Plein phare Hors Série Géopolitique du climat

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LEIN HARE

L’HEBDOMADAIRE POUR Y VOIR PLUS CLAIR

HORS-SÉRIE SPÉCIAL CLIMAT

LES ENJEUX GÉOPOLITIQUES DUS AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

©Gideon Mendel

4.50

DU 14 DÉCEMBRE

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INTERVIEW


ÉDITO SOMMAIRE Plein Phare refroidit ses couleurs pour ce numéro spécial réchauffement climatique C’est avec une pointe d’émotion que la rédaction de Plein Phare publie son hors-série sur le climat. Pour l’occasion, votre magazine a fait peau neuve. L’équipe de rédacteurs a voulu vous surprendre. Retrouvez votre magazine plus graphique où les formes et les couleurs viennent appuyer la thématique. Mais pas d’inquiétude, vous saurez garder vos repères. Pour ce dernier numéro, nous espérons que Plein Phare finalisera sa transformation en cygne blanc. Ce hors-série propose plusieurs analyses sur les enjeux géopolitiques de la montée des eaux dus au réchauffement climatique. La hausse du niveau des mers est une réalité qui approche à grand pas et risque de piéger nos arrières-arrières-arrières-petits-enfants. Les dirigeants actuels tentent tant bien que mal d’œuvrer contre le réchauffement climatique, mais certains s’investissent moins que d’autres. Les institutions sont lourdes et les décisions prises s’enlisent. Tandis que, nous, habitants des pays riches sommes trop occupés à régler « nos petits soucis de vie tranquille ». Une photo pour Instagram, un statut pour Facebook, oh et une story pour Snapchat. Egoïsme, égocentrisme et narcissisme : voici les préoccupations de la population des pays riches du XXIème siècle. Pourquoi se soucier de l’Indou évoluant les pieds dans l’eau ou de l’extinction des Inuits ? C’est bien trop loin ! Seulement, la montée des eaux va rapidement venir dévaster notre monde : migration massive, enjeux énergétiques, territoriaux et sécuritaires. Des conflits écrasants menacent de bouleverser notre équilibre mondial, déjà fragile. Alors anticipons l’arrivée d’un cataclysme. Prenons nos responsabilités et à notre échelle changeons notre quotidien. C’est un appel à l’empathie ! Tournons notre regard vers autrui et aidons les plus démunis à notre manière car tôt ou tard, notre tour viendra. Nos pays finiront par être frappés violemment par le réchauffement climatique et nous serons heureux que quelqu’un nous tende la main. Une seule question se pose : quel monde voulons-nous laisser à nos enfants ? Mélissa Berthaud, rédactrice en chef

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ACTU : New York : 2100, la date fatale

Russie : à l’assaut de l’Arctique

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PÉTROLE : Arctique, nouveau terrain de chasse ZEE : nouvelles frontières ?

DOSSIER MIGRATION : Inde - Bangladesh, comment 20 mètres d’eau peuvent enflammer une région

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MIGRATION : Les désastres économique et sécuritaire ÎLES : Leurs disparitions

INTERVIEW : Delphine Six, chercheuse au laboratoire de glaciologie de Grenoble

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COP 21 : Entre bonne volonté et hypocrisie

@melissaberthaud

O U R S Directeur de publication Patrick Girard Rédactrice en Chef Mélissa Berthaud Community Manager Manon Remacle Secrétaires de Rédaction Mélissa Berthaud & Charles Vuillermin

Journalistes rédacteurs MÉLISSA BERTHAUD @melissaberthaud

@clarissefelx GEOFFREY HELLY D’ANGELIN @angelingeoffre1

MARION BIENVENOT @marionbienvenot

DAVID JACQUEMIN @david9249

AURÉLIEN BODECHER @abodecher

YOHAN PONCET @yohanpnct

MANON REMACLE @manonremacle

PAULINE PRIN @PaulinePrin1

CLARISSE FELIX

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CHARLES VUILLERMIN @niliou Contacter la rédaction Twitter : @PleinPhareMag Mail : pleinpharemag@gmail.com


ACTU 2100 : La date fatale pour New York New York pourrait connaître une montée des eaux de plus d’1m80 d’ici à 2100. Depuis 1900, le niveau de la mer a déjà augmenté de 30 centimètres à New York, et pourrait ©c ose atteindre 70 centimètres d’ici à 2050. net inf L’ouragan Sandy est resté ancré dans les mémoires de chaos cun avec ses 210 victimes. La ville se prépare à une nouvelle menace d’ouragan et de montée des eaux avec le projet d’un réaménagement de la ville de près d’un milliard de dollars (738 millions d’euros). Des chantiers de fortification sont en cours : construction de digues, de tunnels, de ponts et colmatage des ©m brèches dans le métro pour éviter les inondations comme il.r u pendant Sandy. Les futurs gratte-ciel se verront équipés des dispositifs d’électricité et de chauffage habituels, à l’exception près qu’ils seront installés aux deuxième et troisième étages et non plus au sous-sol pour palier les éventuelles inondations de plus de quatre mètres de haut. C’est néanmoins Bill de Blasio, le maire de NYC (démocrate donc potentiellement en décalage avec Trump) qui avait initié le projet, La mais avec l’élection de Trump et son avis sur Russie le climat, qu’il qualifie de canular, ce prête à repartir même projet sera surement reà l’assaut de mis en question, voire l’Arctique annulé. Le pays prévoit de présenter ses tous C.F. nouveaux robots sous-marins d’exploitation de ressources de l’Arctique. Ces prototypes sont en cours de création dans le cadre du programme de développement social de la zone arctique qui s’étend jusqu’à 2025. Tous les exemplaires seront robotisés et sans pilotes, sauf un sous-marin nucléaire civil, le premier au monde. Les prototypes des robots seront présentés en 2018 et le projet a été étudié plus en profondeur le 13 décembre dernier à Moscou, lors de la réunion de la Commission d’Etat pour le développement de l’Arctique. Dans la même lignée, l’aviation navale russe a reçu un hélicoptère arctique : le Mi-8AMTCh. L’appareil ne craint ni les grands froids, ni les tempêtes car il fonctionne même par -60°C et présente un cockpit renforcé et un puissant système de réchauffement. Il a été conçu spécialement pour les Russes, ce qui génère de la jalousie du côté de la Chine et de l’Argentine qui ont fait savoir que l’appareil les intéressait du fait ©o de leurs intérêts dans la région de hm ym l’Arctique. ag. com C.F.

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PÉTROLE

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L’ARCTIQUE : NOUVEAU TERRAIN DE CHASSE DES PÉTROLIERS L’Arctique connaît en ce moment un coup de chaud, mais pas seulement à cause du réchauffement climatique. La fonte des glaces entraîne des réactions en chaîne qui bouleversent les écosystèmes du Grand Nord et leurs habitants. Un désastre pour certains, une aubaine pour d’autres : une ruée générale sur les ressources de l’Arctique se prépare, du pétrole aux stocks de poissons en passant par les minerais, sur fond de tensions frontalières.

onéreux et dangereux. Jusqu’au bout du monde avec le pétrole offshore ? L’un de ces choix concerne la poursuite, ou non, des efforts de prospection pétrolière offshore dans des conditions extrêmes. Confrontée au déclin programmé de ses réserves traditionnelles et à la contestation de son impact climatique, l’industrie pétrolière joue désormais l’un de ses va-tout dans la poursuite de ces gisements offshore « extrêmes » présentés comme potentiellement fabuleux, mais particulièrement difficiles à exploiter. C’est le cas des gisements de l’Arctique. Ces projets relèvent de la fuite en avant : ce ne sont pas des investissements économiques « rationnels », mais des paris extrêmement risqués sur l’avenir. Au-delà de la hausse du prix des hydrocarbures, la viabilité financière des forages de Shell d’Eni ou de Total en Arctique n’est pas assurée. Seule la découverte d’un gisement gigantesque pourrait leur permettre de rentabiliser leurs investissements. Tout en déclenchant une ruée massive vers le pétrole arctique, maintenir le secteur pétrolier à flot pour des décennies et remettre en cause toute perspective de réduction des émissions globales de gaz à effet de serre. Beaucoup d’observateurs pensent que c’était le pari de Shell, qui justifiait aux yeux de ses dirigeants et de ses actionnaires un investissement de plusieurs milliards de dollars.

Impossible, dans l’Arctique, d’échapper à la réalité du changement climatique. La région située à l’intérieur du cercle polaire se réchauffe deux fois plus vite que le reste de l’hémisphère nord. Chaque année, les médias internationaux font leurs grands titres sur le nouveau record de fonte de la banquise. D’ici deux décennies, l’océan Arctique sera totalement libre de glace durant l’été. Le mois de février 2016 a vu de nouveaux records de température : 5ºC de plus que la normale selon la NASA, voire 10ºC à certains endroits. Pour certains, néanmoins, l’ouverture de l’Arctique a plutôt le caractère d’une aubaine que d’une catastrophe. Dans un rapport de 2014, le sénateur André Gattolin (EELV) évoque « un emballement parfois irrationnel mais bien réel lié aux opportunités offertes par la fonte de la banquise ». Les multinationales pétrolières et minières, en particulier, se promettent d’exploiter les vastes ressources restées jusqu’ici inaccessibles sous les glaces.

Pour l’instant, les grands groupes pétroliers sont sur une ligne délicate, entre l’actuel besoin que nous en avons et l’opinion publique de plus en plus défavorable.

Total, Engie et EDF également présents dans le Grand Nord Les dirigeants de la firme anglo-néerlandaise Shell avaient évoqué des gisements potentiels représentant « plusieurs fois le golfe du Mexique ». En 2015, ils ont mis en cause les coûts élevés de ces opérations et les incertitudes politiques. La mobilisation des écologistes a cependant, joué un rôle. Selon The Guardian, cette annonce de Shell avait aussi pour objectif de permettre à l’entreprise de mieux influencer le débat sur le climat et la transition énergétique à l’approche de la COP21. De nombreux projets colossaux voient le jour comme le Goliat, une plateforme pétrolière offshore dans l’Arctique norvégien, initié par la firme pétrolière italienne Eni. La compagnie russe Gazprom exploite ainsi depuis 2013, le gisement pétrolier offshore de Prirazlomnoye, dans la mer de Kara. Les compagnies françaises ne sont pas absentes de cette ruée vers le Grand Nord. Le groupe français Total développe en partenariat avec le Russe Novatek un énorme projet gazier dans la péninsule de Yamal. Engie (ex GDF-Suez) détient des droits pétroliers et gaziers au large de l’île de Baffin, au Canada. EDF est actif dans les eaux norvégiennes via sa filiale Edison. Le risque d’accidents pétroliers dans l’Arctique s’accroît avec la multiplication des forages. Personne ne dispose des moyens, ni des technologies nécessaires pour affronter ce danger efficacement. Plus le prix du pétrole augmente, plus l’appât du gain pousse les entreprises à investir dans des projets

Aurélien Bodecher @abodecher

Les chiffres clés de demain L’Arctique renfermerait 13 % des ressources mondiales non découvertes de pétrole, soit 90 milliards de barils. L’équivalent de trois ans de consommation mondiale. En 2050, la production de pétrole dans l’Arctique devrait représenter 10% de la production mondiale.

4 © meretmarine.com


ZEE

VERS DE NOUVELLES FRONTIÈRES MARITIMES POUR DE NOUVEAUX LITTORAUX ? La montée des eaux a différentes conséquences : certaines îles seront immergées, certains littoraux subiront une forte érosion et d’autres seront partiellement immergés. Mais au-delà des importants enjeux sociaux qu’elle soulève (immigration de masse, conditions sanitaires incertaines sur certaines zones, impact sur l’écosystème…), l’élévation du niveau de la mer prévue par les scientifiques est également, susceptible d’avoir un impact majeur sur la délimitation des territoires maritimes des États. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer permet aux États de revendiquer un territoire maritime dont la largeur maximale se calcule à partir de lignes de base qui correspondent à des structures émergées de leur territoire (les zones côtières). Ces territoires maritimes sont appelés « Eaux territoriales » sur les douze premiers miles nautiques (environ 22 kilomètres), « Zone contiguë » sur les 12 suivants, et enfin « Zone Économique Exclusive » jusqu’à 200 miles nautiques (370 kilomètres). L’absence de détails juridiques rend le futur incertain Ces Zones Économiques Exclusives, abrégées ZEE, octroient au pays « propriétaire » de ces côtes les compétences en matière de pêche, de mise en place d’installations et d’ouvrages, de recherche scientifique marine et de protection du milieu marin. Mais cette Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne mentionne toutefois pas les détails en matière d’évolution. Dans le cas ou les lignes de base devraient se déplacer, aucune mention d’évolution de ces ZEE n’est faite. Or les lignes de bases vont se déplacer avec la montée des eaux. Cette incertitude est susceptible de déboucher sur des conflits, notamment lorsque ces zones sont juxtaposées, et que d’importantes ressources se trouvent en-dessous. En l’occurence, on peut envisager deux solutions : les États peuvent adapter leurs revendications maritimes à leurs côtes actualisées à cause de la montée des eaux, ou conserver leurs anciennes frontières sur des lignes de base caduques sans tenir compte de la « mise à jour ».

à l’immigration, à la navigation en Haute Mer (frontières différentes); l’accès aux ressources naturelles, les tensions entre États. Ces experts ne parlent pas seulement des impacts négatifs, ils mentionnent également, les impacts positifs quant au maintien des frontières maritimes actuelles. L’unité du système maritime posé par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, les lignes de base des eaux adoptées par les différents acteurs (Les États naviguent avec ce système depuis plus de quarante ans). Dans le cas où les lignes de base resteraient inchangées, des hypothèses au sujet de nouveaux amendements au sein de cette Convention pour officialiser ce point de vue sont évoquées. La mer de Chine méridionale, illustration des conflits liés aux frontières maritimes Les zones conflictuelles sont finalement, assez peu nombreuses comparé au nombre de frontières calmes. Mais les zones dites « tendues » sont de véritables poudrières, prêtes à exploser à tout moment. L’Arctique, le golfe d’Aden, le golfe Persique et la mer de Chine méridionale sont des zones déjà sensibles, liées à des conflits d’intérêts (ressources, contrôle des routes maritimes, expansionnisme). En mer de Chine méridionale, par exemple, se trouve l’archipel des Spratleys, proche des côtes malaysiennes et philippines. Il est au coeur d’un litige concernant ces deux pays, mais aussi Taïwan, la Chine, Taïwan, le Bruneï et le Vietnam. Au centre de ce conflit se trouvent les ressources en hydrocarbures et les réserves de poissons. Si les frontières des ZEE sont amenées à évoluer, ces États ne seront plus en mesure de revendiquer la zone, ou certains prendraient le dessus sur d’autres. Ainsi dans cette zone, des pays sont pour le changement des ZEE (afin de prendre le dessus), et d’autres sont contre (afin de garder leur influence géographique). Pour plus d’informations sur ce conflit, vous pouvez consulter notre dossier du Plein Phare n°3. Yohan Poncet

@yohanpnct

Lumière sur la France

L’hypothèse la plus probable reste le maintien des frontières actuelles Les experts en faveur de la conservation des lignes établies en raison de l’impact qu’aurait le changement des lignes de base dans les relations internationales soulignent plusieurs aspects. Parmi eux, l’impact économique pour les États, les nouvelles lois liées à la navigation et aux douanes, des nouvelles procédures liées

En France, les ZEE ne sont pas au coeur des enjeux conflictuels ou économiques. Cependant elles occupent une place importante puisque la France possède une très grande superficie maritime grâce à ses territoires Outre-mer. Ces ZEE sont synonymes de conflit, notamment avec Suriname puisque ce dernier et la Guyane forment un angle fermé sur l’océan. A l’instar de l’Espagne, cette formation géographique pose problème car la ligne maritime des deux pays est juxtaposée. Les litiges sont calmes pour l’instant, mais peuvent amener à des tensions plus fortes.

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INDE-BANGLADESH : COMMENT 20 MÈTRES D’EAU PEUVENT ENFLAMMER TOUTE UNE RÉGION Une étude américaine, publiée dans la revue « Nature » le 31 Mars dernier, a confirmé le pire des scénarios sur la montée des eaux mondiales. Deux chercheurs se sont basés sur les données géologiques et atmosphériques actuelles, en imaginant que nos émissions de CO2 ne changent pas par rapport à aujourd’hui et en utilisant un modèle très sophistiqué qui représente l’écoulement de l’Antarctique dans son ensemble. Cette étude a prédit une élévation des eaux pouvant aller jusqu’à 2 mètres en 2100 et même de 15 à 20 mètres en 2500 ! Nous nous sommes intéressés de près à ce phénomène et les conséquences géopolitiques que cela pourrait avoir dans une région du monde où les tensions sont vives entre deux pays : l’Inde et le Bangladesh.

tension avec l’Inde : le Pakistan.

Imaginons qu’une montée des eaux allant jusqu’à 20 mètres ait lieu à notre époque, ce serait alors la fin de nombreux pays, condamnés à disparaître. En particulier, le Bangladesh qui verrait son territoire entièrement noyé sous les eaux. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’arrangera pas les affaires de cette région du globe. En effet, le pays voisin du Bangladesh, l’Inde, n’est pas ce qu’on pourrait appeler une nation amie. Et elle ne le serait pas plus en imaginant la possibilité d’accueillir tous les Bangladais en exode. En même temps, cela fait du monde : une population de plus de 162 millions d’habitants à repeupler, nourrir, soigner, etc. L’Inde n’en a pas forcément les moyens. D’autant plus qu’à la suite de cette montée des eaux, les Indiens devraient déjà s’occuper de leurs propres populations obligées de déménager des grandes villes englouties telles que Calcutta ou Bombay (qui représentent à elles seules 33 millions de personnes) sans oublier les autres territoires côtiers qui sont également, un vivier important de personnes. Une « frontière-mur » à franchir Mais l’Inde a déjà pris ses dispositions quant à ce déplacement énorme de populations. Elle a construit et achevé en 2015, le plus long mur du Monde sur toute sa frontière avec le Bangladesh, ce qui fait quand même 3200 kilomètres de long. Alors certes, le mur n’a pas été construit pour répondre à une éventuelle montée des eaux soudaines mais il a tout de même été réalisé légalement en regard du droit international pour la lutte contre l’infiltration terroriste, l’immigration clandestine ©yannarthusbertrand et la contrebande. Il n’y a donc pas d’action de l’ONU sur cette « frontière-mur » qui pourrait pourtant avoir des conséChoc des quences catastrophiques sur le futur. En effet, à la suite de l’élécivilisations vation du niveau de l’eau, les Bangladais se retrouveraient donc Car un bloqués aux frontières de l’Inde, entraînant très sûrement, la autre promort de plusieurs millions de personnes. Il resterait alors l’autre blème se poserait aussi et surtout : un choc des civilisations. En partie de la population bangladaise, sans abri, sans aide mais en effet, cette phrase énoncée par Samuel Huntington prendrait colère, et même extrêmement en colère après ce massacre de tout son sens dans cette situation. L’Inde est un pays de confesmasse. Ce dont pourrait profiter un autre pays limitrophe et en

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MIGRATION sion hindouiste à 80% et le Bangladesh, anciennement connu sous le nom de Pakistan Oriental est le troisième pays musulman du monde. Un conflit de religion entrerait alors en compte entre ces deux pays. Et cela ne serait pas pour déplaire au Pakistan donc, qui

tout pour se venger de cette nation ennemie qu’est l’Inde. Cette dernière étant alors, prise en tenaille entre le Pakistan et le Bangladesh. Ce qui entraînerait une guerre sans nom et cruelle sachant que les gouvernements de ces pays ont établi depuis des dizaines d’années, une communication intérieure sous forme de lavage de cerveau à leurs habitants. Le message étant plutôt claire : l’Inde est l’ennemi pour le Pakistan et le Bangladesh, et ces derniers sont l’ennemi musulman pour l’Inde. Un des nombreux conflits qui auraient donc lieu après l’élévation du niveau de la mer (voir encadré) mais pas le moins sanglant. David Jacquemin @david9249

Ailleurs, ce serait aussi l’anarchie L’élévation du niveau de la mer de 20 mètres ne ferait pas que provoquer des conflits dans la région indo-bangladaise. En effet, il y aurait aussi des problèmes dans d’autres grandes régions du monde. C’est le cas pour l’Indonésie qui verrait la plupart de ses îles submergées et dont sa population serait contrainte de bouger jusqu’à la terre promise en Australie. En effet, le pays des kangourous se trouve être le territoire le plus grand et le plus civilisé pour accueillir les Indonésiens qui arriveraient en nombre (plus de 200 millions de personnes !). Ce qui ne serait pas du goût de l’Australie, qui a quelques problèmes diplomatiques avec ce pays et qui a encore renforcé sa politique d’immigration il y a peu. La région USA-Cuba ne serait pas non plus en reste. Plus généralement, c’est même toutes les îles des Caraïbes, et donc 30 millions d’habitants, qui se verraient obligés de déménager vers les Etats-Unis. Mais avec l’élection récente de Donald Trump, les frontières vont devenir de plus en plus dures à franchir et la mentalité américaine de plus en plus fermée quant à ces arrivées de migrants. Obligeant les insulaires caribéens à se diriger vers l’Amérique latine dont l’économie n’ est pas réputée pour être la plus apte à tous les accueillir.

Le Bangladesh (ici en rouge), englouti sous les eaux suite à une montée du niveau de la mer de 20 mètres. ©floodmaps

a pour idéologie de réunir le plus de musulmans possibles dans leur pays. Et d’ensuite envahir de nouveau l’Inde comme lors de leur première conquête qui a eu lieu au XIIIème siècle. Il pourrait donc s’offrir l’aide de ce « Pakistan Oriental » en colère et prêt à

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LES DÉSASTRES D’UNE INÉVITABLE MIGRATION CLIMATIQUE

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MIGRATION

La hausse du niveau des océans est un sujet qui prend de l’ampleur au fil des mois. De nombreuses régions se trouvent désormais, menacées par les eaux. Certains pays fragiles vont devoir se confronter à une inévitable migration climatique et subir des conséquences que l’on annonce catastrophiques.

Plus globalement, l’afflux de réfugiés bouleverserait l’équilibre interne, déjà mis à rude épreuve dans certaines régions et dès lors, favoriserait la criminalité, l’endoctrinement et le développement de trafics. Bouleversement économique L’arrivée de migrants dans des pays non-affectés engendre systématiquement des coûts immédiats. Cet afflux génère aussi des déséquilibres liés au marché du travail. Dans ces États peu développés où le sous-emploi est courant, un déséquilibre peut entraîner une baisse des rémunérations et donc une nouvelle forme de conflits et de tensions entre migrants et habitants des pays dit vulnérables. Les prévisions liées à la hausse du niveau de la mer sont telles que la possibilité d’éviter une migration climatique parait inimaginable. Ainsi, des solutions doivent être trouvées pour mener à bien la gestion du flux de migrants. Le déplacement de ces populations doit être géré au niveau politique mondial pour éviter tout désagrément notamment au sein des États fragiles. L’enjeu est majeur, le risque de tensions entre populations est extrême. Plus grave encore, les réfugiés accueillis pourraient apporter avec eux des conflits qui leurs sont propres.

L’Asie et l’Afrique, pour ne citer qu’eux risquent de connaître d’importants dégâts liés à la hausse du niveau de la mer. Ainsi, Abidjan, Alexandrie, Dacca, mais aussi des villes importantes du Vietnam et de Chine sont aujourd’hui, directement menacées par ce phénomène climatique. Une migration parait dès lors inévitable pour ces populations en quête d’une région non-exposée. Des problèmes sécuritaires La migration climatique vers des pays pauvres menace de poser un important problème de sécurité. Ces États vulnérables, potentiellement affectés par des conflits internes ne paraissent pas en mesure de réagir en cas de catastrophes naturelles. Leurs capacités, déjà limitées, risquent d’être sollicitées à l’extrême et ainsi provoquer une certaine défaillance dans la prise en charge. Cette incapacité, qui affecte généralement les plus pauvres, pourrait être source de conflits entre groupes ethniques et religieux au sein même du pays. Ce cercle vicieux s’élargit à la politique où l’on pourrait constater une radicalisation.

Geoffrey Helly d’angelin @angelingeoffre1

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MONTÉE DES EAUX : CES ÎLES QUI SOMBRENT La 22ème Conférence Mondiale sur le climat s’est tenue à Marrakech du 7 au 18 novembre dernier. C’est au terme d’une année qui est en passe de battre un nouveau record de chaleur, que cette discussion intervient. Une nouvelle fois, les questions environnementales sont au cœur du débat et les conséquences sur certaines régions du monde, sont une des principales préoccupations. L’élévation du niveau de la mer, conséquence directe de la fonte des glaces inquiète particulièrement. En effet, la montée des eaux risque d’entraîner la disparition complète de certaines îles, qui se retrouveraient alors immergées.

Réfugiés climatiques : leur destin dépend des chefs d’États Les changements environnementaux sont devenus l’un des principaux facteurs, sinon le principal, de migrations et déplacement de populations dans le monde. Selon les estimations de l’ONU, 250 millions de personnes seront contraintes de s’exiler à cause des bouleversements climatiques d’ici 2050. C’est un véritable défi humanitaire et un enjeu géopolitique qui se joue. Le destin de ces populations réside entre les mains des dirigeants des grandes puissances du monde. Pourtant, la question des réfugiés climatiques est souvent mise de côté dans les négociations internationales. Plusieurs dizaines de chefs d’États et de gouvernement se sont réunis, avec à leurs côtés le secrétaire général des Nations unies, Ban Kimoon, à Marrakech pour la COP22. Pendant une semaine, les discussions ont fusé

SOS : village en détresse En Alaska, le village de Shishmaref situé sur l’île de Sarichef, au nord du détroit de Béring est confronté de plein fouet à ce risque de disparition. Face à la montée des eaux et à l’érosion qui dévore les côtes du littoral de l’île de manière alarmante, les habitants du village ont voté à la majorité pour leur relocalisation. Selon l’université d’Auburn située en Alabama aux États-Unis, l’océan dévore jusqu’à trois mètres de littoral chaque année. L’île de Sarichef est une communauté Eskimo de 600 habitants. Depuis plus d’un demi-siècle, l’île subit les répercussions du réchauffement climatique. Les tempêtes et la fonte de la glace menacent l’île. Les températures ont augmenté de 4°C en quelques décennies. Depuis 1950, les habitants résistent comme ils le peuvent. Ils ont créé au fur et à mesure des années des digues artificielles, avec « les moyens du bord » : bidons, sacs de sable ou blocs de béton. Une trentaine d’autres villages vivent le même sort, et on estime qu’à terme, 184 des 213 villages Inuits vont disparaître à cause de la fonte des glaces.

sur la question brûlante du réchauffement climatique. Les diri© Diane McFadzien geants ont fait le point, un an après la signature de l’accord de Paris sur le climat. Cet accord engageait les pays signataires à maintenir le réchauffement de la planète « bien au-dessous des 2°C ». La COP22 arrive juste à temps, pour rappeler l’urgence mondiale de mettre en œuvre les mesures annoncées pour freiner les conséquences des changements climatiques.

L’île de Sarichef n’est pas un cas isolé La montée des eaux engendre de nombreuses conséquences climatiques mais également, humaines. Beaucoup de populations seront obligées de quitter leurs terres et compteront donc parmi les nombreux réfugiés climatiques. En Océanie, les îles des Kiribati abritent 110 000 habitants. Elles sont menacées par les marées géantes, accentuées par le réchauffement climatique, la montée des eaux détruit peu à peu les cultures des habitants. Bien des habitants ont déjà quitté les îles tandis que les autres vont être forcés de suivre le même exemple. Dans moins de cinq ans, toutes les Kiribati seront englouties par la mer. L’île paradisiaque des Maldives connaît le même sort, 80 % de ses terres sont à moins d’un mètre du niveau de la mer, la montée des eaux la ferait disparaître entièrement. 400 000 personnes devront donc trouver refuge autre part dans moins d’un siècle.

Manon Remacle & Pauline Prin @manonremacle & @PaulinePrin1

Océanie : cinq îles englouties Les îles Salomon, dans le Pacifique sont également, menacées. Déjà cinq d’entre elles ont été enfouies par la montée des eaux. Ces îles n’étaient pas habitées et n’étaient porteuses que de végétations. Mais six autres îles, qui abritent des villages sont, elles, aussi touchées. Certains habitants ont été obligés de s’enfouir à l’intérieur des terres afin d’échapper à la mer. Depuis toujours, des vagues violentes s’abattent sur ces îles, ce qui accélère l’érosion des côtes.

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INTERVIEW

FONTE DES GLACES, LES CONSÉQUENCES SUR LA FRANCE

Plein Phare a discuté avec Delphine Six, chercheuse au laboratoire de glaciologie de l’université de Grenoble. Même si la France n’est pas la première concernée par le réchauffement climatique, on a voulu en savoir plus sur les conséquences de la fonte des glaces sur l’hexagone.

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On sait qu’il y a un problème climatique notamment au Nord de la planète avec la fonte des glaces : concrètement est-ce qu’il y a un risque pour la France ? Quelles seraient les conséquences ? La fonte de la banquise arctique entraine un réchauffement de l’océan Arctique et sur le long terme, de l’océan proche (Atlantique). Des modifications de la circulation océanique ET atmosphérique sont attendues (comme un ralentissement du Gulf Stream, ce courant qui tempère nos côtes). Beaucoup de discussions sur ce sujet, peu de certitudes sur l’avenir !

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Y a-t-il une solution à ces conséquences ?

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La fonte de la banquise Arctique est devenue probablement irréversible. Il n’y en a plus assez pour refroidir les océans et renvoyer du rayonnement, donc ça se réchauffe progressivement. Donc peu de solution hélas. Sur la fonte de la calotte du Groenland, le fait de limiter le réchauffement à 2°C sur le siècle prochain limitera peut-être la fonte de cette calotte. Sur les conséquences chez nous, c’est dur à dire vu les incertitudes. Si le ralentissement du Gulf Stream refroidit nos côtes, le réchauffement global moyen du globe les réchauffera.

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Selon vos recherches, ça serait dans combien de temps ? Est-ce que cela risque d’être trop tard ? Si on ne trouve pas de solutions que peut-il se passer ? Je ne travaille pas du tout sur le Pôle Nord, mais sur les glaciers de nos montagnes. Pour ces glaciers, leur quasi disparition est pour la fin du siècle, entrainant quelques impacts touristiques, d’exploitations hydro-électrique ou de risques naturels. Mais rien à voir avec d’autres régions du monde qui vivent notamment de la ressource en eau comme dans les Andes ou en Himalaya.

Qu’est-il nécessaire de faire pour limiter les risques ? Limiter le réchauffement futur en premier, ce qui signifie limiter les gaz à effet de serre. Ce sont des décisions très économiques et politiques !

Par rapport, aux migrations dues aux conséquences climatiques, est-ce que la France fait partie des pays touchés ? Assez peu. L’augmentation du niveau des mers touchera un peu nos côtes. Il faudra probablement plus de digues pour limiter l’érosion des côtes par la mer. A noter aussi, les sécheresses qui seront plus fortes avec un climat à Marseille qui sera proche de celui d’Alger. Probablement des conséquences sur l’eau potable. Mais on est moins concerné par le niveau marin (à comparer de la Belgique, les pays bas et presque tous les pays d’Asie). La sècheresse affectera beaucoup les pays du Nord du Maghreb. Propos recueillis par Marion Bienvenot @marionbienvenot


COP 21

L’accord de Paris sur le climat est entré en vigueur le 4 novembre 2016, avec pour objectif de limiter la hausse des températures à moins de deux degrés. Malgré un élan de bonne volonté, certains grands pollueurs contrecarrent les espérances affichées lors de la COP 21. Parmi eux, la Fédération de Russie et le Japon.

La Russie passe au rouge

Le pays est le troisième émetteur de gaz à effet de serre dans le monde (7.53% en 2015)). La Nation, qui rejette environ 2600 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année, affiche un objectif clairement insuffisant pour parvenir à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C. L’ambition gouvernementale est d’atteindre des rejets d’environ 3000 millions de tonnes d’ici à 2030. Or pour remplir les objectifs de la COP 21 la Fédération devrait atteindre des rejets inférieurs à 1800 millions de tonnes. La Russie, riche en ressources d’hydrocarbures ne semble pas décidée à ratifier le traité de Paris. Il incomberait au pays de se tourner vers des énergies moins polluantes, plus onéreuses et moins enrichissantes pour l’oligarchie en place. Par ce refus, la Russie s’affirme davantage sur la scène internationale comme un acteur majeur et surtout indépendant. A l’inverse, des autres puissances comme la Chine et les États-Unis qui jouent le jeu de la réduction des émissions de gaz à effet de serre en dépit des inconvénients que cela implique.

Une certaine hypocrisie

L’objectif du Président Poutine est simple, redonner de la prestance sur la scène internationale à la Russie. Associé à cela, des intérêts financiers personnels qu’il partage avec des personnalités de l’industrie des hydrocarbures. La signature du traité de Paris n’engage que le chef de l’exécutif du pays dans une déclaration de bonne volonté. Pour que le pays soit véritablement engagé, il convient que l’accord soit ratifié, c’est à dire accepté par le Parlement. Ainsi, on constate une certaine forme d’hypocrisie de la part de Vladimir Poutine. Ce Les conférences sur le climat. - 1992 : 3e sommet de la Terre à Rio. Reconnaissance du dérèglement climatique et de la responsabilité humaine. - 1997 : Protocole de Kyoto fixe des objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre (GES). - 2009 : Conférence de Copenhague. Pas d’accord entre les pays. Aucun objectif précis de lutte contre le changement climatique n’est adopté. - 2015 : Accord de Paris. Les 195 pays présents fixent des objectifs de réduction des émissions de GES pour 2030, pour limiter l’augmentation de la température mondiale sous les 2°C.

dernier signe l’accord mais n’engage pas son Parlement, pourtant à sa botte, à le ratifier.

Le Japon se désolidarise

Le pays est un responsable important des émissions de gaz à effet de serre (3.79%). Le pays du Soleil-Levant émet environ 1350 millions de tonnes de CO² par an. L’objectif affiché par le gouvernement est d’atteindre environ 1200 millions de tonnes par an d’ici à 2030. Une ambition insuffisante pour un pays qui avait été l’un des moteurs des premiers engagements en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, lors de la mise en place du protocole de Kyoto. Aujourd’hui, l’archipel nippon est pointé du doigt par la communauté internationale pour son manque d’engagement en faveur de la cause écologique.

Pas de sanction

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, aucune sanction n’est prévue par l’accord de Paris. Ni contre les pays qui ne souhaitent pas ratifier l’accord ni contre ceux qui ne respectent pas leur engagement. Pour ceux qui ont validé les démarches de ratification, rien de plus n’est prévu si l’on se fie à l’Article 13, alinéa 3 de l’accord de Paris : « [La convention] [doit être] axée sur la facilitation et ne [doit être] ni intrusive, ni punitive ». Charles Vuillermin & Geoffrey Helly d’angelin @niliou & @angelingeoffre1

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©Présidence de la République mexicaine

RATIFICATION DU TRAITÉ DE PARIS, ENTRE BONNE VOLONTÉ ET HYPOCRISIE,


« L’INVISIBLE », ASHULIA, DHAKA, BANGLADESH, 2010

La montée des eaux englobant des cheminées d’usines, symbole de la société moderne. Quelle magnifique illustration de la nature reprenant ses droits sur la civilisation. En parallèle, l’arbre, seul et fort, trône au milieu du paysage inondé sous un coucher de soleil, signe d’une fin de journée mais aussi du déclin de l’humanité. Commentaire de la rédaction de Plein Phare


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