Trafics le magazine sur le transport à Lyon

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Trafics

Trafics

N°1/ Hiver 2010

LIRE ENTRE LES RAILS

BRUNO FAIVRE D’ARCIER

La voix de l’optimisme

SUR LE TERRAIN

MA VIE AVEC LES TRANSPORTS

TCL côté coulisses

Aveugle et autonome

UN GOÛT DE BOUCHON TRIMESTRIEL / décembre 2010 / 2,90 €

Contournement, stationnement, transports collectifs... Les spécificités lyonnaises décortiquées

M 01605 - 26 -F : 2,90 € - FP

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TraficOtages

Transports alternatifs : la solution miracle ?


2 AVANT-PROPOS

La grande indigestion

Trafics Directeur de la publication : Isabelle Dumas

© Fanny Paul

Directeur de la rédaction : Alexandre Buisine

ALEXIS ANDRE Lyon est réputée pour deux spécialités. Sa gastronomie tout d’abord, avec un Paul Bocuse en figure de proue et une culture des repas chargés. Et puis sa circulation, chargée elle aussi. Du moins, c’est ce que les Lyonnais crient sur tous les toits. Comme dans toutes villes de France, certains lieux sont évités comme la peste par les automobilistes soucieux de passer à table à l’heure. Il faut dire qu’ils sont environ 600 000 à faire un trajet quotidien dans l’agglomération. Pour une ville de 47 km2, à la géographie et au relief contraignants, on devine que les urbanistes marchent continuellement sur des œufs. Le fameux bouchon lyonnais aurait donc quitté les ruelles du Vieux Lyon pour venir se greffer sur les quais du Rhône et de la Saône, sous le tunnel de Fourvière, avenue Berthelot… La congestion reste alors sur l’estomac des Lyonnais qui vomissent leur rancœur sur les forums Internet, dans les troquets ou encore autour d’une tablée associative. A mort la bagnole, au four les klaxons et vive les transports en commun ! Ajoutez à cela une belle brochette de transports alternatifs.

Mais là encore, les usagers veulent le beurre et l’argent du beurre. Première victime : les TCL, Très Clairement Laminés sur la toile et les réseaux sociaux. Non contents de posséder un réseau considéré comme la crème de la crème en France par les spécialistes, les usagers retiennent le pire. Et ça sera la fin des haricots quand les chiffres épicés concernant la fréquence des grèves tomberont… 359 jours entre 2004 et 2009, thermostat élevé, pour un ratio global d’un jour sur cinq de réseau perturbé. On l’aura compris, les différentes instances politiques lyonnaises ont une grande trace de freinage sur leurs dossiers « circulation ». Et pour contenter leurs concitoyens, ils se penchent sur des solutions aux petits oignons. Certains ne mordront pas à l’hameçon et les accuseront de raconter des salades. Pourtant, les projets ne manquent pas. En hors d’œuvre, Atoubus et sa réorganisation poussée du réseau de bus. Nouveaux horaires, nouveaux arrêts, nouvelles dessertes. Une carotte censée masquer les troubles internes qui conduisent aux mouvements sociaux répétés. En plat de résistance, le projet de raccordement du périphérique ouest. L’axe permettrait de désengorger le centre-ville qui prend le bouillon. La note s’annonce salée, deux milliards d’euros minimum et un accompagnement de problèmes et de détracteurs. Rien n’indique donc que le projet verra le bout du tunnel avant les années 2020. Vous avez encore faim ? On passe au dessert avec la cerise sur le gâteau. Lyon peine à se renouveler et lorgne sur la spécialité parisienne, le RER. Le projet nommé Real mangerait alors tout cru les automobilistes qui farciraient les sièges des trains en direction de Lyon. La circulation dans la capitale des Gaules semble donc pâtir d’une réputation acide malgré des études qui tendent à la placer dans le top national. Après tout, avoir les yeux plus gros que le ventre est humain. n

Rédacteur en chef : Alexis André Rédacteur en chef adjoint : Marion Berchet Secrétaires de rédaction : Fanny Paul, Diane Thibaudier

Rédaction : Alexis André, Victor Guilbert, Diane Thibaudier, Marion Berchet, Marine Nicola, Dimitri Vetsel, Léo Faure, Gary Grenier, Hermance Murgue, Morgane Rous Photographes : Fanny Paul, Léo Faure, Dimitri Vetsel, Morgane Rous Illustrations : Yolande Gerphagnon Getty Images Maquettiste : Fanny Paul

Chef Service Web : Marion Berchet Responsable Facebook : Fanny Paul

A LA MANIERE DU MAGAZINE MEDIAS Réalisé dans le cadre des intensives presse écrite. J3 - 2010/2011

Retrouvez la présentation vidéo d’Alexis André et bien plus sur le site keskiscpass.com et sur la page Facebook de Trafics.

[ N° 1 ] HIVER 2010 TRAFICS

ISCPA 47 rue Sergent Michel Berthet 69009 Lyon


SOMMAIRE

6DECRYPTAGE

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Les points noirs du trafic lyonnais

13 SUR LE TERRAIN De l’autre côté du quai

16 LE GRAND ENTRETIEN

Bruno Faivre d’Arcier « Lyon, le meilleur réseau de transport provincial »

22 MANO A MANO Entretiens en roue libre

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AVANT-PROPOS

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TRAFICAGES ET COMPAGNIE

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CARTE BLANCHE

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MA VIE AVEC LES TRANSPORTS

26 TraficOtages

TRANSPORTS ALTERNATIFS : LA SOLUTION MIRACLE ?

TRAFICS HIVER 2010 [ N° 1 ]


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TRAFICAGES & CIE

UN BOL D’AIR PUR

EMBOUTEILLAGES EN SERIE Si Paris reste indéniablement la ville la plus em-

Dans une étude réalisée par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise des énergies) sur la qualité de l’air en 2009, Lyon fait office de cancre. Première sur 25 villes, Lyon a connu six jours avec un air de « mauvaise qualité » (indices 8 et 9) et trois jours avec un air de « très mauvaise qualité » (indice 10). En 2008, la ville n’avait connu qu’une seule journée similaire.

bouteillée de France, l’agglomération lyonnaise

Taxi Payeur

souvent un véritable calvaire pour les automo-

Les taxis de Lyon proposent des prix raisonnables. Chaque département de France possède ses propres tarifs. La prise en charge, par exemple, est de 2 euros à Lyon, mais elle peut monter jusqu’à 2,80 euros pour les Alpes-Maritimes, ou ne coûter que 1,40 euro en Lozère. Pour le reste de la course, le prix se fait au kilomètre. De 7 h à 19 h, en jours ouvrables, les tarifs sont d’1,36 euro ou 2,04 euros. De 19 h à 7 h, ils sont à 2,04 euros. Enfin les dimanches et jours fériés, le kilométrage est aussi à 2,04 euros. Si vous avez des bagages ou animaux de compagnie, le tarif est évidemment plus élevé. Aujourd’hui, c’est près d’un millier de taxis qui circulent dans le centre-ville de Lyon.

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arrive, elle, à la deuxième place devant Lille ou Bordeaux. C’est en tout cas ce que révèle une étude réalisée par l’Inrix, une société américaine d’info-trafic. Chaque année, les Lyonnais perdent près de 34 heures dans les bouchons. Les quais de Saône restent l’endroit le plus fréquenté et le plus bouché de la ville. L’étude a aussi permis de déterminer les meilleurs et pires moments pour circuler. Le mardi matin, de 8 à 9 h, est le plus bilistes. De même, le vendredi après-midi reste le pire moment de la semaine pour circuler. En revanche, le jour le plus fluide se trouve être le lundi, entre 6 et 7 h. Information contradictoire, depuis dix ans, le nombre de voitures aurait baissé de 15 %.


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LE VELO DE DEMAIN Le futur nous réserve encore bien des surprises en matière de transport, à commencer par le vélo. Exit les pneus à regonfler, les chaînes qui déraillent… Le vélo de demain se veut tout léger. C’est en tout cas ce qu’ont proposé des designers. Qu’ils s’appellent B1K, Hubless ou bien Nulla Bike, ces vélos gagnent en légèreté en supprimant chaînes, rayons et parfois même guidon ! Une chose est sûre, ces nouveaux prototypes sont époustouflants de par leur design pour le moins décalé…

Souriez, vous êtes flashés ! A Lyon, les radars les plus connus sont sûrement les radars fixes du quai Gailleton, du tunnel de Fourvière ou du tunnel de la Croix-Rousse. Depuis mai 2010, la ville compte quatre petits nouveaux d’un autre genre. Avec eux, il ne s’agit pas de rouler à la bonne vitesse, mais de ne pas voir rouge. En effet, quatre radars au feu tricolore ont été installés cours Lafayette, rue du Bourbonnais, rue Marc Bloch et route de Vienne. Il faudra donc faire attention, car pour ces radars nouvelle génération, pas de panneau d’avertissement. Cette petite boîte design placée en haut d’un poteau prendra une première photo des véhicules lorsqu’ils arrivent à hauteur du feu. Si le conducteur dépasse celui-ci, un deuxième cliché sera pris. Et cette fois-ci, le cliché vous en coûtera quatre points sur le permis de conduire ainsi qu’une amende de 135 euros. Prudence est donc mère de sûreté, mais aussi bénéfique pour le porte-monnaie !

Amour dans le métro

Tout est possible. Croisédanslemétro.com est un site de rencontres pas comme les autres. Sur celui-ci, beaucoup de coups de foudre qui ont commencé dans la vie réelle mais ont été arrêtés par la fermeture des portes du métro. Alors, pourquoi ne pas tenter de retrouver cette personne ? Pour ce faire, rien de plus simple. Il suffit de rédiger un message en étant le plus précis possible (heure de la rencontre, métro en question, description physique…) et de laisser faire la chance. Depuis sa création, c’est près de 150 messages qui se succèdent mais pas autant de réponses...

SMARTPHONE A TOUT FAIRE Marre des cartes dépliantes du réseau TCL qui encombrent vos poches et vos sacs ? Prenez votre Smartphone et téléchargez gratuitement l’application « Métro Lyon ». Lancée par un jeune entrepreneur lyonnais en août dernier, cette option permet de consulter sans aucune connexion les cartes du réseau et les horaires de chaque ligne en temps réel. A cela, ajoutez la possibilité d’intégrer des points d’intérêt tels que restauration rapide, cafés, pâtissiers & glaciers, loisirs et hébergement. Pris de cours, les TCL lanceront leur application officielle courant 2011.

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DECRYPTAGE

LES POINTS NOIRS DU TRAFIC LYONNAIS n SI LES ETUDES SE CONTREDISENT sur la circulation parisienne, elles sont unanimes sur le cas lyonnais. La capitale des Gaules s’inscrit dans le top 10 national des villes les plus embouteillées. n UN PERIPHERIQUE INACHEVE, pourtant dans les cartons depuis près de 50 ans, un projet de contournement qui s’éternise : quels sont les enjeux routiers de l’ouest lyonnais ? n LE STATIONNEMENT RESTE un point noir de la circulation à Lyon. Mais les problèmes de parking en voirie sont voulus par la municipalité. Le but est de désengorger les rues du centre ville. Un mal pour un bien ? n LE RESEAU DE TRANSPORTS EN COMMUN ne semble pas poser de problèmes à Lyon. Il est même classé réseau de meilleure qualité en France après Paris. Mais il y subsiste un point faible : les grèves à répétition entrainées par le mauvais dialogue social entre personnel TCL et direction de Keolis. DOSSIER > VICTOR GUILBERT ET DIANE THIBAUDIER PHOTOS ET ILLUSTRATIONS > URBALYON / TOM TOM

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DECRYPTAGE 7

LA MAUVAISE REPUTATION

L

’encombrement du tunnel de Fourvière en période de pointe est sans doute tristement plus célèbre nationalement que la charmante traboule du 7 rue du Bœuf, quartier Saint-Jean. Le bouchon sous la colline est devenu le symbole de la congestion lyonnaise, un cauchemar. Dans son sens Nord-Sud, le tunnel figure parmi les dix principaux points noirs du trafic métropolitain selon une étude de la société d’info-trafic américaine Inrix, utilisant les données d’Eurostat, l’office européen des statistiques. Plus globalement, la ville de Lyon apparaît à la 2e place des villes françaises les plus embouteillées, très loin derrière Paris. Quand les Parisiens perdent, chaque année, 70 heures dans le trafic, les conducteurs lyonnais ne s’impatientent « que » 34 heures par an. Entre 2008 et 2009, le trafic sur les 170 kilomètres de voies rapides de l’agglomération lyonnaise a gobalement baissé de 0,2 %. Cette évolution est très hétérogène. Le trafic a augmenté jusqu’à 4 % sur des axes comme l’A46 Nord ou l’A6, mais, à l’inverse, a diminué d’autant sur la rocade Est. Autre étude, moins officielle et référente, mais tout autant accablante pour Lyon, la société TomTom, un des leaders du marché des GPS, a publié une enquête sur le taux de rues encombrées pour chaque ville française. Surprise, Lyon dépasse ici la capitale parisienne et se hisse au 7e rang des villes les plus engorgées. Le palmarès a été établi en recueillant les relevés de vitesse de ses utilisateurs lors de ces deux dernières années. Un axe est considéré comme congestionné lorsque la vitesse moyenne des véhicules était inférieure à 70 % de la limite autorisée. C’est ainsi que Nantes devient la capitale française du bouchon avec 42 % d’axes encombrés contre 33,6 % pour Lyon. Mais alors que conclure de ces deux études ? Et bien peut-être que l’encombrement lyonnais révèle une politique municipale de la circulation volontairement contraignante.

15 % de voitures en moins depuis 2002 Il y a 10 ans, Lyon apparaissait comme l’une des villes de France où la place de la voiture était la plus importante. Les choses ont changé, le nombre de voitures en circulation a diminué chaque année pour parvenir, en 2010, à 15 % de véhicules en moins depuis 2003. Mais si les Lyonnais n’ont pas constaté le changement avec évidence, c’est que la fluidité de la circulation ne s’est pas améliorée pour autant. En parallèle, la Ville a entrepris de grands chantiers de partage de la voirie. Les transports en commun, pistes cyclables et autres trottoirs élargis ont grignoté de l’espace aux voitures pour dessiner un schéma de circulation d’un nouveau temps ; à l’opposé du modèle des villes américaines, aménagées pour la circulation automobile, que défendait Louis Pradel, maire de Lyon entre 1957 et 1976. C’est sous ses mandats que le tunnel de Fourvière avait vu le jour avec, pour objectif, le déversement d’une voix rapide au cœur de Lyon. Ce qui, selon lui, devait permettre aux touristes en transit du nord au sud de séjourner à Lyon. Seulement, depuis, la structure de Lyon a changé et les enjeux de circulation avec. Le cas lyonnais révèle toute l’ambiguïté de ces barèmes où l’objectif des grandes agglomérations n’est surtout pas d’apparaître en queue de classement. Trop de facilité pour les automobilistes ne les inciterait pas à utiliser les transports en commun. Au vu des points noirs de la circulation lyonnaise, la municipalité semble avoir compris la leçon. Relancer les axes de contournement en projet depuis les années 80, diminuer l’offre de stationnements libres et gratuits et transférer une partie des trajets automobiles vers le réseau de transport en commun. Le pari est lancé mais l’équilibre entre satisfaction et énervement des automobilistes lyonnais s’annonce périlleux. n

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8 DECRYPTAGE

Escarmouche sur les routes de l’Ouest LE PERIPHERIQUE COMPLET de Lyon décidé conjointement par Michel Noir et Michel Mercier il y a plus de 20 ans n’a toujours pas vu le jour. Le Tronçon Ouest du Périphérique (Top) est le chaînon manquant du ring routier de Lyon. Quels sont les obstacles et les conditions de sa réalisation ? Pourquoi le projet est-il resté en suspend autant d’années ? Explications.

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DOUBLE-PAGE > VICTOR GUILBERT ILLUSTRATIONS > URBALYON

958, la première partie du boulevard périphérique lyonnais est ouverte au trafic. Le boulevard Laurent Bonnevay, du nom de son concepteur et président du Conseil général du Rhône de l’époque, entame, entre Gerland et CroixLuizet, la ceinture routière encore

inachevée aujourd’hui. Trente ans plus tard, en 1990, Michel Noir et Michel Mercier, respectivement maire de Lyon et président du département rhodanien, s’entendent pour boucler la boucle. Les deux entités territoriales se répartissent le travail, la partie nord (Teo) à la charge de la communauté urbaine et le tronçon ouest à celle du dépar-

tement. La construction de Teo et sa mise en exploitation s’avèrent mouvementées. En 1990, le groupe Bouygues obtient de Michel Noir, la concession de l’ouvrage. Les soucis judiciaires de ce dernier, le prix du péage particulièrement élevé et le rétrécissement des voies de circulation gratuites scandalisent les Lyonnais. Ils organisent alors un boycott particulièrement efficace puisque 16 000 automobilistes seulement empruntent l’axe quotidiennement contre 70 000 nécessaires à sa rentabilisation. La Ville de Lyon rachète finalement l’infrastructure en 1999, sous le mandat de Raymond Barre. Au vu de ces difficultés, le Conseil général recule sur la réalisation du tronçon ouest malgré une volonté affichée de terminer l’ouvrage. Rebondissement, en 2003 le Grand Lyon devient maître d’œuvre du Top et l’inscrit même au plan de mandat 2008-2014 avec un objectif, celui de détourner du centreville les 43 % d’automobilistes empruntant le tunnel de Fourvière sans volonté de pénétrer le cœur de l’agglomération. Mais la majorité socialiste de la communauté urbaine se retrouve confrontée à une double opposition politique.

Valse à trois temps

D’un côté, les Verts, qui dénoncent l’incohérence de ce projet routier


avec l’engagement de Gérard Collomb de réduire de 20 % l’émission de gaz à effet de serre avant 2020. Ils évoquent également un gaspillage financier. « L’argent public est rare, la construction de Teo a nécessité 1 milliard d’euros. 45 000 voitures seulement l’empruntent quotidiennement. Au même moment, la ligne D du métro a été réalisée pour 1 milliard d’euros également, mais affiche, pour sa part, 250 000 usagers chaque jour » compare Béatrice Vessiller avant de défendre un axe, certes périphérique, mais de transports collectifs moins onéreux. Cette alternative coûterait, selon les Verts, 500 millions d’euros. Plus économique que les 2 milliards (estimation basse) du Top. A droite, l’UMP bataille pour un nouveau tracé du tronçon ouest. Le Top avait pourtant été imaginé en souterrain, pour le rendre plus acceptable aux yeux de la population de l’ouest lyonnais, au risque d’augmenter son coût. La précaution n’a pas suffi. Certains élus de l’ouest comme François-Noël Buffet, sénateur-maire d’Oullins, proposent un tracé plus large du Top, qui s’éloignerait un peu plus du centre-ville et se brancherait au boulevard urbain sud au niveau d’Irigny. « Le rôle du périphérique est de protéger le cœur de l’agglomération. Un jour, peutêtre, le port Edouard-Herriot sera le nouveau quartier résidentiel », explique François-Noël Buffet. En filigrane de cette prospective, François-Noël Buffet cherche surtout à protéger Oullins d’un projet routier qui risque, au mieux, de l’éloigner un peu plus de l’agglomération, au pire de le défigurer totalement.

Collomb et le conditionnel

Depuis sa prise en charge du dossier, le président de la communauté urbaine, redoute une « confusion » entre le Top et le contournement ouest de Lyon (Col). Il s’agit là du lien autoroutier entre l’A6 et l’A7 destiné à absorber le trafic national et international. Il est financé par l’Etat. Seulement, Gérard Collomb craint qu’une fois le Top achevé, l’Etat renonce au Col. Un deuxième

Projets de Top pied de nez aux infrastructures routières locales. « La rocade des villages » était devenue, par la suite, un axe de contournement routier très prisé à l’est par les camions, en plus de son utilité initiale. Pour éviter un nouveau coup de grisou à la réalisation du Top prévue en 2020, Gérard Gérard Collomb Collomb a donc a fixé ses fixé ses conditions. conditions pour Premièrement, il exige la réalisation la réalisation du par l’Etat de deux TOP, prévue en tronçons du Col en signe d’engagement 2020. préalable, celui de départ et un autre d’arrivée. Le maire de Lyon le sait, vu l’état des finances publiques et

le peu d’engagement de l’Etat sur le dossier jusqu’à présent, le risque est grand de ne jamais voir le Col. Une crainte accentuée le 3 mai dernier lors d’une réunion conjointe entre le Conseil général du Rhône et la communauté urbaine pendant laquelle Michel Mercier, encore ministre de l’Aménagement du territoire, s’était dérobé à la question de Gérard Collomb concernant la volonté de l’Etat de réaliser le Col. Deuxième condition, un engagement mutuel avec le Conseil général sur le tracé court. A ce moment seulement, les travaux du Top pourront commencer et mettre un terme, après plus de 50 ans, à ce périphérique maudit. n Retrouvez une explication cartographique complète sur le blog traficslemag.wordpress.com

TRAFICS HIVER 2010 [ N° 1 ]


10 DECRYPTAGE

Chacun cherche sa place

«

PLUS DE PLACES PAYANTES pour moins de voitures en ville. C’est l’objectif fixé par la municipalité de Lyon. De quoi rendre fou les Lyonnais exaspérés de voir le stationnement devenir un point noir de la circulation en centre-ville. Et pourtant, l’idée a fait ses preuves pour désengorger les rues. Explications. DOUBLE-PAGE > DIANE THIBAUDIER

Modérer l’usage de la voiture en ville pour mieux partager l’espace urbain ». C’est comme cela que se définit la politique de stationnement de Gérard Collomb, sénateurmaire de Lyon. Mais à travers ces termes, les sous-entendus sont nombreux. En augmentant les places payantes en voirie, la municipalité veut dissuader les automobilistes de venir jusqu’au centre de Lyon. Face au prix élevé des places, les travailleurs lyonnais devraient préférer laisser leurs voitures et prendre les transports en commun. Le but : désengorger le centre-ville. Le résultat : des améliorations de circulation, mais surtout des automobilistes furieux de l’augmentation des places payantes en ville. Et malgré les protestations, Lyon continue à inciter les automobilistes à choisir d’autres modes de circulation. Création de parcs-relais en périphérie, stationnements souterrains autour de la Presqu’île, garages des résidents dans les Lyon Parc Auto… Les Lyonnais n’ont plus d’excuse et doivent désormais laisser leurs voi-

Pour deux euros de plus... Plus de places payantes en centre-ville, mais aussi un tarif plus élevé. Toujours dans l’optique de désengorger les axes majeurs de Lyon, le tarif de stationnement augmente petit à petit, en voirie. Si les vignettes résidentielles à la journée ou à la semaine restent au même prix, les résidents abonnés au mois vont devoir allonger les euros. Pas de beaucoup, puisque le tarif passe de 14 à 16 euros par mois. Deux petits euros en plus chaque mois pour accéder au tarif résident mensuel. Cette augmentation a été calculée en fonction de l’inflation selon Jean-Louis Touraine, premier adjoint au maire de Lyon et délégué à l’optimisation des déplacements. Mais cette hausse se fait en une seule fois et ne devrait pas être reconduite. Et maintenant, plus question de frauder. Les agents en charge de la verbalisation sont désormais au nombre de 74. Un effectif qui peut paraitre petit, mais qui couvre pourtant bien le centre-ville, et laisse de moins en moins de place au stationnement sauvage.

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tures ou en payer le prix. Cette politique de stationnement peut paraître étrange, mais elle marche ! Si le stationnement gratuit est devenu plus que difficile à Lyon, la hausse des places payantes a fait ses preuves du côté de la circulation en centre-ville. En sept ans, le nombre de voitures en ville a baissé de 21 %. Un chiffre qui incite la municipalité à en faire davantage. Mais, réduire les embouteillages du centre est une chose. Ne trouver plus que des places payantes en est une autre. Les regroupements d’automobilistes en colère fleurissent sur le réseau social Facebook, et les protestations sont constantes. A l’image du groupe « Marre du stationnement payant à Lyon » qui ne compte cependant qu’une centaine de membres. Pour eux, la politique de stationnement n’est « qu’une belle connerie ». Et pourtant, Lyon ne possède que 32 000 places payantes (dont 10 000 depuis avril dernier seulement)… sur les 100 000 disponibles en voirie ! Rien de grave comparé aux autres métropoles françaises. A Lyon, 32 % des places en voirie sont payantes, contre 39 % à Lille ou encore plus de 97 % à Paris. Béatrice Vessiller, élue des Verts à la mairie de Villeurbanne, est convaincue des conséquences bénéfiques du stationnement payant. « Son augmentation est dissuasive », assure-t-elle. « Et la fréquentation des parcs de stationnement diminue, c’est un signe de la baisse de l’utilisation de la voiture. Ce sont les contraintes à l’automobile qui permettent l’usage d’autres modes de circulation ». Pour l’instant, les conditions de stationnement à Lyon restent plutôt bonnes. Mais la situation des automobilistes lyonnais risque bien de se dégrader au profit d’autres modes de circulation. Lors de l’aménagement des berges du Rhône, des centaines de places de stationnement de surface ont été supprimées pour des quais réservés aux modes « doux ». Pour pallier ces suppressions, la Ville souhaite développer les parkings souterrains. Notamment en agrandissant celui de Bellecour, mais aussi en en creusant un nouveau, au niveau de la place Albon (1er arrondissement). Mais la mairie a épuisé les projets de stationnement pour ce mandat (jusqu’à 2014). Et la baisse de fréquentation ne pousse pas la municipalité à les faire au plus vite. n


DECRYPTAGE 11

Grèves TCL, le talon d’Achille Le conflit entre le personnel TCL et la direction de Keolis dure depuis longtemps. Et si ses origines sont nombreuses, pour Béatrice Vessiller, élue au Sytral (Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise), la raison principale est une réduction de moyens importante par Keolis. C’est, selon elle, ce qui explique les mouvements sociaux qui agitent les transports en commun lyonnais. « J’ai discuté avec des membres du personnel TCL. Ils ont de fortes inquiétudes sur la maintenance du matériel. Et le dialogue est très difficile. Du coup, cela entraine des mouvements de grève importants. Mais ce n’est pas pour le plaisir ! » Chez les usagers en tout cas, la colère gronde. Pour la plupart des utilisateurs des transports en commun, les mouvements de grève sont trop nombreux aux TCL. Et les

chiffres ne démentent pas, en seulement 5 ans (entre 2004 et 2009), le personnel du réseau lyonnais a été en grève 359 jours. Presque un an d’absence de transports en commun. A la RATP, les jours de grève seraient moins nombreux. « Mais nous n’avons pas les mêmes revendications » explique l’un des syndiqués CGT de la RATP. « Quand on voit ce qu’ils leur font à Lyon, on comprend les mouvements de grève à répétition ! » Raisons valables ou non, pour les Lyonnais, le personnel du réseau est trop souvent en grève. Et ils l’expriment à travers des regroupements. C’est le cas sur le réseau social Facebook. Le groupe « Anti-grèves TCL » est composé de pas moins de 5 500 membres. Des usagers furieux de voir le personnel TCL pénaliser les travailleurs lyonnais. Et c’est là, le principal point noir des transports en com-

« Le réseau actuel n’est clairement pas suffisant » Pour Béatrice Vessiller, la question ne vaut même pas la peine d’être posée. Et pour une fois, l’élue du Sytral n’est pas la seule de cet avis. Tous sont d’accord, le réseau doit être agrandi, amélioré et simplifié. Pour cela, plusieurs projets sont en cours. Le métro touchera bientôt Oullins, la construction est déjà entamée. Le but : placer la périphérie à portée de Lyon. Mais, d’autres projets seront réalisés lors du mandat 2008-2014. Entre autres, le prolongement du T2 jusqu’à Eurexpo et la desserte de l’OL Land par le T3. Le trolleybus C1 doit aussi agrandir sa ligne jusqu’à Caluire-et-Cuire. Des projets qui ne signifient pas forcément qualité de réseau pour Bruno Faivre d’Arcier. « A Lyon, on peut noter un point faible : le centre-ville est très bien desservi, mais le maillage se grossit de plus en plus en banlieue, et le service perd largement en qualité ». Rendez-vous en 2014. n ILLUSTRATION > SYTRAL

mun lyonnais. A part ça, le réseau est jugé bon, même si encore insuffisant. « C’est en tout cas, selon nos mesures, l’offre de meilleure qualité en France (après Paris). Que cela soit en termes de fréquence, ponctualité ou en taux de remplissage ». Pour Bruno Faivre d’Arcier, chercheur au Laboratoire d’Economie du Transport de Lyon, le réseau TCL n’a rien à envier aux autres villes françaises (voir interview complète en page 16). Et pourtant, les nombreux projets du Sytral prouvent bien que le maillage n’est pas encore assez dense. Comme notamment dans plusieurs quartiers du 7e arrondissement. n

En seulement cinq ans, le personnel du réseau lyonnais a été en grève 359 jours.


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CARTE BLANCHE

Le prix à payer

© Fanny Paul

I

l n’y a pas que l’augmentation du prix de la baguette qui fait jaser. Celui du ticket des TCL figure lui aussi en bonne place dans le top 5 des sujets polémiques. Le Sytral gère le réseau, et depuis 2001, relève les tarifs tous les ans, mais pas de manière uniforme. Une astuce pour embrouiller l’usager sur l’augmentation réelle du coût des transports ? Non, même si 2011 ne verra pas le prix du ticket unité, 1,60 euro, changer, le comité syndical fait monter de 10 centimes à 1,20 euro la valeur des abonnements. Les transports en commun lyonnais sont les plus chers, dit l’adage. Or pour la France, si des villes comme Lille et Marseille ont leurs tickets à 1,20 euro ou 1,50 euro, le service offert n’est pas similaire. Dans ces deux agglomérations, bien que métro, tramway et bus soient présents, ils sont moins MARION BERCHET développés qu’à Lyon. Dans un rapport sur l’évolution tarifaire, daté du 28 octobre 2010, hors Paris, Lyon arrive en tête des offres avec 5 600 PlacesKilomètres Offerts (PKO) par habitant et par an. En clair, plus de places et plus de kilomètres en termes de lignes tous moyens de transports confondus, alors oui avoir un réseau dense a un coût. Autre argument en leur faveur : une bonne gestion financière. Qui remettrait en cause le prix du cours du blé, si son coût de production augmente ? Il en va de même pour le Sytral. Comme toute entreprise, il doit Retrouvez un faire face à l’augmentation des coûts d’exploitation, complément de l’énergie et de l’électricité qui grimpent bien plus de la carte vite que l’inflation. En lisant entre les rails, on s’aperblanche sur le blog çoit tantôt que personne n’a voté cette année contre traficslemag. cette hausse. Etrange tout de même quand on sait que wordpress. com sur les 26 membres qui composent le comité syndi-

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cal, 13 se situent à gauche de l’échiquier politique. Il convient de s’interroger sur ce qu’est cette organisation nommée Sytral. Dans l’instance décisionnaire, 16 viennent du Grand Lyon et dix du Conseil général du Rhône. Cela signifie qu’il faut être élu, puis désigné pour les élus venant du Conseil général et redésigné encore une fois pour ceux du Grand Lyon. On est donc en présence d’une instance bien loin de l’électeur, bien loin de ses préoccupations et de son vote. Entre nous soit dit, les politiques ne se font pas élire sur les positions qu’ils adopteront au sein du Sytral. Avec une moitié de personnalités issue de la gauche, on est en droit de penser qu’ils militeraient pour une justice sociale. Donc qu’ils limiteraient les attaques aux portefeuilles de leurs concitoyens. Le comité syndical ne décide pas ainsi semble-t-il. Il n’y a au final qu’une seule opposante à l’augmentation tarifaire : Béatrice Vessiller, élue des Verts. Si elle vote contre chaque année, en 2010, elle s’est abstenue, car le Sytral maintient ses tarifs dits sociaux. Les TCL font en effet des efforts en multipliant les abonnements sociaux. Seniors, chômeurs, handicapés et familles nombreuses ont ainsi le droit à des réductions. Alors râleurs je vous arrête, non les TCL ne sont pas trop chers, preuve en est : dissection du prix du ticket unité, sur 1,60 euro. En fait, l’usager ne paye là qu’un quart du coût total de ce que représente son déplacement. Bon un peu plus en réalité, car une des grandes ressources financières du Sytral sont les impôts locaux, mais cette somme reste faible, et rares sont ceux en plus qui paient le ticket unité. 77 % des utilisateurs des TCL ont un abonnement, social inclus. La gratuité, rêve de tout usager, est une utopie. Tout d’abord, les TCL ne pourraient pas faire face à l’afflux de trafic causé par un coût zéro, mais surtout les portiques anti fraudes installés depuis quelques années seulement ont couté 58 millions d’euros au Sytral. n


SUR LE TERRAIN

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De l’autre côté du quai LES LYONNAIS EMPRUNTENT, chaque jour, près de 1 235 400 fois les transports en commun. Bus, tram, funiculaire ou métro… Mais ces moyens de locomotion ne fonctionnent pas tout seuls. Le métro, par exemple. Que la ligne soit avec ou sans conducteur, chacun de ses mouvements est suivi et contrôlé minutieusement. Immersion dans les coulisses du métro, dans ces endroits inconnus du grand public mais tellement essentiels au bon déroulement de nos trajets. TEXTE > MARINE NICOLA PHOTOS > DIMITRI VETSEL

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n a tous, un jour ou l’autre, pris le métro pour aller au travail ou pour un loisir. Le métro c’est 42 stations, 31,5 kilomètres et près de 660 000 voyages par jour. Mais ce que vous ne savez peut-être pas c’est que pour faire fonctionner ces six lignes (quatre lignes de métro et deux funiculaires), c’est environ 4 400 personnes qui travaillent, de jour comme de nuit. Parmi eux les familiers contrôleurs TCL. Il y a également les conducteurs de métro dans leurs cabines. Mais d’autres s’activent à organiser ce trafic. Sur le quai de la station Part-Dieu en direction de Charpennes, une petite porte se fond dans le décor. Derrière le PCC (Poste de commandement centralisé). L’ambiance est plutôt calme. Mais les quelques personnes qui travaillent ici expliquent


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que ce n’est pas le cas, la plupart du temps. D’habitude, les cris et les téléphones résonnent dans la pièce. Sans ce Poste de commandement, les métros ne pourraient pas circuler et resteraient au « garage ». Dans ces 200 m2 de bureau, 70 personnes se relayent. A l’instant T, 10 personnes doivent se trouver aux différents postes des lignes A, B, C et D. Parmi eux se trouve un chef de quart. Il a sous ses ordres des régulateurs ainsi que des Opérateurs de zone de péage (OZP). Ces derniers ont pour mission de recevoir les appels qui proviennent des bornes d’urgence situées sur l’ensemble du site du métro, exceptées celles des quais. Les appels sont la plupart du temps passés par des usagers qui souhaitent faire part d’un dysfonctionnement. La majorité d’entre eux concernent des poussettes bloquées dans une des voitures. Les autres appels concernent des personnes perdues, les horaires du dernier métro… Il peut aussi s’agir d’un réparateur confirmant la remise en service d’une quelconque installation. Les OZP reçoivent près de 13 000 appels par mois, mais ils s’occupent également de l’entretien de toutes les machines qui se trouvent dans l’enceinte du métro, sauf sur les quais (portiques d’entrées, escaliers mécaniques, ascenseurs…). Les régulateurs se consacrent, quant à eux, aux quais et aux métros. Il existe trois postes de régulateurs pour les lignes A, B et C ainsi que trois pour la ligne D, soit six en tout. La ligne D, automatique, fonctionne sans conducteur ce qui explique qu’elle ait besoin de plus d’attention. Pour les lignes A et B, il existe un régulateur du trafic et un régulateur CCS (Commande de contrôle station). Le premier est chargé de donner des missions aux

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trains et veille à ce que tout fonctionne dans les déplacements des voitures. Chaque rame de métro, lorsqu’elle sort du garage et rentre dans la circulation, reçoit un code de mission de la part du PC. Pour la ligne A, par exemple, la première rame à s’insérer reçoit le code de mission A1... Ce code va servir à repérer le métro sur le TCO, tableau de contrôle optique (en photo). Le régulateur CCS (Commande contrôle station) s’occupe, quant à lui, Le métro, c’est des personnes et du ma- 42 stations, tériel qui se trouvent sur 31,5 kilomètres, les quais. Ce sont égaleet près de ment eux qui diffusent des annonces sur les 660 000 trajets voies. Pour la ligne C, par jour. un seul régulateur porte les deux casquettes. En ce qui concerne la ligne D, il y a un régulateur de trafic, un CCS ainsi qu’un régulateur injection retrait. N’ayant pas de conducteur, le métro doit s’insérer de façon automatique dans le trafic (pour les autres lignes, c’est le conducteur qui amène manuellement le métro sur les rails de circulation). Son rôle est donc d’emmener les trains du garage à la ligne. Chaque régulateur doit être capable de travailler à

n’importe quel poste, sur n’importe quelle ligne. Cela leur permet également de casser la routine.

Voyage en cabine

Une fois sortie du PC, direction la cabine du conducteur, autre lieu inconnu puisqu’interdit au public. Derrière son tableau de bord, le conducteur n’a que peu de place et s’exécute de façon presque machinale. Les lignes A et B sont très similaires dans la conduite. Cependant, le conducteur peut décider d’être en automatique ou bien en manuel. S’il est en manuel, il doit faire démarrer la rame, accélérer, régler la vitesse et freiner tout seul. Mais qu’il choisisse l’un ou l’autre, le conducteur doit réaliser une manipulation importante pour le bon déroulement du trajet. C’est ce qu’on appelle « l’homme mort ». Il s’agit en fait, pour le conducteur, de faire savoir au PC, qu’il est en bonne santé. Pour cela il doit appuyer toutes les secondes voire plus souvent sur un boitier. Ce même boitier qui sert à l’accélération et au freinage de la rame. La vitesse maximum d’une rame peut aller jusqu’à 80 km/h. Autant dire qu’il faut être prudent. Pour la ligne C, il s’agit d’un autre type


SUR LE TERRAIN 15

de métro. En effet, les lignes A et B sont des métros sur pneumatiques. La ligne C a donc la particularité d’être la seule ligne de métro à crémaillère au monde. Cette spécificité est due à la géographie escarpée de la montée jusqu’à la Croix-Rousse. Les conducteurs de métros partent donc sur une base de circulation de sept heures, mais font des poses presque toutes les heures. Juste le temps de reprendre un peu de lumière à la surface avant de replonger dans un monde de tunnels et d’obscurité. n

Le conducteur doit informer chaque seconde le poste de commandement pour signaler qu’il est en bonne santé.

Chef de quart, l’homme de l’ombre Le chef de quart est la personne en charge d’un groupe de neuf régulateurs. Au sein du poste de commandement centralisé des TCL, on compte dix chefs de quart qui se relayent, de la même façon que leur équipe, selon les 3×8. Le premier chef de quart doit se trouver au PC dès 5 h 15 du matin. Il est également polyvalent. Il doit en effet, être capable de remplacer n’importe lequel des régulateurs et donc être opérationnel sur l’ensemble du

matériel et l’ensemble des lignes. C’est pourquoi le PC ne doit jamais se retrouver sans chef de quart. Le rôle d’un chef de quart est avant tout d’être fonctionnel. Il est un relais hiérarchique entre les régulateurs et la direction. Mais il a également une autre fonction. Il est responsable de la distribution du réseau électrique. Keolis achète l’électricité dont le réseau TCL, métro et parfois bus, a besoin et le répartit dans six lieux différents. C’est cette réserve d’énergie que le chef de quart va devoir gérer. Sur un tableau représentant les lignes de métro, est indiquée la circulation d’énergie. Si par exemple un voyageur tombe sur la voie de métro, le chef de quart doit être très réactif et couper le courant. Il faut ensuite qu’il réfléchisse rapidement à une solution pour contourner le lieu de l’incident afin de ne pas bloquer l’ensemble du réseau et continuer à desservir les autres stations. Le chef de quart a également la mission de faire un rapport détaillé de ce qu’il s’est passé avant qu’il prenne son poste. Il doit pour cela récupérer l’ensemble des procédures remplies par les régulateurs sur les dernières huit heures puis faire un compte-rendu. Lors de son service, le chef de quart doit être très vigilant, car s’il arrive quelque chose de négatif, c’est lui qui en portera la responsabilité. La plupart des chefs de quart ont revêtu une ou plusieurs autres casquettes avant d’arriver à ce poste. Ils étaient régulateurs, conducteurs ou encore agents de lignes. Ce qui explique qu’ils sont aptes à s’occuper des différents postes si cela est nécessaire. n Découvrez une vidéo exclusive sur le blog traficslemag.wordpress.com

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LE GRAND ENTRETIEN


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Bruno Faivre d’Arcier : « Lyon, le meilleur réseau de transport provincial » ISSU DE LA FILIÈRE PRIVÉE, Bruno Faivre d’Arcier est docteur d’économie des transports spécialisé dans l’évaluation des politiques de déplacement et de transport au niveau local et régional. Il se définit d’ailleurs lui-même comme « transportologue ». Chercheur au laboratoire d’économie des transports de Lyon (LET) depuis près de 25 ans, il porte un œil résolument optimiste sur les moyens de circulation à Lyon. ENTRETIEN REALISE PAR > ALEXIS ANDRE ET LEO FAURE PHOTOS > FANNY PAUL

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n a souvent, dans l’inconscient collectif, l’image de Lyon comme la ville des bouchons, autant routiers que culinaires. Est-ce un cliché ou une réelle défaillance du plan de circulation à Lyon ? C’est en fait très psychologique. Les bouchons sont quelque chose de particulier. Les habitants de Villefranche-sur-Saône trouvent qu’il y a énormément de bouchons le matin, parce qu’ils mettent un quart d’heure au lieu de dix minutes habituellement. Moi-même je suis Parisien d’origine. Quand je suis arrivé à Lyon, il m’a fallu cinq ans pour voir un « vrai » bouchon. C’est très personnel. Il existe par contre une seconde approche, par des mesures objectives, comme le temps perdu. Sous cet angle, par exemple, le fameux bouchon du tunnel sous Fourvière n’arrive qu’en 32e position nationale. Les trente-et-un premiers se situant tous, c’est vrai, en Île-de-France. Qu’il y ait des bouchons à Lyon, sûrement. Mais la nature a peur du vide. S’il était possible de mieux rouler à Lyon, les gens prendraient plus leur voiture. C’est inévitable.

En fait, le chiffre important à prendre en compte est plutôt la garantie du temps de parcours. Plus que le bouchon en lui-même. Si vous roulez lentement dans une ville, mais que vous êtes sûr du temps de parcours, alors cela ne pose pas de problème. Par contre si vous roulez bien tous les jours, mais qu’un matin vous avez deux heures de queue pour entrer dans Lyon, là, les gens râlent. Par ailleurs, il est intéressant de regarder ce que les gens font du temps gagné. C’est assez surprenant, puisqu’ils l’utilisent pour aller simplement plus loin dans leurs habitudes. On sait par exemple que l’amélioration des réseaux de transports a favorisé l’étalement urbain. Tout est donc dans l’équilibre. Lyon est une ville à la géographie particulière. Deux importants cours d’eau, plusieurs collines. Comment le transport s’est-il développé historiquement ? Tout se fait selon une logique sociopolitique. Historiquement, Lyon était d’abord construite au pied de Fourvière. Puis s’est concentrée autour de la Presqu’île. La ligne A a donc été créée pour rallier la grande gare de l’époque, Perrache, à Bellecour puis Villeurbanne. Dans les années 60, bloqués à l’ouest par des collines, les politiques ont décidé de développer un deuxième centre-ville à l’est de Lyon : la Part-Dieu. La ligne B est donc créée sur trois stations

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d’abord, entre Charpennes et la PartDieu. Mais la gare TGV de la PartDieu n’a vu le jour qu’après le métro, ce qui explique les pertes de temps dans les longs couloirs de la station de métro. Le funiculaire de la CroixRousse est devenu un métro et a pris la lettre C. Puis pour fermer la boucle, on a construit la ligne D. La ligne la plus longue de Lyon, mais aussi la plus chère au monde. Ce n’est qu’en cours de construction qu’il a été décidé de l’automatiser. Il a fallu tout refaire. On n’était pas au point d’ailleurs à l’époque. La ligne D a été « La ligne D est lancée en 1992 et il a fallu bien cinq la plus longue de ans pour qu’elle fonctionne correcteLyon mais aussi ment. Pourquoi le réseau TCL est-il si la plus chère au cher par rapport à ses concur- monde ». rents français ? C’est une critique infondée. Déjà, le prix est justifié par l’offre. Un pass à 25 euros, comme le payent les étudiants, donne accès à l’ensemble d’un réseau de grande qualité. Ensuite, il faut arrêter de penser que les usagers financent leurs transports. Ils ne le font qu’à hauteur de 20 %. Ce sont en fait les entreprises privées qui le font, par le versement de transport. Il s’agit de faire payer une

taxe, basée sur la masse salariale, aux entreprises qui se trouvent dans le périmètre d’une zone desservie. C’est un moyen de faire contribuer les bénéficiaires indirects des transports, dont les salariés peuvent se déplacer en transports en commun. Et à Lyon, ce versement de transport paie entre 40 et 50 % des tickets (cela s’élève même à 70 % à Paris, NDLR). Ce sont les entreprises qui font vivre les réseaux. Et le reste du financement s’effectue avec les impôts locaux. Ensuite, il y a le raisonnement suivant : avec la situation économique actuelle, la masse salariale baisse, donc le montant du versement de transport avec. Il reste alors une part plus importante à payer pour l’usager ou le contribuable. Et comme celuici est de moins en moins solvable, la grogne monte contre le prix des tickets. Il y a aussi des mécontentements contre les grèves. On constate environ 360 jours de grève lors des cinq dernières années, soit un jour sur cinq... Historiquement, il n’y a pas forcément plus de grèves à Lyon qu’ailleurs. Les dernières années ont été difficiles en raison de renégociations assez dures sur le temps de travail, et sur l’organisation des journées des chauffeurs. Il s’agit de remises en cause de la convention de travail, plus précisément de nombreux avantages acquis dans les années 1960, alors que les entreprises étaient en demande de travailleurs. Deux dossiers paralysent ponctuellement les TCL : les vacances d’été et la pénibilité du travail avec des horaires très creux et d’autres très stressants. Le problème aussi, c’est que dans les transports, la grève est un moyen très puissant de pression. Les syndicats en jouent certainement aussi, pour obtenir ce qu’ils veulent... A Rennes par exemple, il y a quelques années, les chauffeurs en grève ont décidé de continuer leur service normalement mais en ne s’arrêtant jamais aux arrêts. La pression publique a été telle que les syndicats ont obtenu immédiatement satisfaction. Au niveau du LET, le laboratoire d’économie des transports, quel rôle jouez-vous dans ces grands chantiers ? En France, les universitaires ne peuvent pas faire de consulting, à l’inverse des chercheurs anglo-saxons. En fait, on est surtout là pour superviser les dossiers, avec un rôle simplement consultatif. Nous sommes le poil à gratter, sachant que si notre regard ne plaît pas, les politiques n’en tiennent simplement pas compte. Quelle est votre opinion sur le développement ferroviaire des transports interurbains ? Que ce soit RhônExpress ou Real (réseau express de l’aire métropolitaine lyonnaise), ces investissements se justifientils dans une ville de la taille de Lyon ? Concernant Real, cela me semble être une évidence. Regardez ailleurs ! Le ferroviaire est beaucoup plus


intéressant financièrement et en terme de débit. Ce n’est donc pas du tout une sortie du Grand Lyon absurde, d’autant qu’il y a une vraie demande. Par contre, concernant RhônExpress, c’est certainement plus contestable. C’est un projet très ancien. À une époque, un téléphérique entre la Part-Dieu et l’aéroport Satolas (désormais Saint-Exupéry) avait même été envisagé ! Les politiques l’ont toujours vu comme une nécessité pour renforcer l’aéroport, et l’asseoir comme deuxième de France. Mais c’est prendre le problème à l’envers. Cette liaison devrait répondre à une forte demande. Or actuellement, ce n’est pas le cas. Lyon pâtit de la proximité du gros aéroport de Genève, voire de Milan, et ne reste qu’un aéroport régional européen, derrière Nice en France. Du coup, on peut craindre que le trafic ne soit que limité. A terme pour le rentabiliser, il va falloir augmenter soit les subventions publiques, soit les prix. Et en faire alors une véritable prestation de service. En parallèle, le projet est porté par le Département et non pas par la Région comme habituellement. Cela représente également une inconnue. Quels sont les points forts et points faibles du réseau de transport lyonnais ? Du point de vue statistique, Lyon a les meilleurs résultats de France, hors Ile-de-France. C’est la meilleure offre ainsi que le meilleur taux de fréquentation. Aux dernières évaluations, en 2006, la part modale de la voiture était également en baisse. Bref, tous les voyants sont au vert. Maintenant, il y a encore du travail à faire, et de plus en plus avec l’arrivée de la

donne écologique. Dans les années 60, avec les Trente Glorieuses, l’automobile était une priorité d’Etat ancrée dans les mœurs. Autant au niveau industriel que de l’aménagement urbain. Désormais, il faut arriver à faire basculer la tendance. Mais il y a une inertie très forte. Mais alors, quels sont les grands chantiers de demain au niveau des réseaux de transport ? Le centre-ville me semble très bien desservi, il ne s’agira que d’entretenir ce service et d’en développer la qualité. Cette notion de qualité, on l’a notamment vu avec l’arrivée massive du tramway en France. Très honnêtement, c’est inefficace. Par contre, c’est un bel objet, qui participe à la revalorisation du centre-ville. Il reste par contre encore beaucoup « À une époque, un de travail pour desservir les ban- téléphérique entre la lieues. C’est quelque chose qu’on Part-Dieu et l’aéroport ne sait pas faire en France. On est bloqués par le peu de densité de Satolas avait même population par rapport au centre- été envisagé ! » ville. Il faudrait investir pour développer des ramifications. Et surtout, apprendre à gérer les correspondances, ce que les Allemands par exemple font très bien mais que nous n’arrivons pas encore à mettre en place. L’idée, c’est que les bus ne partent plus à une heure précise mais quand Retrouvez deux le précédent est arrivé. Cela sécuriserait les gens dans extraits audios de leurs correspondances. Et au niveau des banlieues, l’interview sur le blog l’enjeu est énorme. Il s’agit d’un problème social de traficslemag. désenclavement pour éviter l’exclusion. n wordpress.com

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MA VIE AVEC LES TRANSPORTS

Un autre regard « AH, VOILÀ ! LE TRAM ARRIVE, C’EST LE T2 ». Depuis 19 ans, Bruno n’a plus besoin de voir pour

se repérer à Lyon. Aujourd’hui, les transports ne sont plus un problème pour ce non-voyant qui a appris à s’adapter plutôt que d’attendre que des moyens soient mis en œuvre par la Ville. Récit d’un après-midi aux côtés de cet usager pas comme les autres. TEXTE > GARY GRENIER ET HERMANCE MURGUE PHOTOS > FANNY PAUL


L

e 15 septembre 1991, la vie de Bruno bascule. Âgé de 22 ans, le jeune homme, passionné du deux roues, est victime d’un grave accident de la route. En voulant éviter un chauffard ivre, il entre en collision avec un arbre. Bilan de l’accident : double fracture du tibia gauche, fracture du bassin, éclatement de la rate et du foie, traumatisme crânien… Mais ce n’est pas tout. Lorsque sa visière se brise, les nerfs optiques sont sectionnés. Après 27 jours de réanimation, Bruno apprend qu’il ne retrouvera plus jamais la vue. « Depuis, il a fallu faire avec », explique-t-il. Ancien boulanger originaire d’un village de l’Ain à 25 km de Lyon, Bruno perd son travail et doit réapprendre les gestes du quotidien. « Vivre dans une petite commune a eu ses avantages. J’en connaissais tous les recoins et j’ai progressivement repris mes habitudes en commençant par aller chercher mon pain tous les matins ».

Membre de l’Unadev (Union nationale des aveugles et déficients visuels) depuis mai 2008, Bruno se rend deux fois par semaine à Lyon dans les locaux de l’association. Pour ce faire, il emprunte les bus de son petit village de Beynost jusqu’au terminus lyonnais « pont de la Guillotière », plus adaptés que le train pour sa situation. Mais une fois sur place, Bruno ne reste pas enfermé au siège, place Jules Guesde, dans le 7e arrondissement. « Je ne veux pas que mon handicap m’empêche de vivre comme tout le monde ». Commence alors un parcours semé d’embûches jusqu’à la place Louis Pradel. Tout d’abord, il faut rejoindre l’arrêt du tram T2 Centre Berthelot, éviter les excréments, les obstacles tels que les barrières, les sans-abris assis par terre désireux d’aider le non-voyant. « Le pire c’est quand ils sont ivres, que vous ne comprenez rien de ce qu’ils vous disent et qu’en plus, ils vous

induisent en erreur, (…) il faut apprendre à se débrouiller tout seul, l’autonomie c’est savoir ne pas faire confiance aux autres ». Arrivé à la gare Perrache, il faut se diriger vers le métro A. Bruno n’emprunte pas l’escalator. « Une fois arrivé en haut, je ne sais jamais quand lever le pied ». Alors, il prend les escaliers avec une technique bien particulière qui consiste à tenir sa canne blanche à la verticale et la faire taper contre les marches pour ne pas en rater une. Il faut attendre d’arriver sur le quai pour découvrir les premières installations dédiées aux personnes non voyantes. « Enfin ! ». Au sol, des marquages granulés et un changement soudain de carrelage attirent l’attention des passants. Ces derniers permettent à Bruno de situer l’ouverture des portes du métro, en évitant de tomber sur les rails. « Je dois quand même être attentif « L’autonomie, car les autres ne font pas toujours attention à c’est savoir moi. Pendant les grèves ne pas faire le 12 octobre dernier, je confiance aux n’ai cessé d’être bousculé et j’ai mis mon pied autres ». dans l’espace vide entre le métro et le quai,(…) je me suis fait mal et personne n’est venu m’aider ». Toujours debout pour ne pas déranger, se perdre dans les rangées, mais surtout pour ne pas manquer son arrêt, Bruno arrive finalement à destination, place de l’Hôtel de Ville. « Je n’attache plus d’importance au temps. Le but est d’arriver à bon port (rires). Je fais appel à mes souvenirs de la ville, les odeurs et les sons (…) Désormais, ce sont mes oreilles et mon nez qui me guident ».

Monter dans le tramway, ce n’est pas le plus difficile. La marche est basse et il est facile d’accès. Le plus dur, c’est d’éviter les gens qui descendent.

Bruno ne s’assoit jamais. Trop peur de tomber, de bousculer les gens. Que le trajet fasse cinq minutes ou 50, il reste accroché à une rampe près de l’entrée.

La solidarité est parfois de mise. Sur le photo ci-dessus, une femme l’aide à passer sa carte et dirige Bruno vers le métro. Ces moments-là restent rares.

Lyon, une ville accessible mais… Retrouvez une vidéo de Bruno sur le blog traficslemag.wordpress. com

Pas toujours adaptée, la ville a encore des progrès à faire en matière d’aide

Quand il monte les escaliers pour sortir du métro, Bruno utilise sa canne. Il la cogne contre les marches pour connaître la hauteur... et éviter de tomber.


22 MA VIE AVEC LES TRANSPORTS

aux personnes en situation de handicap. Bruno en fait les frais tous les jours même s’il ne s’en plaint pas. Les trottoirs par exemple sont « inadaptés » puisqu’ils sont parfois « à la même hauteur que la route, ce qui empêche de les différencier l’un de l’autre ». Un véritable danger. « J’ai laissé tomber le bus, car même si le chauffeur est prêt à vous aider, tous les arrêts ne sont pas annoncés à voix haute et si par malheur personne n’appuie sur le bouton rouge, vous ne pouvez pas descendre ». Le cyclopousse, censé être le dernier moyen de transport à la mode, ne séduit pas non plus Bruno. « Un ami aveugle a mis 45 minutes pour venir au centre alors qu’avec ses propres moyens, il en aurait mis 20 ». Quant au taxi, pas la peine d’y penser « vu le prix que ça coûte ». n

« Handicapé ou non, tout le monde doit pouvoir accéder aux transports »

Thérèse Rabatel Adjointe au maire de Lyon ; déléguée aux Handicaps.

Lyon est-elle une ville accessible pour les personnes handicapées ? L’année dernière, un classement sur la question a été réalisé par l’APF, l’Association des paralysés de France. Lyon est arrivée en troisième position derrière Nantes et Évry ; Paris et Marseille se sont classées très loin derrière. Malgré tout, les personnes handicapées se heurtent quotidiennement à ce que j’appelle les « aléas de la vie ». Une fois sorties de chez elles, ces personnes ne sont jamais sûres à 100 % d’arriver à destination et d’en revenir. Elles peuvent tomber sur un ascenseur en panne, sur une ligne de bus en retard. Du coup, elles se retrouvent dans des situations difficiles et sont logiquement énervées, ce que je com-

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prends. Mais il faut admettre que la Ville fait d’énormes progrès en matière d’accessibilité. Depuis quand des moyens ont été mis en œuvre et pourquoi ? Lors du précédent mandat, l’adjointe au maire en charge des personnes handicapées a énormément fait dans ce domaine. Elle a étroitement collaboré avec les associations et ce pendant sept ans. Aussi, avant que la loi de 2005 sur le handicap ait été votée, Lyon avait déjà lancé une commission communale d’accessibilité. La Ville n’a donc pas attendu cette loi pour étudier la question. A Lyon, au moins 30 % de la population éprouve des difficultés à circuler dans la ville. Handicapé ou non, tout le monde doit pouvoir accéder aux transports. Qu’avez-vous mis en place récemment pour faciliter les déplacements de personnes handicapées ? Dans la rue, les trottoirs ont désormais une forme légèrement arrondie pour faciliter l’accès aux personnes en fauteuil. Les passages piétons sont cloutés afin de permettre aux non-voyants de traverser sans danger. Ils ont même reçu des boîtiers portatifs qui signalent quand le feu passe au vert. La Ville a également créé de nouvelles

places de stationnement réservées aux handicapés. A chaque fois, cela coûte 5 000 euros et il y en a plus que ce que la loi impose. Concernant les métros, toutes les stations sont entièrement équipées depuis 2007, exceptée Croix-Paquet, trop en pente. Régulièrement, les ascenseurs sont rénovés et entretenus. Enfin, 60 % des bus sont équipés d’annonces sonores qui permettent aux personnes handicapées de ne pas manquer leur arrêt. Au-delà de l’aspect matériel, n’y a-t-il pas plutôt un effort à faire pour sensibiliser la population, souvent maladroite ? Je suis d’accord. On devrait faire plus de campagnes de communication, être plus précis dans nos actions. En France, il y a un véritable manque de citoyenneté de la part des habitants. Ils se garent n’importe où sur les trottoirs. Les obstacles sont suffisamment nombreux pour les personnes handicapées. Il faut que les gens se mettent à réfléchir, qu’ils soient moins égoïstes. Malheureusement, nous devons le leur faire comprendre. n Retrouvez l’interview en intégralité sur le blog traficslemag.wordpress.com


MANO A MANO

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Entretiens en roue libre

D’un côté, Nicolas Igersheim, président de l’as-

TEXTE > ALEXIS ANDRE

ET LEO FAURE

PHOTOS > LEO FAURE

sociation La ville à vélo depuis 2005. Cycliste aguerri (5 000 km par an), il milite pour la promotion du vélo en milieu urbain et sensibilise tant les Lyonnais que les élus locaux. De l’autre, le vice-président du Grand Lyon Gilles Vesco. S’occupant des nouvelles mobilités urbaines, il est également membre du Bureau du Sytral. Il gère entre autres les dossiers cyclisme et Vélo’v sur l’agglomération. Pour Trafics, ces deux acteurs de la scène cycliste lyonnaise ont accepté de répondre à nos questions au cours de deux entretiens différés.


24 MANO A MANO

S

elon vous, quelle est la qualité actuelle de l’aménagement pour les cyclistes en milieu urbain ?

Nicolas Igersheim : Elle est bonne, il y a des choses qui ont été intelligemment faites. Nonobstant l’opposition des automobilistes. Il y a des endroits comme la route de Vienne (à destination de Feyzin) que j’emprunte quotidiennement et qui est très bien pensée, tant pour des trajets utiles que de loisirs. Il est relativement aisé de se déplacer en ville, à condition de connaître et respecter le code du parfait petit cycliste. De plus en plus, on retrouvera le schéma qui est actuellement en place sur l’axe Jean-Jaurès-SaxeFoch. A savoir 2x2 voies pour voitures et une voie de bus élargie avec des bandes cyclables. Par contre, la grande dangerosité reste les intersections. Le cycliste se trouve tranquillement en sécurité, parfois surélevé par rapport à la route. Et se retrouve soudain au même niveau que les voitures, en bout de bande cyclable en plein milieu de l’intersection. Et à égalité, il devient insignifiant et en danger. Elles sont d’ailleurs ingérables et c’est un problème. Gilles Vesco : La qualité, c’est avant tout la quantité. Lyon est une ville correcte en terme de longueur d’aménagement cyclable, d’articulation du réseau, et de résorption des points noirs. Le revêtement est bon et il est possible de faire le tour de la ville en vélo. La politique du Grand Lyon est de passer de 320 km de bandes et pistes cyclables à 520 d’ici 2014. Mais ça sous-entend l’entretien voire la rénovation des kilomètres existants. De plus, le vélo n’est pas politique. Les successeurs de Gérard Collomb continueront l’aménagement. On capitalise avec des changements physiques que j’impose. Parfois un simple coup de peinture ne suffit

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pas, il faut aménager durablement l’espace cycliste. On cherche à faire descendre les vélos des trottoirs. En plus, ils pacifient la circulation. Lyon est-elle faite pour accueillir le cyclisme urbain ? Nicolas Igersheim : Certainement pas ! Parce que Lyon a toujours un tas d’aménagements qui datent des années 50 et 60. Ces années où on pensait qu’il fallait aménager la ville pour la voiture. Regardez les bords du Rhône rive droite, vous avez encore une autoroute en pleine ville qui côtoie une zone 30. Regardez la rue Garibaldi, c’est le même principe. Elle a été faite pour pouvoir traverser Lyon à 150 km/h. La conception de la ville a totalement changé depuis. Il y a Vesco : « Le Grand un certain nombre de réalisations Lyon va passer qui sont en cours, de 320 kilomètres mais hélas encore d’espace cyclable très timides. Gilles Vesco : à 520 d’ici 2014 ». Lyon a un avantage : c’est une ville plate malgré ses trois collines (La Duchère, Croix-Rousse et Fourvière). C’est donc un espace homogène, plus que Paris où il y a énormément de faux plats. Et le problème des collines peut être réglé pour les vélos avec des moyens industriels. Concernant les axes qui datent des années 60, quand la ville était effectivement construite autour de la voiture, il y a un problème. Un ancien maire de Lyon (Louis Pradel NDLR) est revenu d’un voyage à Chicago et Los

Angeles et a dit : « Je veux faire la même chose que là-bas ». Il a donc fait passer cette autoroute au milieu de la ville qui mange une des deux berges du Confluent et a construit le centre d’échanges de Perrache. Tout en annonçant que c’était le nec plus ultra… Quels sont les endroits les mieux aménagés de l’agglomération ? Nicolas Igersheim : Il y a la piste du tramway T3-LEA (entre PartDieu et Meyzieu). Une véritable autoroute urbaine avec un aménagement intelligent lorsqu’on quitte Lyon. Il y a également la route de Vienne dont je vous ai parlé auparavant. Prochainement, le cours Emile-Zola à Villeurbanne va passer de 2x2 voies automobiles à une voie avec bandes cyclables. C’est ce qu’on préconise partout où c’est réalisable en ville. Le Grand Lyon aussi d’ailleurs, et ce, depuis dix ans. Cependant, les cyclistes occasionnels ne sont pas habitués à rouler aussi près de voitures roulant à vive allure. Ils évitent donc ces axes ou roulent sur le trottoir. Gilles Vesco : Je pense que la piste cyclable de la Part-Dieu représente un bel aménagement. Le quai de Pierre-Scize également pour les longs trajets. Dès qu’on prend une voie de circulation pour l’offrir aux vélos, c’est une victoire. Il y a la rue Raoul Servant dans le 7e arrondissement. Et bien sûr, l’axe JaurèsSaxe-Foch. On a essayé de chasser les voitures et d’instaurer une nonmixité piéton-vélo.


MANO A MANO 25

Igersheim : « Lyon a gardé ses aménagements des années 60 (…) avec une autoroute en pleine ville qui côtoie une zone 30 ! »

Retrouvez des compléments de l’interview sur le blog traficslemag. wordpress.com

Quels sont les vrais points noirs qui nécessitent un investissement ? Nicolas Igersheim : Il faut se méfier des pistes cyclables urbaines. A ne pas confondre avec les bandes cyclables qui sont contiguës à la chaussée. La piste cyclable de la Part-Dieu par exemple : pernicieuse au possible, car mal conçue.

Elle compte tellement d’intersections qu’il faut s’arrêter toutes les 10 secondes sous peine de risquer sa vie. Et je ne vous parle pas de heurter un potelet ou une poubelle. Il y a aussi les axes 3x3 voies comme la rue Garibaldi, impraticables en vélo. Enfin, il y a la majorité des ponts, notamment au dessus du Rhône. Et particulièrement le pont Morand près de l’Hôtel de Ville. Très employé par les cyclistes, mais extrêmement dangereux. La Ville devait s’en occuper depuis des années et enfin, des bandes cyclables sont censées être installées avant la fin 2010. Mais même lorsque ces bandes sont présentes, elles sont collées à l’extérieur et le cycliste qui veut aller tout droit en sortie de pont rencontre l’automobiliste qui tourne à droite… Quelles sont les solutions qui vont être mises en place ? Gilles Vesco : Il y a deux projets qui me tiennent à cœur : le second tube du tunnel de la Croix-Rousse et la trémie de la rue Terme. Concernant le tube, le projet est en cours et coûtera 150 millions d’euros. Il sera réservé aux modes de transports doux et accueillera à terme un tramway. Les bus qui y circuleront seront hybrides pour ne pas empester les cyclistes. Actuellement, personne ne sait faire de bus hybride, mais en 2014, date d’ouverture du tube, le problème sera réglé. Et la trémie serait la réhabilitation d’un funiculaire à la Croix-Rousse, qui permettrait de monter ses vélos sur la colline. Mais ce projet a été négativement arbitré sur le plan de mandat. Lyon aurait fière allure dans le monde avec son double tunnel à vélo, celui qui est plat et celui qui monte. Après il y a bien sûr les projets des passerelles, des ponts, de continuité de nos bandes cyclables. On prévoit 900 km aménagés en 2020. Avec notamment l’anneau bleu qui suivra le canal de Jonage. Nous pensons vraiment à la population. Ces aménagements ne sont pas pour les associations de cyclistes qui se débrouillent très bien sur la

route. C’est plus pour redonner le goût du vélo à ceux qui ont peur de l’enfourcher. Pensez-vous que les Vélo’v ont changé la mentalité des Lyonnais et des politiques sur le vélo en ville ? Nicolas Igersheim : Complètement. Du jour au lendemain, on s’est rendu compte que le vélo c’était possible. Vis-à-vis de nos responsables, tout à coup, ils ont eu des chiffres. Et ce sont les chiffres qui motivent les politiques et les techniciens. Un million de kilomètres parcourus en vélo par mois avec zéro mort pendant 3 ans, ce sont des chiffres qui en imposaient. Le problème du vélo, c’est que c’est dérisoire. On n’arrive pas à le quantifier. Quand vous regardez autour de vous en ville, les 60 % d’occupation d’espace non bâti, c’est de la voiture. Vous ne pouvez pas imaginer qu’il y a un moyen de se déplacer en vélo dans cet espace-là. Avec Vélo’v, on a vu arriver des vélos bien visibles. Les Lyonnais ont pu faire l’expérience eux-mêmes. En parler avec des amis ou leur famille qui l’avait essayé. Gilles Vesco : Le Vélo’v a été le point du levier d’Archimède. Il disait : « Trouvez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde ». Il a entrainé une démultiplication parce que le principe même du vélo partagé, c’est qu’on connaît une masse critique soudaine. Alors, on y est quand même allé progressivement en trois ans puisqu’il fallait laisser le temps aux gens de s’habituer. De pouvoir revenir à un mode de transport dont on avait perdu la trace. Avec Vélo’v, on a donc fait basculer le rapport de force sur l’espace public. Cette progression lente a franchi une marche et ça a créé un phénomène qui s’auto-entretient. Les gens voient qu’il est possible de faire du vélo, ils ressortent leurs deux-roues personnels. On a doublé le trafic vélo en cinq ans. Et pourtant, Vélo’v ne représente qu’un quart de ce trafic. Vélo’v en a fait un véritable mode de transport à Lyon. n

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TraficOtages

Transports alternatifs : la solution miracle ?

SOMMAIRE

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embouteillages

Ă Lyon

Contourner les

Le lobbying anti-voitures


TraficOtages

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Contourner les embouteillages LA MULTIPLICATION DU NOMBRE DE DEPLACEMENTS et l’allongement des distances parcourues ont fait de la voiture individuelle le mode de transport roi en France. Pourtant, elle est chère et contraignante, entre problèmes de stationnements et embouteillages. Vélo, covoiturage, tramway ou même rollers, ces transports deviennent alors des solutions alternatives. La Ville de Lyon et le Grand Lyon ont bien compris la nécessité de développer ces nouvelles façons de se déplacer quotidiennement. TEXTE ET PHOTOS > MORGANE ROUS

«

On assiste à la réduction du nombre de voies de circulation en ville », constate Bruno Faivre d’Arcier, chercheur au Laboratoire d’économie des transports. Exemple le plus frappant à Lyon : le projet de réaménagement de la rue Garibaldi. Cette voie de circulation, conçue dans les années 1960, est encore aujourd’hui considérée comme une « autoroute urbaine » avec ses 30 000 véhicules par jour. Réduction du nombre de voies de cinq à trois, piste cyclable à double sens, promenade piétonne… la future rue Garibaldi devrait permettre de conjuguer piétons, transports alternatifs et voitures. Mais, ce projet, à la base conçu pour satisfaire toutes les parties, suscite les controverses. Si les riverains, regroupés au sein de l’association « Demain Garibaldi », et les Verts veulent une rue à deux

voies dédiées aux voitures, les automobilistes qui l’empruntent craignent l’augmentation des bouchons. Lyon étant déjà la deuxième ville la plus embouteillée de France. L’avenue Berthelot a connu le même sort en passant de quatre à deux voies et le trafic des rues avoisinantes s’en ressent. Pour la Ville de Lyon, l’objectif n’est pas de congestionner l’agglomération, mais bien de réduire le nombre de voitures en centre-ville et favoriser les transports alternatifs en leur donnant plus de place sur la voirie. Le Plan de Déplacements Urbains (PDU) de la communauté urbaine, révisé en 2005, formalise la volonté de la Ville de promouvoir ces nouveaux modes de transports. De plus, le Grand Lyon s’inscrit dans le plan climat qui vise à réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020, notamment

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TraficOtages 28

grâce à la baisse du nombre de voitures. L’augmentation des bouchons inciterait ainsi les automobilistes à troquer leurs précieuses voitures contre un mode de déplacements doux, c’est-à-dire non motorisés, ou les transports en commun. « L’usager fait un choix

pragmatique entre le temps de trajet et la fiabilité de cette durée », précise Bruno Faivre d’Arcier. Si 600 000 Grands Lyonnais n’ont pas encore franchi le pas en laissant leurs véhicules au garage, les transports alternatifs séduisent de plus en plus. Le nombre d’utilisateurs des vélos a par exemple doublé entre 1995 et 2006. Mais pour voir leur idée

d’agglomération « écolo » et « vivable » se réaliser, la Ville et la communauté urbaine doivent être capables de proposer une offre de transports alternatifs suffisante et assez variée pour convenir à chacun et favoriser l’inter-modalité des différents modes de transport. Avoir le meilleur réseau de transports en commun de France selon les spécialistes ne suffit plus. n

Pédales douces

V

élo, marche à pied ou encore rollers, les modes doux deviennent inévitables dans la capitale des Gaules. Et le Grand Lyon tente de favoriser ces personnes. En 1998, il publiait une Charte du piéton et une Charte de développement de l’usage du vélo (lire p. 30). La révision de son Plan des déplacements urbains (PDU) en parallèle avec la création d’un Plan de développement des modes doux a véritablement donné l’impulsion. Et les aménagements ont suivi : développement des pistes cyclables et des itinéraires sécurisés comme les berges du Rhône, mise en place de zones 30, développement de services à destination des cyclistes comme les zones de stationnement… Et d’ici 2014, 200 km de pistes cyclables vont être conçus

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en plus des 350 à l’heure actuelle. L’arrivée du Vélo’v en 2005 n’a fait que confirmer la tendance en redonnant l’envie aux Lyonnais de se déplacer en vélo. Aujourd’hui on compte 45 000 utilisateurs du Vélo’v par semaine. Mais les modes doux ont leurs limites. En effet, la plupart de ces déplacements se concentre dans le centre de Lyon. L’autre plus important concurrent de la voiture est le réseau TCL avec 1,6 Le covoiturage million de voyages par permet d’évincer jour. Mais, pour Béa250 voitures de trice Vessilier, membre la circulation, par du Sytral, le constat est clair : « Le réseau jour. TCL actuel n’est pas suffisant en termes de lignes et le métro ferme à 1 h du matin le weekend, l’amplitude pourrait être plus importante ». Si les heures d’ouverture du réseau ne sont pas prêtes de changer, plusieurs projets

du Grand Lyon vont permettre de desservir quelques-unes des zones jusque-là peu couvertes (est et sud de Lyon) comme le prolongement de la ligne B jusqu’à Oullins. Reste le problème des nombreux jours de grève des TCL qui incitent certains voyageurs à reprendre leurs voitures (voir page 11).

Côté chemins de fer

C’est sur les rails que le projet le plus important pour favoriser les transports alternatifs devrait voir le jour avec Real, autrement dit le Réseau express de l’aire métropolitaine lyonnaise. Sa mission : moderniser et développer les dessertes ferroviaires régionales, améliorer l’accès en bus, en vélo et à pied des gares. Le futur tram-train de l’ouest lyonnais fait partie des ambitions du Real. Alors qu’aujourd’hui, on compte 270 000 déplacements par jour dans l’ouest lyonnais, dont seu-


TraficOtages Pédales douces

lement 3 % en train, le Real devrait permettre de changer la donne. Le tram-train n’est autre qu’un TER qui rentrera au cœur de la ville et desservira régulièrement et quotidiennement les villes à l’ouest de Lyon. Par exemple, comptez un train tous les quarts d’heure entre L’Arbresle et Lyon aux heures de pointe. Le tram-train reliera Lyon à Sain Bel à la fin de l’année 2011.

teurs spécifiques. Il faut en effet utiliser sa voiture deux fois par semaine sur des courtes distances pour que l’offre devienne vraiment économique. Pas sûr que les Lyonnais soient donc prêts à abandonner leurs propres voitures en faveur d’Autolib’.

Nouveaux services

La voiture autrement

Plus sociable et plus économique, le covoiturage peine pourtant à s’inscrire comme un moyen de transport à part entière dans l’esprit des Grands Lyonnais. Seules 3 600 personnes sont inscrites sur le site du covoiturage du Grand Lyon, Laroueverte.com, partenaire de la plupart des régions françaises, alors que près de 80 000 personnes sont inscrites sur toute la France. Pourtant, il suffit de quelques clics pour trouver son « voisin covoitureur ». Aujourd’hui, le covoiturage n’apparaît pas comme une solution miracle à la fin des embouteillages. Il s’agit simplement d’une solution nouvelle et pratique pour les habitants qui ne souhaitent pas prendre les TCL ou les Vélo’v par exemple. Le covoiturage permet une éviction d’environ 250 voitures de la circulation par jour. A Lyon, le concept de l’autopartage, ou Autolib’, a du mal à décoller et à se faire une place sur le marché des transports. Et pour cause. A la base, le concept est simple et attractif : louer une voiture quand on en a besoin à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Mais, Autolib’ s’adresse à des conduc-

Retrouvez des articles complémentaires sur le blog traficslemag. wordpress.com

Le cyclopousse aussi s’invite aussi depuis 2003 dans le centre de Lyon. Ce pousse-pousse à la française peut servir de taxi. Pourtant, il reste très limité. Il faut préciser que ce moyen de transport se limite au centre de Lyon voire à ce qu’on appelle l’hypercentre. De plus, son coût est élevé par rapport à sa vitesse de déplacement. Comptez deux euros par kilomètre et par personne. Mais, sa principale utilité reste le tourisme. Autre engin étrange : le Segway, ou gyropode. Ces machines à deux

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roues motorisées sont considérées comme des piétons. Mais de là à devenir un nouveau moyen de transport grand public, le parcours est encore long. Principal frein : son prix, un Segway coûte environ 7 000 euros à l’achat. A Lyon, seules deux personnes l’utilisent quotidiennement. Le Segway est donc pour le moment très utile pour faire de la publicité. Les idées ne manquent pas pour inciter les gens abandonner leurs voitures pour protéger l’environnement en limitant les émissions de CO2 et les discours ambiants sur le changement climatique font progresser les mentalités. Mais, au final, seuls les transports en commun et les modes de déplacements doux semblent remporter un vrai succès auprès de la population lyonnaise, en effet la voiture représente maintenant moins de la moitié des modes de transport. n


TraficOtages 30

Le lobbying anti-voitures à Lyon ELLES SONT SUR TOUS LES FRONTS. Missives revendicatives expédiées aux mairies, invitations dans les débats politiques et pétitions rythment leur quotidien. Les associations « Droits du Piéton » et « Pignon sur Rue » militent pour le développement des modes doux de déplacement (piéton et vélo) dans l’agglomération lyonnaise. Et les combats sont pléthores… TEXTE > DIMITRI VETSEL PHOTOS > MORGANE ROUS

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oyons clairs, ces deux associations s’imposent comme les figures de proue de la lutte pro-piétonne dans la région lyonnaise. Pour cause, rien, ou presque, ne se fait sans elles en matière d’aménagement. Les nouvelles berges du Rhône, le PDU (Plan des déplacements urbains) ou encore le projet concernant la rue Garibaldi sont autant d’exemples de dossiers pour lesquels les deux associations ont été consultées. Et l’ennemie est cernée depuis longtemps : la voiture. « Notre politique est simple : priorité aux pié-

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tons. Nous souhaitons rendre la vie piétonne lyonnaise plus sûre, plus agréable, et cela se traduit notamment par une visibilité décrue de voitures en ville », explique Pascal Merlin, président de l’association « Droit du Piéton ». C’est clair.

« 20 courriers par semaine à nos élus »

Et c’est un véritable labeur que de faire pression sur la Ville pour atteindre cet objectif. Les 250 adhérents que compte l’association sur la région lyonnaise examinent avec précision les alentours de leurs domiciles, notent ce qu’ils jugent dangereux pour la circulation des piétons, développent des expertises, visitent des chantiers et réflé-


TraficOtages Le lobbying anti-voitures à Lyon

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Les patineurs, des piétons comme les autres « Les patins à roulettes ne sont pas encore considérés comme un moyen de transport, mais comme un jeu qui ne nécessite pas d’autorisation préalable ». Le journal officiel du Sénat est intraitable : les patineurs sont des piétons comme les autres. A ce titre, ils ne sont donc pas autorisés à circuler sur la chaussée, en dépit d’une vitesse parfois 10 fois supérieure à celle d’un piéton… à pied. De même, l’accès aux pistes cyclables leur est interdit, comme aux autres « riders » (skate, trottinettes…). Les travaux d’une commission interministérielle avaient donné naissance, en 2001, à un Livre Blanc qui préconisait, entre autres, d’ouvrir les voies cyclables aux piétons usant leurs patins comme d’un moyen de transport. Neuf ans, huit gouvernements et quelques propositions de loi devant l’Assemblée nationale plus tard, la législation n’a pas changé. En Belgique, le patineur est une catégorie spécifique et doit se soumettre à de nouvelles règles lui permettant notamment d’utiliser les pistes cyclables et le bord droit de la chaussée lorsque la vitesse sur celle-ci est limitée à 50 km/h. Mais les chiffres font réfléchir : 6 000 accidents impliquant un patineur sont recensés en moyenne par an chez nos voisins, 3 fois plus qu’en France. chissent aux moyens, en centreville, de voir moins de voitures. « Par semaine, nous envoyons en moyenne une vingtaine de courriers de réclamation à nos élus respectifs », souligne Éliane Brandon, membre de l’association. Et peu restent sans réponses. Ces militants sont tenaces. Il suffit d’apercevoir les changements dans Lyon.

« Enlever des aires de stationnement »

Aux automobilistes qui, déjà, s’agacent de trouver de moins en moins de place dans le centre-ville, l’exaspération ne va pas aller en s’arrangeant. « Nous voulons développer les couloirs de bus et augmenter le nombre de sites propres. Ce n’est pas normal que le C3 soit sur site propre dans un sens et s’englue dans le trafic au milieu des automobilistes dans l’autre. Pour cela, il faut enlever des aires de stationnement. Ce serait un gain de

place énorme », explique Nathalie Bedel, vice-présidente des Pignon sur Rue . L’affaire est en cours… En revanche, la diminution de 4 à 2 voies (et non pas trois comme le préconisait en premier lieu la ville) pour l’avenue Berthelot, avec l’apparition du T2, c’est aux « Droits du Piéton » qu’on la doit. « Cette artère était une vraie autoroute en plein centre-ville. Certes aujourd’hui, le trafic s’écoule moins bien, mais l’avenue est plus sûre ». Pas sûr que l’argument suffise aux automobilistes lors des heures de pointe. Et si les potelets pullulent depuis quelques mois dans Lyon, c’est aussi du fait du lobbying des associations. Plus d’une dizaine a été placée dans le centre-ville, aux endroits stratégiques, pour empêcher aux voitures de stationner en warning. Un potelet coûte 2 000 euros.

Lyon détient un record européen avec ses 86 km de voies de circulation en zone 30. Recours envisagé

La détermination des associations n’a pas de limite. Pascal Merlin envisage un recours en justice contre la Ville de Lyon concernant un décret introduit dans le Code de la route, et qui ne serait pas suivi par la mairie. Ce dernier oblige « la généralisation des doubles sens cyclables en zone 30 ». Et Lyon détient un record européen avec ses 86 km de voies de circulation en zone 30 ! La ville a bien consenti l’implantation de 19 km de double sens cyclables d’ici 2014 dans ces zones limitées, mais les associations souhaitent une couverture intégrale, et s’insurgent contre le peu de moyens mis en œuvre. Une pétition tourne sur le site internet de l’association Pignon sur Rue. Si Pascal Merlin n’envisage un recours en justice que maintenant, c’est que le décret octroyait un délai de deux ans aux villes pour entériner les projets d’aménagement. n

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