Medium le magazine sur le spiritisme

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Médium

LIRE ENTRE LES SIGNES N U M E R O 7

Médium Lyon, une mairie aux rouages francs-maçons Scientologie quand tu nous tiens... Apprenez à parler aux esprits ! Le parcours de l’étrange

Allan

KARDEC le père lyonnais du spiritisme



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sommaire

Médium ISCPA Productions, 47 rue Sergent Michel Berthet 69009 LYON Tel : 04 72 85 71 71 Fax : 04 72 85 71 99 Site internet : http://iscpainfos.wordpress.com Directeur de publication : Isabelle Dumas Directeur de la rédaction : Christian Redon Rédacteur en chef : Thomas Flagel

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Éditorial

EN OUVERTURE 6

Reportage : à l’école des médiums

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Histoire : les plus grands Lyonnais de l’occulte

ENTRETIENS 10

Rencontre avec le père Amet, prètre exorciste de Lyon

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Le parapsychologue à la fac catho

ANALYSE

Secrétaire général de rédaction : Nicolas Baker Rédacteurs : Arthur Aguilera, Ludovic Colin, Morgane Desbrosses, Guillaume Frixon, Virginie Malicier, Nicolas Mangin, Clément Meneghin, Andy N’Guyen. Société éditrice : ISCPA Régie publicitaire : ISCPA communication Impression : Upil 47, rue Sergent Michel Berthet 69009 Lyon

Sommaire

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Quand Satan sort de l’ombre

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La science confrontée au paranormal

SECTES 16

Scientologie : histoire d’un banni

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Roger Gonnet, repenti sans repos

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Entretien avec Georges Fennech

FRANCS-MACONS 21

Lyon, entre le compas et l’équerre

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Michel Chomarat, un maçon de la mairie

POINT DE VUE 26

Mgr. Barbarin : “Je n’ai rien contre les francs-maçons”.

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L’analyse de l’Église catholique de Lyon

VOYANCE 28

La voyance cartes sur table

ANNEXES 29

Glossaire

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Le parcours de l’étrange

* les mots suivis d’un astérisque renvoient au glossaire

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Édito

yon - Lugdunum - devrait aux Ligures d’avoir été baptisé ainsi, les Celtes ayant emprunté à cette peuplade leur dieu Lug dont la représentation est un corbeau. Oiseau des ténèbres par excellence, le corbeau, niché sur les hauteurs de Fourvière, est aussi le messager du malheur dont la superstition interprète le vol prophétique. La tradition occulte de la cité entre Rhône et Saône est à ce point ancrée dans l’inconscient populaire que la légende a traversé les âges. Aujourd’hui encore, et pas seulement à cause de ses traboules, Lyon a la réputation d’une ville mystérieuse et mystique où les voyants sont légion, où le spiritisme et la franc-maçonnerie - inexcusable mélange des genres en l’occurrence ! - se portent comme un charme et où les sectes connaissent un inquiétant essor. Désormais “.plus discrète que secrète.”, la franc-maçonnerie est, à Lyon, largement ouverte sur “la vie de la cité” au sens premier du mot politique. À tel point qu’un ministre - en charge des transports - se verrait bien devenir Frère pour augmenter ses chances de s’asseoir dans le fauteuil du maire… lui-même franc-maçon. Belle fraternité ! Mais cela relève d’un calcul qui ne se situe pas au niveau de l’idéal élevé que les membres se font de l’institution maçonnique. Autrement inquiétant est l’univers des sectes. D’abord parce qu’elles ont appris à se méfier de tout ce qui peut ressembler à un journaliste. Ensuite, parce que la République, qui garantit la liberté de pensée et la liberté de conscience, n’a pas les coudées franches pour intervenir sauf dans le cas, réduit, du “trouble à l'ordre public”. La secte étant un état de fait, il n’est pas de définition républicaine admise. Tout cela ne facilite ni le travail des commissions parlementaires ni celui des structures associatives investies dans la lutte contre la dérive sectaire. C’est dans ce registre que s’inscrivent la progression du satanisme et son lot de délits, de suicides et de crimes chez les jeunes.

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Il est plus de mystères entre le ciel et la terre que l’homme n’en pourra jamais comprendre. Quant au spiritisme - dont le Lyonnais Allan Kardec, alias Hippolyte Rivail, a fondé la doctrine au XIXe siècle - il fait toujours école à Lyon. Au sens figuré comme au sens propre. Une dizaine d’apprentis médiums suivent, en effet, un enseignement progressif sur deux ans pour apprendre à entrer en communication avec l’esprit des morts autrement qu’en ayant recours aux tables tournantes. Ce qui n’est qu’une goutte d’eau dérisoire en regard de ce que représente Kardec au Brésil où il a rang de prophète ! L’Église catholique, grande pourfendeuse de libres penseurs de tous poils et de croyants qui s’écarteraient trop du dogme, se situe au carrefour de tous ces itinéraires en recherche d’absolu. Parce qu’elle a réfléchi sur tout, elle a des avis sur tout et des spécialistes chargés de les émettre. Elle s’est donc imposée à nos yeux comme une interlocutrice incontournable sur les sujets que nous avons choisi d’évoquer. Tout comme l’étaient le médecin, le scientifique et le… parapsychologue en regard du caractère paranormal de certains des phénomènes étudiés ici. Même si l’on peut, sans grand risque de se tromper, affirmer qu’il est plus de mystères entre le ciel et la terre que l’homme n’en Christian Redon pourra jamais comprendre.

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A l école

DES MEDIUMS Depuis deux siècles et la révélation du Lyonnais Allan Kardec, le spiritisme est un mouvement qui a le vent en poupe. À Bron, une association spirite propose des cours pour devenir médium. Étude d’une pédagogie atypique. Par Nicolas Baker et Ludovic Colin - Photos de Nicolas Baker

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Les yeux fermés, il se met à trembler. Ses mains s’ouvrent et ses doigts, extrêmement tendus semblent sur le point de se briser. Sa respiration devient bruyante, rauque, saccadée. Il est en transe et ouvre la bouche. “Je veux…” gargouille-t-il d’une voix inhumaine. “Je veux…” Chaque mot semble une torture. “Mais que veux-tu ?” questionne une femme debout à ses côtés. “Je veux du REPOS.” Cette voix rocailleuse n’est pas celle du médium crispé mais vient de l’au-delà. Cyrille, comme une dizaine d’autres élèves, est en deuxième année d’école de médiumnité. Il y apprennent à entrer en communication avec les esprits des morts. “Je ne comprends pas. Articule ! ” ordonne Catherine, s’adressant directement à l’entité qui habite maintenant le corps du médium. Les avant-bras et la tête de Cyrille convulsent. On dirait qu’il s’étouffe. “Arrête, calme-toi, tu es en train d’épuiser le médium grâce auquel tu peux communiquer ! ” lance la spirite expérimentée à cet esprit tourmenteur. La séance est surprenante. D’autant plus que Cyrille ne se contente pas de relayer quelques informations que chuchoterait à son oreille un esprit bavard. Il pratique la médiumnité* “par incorporation”. L’esprit utilise et contrôle le corps du médium pour entrer en relation avec les personnes présentes. “ Comme une main dans un gant ” expliquera-t-il une fois revenu à lui.


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“ Vous avez fait vos devoirs ? ” Un jeudi sur deux, au centre Allan Kardec, une douzaine de spirites enthousiastes fréquentent les bancs de la classe et caressent l’espoir de devenir des médiums confirmés. Ce soir, dans ce local niché au milieu d’une cour, dans un quartier résidentiel de Bron, le cours commence par la correction du travail à faire à la maison. “Vous avez bien rédigé vos prières d’ouverture et de fermeture de séance ? Qui veut commencer ?” questionne Gilles, qui encadre la première partie, plus théorique, de la soirée. Une première élève se lance. Gilles ne semble pas satisfait. “Il ne faut pas copier les prières qu’on trouve dans la documentation du centre. Faîtes quelque chose de plus personnel. Et n’oubliez pas d’appeler le frère Jean de la Lumière.” Il s’agit de l’esprit qui protège le centre Allan Kardec, le “guide” du centre. Chaque spirite possède, en plus, son propre guide spirituel qui le protège et assure une bonne liaison entre les mondes matériel et invisible. Le hasard n’existe pas Mais avant d’en arriver là, Cyrille et ses camarades apprentis sont passés par une première année d’enseignement élémentaire de spiritisme. On y apprend les fondements de l’univers spirite, particulièrement mystérieux pour un néophyte. “Il est impossible de se lancer comme ça dans la médiumnité sans avoir été initié. Le spiritisme est une véritable philosophie, avec des notions complexes, qu’il faut à tout prix connaître” explique Max, un quadragénaire grisonnant qui délivre le cours aux débutants attentifs. L’homme, est adepte du spiritisme depuis trois ans. Ce jeudi, une douzaine d’élèves lui font face. Chacun vient pour une raison différente, mais tous cherchent des réponses. “J’ai perdu brutalement un proche, et j’aimerais avoir des nouvelles de lui.” affirme une femme de 50 ans. “Je me sens seule et je souhaite mieux comprendre le sens de la vie en parlant avec les esprits” lance une autre. Ce soir, c’est Katia, une jeune femme originaire du Brésil, qui pose le plus de questions : “Je vois des morts qui me parlent. L’autre jour, c’était un homme sur un banc qui cherchait sa fille, toujours vivante. Il voulait que je lui fasse passer un message. J’ai peur que l'on me prenne pour une folle. Que dois-je faire ?” Ou, plus surprenant, elle interpelle son professeur : “qui est cet esprit qui se tient derrière vous ? On dirait un cardinal. C’est votre guide ?” Max n’aura pas la réponse ; il n’a jamais réellement “vu” son guide. Pour les autres questions, l’homme, au charisme certain, choisit toujours le bon mot et illustre ses explications d’exemples, sur un ton apaisant. “Faut-il croire en Dieu pour être médium ?” s’interroge une élève. “Oui et non. Il faut simplement croire. Croire aux esprits, à l’au-delà, et trouver son guide spirituel” rétorque le professeur, lunettes à la main. “Oui, mais qui est mon guide spirituel ?”, interroge une autre. “C’est un esprit supérieur qui veille sur toi. Il t’aide chaque jour à mûrir, à évoluer positivement, en t’imposant des épreuves tout au long de ta vie.” Au final, le discours spirite séduit plus qu’il ne convainc. La logique simpliste conduit à une conclusion évidente et surtout sécurisante : le hasard n’existe pas ! Tout se déciderait depuis l’au-delà. Chaque question trouve sa réponse. Troublant. Selon la doctrine spirite, l’existence n’est qu’une succession de périodes dites “incarnées”lorsque l’on vit sur Terre dans un corps - et “désincarnées,”

Reportage

quand on appartient au monde des esprits. Ainsi, l’homme ne meurt pas, il se désincarne. Le chemin de la pratique Connaître et croire ne suffit pas pour devenir médium. Max, Gilles et Catherine, notre enseignant et deux autres piliers du centre Allan Kardec, se réservent le droit d’écarter certains élèves. “Nous évitons d’engager sur la voie de la médiumnité des individus trop fragiles. C’est rare, mais nous ne voulons pas trop perturber certaines personnes” affirme Max. Avant d’ajouter : “le spiritisme a ses propres règles, qui font que l’on peut être médium ou non.” Une sorte de code d’honneur spirite doit être respecté sous peine de boycott par les entités de l’au-delà. Ces règles, simples, rappellent quelques préceptes du catholicisme : dans la vie de tous les jours, il faut avoir des pensées positives, vouloir le bien autour de soi, ne pas être orgueilleux, savoir croire, et ne jamais se vanter de ses connaissances et de ses capacités médiumniques. Une fois ces théories spirites acquises, les élèves peuvent passer en deuxième année. Et le moment tant attendu arrive enfin : les apprentis médiums peuvent “aller à la table”. Il ne s’agit pas

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Médium

Reportage

d’un guéridon, mais d’une table rectangulaire sur tréteaux pouvant accueillir une vingtaine de personnes. La séance commence traditionnellement avec la prière d’ouverture. Il faut appeler les fluides et invoquer la protection du guide Jean de la Lumière. Car selon Max, entrer en contact avec l’au-delà peut s’avérer dangereux : “On peut faire face à des esprits peu évolués, plutôt farceurs voire méchants. C’est pourquoi il ne faut jamais chercher à entrer en contact avec les esprits en dehors du centre, et encore moins si l’on est seul !” La doctrine spirite assure qu’on risque même d’être possédé. Le centre de Bron garde le souvenir d’un tel épisode. “Un jour, un médium hurlait devant la porte du bâtiment. Il n’arrivait pas à entrer dans la salle protégée. C’est parce qu’un esprit était en lui et savait que s’il entrait dans le bâtiment, les autres médiums arriveraient à le faire fuir sans peine. On a donc poussé notre ami dans la salle, et l’esprit est parti.” Retour à notre cours de deuxième année. La pratique peut commencer. Chaque médium se concentre. Catherine, une endurcie, guide la séance. Elle se lève et amène des fluides à ses élèves en brassant l’air autour d’eux, puis les conseille : “tu sens l’esprit derrière toi ? Tu penses à quoi ? Si tu as des mots qui te viennent, mémoriseles, même si tu as l’impression qu’ils sont de toi. Lionel, tu sens l’esprit ? Appelle-le. Je sens les fluides.” Un bon médium se distingue Arrête, calme-toi, par sa facilité à entrer en tu es en train contact avec les esprits, mais aussi par le contrôle qu’il d’épuiser garde sur l’expérience. le médium Cyrille a donc tremblé parce qu’il n’a pas su contrôler grâce auquel l’esprit qui l’habitait. “Il tu peux découvre de nouvelles possibilités qu’il ne maîtrise pas encore communiquer mais qu’il a depuis toujours en lui. Au fond, chaque individu possède ce genre de capacités. Il faut juste savoir comment faire, et c’est ce que l’on enseigne ici.” Pour bien travailler, le médium doit savoir se détacher des esprits qui le traversent. Notamment lorsqu’il s’agit, comme c’est souvent le cas, d’esprits tourmentés. “Si l’esprit est triste et que tu deviens triste, tu n’es pas encore un bon médium.” Dominique et Céline ont encore beaucoup à apprendre : pendant leurs communications, elles souffraient. Des larmes coulaient sur leurs joues. Le but ultime : aider son prochain Dès cette deuxième année, les bons apprentis peuvent participer aux séances d’aide spirituelle, organisées tous les mercredis au centre. Ces réunions, ouvertes gratuitement au public, permettent à certains souffrants d’être magnétisés par les médiums, ou de recevoir des conseils provenant de “l’au-delà”. Ce mercredi, Cyrille vit une nouvelle incorporation en se penchant sur le cas de Jeannine, 70 ans , atteinte de sclérose en plaques. Une certaine Caroline parle avec la voix du jeune homme, pour évoquer son

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sentiment de trahison à l’égard de Jeannine. Sa maladie viendrait de là : un esprit lui en veut pour ce qu’elle a fait lors d’une vie antérieure. Catherine, médium dessinatrice, laisse les esprits guider les pastels dans ses mains. Elle présente ainsi à une jeune femme un paysage maritime, agrémenté d’une phrase : “entre ombre et lumière”. Après la séance, place à l’interprétation : “ces mots et ce paysage indiquent que vous avez des doutes, des choses dissimulées et qu’il va maintenant falloir avouer. Vous repentir.” La personne concernée ne semble pas comprendre. “Et bien faites le point en vous-même. Mais il s’agit peut-être de quelque chose que vous avez vécu dans une vie antérieure” rajoute la médium, se lavant de toute erreur de communication ou d’interprétation. Et selon elle, les résultats du centre ont déjà prouvé leur utilité : “le plus probant, c’est lorsque nous avons magnétisé une femme atteinte d’une leucémie. Après trois semaines de magnétisme, elle a pu arrêter sa chimiothérapie”, dit-elle fièrement, le sourire en coin. La chimiothérapie n’aurait eu finalement qu’un effet complémentaire !

Expérimentations à huis clos Hors du cadre des cours et de ces séances d’aide, les meilleurs spirites peuvent entrer dans le cercle très fermé des “médiums du mardi.”. En effet, les plus confirmés se réunissent ce jour-là pour se livrer à des expériences. Impossible pour nous, observateurs profanes, d’y assister. Nous saurons seulement que le groupe tente de matérialiser des fleurs et de faire de l’écriture directe. “On met un stylo et un papier dans une boîte et on attend.” Le but : trouver un message écrit à la fin de la séance. Pour l’instant, Catherine concède que ces travaux restent sans résultat. “Mais certains groupes de médiums y arrivent. Notamment au Brésil, où le spiritisme compte 15 millions d’adeptes. Nous, à notre échelle, nous ne sommes que de simples amateurs. Nous n’avons pas encore leur talent .” Catherine, comme Gilles, garde tout de même espoir. “Certains médiums du centre ont reçu des messages encourageants. Ils indiquaient que notre centre accueillerait énormément de monde dans les prochaines années.” Reste à savoir s’il s’agira de personnes incarnées, ou désincarnées...


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Histoire

Les plus grands Lyonnais , de l occulte

Par Morgane Desbrosses

Willermoz, Jean-Baptiste, 1730-1824 (photo de gauche) Willermoz est l’un des personnages représentant le mieux l’ésotérisme* du siècle des Lumières. Cet illustre négociant en soierie devient franc-maçon à 20 ans, et fonde, entre autres, la loge de la Parfaite Amitié et Rose-Croix. Il est de ceux qui animent les grands mouvements initiatiques de l’époque. Son nom est d’ailleurs attaché au Rite Écossais Rectifié* dont il est la figure essentielle. En juin 1800, il devient conseiller général du Rhône et garde cette fonction jusqu’en 1815. Le patriarche de la franc-maçonnerie lyonnaise s’éteint à l’âge de 94 ans. Kardec, Allan, 1804-1869 (photo du centre ) Hippolyte Rivail est né à Lyon, rue Sala. Étudiant en médecine, il obtient un diplôme de professeur. Ce n’est qu’à 50 ans qu’il entend parler des tables tournantes* et commence à assister à des séances. Il reçoit un jour une communication d’un esprit protecteur prétendant l’avoir connu dans une vie antérieure, au temps des druides. Il vivait alors en Gaule et se prénommait Allan Kardec. Il écrit Le Livre des esprits, qui pose l’ensemble des principes spirites. Sa réputation dépasse les frontières, notamment au Brésil où il est aujourd'hui élevé au rang de prophète. Mort en 1869 à 65 ans, Kardec est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris. Vintras, Eugène, 1807-1875 Vintras, qui se disait la réincarnation du prophète Elie, naît en plein renouveau de l’occultisme. Il est surtout connu pour avoir obtenu lors de cérémonies de mystérieuses hosties sanglantes. Condamné pour escroquerie, il s’exile en Angleterre puis s’installe à Lyon dans le quartier de Monplaisir. Le 31 mai 1865, il institue au 56-60, route d’Heyrieux le Carmel d’Elie. Dans ses paroles inspirées, Vintras conte de façon convaincante ses illuminations. Ses prières bouleversent l’auditoire. Un jour, Jésus Christ lui apparaît et lui annonce sa mort. En proie à

son exaltation, il se met à officier, jamais à court d’une prière, d’une incantation jusqu’à son décès, à Lyon, le 7 décembre 1875. Il est enterré au cimetière de la Guillotière. L’Abbé Boullan, 1824-1893 L’abbé Boullan est ordonné à 24 ans et nommé vicaire d’une paroisse à Montauban. Il ne tarde pas à fréquenter les milieux ésotériques et mystiques. Le couple qu’il forme avec Adèle Chevalier, une religieuse controversée fait scandale. Boullan, guérisseur spirituel, écope d’une condamnation à trois ans d’emprisonnement pour escroquerie. En offrant le corps nu d’Adèle sur un autel, il flirte avec la messe noire. Chassé de l’Église, il consacre ses vingt dernières années au vintrasisme*. Il s’autoproclame successeur de Vintras le jour où celui-ci décède. Il s’installe alors à Lyon en 1883 chez un de ses adeptes, l’architecte Mime, au 7, rue de la Martinière et se choisit le pseudonyme d’Elie-Jean-Baptiste. L’ex-abbé meurt subitement le 9 janvier 1893 à Lyon. Il est enterré au cimetière de la CroixRousse mais sa tombe a disparu. Maître Philippe de Lyon, 1849-1905 (photo de droite ) Dès ses 6 ans, certaines manifestations, dont des guérisons inexpliquées, inquiètent le curé de son village. À 14 ans, le jeune Savoyard vient s’installer à Lyon chez son oncle. Tout en poursuivant des études à l’Institut Sainte-Barbe, le jeune homme se cultive, dévorant les ouvrages de chimie, de sciences, de religion et d’occultisme. Le succès qu’il obtient dans le domaine de la taumaturgie le pousse à ouvrir son cabinet de guérisseur spirituel au 8, boulevard des Belges à Lyon. Si la jalousie pousse certains à le traiter de charlatan, ses méthodes, purement spirituelles, séduisent. Catherine de Russie et d’autres grands de ce monde l’appellent de toute l’Europe pour bénéficier de ses dons. Après un dévouement aux autres de toute une vie, Maître Philippe s’éteint le 5 mars 1905. Sa tombe, située au cimetière de Loyasse, est encore aujourd’hui un lieu de pèlerinage.

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Entretien

Le père Henri Amet a exercé la fonction de prêtre exorciste à Lyon pendant 9 ans. Entre 1997 et 2006, plus de deux mille personnes ont sollicité ses talents de chasseur de démon. Depuis le 1er octobre, le père Ange Rodriguez demeure le seul prêtre exorciste de la région lyonnaise. Pour évoquer les maux dont souffraient ceux qui l’ont consulté gratuitement, il préfère parler de “troubles psychologiques” que “d’esprits habités”.

“ Je ne crois pas aux ”

ESPRITS

Entretien réalisé par CLÉMENT MENEGHIN Photo NICOLAS BAKER

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Comment devient-on prêtre exorciste ? Il existe un ou deux prêtres exorcistes par diocèse, nommés par l’évêque pour un mandat de trois ans renouvelable. L’Église choisit parmi les plus sages et les plus expérimentés. Cette fonction réclame un équilibre certain. Quelles sont les personnes qui viennent vous voir ? Je reçois absolument toutes sortes de personnes, quel que soit leur âge, leur appartenance sociale ou religieuse. Il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes. Elles sont en effet plus sensibles et plus exposées aux difficultés familiales ou sentimentales. Et le moment de la puberté chez une adolescente peut être source de troubles psychiques. Le corps se transforme et produit une telle énergie à ce moment-là que la jeune fille peut créer des phénomènes paranormaux, désignés par le terme allemand “poltergeist”. Des coups dans le mur, des objets qui bougent seuls ou qui disparaissent. Mais je n’en ai pas fait moi-même le constat. Mis à part cela, on distingue trois catégories de consultants. En premier lieu, ceux qui se disent victimes d’un mauvais sort. Ils perdent leur travail. Leurs relations familiales se détériorent. Et souvent ils sont en mauvaise santé. Ils vivent dans l’épreuve, ils sont malheureux. Il y a aussi des individus qui se croient habités par des esprits. Ils pensent que l’âme de personnes décédées vient habiter les corps. Enfin, des personnes se disent possédées par le démon. C’est un cas

beaucoup plus rare. Le terme exorciste vient d’ailleurs de là. Car à l’origine, c’est-à-dire vers l’an 200, l’exorciste adjure le démon de libérer le corps de l’homme. Quels sont les symptômes dont souffrent ces personnes ? Chaque cas est différent. Les personnes qui croient au démon sont en proie à des crises d’hystérie. Ils se mettent à pousser des hurlements, à gesticuler parfois inconsciemment. Ce peut être violent mais ce n’est pas fréquent. Je rencontre aussi des personnes qui souffrent de schizophrénie. Ils vivent donc dans la compagnie des esprits à qui ils parlent, et qui leur répondent. Mais toutes ne sont pas spectaculaires, loin de là. Vous évoquez la schizophrénie. Cela signifie-t-il que vous reconnaissez le travail des psychiatres ? Complètement. Non seulement je reconnais leur travail mais eux reconnaissent le mien. Je reçois des personnes pour lesquelles je suis la dernière chance, le dernier recours. Ceux que les médecins n’ont pas pu guérir. Leurs maux sont tels qu’ils se disent alors, “pourquoi pas un prêtre ?” Je suis bien conscient que ceux qui font appel à moi souffrent de troubles psychologiques. Moi je ne crois pas aux esprits ou au démon. Avoir affaire parfois à des catholiques pratiquants, ou tout simplement à des croyants, fait de moi un interlocuteur plus efficace qu’un psychiatre. La prière et la bénédiction les rassurent. Vous pratiquez plusieurs types d’exorcisme selon la “.gravité.” du cas auquel vous êtes confronté. En quoi un grand exorcisme consiste-t-il ? Je reçois sur rendez-vous. Le plus important dans ma démarche est de mettre les gens à l’aise. Je dois les mettre en confiance. J’écoute la personne sans l’interrompre, je considère son problème, et j’essaie d’entrer dans son jeu. Puis je lui donne des conseils. Il m’arrive de faire de la catéchèse pour les plus croyants. Pour terminer je propose une prière de délivrance. Et alors peu importe qu’il s’agisse de libérer les gens de mauvais esprits, du démon ou de leurs mauvaises pensées. Pendant cette prière, j’appose mes mains sur leur tête. C’est un geste simple que faisait le Christ. Cela n’a rien à voir avec du magnétisme. Il peut m’arriver d’utiliser de l’eau bénite ou de faire un signe de croix sur le front. Cela dépend des convictions de la personne. La plupart du temps les gens repartent réconfortés, en paix avec eux-mêmes. C’est du moins ce qu’ils me disent.



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Entretien

Le docteur Paul-Louis Rabeyron, psychiatre de formation, délivre à la Faculté catholique de Lyon un cours de parapsychologie. Rencontre avec cet homme de science qui se penche régulièrement sur les phénomènes paranormaux.

Un parapsychologue à la fac Catho Entretien réalisé par Ludovic Colin

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Qu’est-ce que la parapsychologie ? C’est une discipline qui se consacre à l’étude des phénomènes dits paranormaux. Elle s’appuie sur les sciences humaines (la psychologie, la sociologie, l’anthropologie) et les sciences exactes (la physique, la chimie, la statistique). Les parapsychologues étudient donc les phénomènes non-expliqués en utilisant des protocoles scientifiques. Ce sont des gens réalistes, qui sont prêts à écouter et même à croire, mais qui développent une approche rationnelle de ces phénomènes. Quand la parapsychologie est-elle née ? Le terme parapsychologie s’est imposé dans le milieu du XXe siècle, mais depuis bien longtemps, des intellectuels se sont intéressés à ces questions. Je pense aux philosophes Schopenhauer, Bergson, et Gabriel Marcel, mais aussi Charles Richet, prix Nobel de médecine, Freud, Jung... Et même Jean Jaurès, qui a fait sa thèse de philosophie sur le monde sensible. Comment avez-vous été amené à enseigner à la faculté catholique de Lyon ? À la base, j’ai suivi un cursus médical polyvalent. Je suis psychiatre. Mais, au cours de mes études, je me suis formé aux médecines alternatives, et notamment à l’acupuncture. Cet enseignement m’a éveillé à l’anthropologie. À la fin de mon parcours universitaire, j’ai donc fait une thèse sur “les idéologies médicales”, ce qui m’a permis de rencontrer des scientifiques et des universitaires qui avaient les mêmes préoccupations que moi concernant certains phénomènes. J’ai ensuite participé à l’écriture d’un livre sur la voyance qui m’a fait un peu connaître. Un peu plus tard des étudiants de l’université catholique de Lyon ont fait appel à moi pour que j’intervienne dans un colloque consacré au surnaturel. De fil en aiguille, je suis devenu l’enseignant d’un cours intitulé “Sciences, société et phénomènes dits paranormaux”. Prêt à écouter, Quel est le profil des étudiants prêt à croire, qui assistent à vos cours ? Selon les années, j’ai de 20 à 40 mais élèves. Comme mon enseignement est optionnel, ces étudiants viennent seulement d’un peu tous les cursus : sciences si la preuve humaines et sociales, faculté des scientifique sciences, mais aussi de futurs ingénieurs, des théologiens et des est là

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auditeurs libres qui viennent se cultiver. Globalement, la majorité d’entre eux sont plutôt favorables à l’existence des phénomènes non-ordinaires, mais quelques-uns restent sceptiques. Les barreurs de feu existent-ils vraiment ? Les barreurs de feu, c’est-à-dire ceux qui auraient le “don” d’atténuer voire de supprimer la douleur causée par une brûlure, se rangent dans la catégorie des magnétiseurs. Beaucoup de scientifiques affirment qu’il s’agit là d’un effet placebo. Cet effet survient dans toutes les consultations d’ordre thérapeutique, quelle que soit la pathologie. On estime d’ailleurs qu’en médecine 30 à 60 % de l’effet de guérison est lié à l’effet placebo. C’est donc le rapport médecin-patient qui se trouve au centre de ce phénomène. Et les magnétiseurs n’échappent pas à la règle. Ceci étant, on ne peut exclure que certains d’entre eux ont de réels pouvoirs. On peut alors évoquer la bio-psychokinèse* qui fonctionne. Mais afin d’en être sûr, il faudrait davantage de moyens pour étudier ces phénomènes. Le spiritisme compte 20 millions d’adeptes dans le monde. Quelles sont les conclusions de vos études sur ce thème ? À mes yeux, les phénomènes vécus en milieu spirite peuvent être appréhendés à la lumière des classifications parapsychologiques, et donc comme relevant de phénomènes paranormaux de type perceptions extrasensorielles ou psychokinèse*. Jusque-là, on n’a jamais prouvé qu’il existe un autre monde peuplé d’esprits qui souhaitent entrer en contact avec les vivants. Je pense donc que le spiritisme est une théorie qui tente de donner un sens à certains phénomènes parapsychologiques. Je la respecte, mais je n’y adhère pas. L’esprit du Mal existe-t-il, comme l’affirme l’Église ? Cela ressort de la croyance et non d’une démarche scientifique. Je respecte aussi le point de vue spirite mais ce n’est pas mon angle d’attaque pour ce genre de phénomène. Ce qui ne signifie pas que concrètement, devant certains cas, il ne faille tenir compte des représentations du sujet et de sa famille. Il y a une vérité subjective de la possession qui peut révéler une problématique personnelle ne pouvant se faire entendre d’une autre manière. On a jamais pu faire la preuve scientifique de la possession*. Bien entendu, je reste ouvert à toute théorie démontrant son existence, mais jusqu’à aujourd’hui, les personnes dites possédées souffrent avant tout de schizophrénie*, d’hallucinations, de paranoïa... Ce texte a été relu et amendé par le docteur Rabeyron


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Analyse

Le phénomène sataniste s’installe progressivement en Europe depuis une dizaine d’années. Il n’existe pourtant dans l’Hexagone qu’un seul mouvement officiel : la Fédération sataniste de France (FSF). Si elle autorise certains rituels, elle condamne les sacrifices et les actes de vandalisme, telles que les profanations. Elle ne compte qu’une dizaine de membres selon les experts mais aucun chiffre n’est avancé pour estimer les pratiquants non-affiliés.

Quand Satan sort de l’ombre Par Andy N’Guyen

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Le satanisme renvoie à un problème sociétal. Une dualité a vu le jour, aussi inquiétante que pernicieuse. Le mouvement, qui se développe depuis une dizaine d’années, séduit une population jeune souvent en mal de repères, d’identités sociales. Paul Ariès, enseignant en sciences politiques à l’université Lumière Lyon 2, écrit sans détour, dans son ouvrage Satanisme et vampyrisme, le livre noir (2004), que la population concernée est celle de “jeunes paumés”. Ce sont donc ces paumés qui inquiètent et s’érigeraient face à la société. Le satanisme moderne est créé aux États-Unis le 30 Avril 1966 (NDLR : date anniversaire de la mort d’Hitler) par Anton LaVey. Cet Américain, proche de Ron Hubbard fondateur de la scientologie, est considéré comme “le pape noir”. Instigateur de l’Église de Satan, il explique que son culte confère à ses adeptes des pouvoirs occultes pour réaliser leurs désirs. Son mouvement est officiellement reconnu, par l’administration américaine, comme une Église au même titre que les autres. En Europe et particulièrement en France, nombreux sont les rapports parlementaires et épiscopaux à s’être penchés sur la question. Le satanisme inquiète. D’autant plus que son essor et son activité demeurent difficilement quantifiables. Paul Ariès a la fourchette large : le satanisme concernerait entre 2.000 et 6.000 personnes en France… L’ombre plane autour du phénomène. Et les satanistes entendent bien rester terrés dans l’obscurité. Le rapport de la Miviludes* paru en octobre dernier, “Le satanisme, un risque de dérive sectaire”, n’avance pas plus d’estimations chiffrées de satanistes. Un mouvement épars qui a conduit la Fédération sataniste de France à vouloir mettre en liaison tous les satanistes via Internet. Objectif : “créer une grande famille sataniste afin de réaliser une cohérence dans l’action vis-à-vis des ordres moraux et religieux”. Pour communiquer, Internet reste donc leur outil préférentiel. Monde virtuel, sans frontière, où règnent l’anonymat et la liberté d’expression. Toutefois, il serait erroné de négliger le danger potentiel de certaines publications, pochettes de CD ou affiches de concert : exhibitions d’artistes arborant les cicatrices de leurs mutilations. Le satanisme souffre de cette société qui la révulse. “Les satanistes ne sont pas un cancer sur un corps sain mais les métastases d'une société malade. Notre bonne société a pour ainsi dire les satanistes qu’elle enfante” ajoute Paul Ariès.

Satanistes fondamentalistes ou simples amateurs, leur cœur doctrinal commun reste une critique virulente de l’ordre social établi et des notions républicaines. La Miviludes décrit “ce satanisme à la française, faiblement institutionnalisé et encadré, parfois affilié à des sous-cultures spécifiques comme le gothique ou la mouvance métal.”. Derrière le folklore apparent du satanisme (rituels, invocations…) se cache une idéologie certaine, qui peut se révéler dangereuse si politisée. Paul Ariès explique que les idées satanistes apparaissent comme un véritable vivier pour des partis extrémistes. Des groupuscules tels que “Constitution 35” ou “Révisionnisme pentagonal.” sont de vrais programmes politiques,

reconnaissant une inégalité naturelle entre les hommes. À titre d’exemple, Paul Ariès cite “l’Ordre des 9 angles” - en référence aux neuf commandements de la Bible satanique - qui organisait des messes noires avec, sur l’autel, l’ouvrage d’Hitler, Mein Kampf. Cependant, il peut paraître regrettable que la proportion effective de ces groupes néo-nazis dans la pratique satanique ne soit pas connue. A-t-on affaire à une majorité ou à des marginaux ? Toujours est-il que Paul Ariès y voit une “philosophie du désespoir” et un “nihilisme du pauvre”. Aujourd’hui, le satanisme semble, plus que jamais, insaisissable. Son expansion incontrôlée peut se révéler comme une porte ouverte à tous les dangers.

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Médium

Science

Les physiciens n’ont jamais prouvé l’existence des “fluides spirituels ou magnétiques” qui guérissent les maladies. Ni ceux qui permettent de communiquer de façon miraculeuse. Le psychiatre, quant à lui, incarne l’ennemi des esprits libres. Les sciences et le paranormal sont-ils complètement incompatibles ? Qu’il s’agisse de voyance, de télépathie ou bien de médiumnité, on revient toujours à une même constante : il faut y croire.

Le paranormal et la Par Nicolas Baker

Le psychiatre, ennemi des esprits ? “Quand on parle à Dieu, c’est une prière. Quand Dieu nous parle, c’est de la schizophrénie.” La comédienne américaine Lily Tomlin illustre bien le gouffre qui sépare les mondes mystique et rationnel, mais prenons garde : les médiums qui entrent en contact avec les esprits ne souffrent pas forcément de schizophrénie. “Il s’agirait plutôt d’une altération de la vigilance” explique le docteur Nicolas Franck, médecin au centre psychiatrique du Vinatier. Un état singulier de “transe ou d’extase collective” atteint par “suggestion ou autosuggestion,” utilisé, notamment, lors de séances d’hypnose. Mais parfois, le médium et le schizophrène ne diffèrent pas l’un de l’autre. Quand l’un “dialogue avec un esprit”, et que l’autre sent que ses idées sont “téléguidées par la C.I.A”, tous deux projettent leur imagination sur l’extérieur. Ils se disent étrangers à leurs propres pensées. Cependant, dans le cas de la schizophrénie, “les hallucinations auditives sont subies, souvent négatives, moqueuses, voire insupportables” précise le professeur Terra, également docteur au centre psychiatrique du Vinatier. La médiumnité ne serait donc qu’un épisode “micropsychotique”. Docteur Placebo ou le mensonge qui guérit Le magnétiseur peut guérir un mal de dos. Un leveur de feu peut éteindre la douleur d’un brûlé. Les spirites peuvent atténuer un mal en “envoyant des fluides spirituels”. Mais ces phénomènes peuvent tout aussi bien tomber sous l’appellation placebo. L’effet placebo étant le résultat bénéfique de l’administration d’une substance pourtant inactive à un patient persuadé d’avoir reçu un véritable médicament. Ainsi, le docteur François Ravat, du service des brûlés de l’hôpital Saint-Luc-Saint-Joseph, admet avoir accepté les services de “trois ou quatre leveurs de feu” il y a 10 ans. “Il n’y a pas eu plus d’effets que le placebo” explique-t-il, et l’expérience avec les magnétiseurs s’arrêta là. Rappelons la puissance “miraculeuse” d’un placebo. La science a démontré que cet effet fonctionne avec presque tous types de troubles dits fonctionnels : toux, ulcères, asthme, troubles psychologiques, etc. Son effet a d’ailleurs été mesuré physiologiquement et non pas seulement par la simple perception subjective de se sentir mieux. Le placebo peut être utilisé en comprimé, en injection, ou même, comme le font les magnétiseurs, par apposition des mains. Comment expliquer qu’une croyance, localisée dans le cortex cérébral, peut influencer le métabolisme ? Si les chercheurs privilégient certaines pistes neuropsychologiques, le phénomène

demeure toujours sans explication. De plus l’homme n’est pas seul à jouir de ce mensonge qui guérit. Des expériences sur des rats de laboratoire confirment que les animaux sont sensibles à cet effet. Donc, si le magnétisme vous guérit d’un mal de dents, ne vantez pas forcément le pouvoir fluidique du magnétiseur, mais l’efficacité prodigieuse de l’effet placebo, dont les rouages restent encore à élucider. Photographiez votre aura Voulez-vous connaître votre énergie vitale ? Pour quarante euros, on vous photographie votre aura et vous dresse votre bilan énergétique. On vous tire une belle photo, parée de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, qu’il suffit ensuite d’interpréter. Pour réaliser de tels clichés, les deux mains du sujet sont placées sur des plaques métalliques, qui captent les “flux énergétiques vitaux”. Les flux transitent alors vers l’appareil photo - un peu particulier - qui les imprime sur le polaroïd. L’effet est saisissant. Mais il s’avère que le phénomène est parfaitement explicable par la physique. Plusieurs facteurs physico-chimiques influent sur la qualité de la couleur de la photographie : pression, humidité, résistivité de la peau, contact avec le sol, etc. Ainsi, tout corps vivant dégage cette “aura”. Plus surprenant, les entités inertes aussi. Photographiez une andouillette sauce moutarde, vous vous apercevrez que son centre énergétique intuitif est tout à fait développé, mais que son côté affectif, en perte de vitesse, mérite la plus grande attention… La preuve par le portefeuille “Vous avez un pouvoir ? Prouvez-le !.” De février 1987 à février 2002, les scientifiques Henri Broch et Jacques Théodor, associés à l’illusionniste Gérard Majax, ont organisé un défi du paranormal. Celui qui pouvait produire un phénomène paranormal dans des conditions scientifiques, empochait la bagatelle de 200.000 euros ! Tous les domaines ont été testés : voyance, télépathie, télékinésie, perception extrasensorielle. Après quinze ans de tests et 264 candidatures, aucun essai ne fut concluant. Véritables magnétiseurs ou voyants, ne désespérez pas. Il vous reste un concours équivalent aux États-Unis ; avec une cagnotte d’un million de dollars ! N’attendez plus, montrez-nous que vos pouvoirs existent !

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Médium

Sectes

Philippe, 36 ans, a été scientologue de 1990 à 1997. Il a gravité dans les plus hautes sphères de la secte, jusqu’à intégrer la Sea Org, un organisme administratif à la tête des Églises de scientologie de chaque continent. Lorsqu’il décide de quitter ses fonctions pour redevenir un simple scientologue, il est banni pour ne pas avoir respecté le protocole de démission.

Scientologie, quand tu nous tiens... Entretien réalisé par Nicolas Mangin

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Comment avez-vous intégré la scientologie ? S’il avait fallu y être par croyance aveugle, avec rituels et tutti quanti, jamais je n’aurais rejoint la scientologie. J’étais à Angers et j’ai croisé un type que je trouvais à part. Il était clown dans la vie, un original comme je les aime. On a commencé à parler et il a mentionné la scientologie. J’avais entendu de sales trucs dessus, mais une chose était sûre, il fallait que je m’en rende compte par moi-même. Je m’étais juré que, s’il s’avérait lors de mon examen que c’était négatif, j’aiderais à la combattre. Mais si, à l’inverse, c’était autre chose, je verrais et serais prêt à la soutenir. Et le constat fut étonnant. C’est en testant les gens sur place, presque en fouillant, en posant des questions piège, en interrogeant sur la présence exagérée de Ron Hubbard en photo sur les murs que j’obtins de véritables réponses. Le même jour, on m’a proposé une séance gratuite de dianétique*. C’était il y a 16 ans et ce qui s’est passé durant ces deux heures de séance gratuite a levé un poids immense en moi. Vous avez rapidement intégré la Sea Org. Comment cela s’est-il déroulé ? Après ma séance d’introduction fin avril 1990, je me suis très vite engagé dans le staff de l’Église d’Angers. Je cherchais à m’investir plus profondément car la scientologie me passionnait véritablement. À l’époque, je n’avais pas d’engagement précis qui aurait pu me retenir, comme une maison à crédit ou des enfants, j’ai donc signé le contrat pour intégrer la Sea Org. Arrivé à Copenhague, j’ai suivi la formation EPF (Estates Project Force) : une suite d’étapes pour entrer dans l’organisation. Beaucoup de scientologues veulent y entrer mais ne peuvent pas. Pendant un mois, on suit des cours de base et on participe en parallèle à des projets de rénovation, de nettoyage et à des chantiers. Il s’agit de tenir bon, car on peut être disqualifié en plein milieu de la formation. Dans un parcours plus classique d’une église, un “responsable des inscriptions” définit les cours correspondant aux besoins de la personne et aux problèmes qu’elle veut résoudre. Le prix dépend du cours. De 40 euros pour des cours par correspondance dits d’introduction à beaucoup plus je suppose. (NDLR : de 30 euros à des milliers d’euros). On peut obtenir le remboursement du cours si on n’est pas satisfait. Je pense n’avoir pas dépensé plus de 600 euros en sept ans. De quoi viviez-vous ? J’y étais tout d’abord par dévouement, par enthousiasme. Je n’y suis jamais allé pour un salaire. Je bénéficiais d’hôtels et de cantines pour le staff. C’est un choix que personne ne vous force à faire. J’ai été pauvre tout en étant très investi mais je m’en fiche. J’ai fait ce que je voulais faire. De superbes moments non

quantifiables en termes d’argent cumulé mais on sait tout cela quand on signe un contrat qui n’est pas un contrat de travail. C’est un “investissement associatif”. Un choix de vie qui démontre une non-préoccupation de l’intérêt pécuniaire. En fait, l’audition* avait pour moi plus d’importance que tout le reste. Je le pense toujours, même si ma vie a changé et que je n’ai plus de contact avec le monde de la scientologie. Mais si je voulais, je pourrais revenir et ne plus être banni. J’ai préféré garder mes bouquins et avoir plus de temps pour moi. La scientologie appelle-t-elle à une croyance ? En séance d’audition, l’exploration de sa propre vie conduit inévitablement à une croyance. De la même façon qu’un athée croit qu’il n’existe pas de Dieu ou qu’un spirite croit qu’il est un esprit avant tout. Mais sans s’imposer, la croyance vient d’elle-même. Elle n’est pas fanatique. Toute vision de la vie, quelle qu’elle soit, rentre dans le champ de la croyance. Celle d’un athée autant qu’une autre. À force d’auditions, je ressemble plus à un agnostique croyant à la spiritualité. Après, si on considère qu’une croyance est forcément quelque chose d’autre qu’une conception de la vie, on ne trouvera pas ça en scientologie. Cependant, une personne qui, par l’audition, touchera à ce qu’on appelle des vies passées ne sera pas déconsidérée, contrairement à d’autres approches qui attribuent systématiquement cela à l’imagination. Personne ne vous force à croire ! Que vous ont apporté les pratiques conjuguées de dianétique et de scientologie ? J’ai bien plus confiance en moi, je suis plus sociable et altruiste. Je dirais que mes facultés d’analyse, d’observation et de compréhension de l’être humain ont grandement augmenté. Je me sens plus fort pour affronter les difficultés de la S’il avait fallu vie. Et ça a énormément stimulé mon sens critique. Je lis et j’écris y être par plus vite. Ma vue s’est améliorée. croyance Mes allergies ont diminué et j’ai dix fois moins de crises d’asthme aveugle, qu’avant. Mais on ne va pas en jamais scientologie pour soigner son physique. C’est accessoire. On je n’aurais vous dirige même vers un médecin rejoint la si vous tenez absolument à agir sur votre physique. scientologie

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Sectes

Au milieu des années soixante-dix, Roger Gonnet fonde l’antenne lyonnaise de l’Église de scientologie. Exclu dix ans plus tard du mouvement, il devient l’un de ses plus virulents détracteurs. Aujourd'hui âgé de 65 ans, ce célèbre repenti n’a toujours pas baissé la garde face aux dangers de ce mouvement sectaire.

Roger Gonnet, repenti SANS REPOS Par Nicolas Mangin - Photo Andy N’Guyen

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Conseiller en entreprise, Roger Gonnet est âgé d’une trentaine d’années lorsqu’il se laisse convaincre par son oncle de s’initier à la dianétique. Ce dernier dirige un groupe de scientologues à Paris. Séduit par les cours, Roger Gonnet souhaite appliquer cette pratique à son travail. En 1975, il ouvre une “franchise” à Neuville-sur-Saône. Un succès immédiat qui le pousse à gravir des échelons au sein de la scientologie. Face à l’évolution sans fin des cours et à la succession des livres destinés à l’apprentissage de la dianétique*, il demande des éclaircissements à Ron Hubbard*, le fondateur de l’Église de scientologie. Dans l’impossibilité de le rencontrer, il écrira des courriers qui demeureront sans réponses. “Apprendre à apprendre” déclare la scientologie. Roger Gonnet comprend qu’il faut se contenter d’obéir… et d’investir des sommes colossales pour progresser. Lorsqu’il atteint l’un des niveaux les plus élevés de la secte, il a dépensé plus de 30 000 euros. Ce niveau aborde une croyance tenue secrète tant que le scientologue n’a pas atteint ce palier. Elle explique l’existence d’êtres immatériels (Thétans*) dirigés par Xenu*, les âmes extraterrestres et leur Des procédés influence néfaste sur l’Homme, etc. Mais il n’aura pas le temps de se poser imposent la question de son avenir au sein de la à une secte. Convoqué à la Sea Org de Copenhague en 1982, il est accusé de personne de trahir les fondements de la scientologie rompre avec et de “mettre en doute les techniques d’Hubbard”. Jugé coupable, Roger son entourage Gonnet est exclu. Il découvre à son retour que ses locaux ont été vidés de tout le matériel (livres, ordinateurs, appareils de mesure...) dont il se servait pour donner les cours. Déclaré “suppressif”, c’est-à-dire ennemi de la secte, il se lance dans une lutte acharnée contre la scientologie. Son but n’est pas de critiquer une opinion religieuse mais des procédés qui “imposent notamment à une personne de rompre avec son entourage”. En 1999, il publie La Secte aux éditions Alban. Un livre qui mêle son expérience à de nombreux témoignages recueillis sur son site internet (www.antisectes.net). Tout y passe : les moyens mis en œuvre pour briser la personnalité des membres, les réseaux d’espionnage dont bénéficierait l’organisation, la lourdeur d’une administration dont il est impossible de définir les contours… “Une entreprise pour faire du fric” conclut-il d’un ton amer. À ce jour, neuf procès lui ont été intentés, principalement pour injure ou diffamation. Roger Gonnet en a perdu

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quatre, sanctionné chaque fois d’un euro symbolique en faveur des plaignants. En 2003, il a dû payer 450 euros d’amende pour ne pas avoir déclaré son site à la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Cette situation le fait sourire. Il n’a jamais été inquiété pour la quantité impressionnante de documents réunis sur son site. Il y a répertorié notamment les contrats sordides que sont censés signer les nouveaux scientologues et des documents démontrant l’emprise de la secte sur les membres. Roger Gonnet regrette que les dérives de la scientologie supplantent les effets bénéfiques de la dianétique de ses débuts. “L’Église de scientologie est devenue un véritable danger lorsque le Religious Technology Center a pris le pouvoir en 1982. On n’avait pas cette mentalité de vente à la dure avant son

entrée en scène” déplore-t-il. Cet organisme détient les droits résultant de la scientologie et de la dianétique depuis la mort de Ron Hubbard en 1986. Aujourd’hui encore, des rééditions suspectes de ses écrits font régulièrement leur apparition. La voie à suivre pour atteindre le “Pont” - la liberté totale - est devenue interminable. “Les étapes ont augmenté en nombre,” explique Roger Gonnet. “Certaines sont farfelues : se déplacer sans son corps, lire sans avoir le livre sous les yeux...” Un procédé usuel dans les sectes : donner à leurs membres un objectif lointain en manipulant leurs besoins et en prenant en otage leurs espoirs. La directrice de l’Église de Scientologie de Lyon - que nous avons rencontrée - montre à ses jeunes recrues où elle se situe sur le “Pont.” Un point tout en bas, juste au-dessus de ses débutants. Elle est pratiquante depuis plus de dix-huit ans !

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Sectes

Vice-président du groupe d’études sur les sectes à l’Assemblée nationale, Georges Fenech siège également au conseil d'orientation de la Miviludes. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Face aux sectes, publié en 1999.

Georges Fenech, un sectivore. . . Ancien magistrat, il a instruit de 1996 à 2005 un procès à Lyon contre la scientologie. Vingt-trois scientologues ont comparu pour escroquerie, complicité d’escroquerie et abus de confiance et, pour l’un d’entre eux, atteinte involontaire à la vie d’autrui. Un père de deux enfants s’était donné la mort six mois après être entré à l’Église de scientologie. Entretien réalisé par Virginie Malicier - Photo DR

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Quelle est la finalité de la commission que vous présidez ? Les trente parlementaires de la commission travaillent sur un rapport qui sera remis le 19 décembre 2006 au président de l’Assemblée nationale. Notre travail se base sur l’audition des différents ministères concernés (Justice, Intérieur, Santé, Education nationale, Famille, Jeunesse et Sports) et sur les témoignages des présidents d’associations de lutte contre les sectes : Catherine Picard, présidente de l’Unadfi (Union nationale des associations pour la défense des familles et de l’individu victimes des sectes), Daniel Grocola, président du CCMM (Centre de communication, d’éducation et d’action contre les maladies mentales) et Jean-Michel Roulet, président de la Miviludes. L’objectif est d’établir un état des lieux de la situation actuelle et de recenser les différents dispositifs existants pour la protection des mineurs, afin de proposer des réformes législatives qui permettront de renforcer cette protection. Quels sont les mouvements sectaires plus particulièrement incriminés ? Mon but n’est pas d’établir une liste de sectes car il n’y a pas de définition juridique du terme “secte” dans notre pays. Ceci contreviendrait à la liberté de conscience et à la loi 1901 sur le droit à créer des associations. En outre, la référence à une liste comporte un côté pervers : un mouvement à caractère sectaire pourrait revendiquer sa non-appartenance à une telle liste comme preuve de son caractère inoffensif. Il serait donc vain de pointer du doigt tel ou tel mouvement. Je préfère déterminer comment sont traités les enfants dans les mouvements sectaires, par rapport aux lois de la République. Les enfants des membres de sectes sont-ils confrontés à des dangers particuliers ? On estime à environ 80 000 le nombre d’enfants touchés par les mouvements sectaires. Le risque se situe essentiellement au niveau de leur santé, surtout pour ceux qui ne fréquentent pas les

établissements scolaires reconnus, c’est-à-dire dont les parents ont choisi l’enseignement à domicile ou à distance et pour lesquels il n’existe pas de contrôle réel. On observe d’une part des risques pour la santé mentale et d’autre part des risques pour la santé physique : malnutrition ou refus de la transfusion sanguine, voire absence de soins. N’oublions pas que la France est signataire de la Convention internationale de New York sur les droits des enfants qui stipule que ceux-ci doivent pouvoir devenir des citoyens libres, être capables de jugement et de faire preuve de sens critique. Or, pour l’instant, les pouvoirs publics ne surveillent que l’acquisition des connaissances comme le français, les mathématiques ou la géographie, mais ne contrôlent pas le développement psychologique des enfants. C’est cette lacune qui doit, en priorité, être comblée. Comment lutter plus efficacement contre les sectes ? On fait déjà beaucoup ! La lutte contre les mouvements à caractère sectaire passe avant tout par la prévention, notamment assurée par des associations comme l’Adfi et le CCMM. Ensuite, c’est le droit commun qui s’applique. Les magistrats peuvent alors s’appuyer sur les lois pour la protection de l’enfance, sur le code pénal pour les atteintes sexuelles ou la non-assistance à personne en danger, ainsi que sur les lois relatives à la fiscalité. Ces dernières années, un redressement fiscal a, par exemple, été ordonné à l’encontre des témoins de Jéhovah qui ont dû payer une amende s’élevant à 70 000 euros. Dans un registre plus spécifique, la loi About-Picard* réprime depuis juin 2001 la sujétion psychologique* qui correspond plus ou moins à l’abus de faiblesse. Une trentaine de procédures sont d’ailleurs engagées en ce moment sur la base de cette loi. Enfin, chaque département possède une cellule de vigilance sur les sectes tandis que, dans le ressort de la cour d’appel, un magistrat est désigné par le parquet général pour coordonner les actions de vigilance.


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Sectes

Peut-on dresser un panorama du phénomène sectaire en France ? Actuellement, on estime que 170 000 à 180 000 personnes seraient membres de sectes, dont 140 000 témoins de Jéhovah auxquels s’ajoutent les milliers de membres de l’Église de scientologie (particulièrement bien implantée à Lyon) et les Raëliens. Certes, on observe une baisse par rapport à 1990 où on avançait le nombre de 300 000 personnes touchées par les mouvements sectaires. Néanmoins, la vigilance demeure d’autant plus nécessaire que les mouvements satanistes sont en expansion et qu’ils touchent de plus en plus de jeunes depuis une dizaine d’années. Député UMP du Rhône depuis 2002, Georges Fenech préside la Commission parlementaire chargée d’étudier les effets des sectes sur la santé physique et mentale des mineurs. (Photo ci-contre)

Yvette Genosy est l’ancienne présidente de l’antenne lyonnaise de l’Adfi. Tout comme les autres militants des associations de lutte contre les sectes, elle s’est montrée réticente à parler, arguant du secret professionnel. Sans divulguer de chiffres, elle a néanmoins accepté de témoigner sur les évolutions récentes qu’ont connues les sectes à Lyon. “La situation actuelle est terrible car elle ressemble presque à une guerre souterraine. Il y a cinq ans, j’aurais pu dénombrer quarante-cinq sectes à Lyon, avec leur adresse et le nom de leur responsable. Aujourd’hui ce n’est plus possible. En réalité on tâtonne. Tandis que des personnes vulnérables sont embrigadées tous les jours, notre travail est beaucoup plus difficile car la faculté d’adaptation des sectes réduit notre marge de manœuvre. Ainsi en quelques années, la plupart des sectes figurant sur la liste gouvernementale ont déménagé et on ne connaît plus désormais que l’adresse de l’Église de scientologie, sur les pentes de la CroixRousse, et de Nouvelle Acropole, dans le Vieux Lyon. Malgré tout, nous continuons la lutte, en misant surtout sur la prévention et l’accueil aux victimes : trois cent quatrevingts dossiers sont actuellement traités par l’Adfi-Lyon.”

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Jacques Studer, Grand MaĂŽtre provincial, GLNF


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Franc-maçonnerie

Alors que la franc-maçonnerie a toujours suscité la curiosité, elle demeure méconnue. Elle n’est pourtant qu’un regroupement à caractère philosophique, ésotérique et initiatique d’hommes - et plus récemment de femmes - qui se consacrent à la recherche de la vérité, à l’amélioration de l’homme et de la société. Ses rites, ses décors et ses codes en font une véritable microsociété.

Lyon, entre le compas et l’équerre Par Guillaume Frixon et Thomas Flagel - Photos DR

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Difficile de ne pas être troublé par ces tenues (tabliers et gants blancs) et ces diverses formules prononcées par les “frères”* d’une même loge - local rituellement aménagé où se réunissent les francs-maçons -, héritage vivant d’une histoire mouvementée : “J’aimerais mieux avoir la gorge coupée que de révéler les secrets qui m’ont été confiés” ou encore “Que mon cœur soit arraché si je trahis les secrets”. La légende fait remonter son origine au temple de Jérusalem du roi Salomon. Toutefois, il faut attendre l’an 1750 pour que la franc-maçonnerie s’affirme dans la capitale des Gaules par le biais de Jean-Baptiste Willermoz, alors âgé de 20 ans. Trois ans plus tard, il crée la loge de la Parfaite Amitié. Alors que nombre de ses frères maçons s’égarent, Willermoz aspire à une place de choix dans la maçonnerie ésotérique. S’inspirant des doctrines théosophiques de Martines de Pasqually, il fonde le Rite Ecossais Rectifié* (1782) qui apparaît comme l’un des plus anciennement constitués et des plus intéressants par la qualité de son symbolisme. L’émulation maçonnique de l’époque est vive. L’autre grand personnage de la maçonnerie lyonnaise est Cagliostro. En 1784, il fonde la Sagesse Triomphante, une loge pratiquant d’étranges rites d’inspiration égyptienne qu’il installe aux Brotteaux. Il tentera d’attirer vers lui son aîné Willermoz. Mais celui-ci ne goûtera pas le style trop exubérant d’un Cagliostro auto-proclamé Grand Copte (chrétien d’Égypte et d’Éthiopie). La franc-maçonnerie se divise en obédiences*

et en loges. Les obédiences dites régulières sont reconnues par la Grande Loge d’Angleterre (Grande Loge Nationale Française). Elles sont déistes et œuvrent à la gloire du Grand Architecte de l’Univers. Leurs rites sont chevaleresques et aucune femme n’est admise dans leur “.monde sacré.”. Les obédiences séculières (Grand Orient de France, Droit Humain, Grande Loge Féminine de France) s’ouvrent aux agnostiques, aux athées et même aux femmes dans des loges mixtes (DH) ou féminines (GLFF). Ces obédiences sont empreintes d’humanisme et s’ouvrent à des réflexions sur les questions de société. La plupart des maçons appartiennent aux couches favorisées de la population (cadres, avocats, banquiers, hauts fonctionnaires…), ce qui fait craindre une influence dans les hautes sphères de l’État. La hiérarchie interne de chaque obédience et de leurs loges est pyramidale et non-démocratique. Divers grades (Apprenti, Compagnon, Maître) et degrés différencient les frères. Ils consacrent les progrès (connaissances des rites, travaux réalisés…) de chaque maçon. Devenir un frère n’est pas chose aisée. Louis M, un ancien Vénérable Maître d’une loge de la GLNF soucieux de rester anonyme, définit le franc-maçon comme “un homme libre et de bonne moralité qui doit être coopté par un frère de la loge. Ensuite, trois frères se chargent d’enquêter sur le postulant.”. Vie du candidat Que (enfance, études, famille, profession), mon coeur engagement politique, conceptions philosophiques et métaphysiques soit arraché sont passés à la loupe. Si le si je trahis candidat est jugé intéressant, il se présente au cérémonial du les secrets

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Médium

Franc-maçonnerie

Passage sous le bandeau : une sorte de grand oral, les yeux bandés (pour préserver l’anonymat des frères en cas d’échec), devant l’ensemble des frères de la loge (d’une trentaine à une soixantaine). S’ensuit un vote : positif avec une boule blanche déposée dans un tronc, négatif avec une boule noire. Le postulant est blackboulé - refusé - à partir de la troisième boule noire. S’il est accepté, le candidat est désigné Apprenti et reste un an, sans parler, à écouter ses frères. Une période dédiée à l’inculcation et à l’intériorisation des fondements maçonniques. Ensuite, il devient Compagnon et s’attèle à “dégrossir la pierre”. Enfin, il passe Maître quand il a acquis le contrôle de soi par la remise en cause perpétuelle de ses opinions grâce à l’échange verbal avec ses frères lors des tenues*. Réunis au temple une fois par mois, les francs-maçons rédigent des exposés appelés “planches”. En règle générale, ces travaux sont au nombre de deux par an pour les Apprentis et Compagnons, un seul pour les Maîtres. Ils planchent sur la numérologie et la symbolique.* La franc-maçonnerie a toujours cultivé le secret. Il protégeait les frères du pouvoir en place. Cela n’empêcha pas l’exécution de nombreux maçons durant la Révolution. Après le siège de la ville par les armées de la Convention en 1793, au moins 136 maçons périssent sur l’échafaud. Au XXe siècle, le régime de Vichy les traqua et les extermina massivement. Gérard Collomb, un maçon bien entouré

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Jamais Gérard Collomb n’aura caché son appartenance au Grand Orient de France. Son élection comme maire en 2001 en avait déjà surpris plus d’un, mais nul ne s’imaginait qu’il s’entourerait d’autant de frères et de sœurs :

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Il n’est pas rare d'entendre dire que M. Perben serait maçon. Or, tous les maçons savent pertinemment que ce n’est pas vrai.

son premier adjoint Jean-Louis Touraine, Gilles Buna (2e adjoint en charge de l’Urbanisme et du Développement durable), Martine Roure (3e adjointe aux Affaires sociales et à la Solidarité), Thierry Braillard (adjoint aux Sports), Yvon Deschamps (adjoint aux Finances), Jean-Michel Daclin (adjoint au Rayonnement International et au Tourisme). Une liste non exhaustive puisque le secret maçonnique interdit à quiconque d’évoquer le nom de maçons qui n’auraient pas, au préalable, révélé publiquement leur affiliation. À l’exception de Martine Roure, sœur de la Grande Loge Féminine de France, tous ces élus sont membres du Grand Orient. Par ailleurs, Jacques Studer, actuel Grand Maître Provincial* de la Vallée du Rhône (GLNF), et Louis M (GLNF), affirment que plusieurs de leurs frères sont également élus au conseil municipal. Néanmoins, il serait abusif de supposer que les maçons font les élections. “Toutes les tendances sont représentées au sein des obédiences”, explique Jacques Studer, “le temps où les radicaux contrôlaient les loges est terminé.”. Martine Roure (3e adjointe) préfère dissiper tout malentendu en assurant que “le maire a choisi autour de lui des compagnons de route, des amis et des personnes de confiance. Il n’a jamais fait attention à l’appartenance maçonnique, et nous n’en parlons jamais”. D’ailleurs, le travail entre maçons ne présenterait pas que des avantages. Selon Pierre Piovézan, maçon depuis 40 ans au GO, “les frères sont très exigeants entre eux. La franc-maçonnerie est une loupe qui vous met à nu. Cela demande des vertus.” Un discours tranchant singulièrement avec celui de Louis M pour qui “les consignes de votes entre frères sont officieuses. Un frère de droite peut très bien voter pour un frère de gauche.” Pour retrouver la trace d’un maire maçon à Lyon, il faut remonter au début du siècle dernier avec Antoine Gailleton (1881-1900) et Jean-Victor Augagneur (1900-1905). En revanche, l’entourage des maires de Lyon a toujours été très marqué du sceau de la maçonnerie. Edouard Herriot n’aurait pas siégé si longtemps sans l’appui des frères. Idem pour Louis Pradel et Francisque Collomb. Sous Michel Noir, leur influence a été progressive. Minime en début de mandat, plus importante sur la fin. Enfin, Raymond Barre, proche de l’Opus Dei, a vu le Front National essayer de le déstabiliser en le faisant passer, lui aussi, pour maçon. Pierre Piovézan conclut fermement : “la franc-maçonnerie n’est pas faite pour militer. Il n’y a pas de vote maçon à Lyon.” Dominique Perben en quête de tablier Les Lyonnais le savent bien : la course aux municipales de 2008 a commencé depuis longtemps. Pour l’heure, Gérard Collomb semble toujours bénéficier du soutien de la majorité des électeurs. À 61 ans, Dominique Perben est parti de loin. Sa candidature date du mois de juin 2003. Actuel ministre des Transports et président de la fédération UMP du Rhône, il ne semble pas avoir résisté à la tentation franc-maçonne. En vieux briscard de la politique, il reste discret et fait parler son entourage proche à sa place. D’après Louis M de la GLNF, “il n’est pas rare d’entendre dire que M. Perben serait maçon. Or, tous les maçons savent pertinemment que ce n’est pas vrai.” De façon plus concrète, le candidat UMP aurait tenté une approche du Grand Orient en se rendant à l’un de


En exclusivité, une vue intérieure de l’un des six nouveaux temples de la GLNF, inaugurés le 17 novembre à Rillieux-la-Pape

ses ateliers. L’optique était simple : être initié et espérer ainsi le soutien des francs-maçons. “Cela fait clairement partie d’une stratégie. Il connaît la richesse de l’histoire et des réseaux maçonniques de la mairie” explique Michel Chomarat avant d’ajouter “mais ce n’est pas à un an d’échéances électorales qu’on se place de la sorte”. Au bout du compte, l’accueil aura été “.plus que froid.”. Monsieur Perben a donc été cordialement prié de revenir dans un an s’il voulait réellement devenir franc-maçon… L’expansion franc-maçonne Grand-Maître provincial de la GLNF depuis décembre 2004, Jacques Studer ne boude pas son plaisir. C’est un peu son œuvre qui sort de terre. Vendredi 17 novembre, en fin de matinée, de nouveaux

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J’aurai laissé une belle marque dans la maçonnerie lyonnaise

locaux ont été inaugurés en grande pompe à Rillieux-la-Pape. Sept mois de travaux, 2 450 m2, six temples pour un coût estimé à 3 millions d’euros. Pour financer un tel projet, la GLNF a dû emprunter, sur 25 ans, deux millions d’euros. Des salles lumineuses et des temples spacieux qui en imposent. L’un d’eux peut accueillir jusqu’à 500 personnes dans sa configuration optimale. Rien à voir avec les précédents locaux de la rue Montesquieu (Lyon 7e) qui, sur 1 000 m2, abritaient trois temples. “Cela doit pouvoir nous permettre de fonctionner durant une bonne quinzaine d’années. J’aurai laissé une belle marque dans la maçonnerie lyonnaise.” se félicite Jacques Studer. Son obédience compte quelque 2.000 frères sur la vallée du Rhône (Ain, Nord-Isère, Drôme, Ardèche, Rhône) répartis en 64 loges. Dans le Grand Lyon, ils sont 1 300 sur une cinquantaine de loges. Depuis 2004, les effectifs croissent de 8.% chaque année. Côté Grand Orient, l’autre grande obédience : un millier de frères répartis sur 21 loges. Si l’avenir passe nécessairement par un recrutement socialement brassé et rajeuni (la moyenne d’âge à l’entrée se situe aujourd’hui autour de 35/40 ans), la franc-maçonnerie semble encore disposer de beaux jours devant elle. En trente ans, le nombre de frères a triplé pour atteindre, en France, 145.000 maçons dont 6.000 à Lyon. Le Temple n’est pas achevé.

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Franc-maçonnerie

Entré en franc-maçonnerie à plus de 40 ans, Michel Chomarat est membre du Grand Orient de France. Actuel chargé de mission Mémoire à la Mairie de Lyon, il fut, en juin 2003, commissaire de l’exposition Lyon, carrefour européen de la Franc-maçonnerie au musée des Beaux-Arts. Franc-maçon atypique pratiquant à la fois le rite français et le rite écossais rectifié, Michel Chomarat revendique sa liberté politique (ancien élu de droite passé au Parti Radical de Gauche), son homosexualité et ses croyances religieuses.

“La franc-maçonnerie n’est pas une société secrète !.” Le fait que Gérard Collomb soit franc-maçon a-t-il joué en sa faveur pour qu’il soit élu maire en 2001 ? Il ne faudrait tout de même pas imaginer que parmi tous les frères lyonnais, estimés à 6 000, il existe une unité de pensée politique. Quand on est dans l’opposition, il est normal d’essayer de faire bouger les choses et de faire évoluer les pensées autrement que par l’exercice du pouvoir. La franc-maçonnerie est, à ce titre, un bon ressort. Quand Gérard Collomb a gagné les élections, il ne s’y attendait pas. Il a donc puisé parmi ses amis et ses relations pour constituer son équipe municipale. Si l’on dénombre autant

d’adjoints maçons, c’est que ces derniers étaient, avant tout, des hommes ou des femmes compétents et de confiance, présents dans l’entourage de Gérard Collomb. Il considérait qu’ils étaient les meilleurs pour les postes à pourvoir. Voilà tout. De nombreux élus de l’opposition sont aussi francs-maçons mais il faut bien reconnaître qu’à droite, rares sont ceux qui font état de leur appartenance maçonnique. Cela comptera-t-il pour les prochaines élections municipales ? Rien n’est fait. Que Gérard Collomb soit franc-maçon ou pas, ce sera surtout la suite de la présidentielle et des législatives. J’insiste sur le fait qu’il sera avant tout jugé par les Lyonnais sur son bilan. Le fait de se dire ouvertement francmaçon oblige à respecter notre idéal humaniste, à être en harmonie avec nos actions. Le jugement des “frères” se reposera, quoi qu’il arrive, sur les actions de M. Collomb dans le champ public. Je suis prêt à parier que s’il est reconduit, le nombre de maçons parmi ses adjoints sera bien plus limité qu’aujourd’hui car son choix aura été mûri par l’expérience de son premier mandat. L’équipe municipale actuelle dispose tout de même d’un réseau politico-maçonnique influant ? Aujourd’hui, ces réseaux se font discrets voire rares. Les réseaux sont essentiellement réactivés pour défendre certaines valeurs

24 Entretien réalisé par GUILLAUME FRIXON et THOMAS FLAGEL - Photos T.F. et N.B.


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Franc-maçonnerie

phares de la République (laïcité, lutte contre l’extrémisme, etc.). Nous faisons systématiquement front contre l’extrême droite. En 1998, quand Charles Millon s’est rapproché du Front National pour garder la présidence du Conseil régional, tous les frères ont cherché à faire barrage. Aux municipales de 2001, j’ai appelé à voter Collomb. Mais dire que les francsmaçons ont contribué à son élection serait une erreur. Il a longtemps travaillé dans l’ombre pour en arriver là (NDLR : il est entré au conseil municipal de Lyon en 1977, élu député en 1981, à l’âge de 34 ans, il devient maire du 9e arrondissement en 1995). Enfin, le 1er Mai 2002, la franc-maçonnerie s’est mobilisée suite à la présence de Jean-Marie le Pen au second tour de la présidentielle. Fait inédit à Lyon, les frères ont manifesté en tablier sur la place Bellecour. Les francs-maçons lyonnais ne recherchent-ils pas l’accès à des postes de responsabilité afin de peser sur le champ politique et donc sur la société ? Il faut relativiser. On nous prête un pouvoir démesuré. Il n’y a pas eu de maire maçon à Lyon depuis Antoine Gailleton (18811900) et Jean-Victor Augagneur (1900-1905) qui, eux, avaient clairement bénéficié de l’appui des maçons. Même Édouard Herriot que l’on a souvent voulu faire passer pour un “frère”, ne l’a jamais été. Il a certes toujours entretenu des relations étroites avec la maçonnerie mais n’a jamais voulu y faire son entrée. C’était un maçon sans tablier. Vous présentez un visage plutôt moderne du Grand Orient de France. Mais votre obédience ne reste-t-elle pas une société plutôt secrète dans ses pratiques, élitiste dans son recrutement et toujours interdite aux femmes ? Chaque loge est souveraine. Même si le Grand Orient décidait d’accepter les femmes en son sein, la répercussion dans la vie des loges ne serait pas directe. Et puis, une femme pratiquant le rite écossais rectifié reste une hérésie ! La place des femmes en maçonnerie est un faux problème posé par la société profane. Elles ont accès à la Grande Loge Féminine de France ou encore à celle du Droit Humain. De toute façon, certains univers sont plus masculins que féminins : la politique, par exemple, demeure un monde difficile et sans pitié. Une chose importante : les obédiences sont considérées comme des associations. Elles sont rattachées à la loi du 1er juillet 1901. La franc-maçonnerie n’est donc pas une société secrète ! Il faudrait plutôt parler de société discrète. Quelle est votre position sur les fraternelles, sorte de réunions inter-obédiences clairement destinées, pour certaines, au business ? Le Grand Orient de France est contre les fraternelles. Personnellement, je pense qu’elles sont contraires à l’universalisme de la franc-maçonnerie. J’y suis fortement hostile car la francmaçonnerie est, à mon sens, un lieu de brassage social qui doit réunir toutes les confessions et les origines. Il existe par exemple une fraternelle politique dont le seul intérêt est affairiste. Cela participe et entretient malheureusement la mauvaise image et la suspicion dont nous sommes victimes. Le compas et l’équerre, symbole maçonnique sur un luminaire de l’hôtel de Ville de Lyon


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Point de vue

Monseigneur Barbarin, archevêque de Lyon, Primat des Gaules.

“Je n’ai rien contre les francs-maçons” Le cardinal Joseph Ratzinger signe, le 26 novembre 1983, la déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Cette dernière assure que l’inscription aux associations maçonniques “demeure interdite par l’Église” et que les fidèles qui s’y inscrivent “sont en état de péché grave”. Devenu pape en 2005, il ne s’est toujours pas prononcé sur la question... Pour Monseigneur Barbarin, l'heure est à l’apaisement. Par ailleurs, il revient sur l’essor de la scientologie.

‘‘ Aller à l’Église et faire vivre la religion, c’est le meilleur moyen de lutter contre les sectes

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Les mouvements sectaires se sont multipliés dans la deuxième partie du 20e siècle et à ce jour, des centaines de milliers de personnes en France sont victimes de la manipulation des sectes. Comment analysez-vous ce phénomène ? La loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État assure un libre exercice des cultes. Or depuis plusieurs dizaines d’années, les religions sont en régression en France. Un exemple : si 73% des Français se déclarent catholiques, seuls 5% sont pratiquants. En parallèle de la désertion des églises par les fidèles, on observe une recrudescence des sectes. Pourquoi ? Parce qu’il y a un manque, parce que tout homme a une soif spirituelle et que beaucoup de gens ont l’impression de ne plus pouvoir trouver de réponses dans la religion. Plus les lieux de cultes sont mous, plus les sectes ont des adeptes. Il faut donc inverser ce phénomène, faire en sorte de retrouver une ferveur religieuse. Le fond de la question, c’est la négation par la société actuelle de la dimension spirituelle de l’homme.

Quelle est votre opinion sur les relations entre l’Église et les francs-maçons, sachant que beaucoup d’entre eux revendiquent leur foi en Dieu ? Il faut faire attention quand on parle des francsmaçons. En effet, on pourrait dire, en caricaturant, que certains voudraient brûler la Bible, tandis que d’autres souhaiteraient en faire le livre de chevet universel. Il ne faut donc pas généraliser. D’après mon expérience personnelle, je distingue trois types de francs-maçons français. Ceux qui sont profondément athées et désirent la mort de la religion : au-delà de l’anticléricalisme primaire, ils nient la dimension spirituelle de l’homme et rendent ainsi impossible toute discussion avec l’Église. Ceux qui se déclarent chrétiens, pour la plupart catholiques, mais ne sont pas pratiquants, n’assistent qu’exceptionnellement à la messe, se marient à l’Église et font baptiser leurs enfants sans vraiment savoir pourquoi : ils ne sont finalement que des hypocrites. Enfin, il y a ceux qui sont vraiment croyants et pour qui la foi constitue un élément important de leur vie. Certes ils ont leur place dans l’Église, mais alors pourquoi deviennent-ils francs-maçons ? Qu’est-ce que cela leur apporte de plus que la pratique de la religion ? Et si certains entrent dans la franc-maçonnerie par intérêt, ce n’est pas digne de la morale chrétienne.

Entretien réalisé par VIRGINIE MALICIER Photo ÉRIC SOUDAN


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Point de vue

L’analyse De L’église catholique Entretiens réalisés par Guillaume Frixon et Thomas Flagel

Comment évoquer l’occultisme sans solliciter le jugement de l’Église ? À Lyon, ville religieuse par excellence, elle est sondée, écoutée, voire respectée. Chacun des responsables directement en charge de ces questions a répondu à nos questions. Comment analysez-vous l’activité, parfois soutenue, des mouvements sectaires à Lyon ? Père Franck Lemaître (en charge des “sectes et nouvelles croyances”, diocèse de Lyon) : Ce qui me frappe, c’est que tout le monde peut - un jour ou l’autre - être concerné par un groupe sectaire. Certaines sectes recrutent plutôt les personnes en situation difficile : santé, chômage, deuil… D’autres prospèrent dans les familles à haut niveau économique et culturel. Les campus universitaires de Lyon font régulièrement l’objet de campagnes publicitaires. L’Église catholique a sa propre manière de réagir à la question sectaire. À la différence de certains journaux ou de certaines associations, l’attitude de l’Église n'est jamais hypercritique ou alarmiste. Cela dit, il faut bien prendre acte aujourd’hui que l’expérience religieuse peut parfois être détournée. Notamment à des fins financières par des groupes qui captent l’actuelle séduction de l’irrationnel, du magique, du mystérieux, et des besoins de guérison. Cette perversion de l’expérience de Dieu peut occasionner des dégâts considérables sur la personne. Et c’est contre ces pathologies du “croire” qu’il faut réagir. Un certain nombre de Catholiques lyonnais pratiquent le spiritisme qui prône les théories d’Allan Kardec. Quelle position adoptez-vous par rapport à ces théories et à la supposée communication avec l’esprit des morts ? Père Franck Lemaître : Dernièrement, ma nièce de trois ans m’interrogeait au sujet de son grand-père récemment décédé : “dis, tonton, où il est maintenant, papi ?” Les enfants posent souvent les questions essentielles. Et quand nous, adultes, nous venons de perdre un proche, ces questions-là refont surface : me voit-il ? Entend-il ma voix ? Peut-il quelque chose pour moi ? À toutes ces questions, la doctrine spirite répond positivement. Pour Allan Kardec, au moment de la mort, l’âme se libère du corps et continue son existence personnelle. Un “esprit”, pour les spirites, est donc un être humain libéré de son corps physique. Pourquoi ne pas essayer de le contacter ? Je comprends bien sûr l’attrait du spiritisme et je respecte la douleur de ceux qui sont éprouvés par le départ d’un être cher. Je sais bien aussi que les 1 019 demandes et réponses du livre-catéchisme d’Allan Kardec reprennent certains aspects de la foi chrétienne. Mais il faut être clair : le spiritisme est incompatible avec l’Évangile de Jésus Christ. Comme Chrétien, je crois que la mort n’est pas le terme de notre existence, que nous pouvons rester en communion avec les morts qui ont “disparu” à nos yeux. Mais je ne crois pas que les morts sont là pour satisfaire notre curiosité, comme on évoque

les esprits dans les séances spirites, en les obligeant à entrer en communication avec nous par quelque procédé magique. J’ai rencontré plusieurs fois des personnes qui avaient pratiqué le spiritisme ; après un soulagement passager, tenter de communiquer avec les morts mène à une impasse, et finalement à la déception. Un rapport parlementaire de cent pages a été publié au mois d’octobre pour lutter contre l’essor de pratiques satanistes en France. Comment analysez-vous ce phénomène ? Père Benoît Domergue (diocèse de Bordeaux) : Il est important d’affirmer que nous ne pouvons pas croire au Diable comme nous croyons en Dieu. En revanche, nous sommes en mesure d’affirmer que nous reconnaissons l’existence du démon, ce qui est une nuance importante. Le satanisme serait une “contre religion” en particulier dans ses fondements et ses objectifs à l’encontre de la Rédemption du Christ (NDLR : sacrifice de Jésus pour racheter tous les pêchés des hommes). Dans cette logique nous devons affirmer que le satanisme ne saurait exister au même titre que nos Églises. Ce culte est étranger à l’ecclesia - littéralement l’assemblée - puisque ses principales activités consistent précisément à nuire ou haïr le prochain dans son intégrité morale et/ou physique. La franc-maçonnerie a toujours eu des relations difficiles avec l’Église. Qu’en est-il de la situation actuelle ? Père Gilbert Brun (responsable du service “incroyance et foi”, diocèse de Lyon) : Aujourd’hui, l’heure est à l’apaisement. Après des périodes de mise en garde et d’excommunication, nous cherchons à instaurer un dialogue avec la franc-maçonnerie. Nous nous respectons et nous écoutons. Nous ne cherchons pas forcément à nous convaincre car cela nous réduirait au discours. Je prône le dialogue. À mon sens, nous avons affaire à des francsmaçons et non à la franc-maçonnerie. Nous ne sommes plus à l’époque du dialogue institutionnel. Nous rencontrons essentiellement le Grand Orient de France, et nous échangeons sur la foi, la croyance. Nous avons des thèmes transversaux : quelle fraternité cultiver ? En maçonnerie, on est “frère”, alors que, pour nous, cela découle d’une unique paternité divine. Quelle place donner à la Bible ? Les maçons la voient comme un livre de sagesse ouvert à tous, pour l’Église c’est une trace que Dieu a laissée dans le cœur des hommes. De quel Dieu parlons-nous ? Du Grand Architecte de l’Univers ou du Père, du Fils et du Saint-Esprit ? En dernier ressort, je renvoie chacun à sa conscience personnelle. L’Église et la franc-maçonnerie apportent des connaissances mais cela reste ensuite une libre recherche de vérité.


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Portrait

La voyance

cartes sur table Par Arthur Aguilera - Photos de Nicolas Baker

Depuis 19 ans, Flora exerce le métier de voyante dans son appartement du 7e arrondissement de Lyon. À 45 ans, elle a su se faire un nom dans le milieu lyonnais de la divination.

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Exit les images de voyante devant une boule de cristal, un fichu sur la tête et d’envahissantes créoles aux oreilles. Flora, elle, joue cartes sur table. Le tarot de Marseille est son support favori. Alexis Tournier, autre voyant lyonnais, célèbre pour avoir participé à l'édition 2004 de Koh Lanta, utilise également cette méthode en plus de la voyance par flash, “qui s’apparente plus à une intuition ou à un ressenti qu’à la vision d’une image.” Flora dispose quatre cartes en colonne sur la table : l’Empereur

définit la représentation de soi, la Roue de Fortune la sphère privée, l’Amoureux la vie sentimentale et la Force la vie professionnelle. “Maintenant, disposez quatre nouvelles cartes sur chacune des lignes, si vous avez une question pensez-y et je tenterai d’y répondre.” Elle étale les 18 figures restantes, face cachée. Carte après carte, pour la professionnelle des arts divinatoires, le destin du demandeur se dessine sur le bureau. Flora entre alors dans un état de réflexion profonde pour interpréter la difficile équation formée par la vingtaine d’arcanes* désormais découverts. Le silence s’installe. Cinq longues minutes. Le temps de focaliser sur la treizième carte, plutôt effrayante : l’arcane sans nom. Une représentation allégorique de la mort en grande faucheuse, moitié humaine moitié squelette, marchant sur un sol jonché de crânes… “C’est celle qui fait le plus peur, mais elle annonce avant tout un changement, un bouleversement” rassure Flora comme si elle avait deviné les pensées du consultant. L’interprétation L’interprétation peut “déranger, voire empêcher de dormir, prévient-elle. Beaucoup sont déstabilisés. Il y a des personnes pour lesquelles je ne vois rien”, affirme Flora. Alexis Tournier fournit un début d’explication : “on a la clientèle qui nous ressemble, avec les autres ça ne marche pas”. Une clientèle en majorité féminine. Un tiers consulte régulièrement. Des habitués, pas des accoutumés. Les deux voyants sont d’accords sur ce point : au delà de deux séances par an cela n’a plus d’utilité. “On me l’avait prédit” Flora devait devenir avocate. Elle entama donc des études de droit à l’université de Lyon. “Un ami en Deug qui passait le temps en faisant des thèmes astraux m’a dit que je serais voyante. Je l’ai d’abord pris pour un imbécile mais j’ai fini par l’épouser !.” Plusieurs autres voyants lui ont ensuite confirmé que son destin graviterait autour de la divination. Les dés étaient jetés. C’est en 1987, à l’occasion d’un salon de la voyance dans la capitale des Gaules, qu’elle prend conscience de sa vocation. “C’est là que j’ai fait mes premières voyances payantes à vingt francs la consultation, en moyenne quatre fois par jour”, pas encore de quoi nourrir une famille. Aujourd’hui la consultation coûte trente euros pour quarante-cinq minutes. Un tarif plutôt attractif comparé à celui d’Alexis Tournier : soixante-dix euros pour quinze minutes de plus.


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AGAPE : collation fraternelle à l’issue de la tenue d’une loge. AUDITION : technologie développée par Ron Hubbard pour aider une personne à explorer son mental, sa vie et sa relation avec elle-même afin de supprimer les obstacles qui l’empêchent d’atteindre ses buts et ses véritables aptitudes. ARCANES : signifie “secret.”, c’est également le nom donné aux cartes qui composent le jeu de tarot de Marseille. L’arcane est censé interpeller l’inconscient. BIO-PSYCHOKINÈSE : même phénomène que la psychokinèse*, mais cette fois-ci sur un objet vivant (cellule animales ou végétales, bactéries). CATÉCHÈSE : instruction religieuse. DIANÉTIQUE : méthode de développement personnel, fondée sur l’identification et la suppression systématique des évènements négatifs de notre passé. Ils sont conservés sous formes de souvenirs et nuiraient à notre bien être. La scientologie les nomme engrammes. ÉGLISE DE SATAN : fondée en 1966 par Anton Lavey aux États-Unis. Elle prône la liberté totale tout en condamnant les pratiques macabres pratiquées aux temps antiques et médiévaux. (sacrifices, messes noires…) ÉSOTÉRISME : discipline qui étudie les choses cachées recouvrant la magie, la voyance, le magnétisme, spiritisme… EXORCISME : cérémonie au cours de laquelle le prêtre chasse les démons. FLUIDES SPIRITUELS : un des états du fluide cosmique universel. C’est le milieu où se passent les phénomènes spéciaux, et qui compose l’intermédiaire entre les mondes matériel et invisible. Les spirites canalisent ces fluides lors de séances de magnétisme. GRAND MAÎTRE PROVINCIAL : l’équivalant pour les maçons d’un préfet dans la société profane. HUBBARD LAFAYETTE RONALD (1911 - 1986) : concepteur de la dianétique et fondateur de l’Église de scientologie, sa vie reste un mystère. Auteur de nombreux romans de science-fiction, il se disait physicien, ingénieur, éducateur, philanthrope, administrateur et artiste. LOI ABOUT-PICARD (12 juin 2001) : renforce la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. MÉDIUMNITÉ : il s’agit de la possibilité pour une personne à être médium, c’est-à-dire pouvoir faire le lien entre le monde des vivants et l’au-delà. Le médium obtient donc des messages de l’au-delà, et peut même dialoguer avec les esprits. MIVILUDES : mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Organisme créé en 2004. MONDE PROFANE : concerne tout ce qui est hors de la franc-maçonnerie. MYTHE D’HIRAM : mythe initiatique qui inspire le rituel maçonnique. D’après le récit mythique, Hiram fut assassiné à la fin des travaux du Temple de Jérusalem par trois compagnons pour avoir refusé de leur donner la parole secrète. Le premier le frappa d’un coup de règle sur la gorge, le deuxième d’un coup d’équerre de fer sur le sein gauche et le dernier l’acheva d’un coup de maillet sur le front. La lecture allégorique du mythe montre qu’Hiram perd sa vie physique (la gorge), sa vie sentimentale (le cœur) et sa vie spirituelle (le front), à cause de l’Ignorance, de l’Hypocrisie et de l’Envie que figurent ses assassins. Symboliquement, le franc-maçon renaît en substituant le Savoir, la Tolérance et le Détachement à l’Ignorance, l’Hypocrisie et l’Envie. OBÉDIENCE : ensemble de loges qui ont choisi de se rattacher à une même autorité ORDRE DES CHEVALIERS ÉLUS COËNS DE L’UNIVERS : ordre franc-maçon fondé vers 1754.

Glossaire

POSSESSION : d’un point de vue religieux, il s’agit de l’emprise d’un être spirituel maléfique sur un être vivant humain ou animal. PSYCHOKINÈSE : phénomène parapsychologique où une personne arrive à agir à distance sur un objet de son environnement, en le faisant par exemple léviter, chauffer, fondre, etc. RITE ECOSSAIS RECTIFIÉ : rite franc-maçon inspiré de la Chevalerie templière, créé en 1778 à Lyon par Willermoz. SCHIZOPHRÉNIE : délire caractérisé par une perte de contact avec la réalité et une dissociation de la personnalité. SATANISTE : adepte du culte de Satan (satanisme, prefixe -isme pour refleter un dogme) affilié à une des Églises satanistes.. SECTAIRE : dans le langage courant, se dit de quelqu’un qui, par intolérance ou étroitesse d’esprit, se refuse à admettre les opinions différentes de celles qu’il professe. Plus spécifiquement, l’adjectif sectaire qualifie toute personne adepte d’une secte ainsi que tout mouvement qui s’y rattache. SECTE : le mot secte a d’abord désigné soit un ensemble d’hommes et de femmes partageant une même doctrine philosophique et/ou religieuse, soit un groupe plus ou moins important de fidèles qui se sont détachés de l’enseignement officiel d’une Église et qui ont créé leur propre doctrine. Aujourd’hui le mot “secte” désigne un groupe ou une organisation le plus souvent à connotation religieuse qui se coupe du reste de la société et qui exerce une emprise totalitaire sur ses adeptes (d’un point de vue mental, financier et même, assez souvent, sexuel). SPIRITE : qui relève du spiritisme, une théorie née du Lyonnais Allan Kardec affirmant que l’on peut entrer en contact avec les esprits des morts. SUJÉTION PSYCHOLOGIQUE : placer quelqu’un sous une domination, une dépendance plus ou moins totale, sans que cette personne en soit consciente. SYMBOLISME : interprétation philosophique d’objets et de nombres. Les francs-maçons planchent notamment sur le ciseau et le maillet qui sont les premiers outils remis à l’Apprenti pour dégrossir la “pierre brute”. Le maillet symbolise l’intelligence et la volonté mais aussi l’autorité lorsqu’il est utilisé par le Vénérable Maître ainsi que les deux surveillants d’une loge pour ouvrir et fermer les travaux ou encore diriger les débats. L'équerre pour la rectitude et la droiture, le compas (sagesse et ouverture d’esprit), la truelle (amour fraternel), le fil à plomb (la rectitude), le niveau (équilibre et égalité), le triangle, l’étoile à cinq branches ou encore la numérologie et les lettres (deux colonnes, à l’entrée des temples, flanquées d’un J et d’un B en référence au mythe d’Hiram* et aux colonnes du Temple de Jérusalem du roi Salomon). TABLES TOURNANTES : phénomène venu des États-Unis en 1855 et dont les sœurs Fox ont été à l’origine. Consiste à invoquer les esprits qui font alors bouger les tables. TENUE : réunion, séance de travail maçonnique se déroulant suivant un rituel. THÉTANS : êtres immatériels, “purs esprits.” selon Ron Hubbard, peuplant la confédération galactique. Certains auraient été exterminés pour lutter contre la surpopulation. Les cadavres auraient été envoyés sur la planète Terre. Après avoir été soumis à de l’hypnose et de la suggestion, ils se seraient incarnés, à leur réveil, dans le corps des hommes préhistoriques, parasitant ainsi leur âme. VINTRASISME : culte de Vintras préconisant la reconnaissance de ses dons exceptionnels. XENU : selon l’évangile de la scientologie, chef suprême d’une confédération galactique composée de 76 planètes qui régna voici quatre quadrillons d’années.

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La rédaction de Médium propose à ses lecteurs de parfaire leurs connaissances sur l’occulte en découvrant différents endroits mystérieux de Lyon. Fantômes, carcasses, trésors, courants telluriques... Il y en a pour tous les goûts.

Le Parcours , de l ’Eétrange 4 3 10

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Dessin : Romain Perrier


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Pratique

1. La chapelle des crânes aux Brotteaux La chapelle des Brotteaux rend hommage aux 209 Lyonnais fusillés le 3 décembre 1793 pour s’être battu contre l’armée de la Convention. Leurs restes ont été récupérés pour bâtir un autel dans la crypte de la chapelle. Os et crânes sont facilement distinguables. Frissons garantis.

XVIIIe siècle, les architectes ont estimé que la neuvième muse ne représentait pas un art. Une légende récente raconte cependant qu’une neuvième statue aurait quand même été construite, au cas où. Elle aurait été cachée dans un entrepôt de la municipalité. Et certains ajoutent qu’elle aurait été dérobée, puis revendue à une famille fortunée habitant une propriété des Monts-d’Or.

2. Le trésor de la Tête d'Or Selon une légende tenace née au Moyen-Âge, le parc abriterait un trésor : une tête en or massif. Certains disent que c’est la tête du Christ, volée dans une église. Mais on explique aussi qu’il s’agit du crâne d’un voleur qui tentait de piller la cathédrale Saint-Jean. Une épée surgie de nulle part lui trancha la tête, au milieu de la cathédrale. En tombant, elle se changea en or. Elle fut ensuite lancée dans un marais, devenu aujourd’hui le parc de la Tête d’Or. Jusqu’à ce jour, beaucoup de gens ont recherché ce crâne. En vain.

7. Cathédrale Saint-Jean : le bénitier gauche chargé en énergie Selon une légende, le bénitier gauche de la cathédrale Saint-Jean serait placé sur un courant tellurique, une onde d’énergie présente sous terre. De nombreux Lyonnais d’un certain âge viendraient à cet endroit pour se charger en énergie positive et se ressourcer. Pour cela, ils restent curieusement agrippés au bénitier en fermant les yeux.

3. Le rond de sorcières, toujours au parc de la Tête d’Or Entre le jardin zoologique et le lac du parc, cinq platanes de 25 mètres de haut sont plantés en cercle parfait. Au centre, aucune herbe ne pousse. Une légende affirme que des sorcières venaient y danser les nuits de pleine lune en appelant les esprits. D’où son nom : le rond de sorcières. Aujourd’hui, on dit que ceux qui se mettent au centre du cercle, et ferment les yeux, ressentent d’étranges vertiges. 4. Le gros caillou de la Croix-Rousse Sur la place de la Croix-Rousse se dresse un rocher appelé “le gros caillou”. Jusque-là, rien d’incroyable. Mais saviezvous que quelques mètres sous terre existe un deuxième “gros caillou” ? Il est en effet placé au milieu d’un couloir du réseau des fantasques, un souterrain serpentant la Croix-Rousse. Il n’est hélas pas accessible au public. Certains affirment que ces deux cailloux ont un lien imperceptible, et qu’ils auraient des pouvoirs magiques... 5. Le fantôme d’Alice de Theizé à Saint-Pierre Au XVIe siècle, le musée des Beaux-Arts était une abbaye où vivait une trentaine de bénédictines qui, selon la rumeur, avaient des mœurs très légères. En 1515, les autorités décident de faire cesser le scandale. Certaines religieuses sont alors poussées à se retirer de la vie de l’abbaye. Parmi elle, Alice de Theizé. Quelque temps après sa mort, des phénomènes étranges furent rapportés par les sœurs de l’abbaye. Des objets qui se déplacent, des bruits bizarres, l’apparition de fantômes... Certains indices laissent penser qu’il s’agit du fantôme d’Alice de Theizé. L’abbesse décide alors d’exorciser l’abbaye entière, ainsi que le corps d’Alice. L’évêque de Lyon s’en occupe en personne. La fin du rite est applaudie par une foule de Lyonnais rassemblés sur la place des Terreaux. Mais des phénomènes étranges ont encore été rapportés dans les années qui suivirent... 6. La neuvième muse de l’Opéra Sur le fronton de l’Opéra, huit muses sont disposées. Chacune symbolise un art. Ces représentations sont courantes dans les grands lieux artistiques d’Europe. Mais dans la mythologie grecque, ces déesses sont neuf. À Lyon, il manque Uranie, la déesse de l’astronomie. La raison est simple : à la construction de l’Opéra, au

8 . Vieux Lyon : le diamant du pape Clément V Rue Gourguillon, une des plus anciennes voies de Lyon. En novembre 1305, le nouveau pape Clément V descend cet axe en carrosse, après avoir reçu ses insignes. Une foule considérable se presse alors sur le site. Le roi de France, Philippe IV, est lui-même présent. Tout à coup, un mur s’effondre sous le poids des badauds. Des dizaines de morts et de blessés sont recensés. Le pape lui-même tombe à terre perdant sa tiare (NDLR, sa coiffe). Accident ? Attentat ? L’histoire ne le dit pas. Toujours est-il qu’en récupérant sa coiffe, Clément V s’aperçoit qu’un diamant précieux est tombé. Il ne sera jamais retrouvé, malgré les recherches minutieuses des officiers du roi de France. 9. La Vierge noire de Fourvière Cette petite statue, de moins d’un mètre de haut, est incontournable à Lyon. Placée au XVIe siècle dans la chapelle située à droite de la basilique, elle serait à l’origine de plusieurs miracles selon les catholiques lyonnais. En 1638, elle aurait permis à Louis XIII et sa femme Anne d’Autriche d’avoir un enfant. Le couple, ayant en effet du mal à procréer, aurait demandé à la Vierge de Fourvière de l’aider. Le miracle eut lieu, mais huit ans après la demande. En 1643, une terrible épidémie de peste prit fin trois semaines après que les représentants lyonnais eurent demandé la protection de la Vierge. En 1683, le même miracle a lieu, alors qu’une épidémie de scorbut s’est déclarée à l’orphelinat de l’hospice de Lyon. Il en va de même en 1832, lors d'une épidémie de choléra. Enfin, en 1870, les Lyonnaises demandèrent à la vierge d’empêcher l’armée prussienne de s’emparer de Lyon. Et les troupes de Bismarck furent contenues en Bourgogne. Après ce dernier miracle, l’archevêque de Lyon décide de faire bâtir une église pour rendre hommage à la Vierge. La basilique de Fourvière est alors construite. 10. La tombe de Maître Philippe, au cimetière de Loyasse Maître Philippe reste un grand personnage de l’occulte à Lyon. On lui prête des dons de prédicateur, guérisseur et magnétiseur. À sa mort, on dit qu’un arbre aurait poussé spontanément en une nuit dans le jardin qui entoure sa tombe, au cimetière de Loyasse. Aujourd’hui, des Lyonnais viennent encore rendre hommage à Maître Philippe, et glissent des petits papiers entre les écorces de l’arbre. Sur ces papiers, des demandes de guérison...

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