Ultimatum janvier 2018 ISCPA Lyon

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ULTIMATUM Numéro 1 • Janvier 2018

Le magazine qui ne laisse pas le choix

LYON À L’ASSAUT DE LA POLLUTION LES QUARTIERS LYONNAIS LES PLUS EXPOSÉS

CULTURE LA POLLUTION, UNE MATIÈRE POUR LES ARTISTES

MODE LE MASQUE, ACCESSOIRE TENDANCE 1

INFILTRATION ON A ROULÉ EN TESLA DANS LYON


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SOMMAIRE

ULTIMATUM EN BREF p.4 DOSSIER p.6

Lyon à l'assaut de la pollution Interview d'Alain Giordano Lyon, laboratoire des transports

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TECHNOLOGIE p.14

Comment mesure-t-on la pollution?

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SOCIÉTÉ p.16 Qui pollue à Lyon ? Une famille formidable Vivez-vous dans un quartier pollué?

TESTING p.22 Un après-midi à bord d'une Tesla S

SANTÉ p.24

Entretien avec docteur Gaël Bourdin : quelle conséquence de la pollution sur la santé des Lyonnais?

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NATURE p.26

Les abeilles face aux dangers de l'urbanité

MODE p.28

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Masques anti-pollution : un accessoire en devenir

CULTURE p.30

Les artistes lyonnais se mobilisent

ET NOUS ? p.32

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Combien a-t-on pollué pour ce numéro?

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ÉDITO ISCPA Lyon 47 rue du Sergent Michel Berthet 69009 Lyon iscpalyon@groupe-igs.fr

LA MEILLEURE DÉFENSE, C’EST ENCORE L’ATTAQUE

Le Grand Lyon ne rugit plus, il étouffe. La deuxième ville la plus polluée de France selon un classement de l'Atlas de la France Toxique, est envahie par les particules fines, l’ozone ou encore le dioxyde d’azote. Acculée par ce prédateur redoutable, Lyon cherche un second souffle. Les ­Gones, d’origine ou d’adoption, prennent conscience du problème, et font de la lutte contre la pollution leur fer de lance. Des artistes s’emparent du sujet et des entreprises proposent des solutions pour la réduire ou pour s’en protéger. Dans une ville où, comme nous l'explique le pneumologue Gaël Bourdin (voir page 24), 6 % des décès sont attribués aux particules fines, le pouvoir en place ne pouvait pas, lui non plus, rester indifférent. L’arrivée de David Kimelfeld à la tête de la Métropole voit le réveil du plan oxygène. Le Grand Lyon a lancé ses premières mesures afin de protéger ses petits. Si nous pouvons lui laisser le bénéfice du doute quant aux raisons qui le pousse à prendre de telles mesures, restons ouverts mais ne soyons pas dupes non plus. Car le vrai prédateur, la principale crainte qui pousse les institutions gouvernementales à se réveiller, ce n’est pas le nuage qui recouvre la ville certains matins mais plutôt un monstre appelé Europe. Depuis l’année 2009, la France se fait régulièrement rappeler à l’ordre par la Commission européenne concernant le non-respect des normes anti-pollution définies par cette dernière. Les seuils de pollution sont régulièrement franchis dans plusieurs zones de l’Hexagone, et Lyon fait partie du lot. Si la France était menacée de devoir payer 100 millions d’euros en 2016, il n’en n’a pour le moment rien été. Dans le doute, des efforts ont été faits. Quelles que soient les raisons de cette prise de conscience, on ne peut que se réjouir de la direction prise par la ville. Car comme le disait déjà en 2006 le créateur d’un autre célèbre félin, Phillip Geluck, « je pense sincèrement que la pollution de la planète ce n'est pas aussi grave qu'on le dit... C'est beaucoup plus grave qu'on le dit. » Tout est dit. •

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Thomas Nicolau, rédacteur en chef

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EN BREF

DEUX LYONNAIS PORTENT PLAINTE CONTRE L’ÉTAT

Désormais les livraisons des Halles Paul Bocuse se feront en silence et sans pollution. Renault Trucks lance un camion 100% électrique à Lyon. Cette innovation écologique préserve la qualité de l’air et permet de réduire la congestion des rues. Le constructeur français assure vouloir apporter des solutions de transport durable plus respectueuses de l’environnement. Renault Trucks pourrait proposer une offre complète de camions électriques d’ici 2020.

© Yohan Poncet

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© Yohan Poncet

© Renault Trucks

UN CAMION ÉLECTRIQUE LIVRE À LYON

En février dernier, deux Lyonnais ont saisi le tribunal administratif pour carence fautive de l’État. Ces victimes, qui ont vu leur santé se dégrader au moment des pics de pollution, sont soutenues par les associations Ecologie sans Frontière et Respire. Pour leur avocat, François Lafforgue, l’objectif de ces plaintes est avant tout de montrer que l’État n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter les pics de pollutions et que les mairies n’ont pas appliqué toutes les dispositions. Depuis, une trentaine d’autres plaintes sont survenues à Paris, Lille ou dans la vallée de l’Arve. Cependant, elles n’ont que peu de chances d’aboutir, la responsabilité de l’État n’ayant, pour l’instant, jamais été reconnue en matière de pollution de l’air.

UN CONCOURS D’INNOVATIONS CONTRE LA POLLUTION La Métropole de Lyon appelle ses concitoyens à participer à l’amélioration de la qualité de l’air local. Elle vient de lancer le challenge R pour développer des services digitaux innovants pour sensibiliser les Lyonnais sur la qualité de l’air de la ville, améliorer les comportements et améliorer les systèmes de mesure de la pollution. Tout le monde est le bienvenu pour déposer son projet, des particuliers aux start-ups, en passant par les PME jusqu’aux grands groupes. Au printemps, les innovateurs en herbe se présenteront devant un jury pour présenter leurs idées. Si celles-ci conquièrent le jury, les porteurs de projet seront ensuite accompagnés par des experts. Cela permettra notamment d’avoir une mesure de l’air adaptée à chaque territoire de la Métropole de Lyon.


© Yohan Poncet

© Yohan Poncet

BALADE VERTE DE BELLECOUR À CROIX-ROUSSE J’ai décidé de me rendre à la CroixRousse en empruntant le trajet le moins pollué. J’ai d’abord longé la petite rue Emile Zola, qui de par son étroitesse ne retient que très peu les polluants générés par la ville. J’ai ensuite continué mon chemin vers la rue Paul Chenavard, un peu plus polluée mais rien n’est tout vert en presqu’île, il faut bien se rendre à l’évidence. Mon périple est ensuite parsemé de petites rues biscornues très peu polluées. 40 minutes plus tard je me trouve sur le plateau de la CroixRousse sans avoir eu l’impression de faire de trop grand détours, quant à mon essoufflement il était bien présent mais sans doute à cause d’un autre type de polluant… le tabac.

FEYZIN LE MIRAGE Ces hautes tours qui crachent sans arrêt fumée noire et fragrance fétide, pas de doute il s’agit bien de Feyzin. La pollution doit être ici à son maximum. Et pourtant à regarder l’application Air to Go (voir page 20), rien ne semble anormal. De jolis tons de vert ou de jaune, mais rien d’alarmant et pour cause ! Impossible de trouver un seul chiffre nous donnant l’exact taux de polluants déversés par Feyzin. On nous assure pourtant que l’empreinte de la centrale sur la région est évidemment comptabilisée dans la moyenne régionale. Mais pourquoi simplement l’intégrer dans une moyenne ? Sans doute, peut-être, pour diluer son impact réel.

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DOSSIER

LYON À L'ASSAUT

Le crayon de la Part-Dieu et la Tour Oxygène sous un brouillard mardi 28 novembre vers 17h.

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DE LA POLLUTION

Une année de records. Trois pics de pollution ont été recensés depuis janvier dernier. Le premier a atteint des sommets en termes de particules fines. Le dernier, qui intervient chaque année au début de l’hiver, a fait son apparition un mois plus tôt que prévu. En conséquence, la Métropole a décidé de relancer la lutte contre cette pollution en accélérant, notamment, sur son Plan Oxygène. Un pas supplémentaire vers une ville verte qui est devenu un enjeu pour toutes les grandes métropoles européennes.

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six mois d’espérance de vie si les niveaux moyens de pollution étaient ramenés aux seuils recommandés par l’OMS. Mais avant toute chose, de nombreux polluants issus des activités humaines ou naturelles existent dans l’air. Il faut donc bien distinguer plusieurs types de pollution. Tout d’abord, il y a le dioxyde de carbone

© Yohan Poncet

haque année, à Lyon, les particules fines sont responsables du décès de 6% de la population. C’est d’ailleurs l’une des premières causes environnementales de cancer dans le monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Les habitants des grandes métropoles pourraient gagner jusqu’à


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contre lequel la Métropole porte une attention particulière : « Lyon dispose du taux de parcs et jardins le plus important de France, ce qui permet de filtrer ce gaz carbonique », explique Alain G ­ iordano, adjoint au maire de Lyon en charge de l’économie urbaine. Puis, le dioxyde de soufre, lié à la pollution industrielle et parfaitement illustré par la raffinerie de Feyzin. Enfin, le dernier et peutêtre le plus important : la pollution aux particules fines, provoquée essentiellement par les voitures et le chauffage au bois. Ces particules sont des poussières en suspension, classées en fonction de leur taille (de l’ordre du micron). La politique de lutte contre ces différents polluants, menée depuis plusieurs années, commence à porter ses fruits : entre 2010 et 2014, des études ont révélé une baisse significative dans la Métropole. Pourtant, malgré ces efforts, l’agglomération lyonnaise connaît encore des dépassements de seuils réglementaires réguliers, principalement dans les zones situées à proximité des axes routiers majeurs. En effet, Lyon a la particularité d’être enfermée dans un nœud routier (sud-nord/est-ouest) qui complique la circulation. Avec près de 50 000 véhicules en transit chaque jour au cœur de la ville, les transports sont un des principaux facteurs de pollution de l’air.

plan : « Plus de 60 % des émissions de dioxyde d'azote sont produites par 17 % des poids lourds et 16 % par des véhicules utilitaires ». De plus, les camions en transit ne pourront plus passer par le tunnel de Fourvière. Concernant la circulation, un déclassement de l’A6/A7 est prévu pour 2030. Elle permettra de transformer l’autoroute actuelle, depuis Pierre-Bénite jusqu’à Limonest, en boulevard urbain pour limiter la circulation. « Cette autoroute est un aspirateur à voitures » pour Jean-Louis Routhier, chercheur au Laboratoire d’économie du transport (LET). Conf luence étant l’une des zones les plus empruntées de Lyon avec le tunnel de Fourvière. Par ailleurs, la Métropole entend injecter un milliard d’euros d’ici à 2020 pour améliorer les transports en commun (extension du métro B, prolongement T1 notamment). Elle prévoit également un budget de 30 millions d’euros pour aider les propriétaires d’appartements ou de maisons individuelles à éco-rénover leurs habitations, avec une priorité pour l’isolation et un remplacement des chauffages. Enfin, ce plan vise à inciter encore davantage aux modes de déplacement « doux » comme le covoiturage, l’autopartage électrique ou encore l’extension du réseau de Vélo’v. Toutes ces actions devraient être actives d’ici à 2020. En attendant, d’autres avancées ont vu le jour comme la vignette Crit’Air instaurée au niveau national. Depuis le 16 novembre, les véhicules doivent être équipés de cette vignette pour être autorisés à circuler en cas de pic de pollution. Une disposition annoncée dans un arrêté préfectoral qui vise à lutter contre ces pics suivant trois niveaux d’alerte. Le niveau 1 entraînera une diminution de la vitesse de 20 km/h dans les zones limitées à 90 ou plus ainsi qu’une limitation de l’émission de particules fines dans le secteur

50 000 VÉHICULES TRANSITENT CHAQUE JOUR

L’autoroute déclassée à Confluence

Une usine d'incinérationdans le 7ème arrondissement vue du Musée des Confluences.

Pour y remédier, plusieurs solutions sont envisagées par la Métropole à moyen terme, dont le Plan Oxygène. Ce dernier présenté en juin 2016 prévoit notamment d’interdire l’accès des camions et véhicules utilitaires les plus anciens (et donc les plus polluants, aux secteurs les plus peuplés). En revanche, rien n’est prévu pour les véhicules particuliers comme le justifiait Thierry Philip, vice-président de la Métropole chargé de l’environnement, lors de la présentation du

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© Yohan Poncet

Embouteillages avant l'accès à l'autoroute sur le Quai Perrache.

industriel. En cas d’alerte de niveau 2, c’est la circulation différenciée qui sera mise en place. Seuls les véhicules équipés de certificat Crit’Air pourront alors circuler. Enfin, le niveau 3 aura pour conséquences de limiter encore plus la circulation en interdisant les véhicules disposant d’une vignette de niveau 3 ou 4. D’autres mesures sont encore actuellement à l’étude comme l’installation d’un péage urbain, déjà mis en place à Londres ou encore à Milan. Néanmoins, ce genre d’aménagement est compliqué à mettre en place. « Déjà, il n’y en a pas en France. Ce serait donc une première avec tous les lobbys automobiles qui verraient cela d’un mauvais œil », estime Alain Giordano. Marie-Blanche Personnaz, directrice de l’agence environnementale Air Rhône-Alpes expliquait, lors de la présentation du plan Oxygène qu’« on constate une baisse des pics de pollution comme de la pollution chronique mais ce n’est pas encore suffisant ». Toutefois, selon elle, le Plan Oxygène devrait suffire pour remettre la Métropole lyonnaise dans les clous de la réglementation européenne. Par ailleurs, certains quartiers comme Confluence ont obtenu le label WWF (Fonds mondial pour la nature) car ils génèrent très peu de consommation et qu’ils sont un modèle en termes de déplacements.

La pollution coûte chaque année 460 € par habitant

Dans une étude publiée par le Sénat en 2015, le coût sanitaire de la pollution atmosphérique est compris entre 68 et 97 milliards d’euros. Cela correspond environ à un

coût de 460 euros/an pour chaque habitant, soit plus de 622 millions d’euros pour la Métropole. De plus, ce même rapport évalue à 11 milliards d’euros par an le bénéfice qui pourrait être tiré de mesures visant à réduire la pollution atmosphérique. Agir sur la pollution est donc non seulement bénéfique pour la santé de tous mais profitable économiquement. Entre 1993 et 2010, l’application de la Norme Euro pour les véhicules a certes coûté 10 milliards d’euros par an (fabrication, installation, entretien) mais elle a également apporté un gain de 20 milliards d’euros (baisse des coûts d’impact sur la santé, sur les bâtiments et sur les atteintes à la végétation). Ce gain est d’ailleurs réinvesti pour sortir de la situation délicate dans laquelle Lyon est empêtrée et ainsi remonter dans les différents classements liés à la pollution des grandes métropoles.

Lyon douzième ville d’Europe

Dans une étude établie en 2016 par l’Atlas de la France toxique, Lyon est, derrière Marseille, la ville de France où se concentre la plus grande quantité de particules fines. Également, selon un classement du Bureau Européen de l’Environnement (BEE) datant de 2015, elle occupe la 12ème place sur 23 dans lutte anti-pollution. Le Plan Oxygène arrive donc à point nommé et devrait conduire, à terme, à une nette amélioration de l’image de Lyon au niveau de la pollution. Mais qu’en est-il ailleurs ? à Paris, Anne Hidalgo souhaite mettre un terme au diesel en 2024. Comparer Lyon avec la capitale n’est pas chose aisée compte tenu des différences démographiques importantes.

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DOSSIER « Il y a aussi une lutte dans la communication, c’est-à-dire qu’on va regarder une chose et pas une autre » estime Alain Giordano. Du côté de Bruxelles, les véhicules polluants seront interdits à partir du 1er janvier 2018. Cette restriction concerne les véhicules diesel datant d’avant 1997. Au fil des années, cette mesure prendra plus d’ampleur et concernera un plus grand nombre de voitures d’ici à 2025. « Il y a une surreprésentation du diesel dans la ville qui conduit au non-respect des seuils d’émission de particules fines autorisés par la commission européenne » peste Marie Nagy, conseillère communale de Bruxelles qui note toutefois une volonté d’améliorer la situation de la part des politiques bruxellois. « Ici, il y a un débat autour de la lutte contre la pollution. Avec le plan climat air énergie (détaillé ci-dessus), l’objectif est de réduire la circulation d’au moins 20 % d’ici à 2025. Je pense qu’il faut également s’appuyer sur notre réseau de train qui est très performant et surtout privilégier le vélo comme à Copenhague » poursuit-elle.

Copenhague, un exemple à suivre

La capitale danoise est une référence en la matière. La ville développe depuis plusieurs années des infrastructures pour favoriser le déplacement en transports en commun ou en vélos. Ainsi, près d’un habitant sur deux circule en deux roues au quotidien sur les nombreuses pistes cyclables que comprend l’agglomération. Cela, sous la directive du maire Frank Jensen, qui espère bannir les voitures diesel à partir du 1er janvier 2019. Mais comme la pollution ne se limite pas seulement aux voitures, Copenhague a également équipé de capteurs le mobilier urbain de la ville comme les lampadaires ou les poubelles afin d’optimiser l’énergie ou d’utiliser à bon escient certains services publics. Ces quelques exemples démontrent le positionnement antipollution de certaines grandes villes d’Europe. De son côté, grâce à son Plan Oxygène, Lyon devrait parvenir à rentrer dans les seuils fixés par la règlementation européenne. Mais la ville dispose encore d’une marge de progression

L’ATTRACTIVITÉ PEU IMPACTÉE PAR LA POLLUTION Selon une étude menée par l’Union européenne en 2015, 58% des Français placent la pollution de l’air comme principale préoccupation environnementale. Malgré cela, Lyon qui n’excelle pas dans ce domaine, conserve l’image d’une ville dynamique et attractive. « Au niveau du cadre de vie, les gens viennent de plus en plus à Lyon » note Alain ­Giordano, adjoint au maire en charge de l’écologie urbaine. Du côté des entrepreneurs, le constat est le même, il fait bon entreprendre entre Rhône et Saône. Ces derniers ne tiennent peu voire pas compte de la pollution avant de s’implanter dans la ville, comme en témoigne le classement 2016 L’entreprise-L’expansion et Ellisphere qui place Lyon en tête des agglomérations françaises de plus de 500 000 habitants les plus « business friendly ».

importante avant de se hisser à la hauteur de certains de ses voisins modèles. • Guillaume Bouchut et Geoffrey Helly d'Angelin

QUALITÉ DE L'AIR : QU'EN PENSENT LES LYONNAIS ? "TRÈS POLLUÉ"

"INSUFFISANT"

"BON DÉBUT"

Frédéric, 56 ans, électricien

Anna, 60 ans, secrétaire

Marine, 21 ans, étudiante

« Lyon est une ville très polluée. Toutes les industries ne sont pas contrôlées et ils y sont pour beaucoup dans cette pollution. C’est très loin d’être suffisant. Au lieu d’agrandir les routes pour donner plus d’air, la ville les a rétrécis ce qui génère beaucoup d’embouteillages et donc beaucoup de pollution. Même si la ville a mis en place le Plan Oxygène, ça me semble léger. »

« Lyon se trouve dans une cuvette et il y a un brouillard intense. Bien que la ville fasse des efforts à ce niveau-là c’est encore insuffisant. Il faudrait élargir aux banlieues lyonnaises qui sont couvertes de bétons. Et il faudrait mettre plus de terrains verts. »

« La ville est polluée et elle continue à le devenir de plus en plus avec l'augmentation du nombre d'habitants et donc l'augmentation du nombre de voiture en circulation. C'est un bon début, mais il faut mettre en place un plan sur l'ensemble de l'agglomération lyonnaise. »

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© Photo DR

« Les choix qui ont été faits nous polluent la vie » Alain Giordano, adjoint au maire en charge de l’écologie urbaine a accepté de répondre à nos questions. Malgré la mise en place de mesures, Lyon fait toujours partie des villes les plus polluées de France. Comment se débrouille Lyon en termes de pollution ? A.Giordano : Avant tout, il faut dire que Lyon supporte des choix qui ont été faits à l’époque de Louis Pradel (mise en place de deux autoroutes). Pour essayer de revenir sur des mauvais choix écologiques vieux d'une cinquantaine d’années, c’est toujours difficile. Les choix qui ont été faits nous polluent la vie. En revanche, actuellement, on peut dire que le Lyonnais est vertueux car il se déplace à 75 % avec d’autres alternatives que la voiture ce qui est énorme pour une grande ville comme la nôtre. Après, je pense qu’à Lyon on n’est pas mauvais. Nous sommes la ville où il y a le plus d’installations d’entreprises par exemple. La mise en place du Plan Oxygène vous semblet-elle suffisante ? On ne peut pas dire que ce soit suffisant, on peut toujours aller au-delà. Maintenant, quand on est un écologiste pragmatique comme moi, on prend tout ce qui peut être mis en place. Surtout qu’on constate quand même qu’on est sur une accélération des mesures donc on est dans le bon sens. On part du principe que 83 % des personnes dans l’agglomération s’inquiètent de la pollution de l’air, d’où cette prise de conscience. Que voyez-vous d’autre comme solutions ? Je pense qu’il faut un centre-ville sans voiture ou des zones 30, c’est la base. Une fois que cela est mis en place, les transports en commun deviennent tout de suite plus intéressants et plus économiques car si plus de gens les prennent, c’est plus facile de faire des investissements. Ensuite, il me semble que la solution pour Lyon est de mettre le fret sur les rails et d’envisager les déplacements tout à fait autrement. Par exemple à Lyon on a la chance d’avoir deux fleuves. On pourrait donc imaginer des solutions comme le transport fluvial. • Propos recueillis par Guillaume Bouchut et Geoffrey Helly d'Angelin

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Alain Giordano, adjoint à la métropole chargé de l'écologie.


DOSSIER

Lyon ou le laboratoire des transports Lyon se cherche, Lyon s’essaye. La Métropole frappe fort en cet automne 2017 avec plusieurs projets en cours. Innovation et expérimentation sont les mots clés de la politique de transport de la ville.

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yon n’est pas l’éternelle seconde. Deuxième ville lumière, deuxième ville de France, deuxième ville la plus attractive en 2017... En matière d’innovation et d’expérimentation des transports, elle peut prétendre à la première place. Véritable pôle d’innovation, elle peut se vanter d’être la première ville connectée de France. Sur le plan de la mobilité, la capitale des Gaules tire son épingle du jeu en attirant des investisseurs du monde entier. « Lyon est une ville d’innovation, les start-ups sont très présentes, notamment dans le domaine de tout ce qui est écologie urbaine, c’est un constat » nous précise Alain Giordano, adjoint aux déplacements doux du Maire de Lyon. Le dernier cas, atypique, se résume en trois mots : taxi volant fluvial… Les essais ont eu lieu en août 2017, le bateau-taxi seabubbles a surfé sur les eaux de la Saône au niveau de Confluence. Il s’élève légèrement au-dessus de l’eau grâce à des ailes immergées, donnant l’impression de voler. Cependant, malgré des essais concluants, ce projet n’est qu’un prototype et nous sommes là dans un

futur proche. En attendant Lyon se démarque avec des innovations plus contemporaines comme la navette autonome et 100% électrique Navya.

« LE PROJET C’EST DE PASSER À DU 100% ÉLECTRIQUE » À cela s’ajoutent les vélos électriques en libre-service et la prolongation de la navette autonome et électrique.

Une première mondiale

Lyon était la première ville au monde à s’embarquer dans cette aventure : une navette 100% électrique gratuite, sans conducteur et dans l’espace public. C’est dans un environnement cohérent à son projet que Navya s’est implantée il y a un an : le quartier Confluence, un lieu innovant, respectueux de la nature et à l’image d’une ville tournée vers l’avenir. Lyon compte poursuivre l’essai pendant encore un an, pour

savoir si les résultats seront à la hauteur des promesses. A l’instar de cette navette électrique, projet conduit par Keolis, Navigo & Valéo, c'est également la première ville au monde à avoir proposé des vélos en libre-service (les Vélo’v), dans les années 2000. Aujourd’hui, elle est la première à passer au niveau supérieur : 50% des Vélo’v seront remplacés d’ici 2020 par des vélos à assistance électrique. Les vélos « classiques » seront allégés de 2,3 kg tandis que les nouveaux seront équipés d’une batterie rechargeable amovible de 500 grammes environ. Au total, il y aura 25% de vélos supplémentaires répartis sur 428 stations (au lieu des 348 actuelles). De nos jours, la ville de Lyon est considérée comme la première ville en Europe pour son système de vélo en libre-service.

Le Sytral expérimente toutes sortes de bus électriques

Dans une interview accordée aux journalistes d’Ultimatum, Pierre ­Hémon, membre de la commission permanente liée aux déplacements et à la voirie de Lyon nous

GRAMMES DE CO2 REJETÉE POUR UN TRAJET DE 10 MINUTES EN VILLE 8g

8g

47g

11,3g

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© Yohan Poncet

Une utilisatrice de velo'v passe devant la navette autonome 100% électrique NAVYA.

explique : « 75% des déplacements du Sytral sont effectués en véhicules électriques, le projet c’est de passer à du 100% électrique dans les années à venir » selon Pierre Hémon. Pour répondre à cet objectif, le réseau essaye de nombreux types de bus électriques en provenance de différents pays. Parmi les marques les plus connues, Solaris, Alstom et Heuliez. Uniquement des bus 100% électrique sont expérimentés. Ce qui peut alors les départager, c’est par exemple l’autonomie des batteries, leur devenir ou le recyclage des matériaux « c’est une démarche d’ensemble, ce n’est pas qu’une question d’électricité. C’est un long travail qu’étudient nos ingénieurs et nos techniciens » d’après Pierre Hémon, il ajoute « on va faire aussi des études sur les gaz naturels ». Ces derniers sont pour l’instant à l’étude et seront testés au courant de l’année 2017. S’ajoute à ces différentes expérimentations la reconstruction d’un dépôt de bus à Perrache. « On fait en sorte de mettre dessus des photovoltaïques, du solaire », annonce Pierre Hémon. Pour ne rien rater, Lyon va aussi tester ­Altis, un véhicule mi-bus, mi-tram qui tirerait les avantages de chacun des deux.

Une ville qui innove, c’est une ville qui s’assure un avenir

Lyon met un point d’honneur à privilégier les transports lors de la répartition des budgets. Entre 2015 et 2020, la métropole compte investir 1 milliard d’euros dans Sytral, l'autorité organisatrice des transports de la métropole lyonnaise. Elle va également investir 167 millions d’euros dans les projets « Voirie » en faveur de l'environnement, incluant les modes doux. Si Lyon essaye autant de se démarquer sur le plan des transports, c’est pour des questions d’attractivité. Une ville qui innove, qui plus est dans les transports, c’est une ville tournée vers l’avenir, une ville où il fait bon vivre, et travailler. Ainsi Lyon espère attirer les fonds d’investissement, les start-up et autres futurs acteurs de l’économie. • Lina Badreddine et Yohan Poncet

200g 247g

183g

376g © Lina Badreddine via The Noun Project


TECHNOLOGIE

200 CAPTEURS POUR SÉLECTIF

Un capteur n'analyse qu'un seul polluant. Il utilise la technologie chimique. Sur la surface est déposé un élément chimique qui va réagir avec le seul polluant que le capteur doit mesurer. Cette technologie sélective est primordiale car il ne faut pas que les polluants interfèrent entre eux.

PRÉLÈVEMENT

Sur chaque capteur sont disposées deux têtes de prélèvement peu importe le polluant qu’ils analysent. Ici encore, c’est un système d’échantillonnage séparé. Une tête est destinée aux prélèvements des particules, l’autre au gaz.

COMBIEN ?

Près de 200 capteurs sont installés dans Lyon. Une station compte une dizaine de capteurs sur son toit.

SON COÛT ?

Un capteur coûte 1 000€

TEMPS DE TRAVAIL

Les capteurs mesurent en permanence sept jours sur sept la concentration de leur polluant spécifique.

SON ENNEMI : L’HUMIDITÉ

Ce réservoir permet de retirer l’humidité car l’eau est un interférent majeur. Elle est récupérée, condensée et extraite avant l’analyse d’un échantillon. Il faut impérativement s’affranchir de l’humidité car l’eau dilue les gaz et crée des erreurs avec les particules fines. Ce réservoir est donc toujours présent sur les capteurs.

ET APRÈS ?

Le capteur est relié par une canne à un analyseur puis à l’ordinateur modéliseur qui cartographie les concentrations des polluants dans l’air (voir l’application Air to Go pages 18 à 21).

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MESURER LA POLLUTION Évaluer le taux de polluants dans l’air à Lyon est un enjeu quotidien assuré par ATMO Auvergne Rhône-Alpes. Pour comprendre comment la pollution est mesurée, Andrew Frei, concepteur multimédia chez ATMO et Serge AFLALO, directeur commercial de SA Environnement, une société fabriquant d'instruments de mesure de polluants ont répondu à nos questions.

Mélissa Berthaud

© Air Rhône-Alpes

La station métrologique de Vaulx-en-Velin.

© Mélissa Berthaud

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lanches, des capteurs un peu partout sur le toit, souvent taguées ou placardées d’affiches, ces stations de métrologie font partie du décor lyonnais depuis maintenant 40 ans. Anodines, elles passent inaperçues. La plupart du temps, elles sont même inconnues du public, et pourtant, très utiles à la société. Ces stations mesurent la pollution 7j/7 - 24h/24. Place Ampère, tunnel de la Croix-Rousse, Saint-Just, A7, Gerland ou encore avenue Jean-Jaurès, chacune vise un objectif de surveillance particulier : urbain, périurbain, proximité automobile, proximité industrielle, rural. En tout, le Grand Lyon dispose de 14 stations fixes et quatre à son abord direct (Genas, Pusignan). Elles surveillent constamment la concentration dans l’air de plus de 30 polluants : les particules fines, les azotes, l’ozone, le dioxyde de souffre, le monoxyde de carbone. Le coût d’une station ? 100 000€, nous précise Andrew Frei. Les capteurs (voir page de gauche) recueillent les polluants. Ils sont ensuite reliés à des analyseurs présents à l’intérieur de la station grâce à des cannes. Dans ces 9m2, les analyseurs certifiés et homologués ont chacun leur technique de mesure spécifique au polluant qu’ils observent. Par exemple, l’analyseur de l’ozone utilise la photométrie UV, alors que l’analyseur de dioxyde de soufre emploie la technique de la fluorescence UV. Ce sont des technologies sélectives car les polluants ne doivent pas interférer entre eux. Le prix d’un analyseur est de 10 000 €. Ensuite, les données récoltées par les analyseurs sont centralisées dans un ordinateur qui cartographie les résultats. •

La station de métrologie avenue Jean Jaurès.

MICRO-CAPTEURS À LA MAISON : ATTENTION À LA QUALITÉ Connaître la pollution autour de chez soi, dans un rayon de deux ou trois km, c’est possible. Des technologies beaucoup plus simples sont apparues sur le marché pour mesurer la pollution : les micro-capteurs. Moins fiables et moins strictes, ils donnent tout de même une information suffisamment importante et pertinente localement. Mais Serge Aflalo, directeur commercial de SA Environnement met en garde : « Sur le marché il y a de tout ! Des personnes se sont retrouvées à mesurer n’importe quoi avec n’importe quoi », avant d’alerter, « des micro-capteurs à 50 € donnent des informations erronées ». Pour un bon capteur, il faut compter en moyenne 1000 €.

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SOCIÉTÉ

POLLUE A LYON ?

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UNE FAMILLE FORMIDABLE Les particuliers représentent 36% de la pollution à Lyon. La famille Don Carli résidant à Villeurbanne nous prodigue les bons conseils pour rester dans un environnement sain à son domicile.

BERNARD, 57 ANS. FORCE ET MENTAL

GHYSLAINE, 55 ANS. QUESTION DE SURVIE

Bernard ne fait pas les choses à moitié. A 57 ans, ce père de famille essaye toujours de donner le bon exemple. Et ça commence par les transports. Malgré la voiture dans le garage, « Bernardo » ne se démotive pas et n’utilise pratiquement plus son « véhicule empoisonné ». Comptable dans la vie professionnel, il l’est également dans la vie de tous les jours. « Avec toute la pollution qu'engendrent les voitures, je perdrais 20 minutes de vie par jour dans les bouchons ». La lutte contre la pollution continue aussi à la maison. Chaque machine du ménage est entretenue tous les 20 jours. « L’air intérieur est six fois plus pollué que l’air extérieur. Si je ne le fais pas, d’ici 10 ans, mes enfants se retrouveront sur un fauteuil paralysé ». Voilà une bien belle façon de se motiver.

SAMUEL, 22 ANS. BIEN-ÊTRE AVANT TOUT

C’est un problème à ne pas prendre à la légère. Pour cette mère de famille, « il en va de la pérennité du monde ». Infirmière de profession, Ghyslaine met les bouchées doubles à la maison. Chaque matin avant de partir au travail, elle éteint tous les appareils électriques. Et chaque soir… C’est la même histoire. « A part le four et le frigo, rien ne fonctionne ». Et même le chauffage y passe ! Consciente des enjeux écologiques, cette fana de lecture a trouvé LA solution pour assouvir sa passion : les bougies. « Imaginez si tous les soirs je laissais la lumière allumée, nous ne serions plus de ce monde ». Nous n’osons pas l’imaginer. Merci de contribuer à la survie de l’humanité.

La famille Don Cali à son domicile. © Ruben Zadel

Contrairement au reste de la famille, Samuel ne porte pas vraiment d’importance à l’écologie. A 22 ans, cet étudiant en informatique a d’autres inquiétudes dans la vie. « Comment je vais m’habiller demain ? Voilà un vrai souci ! » Nous l’avons compris, les problèmes environnementaux ne font pas vraiment partie de ses préoccupations. « Pollution ou pas, je m’en fous un peu. Je ne vais pas vivre à l’âge de pierre pour faire plaisir aux gens ». En période d’hiver, n’en parlons pas, Samuel n’a aucun scrupule : « Chauffage à 27°C minimum ». Pour ce grand amoureux de jeux vidéo, bien-être est de rigueur et passe bien avant « ce petit souci ». Après tout, on n’a qu’une seule vie.

ELISE, 20 ANS. UNE HISTOIRE DE TRANSMISSION

Jeune étudiante en stylisme, Elise n’en oublie pas pour autant l’essentiel : l’écologie. Pour elle, ce n’est pas un choix de vie mais un devoir. « Chacun devrait avoir conscience de ce problème majeur ». Eduqué dans cet environnement depuis toute petite, c’est tout naturellement qu’elle prêche la bonne parole à ses camarades de classe et … son frère. Parce ce qu’avec la pollution, on ne rigole pas, la cadette de la famille a décidé de prendre le taureau par les cornes. « Ni ordinateur, ni télé, rien d’électronique ne rentre dans ma chambre ». En période d’hiver, elle a le bon plan : deux couvertures. Pas d’inquiétude, si le froid persiste, Elise en a « une troisième, au cas où ». Propos recueillis par Rubens Zadel

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SOCIÉTÉ

VIVEZ-VOUS DANS UN QUARTIER POLLUÉ ? Entre espaces verts et bouchons interminables, Lyon semble être une ville de contradictions. À première vue, les collines luxuriantes de la Croix-Rousse et de Fourvière nous laissent percevoir une cité verdoyante où l’on peut respirer à pleins poumons sans risque de s’étouffer. Mais à regarder de plus près le constat s’avère inquiétant dans certaines parties de la ville.

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n se promène, on flâne dans les rues du quartier Saint-Georges, on s’arrête respirer une bouffée d’air frais sur les quais de Saône. Puis on décide de bifurquer vers les pentes de la Croix-Rousse, on grimpe pour enfin découvrir une vue de Lyon à couper le souffle. Mais justement, ce n’est peut-être pas uniquement le paysage qui nous fait tourner légèrement la tête, car il faut bien l’avouer, l’air que nous respirons chaque jour n’est pas aussi pur que l’on pense. Mettons de côté quelques instants notre chauvinisme et admettons-le, dans certaines rues de Lyon, il serait d’usage de porter un masque ou du moins de consulter l’application Air to Go et faire un léger détour là où l’air est plus respirable. Oui, il existe bel et bien une application qui calcule en temps réel la quantité de particules,

de polluants et d’allergènes qui peuvent interférer, parfois gravement, avec nos trajets quotidiens. L’avantage de l’application : prendre conscience de son environnement et ne plus considérer la pollution de l’air comme banale et sans incidence mais surtout de se rendre compte de sa présence. Pour être sûr que l’endroit où l’on vit, où l’on travaille, où nos enfants vont à l’école n’est pas une zone à risque, rien de plus simple. L’application nous géolocalise, et nous indique rue par rue grâce à un code couleur simple et efficace si l’air présent dans la zone est pollué ou non et surtout à quel niveau d’intensité. Un exemple vaut mille mots, faisons un petit tour dans Lyon, pour voir ce qu’il s’y passe côté pollution de l’air. Marine-Sophie Brudon

PONT KITCHENER 50 NUANCES DE ROUGE Bal incessant de camions, de voitures, de bus et surplombé par l’autoroute du soleil, le Pont Kitchener est un paradis à polluants. A regarder l’indice multipolluant donné par l’application Air to go, le pont Kitchener dépasse régulièrement les 90 voire les 100 ce qui est un seuil extrêmement critique d’après Atmo. Le pont se traverse généralement en voiture, certes, mais l’habitacle d’un véhicule n’est pas aussi hermétique qu’on le pense, surtout lorsque l’on se met à activer chauffage ou climatisation. Pour les habitations alentours, ouvrir leurs fenêtres reviendrait presque à laisser tourner le moteur d’une moto en plein milieu du salon toute la journée. Point positif, les voutes de Perrache semblent avoir le rôle de barrière invisible. Car aussi surprenant que cela puisse paraître le cours Suchet n’est pas aussi atteint par le tumulte de la ville.

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LE VIEUX LYON A DE BEAUX JOURS DEVANT LUI En voilà un quartier où il fait bon vivre ! Il n’y a aucune voiture qui circule dans ces petites rues pavées et ce n’est pas plus mal. A nous les grandes fenêtres ouvertes du soir au matin durant l’été et les longues balades sans tousser toutes les deux minutes. Ne dépassant que très rarement les 50 sur l’indice de l’application, la végétation présente au-dessus de Saint-Jean est un frein certain à la pollution et agit comme un rempart à toute nuisance extérieure. Mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, il suffira de s’approcher d’un peu trop près de la place Saint-Paul, pour assister à la valse quotidienne des bus et des voitures traversant le pont La Feuillée pour rejoindre le quai Pierre-Scize et Saint-Vincent. La pollution fait loi et le piéton aura vite fait de se faire étouffer par le souffle écrasant des pots d’échappement.

TROIS POLLUANTS POUR UN INDICE L’application Air to Go réalise ses calculs en prenant en compte trois types de polluants qu’elle assemble afin de donner l’indice multipolluants. C’est cet indice que nous voyons à l’ouverture de l’application et sur lequel on se réfère pour savoir si oui ou non un quartier est pollué. Mais concrètement à quoi correspondent ces trois polluants ?

Puis vient l’ozone ou O3, qui n’est pas un polluant directement émis dans l’air mais formé par réaction chimique c’est-à-dire à cause de l’activité humaine. On l’observera donc principalement vers les industries. Lui aussi peut avoir de grandes incidences sur la santé notamment chez les personnes allergiques au pollen.

Commençons par le dioxyde d’azote ou NO2, qui est un gaz principalement généré par la combustion d’énergies fossiles, c’est à dire les voitures ou les installations industrielles. Il est donc tout naturellement très présent vers les grands axes routiers durant les heures de pointe. Ce n’est pas le meilleur ami des asthmatiques car il aggrave grandement leurs difficultés respiratoires.

Et enfin, les particules en suspensions ou PM10, qui proviennent principalement du chauffage à bois ou de la combustion de déchets, peut provoquer chez les personnes exposées des cancers, de l'asthme et des allergies. Source : application Air to Go réalisée par Atmo

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SOCIÉTÉ

CROIX-ROUSSE LA COLLINE ENCHANTÉE Alors là, carton plein, on ne pourrait rêver mieux. Au-dessus du nuage de pollution, rien ne semble atteindre la colline de la Croix-Rousse, c’est simple, tout est vert. Les allées sont fleuries, des petits parcs à chaque coin de rue et les taux de dioxyde d’azote, d’ozone et de particules fines, leur rendent bien et c’est ce qui fait toute l’originalité de cette zone géographique. Il suffira simplement d’éviter les grands axes qui restent malgré tout très fréquentés donc davantage pollués. Il s’agit principalement de la grande rue de la Croix-Rousse et du boulevard de la Croix-Rousse sans parler de la montée des Esses qui heureusement ne se pratique que très rarement à pied. Un conseil, lorsqu’on a la chance d’habiter là-haut, mieux vaut éviter de redescendre car le retour à la réalité pourrait être brutal.

RUE GRENETTE DU ROUGE AU VERT En voilà une rue bien étrange ! Une vraie guirlande de Noël, à regarder la carte on passe du vert au rouge à quelques mètres de différence. Que l’on se trouve à l’angle de la rue Edouard Herriot ou de la rue de la République l’air passe de sain à irrespirable. Alors certes, la rue est très commerçante, mais pourquoi une telle concentration à un endroit précis de la rue ? Et bien parce qu’il ne s’agit pas de n’importe quel coin de rue, on parle du croisement de la rue Grenette avec la rue de la République qui génère des milliers de passages par jour. Petit bonus : le vent, fidèle compagnon de la pollution, vient se faufiler place des Cordeliers, se projette contre la façade de la Grande pharmacie lyonnaise pour finir par s’engouffrer dans la rue Grenette. Heureusement on peut vite se réfugier dans la rue Mercière, qui malgré sa forte affluence, n’est pas impactée aussi gravement.

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LA PART-DIEU, UNE POCHE D’AIR EN PLEINE ZONE COMMERCIALE Le tumulte des gares est toujours très impressionnant, la foule, le sifflement des trains, l’entrecroisement des tramways, les cafés, les échoppes, les retardataires, les taxis, les navettes, pas de doute ce quartier est rouge écarlate sur la carte d'Air to Go. Et pourtant à la surprise générale, on se croirait presque à la Croix-Rousse. A l’image du quartier de Gerland, la ­Part-Dieu semble être une oasis verte où le taux de polluants et de particules fines sont aussi bas que la Tour Oxygène est haute, elle porte d’ailleurs bien son nom ! Petit avertissement cependant pour les grandes artères qui encadrent le quartier, notamment Thiers et Lafayette qui, de par leur fort trafic, voient leurs indices largement dépasser les 70 presque tous les matins voire les 90 en période de pic de pollution.

SANS-SOUCI BOULEVARDS DE LA MORT Avec l’avenue des Tchécoslovaques qui côtoie le cours ­Albert Thomas, le cours Gambetta et la grande rue de La Guillotière, on se croirait presque dans le triangle des Bermudes où toutes chances de respirer normalement auraient disparues. Inquiétant et pour cause, au milieu de ce « carrefour infernal » : l’université Lyon 3 qui rassemble des milliers d’étudiants qui ne se doutent certainement pas du danger auquel ils sont exposés en allant simplement en cours. Mais pourquoi ce quartier concentre-t-il tant de polluants ? Il s’agit de grandes avenues qui, de par leur largeur et la hauteur des immeubles présents, concentrent un large taux de dioxyde de carbone notamment. Une fois pris au piège dans ces rues, ils ont du mal à circuler et étouffent littéralement le quartier dans lequel ils se trouvent. Nos chers étudiants n’auront plus qu’à se réfugier au Parc Blandan pour une pause déjeuner un peu moins grise.

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TESTING

Un après-midi à bord d’une Tesla S Depuis cinq ans, la marque californienne Tesla inventée par Elon Musk domine totalement le marché des voitures électriques avec sa berline luxueuse. Pour en savoir plus sur cette marque, nous sommes allés à la concession Tesla de Lyon, en se faisant passer pour un couple qui va bientôt se fiancer. Un choix contraint par la complexité d'obtenir des informations auprès de la compagnie.

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© Simon Pernin

Tesla. Mais bon, il est 15h30, et nous sommes les seuls clients dans le magasin, alors qu’ils vendent cinq à 10 modèles par semaine selon Hugo. Notre commercial débute en nous expliquant la différence entre les batteries du Model S, mais il dérive très vite sur les petits mensonges de l’entreprise. Eh oui, les chiffres d’autonomie de la voiture sur le site internet de la marque sont pipés. Pour le modèle S 75D, l’autonomie est affichée à 450 km alors que selon Hugo, elle ne fe- Mélissa en plein rait au maximum que 350 km. Néanmoins, c'est de conduite de le double de l'autonomie de la Porsche Panamera Hybrid. Il essaye de se rattraper en nous présentant des sièges en cuir biologique qui n’absorbent aucune saleté. Un bijou de technologie Mais pour être en alchimie avec le mouvement végan, il Bien sûr, une telle enseigne vous met à l’aise à peine le faudra acquérir le pack d’extension Premium à 5200 €. pied posé sur le carrelage. Café Nespresso, siège en cuir, Pour continuer son opération séduction, Hugo nous dirige tablette et ordinateur Apple, tout l’attirail commercial vers le modèle d’exposition, afin que l’on explore la partie luxueux est paré pour nous présenter le modèle S de chez électronique. C’est tout simplement impressionnant. On se retrouve nez à nez avec une tablette centrale qui fait plus de deux fois la taille d’un iPad, avec une connexion internet illimitée CARTE D'IDENTITÉ DE LA TESLA S 100D et gratuite, un compte Spotify, un système de géolocalisation ou encore la possibilité 113 000 € avec le pack d’extension premium (5200 €) + de gérer la consommation des batteries. En pilotage automatique amélioré (5200 €) quelque sorte c’est le coeur de la voiture. • Système audio haut de gamme Alors que l’on décortique, cette dernière, des badauds dehors font du lèche-vitrine • Sièges chauffants avant et arrière + lave vitre chauffant + avec un regard envieux et émerveillé. Pas dégivreurs d’essuie-glaces le temps de souffler et d’explorer un peu • Pilotage automatique (adapte sa vitesse au trafic, reste plus l’habitacle que notre « Don Juan » Tesdans sa voie, change de voie, bifurque vers une autoroute) la nous interpelle pour parler des systèmes de recharges de la voiture, tout en flattant • Quatre caméras pour capter tous les véhicules + 12 capma compagne fictive sur « la beauté de son teurs ultrasoniquess manteau ». • La voiture se gare de manière autonome Votre maison devient la station-service. On recharge ce beau bébé de 2,2 tonnes • Contrôle depuis son téléphone : la température, l’ouverture chez soi avec des prises domestiques. On et fermeture des portes, possibilité de déplacer la voiture à récupère 37 km par heure en moyenne. On proximité peut aussi se brancher sur n’importe quelle • 5000 € d’économie d’essence / 200 km de recharge = 5,46 € borne électrique et sur les super-chargeurs

ous avons tenté de rentrer en contact avec Tesla mais en vain. L'opération fausses fiançailles est lancée. Nous arrivons aux 72 rue du Maréchal de Saxe avec un petit quart d’heure de retard, devant le store Tesla. Le magasin est épuré, semblable à un Apple store, avec deux voitures en exposition (Model S et Model X) et quelques vendeurs qui déambulent devant leurs ordinateurs dans un lieu presque désertique. Une fois le seuil de la porte franchi, un jeune vendeur du nom de Hugo (le nom du vendeur a été changé pour préserver son anonymat) vient nous accueillir, le sourire aux lèvres, la mèche blonde rebelle, un genre de Laurent Delahousse en commercial.


© Simon Pernin Le modèle S de Tesla propose un système de pressurisation de l'habitacle en 9 minutes.

Tesla où l’on recharge 250 km en 20 minutes. ne séance la Tesla S. Mais c’est à ce moment que l’affaire se corse. Il n’y a qu’une cinquantaine de points de chute en France avec minimum six branchements. A Lyon il y en à peine sept. Et pour pimenter le tout, Tesla, à partir de 2018, rendra ces dernières payantes pour toute voiture achetée après le 31 décembre 2017.

Un essai concluant

Avant de commencer l’essai de la Tesla S 100D avec l’option pack Premium (430 ch/ 450 km d’autonomie réelle), Hugo se renseigne sur nous. Notre âge le surprend (22 et 21 ans). « Si vous achetez une Tesla, vous serez nos plus jeunes clients. Pour le moment, le plus jeune avait 27 ans. C’est rare que ce soit des jeunes, ce sont plutôt des personnes entre 30 et 50 ans d’habitude. De plus, vous, vous venez pour le côté écologique. Alors que le premier facteur d’achat est la marque, puis les sensations et en dernier l’aspect écologique » d’après Hugo. Arrivé devant la bête, je me dis qu’elle ressemble un peu à la dernière Maserati Ghibli, un avant très agressif, mais l’arrière est assez

banal. Mélissa est de suite conquise par l’aspect extérieur et les 894 L d'espace de rangement de la voiture. C’est elle qui prend la voiture en main, je monte à l’arrière, tandis qu'Hugo la guide. Le démarrage est déstabilisant, car rien ne se produit, on n’entend aucun bruit. « Je l’ai démarrée là, vous êtes sûr ? » demande Mélissa. Puis elle s’engage avec aisance sur le boulevard, conduit quelques minutes, jusqu’à s'exclamer : « Oh my godness ». Le freinage l’a surprise, vu qu’une fois l’accélérateur lâché la voiture freine toute seule en fonction de la vitesse. Un moyen d’anticiper

plaisir à profiter des 430 ch, le tout saupoudré d’intervention propres à elle-même. « Oh my God ! Elle répond vraiment ! C’est génial, j’adore c’est tellement simple à conduire ! ». Hugo poursuivi très vite avec un argument dont seule Tesla peut se vanter. « Je ne sais pas si vous avez remarqué, on est dans une des villes les plus polluées de France, mais on n’a pas ressenti la moindre pollution, alors que la 406 devant crache de la fumée, en fait, vous êtes dans une voiture avec un système de filtration purificateur d’air (options pack prenium), on recrée dans l’habitacle le même niveau de protection que dans un bloc opératoire en neurochirurgie. On respire un air totalement pur depuis le début de l’essai ». Tesla ne fais pas encore dans le médical, mais cela ne saurait tardé. Il faut l’avouer, Tesla remplit à presque 100 % son pari, avec une voiture totalement non polluante, dotée de la technologie la plus pointue sur le marché, avec des systèmes de sécurité ultra perfectionnés et uniques au monde. « On a hâte d’avoir de la concurrence, car ils nous donneront raison » déclare Hugo. Elon Musk serait-il entrain de devenir le prochain Steve Jobs de l’automobile ? Affaire à suivre. •

« JE L’AI DÉMARRÉE LÀ, VOUS ÊTES SÛR ? » son freinage, de recharger les batteries et d’économiser ses plaquettes de freins. « Les plaquettes de freins sont l’élément de la voiture qui pollue le plus, c’est aussi pour cette raison que l’on souhaite en diminuer l’usage » précise Hugo. Malgré le 1,96 mètre de largeur de la Tesla S, Mélissa est très à l’aise comme le souligne Hugo « vous conduisez à merveille pour une jeune femme de 22 ans ». Elle prend un malin

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Simon Pernin et Mélissa Berthaud


SANTÉ

« 6 % des décès à Lyon sont attribués aux particules fines » Nous avons rencontré Gaël Bourdin, réanimateur et pneumologue au centre hospitalier Saint-Joseph Saint-Luc. Le médecin fait le point sur la qualité de l’air que respirent les Lyonnais. Ultimatum : Quels sont les polluants nocifs présents dans l’air ? Gaël Bourdin : Il y a trois grandes familles de polluants. Les particules fines, les poussières issues de la combustion de combustibles fossiles émis par les voitures, le chauffage ou encore les industries chimiques. On les classe en fonction de leur taille : PM10 [diamètre inférieur à 10 µm (micron)] ou PM2,5 (diamètre inférieur à 2,5 µm). Les plus petites sont les plus dangereuses car elles s’infiltrent plus facilement dans l’organisme. Puis il y a les gaz : dioxyde d’azote et ozone. Ce sont des puissants irritants pour les muqueuses bronchiques et ORL. Et enfin le CO2. Celui-ci augmente dans l’air à cause du réchauffement climatique. Combien de temps les polluants restent-ils dans l’atmosphère ? Bonne nouvelle : la durée de vie des particules fines, du dioxyde d’azote ou de l’ozone est de quelques heures à quelques jours. La mauvaise c’est pour le CO2. Il a une durée de vie de 100 ans. Quelles sont les périodes où la pollution est particulièrement forte à Lyon et pourquoi ? À Lyon, on a surtout des pics de pollution avec une exposition accrue aux particules fines en hiver. Ceci est dû aux conditions anticycloniques et hivernales : il n'y a pas de vent donc l’air n’est pas brassé. Automatiquement, le taux de polluants augmente. Les polluants ne sont donc pas dilués et il y a une chape de plomb qui se forme autour des centres urbains. Les solutions météorologiques sont le vent et la pluie car ils permettent d’assainir l’air.

© Yohan Poncet

Gael Bourdin, pneumologue et réanimateur.

Quel est le parcours des polluants dans le corps humain ? Quand on parle de grosses poussières, elles vont très vite être arrêtées au niveau du nez et de la muqueuse ORL. Alors que les particules et les gaz vont eux, dans les poumons jusqu’aux alvéoles pulmonaires. Elles-mêmes sont en contact avec la circulation sanguine grâce aux

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membranes alvéolo-capillaires. Les particules ultra fines accèdent alors à la circulation sanguine. Il y a ensuite une diffusion sur l’ensemble de l’organisme. Ce qui explique les effets vasculaires sur la tension artérielle, des ischémies myocardiques, l’augmentation du risque d’athérosclérose ou encore les AVC (accidents vasculaires cérébraux). Quels sont les principaux effets à court et long terme ? Déjà, une exposition à court terme, c’est par exemple un pic de pollution. Là, on va avoir un effet net chez les personnes les plus fragiles. Ce sont des personnes atteintes d’une maladie cardiaque ou respiratoire qui vont faire de l’asthme, un infarctus ou un arrêt cardiaque. Sur le long terme, on observe aussi de l’asthme et des maladies cardio-vasculaires. Il faut savoir qu’à Lyon, 6 % des mortalités toutes causes confondues sont attribuées aux particules fines. Il y a aussi des effets sur les femmes enceintes, encore une fois sur Lyon, 27 % des enfants nés avec un poids inférieur à la normale sont attribués aux particules fines. Y a-t-il un danger de santé publique pour la population lyonnaise ? Bien sûr qu’il y a un danger pour la population exposée à des polluants atmosphériques, mais il faut informer plutôt qu’alarmer ! Si on alarme on a des conduites déviantes. Récemment, une famille dont les enfants étaient malades cet hiver a fait le choix de déménager à 20 km de Lyon. À l'heure actuelle, ils ne se déplacent plus qu’en voiture alors qu’ils utilisaient auparavant les transports en commun. Les parents ont l’impression de faire du bien à leurs enfants. Mais cela fait deux voitures supplémentaires sur le réseau. C’est un échec de se dire qu’on arrive à mal penser. Il faut à tout prix éviter les raisonnements égoïstes. L’air est un bien commun, il faut alors développer une conscience collective et c’est ce qui est difficile.

ronnement pollué. L’idée c’est de conjurer la peur. On prend conscience du problème puis on cherche des solutions et on essaie d’informer. Le but est que la population comprenne qu’elle peut agir très directement pour réduire les émissions polluantes. Quelle est la solution pour réduire la pollution à Lyon ? Il faut réduire le trafic automobile ce qui permet de diminuer le taux d’expositions aux particules fines avec un impact sanitaire assez direct. Si on réussit à baisser le niveau moyen de 16µg/m3 à 10µg/m3 on a un gain d’espérance de vie attendu d’environ 6 mois dans l’agglomération lyonnaise. Prenons un exemple flagrant : lors des JO d’été d’Atlanta en 1996, il y a eu un gros effort sur la réduction du trafic automobile. En 3 semaines, il y a eu -13 % d’ozone et le nombre d’interventions en urgence était divisé par deux. C’est une bonne nouvelle. Cela montre que si on agit, on a des bénéfices directs. Les masques sont-ils une solution ? En effet, des masques permettent de filtrer assez finement l’air. Mais aucun masque ne filtre les gaz car ce sont des toutes petites molécules. Alors effectivement si on est asthmatique, qu’on prend son vélo et qu’on circule dans des zones avec du trafic automobile, le masque peut être bénéfique. Mais, pour l’instant, on ne peut pas dire qu’ils soient efficaces puisqu’il n’y a pas de preuve scientifique. De plus, pour qu’il soit performant des contraintes sont à respecter. Le masque doit répondre aux normes FFP3 (99,95 % des aérosols doivent être filtrés), il est donc souvent plus cher et il doit être adapté à la forme du visage.

« SI LYON SE BOUGE

AUJOURD'HUI C'EST POUR NE PAS PAYER L'AMENDE »

Pensez-vous que les Lyonnais soient bien informés quant à la qualité de l’air de leur ville ? Un chiffre tout simplement : 83% des Lyonnais s’inquiètent de la qualité de l’air. Les habitants de la métropole ont bien pris conscience qu’on vivait dans un envi-

Selon vous, pourquoi la ville de Lyon a-t-elle mis un coup d’accélérateur sur sa politique environnementale ? Actuellement, une procédure européenne est menée contre la France pour non-respect des seuils réglementaires en particules fines et dioxyde d’azote et parce qu’on n’a pas développé de plans d’action depuis des années. La France est sous le coup d’une amende de 100 millions d’euros. Alors si Lyon se bouge maintenant c’est pour ne pas payer l’amende. • Propos recueillis par Mélissa Berthaud et Clarisse Félix

UNE MALADIE DE PLUS EN PLUS FATALE En 2020, la BPCO (Broncho Pneumopathie Chronique Obstructive) sera la 3 - 4ème cause de mortalité dans le monde. C’est une maladie d’inflammation chronique des bronches qui entraîne une obstruction permanente et progressive de celles-ci. Cette pathologie cause des bronchites, des détresses respiratoires aiguës. C’est une maladie liée au tabac mais aussi à la pollution atmosphérique.

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NATURE

Les abeilles face aux dangers de l’urbanité Les pollinisateurs en ville, cette idée semblait farfelue il y a encore quelques décennies. Aujourd'hui, face à la disparition massive des abeilles dans les campagnes, ces petites bêtes sont de plus en plus installées dans les villes. Lyon n'est pas une exception : depuis plusieurs années, des mesures ont été prises pour accueillir les pollinisateurs en danger.

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enacées dans les zones rurales à cause des pesticides, les abeilles sont de plus en plus nombreuses en ville. Leur taux de mortalité à la campagne est particulièrement élevé depuis 1990. À partir de cette date, on constate une baisse du nombre d’abeilles en France de près de 15% par an. Hormis les pesticides, cause principale de ce déclin, la mort de ces pollinisateurs peut également s’expliquer par la menace de certains prédateurs, comme les frelons asiatiques, de plus en plus présents en Europe.

Un tiers des abeilles vivent en ville

En 2015 le programme européen « Life + Urbanbees » est mis en place. Avec un double objectif, mettre en place des lieux de nidification et sensibiliser la population au sort des butineuses. A l'échelle de Lyon des mesures ont été mises en place : 16 sites ont été aménagés sur le territoire du Grand Lyon, afin de déterminer les meilleures conditions d'installation possibles. De plus, en partenariat avec l'association Arthropologia, l'INRA d'Avignon et l'Université de Lyon des actions, des opérations de sensibilisations ont été mises en place, pour mieux faire connaître ces insectes aux habitants de la ville. L’idée est de lutter contre la chute du nombre d’abeilles en implantant des ruches dans les grandes villes françaises. De nos jours, 30 % de leur population est concentrée dans des zones urbaines. Sur la métropole, plusieurs sociétés spécialisées dans ce domaine ont vu le jour dernièrement. Urbapi en fait partie. L’entreprise, créée en 2013, agit dans les zones urbaines et péri-urbaines. Pour la responsable de la société, Elise Durtschell, il y a

une volonté de « maintenir la biodiversité dans la ville et également sensibiliser la population sur la menace qui plane autour des abeilles ». Cette dernière a choisi Lyon car elle estime que l’environnement est « sain ». Même son de cloche chez Hugues Mouret, directeur scientifique de l’association Arthropologia : « Lyon, contrairement à beaucoup d’autres métropoles, n’utilise pas de produits phytosanitaires. C’est une ville où la biodiversité est importante avec la présence de nombreux parcs, notamment celui de la Tête d’Or. »

La pollution, un réel impact

En ville, les abeilles échappent aux pesticides qui les déciment à la campagne. Mais pour autant, elles ne sont pas sorties d’affaire : la pollution de l’air les menace. Selon des chercheurs de l’université d’Etat de Pennsylvanie, les pollinisateurs seraient exposés dans les zones urbaines polluées ou industrialisées. L’ozone, un gaz résultant du trafic routier, est particulièrement nocif. Explications : les fleurs émettent des phéromones pour attirer les pollinisateurs. L’ozone, brouille ces signaux et empêche les abeilles de détecter ces plantes. Cela a deux conséquences majeures. D’un côté, ces espèces mettent davantage de temps à récolter du pollen, leur nourriture principale. De l’autre, cela réduit le taux de fécondation des fleurs. Toujours selon cette même étude, seules dix minutes sont nécessaires pour qu’une colonie d’abeilles découvre la source des phéromones. Dans un environnement pollué, leur temps de détection peut grimper à plusieurs heures.

30 % DES ABEILLES SONT CONCENTRÉES DANS DES ZONES URBAINES

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© infogm.org Des abeilles dans une ruche domestique.

Un marché en plein développement

La question de la santé des pollinisateurs dans les zones urbaines est de plus en plus présente dans le débat public. Malgré des efforts et une volonté de réduire la pollution de l’air, comme en témoigne la mise en place du plan oxygène, Lyon n’en reste pas moins une ville polluée. Elle figure parmi les pires de France.

Il s’agit de la deuxième en termes de concentration de particules fines sur le territoire selon une enquête réalisé en 2016 par l’Atlas de la France Toxique. Mais cette situation problématique ne semble pas effrayer Elise Durtschell, responsable d’Urbapi. « Certes, il y a des côtés négatifs en ville, mais ce n’est pas mieux à la campagne. Et cela permet de maintenir une biodiversité locale dans la ville ainsi qu’une espèce

florale. » Le marché de l’implantation de ruches en zone urbaine devrait continuer de se développer et ce, malgré les problèmes que rencontre l’abeille au contact d’un air pollué. • Geoffrey Helly d'Angelin et Charles Vuillermin

VÉNISSIEUX SE PRÊTE AU JEU La Ville de Vénissieux a annoncé début octobre l’installation de deux nouvelles ruches sur le toit de son hôtel de ville. Elle en compte désormais cinq. Michèle Picard, maire de la commune, multiplie avec son équipe les actions en faveur des pollinisateurs,.En témoigne le développement des plantations mellifères à Vénissieux (tilleul, chèvrefeuille, sophora…). Un pas de plus pour la préservation de la biodiversité.

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MODE

© Yohan Poncet

MASQUE ANTI-pollution : UN ACCESSOIRE TENDANCE

Le masque connecté Wair est composé d'un filtre.

Cet objet apparu d’abord en Asie a souvent été la cible de moqueries de la part de l’Occident. Depuis quelques années, les enseignes de mode exportent leurs produits, que l’on retrouve de plus en plus souvent dans les rues lyonnaises.

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lors que le masque antipollution était vu comme étrange, il s’immisce, depuis deux ans, dans le rap comme un accessoire de mode. En tête de pont, on retrouve l’énigmatique Kekra, suivi de SadBoy Ferrari, pour terminer avec Ramses comme étendard de ce nouvel apparat. À la base, les rappeurs coréens en portaient pour se protéger de la pollution. Ils les ont ensuite customisés pour en faire un accessoire. C’est à partir de ce moment que l’effet commence à prendre en Amérique puis en Europe. Malheureusement aujourd’hui, quand on parle d’une mode, on ne peut la dissocier de l’establishment des marques de vêtement. C’est ainsi que des marques comme Bape ou Supreme se sont emparées du mouvement, et ont créé leur propre masque.

Un véritable effet de mode

Gianni, danseur avec le crew Very Bad Team et beatmaker, porte de-

puis un an un masque Bape, sur lequel on peut apercevoir un sourire ou une grimace de requin, selon s'il le porte à l'envers ou à l'endroit. Cet exemplaire lui a couté 40€ en boutique à Paris il y a un an. On en trouve jusqu’à 180€ sur le marché et ce ne sont que des tailles uniques. Néanmoins, on peut en acheter à 1€, de couleur uni sur le site chinois « ioffer ». Le tissu est extrêmement fin, c’est assez surprenant selon Gianni : « Je pensais m’être fait arnaquer au début tellement que le masque me semblait bizarre, mais finalement non » confie-t-il. Selon lui le masque n’est pas un code dans le rap mais bien un effet de mode. Malgré une petite exception pour les Coréens car ils tournent la majorité de leur clip en extérieur, et sont confrontés à des phénomènes de pollution beaucoup plus importants qu'en Europe. Pour Gianni, le masque antipollution en tant qu’accessoire de mode se démocratisera difficilement à Lyon. « On a

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SUMMER STORE, LA SEULE BOUTIQUE VENDEUSE DE MASQUES À LYON 180€. C’est cette modique somme qu’il faudra débourser pour se procurer le masque Undercover floqué d’un écriteau : « BRAINWASHED GENERATION ». En boutique depuis le début de la saison, Axel, un des vendeurs de Summer store nous confie « on a vu cet item dans la collection, on a trouvé ça marrant et ça colle bien à l’esprit streetwear de notre magasin donc on a décidé de les mettre en vente ». Depuis qu’ils sont exposés, une dizaine de modèles ont été vendus.


© GianniGee

quatre ou cinq années de retard sur des pays comme le Japon ou les États-Unis. En France cela mettra trop de temps à être accepté, c’est trop underground. Quand je suis à Paris je peux le porter tranquillement par exemple, mais à Lyon, je sens que ça dérange vraiment, les gens me dévisagent ».

Les start-ups s’y mettent aussi

Certaines entreprises ont commencé à surfer sur la vague de la mode anti-pollution. C’est le cas de la start-up lyonnaise Wair, qui fabrique des foulards et des tours de cou auxquels viennent se greffer un masque équipé « d’un filtre anti-allergènes, bactéricide et électrostatique pour bloquer les plus petites particules; 0,1 micron » explique Bénédicte Viseux, la responsable communication de Wair. Le masque, qui est un quart de masque - jusqu’au-dessus du menton -, est normé EPI (Equipement de Protection Individuel) de catégorie 3 (la plus élevée). L’idée a germé dans la tête de la fondatrice, Caroline Van Renterghem, lorsqu’elle travaillait à Paris. Celle-ci a développé des problèmes respiratoires à cause de la pollution. Elle a alors décidé de créer un objet à la fois efficace et esthétique. Le regard du public vis-à-vis de cette idée a été très différent selon les salons dans lesquels l’entreprise venait exposer. « Par exemple sur la foire de Lyon où les visiteurs venaient sans être initiés à ce type de protections, on nous demandait "mais vous vendez vraiment ça ?" » décrit Bénédicte Viseux. Le cœur de cible de l’entreprise, ce sont les cyclistes, qui ont d’ailleurs été beaucoup plus réceptifs à l’idée lors d’événements spécialisés. En un an, l’entreprise a enregistré près de 1000 précommandes (les produits seront livrés en février). Aujourd’hui, le côté mode est encore peu développé par l’entreprise, qui propose trois tours de cou, et cinq foulards. Mais Wair ne compte pas s’arrêter là : « dans le futur, il y aura des collections été, hiver, enfant, comme pour une vraie marque de mode », détaille Bénédicte Viseux. Une étape

Gianni (à gauche) portant son masque Bape.

du développement que la fondatrice de Wair « attend avec impatience » selon la responsable communication. Aujourd’hui, les tours de cou sont vendus 89,90 €, les foulards 109,90 €. Le pack de trois filtres (à changer chaque mois) est lui, vendu à 29,90 €. L’accès à une vraie protection anti-pollution reste inégale selon les budgets. • Clarisse Felix, Simon Pernin et Thomas Nicolau

QU’EN PENSENT LES BLOGUEUSES ? "AVANT-GARDISTE" A Little Daisy Blog, Margaux

Je ne vois pas le masque anti-pollution comme un accessoire de mode, sauf dans la culture asiatique streetstyle. Les quelques fois où j'en ai vu à Lyon, c'est surtout sur des cyclistes le matin. Pour ma part je ne me verrai pas en porter car déjà ce n'est pas mon style, et je ne trouve pas ça très esthétique ou stylé à vrai dire. C'est le genre de tendance un peu avant-gardiste, que l'on pourrait retrouver sur des looks de défilé mais pas vraiment au quotidien.

"BADASS" Mary Corvisier du magazine Point de Vue.

J’en porte depuis que j’ai 16 ans pour faire comme les japonais fan de mangas. Aujourd’hui grâce aux jeux vidéo et aux mangas, porter un masque ça donne une image « badass streetwear » et c’est cool. Après je n’en porte que lorsque je vais au Japon parce que là-bas c’est normal. Et à Lyon, j’en ai un quand il y a des pics de pollution et quand je suis vraiment malade mais les gens continuent à te regarder un peu de travers. Si ça devient une mode et que les gens se mettent à en porter, je trouve ça bien.

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"ANXIOGÈNE" Sophie Lamodeuse

Je n'ai pas vraiment ressenti cette tendance sur Lyon et même ailleurs. Je n'en porterais pas, je pense qu'hélas il va falloir trouver une solution pour mieux respirer mais pour moi cet accessoire est très anxiogène. Il est assimilé à la maladie, au virus ou dans un autre registre, puisque le visage est camouflé, au crime, à la guerre. Pas très réjouissant quoi....

Mélissa Berthaud


CULTURE

Les Artistes Lyonnais se mobilisent Le milieu artistique s’est toujours emparé des problématiques importantes qui touchent l’humanité afin de s’y opposer, de les dénoncer et de les combattre. C’est aujourd’hui le cas avec la pollution à Lyon. Des plasticiens, des photographes ou des peintres s’attaquent à ce phénomène pour éveiller les consciences.

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otre tour d’horizon commence à l’Espace arts plastiques Madeleine-Lambert de Vénissieux avec l’exposition d’un ensemble d’oeuvres de l’artiste néerlandais, Niek Van de Steeg. Ce dernier vit maintenant depuis 1985 à Lyon et enseigne aux beaux-arts. Il nous donne à voir des créations diverses mais cohérentes, placées sous le signe de l’anthropocène, et d’un titre révélateur: Pollution. Ce titre n’est pas choisi au hasard. La pollution est un élément omniprésent dans le travail de Niek, depuis 2007 et sa maison de « la matière première » qui représente un monde pur et propre pris en tenaille par la réalité de notre monde. Il est avant tout lui-même en contact avec des agents polluants, que ce soient les colles, les peintures ou le plastique. Ces travaux traitent de la pollution visible comme le cuivre, l’amiante mais aussi de polluant invisible, comme les particules fines ou les rejets de dioxygène. Pour témoigner de la diversité de la pollution, il utilise toutes sortes de médiums comme la L'oeuvre de Nick Van de Streeg montre les effets de la pollution.

céramique, le plastique, le bois, la photo, la peinture ou la vidéo, un peu à la manière de Joseph Beuys. « En tant que plasticien, s’est important pour moi de travailler plusieurs supports, afin que les gens se fassent leur propre idée et s’approprient l’oeuvre » explique Niek Van de Steeg. De son point de vue « la pollution est irréversible, nous sommes tous impactés, et on contribue tous à cette dernière ». Néanmoins, son travail est pour lui un moyen de rechercher et de proposer un monde meilleur. Son projet actuel est un panorama du Rhône depuis sa source, jusqu’à la Méditerranée, en répertoriant toutes les entreprises qui rejettent des produits toxiques et des polluants en collaboration avec le centre franco-chinois à Saint-Just.

Les enfants touchés de plein fouet par la pollution

Pas très loin de Saint-Just à l’école Michel Servet, sur les pentes de la Croix-Rousse les enfants ont été privés de leur cour de récréation pendant près de trois mois à cause des taux de pollution inquiétants autour de l’école. Deux artistes ont décidé d’agir pour venir en aide à l’école, Bruno Metra, photographe et Stéphane Durand, plasticien engagé depuis plus de 15 ans contre la pollution. L’envie de travailler ensemble était présente depuis plusieurs années, c’était donc l’occasion rêvée car le sujet les touches tous les deux directement. Pas seulement en tant qu’artistes, mais aussi en tant qu’êtres humains. « On n’est pas des militants, mais cela nous impacte dans notre vie de tous les jours » témoigne Bruno Metra.

© Simon Pernin

Les deux artistes ont imprimé sur des bâches le portait des enfants de l’école afin de les exposer dans la cour pendant 2 mois. Bruno a pris les photos, tandis que Stéphane a appliqué une colle sur les photos via des pochoirs pour faire apparaître la pollution sur le visage des enfants. « Le but est d’avoir une révélation de la pollution, de pouvoir la matérialiser, car au final, c’est quelque chose qu’on ne voit pas. En pulvérisant la colle sur la photo qui va ensuite s’imprégner des particules fines, cela permet de montrer que la pollution est bien réelle. Je pense qu’associer la pollution au visage d’un enfant, d’un être humain, c’est un moyen

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© Olivier Vassé Les photos des écoliers se dégradent avec le temps et la pollution.

de sensibiliser et d’impacter les consciences de manière très efficace » explique Stéphane Durand. Les deux artistes ont décidé de renouveler l’expérience, avec un autre lieu, mais toujours avec le même but.

Le phénomène touche toutes les sphères de l’art

Pour continuer le combat que mènent l’école Michel Servet, la galeriste Françoise Besson à reçu pendant un mois l’exposition dans sa galerie au 10 rue de Crimée. Le travail des deux compères a été un coup de coeur total. « Quand ils m’ont parlé des enfants qui n’avaient plus de cour d’école à cause de la pollution, je me suis dit, c’est un truc de fou, il faut que je les aides. Et j’ai trouvé leur travail très intéressant. » explique Françoise Besson. Elle estime qu’aujourd’hui on n’informe pas assez les gens sur la pollution. « L’art doit être un moyen de dénoncer, de s’opposer et d’informer. Aujourd’hui, on ne va pas assez loin pour combattre ce phénomène, on est très en retard. Des enfants tombent malades, des personnes perdent

la vue et d’autres en meurent. On doit le dénoncer » s’exclame-t-elle. Sur les neuf portraits, six ont été exposés dans la rue sur le balcon de sa voisine Josy. Une façon de créer du lien dans le quartier, ramener les gens dans la rue, éveiller les consciences à la pollution, redonner du sens aux oeuvres et d’abolir la frontière entre le dedans et le dehors. « Il faut que l’on soit

utopique si l’on veut combattre la pollution. Aujourd’hui, les gens commencent à prendre conscience, mais il est déjà trop tard, je pense, j’espère me tromper » témoigne Françoise. L’art n’est sûrement pas le remède contre la pollution, mais il est le moyen marquer les esprits et de comprendre qu’un remède est possible. •

« JE ME SUIS DIT, C’EST UN TRUC DE FOU »

Simon Pernin

LE STREET-ART S'Y MET AUSSI Des artistes moins institutionnels s’attaquent aussi à la pollution. En effet ils utilisent la pollution pour faire ressortir des motifs à l’aide d’un pochoir. C’est très simple, ils posent leur pochoir sur le sol et passent par dessus un coup de Karcher, la pression avec l’eau va enlever les particules de pollution sur le goudron pour laisser apparaitre le dessin souhaité. C’est un moyen aussi de montrer que la pollution est visible et en contact permanent avec l’humain. On retrouve des messages comme : « La pollution : la mort est autorisée » ou « Tues moi de particules ».

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98 mails

100 heures

envoyés à eux trois

passées sur l’ordinateur à maquetter

Geoffrey

Clarisse Ruben

Mélissa Charles

120 kilomètres

de voiture pour Marine-Sophie

17 heures

de trajets en skate pour Yohan

Thomas

de musique écoutées par Simon

15 appels

100 cafés Quentin

7 heures

à eux deux

Guillaume

Par Quentin Villain et Lina Badreddine

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par jour à eux deux

Lina

Infographie réalisée par Quentin Villain et Lina Baddredine


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