Psychophobies

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DÉCEMBRE 2007

mieux vivre sa phobie

N° 0 - Gratuit

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MAGAZINE

Juridique Ce que dit la loi Grandes écoles Le bizutage existe-t-il toujours ? ZOOM

Qui sont les faluchards? Féminin Celles qui bizutent Alcool Abus et responsabilités LE DOSSIER

Le bizutage Tout ce que vous devez savoir

Solenn Colléter « Le bizutage est le reflet d’une réalité purement humaine »


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DÉCEMBRE 2007 N°0

www.psychophobies.com

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sommaire

Edito par Quentin Duquenoÿ : L’intégration ou la vie

divan Solenn Colléter 6

« Le bizutage est le reflet d’une réalité purement humaine »

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Critique « Je suis morte et je n’ai rien appris »

c Emmanuel Bovet

juridique p.

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Cadre législatif Voilà bientôt dix ans que le bizutage est un délit. Etat des lieux d’une législation ambiguë.

Original. Un thriller sur le bizutage

le dossier Le bizutage dans les écoles

lyonnaises 12

p.

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13 16 19 21

Comment ça se passe en prépas ? Que font les grandes écoles ? Du côté de l’administration Bizutage à l’américaine

Le bizutage dans les confréries américaines, c’est dur mais ça vaut le coup!

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DÉCEMBRE 2007 N°0

sommaire

w w w. ps y c h o p h o b i e s . c o m

autopsy Patrice Schoendorff 22 « De l’adolescent à l’adulte » 24 26

au féminin le bizutage chez les filles traumatisme un passage nécessaire

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risques

Attention aux dérives

Les week-ends d’intégration peuvent finir par dériver. Dans ce cas qui sont les responsables ?

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Zoom Lordre de la Faluche


édito

Quentin Duquenoÿ

L'intégration ou la vie e retrouver nu place Bellecour ou manger de la pâtée pour chien, quel bonheur pour faire connaissance avec ses camarades de classes ! Qui n'a jamais rêvé de vivre ça ? Pendant des siècles, la tradition de l'humiliation a sévi dans les grandes écoles, les facs ou les prépas. Pendant des années, nombre d'étudiants ont vécu les épreuves « d'intégration » comme une torture sans jamais broncher. Le bizutage est un rite de passage. Une manière d'évaluer la force de caractère d'un nouveau venu. Et pour cela, tous les moyens sont bons, du simple jeu aux pires agressions. Tant de fois, le bizutage est devenu violence et les bizuteurs bourreaux. Les bizuteurs, mais aussi - et ce n'est pas le moins étonnant les bizuteuses, qui se montrent tout aussi virulentes que leurs homologues masculins. Devant l'ampleur du phénomène et les dérives multiples à la fin des années quatre-vingt-dix, les députés, à l'initiative de Ségolène Royal alors ministre déléguée à l'Enseignement scolaire, en ont fait un délit. Depuis 1998, cette pratique est devenue hors la loi. Une loi parfois confuse mais qui a eu le mérite de mettre chacun face à ses responsabilités, étudiants et chefs d'établissements. La France était loin de connaître une situation analogue à celle existant aux Etats-Unis où le bizutage est une tradition dans les confréries étudiantes, mais les débordements devenaient trop nombreux pour être ignorés. Les grandes écoles ont donc réagi. Et tout récemment même avec la mise en application d'une charte de bonne conduite et un encadrement strict des « journées d'intégration » par les administrations de ces établissements. Le maximum est fait pour prouver que personne ne cautionne le bizutage. Certains, pourtant, regrettent la disparition (partielle) d'une pratique formatrice aux difficultés de la vie en société. Car à Lyon, les écoles se targuent de n'avoir aucun problème lors de l'intégration des nouveaux. Les Bureaux des étudiants - les BDE - ont pris les choses en main mais certaines dérives persistent. Notamment la surconsommation d'alcool. Fini le bizutage à proprement parler, le voilà remplacé par des soirées - ou des week-ends - ultra-alcoolisées, sponsorisées par des marques d'alcools au cours desquelles tous les débordements deviennent possibles. Des rassemblements festifs qui se transforment en beuveries générales qui font craindre le pire aux chefs d'établissement. Car les responsabilités en cas de problème, y compris celles des personnes morales, peuvent être engagées même si les faits se déroulent hors de l'établissement. Certains poussent même le vice jusqu'à se structurer en ordre, comme celui de la Faluche, pour des soirées sexe et alcool. Le but premier reste bien sûr de se défouler, d'oublier le rythme des études souvent effréné mais, au final, un abus en remplace un autre. Et l'on reste dans l'excès.

c Mathieu Carbasse pour Psychophobies

S

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divan

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A 32 ans, Solenn Colléter, ingénieur dans l'aéronautique à Toulouse, a publié cet été, aux éditions Albin Michel, son second roman Je suis morte et je n'ai rien appris. Sous couvert d'un thriller, elle raconte une semaine de bizutage intensive et abusive qu'elle a personnellement vécue.

Solenn Colléter «Le bizutage est le reflet d'une réalité purement humaine »


divan

Solenn Colléter

«ON NE PEUT PAS PASSER ÇA SOUS SILENCE, C'EST D'ABORD UNE ATTEINTE AUX DROITS DE L'HOMME » Psychophobies : Quel est l'objectif de votre livre? Solenn Colléter: C'est un roman avant tout, je n'ai pas écrit un documentaire sur mon vécu. J'ai voulu mettre en évidence l'aspect psychologique du bizutage tout en restant pudique. Il se passe encore plus de choses que je n’en rapporte mais je ne voulais pas non plus lasser le lecteur. Je souhaitais simplement l'amener à s'intéresser au sujet et à en comprendre la dynamique. Car tous les faits que j'évoque en ce qui concerne le bizutage sont eux bien réels. Vous avez été bizuté en 1991, vous aviez alors 17 ans...Pourquoi avoir écrit ce livre 15 ans après les faits ? Si j'ai éprouvé le besoin d'écrire ce livre, c'est, déjà, parce que j'ai mûri. Puis, en regardant l'actualité, ce qui se passe autour de nous, je me suis rendu compte que ce bizutage, que j'avais détesté et dont j'avais compris les processus dangereux, est le reflet de notre société. Dans le monde de l'entreprise, le jeune cadre qui veut devenir chef d'entreprise accepte progressivement de mettre une certaine pression sur les personnes hiérarchiquement en dessous de lui. Cadences soutenues et manipulation mentale deviennent de l'ordre du quotidien, notamment parce que le système légitime ces pratiques. Spontanément, le « petit chef » n'aurait sûrement pas agi de la sorte. Y'a-t-il selon vous un but au bizutage ? Je pense qu'il y a un objectif de reproduction de l'élite à l'identique. Ce qui m'a beaucoup marquée c'est que la direction de mon établissement encourageait le bizutage pour endurcir les élèves afin qu'ils aient par la suite

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de bons résultats. « La violence que j'ai vécu était scénarisée, tout avait valeur de mise en scène dans l'unique optique d'impressionner les nouveaux venus. Les bizuteurs avaient cerné les premières années - les grandes gueules et les plus timides - et ils agissaient en conséquence ». Comment expliquez-vous l'omerta qui règne autour du bizutage? Autant de la part des participants au moment des faits qu'après, en guise de prévention ? Sur le moment, le bizut ne parle pas pour une simple raison, c'est qu'il a peur. Puis la semaine se déroule, une semaine très organisée, très scénarisée. Un jeu de manipulation s'instaure, appuyé par une alternance de moments de violence et de détente. Les bizuteurs arrivent finalement à modifier positivement le souvenir que conservera le bizut de cette épreuve. Le bizut finit par croire que ce qu'il a vécu était très bien et qu'il a appris beaucoup de choses. Dans un second temps, les bizuts ne racontent pas ce qu'ils ont vécu car ils se rendent bien compte que sorti du contexte de cette semaine d'intégration, les autres ne comprendraient pas. Plus le temps passe, plus les souvenirs s'estompent et plus les souvenirs réinventés prennent le pas sur les souvenirs réels. Avez-vous eu des réactions depuis la parution du livre ? 99% des personnes me disent « mais c'est barbare, c'est horrible, comment peut-on accepter ça en France ? ». Puis 1% de personnes, qui ont vécu un bizutage sévère - ils ont bien souvent 50/60 ans - en conservant un souvenir à fleur de peau et se refusent à lire mon livre. Propos recueillis par O. Gimbert

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divan

Solenn Colléter

Solenn en bio... J u i n 1 9 7 4 : n a i s s a n c e d a n s l e Va l d ' O i s e . S e p t e m b r e 1 9 9 1 : e n t r é e e n c l a s s e p r é pa ratoire au sein du lycée privé Sainte-Geneviève à Ve r s a i l l e s . Décembre 2005 : publication d'un premier polar Lettres de sang sur la Côte Sauvage aux éditions Alain Bargain. Septembre 2007 : publication de son premier roman de littérature générale, Je suis morte et je n'ai rien appris, aux éditions Albin Michel.

Entre faim, fatigue et froid

«

Salope, on aura ta peau, baisse la tête, magne toi ! » Les premières pages cinglent comme une gifle et plongent immédiatement le lecteur dans un bain de larmes, de boue, de sang et de sueur mêlés. Dans le mot violence se trouve le préfixe viol- et c'est bien de cela qu'il s'agit lorsque Laure nous confie son histoire. Le bizutage. Son bizutage. La faim, le froid, la fatigue, ces trois termes viennent et reviennent dans le récit de Solenn Colléter comme pour marteler l'inconscient du lecteur. Semaine déshumanisante. Laure expérimente de nouvelles sensations qu'elle aurait préféré ne jamais connaître car bestiales et, surtout, imposées par les anciens. Ce rapport de dominants à dominés renvoie l'homme aux prémices de l'humanité lorsque, dépourvu de sentiments, il ne pensait qu'à sa survie. C'est bien là l'un des nœuds du livre. L'Homme est réduit au strict état animal, primaire. Laure finit d'ailleurs par perdre certains sentiments comme l'amour, l'affection. La haine, elle, l'envahit au fil des pages, une haine dirigée contre les bizuteurs qui s'acharnent, contre les bizuts qui ne la comprennent pas et contre elle-même qui ne dit rien. Elle le vit mal et le pire, c'est qu'elle est seule. C'est toute la question de l'estime de soi qui est ici revisitée, parce que l'absence de liberté d'expression entraîne inévitable-

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ment la frustration qui débouche sur la perte de confiance en soi. Mais Laure parvient à garder la tête hors de l'eau. A travers son propre vécu et celui de Laure, son héroïne, Solenn Colléter aborde avec finesse le principe du phénomène de groupe. Lorsque la majorité l'emporte et se mue en raison du plus fort. Et si la majorité se tait, personne n'ose se rebeller, tétanisé par la peur. Si Laure fait partie du troupeau de moutons elle devient vite vilain petit canard lorsqu'elle se risque à de quelconques révélations. Puis, tel un cruciverbiste qui croise les mots, Laure croise les indices, mène son enquête et finit par découvrir un scénario très bien huilé dans lequel chacun joue son rôle. La semaine alterne entre instants ludiques et quarts d'heure américains, tout semble orchestré pour anesthésier la mémoire des bizuts. Mais ça ne marche pas avec Laure. Solenn Colléter signe là un roman particulièrement prenant. C'est le genre d'aventure dans laquelle il faut se laisser guider vers une vérité que l'on préfère bien souvent ne pas entendre ou bien vite oublier. Ophélie Gimbert

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juridique

L’interdiction du bizutage :

le flou législatif 1998, le bizutage devient un délit. Adoptée pour mettre fin à des pratiques souvent humiliantes, la loi révèle cependant quelques ambiguïtés.

Le délit de bizutage Brimades, humiliations, ou encore actes dégradants imposés à des élèves ou à des étudiants. Le bizutage, bien qu'existant depuis le Moyen-Age, n'est pourtant réprimé officiellement en France que depuis dix ans. En effet, la loi du 17 juin 1998, initiée par Ségolène Royal, alors ministre déléguée chargée de l'Enseignement scolaire, a institué un délit spécifique de bizutage. Le but : punir la pratique en elle-même et non plus seulement ses débordements (violence, agressions sexuelles…). Pourtant, les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi ont été houleux. L'Assemblée nationale avait largement remanié le projet initial en élargissant la définition du bizutage. Le Sénat était, de son côté, opposé à l'instauration de ce délit, arguant du fait qu'il existait déjà dans le code pénal des infractions susceptibles d'être retenues pour qualifier certaines pratiques issues du bizutage. La chambre haute s'appuyait notamment sur la position que la Cour de Cassation appliquait en la matière. La juridiction suprême estimait que « lorsqu'une personne plaçait une autre personne dans une situation telle qu'elle entraînait chez celle-ci un choc émotif, il y avait violence au sens du code pénal ». Après plusieurs navettes entre les deux assemblées et un passage devant la

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Commission mixte paritaire pour régler les désaccords, le projet de loi fut donc adopté le 17 juin 1998. Tel que définit par l'article 225-16-1 du code pénal, le bizutage est donc « le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire ou socioéducatif ». La peine est exemplaire: six mois d'emprisonnement et 7500 euros d'amende. Les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, plus lourdement réprimés, sont exclus du champ d'application de la loi. Principal enseignement du texte : le délit est consommé alors même que le bizuté est consentant. La loi prend en effet en compte la pression que le groupe des bizuteurs est amené à exercer à l'encontre des nouveaux. Par actes humiliants ou dégradants, le législateur a voulu punir les dérives telles que simuler un rapport sexuel en public, qui ne rentrent pas dans le catalogue des infractions punies par la loi mais constituent néanmoins une atteinte à la dignité humaine. Vulnérabilité L'article 225-16-2 double la peine lorsque « l'infraction est commise sur une personne dont la particulière

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juridique

vulnérabilité est apparente ou connue de son auteur ». En effet, le texte de loi instaure une circonstance aggravante lorsque la victime apparaît comme particulièrement vulnérable. Cette vulnérabilité est fonction de l'âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique (personne handicapée) ou encore d'un état de grossesse apparent ou du moins connu de l'auteur. Il faut constater, a contrario, que si l'auteur ne connaît pas la vulnérabilité de sa victime, il ne risque pas de voir sa peine doublée. Il y a donc quelque part, une obligation implicite faite à la victime d'informer le bizuteur de sa faiblesse. Problème : le bizutage jouant précisément souvent sur la faiblesse des individus, on comprend les réticences de certains à les révéler et donc la partielle inefficacité de ce dispositif d'aggravation de la peine. Les personnes morales Les auteurs de bizutage ne sont pas les seuls à pouvoir être inquiétés. L'article 225-16-3 du code pénal met en place une responsabilité des personnes morales : « Les personnes morales peuvent être déclarées responsables, pénalement […] des infractions commises lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif prévues par les articles 225-16-1 et 225-16-2 ». Obligation est donc

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faite aux dirigeants des écoles de signaler tous faits délictueux. Cependant, l'organisation, l'aide ou la caution apportée par les dirigeants aux pratiques illégales entraîne non seulement l'engagement de leur responsabilité personnelle mais aussi celle de la personne morale. La plupart des écoles aident à l'organisation voire au financement des séjours ou journées d'intégration au cours desquelles peuvent se produire des actes de bizutage. Il leur revient donc de dénoncer des faits au risque d'être elles-mêmes incriminées et condamnées. Quel est donc leur intérêt ? Sans doute une plus grande tolérance de la part de la justice mais en aucun cas une exonération de responsabilité, principalement en cas de débordement. Enfin, la responsabilité de l'établissement est aussi engagée alors même que les faits réprimés ont été commis à l'extérieur de l'enceinte scolaire. Il suffit que les infractions présentent un lien avec l'activité scolaire des acteurs de la manifestation même si l'auteur ou la victime des faits ne sont pas scolarisés dans l'établissement en question. Si la loi qui a instauré le délit de bizutage souffre de quelques approximations, son but n'était pas de créer un cadre de responsabilité parfait mais bien de sanctionner une pratique répréhensible. A. Pagny et Q. Duquenoy

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XII siècle : Apparition de « rites d'initiation » à l'Université de Paris avec violence, alcool, sexe et humiliations . e Du XII siècle au e XVIII siècle : Diffusion des rites d'initiation dans toutes les universités d'Europe. 1789, Révolution française : Arrêt de ces pratiques en France. 1804 : Réapparition du phénomène, notamment chez les Polytechniciens. e XIX siècle : Echec d'une administration de lutte contre ces pratiques. Diffusion du phénomène aux écoles militaires, de médecine et des Beaux-Arts. 1840 : Apparition du terme « bizut » à l'école militaire de Saint-Cyr. « Bizut » vient de « besogne », terme qui désignait les jeunes recrues espagnoles. 20 octobre 1928 : première circulaire du ministère de L'Education visant à interdire le bizutage et à punir les bizuteurs. 1960-1970 : Affaiblissement du phénomène en France. 1985 : Réapparition du bizutage à l'Ecole Polytechnique. 1998 : Adoption de la loi du 17 juin 1998 proposée par Ségolène Royal qui institue le délit de bizutage.

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repères

En bref

c AFP

Ségolène Royal devant la Cour de Justice de la République Le 16 mai 2000, Ségolène Royal, ministre chargée de l'enseignement scolaire, comparaissait devant la Cour de Justice de la République (CJR) pour répondre du délit de diffamation à l'encontre de deux enseignants. Les faits étaient les suivants. En septembre 1997, les redoublants d'une classe préparatoire avaient soumis les nouveaux élèves à un bizutage particulièrement dégradant. Une enquête avait révélé, outre la responsabilité des bizuteurs dans le déroulement des événements, celle de deux professeurs dont l'attitude en aurait permis le déclenchement. Ségolène Royal a publiquement mis en cause la complicité des deux enseignants lors de ce bizutage. Ces derniers ont porté plainte pour diffamation. La CJR a estimé que Madame Royal avait, au cours de l'audience, rapporté la preuve parfaite, complète et corrélative de la participation des deux enseignants au bizutage des nouveaux élèves par les anciens. Le délit de diffamation n'était donc pas constitué. w w w. p s y c h o p h o b i e s . c o m

Prise de conscience ministérielle Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de Valérie Pécresse s'attaque au bizutage. Fin août dernier, une première réunion concernant les conditions de vie étudiante était tenue par la ministre. Le ton était strict et ferme. « Les rites d'intégration ne doivent pas être transformés en bizutage » déclare Valérie Pécresse, « aucune forme de harcèlement physique ou morale ne sera acceptée ». Une source proche de la ministre confie : « il y a une prise de conscience sur ce sujet qui fait partie du chantier 2008. Nous travaillons également avec le ministère de la santé pour les problèmes d'alcool dans les écoles ». En attendant de prochaines mesures, la consigne donnée aux recteurs et présidents d'universités est claire : « restez vigilants ».

Déjà vingt ans de SOS En 1987 Jean-Claude Delarue assiste dans les jardins du Luxembourg au bizutage de la Prépa d'une célèbre Ecole Catholique. Les humiliations dont il est le témoin le poussent à passer à l'action. Quelques mois plus tard il fonde SOS Bizutage, une association ayant pour but de sensibiliser l'opinion publique et de faire pression sur les pouvoirs publics en organisant une campagne de boycott des week-ends d'intégration ou en proposant un numéro d'aide aux personnes touchées par le

bizutage. Vingt ans plus tard, le bilan est positif et Jean-Claude Delarue peut se vanter d'avoir contribué à l'adoption de la loi anti-bizutage de 1998. C'est en effet lui qui a présenté à Matignon une lettre contre le bizutage signée par Lionel Jospin. Enfin pas tout à fait, puisqu'il s'agirait en fait de la signature d'un des collaborateurs du Premier ministre de l'époque, lequel n'était pas pour l'adoption d'une loi anti-bizutage. Une erreur qui a permis à Ségolène Royal de faire voter, en 1998, sa loi.

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le dossier sommaire p.13 Prépas et bizutage, un contraste permanent

p.15 Les grandes écoles ont (bien) changé

p.19 Vers une intégration... Le bizutage est souvent le cadeau de la direction

p.21 Sociétés secrètes : le côté obscur de l’American Dream

de rentrée des étudiants de prépas et des grandes écoles. Mais depuis l'interdiction de cette pratique, les établissements ont dû changer leurs méthodes d’accueil et remplacer le bizutage par des week-ends d'intégration. Plus ou moins encadrés par les administrations selon les écoles.

E ta t d e s l i e u x d ’ u n e pratique ancestrale 12

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c Club Photo de l’ECL

B i z u ta g e


le dossier

le bizutage

Prépas et bizutage, un contraste permanent Entre volonté de réussir les concours et de vivre leur jeunesse, les étudiants en prépa souhaitent créer une vraie cohésion de groupe. Même si elle tourne parfois à l'humiliation.

n 1998, l'interdiction du bizutage a provoqué un bouleversement de situation chez les prépas. Certains chefs établissements ont attrapé de véritables sueurs froides en s'apercevant de la dureté de la peine encourue par l'administration de l'école. Plusieurs d'entre elles ont déjà payé le prix fort. A Marseille, des élèves en prépa d'un lycée reconnu s'étaient réunis dans un appartement pour faire la fête. Mais le petit ami de l'une des filles présentes n'a pas apprécié les jeux organisés et a porté plainte pour bizutage. Le proviseur de l'établissement a été sanctionné par la justice, une mise à pied de plusieurs mois, et blâmé par Ségolène Royal, ministre chargé de l’Enseignement scolaire. Le lycée du Parc dans le 6e arrondissement de Lyon est l'une des prépas les plus strictes en matière d'interdiction

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du bizutage. A la rentrée dernière, Pierre-Jean Bravo, le proviseur, a diffusé une circulaire auprès des étudiants en prépa afin de leur rappeler que le bizutage est formellement interdit et passible d'emprisonnement (lire

« Je me suis laissée entarter sinon je savais que j'allais me faire charrier » article p 9): « Je comprends que ces jeunes aient besoin de se défouler étant donné leur rythme soutenu de travail, mais l'accueil des étudiants de première année doit se faire sans dérapage. Il ne faut surtout pas que le statut d'ancien serve à dominer les nouveaux ».

Kevin, élève en première année de prépa Math-Sup au lycée du Parc, confirme que l'intégration s'est faite en douceur avec un repas de classe très convivial qui lui a permis de mieux faire connaissance avec ses camarades. A la Martinière-Monplaisir, l'ambiance est plus décontractée. Les étudiants de deuxième année invitent les jeunes recrues à participer à une demi-journée d'intégration. Au programme, une série de jeux pour apprendre à se connaître (à l'exemple du relais de spaghetti que les étudiants devaient se transmettre de bouche en bouche). Le bizutage « à l'ancienne » c'est fini, les anciens ne cherchent plus à rabaisser les nouveaux, même si un esprit de compétition persiste dans ces prépas élitistes : « l'intégration était gentille mais il y avait tout de même un aspect humiliant lorsqu'on nous obligeait

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le dossier

le bizutage

« Il y avait tout de même un aspect humiliant quand on nous obligeait à nous vêtir d’un sac poubelle »

à nous vêtir d’un sac poubelle », raconte Pierre Caillaud, ancien interne de la prépa Math-Sup à la Martinière. Pour Sophie et Albane, étudiantes en première année prépa dans ce même lycée, cette journée reste un très bon souvenir, même si la grenadine dans les cheveux n'a pas tellement été appréciée par les filles. Elles ont pu cependant tisser des liens et trouver leur parrain parmi les deuxième années qui les aident désormais dans leurs révisions. Néanmoins, il reste un sentiment d'obligation implicite si l'on veut être accepté dans le groupe : « Je me suis laissée entarter sinon je savais que j'allais me faire charrier », avoue Albane, un sourire gêné aux lèvres.

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L'esprit bizutage persiste En prépa, la journée d'intégration se déroule sur la base du volontariat. Au final ceux qui n'acceptent pas de se joindre aux activités sont tout de même exclus du groupe. Fabien, ancien élève à la Martinière, était toujours partant pour faire la fête, alors, pour lui « ceux qui ne sont pas venus aux jeux d'intégration ont effectivement été mis de côté, mais c'est surtout eux-mêmes qui se mettaient à part ». L'esprit du bizutage perdure car tout le monde n'est pas accepté, même si, aujourd'hui, ils sont une minorité dans ce cas. Alors, forcer les gens à effectuer des activités ridicules en affirmant que ce n''est pas obliga-

toire, ne peut-il pas être considéré comme un bizutage effectif ? Un contraste étrange se crée entre l'ambiance très studieuse des prépas et le relâchement débridé qui s'opère lors de l'intégration des nouveaux. Même les établissements les plus religieux ,à l'exemple des Maristes dans le VieuxLyon, cautionnent ces actions en dissonance avec la religion. Dans cet établissement, les surveillants portent la croix pectorale et les sœurs veillent à la bonne tenue de leurs pensionnaires. Et pourtant, en prépa KhâgneHypokhâgne, les anciens contraignent les étudiants de première année à chanter des chansons paillardes. « Notre professeur nous a fait

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le dossier

le bizutage

visiter le Vieux Lyon et deux minutes plus tard, les Hypokhâgnes nous demandaient d'imiter les pigeons autour d'une fontaine ! Moi ce contraste m'a vraiment choquée », déplore Anaïs ancienne étudiante de cette école. Ces étudiants ne vivent pendant deux ans que pour leurs études, ce sont des jeunes « frustrés » comme les décrit Pierre Caillaud, ancien élève de prépa Math-Sup. Avec 30 à 35 heures de cours par semaine il ne reste plus beaucoup de place pour les révisions. Le rythme

est impressionnant, certains établissements commencent même leur cours à 7h30. Les élèves doivent donc se soumettre à une hygiène de vie stricte s'ils veulent rester dans la course. Ces petites humiliations envers les nouveaux restent sans doute un moyen de se prouver qu'ils savent encore s'amuser. Prochaine étape : les grandes écoles, et de nouveaux rites d'initiation en perspective… Roxane Lasson

Le « bizutage humanitaire » une alternative positive Si le bizutage « à l'ancienne » n'est plus à la mode, le « bizutage humanitaire » permet une intégration positive des nouveaux au sein d'une école. L'idée est née à Lyon en 1996 à l'initiative de Bénédicte Laurent, bénévole de l'association Habitat et Humanisme. Le principe est simple : pour leur rentrée, les étudiants de première année participent, sur la base du volontariat, à une action afin d'apporter leur concours à une association. Cette année, Les nouveaux étudiants de l'École 3A ont mis leur journée d'intégration au service d'une bonne cause. « 190 étudiants étaient bénévoles le 27 septembre dernier. Ils ont réussi à vendre 1 600 nez rouges pour l'association Docteur Clown et le bénéfice était de 3 600 euros », explique Céline Barrale, chargée de

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communication de l'école 3A. Le 11 octobre, l'école Rockefeller a organisé sa propre opération. 150 étudiants de première année ont répondu présents pour vendre le fameux nez rouge. Florian Sarda, membre du BDE de Rockefeller, livre une anecdote : « Nous avons décidé de vêtir les nouveaux d'un sac de poubelle jaune en référence à ceux que l'on trouve dans les hôpitaux ». Résultat : 4 000 euros pour l'association Docteur Clown. Cette association indépendante, créée en 1995 à Lyon, envoie ses membres, souvent des bénévoles, au chevet des enfants malades dans les hôpitaux pour soulager leur souffrance et mettre la maladie entre parenthèses le temps d'un rire. Les services hospitaliers accueillent les 11 clowns une à quatre fois par mois à la demande. Après une rencontre avec le personnel débutent les « consultations particulières » de ces artistes au grand cœur.

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le dossier

le bizutage

Les grandes écoles ont (bien) changé Les week-ends d'intégration ont remplacé les séances de bizutage à l'entrée des grandes écoles. Présentés comme de simples rassemblements festifs et bon-enfant entre étudiants, ils sont souvent un peu plus que ça. près la classe prépa, les étudiants poursuivent généralement leur cursus en intégrant une grande école. Les grosses têtes lyonnaises ont le choix entre cinq écoles : Centrale, l'INSA, l'ENS, l'IEP et l'ECAM*. Longtemps réputées pour leurs méthodes plutôt rudes en matière de bizutage (voir encadré), celles-ci ont dû s'adapter après l'apparition de la loi de 1998. Du coup, on ne parle plus de bizutage, mais d'intégration. Une intégration souvent réalisée en un week-end, voire une semaine. Les ingrédients pour intégrer les petits nouveaux le mieux possible ? Une destination qui fleure bon le soleil et les vacances (Puget-sur-Argens, Port-Barcarès, Port-Leucate, les Gorges-du-Verdon…), beaucoup de monde (jusqu'à 700 participants), le tout à un prix relativement abordable (de 24 à 70 euros). A première vue, ces week-ends ressemblent à de simples colonies de vacances pour ados. Un menu à base de baignade, de farniente et de soirées. Celui de l'INSA a même carrément des allures de centre aéré à la carte : les étudiants jouent à des jeux de société, crapahutent dans des châteaux gonflables, et chantent tous ensemble…

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Mais tout n'est pas aussi bon enfant partout. « On organise le week-end de loin le plus soft de toutes grandes écoles «, reconnaît d'ailleurs le BDE (Bureau des étudiants) de l'INSA. La preuve : l'alcool y est payant. « Le seul moment où il est gratuit, c'est à l'apéritif. Et même à ce moment-là, c'est loin d'être excessif. Pendant ce laps de temps, la consommation se limite généralement à deux verres par personne ». Pas franchement de quoi s'alarmer. Ailleurs, ce n'est pas tout à fait la même musique. L'alcool, acteur principal de la majorité des week-ends, entre en scène dès le trajet en bus. A l'IEP, un voyage entre Lyon et Fréjus, qui prend habituellement cinq heures, se fait, après arrêts et détours, en sept. Histoire que tout le monde arrive suffisamment imbibé sur les lieux du week-end. Même topo à Centrale : « Chaque bus est constitué selon que l'on aime ou pas faire la fête. Donc forcément, ça boit beaucoup dans certains bus. Dans le mien, beaucoup ont vomi », explique Thomas, aujourd'hui étudiant en 2e année. « Les anciens parcourent les rangées, et dès qu'ils voient un verre vide, ils le remplissent. Ils disent Psychophobies - Décembre 2007


le dossier

le bizutage U n e r é p u ta t i o n s u l f u re u s e « J'avais un peu peur avant d'intégrer l'INSA. Mon père est passé par cette école, et ce qu'il m'avait raconté à propos du bizutage était un peu hard ! Mais je me suis rendu compte que ça s'est vraiment calmé ». Longtemps, les grandes écoles ont été considérées comme des « références » en matière de bizutage. Un bizutage parfois violent, souvent très humiliant. Pour les étudiants actuels, l'étiquette est forcément plutôt lourde à porter. « On souffre toujours de notre image », déplore Aurélie Guillon, du BDE de Centrale. Mais pour Grégoire Monnier, de l'INSA, les grandes écoles sont sur la bonne voie : « Depuis une dizaine d'années, on est sur une pente intelligente et, petit à petit, les gens commencent à reconnaître que les grands écoles ont changé « Encore quelques rentrées sans incident et cette réputation devrait s'estomper définitivement.

qu'on a le droit de refuser, mais nous font comprendre qu'on n’a pas vraiment le choix et que c'est tout de même mieux si on accepte ». Comment ? « Ils insistent et ne te lâchent pas avant que tu aies tout bu. Ils te disent des phrases du genre : "Allez, juste un petit coup, t'es pas à une gorgée près". Et ils insistent un peu sur tout le reste ». Une intégration forcée, c'est un peu comme du bizutage, en somme, non ? Tous les BDE s'en défendent. « Rien n'est obligatoire, on ne force personne », explique Grégoire Monnier, responsable du week-end de l'EM. « On veut une intégration réussie, et surtout volontaire », confirme Aurélie Guillon, responsable de la communication externe du Bureau des étudiants de Centrale. w w w. p s y c h o p h o b i e s . c o m

« Mais évidemment, on a beau être le plus attentif possible, on ne peut pas tout contrôler », admet-elle. Côté bizuts - car on les appelle encore comme ça - le discours est tout autre. « Selon moi, certaines pra-

« On se laisse vite entraîner par le groupe » tiques s'apparentent à du bizutage. Soft, certes, mais quand même. Une forme de bizutage "version light" en quelque sorte », explique un étudiant de l'EM. Les classiques : toutes sortes de jeux à base d'alcool, concours de gobage de flans, courses en ram-

pant sur les graviers, traversée de Lyon en faisant la brouette… Insolite pour certains, dégradant pour d'autres. « Il y a plein d'autres exemples : il est interdit de dormir dans le bus, sous peine d'avoir le corps complètement recouvert de sexes dessinés. Ou pendant la semaine d'intégration, en plein milieu de la nuit, les étudiants de deuxième et troisième année viennent frapper aux portes, les enfonçant presque, pour nous forcer à boire », ajoute Thomas, étudiant de Centrale. « Certains bizuteurs - pas tous, exploitent à fond leur position de dominants. Ils croient qu'on est là pour faire tout ce qui leur passe par la tête. Si j'avais pu éviter certaines choses, je ne m'en serais pas

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plus mal porté. Et beaucoup de camarades avec qui j'ai discuté m'ont dit la même chose », résume un « normalien ». Etranges week-ends où tout le monde donne l'air de s'amuser mais où beaucoup semblent ne pas vraiment apprécier. Mais le paradoxe est que bon nombre d'étudiants n'ont pas besoin d'être poussés outre mesure à participer à toutes les activités. « Certaines personnes se forcent elles-mêmes, en quelque sorte », reconnaît d'ailleurs Aurélie Guillon. « Sans doute pour se prouver à ellesmêmes et aux autres qu'elles peuvent y arriver. Les garçons, notamment, font souvent ça par fierté. Pour impressionner le groupe ». Le groupe, une notion primordiale. « On se laisse vite entraîner », expliquent bon nombre d'étudiants. « Dès qu'on ne participe pas à une activité, on est de fait mis à l'écart pour le reste du week-end. Du coup, on ne se sent pas intégrés. Et donc, même s'il n'y a

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pas forcément de rapport entre intégration et bataille d'œufs pourris, on se prête au jeu ». Mais le bizutage de papa est quand même très loin. Au crédit des organisateurs, il convient de souligner que, depuis plusieurs années, aucun incident majeur ne s'est produit dans le cadre de ces journées d'intégration à Lyon. Et que ce n'est pas non plus un enfer. « Il ne faut pas noircir le tableau. Dans l'ensemble, on s'amuse bien. Les activités un peu « hard « ne représentent qu'une très petite partie du total des activités. Le reste du temps, c'est très marrant. Et puis, ça ne dure que deux ou trois jours, une semaine dans certaines écoles, ce n'est pas la mer à boire », tempère un étudiant. En parlant de boire, l'alcool qui coule souvent à flots a aussi ses bons côtés selon certains : « Pendant quelques jours, on se retrouve avec l'ensemble de la promo, c'est l'occasion idéale de faire des rencontres.

Et l'alcool aide à aller vers des gens qu'on n'aurait pas forcément abordées à la sortie d'un cours de mécanique ». Les week-ends d'intégration, dans leur formule actuelle, semblent donc avoir de beaux jours devant eux. Et parmi les bizuts d'aujourd'hui - qui seront les bizuteurs de demain - certains sont déjà animés par un esprit de revanche : « L'an prochain, ce sera à nous de dominer. On a envie de répéter ce qu'on a subi, mais en pire ».Ca promet… Joris Sabi

INSA : Institut National des Sciences Appliquées ENS : Ecole Normale Supérieure IEP : Insititut d’Etudes Politiques ECAM : Ecole Catholique d’Arts et Métiers

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c Club Photo de l’ECL

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le bizutage

Vers une intégration…

de la direction Après une prise de conscience, les grandes écoles lyonnaises refusent le bizutage. Cependant, certaines dérives persistent. epuis 1998, il est explicitement et formellement interdit de bizuter (lire page 9 et 10). Les associations étudiantes qui organisent ce qu'on appelle désormais un week-end d'intégration, ou un WEI (prononcez « ouaille »), ont dû revisiter leurs fêtes de corporation. Chacun connaît au moins une histoire liée au bizutage, certaines sont mêmes devenues des légendes et traversent des générations d'étudiants. Ce sujet tabou il y a vingt ans ne l'est plus aujourd'hui. Dans les grandes écoles lyonnaises, le bizutage au sens littéral semble avoir disparu, et même n'avoir jamais existé dans certains de ces établissements comme l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, créée en 1987. A l'époque, le directeur Guy Aubert avait insisté pour que le bizutage soit banni de son école. « Il ne voulait pas reproduire le schéma parisien », explique Michel Peyrard, directeur adjoint de l'ENS de Lyon, « et cela me choque de voir que cela se passe encore comme ça à Paris ». Un changement d'état d'esprit s'est donc opéré et les administrations encadrent désormais de plus en plus les Bureaux Des Etudiants (BDE) notamment en responsabilisant leurs membres. A Lyon, une circulaire rappelant l'interdiction du bizutage est adressée par le rectorat à toutes les écoles. Depuis la loi de 1998, l'INSA de Lyon fait d'ailleurs circuler cette directive sur son campus. « Il y a beaucoup d'autocontrôle », note Joachim Revez, chargée de la vie étudiante de l'INSA, « le BDE

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fait la demande expresse qu'une personne de l'administration vienne passer le WEI avec les élèves ». Dans ce contexte, aucune dérive ne peut se produire, sous peine de mettre fin aux festivités prématurément. Alain Storck, directeur de l'INSA et membre de la Conférence des grandes écoles , reçoit également un rapport sur le déroulement des activités d'intégration des étudiants de première année. A l'EM Lyon Grande Ecole, un autre dispositif aussi efficace a été mis en place entre la direction et les 23 associations étudiantes de l'école réunies sous la houlette du BDE. Une « Corporation » uniquement composée d'étudiants en fin de parcours a été créée, son rôle est d'encadrer et contrôler les associations. « Une rencontre avec la Corpo a lieu chaque mois avec moi pour faire le point » explique Patrice

Conférence des grandes écoles La Conférence des grandes écoles (CGE) a récemment recommandé à ses membres d'inclure dans leur règlement les critères de consommation d'alcool préconisés par l'Organisation Mondiale de la Santé. En mai dernier, c'étaitt au tour de la Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI) et le Bureau national des élèves ingénieurs (BNEI) de signer une charte de bonnes pratiques concernant les addictions notamment liées à l'alcool.

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le bizutage Le mot du Doyen Tout acte de bizutage est sanctionné par une exclusion définitive, décrétée par la commission disciplinaire. Toutefois, Jérôme Etienne, doyen de la faculté de médecine de Lyon Nord, insiste « le bizutage n'a jamais eu cours dans l'université ». Lui-même étudiant, 30 ans auparavant dans cet établissement, il nie toute existence de cette pratique. Pourtant, depuis la loi de 1998, les affiches d'interdiction du bizutage sont placardées, tous les ans, sur les murs de l'enceinte. En début d'année scolaire, il va même sensibiliser les nouveaux étudiants sur cette directive. Lié par une entente implicite avec les membres de l'association étudiante, il autorise le « bienvenutage » . Une journée dite d'intégration pour les 1ere année volontaires.

Houdayer, directeur de l'EM Lyon Grande Ecole. Le chef d'établissement insiste également sur le fait que « cette Corpo permet de responsabiliser les étudiants ». Par ailleurs, le WEI s'organise en collaboration avec le BDE et la Corporation « et des engagements sont pris tant en ce qui concerne l'intégrité des personnes que la consommation d'alcool a minima », poursuit Patrice Houdayer, « c'est-à-dire, pas de bizutage et pas d'obligation de boire ». A l'EM Lyon, on prend le bizutage très au sérieux, « chacun est responsable, le jour où ça dérive, j'interviens » conclut le directeur qui visite des forums d'étudiants sur internet pour se tenir à la page. Autre pouvoir de l'administration sur le BDE : l'argent. En effet, la majorité des associations étudiantes sont en partie financées par l'école, le reste des ressources provient des sponsors que les BDE démarchent en amont des activités. Par exemple, l'EM Lyon Grande Ecole ne finance absolument pas les associations, elles vivent uniquement grâce au sponsoring. A Centrale Lyon, en plus des sponsors, l'école alloue une enveloppe de 45000 euros chaque année à la dizaine d'associations et aux 70 clubs. La direction peut alors demander des comptes au BDE qui se charge de répartir cette subvention. « Nous ne surveillons pas ce que le bureau des étudiants fait », indique Sandrine Vabre, chargée de la vie étudiante, « mais nous sommes en droit de lui demander des comptes ». Car Sandrine Vabre admet que le passif du BDE de Centrale est peu glorieux. « Il y a eu des dérives, mais

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depuis le changement de direction de l'école il y a deux ans et le nouveau BDE constitué de trois filles, les mentalités ont changé. La direction souhaite aujourd'hui retravailler avec le bureau des étudiants ». Reste que la consommation d'alcool est assez forte et certains peuvent se sentir obligés de boire. « Il n'y a pas eu de plainte, mais j'ai pu comprendre que certaines personnes, souvent des filles, n'ont pas apprécié leur semaine d'intégration », note la responsable de la vie étudiante, ce que confirmeront quelques Centraliens. « Je n'ai toutefois pas senti de mauvaises ondes, il y avait une bonne ambiance entre les étudiants », conclut Sandrine Vabre. L'IEP Sciences Po de Lyon ne connaît pas non plus de problèmes de bizutage, « mais certains se plaignent de la beuverie » commente Christine Le Noan, secrétaire générale de l'IEP. En effet, les BDE des grandes écoles lyonnaises ont choisi, par obligation ou par éthique, de ne pas bizuter au sens premier du terme, mais aujourd'hui l'alcool fait partie intégrante de ces WEI et parfois jusqu'à l'excès. Actuellement, les membres des administrations qui n'ont que peu d'échos de ces fêtes de corporation, ne pensent plus au bizutage mais craignent toujours une dérive de la part d'un ou plusieurs élèves. En définitive, les directions des grandes écoles ne sont pas dupes. « Je pense que ça se passe bien, mais qu'il est consommé beaucoup [d'alcool] », conclut Michel Peyrard, directeur adjoint de l'ENS. Jerôme Claeyssens

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le bizutage

Sociétés secrètes : le côté obscur de l'American Dream Bien intégré au sein de l'école lyonnaise, le Cefam , Troy Davis ne l'a pas toujours été dans son université de Boston. Difficile de trouver sa place outre-Atlantique quand on ne fait pas partie d'une confrérie... Psychophobies : On dit souvent que les Etats-Unis sont la capitale du bizutage. Avez-vous personnellement été bizuté? Troy Davis : Je ne crois pas pouvoir dire que j'ai été bizuté mais en revanche j'ai déjà assisté à des scènes de bizutage relativement violentes, aussi bien physiquement que moralement. Aux Etats-Unis et à la différence de la France, ce n'est pas tellement lors de week-ends d'intégration que les bizutages ont lieu, mais plutôt lors des baptêmes de confréries. Les jeunes sont capables de tout pour rejoindre un groupe, appartenir à ce qui est souvent considéré comme une « famille », allant jusqu'à tolérer les pires humiliations. Pour eux la fin justifie les moyens! Comment expliquez-vous l’importance des confréries aux Etats-unis? Les confréries appartiennent à la culture américaine. Cela peut s'expliquer par l'esprit capitaliste qui habite de façon plus ou moins prononcée les Américains. Il ne s'agit pas de rejoindre une confrérie pour boire et faire la fête mais surtout pour se créer ce qu'on appelle un network, un réseau de contacts susceptibles de nous aider à trouver des stages aujourd'hui et un emploi demain. Prenez l'exemple de

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Georges W. Bush. Il appartenait aux Skull and Bones, l'une des plus puissantes confréries des Etats-Unis, à laquelle seuls 15 étudiants de l'université de Yale, triés sur le volet, peuvent adhérer. Appartenir à cette société secrète est un vrai gage de réussite et nombre de personnages politiques ont compté parmi leurs membres. Il est amusant de voir que les deux candidats à la dernière élection présidentielle, George W. Bush et John Kerry s'y côtoyaient en secret ! Gagner de l'argent semble être moins prioritaire pour les Français. On dit d'ailleurs souvent que les Européens travaillent pour vivre alors que les Américains vivent pour travailler! Et vous n'avez jamais été tenté de vous joindre à l'une de ces confréries ? A 18 ans j'avais décidé d'intégrer la Kappa Alpha Psi, une confrérie comptant des membres aux quatre coins des EtatsUnis. J'avais validé la première étape qui consistait à payer chaque jour son déjeuner à l'un des « anciens » de cette confrérie. Mais quand ce dernier m'a demandé de lui donner la montre que mon père m'avait offerte, j'ai refusé, renonçant par conséquent à rejoindre ce groupe. Propos recueillis par M. Bergère

Ce qu’en dit la loi américaine Contrairement à la loi française, la loi américaine n'interdit pas le bizutage. Cependant, plusieurs conditions doivent être respectées pour que celui-ci soit autorisé : un préavis écrit doit être déposé auprès des autorités de l'école, indiquant le nom des participants et l'engagement qu'aucune violence physique ne sera employée au cours des rites d'initiation. En outre, deux représentants de l'école doivent être présents pour veiller au bon déroulement des activités. Rien n'est toutefois précisé concernant la violence morale.

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autopsy

Un rite qui n’aurait pas dû disparaître Pour le psychiatre et médecin légiste lyonnais, Patrice Schoendorff, le bizutage est nécessaire. Il permet de passer du statut d'adolescent au statut d'adulte.

Patrice Schoendorff adopte une position qui s'inscrit à contre-courant : il n'approuve pas la loi de 1998, qui interdit le bizutage. Selon lui il faut sacrifier à ce rite sans déviance , de façon à permettre aux nouveaux venus de s'intégrer plus rapidement. « J'ai commencé à grandir, peut-être, grâce au bizutage…L'interdire me pose un réel problème ». Cette épreuve constitue un rite de passage ; grâce à lui, l'identité des nouveaux

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arrivants sera transformée pour qu'ils se trouvent en adéquation avec les groupes persécuteurs renforçant ainsi la cohésion du groupe. « Il y a quelques années, lorsque j'étais étudiant en médecine à Lyon, je me souviens qu'un élève, assez timide, avait été enfermé nu dans un carton. Ce carton avait ensuite été déposé vers les Nouvelles Galeries. Lorsqu'il est sorti, il était nu dans la rue…mais il ne l'a pas mal pris et a été intégré ». Aujourd'hui ce type d'épreuve peut être sanctionné. Depuis la loi du 17 juin 1998, le bizutage est strictement défini. Cela consiste à amener autrui, bon gré mal gré, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaires et socio-éducatif. Selon le psychiatre, l'interdiction du bizutage constitue une sérieuse perte de repères. Sa suppression ne prépare pas à l'entrée dans la vie professionnelle. « Nous ne sommes pas dans un monde peuplé d'agneaux, le bizutage permet de mettre déjà un pied dans cette réalité faite de compétition et de l'affirmation du pouvoir du plus fort, du plus endurant ». Le rite symbolise les étapes de la vie. Les nouveaux sont confrontés à la dureté de leurs études, tout n'est pas gagné, il faut se battre pour y arriver. Passer par l'épreuve du bizutage constitue donc une forme de maturation. « Arrêtons de pratiquer la langue de bois, le bizutage permet d'être

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autopsy moins vulnérable ». Mais le psychiatre lyonnais insiste sur le fait que ces rites doivent être « bonenfant » et ne jamais dévier : « Le bizutage est un réel processus d'intégration, il faut éviter tout effet pervers ». Pour le praticien cela signifie tout débordement. A commencer par ceux qui font, d'une façon ou d'une autre, référence aux relations sexuelles. Cependant, il n'y a pas que les jeux à consonance sexuelle qui suscitent la gêne, et cela beaucoup l'oublient. Pour éviter toute dérive, le bizutage doit être organisé. Mais le problème, c'est qu'au fil des années, ces rites se sont désorganisés. Les jeux doivent suffire, pas besoin d'alcool, c'est un rite

initiatique, pas une beuverie. D'autant que souvent, c'est l'alcool qui est à l'origine des abus. Au final le comportement du bizuteur s'avère déterminant. « Cela peut être bon-enfant, mais parfois la personne peut aussi être perverse ». Il faut donc différencier le bon et le mauvais bizuteur : « Le bon bizuteur est quelqu'un qui connaît non seulement ses limites, mais aussi celle des autres. Il ne doit jamais se mettre hors la loi ; viols, maltraitances et humiliations sont les limites à ne pas franchir. Je suis totalement favorable à ce que ces rites soient encadrés de façon éthique, le bizutage doit demeurer bienveillant ». Morgane Cros

Rencontre avec Denys Cuche Ethnologue et sociologue, maître de conférence à l’Université Paris-Descartes Sorbonne Psychophobie : Y'a t-il un lien entre rite et bizutage ? Denys Cuche: Les rites sont des pratiques codifiées, pratiquées de façon régulière. Il y a donc un lien entre ces deux termes. Le bizutage est un rite de passage, à différencier des rites d'initiation dans les sociétés traditionnelles, qui eux, permettent d'acquérir un savoir. Dans le bizutage, il n'y a pas de transmission de savoir. Ces rites confortent les élèves dans l'idée d'appartenir à une élite. Le bizutage existe dans d'autres pays, mais la France se distingue par un conservatisme impressionnant. Quelles sont les principales fonctionnalités du bizutage, d'un point de vue sociologique ? Dans les grandes écoles, notamment, le bizutage ou « usinage », comme le nomment les « Gadzarts », élèves de l'école des arts et métiers, renforce l'esprit de corps. C'est un esprit très fermé, ils sont donc bizutés afin d'éviter d'être marginalisés. Les « Gadzarts » qui n'ont pas été « usinés » w w w. p s y c h o p h o b i e s . c o m

ne figurent pas dans l'annuaire des anciens. Leur carrière professionnelle risque ainsi d'être mise en jeu. L'autre aspect à noter est le sentiment de domination, très présent chez les étudiants de deuxième année. Ceux de première année sont soumis pour ensuite devenir des chefs (notamment dans la vie active). Le bizutage n'est donc pas anodin, sa fonctionnalité s'étalant sur le long terme. S'il s'agissait d'un simple folklore il serait aujourd'hui remplacé par d'autres épreuves. Selon vous, est-ce que les épreuves de bizutage permettent aux élèves d'entrer plus facilement dans la vie active ? En tant que citoyen, les épreuves humiliantes n'aident pas à entrer dans la vie active. D'autres moyens tout aussi intégrateurs peuvent créer une solidarité, l'humanitaire par exemple. Je suis très réservé sur l'utilité sociale du bizutage. Certaines pratiques sont proches de la torture tant sur le plan physique que mental. Propos recueillis par M. Cros

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féminin

Du côté des

filles

Eh non ! le bizutage n'est plus seulement réservé à la gente masculine. Les filles aussi y ont droit. Il existe toutefois quelques différences au niveau de la pratique, du comportement et du ressenti.

l'origine, le bizutage était une pratique exclusivement masculine. Une initiation à la virilité incontournable pour tout nouvel étudiant de l’université. Mais pas seulement, c’est aussi un rituel d’entrée dans un groupe constitué permettant la cooptation du nouvel élément Elle symbolisait le passage de l'ado à l'adulte responsable. L'arrivée massive des filles dans l'enseignement supérieur n'a pas complètement changé la donne. Le bizutage exclut le féminin ou, a contrario, l'accentue à l'extrême en le dévalorisant.

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Sexisme et machisme a partition traditionnelle du masculin-féminin est vigoureusement respectée dans les filières scientifiques. Ces sphères de l'enseignement sont toujours dominées par les hommes. Les stéréotypes liés au sexe sont exacerbés dans les rituels de bizutage. Tâches ménagères, simulation d'actes sexuels, strip-tease, constituent les épreuves destinées aux filles. D'ailleurs, à la faculté de médecine Lyon Sud, les bizutes ont dû, dernièrement, se dévêtir sur une estrade, tout en étant filmées. Brigitte Larguèze* observe : « L'analyse de la séquence de strip-tease, traditionnelle dans les études médicales, est intéressante car sa généralisation coïncide avec la féminisation des effectifs, l'effeuillage féminin devenant le corollaire de la tradition masculine d'exhibition des parties génitales ». Le fait de les dénuder permet aussi aux bizuteurs de rabaisser les filles. A la différence des garçons, elles doivent adopter des attitudes de séduction en se déshabillant pour satisfaire la libido des anciens. En 1979, lors de son premier stage en milieu hospitalier, Catherine Lasson, étudiante en école d'infirmières, a été piégée dans un ascenseur, déshabillée et recouverte d'éosine par des étudiants en kinésithérapie. L'équipe soignante a joué le jeu en refusant de lui rendre ses habits. (Lire son témoignage page 26). Ces épreuves sont un passage obligé pour être accepté dans un univers masculin et nouveau. La sexualité est une obsession dans le bizutage entre hommes. Le manque de respect infligé aux femmes s’illustre dans certains hôpitaux. Les internes doivent ramener un maximum de jeunes femmes, « le bétail ». Le but : les consommer à plusieurs.

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Utilisation de l'image de la femme « Le bizut est un sous-homme donc une femme », a écrit Brigitte Larguèze. Les bizuths se travestissent avec des vêtements aguichants et du maquillage. Ils doivent, parfois adopter des rôles féminins ou homosexuels. L'image de la femme est un instrument d'humiliation pour les hommes. « Il y a des concordances établies entre le bizut - être passif, impur, irresponsable, à l'identité sexuelle non définie - et le féminin », précise Brigitte Larguèze. Autre rituel : la reprise de chansons paillardes. La dévalorisation de la femme, étant le thème principal, est déclinée sous toutes ses formes. Elles s'accompagnent d'une gestuelle précise et suggestive. Les bizuteuses Si certaines filles se comportent « en spectatrices, complices ou critiques face aux extravagances et aux plaisanteries masculines », comme le remarque Brigitte Larguèze, d'autres endossent d'importantes responsabilités. Dominantes et simulant la violence, elles s'approprient et reproduisent l'attitude masculine. Pour être bourreau, il est nécessaire de s'imposer physiquement et psychologiquement. Brigitte Larguèze : « elles possèdent des propriétés attribuées au sexe fort : grande taille, carrure imposante, voix forte, caractère dominateur, popularité dans le groupe liée à une autorité reconnue et à un certain charisme, sens de la répartie et talent d'organisation ». Mais les bizuteurs accordent le plus souvent aux filles un rôle de second plan. « La préparation et la bonne exécution des différentes séquences du rituel nécessitent en effet une organisation minutieuse et souvent fastidieuse que les bizuteurs délèguent volontiers aux filles », confirme Brigitte Larguèze. Dans les filières féminisées, les « anciennes » sont en position de dominantes. En école d'infirmières, Catherine Lasson a participé avec un groupe de filles au bizutage du seul garçon de leur classe. « Le but était de l'humilier un maximum. Je voulais me venger de ce qu'on m'avait fait subir auparavant », se souvient-elle. Il y a donc une surenchère de leur part.

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Dans un contexte où les garçons sont minoritaires, l'influence féminine prédomine sur les traditions. Actuellement, à l'école d'infirmières Rockefeller de Lyon, les étudiantes ont choisi un bizutage plutôt « soft ». Elles font connaissance grâce à des jeux amusants où toute notion d'humiliation est abolie. Afin de trouver leur place dans ce monopole masculin, les jeunes femmes ont, d'abord, opté inconsciemment pour une stratégie de soumission. Elles n'ont fait que s'adapter aux us et coutumes des hommes. De nos jours, la suprématie masculine s'essouffle. Les femmes s’imposent davantage. Un important changement est en cours. Marion Negro *Propos recueillis dans la revue Sociétés contemporaines, n°21, mars 1995, Statut des filles et représentations féminines dans les rituels de bizutage, et confirmés par entretien téléphonique avec Brigitte Larguèze.

Brigitte Larguéze Anthropologue et chargée d'études en sciences sociales à RES (Recherche et sociétés) Bibliographie : Cent ans de mouvements étudiants en questions, éd. Syllepse, 2007 Episodes festifs en milieu estudiantin : un folklore toujours vivant, in Agora, 1997, n°7 Le but du rituel. Bizutage et parenté scolaire, in Dialogue, 1995, n°127 Statut des filles et représentations féminines dans les rituels de bizutage, Sociétés contemporaines mars 1995, n°21. Le bizuth à ma botte, in Le groupe familial, avril-juin 1993, n°139 Le bizutage, un rite de passage, in les sciences de l'éducation, avril 1992

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Traumatisme

« Un traumatisme

nécessaire » Agressions sexuelles. Viol. Peur de l'exclusion. Les dérives d'intégration liées au bizutage sont multiples. Elles entraînent souvent des traumatismes à court ou à long terme. Pourtant, aujourd'hui, la manifestation de ceux-ci est plus rare.

entrée 1979. Etudiante en école d'infirmières. Catherine Lasson effec tue son premier stage à l'hôpital Saint-Louis à Paris. Amie avec des internes en kinésithérapie, elle se retrouve bloquée un matin, dans l'ascenseur : « J'étais accompagnée d'une autre élève infirmière, les internes « amis » nous ont déshabillées et badigeonnées d'éosine ». Nues et colorées. Toute l'équipe

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médicale rit. Catherine « rouspète ». Son amie pleure. Toutes deux se couvrent de simples draps trouvés dans une chambre de l'hôpital. « Je voulais me réfugier chez moi. J'ai dû prendre un taxi car j'habitais à plus de 50 km de là. Le chauffeur a ri en me voyant. Une fois arrivée, ma mère a ri à son tour ». Dans l'univers médical, le bizutage est réputé comme étant dur. En cause, la relation directe des étu-

diants à la maladie et la mort durant leur travail. Du coup, pour se sentir vivants et jouir des bons moments, l'intégrité corporelle est souvent mise à mal lors du bizutage. Les références à la mort, au sexe et à l'alcool deviennent monnaie courante. Sous l'apparence d'un rite d'intégration et d'une franche camaraderie, les nouveaux venus se retrouvent alors traumatisés par les épreuves ordonnées et planifiées des étudiants en deuxième année. Désormais la pratique s'est assagie Lorsque la loi de 1998 entre en vigueur, le bizutage dans les facultés de médecine, les écoles d'infirmières et filières parallèles perd de sa perversité. En témoigne, Joris Galland, étudiant en 3e année de médecine à la faculté Lyon-Nord et membre de l'association étudiante La Gremlin. « Aujourd'hui, ce n'est plus du bizutage mais du bienvenutage ». La date est prévue et annoncée aux étudiants de première année. S'ils

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Lexique Traumatisme : trouble qui résulte d'une action violente, un évènement qui, pour un sujet, a une portée émotionnelle et qui entraîne chez lui des troubles psychiques ou somatiques. Eosine : matière colorante rouge Bienvenutage : Jeu de mot entre bizutage et bienvenu. Le but est d'intégrer les nouveaux étudiants de première année à la vie étudiante de la faculté de médecine via des épreuves amusantes et des soirées festives. sont intéressés, ils s'inscrivent, payent une cotisation de douze euros environ et remettent une autorisation écrite faite sur le mode de la dérision. Alors, si les activités du bienvenutage n'entraînent aucun traumatisme, pourquoi signer un papier ? « D'autant que les nouveaux peuvent refuser ces épreuves », précise Joris. Mais comment refuser une épreuve face à une multitude d'étudiants ? La pression du groupe, même amicale, peut pousser un bienvenuté à se soumettre à des actes qui vont l'affecter psychologiquement. Dans son livre Bizutage et Barbarie (édition Bartholomé, mars 1998), Bernard Lempert psychothérapeute, spécialiste des formes de maltraitance explique : « Non seulement la pression du groupe sur chaque individu est considérable, mais tout s'effectue et se déroule à l'ombre d'un chantage - implicite ou explicite - à l'exclusion ». Joris Galland s'en défend : « Ce n'est plus le bizutage de l'époque. Pour que les premières années soient à l'aise, on les « déproutproute ». On chante des chansons paillardes, on w w w. p s y c h o p h o b i e s . c o m

fait des jeux, on vend des préservatifs, on rigole. Le bienvenutage n'est pas un rite d'intégration comme le bizutage. Le but est de se faire des amis. En médecine, on souffre toujours d'une image détestable à cause des bizutages d'antan et des soirées open bar réputées comme étant des beuveries ».

formateur tout comme le service militaire d'ailleurs. Aujourd'hui, on n'est plus capable d'affronter les horreurs. On met du traumatisme psychologique partout. Plus ça va, moins on supporte la réalité, alors que l'on n'est pas en sucre ». Pour le psychiatre, le bizutage est « un traumatisme nécessaire. »

Le bizutage comme symbole de passage Bizutage. Bienvenutage. Journée d'intégration. Rite d'initiation. Les termes varient selon les générations mais cette pratique reste un moment important dans la construction psychologique des étudiants. Alors s'agit-il tout simplement d'une épreuve à passer ? Une étape entre la vie d'adolescent de lycée à celle d'adulte de faculté ?

Alors comment interpréter le bizutage ? Soumis à la loi du silence, les bizuts victimes se plaignent rarement. Catherine Lasson, on l'a vu, l'a pourtant très mal vécu. Après son bizutage en 1979, elle s'évanouissait régulièrement au travail. Elle ne supportait plus son service. « Je me sentais fautive car je connaissais les bizuteurs. Ensuite j'ai décidé de me venger ». En deuxième année, le jeu reprend. Un jeu pervers, où le bizut devient bizuteur. Bernard Lempert écrit « Comment peut-on évacuer pareille souffrance, alors qu'on s'est laissé persuader de sa dimension d'épreuve bénéfique […] et que les anciens sont devenus des fréquentations ordinaires ? […] » Et il tire une conclusion toute simple : « en s'inscrivant dans la lignée des agresseurs ». Traumatisme profond ou non, avec le recul, Catherine Lasson elle-même explique que le bizutage est formateur. C'est une mise à l'épreuve. Un passage obligé où l'on apprend à se défendre. On a moins peur d'affronter les obstacles de la vie. Toutefois, le trouble lié au bizutage se manifeste, à l'évidence, différemment selon les personnalités et le vécu de chacun.

Pour Patrice Schoendorff, psychiatre et médecin légiste à l'institut médicolégal de Lyon, (lire l'interview page 22) le bizutage d'aujourd'hui n'apprend plus rien de la vie aux étudiants. « Avant la loi, le bizutage était un symbole. Il s'agissait d'un rite d'intégration ludique et amical. Le but n'était pas l'humiliation ou la maltraitance. En ce qui me concerne, le bizutage m'a aguerri aux difficultés professionnelles et, d'une certaine façon, « préparé » à m'occuper d'un cadavre à 2 heures du matin ». Les difficultés de la vie façonnent la personnalité d'un individu. Certaines réveillant des traumatismes plus ou moins aigus. Les épreuves comme le bizutage renforçaient alors le caractère. « Au fil des années, l'évolution de la société nous a fait perdre nos repères. Le bizutage était un repère

Audrey Taupenas

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risques

Bizutage et alcool,

un destin croisé Malgré l’existence de lois régissant le transport et la distribution d’alcool, la majorité des étudiants semble en ignorer les règles .

aussement assimilés au bizutage, les weekends étudiants dits week-ends d'intégration sont devenus aujourd'hui la nouvelle forme d'incorporation des étudiants de première année. Cependant l'organisation d'activités diverses ne suffit pas. Le plaisir de ces deux jours d'excès est avant tout lié à un taux d'alcoolémie important. (voir page 16). Il faut savoir que l'alcool est soumis à des lois concernant son transport et sa distribution (articles 302 L à 302 P du code général des impôts). Le transport d'alcool par un particulier n'est pas prohibé à condition qu'il n'en fasse pas commerce et qu'il puisse le prouver, ce qui n'est souvent pas connu des étudiants. Audelà d'une certaine quantité (article 575 G du code général des impôts), il doit posséder un document commercial justifiant du statut fiscal des produits enlevés. En distri-

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buant de l'alcool durant les week-ends d'intégration et en tant qu'association loi 1901, le BDE devient dès lors débitant temporaire de boissons (articles L.3334-1 et L.33342 du Code de la Santé publique) et doit donc obtenir l'autorisation des autorités municipales. Ce détail passe souvent à la trappe et fait des étudiants organisateurs des hors-la-loi. De toute façon, « la législation autour du statut de débitant de boissons est tellement compliquée et les problèmes juridiques si nombreux que nous n'intervenons que s'il y a un problème ou sur dénonciation », confie. Yves Mengin, directeur adjoint de la direction régionale des Douanes de Lyon. Finalement, comme dirait Nicolas Boileau-Despréaux, « l’ignorance vaut mieux qu'un savoir affecté ». Benjamin Cesari

« Bois-moins si t'es un homme ! »

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Psychophobies - Décembre 2007

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« 10% de la population française est malade alcoolique, la prévention concerne les 90% restant ». Après avoir informé les adultes en entreprises des risques liés à l'alcool, Amélie Nicot, 27 ans, Psychologue-Alcoologue, estime qu'il faut également informer leurs enfants. En 2005, elle décide donc de créer le programme de prévention « Ça m'soûle » avec le comédien Bruno Gerbi-Doublier. Il propose aux membres des BDE une journée de formation. Une partie théorique les informe sur les différentes consommations et les risques de l'alcool ainsi que sur les différents degrés de responsabilité. Une partie pratique consiste à les faire réfléchir sur une organisation responsable des soirées et des week-ends d'intégration.« Un relais Ricard peut être remplacé par un relais Koh-Lanta. Au lieu de boire vous mangez des insectes ». Les étudiants, une fois formés, conscients des dangers font appel à leur créativité pour faire évoluer les mentalités. « L'alcool désinhibe, c'est bien qu'il soit là mais il y a mille et une autre façons de s'amuser ».


Week-end d'inté :

qui va trinquer ? Dans le cadre des week-ends d'intégration, en cas d'incident, d'accident ou de dérapage la responsabilité de chaque personne qui intervient à un moment donné peut-être engagée. Et ceci compte tenu d'un enchevêtrement de lois et de principes civils, pénaux et administratifs créant des responsabilités connexes.

ette complexité tient compte de la réalité et du fait que chaque cas peu différer selon la situation. La personne morale qui organise le week-end pourrait toutefois être inquiétée. Le BDE en tant qu'association loi 1901 est une personne morale représentée par son président. Il est civilement responsable en cas de dommages subis par un participant à une activité organisée. Sous couvert d'une assurance adéquate, sa responsabilité pourra être engagée mais le risque financier sera couvert. La responsabilité de l'école, représentée par son directeur, pourrait également être recherchée pour absence de contrôle alors que dans le même temps elle subventionne le BDE et donc le week-end. Certains juges pourraient retenir qu'en finançant, il cautionne le week-end y compris ses dérives, s'il y en a. « Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement…» Il faut savoir que les peines encourues pour les personnes morales sont cinq fois plus importantes que pour les personnes physiques. Dans le cas d'une action de bizutage, sans préjuger de la peine pénale qui sera prononcée, la victime pourra se retourner contre la ou les personnes physiques auteurs, co-auteurs, complice par actions ou par omission de l'infraction voire contre les membres du BDE selon leurs implications. (art. 225-16-3 code pénal).

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Les agences de voyages auxquelles ont recours les étudiants pour organiser leur week-end, ne peuvent être tenues pour responsables. Cependant elles ont le devoir de signaler aux autorités compétentes tout débordement. « On réprimande, on informe l'organisateur et on peut aller jusqu'à l'exclusion » confie Philippe Junca PDG de Relief Cie. Généralement ces agences sont préparées aux nombreuses éventualités, elles « bétonnent » leur contrat et certaines imposent même aux BDE la présence de vigiles ! Les campings dans lesquels séjournent les étudiants peuvent être inquiétés mais uniquement s'ils ne répondent pas aux normes de sécurité, de même que, le cas échéant, la commune, si elle a mis à disposition du camping des équipements défectueux, sources du dommage. Jean-Michel Perrenot, délégué régional du groupe IGS de Lyon avoue pour sa part : « Chaque année lors des weekends d'intégration j'ai vraiment peur de ce qui peut arriver » Benjamin Cesari avec la collaboration du cabinet d’avocats VEDESI

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Zoom

La faluche : « Un pour tous, tous pour un ! » Alcool. Sexe. La faluche ne se résume pas à ces deux mots. Issue d'une tradition estudiantine vieille de 120 ans, la faluche est assimilée au bizutage. Mais les faluchards s'y opposent. Pour eux, le bizutage est nocif tandis que la faluche relève d'un état d'esprit. Symbole de l'investissement étudiant.

haque semaine, ces faluchards issus de toutes filières universitaires, se réunissent dans un bar. Fort sympathiques, ils nous ont intégrées chaleureusement. Nous les avons repérés à leur faluche. Un béret noir couvert de pins et de rubans de couleurs, ayant tous une signification. L'ordre de la faluche fonctionne sur la solidarité, l'entraide et la confiance. Elle n'est rattachée à aucun groupe politique ou religieux. S'organisant autour d'une hiérarchie et répondant à un code précis, la faluche offre un cadre accueillant pour les nouveaux étudiants éloignés de leurs familles. Plongés dans leurs études, ils trouvent ainsi une façon de s'évader du cursus académique.

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Rite d'intégration La cérémonie d'entrée dans la faluche n'est pas considérée comme un bizutage. Il s'agit d'un baptême. Présentation, récitation du code, quantum, sexum, absorption de boissons, sont les différentes épreuves d'admission. Le parrain et la marraine de l'impétrant le soutiennent. Ils l'ont suivi durant les phases de préparation et l'introduisent auprès des autres membres. Ils sont aussi là pour l'aider à finir ses verres. Le baptême se déroule dans un lieu public mais seuls les faluchards peuvent y assister. Debout devant une

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assemblée de 20 à 70 personnes, l'impétrant est le roi de la fête. La soirée baptismale se conclut par la remise officielle de la faluche. Symbole de l'appartenance au groupe pour une durée indéterminée. Une mauvaise réputation… Soumis au secret et aux coutumes inhibitrices, la faluche souffre d'une image péjorative. « On est toujours considéré comme des alcoolos et des obsédés sexuels », dixit Coubiac, faluchard lyonnais. Les rumeurs courent. L'alcool et le sexe, consommés lors des congrès nationaux, renforcent l'idée réductrice des non-initiés. Une idée en partie vraie, le sexe se pratique abondamment puisqu'il est « récompensé » par la communauté. Chacun cultivant discrètement son « potager » à l'intérieur de sa coiffe. Toutefois, les faluchards revendiquent de nombreuses valeurs, notamment celle de l'entraide. Chaque membre du groupe se soutient mutuellement et s'accompagne dans les difficultés de la vie estudiantine, puis professionnelle. Telle la célèbre devise de mousquetaires: « Un pour tous, tous pour un ». Audrey Taupenas et Marion Negro Psychophobies - Décembre 2007


Le code de la faluche

en bref... e saouler et coucher sans tabous. Deux occupations se pratiquant par tradition chez les faluchards. Débauche pour débauche? Non ! Ils respectent un code de dix-sept articles, rédigé par les grands-maîtres. Exemple, l'article 16, où toute jeune curieuse se risquant à glisser la main dans un béret, « devra comme il se doit, en passer par les armes suivant les goûts du propriétaire, choisissant le lieu, le jour et l'heure ». Ce dernier cultive à l'intérieur de sa faluche, son jardin secret. Le code de la faluche, c'est aussi des symboles, des rubans et des pins aux multiples significations. Comme l'article 12 précisant notamment que le faluchard « ayant

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"tiré son coup" en bonne et due forme, devra mettre à l'intérieur de sa faluche : une carotte, signe de son acte valeureux et digne du grand baisouillard qu'il est ». A chaque action à connotation sexuelle, son légume. Le tout « sous l'œil attentif des anciens, dignes contrôleurs des actes accomplis ». Un verre à la main et un(e) partenaire au bras. D'un avis extérieur, tout porte à croire que la faluche se cantonne au sexe et à l'alcool. Ce que confirme le code. Mais ces plaisirs sont pourtant consommés par tout jeune fêtard, digne de ce nom. Marion Negro et Audrey Taupenas

Lexique : Impétrant: Futur faluchard, en attente de son baptême. Quantum : Chanson paillarde que l'impétrant interprète lors de son baptême. Sexum: Imitation d'une position sexuelle avec l'un des membres de l'assemblée. Se mettre nu est possible mais pas obligatoire. Potager: Cachés dans le béret, les pins représentant un légume signifient que le faluchard a été « surpris « par ses confrères, lors d'un acte sexuel. L'insigne de l'épée signifie « fin baiseur « . Il est offert par le/la partenaire du faluchard pour ses prouesses sexuelles.

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