitaine : « Ça chauffe toujours un peu sur le terrain, on se bat pour le ballon mais c’est tout. Les arbitres et les capitaines veillent à ce que tout se passe bien, que le match reste fraternel. Après la rencontre, on finit tous sur un temps de prière. » La prière, l’autre rituel qui rythme les journées des étudiants du séminaire français. Mais là encore, le football n’est jamais très loin : « Le lundi suivant la victoire contre l’Altomonte, la prière c’était : « Nous te rendons grâce pour le match d’hier » rappelle le capitaine Monnier
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SPORT ET RELIGION : DUO COMPLÉMENTAIRE ?
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par Morgan Couturier
La vraie richesse d’un homme en ce monde se mesure au bien qu’il a fait autour de lui », prophétisait Mahomet. Le sport, en procurant bon nombre De l’ombre à la lumière, au détour d’un d’émotions, s’est donné la peine de répondre projecteur, les sportifs affichent de plus aux attentes du en plus leur appartenance religieuse en Créateur. Du moins du des professionnels mondovision. Loin de l’anonymat des côté où les sportifs servent amateurs, où le culte est régulièrement leur foi sur le plateau télé des téléspectateurs. laissé aux vestiaires. Mais l’indigestion est grandissante devant ses signes ostentatoires accompagnés de prières. Le sport en est en friand, laissant ses convives afficher fièrement leur appartenance religieuse. Toutes disciplines confondues, les athlètes se sont installés à la table de Dieu, en rejouant la scène à chaque entrée sur le terrain ou en célébrant une victoire. La religion a d’ailleurs toujours accompagné le sport, même à ses prémices. « Le sport antique, c’était avant tout des manifestations religieuses dans lesquelles certaines activités étaient des jeux sportifs », affirme ainsi Philippe Liotard, enseignant en master Staps à Lyon. Dès lors, le sport apparaît comme une recette revisitée où les athlètes se posent en représentant de luxe de leur divinité. En cause, la proéminence de fins gourmets de la religion, aussi adroits au moment de réaliser des performances que de témoigner
leur amour pour le Juge Suprême, comme si l’athéisme bloquait le chemin vers l’or, pour ne laisser que les miettes et le métal chocolaté.
« LA RELIGION PERMET AUX SPORTIFS DE SE RASSURER » À l’image de certains Brésiliens du ballon rond, autoproclamés « Athlètes du Christ », leurs succès incombent donc souvent au ToutPuissant. « Le sport est quelque chose qui manifeste de nouveaux rituels, des sortes de croyances qui peuvent permettre aux sportifs de se rassurer », enchaîne Philippe Liotard. « Le problème est que le sport génère de la croyance, poursuit Patrick Vassort, sociologue et spécialiste du sport. On a une certaine forme d’influence qui est né du résultat sportif. Il inflige, d’une certaine manière, une forme de religiosité aux individus. On croit construire les normes de la réussite. » Très vite propulsés sur le devant de la scène, les sportifs s’en remettent souvent à la religion pour relever les défis et faire face aux moments de solitude. Dans un univers impitoyable, les détracteurs ne manquent en aucune façon la possibilité de vous hachez menu. En amusebouche, l’origine sociale vient souvent ouvrir cet appétit religieux. « Dans le football par exemple, les joueurs sont souvent extraits de milieux défavorisés, où on y retrouve les religions », démontre Patrick Vassort. « Dans le foot, on voit une certaine progression de ces expressions religieuses qui renvoient à des stratégies d’affirmation identitaire où des joueurs se sentent peut-être dans l’obligation de manifester leur appartenance religieuse , surenchérit Philippe Liotard. C’est quelque chose qui passe du privé au public. Si on revient vingt ans en arrière, on a sans doute moins de démonstrations religieuses. » Alors on signe, on prie. Et les médias s’en délectent, confiant aux sportifs le rôle du parfait coupable de prosélytisme. « Avec la médiatisation et la télévision, certaines manifestations se sont diffusées comme le fait
Pour les sportifs, la religion est aussi un moyen d’évacuer la pression. ©Flickr
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« La mosquée c’est la mosquée, le sport c’est le sport »
de faire sa prière, de s’agenouiller sur la pelouse ou faire des signes de croix, avance Philippe Liotard. À partir du moment où on le voit à la télé, on considère qu’il s’agit de choses qu’il faut le faire et ça se reproduit. L’exposition fait que certains sportifs vont faire des choses qui peuvent se faire de façon individuelle et puis tout d’un coup ça devient visible. » Bien qu’encore marginales et souvent liées aux événements de premier ordre, les manifestations religieuses font fie des revendications laïques des grandes organisations, telles que le CIO ou la FIFA. « Ces institutions ont toujours déclaré que le sport n’était ni religieux ni politique, interpelle le sociologue. Or, on sait qu’il est largement politique. Dans ce cas, pourquoi ne permettrait-il pas les démonstrations religieuses ? » Si les associations sportives françaises ont acquis dans leur statut de ne pas parler de religion ou de politique, pour des raisons de neutralité, le contexte mondial tend plutôt vers une acceptation de ces manifestations religieuses. À l’image du continent américain dans son ensemble ou de l’Espagne, où Barcelone a édifié une chapelle dans l’enceinte même du stade loué aux exploits de son équipe de football.
DE LA LUMIÈRE VIENT LA FOI Le monde professionnel a donc ses chefs étoilés en termes de manifestations religieuses. Loin des strass et des paillettes, le monde amateur est moins prolifique en théâtralisation de la foi. Les institutions n’y voyant pas une recette gagnante, le plat servi est plus fade, avec seules quelques célébrations à se mettre sous la dent. Il faut plutôt y voir une imitation des vedettes des disciplines respectives plutôt qu’une envie manifeste d’affirmer sa foi. « On voit un joueur faire tel ou tel signe en entrant sur le terrain, on va faire pareil, souligne Philippe Liotard. Les gens vont reproduire des choses qu’ils ont vu à la télé sans savoir ce que cela signifie. » Le foot, sport populaire par excellence, en est l’exemple parfait. « Si au moment de marquer, de rentrer sur le terrain, le joueur fait le signe de croix par exemple, ça ne nous dérange pas, présente Ahmed Zouak, président de l’AS Minguettes. Du moment que ce n’est pas la prière, se mettre à genoux ou sortir le tapis... Les prières ne se font pas chez nous. La mosquée, c’est la mosquée et le sport c’est le sport. » Dans le contexte Les terrains de foot donnent souvent lieu à une théâtralisation des pratiques houleux que connaît la France en termes de religion, les religeiuses. ©Flickr actes religieux font partie du privé. Le public, y compris les vestiaires restent alors imperméables à tout invocation divine. « Si les joueurs veulent prier, c’est à eux de s’adapter et non à moi ou à leurs coéquipiers, témoigne Jean-Michel Picollet, entraîneur du FC Limonest. Il y a des règles de vie commune. Les joueurs sont libres de pratiquer leur religion à partir du moment où ça ne nuit pas au collectif. » La religion n’est donc pas invitée au banquet des amateurs. Elle préfère goûter aux joies du monde professionnel, où elle savoure de plus grandes retombées.
Les joueuse
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BESOIN URGENT D'UNIFORMISATION
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Notre époque connaît des évolutions sociales considérables mais reste particulièrement fermée sur certaines thématiques, la question religieuse cristallisant ce paradoxe. Notamment dans le sport où la polémique autour du port du voile continue de faire débat.
par Hugo Borrel
e sport doit rassembler, faire jouer, en aucun cas il ne doit exclure, cliver, juger ou rejeter. C’est sur ce principe que toute décision devrait se baser. Mais la réalité est bien différente. Nous sommes le 1er mars 2014, la Fédération internationale de football (FIFA) vient d’annoncer l’intégration officielle dans les règles du football de la possibilité de porter le voile ou le turban lors d’un match. Cette décision fait suite à celle de l’International football association board (Ifab), d’autoriser, à titre d’essai, le port du voile sous certaines conditions strictes deux ans auparavant. Toutefois, cette mesure ne concerne pas uniquement les femmes. « Nous ne pouvons faire de discrimination. Ce qui s’applique aux femmes peut s’appliquer aux hommes. Les hommes peuvent aussi porter dans les différentes compétitions un couvrechef », avait déclaré le secrétaire général de la FIFA, le Français Jérôme Valcke, lors d’une conférence de presse à Zurich. Mais pour ce qui est du turban, il doit être adapté, abandonnant donc le turban traditionnel afin de ne pas constituer un danger pour celui qui le porte ou pour autrui. Pour les instances dirigeantes du ballon rond, c’est l’aspect sportif qui a primé sur le débat autour du symbole religieux.
UNE LOI JUGÉE HORS-JEU EN FRANCE Toutefois, si cette autorisation est valable pour le monde entier, nulle fédération n’est dans l’obligation de l’appliquer. Par exemple, la Fédération française de football, qui avait déjà interdit, en 2010, à ses licenciées le port du voile afin « de respecter les principes constitutionnels et législatifs de laïcité » qui prévalent dans l’Hexagone, avait rappelé que ces mêmes principes restaient valables. Y compris « en ce qui concerne la participation des sélections nationales françaises dans des compétitions internationales » et avait maintenu « l’interdiction du port de tous signes religieux ou c o n f e s s i o n n e l s » dans le pays. Même son de cloche à la ligue de football professionnel, laquelle a vu son président déplorer qu’il s’agissait d’une « grave erreur », prétextant que cette décision malmenait le principe d’universalité du football, selon lequel toutes les joueuses et tous les joueurs sont soumis aux mêmes règles et aux mêmes conditions de jeu. Le basketball féminin est lui aussi concerné par ce débat. Dans le cadre des jeux asiatiques, l’équipe qatarie a déclaré forfait suite de la décision de l’arbitre, leur refusant le droit de jouer en portant le voile en signe de contestation. « Je ne comprends pas cette décision. Je ne pense pas que l’hijab soit dangereux et influe négativement sur le match ou les joueuses », expliquait, à Reuters, une des basketteuses concernées, désignée porte-parole de son équipe. « Je savais que c’était un problème pour la Fédération internationale, mais pas pour les Jeux asiatiques », a-t-elle rajouté. Le sport qui véhicule de nombreuses valeurs a donc, semble-t-il, des difficultés à favoriser la mixité sociale, même si ce n’est pas faute d’essayer. Il apparaît donc clair que la confusion n’a pas fini de régner. Les joueuses iraniennes ont joué voilées lors des Jeux Olympiques de la jeunesses en 2010 à Singapour. ©B.NG
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vant tout, le sport est un jeu. L’origine de ce jeu, ou de ces jeux, remonte à l’Antiquité avec les Jeux olympiques et déjà, à cette époque, le côté mystique et religieux était mis en avant. Ces derniers se déroulaient dans un espace sacré, le bois de l’Atlis, sanctuaire de Zeus. Ils avaient aussi lieu durant une période sacrée, une trêve était alors décrétée pendant les jeux et ils étaient mis en place en l’honneur des Dieux (Zeus, Apollon, Poséidon). Il ne faut pas non plus oublier qu’à cette époque, les athlètes étaient considérés comme de véritables demidieux. Aujourd’hui, il semblerait encore que certains aspects divins liant le sport et la religion perdurent. Que l’on se place du côté de celui qui vit le sport en tant que spectateur ou de celui qui le vit en tant qu’acteur, certains rites et coutumes résonnent comme de véritables cérémoniaux religieux.
LE SPECTATEUR « Quand je vais au stade, c’est comme si j’allais à l’église. » Cette phrase de Baptiste, supporter du club de football de l’Olympique Lyonnais et membre de l’Amical des Rouges et Bleus, qui voit le stade comme un lieu de culte, résonne comme un véritable cri du cœur. Pour ce non croyant, ce « rituel hebdomadaire », précise-t-il, fait office de vrai pèlerinage. « J’y vais pour encourager mon équipe, pour crier, chanter et être avec mes amis qui partagent la même passion du foot », comme peuvent le faire les fidèles qui assistent à de grandes célébrations religieuses, où les chants des ces supporters font office de véritables chants religieux. Pour preuve, certains en sont même des reprises comme le célèbre O when the Saints, entonné dans de nombreux stades de football anglais. « C’est génial, on défend les mêmes couleurs, on vit l’événement ensemble », ajoute Baptiste. De plus, le football, mais aussi le sport dans son ensemble, bénéficie d’une mise en scène qui rappel la religion. On peut prendre comme Selon le dictionnaire Larousse, le sport est un exemple l’entrée des équipes de football sur le ensemble d’exercices physiques se présentant terrain lors d’un match de Ligue des champions, sous formes de jeux individuels ou collectifs, accompagnée d’une musique aux tonalités solennelles, faisant passer un simple jeu pour donnant généralement lieu à des compétitions, quelque chose de divin.
Le sport : une religion à part entière ? pratiqués en observant certaines règles précises. Alors, peut-on parler de pratiques religieuses lorsque l’on se place dans la peau de celui qui vit le sport, spectateur ou bien athlète ? Il semblerait que sur certains aspects oui.
LES ACTEURS
Mais qu’en est-il pour ceux qui sont de l’autre côté de la barrière ? Pour les acteurs du sport ? « Personnellement, je voue un culte pour mon sport, pour les valeurs qu’il inculque », confie Alexis, joueur au club de rugby de l’Asvel. En par Pierre-Antoine Barut effet, pour le rugby, mais aussi pour le sport en général, la notion de valeurs est un élément central. « On peut se mettre sur la gueule pendant 80-85 minutes avec nos adversaires mais à la fin, on se serrera toujours la main et on se félicitera », ajoute-t-il. Comme dans la religion donc, c’est avant tout le respect pour l’autre qui est mis en avant. Comme pour les supporters, les joueurs et athlètes ont, comme dans la religion, des « rites » avant de rentrer sur le terrain. « On se réunit dans le vestiaire, on s’encourage, c’est le moment où l’on communie tous ensemble », véritable copier-coller des messes religieuses. Pour beaucoup, spectateurs ou athlètes, le sport est un vrai lieu de culte où le besoin de se réjouir ensemble et d’éprouver espoir et déception va au delà du simple jeu.
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Religieux ou pas, l’important est de garder sa liberté de penser et de cultiver son esprit critique.` Révérencieux s’abstenir !
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Religieusement polémistes Ils ont défrayé la chronique, défier les bonnes moeurs et se sont vus gratifiés d’une large critique de la part des institutions religieuses. Voici quelques films qui ont retourné plus d’une soutane. par David Hernandez
Noé sorti en 2014 Le film de Darren Aronofsky ne sera pas sorti dans les pays musulmans, comme le Qatar ou l’Egypte, pour « raisons religieuses ». En effet, Noé est un prophète dans l’islam et la représentation des prophètes est proscrite dans la Charia. Aux Etats-Unis, les chrétiens ont dénoncé « une interprétation non littérale des Ecritures » et ont demandé à ce que la Paramount le précise dans son générique. Une demande acceptée par Hollywood pour éviter le fiasco commercial.
La Dernière tentation du Christ
Hussein Who Said No
La Passion du Christ
sorti en 2014
sorti en 2004
Ce film n’évoquera rien au grand public, pourtant il a défrayé la chronique en Iran. Le réalisateur Darvish représente la bataille de Karbala et le soulèvement d’Hussein ibn Ali, petit fils de Mahomet, contre Yazid 1er. Seulement, pour les autorités iraniennes, le film donne une interprétation déformée de l’histoire et surtout que la personne d’Hussein était offensée. Après avoir coupé des scènes, le film a reçu l’autorisation des autorités jusqu’au moment où des opposants ont manifesté. Une femme s’est même tranchée la tête provoquant le retrait du film.
Réalisé par Mel Gibson, ce film s’inspire de l’Evangile de Matthieu et raconte les dernières heures de Jésus. À la sortie du film, beaucoup de personnes redoutaient que de nombreux mouvements antisémites apparaissent. Finalement, ce seront surtout les scènes de violences brutales – surtout de la crucifixion - qui choqueront le public, Gibson se complaisant dans la torture du Christ.
sorti en 1988 Également axé sur le personnage de Jésus, le film de Scorsese a, quant à lui, reçu les critiques des milieux catholiques fondamentalistes. En cause ? L’image d’un Jésus qui serait au final un simple homme et qui perd ses « dons » divins. Une simple image d’un Jésus charpentier et non prophète. Un cinéma avait été incendié en France par des fanatiques criant au blasphème.
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LE CHASSEUR DU CINÉMA FRANÇAIS ELLE A ÉTÉ CRÉÉE EN 1996 ET DEPUIS, ELLE NE CESSE DE FAIRE TREMBLER CINÉASTES, RÉALISATEURS ET PRODUCTEURS. ELLE, C’EST L’ASSOCIATION CATHOLIQUE TRADITIONNALISTE PROMOUVOIR. SON CRÉDO : S’OPPOSER À LA PROLIFÉRATION DE LA VIOLENCE ET DU SEXE DANS LA CULTURE, PAR LE BIAIS DE LA CENSURE. par Pierre Antoine Barut
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et de sa tête de gondole André Bonnet, est donc d’instaurer un système de classification des films beaucoup plus sévère qu’actuellement. C’est pourquoi, au fil des années, ce nouveau censeur du cinéma français, s’est lancé dans un grand nombre de batailles juridiques : Ken Park de Larry Clark en 2004 (interdiction aux -18 ans), Nymphomaniac vol 1 et vol 2 de Lars Von Trier en 2014 (interdiction du visa d’exploitation), La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche en 2015 (interdiction du visa d’exploitation) et Antichrist de Lars Von Trier en 2016 (interdiction du visa d’exploitation). Pour la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs, « c’est incroyable ! Tous ces films ont été salués dans les plus grands festivals, n’ont heurté personne et se retrouvent censurés par un obscurantisme malsain ». Afin de contrer ces censures vues comme abusives, le Centre national du cinéma (CNC) préconise : « Dans les pays anglo-saxons, se sont les distributeurs et les producteurs qui s’autocontrôlent. En Espagne, on privilégie de déconseiller plutôt que d’interdire. Il faudrait peut-être s’inspirer de cela. » Cependant, les différents protagonistes du cinéma français peuvent se rassurer. La nomination de la nouvelle ministre de la Culture, Audrey Azoulay, qui a travaillé pendant huit ans au CNC, devrait leur donner un avantage dans les futures mises en cause de Promouvoir.
n a l’impression qu’il a désormais plus d’influence que la ministre de la Culture. » Derrière ce « il », employé par Vincent Maraval (producteur du film Love qui s’est vu frapper d’une interdiction aux moins de 18 ans), en août dernier dans les colonnes des Inrocks, se cache André Bonnet, créateur, avocat et tête pensante de l’association Promouvoir. Depuis 1996, cet ancien juriste, proche de l’extrême droite et de la Manif’ pour tous, se posant en promoteur « des valeurs judéo-chrétiennes », a en effet remporté moult batailles contre les visas d’exploitation de nombreux films. La première victoire juridique remportée par l’association aux 400 adhérents remonte à l’année 2000, obtenant l’annulation du visa d’exploitation du film Baisemoi, de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi. Une première en France depuis 28 ans. C’est à cette occasion que, par le biais de la ministre de la Culture de l’époque, Catherine Tasca, qui est revenue sur cette décision administrative, fut créée l’interdiction aux moins de 18 ans. Pour Eva Husson, réalisatrice du film Bang Gang, dernier long-métrage dans le viseur de Promouvoir, qui souhaite lui retirer son visa d’exploitation : « Un film frappé d’une interdiction de -18 ans est une condamnation à mort. » L’objectif de Promouvoir
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Laurent Lenne, prêtre à tout Imitateur le samedi, prêtre le dimanche, Laurent Lenne est sur tous les fronts.
Prêtre, imitateur, chanteur, auteur-compositeur, écrivain mais aussi vedette de télé-réalité : les casquettes de Laurent Lenne sont multiples et font de ce quadragénaire un personnage atypique. Entre engagement politique et convictions religieuses, le Toulonnais vit à cent à l’heure. par Stéphane Monier et Maxime Feuillet
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« Si
la notoriété bidon d'une quelconque téléréalité peut servir à faire passer des idées auprès des jeunes, c'est déjà bien»
l n’est pas évident d’approcher Laurent Lenne, tellement l’homme est occupé par ses multiples activités. Artiste le jour, restaurateur la nuit et prêtre le week-end : la vie du Toulonnais s’accorde au rythme des allers-retours entre la gare PartDieu et celle de la préfecture du Var. C’est justement près de la côte d’Azur que l’histoire de Laurent Lenne débute. Si sa famille ne lui dispense pas une éducation particulièrement religieuse, le jeune homme se tourne lui-même vers la foi : « L’envie de devenir prêtre est arrivée lorsque j’avais sept ans, donc c’est assez vieux. J’étais baptisé, la vocation m’est venue comme ça. Je trouvais le monde de l’Église attirant, ma foi s’est alors agrandie avec le temps, puis elle s’est affirmée. » Le Toulonnais, recalé au baccalauréat, s’inscrit alors au séminaire à Nice puis à Vienne et à Valence où il suit des études de théologie, philosophie et latin-grec pour devenir prêtre catholique. Mais sa foi s’estompe avec le temps et petit à petit, il se détourne de la religion. « J’ai quitté le séminaire et je suis devenu non-pratiquant, explique-til, j’allais me marier et il n’était plus question de devenir prêtre catholique. » Mais une rencontre va s’avérer décisive dans son parcours religieux. Laurent, alors journaliste dans une radio locale, interroge un pasteur protestant qui lui fait écho de la possibilité de se convertir à l’anglicanisme. Pour devenir prêtre de cette religion, plusieurs étapes nécessitent d’être validées : « On est ordonné diacre, mais avant, nous avons un temps de discernement, de recherche et des examens à passer pour être théologiquement en communion avec l’église dans laquelle on est reçu. »
voir personne. J’étais complètement dérouté, je ne voulais plus vivre et mettre fin à mes jours. Aujourd’hui, ça va mieux mais je reste vigilant : une dépression, tu la gardes à vie. »
RESTAURATEUR, COMÉDIEN ET POLITIQUEMENT ENGAGÉ C’est un projet familial, celui d’un bar-restaurant à tapas dans le 1er arrondissement de Lyon, qui va le sortir de cette mauvaise passe : « J’avais un peu d’argent à placer et mon cousin en avait besoin, donc nous nous sommes associés. » Au comptoir du jeudi au samedi, Laurent Lenne troque, pour le week-end, sa casquette de restaurateur pour celle de Limite Tateur , titre de son one-man-show d’imitations. Les thématiques abordées sont les mêmes que celles présentes dans ses onze albums musicaux : la religion, la variété française et surtout la politique. « J’écris beaucoup sur la situation politique du moment. Je suis socialiste depuis mon enfance puisque j’ai été élevé par des parents de gauche, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Pour moi, la France est aujourd’hui dépourvue de toute idée de gauche. » En 2012, pour dénoncer ce « marasme politique », le père Laurent déclare sa candidature à l’élection présidentielle : « Je voulais pousser un coup de gueule concernant la pauvreté en France. Des candidats, tel que Nicolas Sarkozy, se moquaient ouvertement de ce sujet.» Si ses détracteurs lui reprochent d’être en quête perpétuelle de buzz, Laurent Lenne réplique : « Je ne fais pas cela pour faire parler de moi. Encore une fois, si la notoriété bidon d’une quelconque télé-réalité peut servir à faire passer des idées auprès des jeunes, c’est déjà bien. » Les médias s’intéressent à sa candidature mais il n’obtient pas les cinq cents parrainages nécessaires. Ce n’est que partie remise. L’intéressé confie avoir déjà pensé à son programme pour 2017. Difficile donc de cerner ce personnage aux multiples casquettes. Finalement, c’est sur Facebook que Laurent Lenne se définit le mieux : un prêtre saltimbanque.
UN PRÊTRE DANS SECRET STORY Surprise au casting de Secret Story 2. Au milieu des secrets tels que « J’ai 780 conquêtes à mon tableau de chasse » et « Je vis avec une balle dans la tête », le prêtre anglican détonne et reste six semaines au sein de la maison : « Je suis un artiste du spectacle et c’est la raison pour laquelle j’ai voulu faire Secret Story. C’est une copine qui m’a inscrit pour l’émission et trois jours plus tard, j’étais contacté par la production. À la base, c’était plus pour devenir connu dans le monde du spectacle. » Cependant, pour Laurent, la production a plus mis en valeur son côté prêtre que son côté artiste. Un agissement qui ne lui a pas forcément déplu puisqu’il aime à évoquer sa foi de manière libérée. Huit ans plus tard, il revient sur cette aventure avec lucidité : « Cela m’a rapporté pas mal, notamment en termes de notoriété. J’ai fait un featuring avec Francis Lalanne puis, plus tard, on a produit un album ensemble. Le succès n’a pas été au rendez-vous, la faute à de mauvaises rencontres. Dans ce milieu, on croise beaucoup de personnes, pas toujours très bien attentionnées. » L’après Secret Story se révèle en effet plus délicat pour l’artiste. Faute de projets et d’ambitions, il tombe en dépression : « Je ne voulais plus sortir, plus
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TOLLÉS SUR LA TOILE ! Si depuis l’apparition du réseau social Twitter la religion a souvent été l’objet de hashtags tous plus diversifiés les uns que les autres, 2015 a marqué un tournant dans l’intolérance et les déviances des confessions. Entre illustres inconnus et personnalités aux caractères et idées bien trempés, voici un petit florilège des tweets trashs qui ont fait réagir sur la toile ! par Axel Poulain resque instinctivement, lorsque l’on doit identifier un clash sur la religion, Mathieu Kassovitz et Véronique Genest répondent souvent présents. Soit en individuel, soit en réponse à l’autre, le duo n’a pas fini de nourrir les polémiques. Très récemment, le réalisateur du film La Haine s’est attiré les foudres des internautes, publiant ce post qui a rapidement fait le buzz. Quelques temps auparavant, au lendemain des attentats du 13 novembre, Mathieu Kassovitz, connu pour son goût de la punchline, avait lancé : « Mes amis musulmans. Descendez dans la rue et faites-vous entendre. Sinon vous méritez l’amalgame dont vous êtes victime. »
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Véronique Genest a également un CV bien rempli lorsqu’il s’agit de critiquer la religion, en particulier l’islam. Après le clash avec les deux rappeurs toulousains Bigflo & Oli (cf. brèves), lesquels ont préféré ne pas participer à l’émission de Touche pas à mon poste pour les penchants « islamophobes » de l’actrice, la figure de Julie Lescault avait multiplié les frasques religieuses. Notamment ce tweet à propos de l’université kenyane prise d’assaut, en avril 2015, par des shebabs (islamistes somaliens). C’était en 2012 que les deux acteurs de ces tweets se sont clashés sur l’oiseau du web. Véronique Genest avait lancé : « L’islam est dangereux pour la démocratie et en fait la démonstration de tous les jours ». Ce à quoi le réalisateur avait répondu ironiquement : « Une œuvre, une vie, une femme ». Le clash avait d’ailleurs duré de longs mois… D’autres ont également créé la polémique au cours des derniers mois, autour de la religion. Fin 2015, le cardinal Barbarin était nommé par le site d’information LyonMag, Lyonnais de l’année. Un paradoxe poussé à ses plus grandes limites. En cause, la situation actuelle du cardinal, accusé de « non-dénonciation de faits de pédophilie » à l’encontre du père Preynat. Et finalement, c’est le journaliste de France Télévision, François Beaudonnet, qui a tweeté les récents propos du pape, lequel s’était rendu au Mexique pour son 4e voyage apostolique. Bien que n’étant pas visé directement par les propos de celui-ci, le cardinal aurait été « fragilisé » par les propos du souverain pontife. Le Lyonnais de l’année 2015 semble bien parti pour être celui du début d’année 2016… En revanche, les raisons de l’être risquent de fortement différer, passant d’un exemple religieux à un scandale. Finalement, sur Twitter, comme sur de nombreux réseaux sociaux et médias, les propos à l’encontre des religions ou de leur contexte penchent souvent vers des punchlines de ras-le-bol, d’intolérance et de scandales. Nul besoin de dévoiler les tweets à l’encontre de l’Etat islamique et des amalgames avec la communauté musulmane, aussi trash soient-ils, le sujet ayant déjà été particulièrement surexposé dans les divers médias.
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SI DIEU ÉTAIT UNE FEMME...
CROYANTS COMME ATHÉES, PERSONNE NE SAIT SI DIEU EST UN HOMME, NI MÊME S’IL EXISTE. MAIS NOUS, FEMMES DE LA RÉDACTION, AVONS IMAGINÉ COMMENT SERAIT NOTRE SOCIÉTÉ FRANÇAISE «SI DIEU ÉTAIT UNE FEMME...»
© Gnuckx
par les filles de la rédaction
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Si Dieu était une femme, après leur mariage, Moïse devrait se couvrir le visage et obéir à son épouse. Ève ne serait pas victime de violences conjugales, comme les 118 000 femmes tuées chaque année par leur conjoint (source : ministère de l’Intérieur 2014). Moïse serait homme au foyer et apprendrait à leur fils, Mahomet, comment entretenir la maison. Il consacrerait quotidiennement une heure et demie de plus aux tâches ménagères qu’Ève. Ève pourrait plus facilement divorcer et Moïse aurait la garde des enfants.
ve, dès sa naissance, aurait la certitude que la religion et la société seraient moins misogynes. Ce serait elle qui garderait, coincé dans sa gorge, un morceau du fruit défendu. On appellerait alors cela la pomme d’Ève.
Si Dieu était une femme, à l’école, Ève apprendrait que le féminin l’emporte sur le masculin en grammaire, comme en orthographe. Plus fort encore, il n’y aurait plus les déterminants «la» «le» «une» «un», mais une unification qui ne montrerait aucune stigmatisation.
Si Dieu était une femme, quand Ève se rendrait au travail, elle croiserait davantage de rues portant le nom de femmes. Ève aurait plus de « chances » de travailler dans les conflits armés, de devenir chef d’entreprise, prêtre, imam, ou rabbin. Elle pourrait également entamer une carrière politique, où la présidente s’appellerait Françoise Hollande et ferait donc partie des 75 % des femmes représentées à l’Assemblée nationale. Quoi qu’elle choisisse, Ève gagnerait toujours plus de 30 % que ses collègues masculins.
À l’université, Ève n’étudierait pas que les lettres et les sciences humaines, mais majoritairement les sciences fondamentales, qui mènent aux carrières les plus prestigieuses et les plus rémunératrices. Son petit ami, Moïse, connaitrait les joies du maquillage, de l’épilation et des menstruations.
Si Dieu était une femme, Ève partirait à la retraite avec une pension beaucoup plus élevée que celle de Moïse. Et pendant ses heures perdues, dans son canapé, elle pourrait passer des heures à regarder le football féminin qui serait plus médiatisé que celui des hommes.
Si Dieu était une femme, Ève et son amie Sarah paieraient leur entrée en boîte de nuit et inviteraient les garçons à danser. Elles ne seraient plus considérées comme séductrices et tentatrices absolues de l’homme. En rentrant chez elles, dans les transports en commun, elles ne seraient pas si souvent victimes d’harcèlement de rue, comme 100 % des Françaises en 2015 (source : Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes). Après cette soirée, si Ève était malencontreusement tombée enceinte, elle n’aurait eu aucun problème pour avorter.
Si Dieu était une femme, il y aurait moins de conflits dans le monde, les seules rixes existantes débuteraient le premier jour des soldes et se termineraient à la dernière démarque. Quoi qu’il en soit, si Dieu était une femme, tous les hommes seraient croyants, car comment ne pas vénérer une femme... ?
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02/2016 - Direction Marketing & Communication Groupe IGS
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