So What la magazine des cultures alternatives

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Décembre 2009

So WHaT?

NOUVEAU N°1

SO WHaT? LE MAGAZINE DES CULTURES ALTERNATIVES

Economie

DOSSIER

Un vivier pour la diversité ?

Quels modèles pour les cultures alternatives ?

Reportage GroundZéro, visite d’un lieu culte lyonnais

Enquête

L’underground, entre légalité et déviance

ES EN IMAG

Reportage photos au coeur de la

Friche RVI

Najat Belkacem « Lyon a montré l’exemple »

© Margaux Guignard


ÉDITO IER N N O M ROMAIN

Lignes de fuite

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ébut des années 90. La techno music venue de Detroit déferle en masse dans le sud de l'Angleterre. D'innombrables jeunes se réunissent dans des usines désaffectées pour célébrer cette nouvelle alternative musicale. Parmi les DJs de l'époque, il y a Fatboy Slim ou les Chemical Brothers mais aussi Prodigy, qui incarne l'énergie débordante de la « rave culture », ou d'autres styles plus alternatifs encore à l'instar des Spiral Tribe, pionniers d'une techno hardcore et lancinante. En 1992, le « sound system » participe au festival de Castlemorton qui attire environ 30 000 personnes. À la fin du festival, les membres du « Spi » sont arrêtés et inculpés sous la charge de « conspiration en vue de créer un trouble à l'ordre public ». Les Prodigy, malgré un style alternatif et musclé emprunté au rock-punk comme au phénomène rave, prennent le parti de la légalité et du succès à grande échelle, vendant quelques 16 millions d'albums depuis la fondation du groupe en 1990. Les Spiral Tribe quant à eux ont importé et popularisé en France l'esprit des « free party ». Deux parcours aux antipodes mais pour le moins alternatifs et surtout transposables à toutes formes d'expression culturelle.

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Alors que représentent ces cultures alternatives ? Volonté d'indépendance ? Rejet du capitalisme ? Anticonformisme ? Difficile de les décrire puisque, par définition, elles s'inscrivent dans le présent autant qu'elles le fustigent, incarnant une volonté constante de se rapproprier et de remodeler l'espace esthétique ou politique. Véritables miroirs de leur temps, elles s'éclipsent sitôt repérées pour ne pas être appréhendées et violées. Hakim Bey évoquait il y a une vingtaine d'années déjà les « zones autonomes temporaires » pour qualifier ces réactions artistiques qui ne sont pas des révolutions mais des révoltes. Fabrice Raffin, sociologue et spécialiste de la question, parle lui de « changement social immédiat ». En fin de compte une culture sera alternative à partir du moment où sa démarche se nourrira d'innovation, d'expérimentation, et proposera une autre voie aux phénomènes culturels aseptisés. Elle tentera de repousser les limites artistiques et technologiques, de provoquer voire de choquer. Régulièrement stigmatisées, les cultures alternatives sont des lignes de fuite, des utopies créatrices éphémères sans cesse renouvelées. Fourmillement associatif. Mouvements culturels minoritaires. Micro-structures autogérées. Elles sont, dans la musique, le cinéma ou le théâtre, une projection de la portion de liberté que chacun de nous, acteur ou spectateur, est prêt ou non à concéder aux sirènes de la standardisation.

So WHaT?

47, rue Segent-Berthet 69009 Lyon www.keskiscpass.com

DIRECTEUR DE PUBLICATION Isabelle Dumas DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Anne-Caroline Jambaud RÉDACTEUR EN CHEF Romain Monnier SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Charlotte Rebet CHEF SERVICE WEB Julie Balestreri RÉDACTION Xavier Alloy, Julie Balestreri, Damien Chédeville, Thomas Cisonni, Margaux Guignard, Maud Lépine, Raphaël Manceau, Isabelle Matera, Romain Monnier, Charlotte Rebet, Guillaume Rochon, Jennifer Simoes. CRÉDITS PHOTOS Artistide Bruchon, Damien Chédeville, Margaux Guignard, Flickr.com, Raphaël Manceau, Romain Monnier, Mike Palace, Charlotte Rebet, Guillaume Rochon, le Théâtre Grabuge, U-Gomina, la Caravane des dix mots, Emmanuelle Sauzedde. REMERCIEMENTS Stan Audouin, Géraldine Bénichou, Anthony Berthet, Clément Boghossian, Catherine Bouvard, Jean-François Buiré, David Combe, Nicolas Courty, Josef Derens, Antoine Dole, Sophie Doucet, Vincent Durlai, Estelle Dusquesnois, Sébastien Escande, Clovis Ferré, Damien Grange, Anthony Guzman, Fred Herzog, Frédérick Houdaer, Thomas Jégu, Jean-Marc Luquet, Fabrice Lextrait, Martine Meirieu, Julie Nicol, Fabrice Raffin, Thomas Riva, Omar Toujid, Émilie Tournaire, Denis Trouxe, Ugo Ugolini, Najat Vallaud-Belkacem, Moncef Zediri. À LA MANIÈRE DU MAGAZINE MENSUEL SO JAZZ Réalisé dans le cadre des intensives presse-écrite. ISCPA - J3 2009/2010


E R I A M M SO 04 Panorama

10 Enquête

20 Les Beaux-arts et l’underground

Modèles économiques Les cultures alternatives ont toujours entretenu des rapports ambigus avec le capitalisme. Une philosophie qui implique des modèles économiques inédits.

5 Interview

12 Nuits sonores

Fabrice Raffin Le sociologue français, spécialiste des mouvements alternatifs berlinois, nous livre son point de vue sur un thème difficile à cerner.

22 Rencontre avec un graffeur

15 Interview

Tracks L’un des directeurs de programmation de l’émission hebdomadaire Tracks sur Arte revient sur la ligne éditoriale du magazine et dévoile les coulisses des reportages.

23 Le statut d’associations 24 GroundZéro 25 Visite des plus alternatifs recoins lyonnais 26 Théâtre

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06 Illégal ? 07 Rave party

27 Zoom

Fini les CNP ? 13 Portrait

L’esprit du hip-hop

8 En couverture

Friche RVI Photo-reportage pour une immersion au coeur du plus underground des lieux lyonnais, à quelques semaines de sa probable disparition.

Le Pockemon Crew, né en milieu alternatif est aujourd’hui mondialement titré et reconnu. L’un des membres revient sur les débuts.

14 Médias Ces cultures qui prônent l’indépendance sont souvent méfiantes à l’égard des médias.

16 Dossier

Diversité culturelle Les phénomènes culturels alternatifs favorisent-ils l’intégration des minorités ? Réponse à travers plusieurs reportages et l’interview de Najat Belkacem.

RETROUVEZ PHOTOS, TEXTES, VIDÉOS keskiscpass.com

Considérés pour beaucoup comme supports de films alternatifs, les Cinémas nationaux populaires menacent de disparaître à Lyon, la ville des frères Lumière.

28 Décryptage

Dans les livres La littérature alternative : ses formes, ses écrivains.

30 Nos critiques Livres, musiques, expos... Nos trouvailles vues et interprétées par la rédaction.


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PANORA

PAR XAVIER ALLOY

LY O N N ’ A PA S LA FIBRE A LT E R N AT I V E

L E S M O U V E M E N T S A LT E R N AT I F S N ’ O N T J A M A I S ÉT É A U P R E M I E R P L A N D A N S L A C U LT U R E LY O N N A I S E . V I L L E T R O P I N S T I T U T I O N N E L L E , T R O P T R A D I T I O N N E L L E , L A C A P I TA L E D E S GAULES N’A DANS SON HISTOIRE LAISSÉ QU’UNE PLACE INFIME À L’UNDERGROUND. UN C H O I X Q U I A U J O U R D ’ H U I S E PA I E PA R L A D I S PA R I T I O N P R O G R E S S I V E D E C E S L I E U X D E C R É AT I O N .

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DENIS TROUXE

Adjoint à la Culture et au Patrimoine de Lyon entre 1995 et 2001 sous l’ère Raymond Barre, et actuel président de l’Office du tourisme et des congrès du Grand Lyon.

> Les NTA : Définition apparue en 2001 dans un rapport commandé par Michel Duffour, alors secrétaire d’État au Patrimoine et à la Décentralisation culturelle, à Fabrice Lextrait (voir page 9). Les nouveaux territoires de l’art englobent les friches, les fabriques et autres squats.

yon n’a jamais été une ville alternative ». Denis Trouxe, ancien adjoint municipal à la Culture de 1995 à 2001, est catégorique : « Les cultures alternatives n’ont jamais été d’actualité à Lyon. La ville n’a sans cesse fait que rattraper son retard dans ce domaine ». Pour autant, il ne blâme pas Lyon. Pour lui cette mise à l’écart des cultures alternatives est à mettre à l’actif de la survalorisation d’une culture plus institutionnalisée, reconnue partout dans le monde : « C’est une question de budget. Lyon possède des équipements tels que l’Opéra ou des théâtres. Tout ça a un coût de fonctionnement, dès lors il n’y a plus assez d’argent pour d’autres formes de cultures moins institutionnelles », explique Denis Trouxe. Bien sûr, depuis une quinzaine d’années, des lieux existent pour faire vivre cette culture « libre ». Les Nouveaux territoires de l’art (NTA, voir encadré), un temps oubliés, ont ressurgi du passé au début des années 2000. Marseille en a été la pionnière, d’autres ont suivi par la suite. L’objectif de ces lieux est simple : proposer une approche différente de l’environnement urbain, avec une prise en main spontanée par des artistes de lieux laissés à l’abandon. À Lyon, le symbole de ces NTA se nomme la friche RVI (voir pages 8 & 9). Or ce point d’ancrage des cultures alternatives lyonnaises, « squatté » par de nombreux artistes depuis 2002, est voué à disparaître en janvier prochain. AUX OUBLIETTES. Avant cela, d’autres lieux sym-

boles sont également tombés aux oubliettes, à l’image des « premières » Subsistances créés en 1997, et du « Pez Ner » à Villeurbanne, un des emblèmes en matière de musiques alternatives dans le courant des années 1990 (qui a dû fermer ses portes en 2001). Le Café Musik, sur les pentes de la Croix-Rousse, a connu le même sort en 2003.

Une situation accablante qui n’est pourtant pas nouvelle. « Au début des années 50, il y a avait seulement le théâtre des Célestins. Un véritable désert culturel », lance Denis Trouxe, avant d’ajouter : « L’évolution dans le temps des cultures alternatives à Lyon est plate et linéaire. La ville a quelques fois sauvé l’honneur par certaines initiatives, mais sans réelle conviction ». DES RAISONS D’ESPÉRER. Et pour que les cul-

tures alternatives (re)naîssent à Lyon, l’ancien adjoint ne voit qu’une solution : « Le changement ne peut venir que des artistes eux-mêmes. Il faut qu’ils bousculent les lignes et la société, c’est comme ça que les choses avancent. À Marseille, ce sont les artistes qui ont pris possession de l’espace public, et personne ne les a délogés depuis. Et ce n’est pas un hasard si elle sera capitale européenne de la culture en 2013 ». Une vision partagée par la rédactrice en chef du magazine No Dogs, Estelle Duquenois : « Sans lieux phares pour développer des mouvements artistiques, j’ai un peu peur que les cultures alternatives ne viennent à mourir. En tout cas, elle n’auront jamais un véritable poids ici ». Pourtant, tout n’est pas noir dans le microcosme des cultures alternatives lyonnaises. D’autres secteurs semblent s’en sortir même mieux qu’avant, à l’image de la littérature : « Il y a pas mal de maisons d’édition qui se créent et de festivals qui marchent. De ma petite fenêtre je trouve que ça fonctionne mieux qu’avant », tempère Nicolas Courty de la librairie Expérience (Lyon 2e). Certaines formes d’art donnent donc des raisons d’espérer, même si avec la fermeture prochaine de la friche RVI, ajoutée à celle programmée de GrrrndZéro (voir page 24) en juin prochain, Lyon ne prend pas la bonne voie pour que les phénomènes alternatifs soient connus et reconnus entre Rhône et Saône.


«POUR UN W INTERVIE CHANGEMENT S O C I A L I M M É D I AT » A U J O U R D ’ H U I D I R E C T E U R D E « S O C I O LO G U E S ET ET H N O LO G U E S A S S O C I É S » À PA R I S , FA B R I C E R A F F I N E S T U N S P É C I A L I S T E D E S © Fabrice Raffin M O U V E M E N T S A LT E R N AT I F S B E R L I N O I S . I L A R É A L I S É E N INTERVIEW PAR CHARLOTTE REBET 1 9 9 5 U N E ÉT U D E P O U R L E M I N I S T È R E D E L A C U LT U R E . Qu'est-ce qui fait qu'une culture est dite « alternative » ? Une culture est une action culturelle dont le registre principal est centré sur l'esthétique. C'est une action collective avec un ensemble de valeurs. Il y a des interactions avec d'autres registres : politiques, sociaux… Ce qui caractérise les cultures alternatives c'est justement une plus grande propension à inter-réagir avec le registre politique. L'alternatif est plus affirmé dans la finalité. Il s'applique à une société contemporaine avec une revendication politique : une dimension de changement social immédiat, d'utilité sociale. Cela va de la posture révolutionnaire des années 70 à aujourd'hui une posture modérée, citoyenne et participative. La marginalité, l'absence de reconnaissance ou de subvention ne sont qu'une conséquence possible. Les cultures alternatives prennent-elles mieux en compte la diversité culturelle ? L'un des registres essentiels de la culture est l’identitaire. L'expressivité de la culture est propre à un groupe social. Il n'y a pas d'œuvre qui parle à l'humanité entière. L'alternatif n'échappe pas à ça. Ces mouvements prônent des valeurs d'ouverture, un discours de tolérance. Mais dans les faits, il y a très peu de diversité au sens ethnique et social. La culture produit autant de lien social que de conflit social. Les cultures alternatives sont-elles un laboratoire du monde culturel ? Un laboratoire, je n'irai pas jusque là. Mais c'est quand même le lieu où peuvent s'ex-

primer tous les écarts à la culture instituée, institutionnelle. Ces phénomènes multiplient des registres de sens autour d'un enjeu esthétique. L'institutionnel a plutôt tendance à les réduire. Percevez-vous Lyon comme une ville « alternative » ou au contraire institutionnelle ? J'ai visité la Friche RVI, ce qui a été pour moi l’une des expériences les plus intéressantes et massives (en parlant de l'effectif ). À Lyon, comme dans toutes les grandes villes de France, il y a de nombreux mouvements alternatifs. Avec les années, les cultures alternatives ont perdu de leur dynamisme. Mais je trouve que Lyon a plutôt échappé à cette tendance. Souvent, dans les villes qui laissent le moins de place au débat et à l'expression des cultures alternatives, celles-ci auront plus tendance à se développer. Les cultures alternatives vous paraissent-elles inventer de nouveaux modèles économiques ? Peut-être pas des modèles mais des marchés. Prenez l'exemple de Berlin : les mouvements alternatifs ont perdu au fur et à mesure les subventions. Ils se financent aujourd'hui par l'économie traditionnelle en ouvrant des bars au profit de leur expression culturelle. À Berlin il y a un nombre incalculable de bars pour cette raison ! Généralement, il y a aussi beaucoup de bénévolat. Les gens fonctionnent sur un

mode passionné pour combler les manques économiques. (Votre notre enquête pages 10 & 11) Vous avez travaillé sur la ville de Berlin que vous qualifiez de « capitale mondiale de la culture alternative ». Comment justifiez-vous ce terme ?

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C'est déjà une référence en nombre de mouvements. Ils sont quantifiables puisqu'ils se traduisent dans l'économie réelle. Ce « volume » crée l'ambiance alternative que l'on connaît de la capitale alleman-

« LES POSTURES SONT AUJOURD’HUI PLUS MODÉRÉES, CITOYENNES ET PARTICIPATIVES » de. C'est aussi une référence dans les savoirfaire. Depuis des années, les Berlinois font preuve d'invention, de « bricolage » pour ce qui est de créer des lieux culturels. Enfin, au niveau symbolique, Berlin est considérée comme un rite initiatique. Des Français s’y rendent régulièrement pour s'imprégner de l'alternatif berlinois et pour demander conseils. Berlin est un modèle de durée.


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DÉCRYPT

QUAND L ’ A LT E R N AT I F DÉRANGE LUNDI 30 NOVEMBRE, DAMIEN GRANGE, I N T E R M I T T E N T D U S P E C TA C L E , ÉTA I T J U G É E N A P P E L A U PA L A I S D E J U S T I C E D E LY O N P O U R « A F F I C H A G E S A U VA G E » . C O N D A M N É À 2 1 0 E U R O S D ’ A M E N D E E N P R E M I È R E I N S TA N C E , I L D E M A N D A I T À ÊT R E R E L A X É . U N E X E M P L E Q U I I L L U S T R E L E S L I M I T E S A U X Q U E L L E S S ’ E X P O S E N T L E S C U LT U R E S A LT E R N AT I V E S FA C E A U X A U T O R I T É S .

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ondamné à 210 euros pour avoir scotché trois affiches en mars 2007, Damien Grange demande la relaxe en appel. Ses amis, pour qui la peine est disproportionnée, sont venus le soutenir. Ils se plaignent d’avoir à venir au tribunal et d’être traités comme des voyous. « Ces affiches sont posées en vue de faire de petits concerts dans des cafés. Ça ne rapporte quasiment rien. Il n’y a plus aucune tolérance avec les squats notamment : la police vient tout le temps à GrrrndZéro parce que les voisins se plaignent. C’est blasant d’organiser des choses en plein air pour tout le monde et que les voisins portent plainte ». Mais le plus frustrant pour eux, « c’est l’inégalité de traitement exercé par la Ville ». Mathieu, un musicien au RSA venu soutenir Damien Grange, est amer quand il évoque les Nuits sonores ou la Fête des lumières pendant lesquelles « tout est permis ». Le moment où la Ville de Lyon décide de nettoyer ses murs, notamment ceux des pentes de la Croix-Rousse, correspond à la campagne pour l’élection présidentielle en 2007. La mairie crée les brigades de l’écologie urbaine. Et pendant six mois s’enchaînent amendes et condamnations. En échange, la Ville s’engage à mettre à la disposition des associations des panneaux d’affichage, mais le projet a trainé en longueur. C’est pourquoi Damien Grange affirme qu’ils n’avaient pas le droit d’attaquer : ils n’étaient pas aux normes. En plus de ce manque de panneaux, le prévenu raille leur emplacement : « ils sont souvent excentrés, à Grange Blanche par exemple. Pour annoncer un concert sur les pentes ou au Sonic, ça fait loin ». La lutte contre l’affichage libre défavoriserait donc les cafés concerts, déjà mis à mal par les nombreuses plaintes pour nuisances sonores. C’est le cas du bar Les Valseuses, sur les pentes. Ce café concert accueille ses clients avec un panneau les enjoignant à penser aux voisins quand ils sortent fumer. « Je serai contre l’affichage sauvage le jour où il n’y aura plus d’affichage du tout », martèle Mathieu qui peste contre les gran-

© Romain Monnier

des entreprises commerciales. Selon lui, elles occupent les panneaux d’affichage libre en toute tranquillité. « On sait qu’il y a des arrangements avec la Ville même si tout est très opaque ». LES AFFICHES EN EXPO. Selon Me Alain Couderc, l’avocat

de Damien Grange, qui s’en réfère au Code de l’environnement, la publicité par principe est libre et la réglementation, l’exception. Il est seulement interdit de coller dans un périmètre de bâtiments protégés ou sur des murs aveugles. Or, tous affirment que dans la zone protégée par l’Unesco, il y a des panneaux Decaux. « Et pour les enlever ceux-là, il faut y aller au marteau piqueur. Rien à voir avec nos petites affiches ». Damien Grange n’est pas le seul à être passé par la case tribunal. Il y a un an, son ami Sébastien Escande subissait le même sort. « Je suis passé le premier au tribunal, du coup ils ont voulu faire un exemple : de 650 euros, mon amende est passée à 1700 en appel ». Après cette condamnation, il a choisi la sublimation : les affiches, il ne les colle plus sur les murs mais les expose dans des galeries. Son exposition rue des Tables Claudiennes se terminait au lendemain du procès de Damien Grange et se déplace à Berlin en février. Il vient également de publier un livre : « 300 images sauvages par Sébastien Escande ». Il a écrit le livre pour mettre en valeur le côté esthétique mais aussi pour le symbole. « Je voulais représenter les graphistes et les histoires de la scène locale, les bénévoles, les organisateurs ». Son œuvre renferme cinq ans d’archives de la scène alternative à Lyon. Il voulait laisser une trace d’un mouvement parfois si underground qu’il est vite oublié. Damien Grange devra attendre jusqu’au 18 janvier pour savoir s’il sera ou non relaxé. Quant à Sébastien Escande, il a décidé d’aller en Cassation : « ça va prendre un an et si je gagne il faudra tout recommencer depuis le début ». JENNIFER SIMOES


PORTRAIT ERTHET B Y N O H ANT

La science des Raves

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nthony, 21 ans, est ce que l'on appelle couramment un « teuffeur ». La tenue kaki, le chien et le camion en moins ! A l'âge de 15 ans il découvre le « mouvement », les logiciels de MAO (Musique Assistée par Ordinateur) tels que Reason ou Fruity Loop, les samplers et les boîtes à rythmes. À l'époque, les grands noms de cette techno alternative et virulente sont Vinka, Banditos, Chrystal Distortion ou encore FKY. Ce qui l'a attiré vers cet univers ? La liberté et la gratuité. « Tu pouvais faire danser les gens avec ta musique sans forcément avoir de matériel sonore ni débourser quoi que ce soit, confie-t-il. À certaines « teufs » tu peux apporter tes machines et jouer tes morceaux. La plupart du temps j'y allais pour faire un liveset (concert en direct,ndlr) et c'est cet aspect musical qu'il faut retenir avant tout. En fait c'est un moyen d'expression comme un autre ». Pas de prix d'entrée, pas de contrainte d'horaires, pas de videurs. La liberté totale dans des endroits insolites et des paysages splendides. Pendant 5 ans, il sillonne chaque week-end la région avec son PC portable, son sampler (sa boîte à rythme) et teste ses derniers morceaux à l'épreuve du public. Sur son chemin il croise Kostik, un DJ français qui l'initie aux arrangements audio et aux distorsions. Il traverse les tendances musicales comme le breakbeat, la drum n'bass, la psytrance ou la tribe et enrichit son style. Aujourd'hui, il s'inspire de Daft Punk, Pendulum ou encore Prodigy et reconnaît avoir « changé d'état d'esprit ». Car les clichés sur les free party sont rarement contredits, surtout concernant l'usage de stupéfiants. « C'est vrai que le pourcentage de gens qui ne prennent pas de drogues dans ce milieu est assez faible, admet-t-il. Mais il faut savoir regarder plus loin que le cliché du « teuffeur » sous acide plein de piercings, car souvent ce sont les gens les moins intéressants. Tu prends juste le son, la déco, tes potes et tu oublies ceux qui viennent là juste pour faire leur marché ». Car il s'agit bien d'un marché comme un autre, dont le paroxysme est atteint lors du traditionnel et très médiatisé Teknival du 1er mai. Une usine à drogues et à décibels qui ternit un peu plus l'image de cet univers largement caricaturé. Mais tous les teuffeurs n'ont peut être pas la lucidité d'Anthony. La plupart contribuent à décrédibiliser un mouvement qui, comme pour l'émergence de n'importe quel milieu alternatif, souffre d'un grave déficit de compréhension des espoirs et frustrations qu'il véhicule. À seulement 21 ans, c'est presque l'âge de raison pour Anthony. Aujourd'hui, il n'est plus seul à composer. Celle qui partage sa vie et sa passion partage aussi son nom de scène : Les Amalgames. Allusion à ceux que, plus que jamais, ils tentent de combattre à travers la musique.

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ROMAIN MONNIER © Romain Monnier


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AU COEUR DE

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ans ce coin de la rue Feuillat et de l'avenue Lacassagne (Lyon 3e), multitude de possibilités et permettent à certains 34 000 m2 de vieux hangars industriels ont été prêtés par la Ville de Lyon artistes de démarrer, tous les occupants n’en sont pas à des artistes courant 2004, après une occupation sauvage qui datait de au même point. Certains en sont plus au squat et à l’oisiveté, bouteille de bière à la main, qu’à la création. 2002. Ici rien ne se perd, tout se façonne. Les installations se suivent et ne se ressem- D’ailleurs la cohabitation n’est pas toujours facile. blent pas. De la yourte au mini-van « graffité », en passant par des baignoires « On se méfie parfois de certaines personne qui frétransformées en potagers, flirtant avec un cheval de fer rachitique à la Giaconetti. quentent le lieu, il faut savoir faire la différence entre Les locaux deviennent ce que les arrivants veulent en faire : un immense labora- ceux qui sont là pour travailler et d’autres personnes toire artistique. plus en marge », confie discrètement un des artistes. Sous ces tôles il fait froid l’hiver et étouffant l’été. Pourtant les « doyens » du site, Toujours est-il qu’en janvier 2010 s’arrêtera la installés depuis plusieurs années, n’échangeraient leur place pour rien au monde. convention d’occupation de la Friche pour laisser « La liberté de travail que l’on a ici est une chance. Et puis toutes les disciplines se place à un grand pôle de formation. Et si les locataicroisent et se côtoient, les échanges humains et artistiques permettent une trans- res dénoncent un manque de transparence de la part mission de savoir sans égal » explique Omar Toujid, membre du bureau du de la mairie, c’est bien parce que pour le moment personne ne sait où la Friche trouvera son nouveau terCollectif friche autogérée (CFA RVI). La Friche RVI ne serait donc pas un lieu de perdition ? Si les lieux offrent une rain de jeu.


LA FRICHE RVI TEXTE & PHOTOS MARGAUX GUIGNARD

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© Charlotte Rebet

Le point de vue de FABRICE LEXTRAIT Connu pour le Rapport Lextrait sur les friches industrielles en France pour le ministère de la culture. Fondateur de la Friche « La belle de mai » à Marseille.

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a friche est un mot « valise » qui a beaucoup de sens. Dans ce cas, c’est un simple endroit, une salle, un entrepôt, libre d’accès pour les pratiques culturelles. Ils conviennent aux pratiques underground car ce sont des espaces libres, souples, ouverts, sans connotation. Il n’y a pas de contrainte sur l’organisation. La friche permet des projets à la recherche d’un autre apport au public, d’échange et de pratique. C’est un « espace intermédiaire » pour reprendre la notion de Peter Handke (auteur autrichien contemporain) où C. R. tout peut s’infiltrer ».


ENQUÊTE

PAR THOMAS CISONNI

CAPITALISME: JE T’AIME, MOI NON PLUS

LES DÉFENSEURS D E L A P H I LO S O P H IE « UNDERGROUN D» S’OPPOSENT AUX RÈGLES DU MARC HÉ, PERNICIEUSE S ET NUISIBLES À LA C R É AT I V I T É . D ’ A U T RES CROIENT EN L’ÉMERGENCE D ’ I N T E R N ET, Q U I BOULEVERSE LES MODÈLES ÉCONOM IQUES T R A D I T I O N N E L S ET LES MODES D’EXP RESSION DES ART ISTES. UN MOYEN DE S’EXTI R P E R D U S TA T U T D ’ « A LT E R N AT I F » .

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a musique, et l’art en général, ne peut pas être un business. Ce serait un suicide culturel ». Eric Boisteau met d’emblée les choses au clair. Fondateur de l’association Underplay, une fédération de labels indépendants, voilà bientôt quatre ans qu’il côtoie des artistes de la région lyonnaise et de tous les univers : metal, hip hop, drum and bass, rap, crust, grindcore… Underplay veut permettre la promotion de ces musiciens en proposant à la cinquantaine de labels qu’il rassemble de mutualiser les moyens et les compétences de chacun pour développer un réseau de distribution alternatif. L’association dispose pour ce faire d’une plate-forme numérique dernier cri. « Rien à envier aux pros » résume-t-il. Pourtant, la comparaison avec « l’autre monde » s’arrête là. Car au moment d’évoquer le sujet de la trésorerie, le trentenaire se veut catégorique : il n’est pas question de profit. Pour lui, se revendiquer artiste alternatif, c’est avant tout manifester une opposition aux règles du marché, tant par le message délivré par l’œuvre que par son mode de diffusion. « Le seul objectif, c’est d’améliorer les conditions de vie des artistes et leur permettre de vivre décemment de leur production ». LABEL « ÉQUITABLE ». Là où les circuits de distribu-

tion traditionnels ne laissent que la portion congrue Thomas Cisonni ©

aux créateurs (entre 10 et15 % des recettes), Underplay vante les mérites d’un label « équitable », comme aime rappeler Eric Boisteau. Selon une logique fondée sur la notion d’économie solidaire, l’association ne s’octroie que 20 % des tarifs pratiqués par les artistes, pour des albums vendus moins de 12 euros. En 2008, ce sont près de 4 200 euros qui ont été « réinjectés » dans l’association, afin d’améliorer peu à peu le projet. Créée en 2004 par sept structures fondatrices, CD1D est une autre fédération lyonnaise de labels indépendants. Rassemblant 120 labels, pour un millier d’artistes et 1900 disques, elle reverse 85 % du résultat de ses ventes aux labels et aux artistes ; CD1D parvient à « réinjecter », en 2008, 11 200 euros dans l’association pour développer son matériel informatique et sa communication. Revendiquant leur éloignement de la culture « business », dans la lignée des purs et durs de l’underground, ces collectifs de toutes tailles, se rejoignent dans une obsession. Celle d’échapper au marché destructeur et à ses règles nocives à la créativité, en prônant la philosophie du DIY (« Do it yourself ») de l’autogestion et du bénévolat. « Chaque mouvement alternatif naît obligatoirement de la rencontre entre un mouvement contestataire du monde socio-économique et l’expression de créativité des individus » définit par exemple Stan Audouin, fondateur de l’association rennaise Street Trash, qui regroupe différents acteurs de l’art de la rue. « Dès qu’un mouvement alternatif prend de l’ampleur, il a systématiquement été convoité par le système commercial. Des artistes au départ contestataires sont devenus des rois du système économique et médiatique. Ils ont été happés par le système qu’ils haïssaient à l’origine ». Pour les puristes de l’underground, la trajectoire artistique se fonde autour des valeurs d’indépendance,


ENQUÊTE

Le groupe Music is not fun photo music-is-not-fun.com, libre de droit

d’anticapitalisme et de lutte contre toutes formes de manipulations mentales. Ils renoncent du même coup à toute forme de publicité. CRÉATIVITÉ DANS LES MODES DE COMMUNICATION.

Mais de nombreux artistes considérés comme alternatifs uniquement par leur non-présence dans les circuits traditionnels tiennent, eux, à se faire connaître et à émerger. Pour eux, le sort de l’alternatif, c’est justement d’en sortir un jour ou l’autre. Et l’artiste de devenir alternatif dans sa façon de communiquer et de se faire connaître. Pour être vu, Internet et ses réseaux sociaux sont un formidable pied-de-nez aux modèles publicitaires traditionnels. « Les réseaux sociaux permettent de s’appuyer sur le système imparable du bouche-à-oreille » explique Frédéric Herzog, manager et batteur du groupe electro-jazz grenoblois Simply007. « Que les gens parlent de nous sur leur Facebook ou autre, cela revient à une publicité gratuite. Nous avons alors décidé d’offrir le téléchargement de l’album à ceux qui mettaient le lien de notre site sur leur profil » se souvient-il, trois ans après la mise en place du dispositif. À l’époque, le but est avant tout de diffuser les dates de concerts. Le trafic du site, observé avec la plus grande attention chaque semaine, ne cesse d’augmenter, passant en six mois de 350 à 1 600 visiteurs uniques mensuels. MYSPACE REPREND « LA FÊTE DE LA MUSIQUE ». Sur

la Toile, chacun tâtonne dans l’espoir de découvrir le dispositif qui fera foi ; les artistes rivalisent d’imagination. Le téléchargement, affranchissant de la contrainte maté-

rielle du disque, ouvre d’innombrables perspectives. À chaque sortie sur scène, le groupe lyonnais Music is not fun délivre aux spectateurs un code leur permettant le téléchargement du nouvel album en « avant-première mondiale », comme s’en amuse un des membres sur le site du groupe. Surfant sur ses principes de découverte et de promotion de la musique indépendante, le site MySpace – qui compte 18 millions d’utilisateurs en France – décide en 2007 de faire se rencontrer musiciens et auditeurs en créant une série de concerts dans chaque région. Le festival « Me, MySpace and MyBand » a sélectionné les groupes « qui font le buzz ». En guise de récompense, pas de cachet, mais une campagne de promotion sur le site MySpace sous la forme d’un million d’affichages de bannières pour le groupe vainqueur, en haut des pages, pendant une semaine. « En 2009, tout le monde est sur MySpace ! regrette Thomas Riva, membre du groupe stéphanois Washington Lost. Alors on ne peut plus dire qu’il s’agit d’un mode de communication alternatif. Son succès a tué son charme ». À l’image de MySpace, propriété du groupe du magnat des médias Rupert Murdoch, le credo de la découverte de nouveaux talents et de l’illusion de donner libre cours à la créativité est exploité à outrance. Ce sont désormais ces « faux labels » comme celui lancé en 2005 par SFR (SFR Jeunes Talents) qui s’attirent les foudres des activistes de l’Underground. Et Stan Audouin de conclure : « Des grands groupes qui veulent faire du profit avec la mode de l’alternatif, cela revient à un mariage forcé ».

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VUE POINT DE ONORES S S IT U N LES

ESPÈCES SONORES ...ET TRÉBUCHANTES

© Romain Monnier

L A U R E N T G A R N I E R , A G O R I A O U E N C O R E C U T C H E M I S T. . . D E P U I S 2 0 0 3 , C E S T ÊT E S D ’ A F F I C H E S C O N T R I B U E N T À L A R E N O M M É E D U F E S T I VA L L E S N U I T S S O N O R E S . U N É V È N E M E N T T Y P I Q U E M E N T LY O N N A I S Q U I R É P O N D A U J O U R D ’ H U I A U X S T R AT É G I E S C O M M E R C I A L E S D E S E S O R G A N I S AT E U R S . M A I S PA S S E U L E M E N T…

L

es Nuits sonores, c’est d’abord une rencontre entre passionnés de musiques électroniques, un projet qui s’écrit petit à petit et met des mois à recevoir l’approbation de la Ville de Lyon, puis de la Région RhôneAlpes. Ils accorderont 278 000 euros de subventions la première année. Alors les mécénats privés y croient. Les médias aussi. L’ascension est fulgurante et la suite, on la connaît : LYON, VILLE « ELECTRO » 16 000 personnes la première année, Faire émerger la musique électronique à 29 000 pour la deuxième édition, Lyon était un pari risqué et ambitieux. Car puis 35 000 en 2005… et jusqu’à très vite « l’electro » est assimilé aux raves party. De Rennes à Carcassonne, les arrêtés 70 000 spectateurs l’année dernièpréfectoraux pour « troubles à l’ordre re. Un succès dont le directeur public » pleuvent dans toute la France. La Vincent Carry (que nous n’avons stigmatisation de la « techno » est en marche. Lyon voit cette musique, encore pas pu joindre) n’avait pas prévu les réservée aux initiés, débarqué sur ses ondes effets et les retombées économiques. au début des années 90. Mais elle est Le cru 2003 a vu ainsi apparaître encore méconnue des Lyonnais qui l’assimilent à de la dance. Très vite, un projet qui a aujourd’hui défis’ouvrent les premières boîtes de nuit nitivement rendu cette musique « techno ». En 1996, plus de 20 000 institutionnelle. festivaliers attendent des artistes comme

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Prodigy ou Carl Cox à la soirée « Polaris » mais au dernier moment, la mairie annule. Lyon devient alors le symbole de la répression. Des associations comme Technipol, organisateur de la techno parade, se créent. Et la Ville, consciente de l’engouement populaire, décide d’encadrer ces pratiques. Il faut attendre les années 2000 pour voir quelques tentatives en la matière. Vincent Carry et son collectif, Arty Farty, s’engouffrent dans la brèche.

L’ELECTRO, À LA MODE. Son nom est évocateur. Son concept innovant : « Investir des lieux défraîchis et inhabituels » donne à ce festival un air de rave party légale. Et pourtant ! Largement financé par des mécénats privés Ô combien influents, supporté par toute sorte de médias, choisi par la Ville comme vitrine pour sa culture, ce festival a tout d’un grand. Des stars « bankables » aux artistes émergents, tout le monde prend son pied et y trouve son compte. Il s’avère d’ailleurs qu’aucun « sound system » n’a été contacté pour Les Nuits Sonores : trop turbulents, ils auraient sans doute nuit à

l’image propre sur elle et « arty » bon chic bon genre de ce festival de salon. Quant aux visiteurs qui croient au coté alternatif, beaucoup déchantent au moment de passer à la caisse. Loin du tarif « free party », un « pass » peut vous coûter jusqu'à 80 euros. Sans compter les consommations et produits dérivés qui accompagneront vos après-midis, vos nuits, vos afters. Rentabilité oblige, le festival s’étale pendant quatre jours. Comptez une heure d’attente pour accéder aux lieux « hype», comme la célébrissime halle Tony Garnier, qui se loue très cher. Enfin espérez danser toute la nuit sur des hits electro au milieu d’une foule qui pense accéder à une culture différente, loin de la masse. Alternatif ? Pas vraiment. LA VILLE S’EN MÊLE. D’autant plus que le projet éma-

ne dès le départ d’un commun accord entre la Ville et ses organisateurs. Un festival électronique comme vitrine d’une ville branchée, loin de son coté bourgeois et coincé des années 90. Après la répression des raves party qui a frappé à Lyon, le maire Gérard Collomb (PS) a misé sur les musiques électroniques pour faire de Lyon une capitale culturelle internationale. Il a aussi démontré, en injectant quatre fois plus d’argent pour Les Nuits Sonores que pour le festival hip-hop l’Original (60 000 euros), qu’elle était un haut lieu de l’engagement du politique en faveur des musiques électroniques. Aux stars internationales, on offre la Halle Tony Garnier, aux autres des bars isolés. Un calcul qui n’a rien d’étonnant. Mais rien d’alternatif non plus. Après tout, la culture, tout comme l’art, est une affaire d’argent et de communication politique. Seuls « les alternatifs » prétendent encore que l’on pourrait tout de même penser ces secteurs d’activité sur des bases moins mercantiles, plus démocratiques. ISABELLE MATERA


« On n’est pas des vendus ! » Hier à Paris, Aujourd’hui au Japon, et demain à Londres. Moncef Zediri a pourtant commencé dans les rues de Lyon avant de deve nir avec son groupe, le breaker le plus titré du monde. Auréolé de tous ces succès, il assure pourtant ne pas trahir l’esprit underground du hip-hop.

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ujourd’hui encore, il continue à puiser son inspiration dans la rue. Celle qui l’a mené au succès. Pourtant, dès l’âge de sept ans, Moncef Zediri rêve plutôt de terrain de football. À cette époque, si le sport devient vite indispensable à ce fils d’immigré né en Algérie, il ignore tout du hip-hop. Mais il voit apparaître cette discipline de rue que les quartiers s’approprient et qu’il fréquente depuis toujours. C’est le déclic. Comme une évidence, il comprend que les pavés de Bron ne lui offriront que peu d’opportunités. Il décide, avec un voisin, de s’essayer au break sous les arcades de l’Opéra national de Lyon. Deux, puis six, puis huit. Le Baby Boom Crew se crée progressivement avant de devenir le Pockemon Crew en 2002. Rapidement, ils forcent l’admiration par leurs prouesses techniques, présentent des chorégraphies construites et rigoureuses, mêlant hip-hop et influences contemporaines. Oui mais problème. Le hip hop a du mal à trouver sa place dans une culture de masse. Un seul moyen alors : remporter des titres, qui ont valeur de faire-valoir dans la discipline. LE TOURNANT DE SA CARRIÈRE. 2003. Comme une date clé dans la carrière de Moncef Zediri. Celle de son premier titre : champion de France. Très vite, il prend goût à l’adrénaline des compétitions, à la rigueur qu’elles suggèrent, et à l’argent qu’elles rapportent. Mais une évidence s’impose à lui. La France ne lui offre qu’un statut d’intermittent. Les récompenses sont dérisoires et la reconnaissance peine à venir. C’est en devenant champion du monde en Allemagne en octobre 2003, puis champion d’Europe en

© Artistide Bruchon

PORTRAIT ON CREW M E K C O P

juillet 2004 que Moncef Zediri comprend l’importance de séduire un public étranger. Les sponsors privés sont d’autant plus généreux. La notoriété explose lorsque Pockemon Crew devient le premier groupe français à s'imposer en Corée du Sud à Séoul en septembre 2007. D’un collectif autogéré, le groupe contribue à la création d’une entreprise de danse reconnue et financée par la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles). Mais il insiste : « je n’ai pas pris la grosse tête, on continue à danser dans la rue. Nous, on n’est pas des vendus ! ». D’après lui, les économies engendrées ne valent pas l’enrichissement personnel qu’il a connu en multipliant les déplacements à l’étranger. « Rien ne vaut l’ouverture d’esprit que m’ont apportée mes voyages en Asie », confie-t-il. La simplicité, comme un maître-mot qui raisonne dans la tête de ce danseur impressionnant par sa souplesse, sa technique et sa recherche artistique. UNE PRIORITÉ : LA SOLIDARITÉ. Aucun n’est chorégraphe. Tous le sont un peu. Car dans la vie comme dans la danse, les neuf garçons poursuivent un idéal qui sonne comme un slogan : « unis pour avancer ! ». Chacun d’entre eux est une source d’inspiration pour les autres. Et c’est pourquoi Moncef Zediri refuse l’idée même d’un parcours en solo. « La reconnaissance du groupe outre-Atlantique suffit a me rendre fier ». S’il refuse de parler de son salaire, cet artiste admet volontiers que la reconnaissance a été tardive, surtout quand la discipline est stigmatisée. Aujourd’hui encore, il se sent « à la traîne » par rapport aux compagnies contemporaines qui jouissent d’un effet de mode sans précédent. Et pourtant. Du péristyle de l’Opéra à la Maison de la Danse , le parcours de Moncef Zediri et de sa troupe a tout d’une « success story » à l’européenne, multi financée et largement institutionnalisée. ISABELLE MATERA

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AGE

DÉCRYPT

UN MÉDIA ALTERNATIF LYONNAIS No Dogs est un « magazine urbain gratuit d’expression libre ». Créé et dirigé par Estelle Dusquesnois, il propose aux Lyonnais de publier des articles, des billets d’humeur, de la poésie. Chaque page est réalisée par un unique rédacteur et par un seul graphiste. Le thème de No Dogs change à chaque fois et tourne autour d’un seul mot, choisi au hasard dans le dictionnaire. Pour le 7e numéro, le terme désigné était « gourbi ». Cette presse alternative fonctionne grâce à des aides régionales. No Dogs est imprimé à 10 000 exemplaires et la date de publication est très aléatoire.

EN LIGNE www.no-dogs.fr.

MÉDIAS: REGARDS EN CHIENS DE FAÏENCE A C C U S É S D ’ ÊT R E À L A S O L D E D ’ U N S Y S T È M E D O M I N É PA R L E S LO I S D U MARCHÉ, LES MÉDIAS SUSCITENT LA MÉFIANCE DES MILIEUX U N D E R G R O U N D . C E S D E U X M O N D E S S O N T P O U R TA N T C O N D A M N É S À COEXISTER.

«V

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endre son intelligence ? Sa créativité ? Sa force ? Et disparaître sans avoir vécu ! », écrit l’auteur alternatif Louis Mandler dans son livre L’Humanité sans sépulture. Aujourd’hui, pour réussir à vendre dans le monde culturel, la clé est de passer par les médias et y faire sa publicité. « Certains ont la chance de pouvoir présenter leurs œuvres sonores sur des émissions culturelles de grandes radios comme Sous les étoiles exactement, sur France Inter. Cette émission, diffusée trois jours par semaine, donne carte blanche aux alternatifs », explique Vincent Durlai, qui a créé, il y a quelques années, un groupe de rock alternatif, loin des standards surmédiatisés. En 2005, plusieurs antennes généralistes ou libres lui proposent de participer à plusieurs émissions, mais il refuse d’y venir. LES ALTERNATIFS À L’ANTENNE. Aujourd’hui, Vincent Durlai

a quitté son groupe et travaille pour Radio Canut. Il est chargé de trouver des artistes alternatifs, principalement dans le milieu musical. « À la différence d’autres grandes villes, Lyon possède quelques radios alternatives, libertaires. Cela plaît aux artistes underground car ils s’identifient plus facilement à ce type de média. Radio Canut, Radio Nova ou Radio Libertaire par exemple. Ils viennent plus facilement présenter leurs œuvres sur nos ondes ». Vincent Durlai remarque que « de plus en plus d’artistes sont obligés de faire une entorse à un de leurs « mots d’ordre», le boycott des médias, en faisant de la publicité. Ils doivent se faire connaître pour continuer leur art ou pour s’en sortir, surtout dans la conjoncture actuelle, et parfois malgré une certaine méfiance ». Le média qui se consacre le plus à ce type d’artistes est donc la radio, qu’elle soit libre ou bien conventionnelle. France Inter en tête, puis quelques radios privées comme RTL et Europe 1 s’intéressent à des sonorités encore jamais entendues sur les ondes. Ces émissions sont en majorité diffusées tard dans © Photo DR

La rédaction de Radio Canut.

la nuit, à des heures de faible écoute. En revanche, dans la programmation de Radio Canut, elles représentent environ 30 % du temps d’antenne. Régulièrement sur Radio Libertaire, des animateurs organisent des tables rondes enregistrées autour du thème des cultures alternatives en présence d’artistes et de spécialistes pour débattre. RELATIONS HOSTILES. Du côté des artistes, ce n’est pas le même discours. Certains se refusent à communiquer avec les médias traditionnels. Ils affectionnent davantage les nouvelles technologies avec Internet, les réseaux sociaux, les blogs pour faire passer leur message ou bien des médias très spécialisés. « C’est une question de choix », pour les artistes underground. « On a peur d’être considérés comme des produits commerciaux. Aujourd’hui, on rejette les médias de masse » ajoute Vincent Durlai. Ils acceptent seulement les interviews dans des magazines très spécialisés. Même commentaire pour Vincent Durlai : « Certains refusent de participer à des émissions sur France Inter et autres grandes antennes, parce qu’ils redoutent de tomber dans l’institutionnel ». Autre raison qui explique cette moindre présence dans les médias : 53 % des Français ne font pas confiance aux journalistes. Une méfiance que l’on ressent encore plus dans les milieux underground. « J’ai eu droit à plusieurs refus, parce que selon eux, les journalistes et les animateurs trafiquent les propos des artistes, les déforment ou les sortent de leur contexte ». Médias et artistes alternatifs, deux mondes entre lesquels les passerelles sont rares et éphémères ; deux mondes qui s’opposent, se repoussent tout en ayant conscience qu’ils doivent cohabiter. Comme des voisins qui s’épient et qui ne se saluent pas quand ils se croisent. GUILLAUME ROCHON


«PAS D’AUTO -CENSURE»

W INTERVIE OMBE DAVID C Vitrine d'agités, d'innovateurs, de marginaux. Tracks, d'après sa terminologie anglaise, est un sentier peu emprunté, une route mineure. Des chemins sur lesquels l'émission s'aventure, à la rencontre de ceux qui les ont initialement débroussaillés. Tracks les traque, les suit comme un observateur. Un curieux, qui pense qu'en retraçant leurs parcours, il pourra les comprendre et représenter le

INTERVIEW JULIE BALESTRERI

Comment définiriez-vous la ligne éditoriale de Tracks ? L'émission essaie avant tout de surprendre le téléspectateur, de lui faire découvrir des choses, pour lesquelles il n'était pas préparé. Nous tentons de le déboussoler, de l'amener dans des univers qu'il ne maîtrise pas, hors de son champ de connaissance. Côté journalistique, nous cherchons à raconter une histoire. On parle d'une vie, pas d'une cause. Nous nous positionnons en tant que narrateur et non comme critique. Dans chacun de nos sujets, nous ne prenons pas en compte nos goûts ou nos opinions per-

plus fidèlement possible, la diversité d'une époque. Rencontre avec David Combe, l'un des deux rédacteurs en chef du programme.

Comment déterminez-vous les limites dans le choix de vos reportages ? J'incite mes journalistes à ne pas s'autocensurer, je veux qu'ils fassent le reportage tel qu'ils le conçoivent, sans se donner de frontières. Notre limite, c'est les actes gratuits, ceux qu'on ne peut pas déchiffrer. La violence gratuite ne nous intéresse pas, elle est dénuée de sens. Même si nos reportages peuvent choquer, il y a toujours des éléments pour les comprendre. Il y a une différence entre de la pure provocation et un point de vue décalé sur le monde. Lorsqu'on se censure, on émet un jugement personnel et c'est ce que nous voulons éviter. Arte, notre diffuseur, est le seul à pouvoir décider si nous sommes allés trop loin. Selon vous, quel est le point commun des sujets que vous traitez ? Nous nous définissons comme le magazine des cultures émergentes et hyperactives. Que ce soit des reportages sur la musique (rock, hip-hop, electro), sur des performances artistiques ou sur des sports extrêmes, leurs points communs c'est qu'ils sont représentatifs de notre époque, sans pour autant être des courants majeurs. Nous voulons désorienter le téléspectateur et attiser sa curiosité. Nous espérons qu'il aura envie de chercher encore plus loin. Vous considérez-vous comme le magazine de référence des cultures alternatives ? À vrai dire, pour moi les cultures alternatives, les contre-cultures (...) n'existent pas. Ce ne sont que des terminologies pour ne pas les classer dans la « culture » au sens courant. C'est différent, donc on donne un nouveau nom. Qu'on soit noir ou blanc, on reste des êtres humains, non ? Pour moi, c'est de la culture, point. Dans le système humain, ce qui est différent, soit on l'intègre, soit on le tue. Dans notre société, où le moteur est l'argent, soit on interdit, soit on se rend compte que ça peut être rentable et on en fait un « main stream » (courant majeur, ndlr). Le pionnier, le visionnaire passe sa vie devant un château fort, à essayer de défoncer le pontlevis. Il frappe, il s'acharne et quand il a enfin réussi à ouvrir une brèche, une armée d'opportunistes passe avant lui et le piétine ! Dans Tracks, nous voulons connaître l'histoire de ce type, avant qu'il ne se fasse écraser. L'alternatif ou la marginalité, ce n'est qu'un point de vue, qui dépend de l'endroit où l'on se place.

© Mike Palace

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David Combe

sonnelles. Nous restons le plus objectif possible, afin de parler de l'air du temps, de notre époque, de nos sociétés qui bougent continuellement. Nous cherchons les précurseurs, les pionniers qui ne sont pas représentées dans les médias de masse. À quel public vous adressez-vous ? Nous faisons en sorte de parler à tout le monde et de toucher le public le plus large possible. Évidemment, nous savons que nos images peuvent être dures. L'émission n'est pas conseillée pour les moins de 16 ans, je pense, car il faut pouvoir saisir le poids des images, comprendre le message que ces personnes font passer. Il faut avoir une certaine connaissance du monde et pouvoir prendre du recul, pour appréhender un autre point de vue que le sien. C'est pourquoi, en tant que journalistes, nous devons être transparents, nous contenter de raconter et d'expliquer.

PROGRAMMATION L’émission Tracks est produite par Program 33, diffusée chaque vendredi à 23h10 sur Arte. www.arte.tv


R E I S S O D LE E ULTURELL

DIVERSITÉ

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UN VIVIER POUR LA DIVERSITÉ ?

DOSSIER MAUD LÉPINE & MARGAUX GUIGNARD

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u’ils soient « beurs », handicapés, ou noirs, les artistes issus de la diversité revendiquent une plus grande visibilité. D’ailleurs le constat est accablant. La parité homme-femme dans le spectacle vivant est loin d’être acquise. À titre d’exemple : 89 % des institutions musicales sont dirigées par des hommes (voir page 18). En ce qui concerne la diversité « ethnique », en 2005 seuls 10 % des salariés de l’Etat étaient issus de l’immigration. Néanmoins, les institutions font de plus en plus d’efforts pour mettre en avant la diversité, notamment depuis la charte de l’Unesco signée en 2005. Cette dernière promeut la diversité, affirmant que « la diversité culturelle est une caractéristique inhérente à l’humanité ». Pourtant, certains acteurs se demandent encore si tous ces efforts ne sont pas plus une question de « quotas » que d’avancées sociales. Dès lors, la diversité est-elle plus facilement mise en valeur dans le milieu alternatif ? Difficile de répondre à cette question lorsqu’il n’y a aucun chiffre sur lequel s’appuyer. Pour Johann, ancien étudiant des Beaux-arts, l’al-

ternatif n’offre pas plus de possibilités : « Le milieu underground est une sorte de « fourretout ». On y trouve des gens brillants, mais aussi des marginaux, qui se retrouvent là car ils n’ont pas percé dans le milieu institutionnel. Même si le milieu alternatif est moins élitiste, quand on a du talent, qu’on soit une femme, un immigré ou autre, on trouve sa place dans le milieu institutionnel ». Nos rencontres sur le terrain alternatif ne nous ont effectivement pas montré une plus grande ouverture. Pour quelles raisons ? D’une part nous constatons que pour vivre, le milieu alternatif a besoin du soutien de l’institutionnel. Les contraintes seraient alors les mêmes dans les deux milieux. Ensuite, comme le dit Fabrice Raffin (voir interview page 5), le milieu alternatif est un milieu tout autant identitaire qu’un autre et la place laissée aux personnes issues de la diversité n’est pas plus grande. Cela renvoie au constat de nombreux sociologues, démontrant qu’une certaine forme de hiérarchisation, à l’image du monde institutionnalisé, est reproduite dans les communautés en marge pour leur bon fonctionnement. MARGAUX GUIGNARD © Jean-Marie Refflé


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«TOUT SAUF BOURGEOIS ET RÉACTIONNAIRE»

INTERVIE

N A J AT VA L L A U D - B E L K A C E M , C O N S E I L L È R E G É N É R A L E ( P S ), EST DEPUIS MARS 2 0 0 8 6 e A D J O I N T E A U M A I R E D E LY O N E N C H A R G E D E S G R ANDS ÉVÈNEMENTS, D E L A V I E A S S O C I AT I V E ET D E L A J E U N E S S E . E L L E E S T É G A LEMENT P O R T E - PA R O L E D E S É G O L È N E R O YA L D E P U I S M A R S 2 0 0 9 . I N T E R V I E W.

Comment la diversité est-elle prise en compte dans la politique culturelle de la Ville de Lyon ? Lyon a mené une action pionnière en faisant preuve d'ambition dans ce domaine, mais rien n'est jamais acquis. Nous travaillons au quotidien pour que cette question soit prise en compte dans toutes nos politiques publiques. La métropole lyonnaise s'est ainsi engagée à développer une politique de la diversité dans le cadre d'un Contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) négocié avec les collectivités territoriales et l'Etat. Nous avons par exemple obtenu que la culture soit prise en compte dans cette contractualisation, ce qui est unique en France. Mais ça passe aussi par une forme de sensibilité et de conviction qu'aucun texte ne pourra jamais suppléer : de ce point de vue, il existe un vrai consensus parmi les élus lyonnais en responsabilité. La charte de l'UNESCO sur la diversité culturelle existe mais quels types de charte y a-t-il entre la ville et les associations pour promouvoir cette diversité ? Encore une fois, Lyon a montré l'exemple en instaurant une charte de coopération culturelle qui incite les grandes institutions, notamment municipales, à s'impliquer dans les actions menées par les associations et les habitants des quartiers prioritaires. Mais c'est vrai que nous travaillons en ce moment à la rédaction d'une charte spécifique sur la diversité culturelle. Comment les associations permettent-elles de valoriser les cultures des quartiers et les cultures alternatives ? C'est toute la vertu du monde associatif que de refléter toute la diversité d'une ville. On peut citer l'exemple du festival L'Original Hip-hop qui, depuis six ans prend toujours plus d'ampleur en ouvrant les cultures urbaines à un public sans cesse plus large. D'autres associations, telle que le Centre des musiques traditionnelles Rhône-Alpes, travaillent sur le terrain pour repérer et valoriser toutes les formes musicales de la diversité culturelle.

Najat Vallaud-Belkacem © Photo DR

Le CUCS promeut la diversité dans les quartiers. Mais ce printemps trois associations favorisant les langues étrangères ont perdu leurs subventions. Qu'en pensez-vous ? Je crois vraiment que les cultures, que l'on accuse parfois un peu trop rapidement d'être communautaires, doivent être vécues comme étant des sas d'intégration, pour des populations que l'on ne touche pas facilement par ailleurs. Soit on décide alors de ne pas les toucher du tout, soit on réfléchit à ce qui peut être prioritaire. Pour moi ce qui est prioritaire, c'est de garder le contact avec elles, pour les inciter dans un second temps à s'ouvrir aux autres. Il faut donc inscrire la diversité dans notre politique culturelle : c'est pour cela que j'ai par exemple invité l'une de ces associations (berbère) à organiser le bal du 14 juillet.

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«UNE CHARTE SPÉCIFIQUE SUR LA DIVERSITÉ CULTURELLE»

Les lieux dédiés aux cultures alternatives ferment petit à petit à Lyon. Y’a-t-il une volonté de faire disparaître cette culture au profit de la culture institutionnalisée ? Certainement pas. D'abord, il y a une part de fantasme à idéaliser ainsi le passé. Je suis sûre qu'il se passe bien plus de choses aujourd'hui à Lyon qu'il y a 20 ou 30 ans. Mais la vraie différence est peut-être dans les institutions culturelles qui se sont ouvertes à ces cultures qui auparavant étaient marginalisées. Pour ne citer qu'un exemple, les Pockemon Crew sont passés du parvis à la grande salle de l'Opéra en quelques années seulement, et la programmation des Célestins comme celle des Subsistances sont tout sauf bourgeoises et réactionnaires.


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REPORTA

TOUS ENSEMBLE SUR SCÈNE L A C U LT U R E A LT E R N AT I V E E S T S Y N O N Y M E A U J O U R D ’ H U I D E D I A LO G U E , D E C O L L A B O R AT I O N AV E C D E S P O P U L AT I O N S E N M A R G E D E L A C U LT U R E I N S T I T U T I O N N E L L E . U N E D É M A R C H E Q U I P E R M ET À L A D I V E R S I T É D E T R O U V E R S A P L A C E D A N S C E M I L I E U A LT E R N AT I F. M A I S I L E S T I M P O S S I B L E P O U R D E S A S S O C I AT I O N S D E T R AVA I L L E R AV E C D E S P E R S O N N E S H A N D I C A P É E S , D E S C E N T R E S S O C I A U X O U D E S PRISONS SANS SUBVENTION.

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i nous n’avons ni règles, ni partenaires, il nous est impossible de mettre en place des ateliers artistiques avec des handicapés et des personnes en difficulté », explique Martine Meirieu comédienne dans l’association Eolo. « Nous ne pouvons pas vivre dans le chaos. Le but est de partager notre savoir avec des gens qui n’ont pas accès à la culture institutionnelle ». Difficile donc. Et pourtant de nombreuses associations à Lyon et en Rhône-Alpes œuvrent auprès de ces publics. Parmi elles on retrouve Eolo, la compagnie Parc, le Théâtre du Grabuge ou encore la Caravane des dix mots. Travaillant avec des danseurs handicapés depuis environ deux ans, Emilie Tournaire, danseuse professionnelle, est coutumière de ces difficultés. « Le plus dur est de trouver une salle de représentation lorsqu’on monte un spectacle avec des personnes handicapées. Les institutions ne font pas encore assez d’efforts ». Il lui aura fallu un an de travail pour mettre en scène le projet « Re : Semble / En : Semble » avec Naoule, Florence, Guillaume, Séverine, Pinar, Suzanne, Gaspard, Angela et Lydia. Leur point commun : leur handicap, et une expérience artistique insolite et unique.

LA DIVERSITÉ PAR LES MOTS Depuis huit ans en Rhône-Alpes, la Caravane des dix mots permet à des personnes de tous horizons, francophones ou non, l’accès à l’expression. La Caravane va « à la pêche au sens des mots » pour révéler la richesse et la diversité que chaque être humain a en lui. Des artistes mènent des ateliers artistiques autour de la langue française où chaque participant devient acteur du projet. L’association a ccompagné la création des caravanes dans une trentaine de pays du monde.

EN LIGNE www.caravanedesdixmots.com

« J’avance très facilement avec eux car ils sont dans l’imagination. Or en danse contemporaine, lorsqu’on comprend l’imagination on comprend tout », indique Émilie Tournaire. Le résultat, c’est 35 minutes de danse sur le thème de la rencontre. Sur fond de musique, les corps se déplacent, s’approchent et entrent en contact. Les mouvements de bras, de mains et de jambes prennent possession de l’espace. Les regards s’opposent, s’évitent et se croisent pour ne plus se lâcher. La danse est un moyen d’expression, mais pour Martine Meirieu, il est important de ne pas se cloisonner à un seul art. « Si on utilise uniquement la parole, il est impossible de créer. Certaines personnes sont muettes, d’autres sourdes et certaines ont une parole amputée. C’est pour cela qu’à Eolo nous réunissons notamment la parole et le geste ». Le but n’est pas de produire mais de mener des pratiques artistiques. Toutes les associations s’accordent sur le même point : il est impératif de ne pas imposer ces idées. Les participants, quelque soit leur handicap, doivent s’emparer de leur environnement pour créer l’impossible.

PARITÉ : Qui dirige les institutions ? Ce sont des hommes qui dirigent : 92 % des théâtres consacrés à la création dramatique. 89 % des institutions musicales. 71 % des centres de ressources. 59 % des centres chorégraphiques nationaux. Qui a la maîtrise de la représentation ? 97 % des musiques que nous entendons dans nos institutions ont été composées par des hommes. 94 % des orchestres programmés sont dirigés par des hommes. 85 % des textes que nous entendons ont été écrits par des hommes.

MAUD LÉPINE

78 % des spectacles que nous voyons ont été mis en scène par des hommes. En 2003, la moyenne des subventions attribuées aux scènes nationales par l’ensemble de leurs partenaires était de 2 096 319 euros. Quand elles étaient dirigées par un homme, cette moyenne s’élevait à 2 347 488 euros. Quand elles étaient dirigées par une femme, la moyenne des subventions perçues était de 1 764 349 euros (soit -30 % environ). > Source : Rapport de Reine Prat au minisyère de la Culture « Pour l’égal accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité, aux lieux de décision, à la maîtrise de la représentation », mai 2006 (données 2003-2004).

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Le projet « Re : Semble / En : Semble » à Saint-Etienne le 25 novembre 2009 © Margaux Guignard

19 À la rencontre des femmes

I

l est 14h30, au centre social Grand Vire à Vaulx-en-Velin. La trentaine de femmes présentes ont les yeux rivés sur les cinq artistes du théâtre du Grabuge. Ils prennent contact avec des femmes pour former le choeur de leur prochain spéctacle « Pose ta valise ». Une démarche considérée comme alternative dans la mesure où la parole est donnée à des minorités peu écoutées. Les premiers chants kabyles (une communauté algérienne, ndlr) remplissent la pièce d’un rythme enjoué et entraînant. Rapidement, des larmes © Théâtre du Grabuge coulent sur leurs joues. Les femmes ont du mal à intérioriser leurs émotions. Tant de souvenirs d’Algérie, de leur village natal et de leur famille. L’émotion monte encore d’un cran à la lecture d’un témoignage poignant écrit par Alexiana, une Algérienne exilée. « En arrivant en France, j’ai entendu toutes sortes de réflexion. Je n’avais pas de papier, pas de travail. Je ne parlais pas français. Les insultes quand tu ne peux pas répondre, ça fait mal. Ce sont les collègues de travail qui m’ont appris à parler le français ». La musique algérienne reprend ses droits. Les sourires et les applaudissements remplacent les larmes et les mouchoirs. Les dernières notes de musiques s’échappent du violon et les remerciements affluent des quatre coins de la salle. « C’était bien, merci Monsieur ! », lance une Algérienne d’une cinquantaine d’années. « C’est très touchant. Même si on ne parle pas la langue, on comprend le message », confie une de ses voisines. Et c’est le but de cette rencontre. Trente minutes de conte et de musique kabyle sur l’exil pour attirer les femmes. « Nous voulons former un chœur avec vous », explique Géraldine Bénichou, metteuse en scène. « Le plus important est d’avoir des femmes de toutes les origines racontant leur expérience ». Les questions fusent. « Mais je ne suis pas née en Algérie ? ». « Nous prenons autant de femmes qui viennent de loin que de femmes nées en France », répond Géraldine Bénichou. À peine la réponse donnée, qu’une autre femme s’interroge. « Comment faire lorsqu’on ne parle pas kabyle ? », lance-t-elle. Cette fois c’est Borys, l’un des deux chanteurs de la troupe qui prend la parole. « Vous n’avez pas besoin de parler kabyle ou arabe pour chanter. Je suis ukrainien et j’écris simplement à ma manière les sons pour bien les prononcer ». Des ateliers de chant et d’écriture sont prévus pour préparer le spectacle, le 16 février 2010. MAUD LÉPINE À VOIR « Pose ta valise », le 16 février à 20h30, au centre culturel communal Charlie Chaplin à Vaulx-en-Velin, le 6 mars à 15h et 19h, au Nouveau

théâtre du 8ème à Lyon et aux Fêtes Escales à Vénissieux 2010


ENQUÊTE RT OLES D’A

ÉC

PAR DAMIEN CHÉDEVILLE

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© Damien Chédeville

LES BEAUX-ARTS ET L'UNDERGROUND

C U LT U R E S A LT E R N AT I V E S ET I N S T I T U T I O N S F O N TELLES BON MÉNAGE ? DANS UN MILIEU DE L'ART ÉMINEMMENT CONVENTIONNÉ, IL EST DIFFICILE DE D É V E LO P P E R U N E DÉMARCHE A LT E R N AT I V E . S U R T O U T LO R S Q U E L'ON ÉVOLUE AU SEIN D'UNE ÉCOLE. FOCUS SUR LES BEAUX-ARTS D E LY O N ET L E U R RAPPORT À L'UNDERGROUND.

L

a culture underground, par définition, dépasse les codes. Elle n'obéit à aucune règle, sinon les siennes. L'institution, elle, répond à une dynamique, un fonctionnement défini, inscrit. Et pourtant, certains artistes ou apprentis artistes tentent de faire coïncider les deux. Alors est-il vraiment possible de développer une démarche alternative dans un cadre institutionnel ? C'est en tout cas l'avis de Catherine Bouvard, directrice déléguée des Subsistances (Laboratoire international de création artistique à Lyon). Pour elle, « l'institution c'est justement ce qui permet de défendre la liberté de l'artiste ». Un postulat qui peut paraître délirant. Surtout lorsque l'on écoute Claudio, 24 ans. Etudiant en 4e année à l'ENBA (Ecole nationale des Beaux-arts de Lyon), il considère au contraire

qu'un artiste dit alternatif, « se développe lui-même avec son mode de diffusion et son mode de financement ». Et si ce raisonnement semble coller davantage au « label » underground, tout n'est pas si simple. Car aujourd'hui, en dehors d’Internet, il est difficile d'exister et d'être reconnu pour son travail sans avoir recours à des fonds privés ou autres subventions publiques. Les modes de financement alternatifs sont limités. C'est pour cela entre autres, que les écoles d'arts offrent aux artistes en herbe, la possibilité de faire éclore des univers underground ou non dans leur structure. VIVRE ALTERNATIF. À l'ENBA,

après un cursus plutôt généraliste en licence, les deux années de master permettent d'élaborer des projets personnels avec les moyens déployés par l'école. Mais là encore, le cadre dépasse l'expérimenta-


tion. Les règles priment, et ce n'est pas Thierry, 26 ans, qui dira le contraire. Étudiant en 5e année, il a été confronté au refus de la direction concernant un de ses projets. Son souhait : jouer de la guitare monocorde (fabriquée de brics et de brocs) dans un tuyau d'aération d'1,20 m de hauteur, six pieds sous terre, dans les entrailles de l'ENBA. Malheureusement, ce site classé n'offre pas de possibilités extrêmes. Il est donc très difficile pour cette minorité d'artistes de développer ce genre de productions alternatives, que Catherine Bouvard définit comme « de l'ordre de la performance ». Pourtant, cette dernière défend la théorie de la cohabitation, en prenant l'exemple de Steven Cohen. Artiste contestataire et performeur, il est soutenu et présenté par les Subsistances. Pour expliquer ce paradoxe, Catherine Bouvard avance l'argument selon lequel « toute culture ne trouve pas son mode de diffusion ». Et d'ajouter « qu'il y a les alternatifs qui choisissent la culture underground comme système politique et se refusent à être aidés (compagnie de Sylvain Creuseveau, collectif d’art, ndlr), et ceux qui rentrent volontairement dans l'institution (Steven Cohen) ».

© Damien Chédeville

notamment en terme de sécurité ». Compliqué donc de pouvoir exposer des oeuvres qui représentent ne seraitce qu'un risque minime pour le public, quand on est en partenariat avec le ministère de la Culture, comme l'est le Néon. En tout état de cause, les relations entre institutions et cultures alternatives sont complexes dans des cas précis. D'autant plus dans le cadre d'une formation scolaire. L'ENBA en est, sans aucun doute, l'exemple type. DAMIEN CHÉDEVILLE

SURVIVRE ALTERNATIF. Dans tous les

cas, il paraît difficile pour ces artistes de s'ancrer dans un mode de production alternatif. Il n'existe pas en effet de système alternatif assez viable pour permettre à n'importe quel étudiant en fin de cursus de pouvoir s'établir à son compte. C'est pourquoi certaines galeries se font la vitrine de ces artistes en devenir. Parmi elles, le Néon, dirigée par Julie Rodriguez-Malti. « Nous exposons régulièrement des artistes qui sont sur la scène depuis peu. Cet appui me semble incontournable pour mettre en avant les purs produits de l'art contemporain ou underground ». Malgré tout, selon Claudio, pour être exposé en galerie, « il faut répondre à certaines normes

UN ARTISTE NON IDENTIFIÉ Inconditionnel de metal (musique) et de métal industriel, Thierry, jeune artiste de 26 ans considère sa démarche comme alternative. Son leitmotiv ? La spatialisation du son dans l'art. Il propose ainsi sur son myspace, de découvrir son univers qui gravite entre musiques expérimentales et polyrythmies. Conscient qu'il est un artiste non identifié sur la planète Beaux-arts, il se trouve coincé, « le cul entre deux chaises » selon ses mots. Car loin d'être dans un trip anarcho-altermondialiste, il est conscient que la structure dans laquelle il évolue à deux particularités. D'une part, elle lui permet de pouvoir développer ses projets personnels. Mais d'autre part, elle restreint son champ d'expérimentation aux règles de son établissement, qui plus est classé. Son objectif est donc simple. Trouver une alternative aux deux univers que sont l'institution et l'underground.

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PORTRAIT TENAS

Un graphiste qui ne lâche pas la culture urbaine

E

n quelques années, Clément Boghossian a su se faire une place de choix dans le monde de la création graphique. Sous le pseudonyme de Tenas, ce Lyonnais de 28 ans respecte la règle d’or des cultures alternatives qui l’ont vu naître : celle de ne pas suivre les critères conventionnels. L’empreinte artistique de Clément Boghossian trouve son origine au début des années 90, alors qu’il grandit à Vénissieux. « Tout a commencé avec les films Menace II Society et Boyz’n the Hood » avoue-t-il. Les deux longs métrages, relatant la vie de jeunes afro-américains dans les ghettos de Los Angeles, représentent ses premiers coups de cœur. Mais au-delà du domaine cinématographique, les bandes-sons hip-hop retiennent toute son attention. La curiosité du jeune adolescent lui fait alors ouvrir les portes de la culture urbaine, dans toute sa diversité. Des portes qu’il n’a aujourd’hui toujours pas refermées.

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DE LA GALÈRE… Son initiation dans le domaine de la création débute par les graffitis qu’il pose dans les rues de l’agglomération lyonnaise. Un loisir dans lequel il fait preuve d’assiduité, contrairement aux bancs de l’école qu’il fréquente sans conviction. Son parcours scolaire le fait aujourd’hui sourire, voyant le chemin effectué depuis. « Certains professeurs se demandaient ce qu’ils allaient faire de moi. Ils étaient dépités », se remémore-t-il, un rictus au coin des lèvres. En 2001, Clément Boghossian échoue aux épreuves du bac Littéraire mais réussit néanmoins le concours d’entrée à l’école d’art de Condé. Ses projets, imprégnés de culture urbaine, font mouche. Toutefois, la case BTS Communication visuelle n’est guère plus satisfaisante. « Je suis alors parti à Paris, mon carton à dessins sous le bras, pour aller frapper aux portes ». C’est le temps de la galère, durant lequel il vit de petits boulots. Mais il ne lâche pas prise et sa ténacité finit par payer. Il apprend alors le métier de graphiste sur le tas, en autodidacte, et entre de plain pied dans le monde de la création graphique. …À LA RECONNAISSANCE. Les travaux de Clément Boghossian sont vite remarqués et les demandes de collaborations affluent. Son univers visuel, au style caractéristique, regorge de références et joue sur la mémoire collective. Un style qu’il adapte aux différents supports sur lesquels il s’exprime : affiches, pochettes d’album, animations visuelles… De manière plus personnelle, il se consacre également au painting. Ce qui lui vaut l’exposition de certaines de ses créations au Palais de Tokyo, à Paris. Toujours plus ambitieux, il crée son propre studio au cours de l’année 2005. Objectif : gagner en indépendance et pouvoir diriger l’ensemble de la chaîne de création, de l’idée de départ à la finalisation. Une plus grande liberté qu’il met aussi bien à profit pour de grandes enseignes que pour des structures plus modestes, à l’image du label Decon ou du festival alternatif québécois Underpressure. Sa rencontre avec l’artiste Wax Tailor en 2007 finit de lui apporter la notoriété. De l’artwork du musicien, il passe à la réalisation de trois de ses clips et des visuels de sa tournée actuelle. La reconnaissance de Clément Boghossian dépasse aujourd’hui les frontières de l’Hexagone, sans pour autant trahir la culture urbaine qui l’a révélé. RAPHAËL MANCEAU © Clément Boghossian


FAIS-LE

TOI MÊME !

FOCUS TIONS ASSOCIA

BÉNÉVOLES OU SALARIÉS, SUBVENTIONNÉS OU NON, LES ACTEURS DES C U LT U R E S D I T E S U N D E R G R O U N D E N F R A N C E , S E R E G R O U P E N T M A J O R I TA I R E M E N T E N A S S O C I AT I O N S , S E LO N L A LO I D E 1 9 0 1 . L ' A S S O C I AT I O N PA R A Î T ÊT R E L E M O D È L E I D É A L P O U R L E S D É V E LO P P E R ET L E S P R O M O U V O I R . S I M P L E À C R É E R ET P E R M ET TA N T U N E G R A N D E L I B E R T É , E L L E R E F L ÈT E L A P H I LO S O P H I E D U « D O I T Y O U R S E L F » H E X A G O N A L E .

ÊTRE ACTEUR DE SA VIE. Leur atelier, situé dans

une zone artisanale à Cran-Gevrier (près d’Annecy), leur coûte 670 euros par mois. Ils y organisent des expositions de peintures, de photos, des spectacles de cirque, des concerts... « Pour l'instant, on ne touche aucune subvention, mais on espère bientôt une aide pour le loyer, qu'on paye de notre poche » explique Josef Derens. Les plumberos ambulantes comptent à ce jour une cinquantaine d'adhérents. « Depuis qu'on a monté l'association, je réfléchis différemment. Je me suis rendu compte que tu peux être acteur et moteur de ta vie, que tu peux donner envie aux gens de faire la même chose » avoue Anthony Guzman. « Avec la crise, il y a tellement de locaux désertés que l'on pourrait récupérer et faire revivre ! ». Avec des fondements internationaux comme les TAZ (Zones autonomes temporaires) de Hakim Bey, ou le principe du « Do It Yourself » prôné par Jello Biafra, le chanteur des Dead Kennedys, les cultures alternatives en France, passent par l'association. Grâce à un régime très libre, les associations peuvent exprimer, diffuser et promouvoir des idées

ou des œuvres « dans un but autre que de partager des bénéfices » comme le stipule la loi. Le cadre idéal pour des cultures qui rejettent le système capitaliste, le monde du profit, ou la communication de masse ? « Le but de notre association est de promouvoir les cultures alternatives, c'est-à-dire sous représentées dans les systèmes commerciaux et médiatiques classiques. Mais nous souhaitons surtout promouvoir leur sens, leur rôle social, l'esprit non-conformiste et créatif qu'elles véhiculent » explique l'association Subsociety, membre du collectif anarchiste They lie we die, situé à Rennes. Le mode associatif permet l'autogestion, l'indépendance et la réappropriation d'un mode de vie, aliéné par le modèle capitaliste. L'« utopie pirate » paraît presque réalisable.

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ASSOCIATION & CIE. L'association Haute

pression sonore, créée en avril 2009, se charge de promouvoir la musique électronique en région lyonnaise. Elle organise des événements, recherche des artistes et fait de la prestation technique. Liée à la culture, elle a néanmoins une démarche commerciale. « Le statut d'association peut être assez paradoxal. Certaines peuvent clairement s'apparenter à des entreprises » explique Clovis Ferré, un des membres. « Même si nous faisons de l'accompagnement artistique, ce n'est ni plus ni moins un business ». Pour Clovis Ferré, l'alternative à cette ambiguïté reste le modèle adopté par Jarring Effects. Le label lyonnais, fort de la réussite de ses artistes (Hightone, Ez3kiel, Mei Tei Sho) a opté pour la SCOP (Société coopérative de production). Mais le milieu associatif reste essentiel en France. Sans lui, la diversité culturelle ne serait pas aussi riche et productive. JULIE BALESTRERI

© Margaux Guignard

A

nthony Guzman et Josef Derens partagent la même doctrine : « l'art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante ». En janvier dernier ils ont fondé leur association Los plumberos ambulantes, à Annecy en Haute-Savoie. Ils se définissent comme des « soudeurs d'idées », des ouvriers manuels et itinérants au service de l'art. « Mais, de l'art populaire » soulignent-ils. Ils ont voulu créer un lieu qui appartienne à la communauté, où chacun est libre de s'exprimer. « Notre local est un endroit d'échange et de rencontre, ouvert à tous. On peut se qualifier d'alternatif, car nous voulons prôner la décroissance et la solidarité au même titre que l'expression artistique ».


N

IMMERSIO

GROUNDZÉRO

O U L A M U T U A L I S AT I O N DES FORCES

PAR ROMAIN MONNIER

© Romain Monnier

MUSIQUE, ART CONTEMPORAIN, PHOTOGRAPHIE, A U D I O V I S U E L , V I E A S S O C I AT I V E . G R R R N D Z É R O ( C ’ E S T L’ORTHOGRAPHE OFFICIELLE) EST L'UN DES RARES LIEUX LY O N N A I S P R O P I C E À U N E L I B R E E X P R E S S I O N D E S C U LT U R E S A LT E R N AT I V E S . P O U R TA N T S O N E X I S T E N C E E S T A U J O U R D ' H U I M E N A C É E . F O C U S S U R U N I M P O R TA N T V I V I E R A R T I S T I Q U E ET C U LT U R E L .

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L

'histoire de « Ground » commence il y a 5 ans. À l'époque, il s'agissait d'un squat illégal sans aucune négociation avec le propriétaire, en l'occurrence la Ville de Lyon. Les premiers membres occupent un bâtiment abandonné rue ClémentMarot (7e), puis font se produire des groupes locaux avant d'être délogés par les CRS un an plus tard. Forts des 90 concerts qu'ils ont organisés en un an, les membres de GrrrndZéro ont interpellé les responsables locaux pour leur prouver l’existence d’une réelle demande pour ces types de culture. Ils souhaitaient obtenir un lieu pour les développer. Au même moment, l'entreprise Brossette, spécialisée dans la vente de salles de bains, décide de quitter ses quartiers rue Pré-Gaudry pour emménager quelques dizaines de mètres plus loin. Le Secours populaire, qui vient de récupérer 3000 m² de locaux, décide de les partager avec GrrrndZéro qui, à l'heure d'aujourd'hui, les occupe toujours.

CENTRE NÉVRALGIQUE. « L'idée c'est un peu de décloisonner

les cultures underground, résume Thomas Jégu, membre de GrrrndZéro. La plupart des gens en dehors du circuit underground nous considèrent comme des snobs parce qu'on fait passer des groupes de musique spécialisés alors que justement on a envie de vulgariser des styles de musique un peu déjantés. On n’a pas du tout une vision élitiste de la musique même si on écoute des trucs qui se vendent à 30 exemplaires, de la folk de Bisounours jusqu'à des trucs noise complètement barrés ! ». Maël, également membre de GrrrndZéro, constate que « les cultures alternatives et underground sont mises à la marge au profit d’une industrie de l’événementiel et du divertissement ayant un tout autre impact sur l’image de la ville à l’international ». En réalité, GrrrndZéro intervient peu en tant qu'acteur musi-

cal mais sert de centre névralgique, de support à l'expression de cultures musicales alternatives. C'est dans le bâtiment de la rue Pré-Gaudry, près du métro Jean-Jaurès, que GrrrndZéro mais aussi nombre d'associations, groupes de musique, labels indépendants, collectifs de photographes ou d'art contemporain sont domiciliés. Tout ce petit monde dispose d'une salle de concert, de plusieurs locaux de répétition, de nombreux bureaux, de chambres et d'un studio d'enregistrement. Le « noyau dur » de l'association est composé de sept membres autour desquels se succèdent des bénévoles ponctuels, depuis la formation de GrrrndZéro en 2004. DISPARITION ANNONCÉE ? GrrrndZéro ne bénéficie d'aucune subvention de la part de la mairie. Les seules rentrées d'argent se font grâce aux cotisations des associations qui payent 60 euros par personne et par an pour profiter des locaux, des studios de répétition et d'enregistrement. L'association loue aux groupes la salle de concert pour la somme dérisoire de 30 euros par soir ainsi que des chambres pour les groupes qui jouent sur place ou dans le coin (2 euros par nuit et par personne). Un système de cartes de membres, dont le prix est fixé à un euro par an et par personne, a également été mis en place cette année. Le tout servant uniquement à payer les frais de fonctionnement (eau, électricité et Internet) et la réparation du matériel de sonorisation. Mais « Ground », comme l'appellent ses bénévoles, n'emploie aucun salarié et, en tant qu'association, ne réalise aucun bénéfice. « Il y a quand même un petit côté politique à tout ça. On veut montrer aux gens qu'avec trois fois rien il est possible d'organiser des concerts et de faire bouger les choses à son niveau » conclut Thomas. Un horizon tout de même limité car les locaux doivent officiellement être détruits en juin prochain pour y construire des logements... et pousser GrrrndZéro vers d’autres occupations.


À LYON GLANDEUR NATURE

GALERIE Underground, c'est le mot. Galerie résolument « jeun's », Glandeur Nature fait figure de vitrine pour les artistes urbains. Peintres, photographes et autres graffeurs exposent dans cet antre de l'art contemporain, volontairement désordonnée. On peut notamment y découvrir autour d'un café, l'univers dénonciateur de l'artiste citadin lyonnais, Antonin Rêveur. Un lieu de découverte de l'art de rue qui fait office de jeune premier dans un quartier où les galeries sont davantage conventionnelles. Comme un pied-de-nez au système très institutionnalisé de l’art. Quand alternatif rime avec contestataire. (Glandeur Nature est ouvert depuis novembre). > 30 Montée Saint-Sébastien, Lyon 1er

LA

GRYFFE LIBRAIRIE Cette librairie libertaire est uniquement associative, dirigée par un groupe d’une trentaine de bénévoles depuis 1978. Une véritable mine d’or pour ceux qui sont à la recherche de livres anarchistes, écologiques, féministes, philosophiques ou encore politiques. Une brochette de revues alternatives est également proposée ainsi que des disques, des CD, des K7 audio et vidéo. La Gryffe se dit partie prenante de la lutte des classes, pour le combat contre toutes les formes de pouvoir et le capitalisme. Mais c’est également un lieu de réflexion. Des débats autour de thèmes politiques et d’actualité comme l’identité sécuritaire, des expositions et des soirées vidéo sont régulièrement organisés. > 5 rue Sébastien-Gryphe, Lyon 7e

DE L’AUTRE

CÔTÉ DU PONT BAR L’Autre Côté du Pont, c’est une brasserie, un bar, un restaurant, une salle de concert… Il est le seul à Lyon à ne pas servir de verre du plus célèbre des sodas. Projections de films, spectacles de marionnettistes interprétant le mythe de Fantômas ou alors un slam bien engagé. Côté musique, il y a de tout avec du rock, du rap, du populaire, de l’electro... Un sacré choix pour se déhancher. Et un bon moyen de couper avec le monde extérieur. Le lieu se veut lui aussi très attrayant, mais pas trop chatoyant avec des murs en pierre qui intensifient les murmures. C’est un lieu de rencontres. Amateurs de littérature, altermondialistes et artistes alternatifs vous inviteront sûrement à leur table pour discuter de l’avenir du monde, autour d’un bon repas fermier. > 25 cours Gambetta, Lyon 7e

LE SONIC

PÉNICHE Sur son MySpace le Sonic se définit comme un « club dédié aux cultures underground ». Ouvert depuis 2006, il se veut une alternative aux autres péniches lyonnaises comme la Marquise ou la Plateforme. La plupart des groupes qui se produisent sont indépendants, à l'écart des circuits commerciaux classiques. Electro, rock, folk... La programmation est éclectique, pointue et le contact avec le public plutôt direct si l'on en juge par la taille de la salle ! Depuis que le Sonic existe, carte blanche a été laissée à une centaine d'associations pour organiser des soirées à thème ou des concerts et faire connaître ceux qui ne sont pas forcément dans la lumière. > 4 Quai des Etroits, Lyon 5e

LE CROISEUR

THÉÂTRE Ce conservatoire d’expression populaire, soutenu par la ville dans le cadre du « projet émergence », est désormais conventionné pour la danse par la Ville de Lyon et la DRAC RhôneAlpes. Mais le Croiseur promet de continuer à favoriser et encourager l’expérimentation artistique comme il le fait depuis 12 ans. Rendezvous les 15 et 16 décembre où se jouera « Phèdre et Hippolyte » d’Antoine Descanvelle et Mélanie Bozon, et en ce moment pour « Entre deux » présentés par la compagnie Stylistik. Loin de la « starification » des comédiens de théâtre et du coté tape-à-l’œil que proposent les compagnies de danse actuelles, le Croiseur contribue définitivement à développer les mouvements underground à Lyon en faisant émerger des artistes autodidactes . > 4 rue Croix-Barret, Lyon 7e

LES VALSEUSES

BAR Depuis le mois d’avril, le café concert Les Valseuses remplace le Bistroy sur les pentes de la Croix-Rousse. Rien de bien différent : ce bar est toujours consacré à la découverte de groupes alternatifs aux influences très diverses. En témoigne la taille de la scène qui remplit un tiers de la salle. Peu de place donc et il vaut mieux arriver tôt pour pouvoir occuper l’une des rares tables et chaises en fer. Cette promiscuité provoque néanmoins une atmosphère amicale, entretenue par l’enthousiasme des anciens serveurs du Bistroy. Mais l’alternatif a ses limites : les boissons et cocktails sont aussi chers que dans n’importe quel bar en Presqu’île. > 1 rue Chappet, Lyon 1er

PAR DAMIEN CHÉDEVILLE, MAUD LÉPINE, ISABELLE MATERA, ROMAIN MONNIER, GUILLAUME ROCHON & JENNIFER SIMOES © Romain Monnier

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E EN SCÈN

« U N G H E T T O C U LT U R E L » E N M A R G E D E S O R G A N I S M E S S U B V E N T I O N N É S , L E S C O M PA G N I E S D E T H É ÂT R E D E R U E T E N T E N T D E S U R V I V R E D A N S L ’ U N I V E R S I M P I T O YA B L E D E L A S C È N E C U LT U R E L L E . M Ê M E C O N S TAT C H E Z L E S N O U V E A U X A R R I VA N T S . M A I S S I L E R E C O U R S A U F I N A N C E M E N T D I V I S E , L A G A L È R E E S T PA R TA G É E …

«J

e suis pour un théâtre ludique », explique Ugo Ugolini, co-fondateur de la compagnie lyonnaise U-Gomina. Installée sur les pentes de la Croix-Rousse, la compagnie existe depuis 25 ans. Au programme : orgue de barbarie pour entraîner les chants de la rue, aventures et passions humaines. Huit comédiens s’efforcent de monter des spectacles à mi-chemin entre la comédie musicale et le théâtre. Pas question pour eux de jouer des pièces de Molière ou de Shakespeare. « Nous faisons du théâtre social pour aller à la rencontre du public, avec le désir d’amener la culture là où elle n’est pas présente ». C’est pour cette raison que U-Gomina se produit dans des lieux relativement insolites. Parmi eux, l’hôpital psychiatrique du Vinatier ou des villages qui ne disposent pas de structures adaptées pour un contact quotidien avec la scène. « La manière dont les spectateurs reçoivent nos réalisations est incroyable » enchérit Ugo Ugolini. La compagnie U-Gomina participe également à de petits festivals en France et en Europe. L’objectif n’est pas d’être reconnu mais de pouvoir pratiquer une passion et de favoriser les échanges avec des publics d’horizons différents. Un choix qui ne va pas sans difficultés économiques. « On pratique l’autogestion. Chacun donne ce qu’il peut pour alimenter les caisses de la compagnie ». Ugo Ugolini n’a jamais demandé de subventions, estimant que les démarches sont trop longues et complexes. De plus, le système de

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© Photo DR

méritocratie appliqué à l’attribution des subventions ne lui convient pas. Il regrette ainsi la main mise des gestionnaires sur la scène théâtrale. « Je ne veux pas entretenir les administrations et jouer seulement pour un public d’abonnés, dans lequel se retrouve toujours les mêmes personnes. Car Lyon est un paradoxe : d’un côté, la culture subventionnée fonctionne bien grâce aux programmes d’abonnement mis en place par les grands théâtres. De l’autre, la culture de proximité est dans un état lamentable » déplore-t-il. Même galère économique, mais un discours quelque peu différent chez le duo de la compagnie Princesse Club. « La capitale des Gaules est un lieu réceptif à l’alternatif », selon Julie Nicol, auteur et comédienne. Née il y a 2 ans, la compagnie a imaginé ses deux premiers spectacles comme des épisodes de série télévisée. Un concept original qui intègre la vidéo et permet ainsi de réunir deux passions. « On ne touche pas encore de salaire. On touche uniquement le RSA. Notre compagnie s’autogère, mais nous espérons obtenir des subventions auprès de la Ville. Nous avions fait une demande l’année dernière, mais elle a été rejetée ». En attendant, la compagnie Princesse Club en est déjà à sa troisième production mais a du mal à présenter ses œuvres. « L’accès aux scènes lyonnaises est très dur ». En attendant, le duo Julie Nicol et Maximilien Dumesnil se voient ouvrir les portes de musées et de galeries d’art. RAPHAËL MANCEAU


ZOOM

C R I S E D A N S L E S C N P LY O N N A I S . L E P D G G A L E S H K A M O R AV I O F F M E N A C E D E F E R M E R C E S S I T E S C H A R G É S D ’ H I S T O I R E C I N É M AT O G R A P H I Q U E ,

© Guillaume Rochon

CIEL OBSCUR POUR LE CINÉMA A LT E R N AT I F M É L A N G E A N T G R A N D S N O M S ET C I N É A S T E S I N C O N N U S , F I L M S O S C A R I S É S ET F I L M S D ’ A R T ET D ’ E S S A I D ’ U N N O U V E A U G E N R E …

«C

haque année, 100 à 150 films sont projetés uniquement aux CNP (Cinémas nationaux populaires) », explique Jean-François Buiré, président de l’association Les Inattendus. Cette association essaie, avec d’autres collectifs cinéphiles, de maintenir un réseau de salles de cinéma alternatif à Lyon. En août 2009, le cinéma Odéon ferme ses portes. Et fin septembre, plusieurs contrôleurs, agents d’entretien et trois responsables de la direction sont licenciés. Puis le 26 octobre, catastrophe pour les salariés. Le directeur et programmateur des CNP depuis 22 ans, Marc Artigau est licencié après ses propos et ses accusations faites contre Galeshka Moravioff. « S’ils ferment, ce sera une perte considérable pour tous les amateurs de films dits d’art et d’essai, mais aussi pour la ville de Lyon, berceau reconnu de la culture cinématographique ». Chaque semaine, une dizaine de films sont projetés dans les sept salles des CNP Bellecour et Terreaux. Indiens, chinois, japonais, mais aussi européens. Ils racontent tous une histoire, avec une écriture et des images différentes des grands standards. C’est à travers ces méthodes nouvelles que le cinéma alternatif retrouve sa place.

ALMODOVAR, HANEKE ET DARDENNE AUX CNP.

Exemple actuel : la diffusion d’Eyes Wide Open, sélectionné dans la catégorie « Un certain regard », au dernier festival de Cannes. Le film, réalisé par le cinéaste israélien Haim Tabakman, raconte une histoire d’amour entre deux hommes au cœur du quartier juif orthodoxe de Jérusalem. On retrouve aussi des films d’art et d’essai ayant acquis une certaine notoriété, à l’image du Ruban Blanc, film réalisé par Michael Haneke et récompensé par une Palme d’Or. « C’est ce qui permet aux CNP de survivre, mais ça ne dure pas. Sans les subventions, les CNP ferme-

ront », constate le président de l’association Les Inattendus. « N’oublions pas que dans les années 80, les CNP étaient les seuls à Lyon et dans la région à proposer des films de cinéastes inconnus à l’époque, qui connaissent aujourd’hui le succès ». C’est en effet là, dans ces salles, que les débuts du réalisateur espagnol Pedro Almodovar ou bien des frères Dardenne ont été présentés L E S C N P E N P A N N E au public lyonnais. D’ALTERNATIVES …

UNE LUEUR D’ESPOIR. Depuis la mise

Les discussions entre les salariés

à pied de Marc Artigau, la nouvelle pro- et le directeur des CNP sont grammation relève de Galeshka actuellement au point mort. À Moravioff. Désormais, les CNP se la mi-novembre, Galeshka dotent de films plus commerciaux, Moravioff a envoyé un courrier à la Ville de Lyon et au Conseil tout en restant respectueux de cette tra- régional de Rhône-Alpes. Il dition d’art et d’essai. Mais cela est sans réclame des subventions à effet sur la fréquentation des specta- hauteur de 200 000 euros par an afin de « maintenir les teurs. activités des CNP et terminer les Depuis la bonne affluence réalisée en travaux de rénovation ». Si ses 2007, les salles se remplissent de moins exigences n’étaient pas en moins aux CNP de la Presqu’île. respectées, il a indiqué qu’il Leur avenir s’annonce donc aussi obs- ferait fermer les CNP de cur que leurs salles. Une situation qui Bellecour et des Terreaux d’ici la mi-décembre. Fin novembre, les n’est pas sans rappeler l’ex-CNP élus municipaux et régionaux l’Odéon. Ou presque… Après sa fer- délégués à la culture ont donné meture que l’on croyait définitive cet rendez-vous au propriétaire des été, deux repreneurs locaux ont l’in- CNP pour s’expliquer, Mais celui-ci a décliné le jour même. tention de préserver les salles de L’avenir des CNP est donc l’Odéon. Ils n’en sont pas à leur pre- toujours indécis… mier coup d’essai puisqu’ils ont sauvé le Comoedia en 2006, après que son ancien propriétaire, l’UGC, l’a condamné. Une lueur d’espoir pour les cinéphiles qui redoutent qu’un clap de fin ne retentisse dans les CNP, derniers garants du cinéma alternatif à Lyon. GUILLAUME ROCHON

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E À LA PAG RE LITTÉRATU

PAR JENNIFER SIMOES

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© Flickr.c

28 BONNES ADRESSES LIBRAIRIE TERRE DES LIVRES, 86, rue de Marseille, 69007 Lyon. Terre.des.livres.free.fr

LA PLUME NOIRE,

spécialisée en conflits sociaux et anarchisme. 19 rue Pierre-Blanc, 69001 Lyon. laplumenoire.org

LE GRAND GUIGNOL,

91, montée de la Grande-côte, 69001 Lyon. Librairiegrandguignol.blogs pot.com

À PLUS D’UN TITRE, 4, Quai de la pêcherie, 69001 Lyon

EN TERRE OPTIMISTE

L A L I T T É R AT U R E A LT E R N AT I V E S E R A I T- E L L E E N D A N G E R À LY O N ? A P R È S L A F E R M ET U R E D E NOMBREUX CAFÉS LECTURES, C’EST AU TOUR DES LIBRAIRIES INDÉPENDANTES DE CONNAÎTRE D E S D I F F I C U LT É S À L ’ I M A G E D U G R A N D G U I G N O L S U R L E S P E N T E S D E L A C R O I X - R O U S S E . P O U R TA N T, S O P H I E D O U C ET, L I B R A I R E À T E R R E S D E S L I V R E S R E S T E O P T I M I S T E ET N O U S L I V R E LES CLÉS DE LA BONNE SANTÉ ÉCONOMIQUE DE SA LIBRAIRIE.

SPÉCIALISATION

Il y a cinq ans, Terre des Livres ne vendait que des ouvrages ayant trait aux cultures africaines et arabes. Si la librairie est devenue généraliste, elle a conservé cette spécificité. « Les gens qui recherchent des lectures approfondies sur ces thèmes viennent directement ici ; ils savent qu’on pourra les conseiller » explique Sophie Doucet. OPINION

En entrant, les lecteurs remarquent tout de suite que les rayons « féminisme » et « conflits sociaux » sont plus développés que dans d’autres librairies. D’après Sophie Doucet, il s’agit d’une réelle volonté de proposer un autre genre de lecture, quelque chose de plus critique et qui sorte de la « littérature de consommation ». Pourtant, il est possible d’y trouver le dernier Guillaume Mussot ou Anna Gavalda. « Chacun doit pouvoir trouver son bonheur, il ne faut pas mépriser les auteurs populaires » au risque de faire fuir de nombreux clients. GÉOSTRATÉGIE

Lovée dans une petite rue du 7e arrondissement, la librairie ne semble pas des mieux situées pour se faire connaître. Erreur ! « On a la chance d’avoir plusieurs universités et l’Institut d’études poli-

tiques à côté ». Un potentiel de clientèle plutôt en phase avec les lectures proposées… TEMPS

Pour Sophie Doucet, cela signifie donner sa chance à un produit qui a besoin de temps. « À la Fnac ou à Decitre, ils renvoient chez l’éditeur au bout d’un mois si le livre ne se vend pas. Ici, on attend un an ». Ce qui donne le temps de connaître les ouvrages et permet de ne pas les voir passer comme une chaîne d’usine. « On essaie de faire passer les livres avant l’argent » ajoute-t-elle. ÉCONOMIE

« Terre des livres a besoin d’économiser sur tout », admettent les libraires. Mais pas sur le stock ! Ils n’ont pas de système informatique, recyclent le papier et construisent eux-mêmes les étagères. Et un petit plus qui aide : le patron est propriétaire des murs. DÉVELOPPEMENT DURABLE

Les libraires se rendent eux-mêmes au dépôt de leurs éditeurs deux fois par semaine. « Cela fait travailler les dépôts régionaux et puis cela évite que les camions viennent jusqu’ici ». Et cela raccourcit les délais ; ce qui, entre nous, intéresse beaucoup plus les clients.


TRES

RENCON

© Photo DR

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«LE NET FAIT BOUGER LES LIGNES»

ntoine Dole, 28 ans, dirige la revue littéraire « En attendant l’or » depuis septembre 2006. Un concept qui mêle les nouvelles technologies à un format plus traditionnel : les auteurs de slam, poèmes, nouvelles et chansons sont repérés par appel sur le net. L’objectif ? Faire connaître de jeunes talents qui se distinguent par un style peu académique, autrement dit, alternatif. Comment vous est venue l’idée de mêler revue littéraire et blogs ? Pendant plusieurs années, j’ai tenu un blog et je me suis rendu compte que pas mal de gens lisaient ce que je faisais. Surtout, je me suis aperçu que beaucoup de bloggeurs écrivaient des textes intéressants mais n’avaient aucune visibilité. Alors j’ai décidé de les regrouper dans un fanzine que j’imprimais chez moi avec ma petite imprimante (rires). Très vite, des éditeurs m’ont sollicité parce qu’ils étaient intéressés par mes contacts dans le milieu alternatif. Quelle est votre définition de la littérature alternative ? Je préfère parler de scène alternative. Internet a démocratisé l’écriture. Il y a cinq ans, les seules personnes qui avaient accès à la publication étaient issues de cercles privés. Le net a fait bouger les lignes. Puis il y a eu des auteurs comme Virginie Despentes qui ont bousculé les codes. Pour moi, la littérature, à plus forte raison alternative, doit être fondée sur l’école de la vie et pas sur une formation universitaire. N’avez-vous jamais eu peur d’enfermer ce côté alternatif dans une revue littéraire ? Non. On peut tenir de nombreux discours sur le système mais il faut être intelligent et savoir l’utiliser. C’est l’histoire du grain de sable : tu entres dans le système pour mieux le détraquer. Je ne signe jamais pour plus de deux numéros chez le même éditeur. C’est un projet libre. Il faut qu’il bouge, qu’il voit des gens. Et je travaille bénévolement. Les auteurs ne sont pas payés eux non plus. Enfin, je choisis des éditeurs indépendants qui ne sont sous la direction d’aucun groupe.

Pour les auteurs, le bénéfice réside donc dans la visibilité. Certains ont-ils été contactés par des éditeurs ? Oui, sur les deux premiers numéros, plus d’une dizaine ont signé chez des éditeurs et publié des romans ou des recueils de nouvelles. Qu’est-ce qu’un bon texte pour vous ? J’aime les lectures qui ne me laissent pas indemne, qui me dérangent. Il faut que je sente une certaine utilité. Si c’est juste pour me détendre, je préfère encore voir un bon film. EN LIGNE www.myspace.com/enattendantlor

« SI LES SURRÉALISTES AVAIENT EU L’OUTIL INTERNET, ILS S’EN SERAIENT SERVI ! » C’est ce que pense Frederick Houdaer, écrivain et collaborateur du blog des « H » auteurs. Ce blog, créé par des écrivains lyonnais, est avant tout une « formidable aventure humaine » où chaque auteur peut s’exprimer quand il le souhaite, comme il le souhaite. La Toile est, pour Frederick Houdaer, un formidable espace de liberté à l’heure où la place accordée par la presse à la littérature se réduit comme peau de chagrin. Le blog permettrait donc à l‘écriture de revenir sur le devant de la scène, à une époque où le livre n’est plus au centre de tout. Pourtant, il pose des problèmes d’écriture. « Le texte ne peut pas être trop long car la lecture serait pénible à l’écran. Il faut donc aller vers des formes de poésies ou de courtes nouvelles », prévient Fréderick Houdaer. Le fait de pouvoir diffuser instantanément et gratuitement son travail est aussi un frein à l’élaboration du texte et « l’écriture brute n’est pas toujours intéressante ». Cela n’en reste pas moins un réel moyen alternatif de se faire connaître. Mais comment rester visible quand le nombre de blogs littéraires ne cesse d’augmenter ? « Grâce aux liens ! », avoue Frederick Houdaer « Je suis tombé une fois sur le blog d’une étudiante qui avait mis un extrait d’un de mes poèmes. Ça m’a vraiment touché ».

EN LIGNE Les « H » auteurs, www.lahorsde.com/hauteurs EN LIGNE Frederick Houdaer, frederickhoudaer.free.fr

POUR UNE AUTRE ÉDITION La librairie lyonnaise À plus d’un titre édite et publie essais, romans, poésies depuis maintenant deux ans. Avec six collections et plusieurs dizaines de livres édités, elle représente une deuxième chance pour les auteurs qui n’arrivent pas à percer dans les grosses maisons. « En France, une personne sur trois écrit. Il y a donc énormément de gens qui envoient des manuscrits chez les éditeurs les plus connus. Malheureusement, beaucoup passent à la trappe », explique Jean-Marc Luquet, responsable de la collection Ligne d’horizon (essais). Et représenter une alternative à l’édition de masse ne veut pas dire accepter tous les écrits n’ayant pas été retenus chez d’autres éditeurs. On ne peut donc pas parler d’une qualité moindre, ce qui peut être le cas lors de l’auto-édition. « Le choix est très subjectif mais on est tous d’accord pour dire que le style a énormément d’importance. Le contenu aussi : un classique ne paraîtra jamais dans notre collection de romans car ce n’est pas le créneau », avertit Jean-Marc Luquet. Le contenu aussi semble très important. Edition alternative oblige, les essais parus chez Ligne d’horizon sont souvent des critiques de la globalisation et du capitalisme sauvage. Malgré les difficultés dues à la diffusion et à la distribution, la petite édition lancée par cette librairie se développe. JeanMarc Luquet assure recevoir des manuscrits toujours plus nombreux : « le responsable des romans lit au minimum sept manuscrits par mois ».

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LLES

TROUVAI

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Presidentchirac : « Mangez du pop » rois ans après un premier opus « Surfing the Volcano » salué par la critique,

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Presidentchirac reprend du service auprès du label indépendant Platinum. Le duo caennais a enregistré ce nouvel album dans sa maison de campagne avec ses vieux synthés pour organiser un joyeux fouillis d’arrangements. Du premier au dernier des douze titres de « Yes Future », on se laisse tantôt griser par les accents pop ; pour ensuite céder aux torpilles électro acidulée ; et enfin on s’invite aux ballades mélancoliques avec « En 1996 ». Une régalade de décharges acidulées dans la pure lignée du groupe rémois ALB. > « Yes Future », Presidentchirac, 12 euros, http://www.myspace.com/president chiracmusic

30 © Présidentchirac, libre de droit

Les auteurs lyonnais font leur BD

«N

i trop long, ni trop court ». Le Projet Bermuda, c’est l’histoire de 42 auteurs, tous lyonnais, réunis au sein d’un recueil de bandes dessinées édité par la librairie Expérience. Une histoire née il y a plus de deux ans de la rencontre nocturne de dessinateurs locaux et d’éditeurs : « Tout est parti des soirées « saucisson/vin rouge » que nous organisons à la librairie chaque 3e jeudi du mois. L’objectif premier était de faire se rencontrer auteurs lyonnais et éditeurs pour dénicher des talents. Et c’est de cette rencontre qu’est née l’idée d’un recueil de BD », explique Nicolas Courty, l’un des concepteurs du projet. Et l’idée a fait son chemin depuis la première édition du livre en juin 2007. Deux ans plus tard, voilà l’arrivée du second tome, le Projet Bermuda 2 : soit 384 pages d’histoires plus ou moins courtes… Originales, drôles, sérieuses parfois, décalées souvent, toutes se succèdent avec des thèmes et des regards différents à chaque fois. © Xavier Alloy Entre les anecdotes personnelles, les souvenirs de cours d’école, les brèves de sciences fictions et les saynettes loufoques comme celle d’une locataire mangeuse d’enfants, le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer. Le pavé en vient même à se dévorer bien trop rapidement… De quoi attendre avec impatience la sortie du prochain opus, en juin 2011. Projet Bermuda 2, 27 euros Librairie Expérience, 5, place Antonin-Poncet, 69002 Lyon 04 72 41 84 14

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Quand l'extravagance helvète rencontre la sobriété germanique

LLES

TROUVAI

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rtiste suisse aux influences germaniques, Markus Müller orne la galerie Le Néon de ses sculptures au physique improbable et non moins autoritaire. L'austérité nordique transpire de ses oeuvres en contreplaqué, carton gris et autre polystyrène pour un résultat qui laisse pantois. Que penser d'une équerre posée sur un morceau de mur-panneau nuageux (Right Angle) ? Tout simplement le résultat de la complexité de l'univers scientificophilosophique de cet artiste né à l'aube des années 70. Il est en tout cas surprenant de découvrir à quel point il utilise l'illusion, notamment pour la pièce centrale de son exposition. Horoscope est « un dessin de bois massif en trois dimensions » à la taille et au volume imposants. Inutile de préciser que si vous n'habitez pas un triplex place Bellecour, vous n'aurez pas la chance d'habiller le mur de votre séjour avec cette pièce « anthropomorphique », selon les mots de la directrice d'expo, Julie Rodriguez-Malti. Bienvenue sur la planète Müller, entre spatialité et géométrie. Obscurantistes s'abstenir ! > Rue Burdeau, Lyon 1er. Exposition jusqu’au 16 janvier, entrée libre.

Z © Damien Chédeville

LE lieu de téléchargement de musique alternative

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ous en avez assez des plate-formes de téléchargement légal traditionnelles et de leur catalogue restreint aux titres produits par les majors ? CD1D.com se présente comme l’alternative aux « supermarchés culturels ». Fondée en 2004 par sept labels indépendants français - Aïlissam, Crash Disques, Facto Records, Foutadawa, Irfan , Jarring Effects et Vicious Circle – le site pratique la vente équitable en reversant 85 % de son chiffre d'affaires aux labels et aux artistes, sans réaliser de profit (voir notre enquête pages 10 & 11). De l’electro au folk, en passant par le rock indé, le funk ou le hardcore, CD1D dispose d’un large catalogue de 1020 artistes et d’une web-radio. L’interface claire et attractive permet de surfer entre les albums vendus entre 4 et 23 euros, et disponibles dans tous les formats possibles et imaginables (CD, Flac, MP3, K7, vinyle…) L’omniprésence d’un jargon de spécialistes et l’impossibilité de consulter les avis des précédents acheteurs pourront toutefois rebuter les novices. > www.cd1d.com

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© Romain Monnier

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Objet littéraire non identifié

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es éditions Denoël et D'ailleurs sont spécialisées dans la littérature étrangère. « L'art moderne et l'invention de soi », « pour une esthétique de la globalisation » sont le genre de thèmes abordés dans leurs parutions. Un créneau si ce n'est alternatif, au moins spécialisé. Et avec O révolutions ils éditent là un ouvrage d'une grande singularité. Un beau livre au sens premier du terme. Sobre. Esthétique. Un style calligraphique assez fin où seuls les « o » sont en couleurs tout au long de ce voyage littéraire ambivalent. Un vocabulaire généreux et souvent inventé ou emprunté, un texte comme codé et saccadé. Mark Z. Danielewski, également auteur de La Maison des Feuilles et connu pour son goût de l'expérimentation, retrace là l'histoire d'Hailey et Sam, deux garçons aux parcours intemporels et universels. Un Ovni littéraire captivant et déroutant, riche et complexe. D'abord par la mise en page et le style de lecture qu'elle impose. Chaque page est divisée en deux moitiés inversées ce qui oblige à constamment retourner le livre pour suivre les histoires parallèles et saisir toute leur intensité. Les bords de page sont composés de manchettes semblables à des colonnes de brèves faisant référence à des évènements historiques allant du 22 novembre 1963 au 19 janvier 2063. Complexe aussi car O Révolutions, c'est 360 pages entre proses poétiques, énumérations et dialogues crus, délirants, alambiqués et impromptus. Un journal historique halluciné ponctué d'innombrables noms d'arbres ou de fleurs enchâssés au coeur du récit, rappelant les cut-up de William Burroughs ou les jeux de Jorge Luis Borges. Un bouquin largement salué par la critique pour son audace mais aussi pour son extraordinaire poésie. L'oeuvre dense d'un auteur iconoclaste mais pas forcément accessible. > O révolutions, Mark Z. Danielewski, 25 euros aux éditions Denoël et D’ailleurs.


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DO IT YOURSELF No dogs

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