Golias 116

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iptembre/ octobre 2007 w w w. g o l i a s .

N 116 A LA UNE Mgr Dubost n'accueille pas les "gueux " de la République

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FOCUS La mort douce de Jean Paul II

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DECRYPTAGE Femmes et ministères : une question non réglée


Les éditions Golias Les Camisards

Les Cathares

La dette

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- Dieu réf AT : Anthroposophie, enquête sur un pouvoir occulte - réf CT : Les Catahres - réf AV : L'avenir de Dieu - réf CD : Les Camisards - réf DD : La dette de Dieu - réf FC : Mère Teresa, la face cachée - réf CG : Opus Dei, les chemins de la gloire - réf SD : Scouts : histoire d'une dérive

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réf PMP : Petit manuel anti-pub - réf DCB : Décroissance ou barbarie - réf RRO : Le crime d'être Roms - réf HT : Harcèlement au travail réf DY : DisneyLand, le royaume désenchanté - réf BG : Ma guerre d'Alérie - réf FE : L'extrême droite et les femmes - réf BH : George W. Bush l'Héritier réf ER : L'Europe à l'heure de la reconquête catholique

réf MD : Petit manuel anti-McDo - réf AH : Djebel amour... et de haine - réf RP : José Bové, la révolte d'un paysan - réf CP : Les chrétiens et le pouvoir réf TC : Le triomphe de la Croix - réf MH : La chrétienté à l'heure de Mahomet - réf FO : Quand Dieu était un monarque féodal - réf MY : Au coeur du Moye Âge - réf PJ : Plaidoyer pour une autre justice - réf NCO : No Conso

3^L "I Marchands

réf OPS : Opus Dei - réf EOC : L'école ou le chaos - réf ZI : Zidane Président ? - réf OPG . n„„c n • -, /vre réf TH : Théologie Buissonnière - réf BEA : Les Marchands d'âmes réf SI 11 7 ' w£ " QTF : *Quas* ™s de ton É9^ ?» L'Eglise catholique est-elle encore chrétienne ? MarChandS d ames " ref SJ • Selon Je^ " «*f VC : Vie consacrée , entre passion et désordres - réf ECC

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:rétariat de rédaction & Maquette cent Farmer TORIALISTES

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Tiano Libero, Francis Serra i i/iité de rédaction s Gan, Paul Ariès, Paul Gauthier ilphe Grégoire, Gaston Guilhaume, Eva ;oste, Colette Saint-Antonin, Jeanncois Soffray, Jean-Francois Val tte

Massy : Mgr Dubost n'accueille pas les "gueux" de la République p.2 Espagne : quand le Pape béatifie des tortionnaires p.5 Argentine : un aumônier peut en cacher d'autres... p.6 Allemagne : du rififi à la nonciature p.8 Mîtres d'honneur p.9 Ephraïm sur KTO p.10 Un défi majeur pour l'Eglise : le néochamanisme p.12 Des prêtres épousent leur humanité p.14

Focus

La mort douce de

Jean Paul II p.15 Radioscopie

1RESP0NDANTS

idro Magister ■[Italie] ; ;er Hertel [Allemagne] : lannès Blum [allefmand], Carrnini iarin [italien], Jean-Pierre du Ry Christine Bentley [anglais] jseil graphique et illustration une ristine Cizeron ORMATIQUE

lin Bourdeau CUMENTATION

L'embarrassante médiocrité du "Jésus" de Ratzinger

Ratzinger p.29

Le pape à Auschwitz, un sens de l'histoire en question

un pape dans sa bulle p.27

Le texte censuré d'Aparecida Les fantômes de Franco sur les autels La croisade de Benoît XVI contre la modernité Ratzinger / Habermas, les limites d'un débat Obéissance et servitude

lette Gauthier édit Photos : Golias / Tous droits serves sauf mention contraire sous la Dto

cord rédactionnel blik Forum [Allemagne] ; National tholic Reporter [USA] ; Kirche Intern, Btriche] ; Adista [Italie] dépêches : Apic ité par GOLIAS, iRL au capital de 50 155,73 euros recteur de la publication c Terras primé par : primerie Laballery (58) - 711002 immission paritaire 1107182608 3N 1247-3669 jpôt légal à date de parution itobre 2007

Grand Angle La face cachée du séminaire de Paris p.51 Les tristes dessous d'un clonage collectif p.60 Enquête sur une zone de non-droit p.61 L'incroyable galère d'un apprenti-curé p.63

L'aventure chrétienne Les paroliers et les tubes de l'été Les catholiques et l'accès aux ministères ordonnés Le Christ Pélican Jacques Chatagner : histoire d'un militant catholique

p.74 p.76 p.80 p.84

Golias magazine n l 16 sept/octobre 2007 p.


A LA UNE

Massy : Mgr Dubost

n'accueille pas les "GUEUX" de la RÉPUBLIQUE. Is font les travaux les moins valorisants, les plus durs, pour les salaires les moins attractifs. Après parfois une dizaine d'années de présence sur le territoire, nombre d'entre eux ne sont toujours pas régularisés. Un groupe de sans-papiers, qui occupait l'é glise Saint-Paul de Massy (Essonne) depuis un peu plus de cinq mois, devait quitter les lieux le 5 octobre 2007 après un jugement en délibéré. Avec la bénédiction de l'évêque qui s'était adressé au préfet dès le 21 avril. Pour les dix-sept nationalités représentées, une lutte exemplaire accompagnée d'une chaîne de solidarité qui donne foi en l'homme.

L'église Saint-Paul, une église dis crète située dans un quartier populaire du centre de Massy, construite il y a dixhuit ans à quelques pas de la place de France... Ambiance inhabituelle le samedi B octobre : onze cars de CRS stationnés aux alentours, église solide ment gardée et fermée jusqu'à la messe du soir. Manifestation de force dérisoire, puisque les sans-papiers étaient sortis la veille à 18 h 30, pacifi quement, après le jugement rendu le jour même, sous promesse qu'aucune interpellation n'aurait lieu. Au terme d'une occupation qui durait depuis le 21 avril 2007, soit un peu plus de cinq mois. Dix-sept nationalités en quête de p.2 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

régularisation, des situations inaccep tables, des hommes qui travaillent et participent à la vie économique de la France. Le jour même du 21 avril, Michel Dubost, évêque d'Evry, interve nait auprès du préfet de l'Essonne pour faire évacuer l'église. Mais élections obligent, les choses traînent... De son côté, le préfet Gérard Moisselin avait fixé la fin de l'occupation comme un préalable à l'examen des 506 régulari sations demandées par les sanspapiers de Massy. Sans réelle garantie, ces derniers refusent et persistent. L'évêque d'Evry diffère donc une demande d'évacuation auprès du tribu nal de grande instance d'Evry, renvoyée au 28 septembre, avec jugement en délibéré, rendu par ordonnance le 5 octobre et signifié par huissier le jour même. Accompagné des forces de l'ordre, dont les coups de matraque ont envoyé à l'hôpital deux des soutiens qui se tenaient sur le parvis de l'église. Blessures sans gravité, mais qui égratignent la célèbre formule : France terre d'asile.

Accueillir l'étranger : qu'en reste-t-il aujourd'hui ? L'attitude de Michel Dubost n'a pas été sans causer un émoi chez de nom breux catholiques. Parmi eux, le groupe de la Vie nouvelle de la vallée de la Bièvre, mouvement créé en 1947 dans la mouvance des Routiers, les plus âgés des Scouts de France. Le 20 sep tembre 2007, la Vie nouvelle faisait parvenir un courrier à l'évêque d'Evry lui demandant de revenir sur sa décision de demande d'expulsion. "Nous déplo rons qu'une assignation en référé ait été délivrée aux sans-papiers, à la requête de l'association diocésaine dont vous êtes le représentant légal (...)

Il nous semble que cet acte est contradiction avec le message si lirr de du Christ et de l'Evangile. Il n'y a si longtemps, nous nous étions joi avec enthousiasme à la campaç lancée par l'Eglise : "Accueillir l'étr;

ger." Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?" réponse de l'évêque, en date du 17 se tembre, donne la mesure de son incc < préhension. "Je vous propose, écrit-il : conclusion, avant que des vois i excédés n'agissent, de prendre chac une personne sans-papier dans vo~ salon : je suis sûr que vous avez de place !" Pour Thérèse Lacoh, "une let: méprisante, hautaine et vide de sens

Les sans-papiers ne demandent p un logement, mais à être régularis;

Toujours en attente depuis leur arrivf en 1991, Kao, originaire de la Guin; Bisau, employé à des travaux de ne toyage, Hédi, tunisien, en CDI dep,_ sept ans. "J'habite Massy, je paie m; loyer, mes impôts, déclare ce demi-: Nous ne sommes ni des criminels des délinquants, on a quitté notre pa

pour gagner notre vie." Tahar, lui auE tunisien, travaille depuis 1988 dans bâtiment : "Ce sont les immigrés qui e constuit à 90 % les nouveaux quartie de Massy." Cinq prêtres ouvriers de l'Essom avaient eux aussi envoyé un courrier

l'évêque, le 13 septembre, exprime leur solidarité aux sans-papiers do nous citons les principaux extraits "Nous croyons qu'ils sont enfants, fill et fils de Dieu. Jésus Christ, visar. humain de Dieu, nous révèle qu'à cueillir l'étranger, c'est l'accueillir h même (Evangile de saint Mathieu, cf» pitre 25, verset 35]. Expulser les san papiers de l'église Saint-Paul, c'a mettre Jésus à la porte de l'églis


>A la Une

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Massy : Mgr Dubost n'accueille pas les gueux de la République

Demander l'expulsion des sans-papiers au profit d'une immigration choisie, revient à cautionner le pillage du tiers monde qui est la vraie cause de cette

DR- église Saint-Paul de Massy

immigration. Quelles propositions et quelles actions sont-elles envisagées pour que cesse le scandale de ce pillage ?"

Solidarité et fraternité sans frontières En mai et juin, 506 dossiers étaient envoyés à la préfecture. Liste arrêtée en avril, alors que 800 étaient en cours de constitution. Quatre régularisations, et rien de plus. L'église Saint-Paul de Massy est donc occupée le 21 avril. De la part des sans-papiers, une organisa tion exemplaire avec un collectif, des décisions prises en commun, un servi ce de veille en cas d'éventuelles provo cations et six mandatés élus démocra tiquement. "Dès le début, nous ne vou lions pas gêner le fonctionnement de l'église et proposé spontanément de nous retirer sur le parvis au moment d e s o f fi c e s , e n t e r r e m e n t s o u baptêmes, explique Abou Bacri, l'un des mandatés. Chaque matin, nous avons veillé à la propreté des lieux, à l'intérieur et sur le parvis. Le dimanche après l'of fice, nous avions une réunion avec le prêtre et les paroissiens pour être informés du planning de la semaine." Des moments où chacun a pu cohabi ter en bonne intelligence et durant les quels se sont noués de bonnes rela tions avec des catholiques. "Une démarche extrêmement saine", com mente Jeanne Davy du comité CGT des sans-papiers, l'un des plus fermes sou tiens de leur action, qui se souvient du nouveau prêtre en col romain frais émoulu du séminaire nommé fin juin à Saint-Paul, qui roule en boule une péti tion en faveur des sans-papiers, la jette à terre, et déconseille aux paroissiens de la signer. "Pourtant 18 000 ont été signées et déposées en préfecturedans le silence des médias", ajoute Jeanne Davy. "Dans un tel contexte, on

a le sentiment qu'on tend la main au Front national, déclarait une habitante du quartier. L'attitude de l'évêque per met de légitimer des comportements qu'on aurait pas osé exprimer aupara vant." Autour des sans-papiers, le Mouvement contre le racisme et l'ami tié entre les peuples, l'Action catholique ouvrière, le Réseau éducation sans frontières, la Ligue des droits de l'hom me, la Cimade, particulièrement impli quée dans l'aide juridique bénévole aux sans-papiers, des habitants de l'Essonne et parfois d'un peu plus loin... Très présent, Jacques Gaillot confiait : "J'admire la dignité de leur combat. Qu'un évêque demande l'expulsion de sans-papiers qui sont dans une église de son diocèse, c'est scandaleux. Je l'ai dit à TF1, mais ça n'a pas passé." Un formidable mouvement de solidarité rejoint par 17 avocats du barreau de l'Essonne, membres du Syndicat des avocats de France, attentif à défendre les droits de l'homme et en particulier les sans-papiers, qui les ont défendu auprès des tribunaux.

Qu'as-tu fait de ton frère ? La messe du samedi soir, au lende main de l'expulsion : quelques dizaines de personnes qui entonnent : "Au cœur

de ce monde, le souffle de l'esprit met en œuvre des énergies nou velles..." Sans doute, mais per sonne ne souhai tera s'exprimer, sauf une parois sienne : "On n'é tait plus chez nous." Ce qui se passe de com mentaire super flu. "D'un côté, l'Evangile nous dit d'accueillir et de com prendre, d'un autre côté il nous indique la fermeté", déclarait notamment le vicaire général Olivier Bobière, lors de son intervention, chargé par ailleurs des contacts avec le préfet, la police et les Renseignements généraux, comme le confirmera un délégué de l'évêché. Paroles sans réelle portée, dénuées de toute universalité. Derrière l'autel, une fresque évocatrice : le Christ parta geant le pain avec ses apôtres, immi grés d'un autre temps, étrangement semblables à ceux qui occupaient l'égli se Saint-Paul. A l'issue de la messe, une lettre de l'évêque était distribuée : "A l'é vidence, vous êtes, nous sommes par tagés sur ce qu'il fallait faire [...] Le col-

Golias magazine n* 116 sept/octobre 2007 p.3


> le journal

A la Une < Massy : Mgr Dubost n'accueille pas les gueux de la République

DR

de s'ouvrir dans le douzième arrondis sement de Paris, au 293 avenue Daumesnil, dans l'ancien musée des colonies.

Des vrais moments de communion En 1998, la cathédrale d'Evry avait été occupée quatre mois et la loi Réséda de la même année avait permis de nombreuses régularisations. Comme en 2002 avec la présence de

lectif des sans-papiers a été intraitable et n'a jamais voulu envisager une autre sortie de crise que la régularisation des dossiers (...) Beaucoup sont choqués [les paroissiens] (...) Il nous faut aussi continuer à lutter pour la dignité des personnes sans-papiers." On a comme l'impression que l'évêque d'Evry veut se refaire une virginité et rassembler ses troupes éparpillées. Fin de messe, l'égli se est à nouveau fermée et gardée par une brochette de CRS, nettement moins gracieux que les Gardes suisses. Argument couramment avancé : Michel Dubost a reçu régulièrement des sans-papiers à l'évêché depuis le 24 avril avec son équipe de liaison et organisé une rencontre avec le préfet. Certes, mais avec plusieurs sanspapiers qui avaient pris des distances avec le collectif. Pour s'entendre en petit comité, sans faire trop de vagues. Quand des hommes se rassemblent et s'organisent, l'évêque d'Evry fronce les sourcils. Monseigneur se trompe de siècle et tout porte à croire qu'il ne sor tira pas grandi de ce triste épisode, et que retentira longtemps à son oreille : "Qu'as-tu fait de ton frère ?" Nous ne pouvons que lui conseiller de lire quelques pages d'histoire, en particu lier celle du mouvement ouvrier. Et de visiter dans la foulée, la Cité nationale de l'histoire de l'immigration qui vient p.4 Golias magazine n° Il6 sept/octobre 2007

sans-papiers durant 148 jours sur le parvis de l'église Saint-Paul. La lutte paie, n'en déplaise à certains. Celle de Massy 2007 a été marquée par de for midables moments de rencontres. Dans l'église Saint-Paul, quatre prières en commun initiées par des parois siens, et au fil des jours les rangs qui se rapprochent et se confondent. Et aussi des juifs, musulmans, sikhs, protes tants, catholiques rassemblés autour des chœurs de la paix. Sur le parvis, un temps plus spécifiquement réservé aux enfants des sans-papiers et des habi tants de Massy, avec une grande carte du monde, des échanges de friandises et des histoires de tous les pays racontées par les mamans et une paroissienne. Durant l'été, entre deux averses, le soleil qui a brillé le temps d'un pique-nique sur les bords du lac de la Blanchette... "De vrais moments de communion bluffant de chaleur humai ne, j'ai même vu deux paroissiens pleu r e r " , s e s o u v i e n t J e a n n e D a v y. L'attitude de l'évêque est pitoyable... Après toutes ces rencontres et ces échanges, c'est vouloir tout saccager." On parle d'oecuménisme, de ren contres entre les cultures... Espoirs qui se construisent au quotidien, souvent modestement, loin des pompes média tiques et des discours entre pontifes. Troisième devise de la République française, la fraternité reste encore à inventer. On la cite, on la vit parfois, mais combien elle est fragile et tou jours à reconstruire. Pourtant, à Massy, l'esprit de résistance a soufflé

et démontré que ce joli mot de la langue française n'était pas seulement un vœu pieux. Aux dernières nouvelles, lors de la discussion du projet de loi sur la "maîtrise de l'immigration", l'Assemblée nationale a adopté l'amen dement 184 qui ouvre la voie à des régularisations de sans-papiers sur la base de leur statut de travailleur. Concrètement, cet amendement donne la possibilité à une préfecture de déli vrer une carte "salarié" à un travailleur sans-papiers en possession d'une pro messe d'embauché. Avec la volonté marquée de répondre au besoin de main-d'œuvre dans certains secteurs d'activité. Régularisations au cas par cas, avec à la clé une carte de séjour valable un an, renouvelable sous condi tions d'emploi ou d'allocations chôma ge. L'insécurité demeure, mais une brèche est ouverte. Pour les sanspapiers, les déboutés du droit d'asile, l'action continue, ils restent mobilisés et ont participé à la manifestation du 20 octobre à Paris, journée nationale de solidarité avec les étrangers, immi grés et sans-papiers. Pour rappel, la France ratifiait, le 20 novembre 1989, la Convention internationale des droits de l'enfant, dont l'article 10 insiste sur le rôle des parents et le droit pour l'en fant de vivre en famille. Ce qu'elle bafoue sans complexe avec la loi Hortefeux qui aggrave la situation des couples mixtes. Une jeune femme de l'Essonne vient de recevoir un rejet avec obligation de quitter le territoire, où il est précisé qu'elle pourra obtenir un visa touristique pour une visite léga le à son mari et ses enfants. Les défen seurs de la famille ne devraient pas res ter insensibles. Eva Lacoste


> L'actualité

iejournal<

Brèves d'Ici et d'ailleurs

Assassiné durant la guer re civile, le père Gabino Olaso Zabala faisait partie • de l'ordre des Augustins. Pourtant, il a lui-même martyrisé un autre prêtre. Sa victime : Mariano Dacanay, un prêtre philip pin accusé de sympathiser avec un mouvement qui demandait le départ des Espagnols de leur ancien ne colonie. Le traité de Paris du 10 décembre 1898, mettant fin à la guerre hispano-américai ne, prévoyait que l'Espagne cède ses dernières colonies, dont le Philippines où les com bats pour l'indépendance se poursuivront jusqu'en 1902. Dans la biographie d'Olaso Zabala, le récent béatifié, rien n'évoque cet aspect peu glo rieux de son parcours. Il est simplement annoncé : "Il a été ordonné prêtre en 1893. L'année suivante, il a été envoyé aux Philippines comme missionnaire et pro fesseur du séminaire Conciliar de Vigam. Il est retourné en Espagne en 1900." Mariano Dacanay, qui a eu la chance de survivre à son supplice, a laissé dans ses écrits un témoignage de ce qu'il a enduré : "La victime est obligée de se tenir accrou pie. On lui attache les mains à une canne de bambou placée sous ses genoux. Dans cette position, elle est comme un ballon qui roule sur le sol au moindre mouvement. Dans

cette position humiliante et douloureuse, des gardes me frappaient et m'insultaient chaque fois que je ne disais pas ce qu'ils voulaient entendre, me laissant le corps enflammé et terrible ment meurtri. Au lieu d'être solidaires de ma souffrance, le prieur et sept responsables du séminaire observaient mon martyre avec des signes visibles de plaisir. Parmi ceux qui demandaient aux gardes de me traiter avec plus de cruauté, il y avait le père Gabino Dlaso. Quand je tom bais à cause des coups et roulais sur le sol, je recevais des coups des pieds comme si j'étais une balle, et on me frappait la poteau. Une roulais près en train de

tête contre un fois, alors que je du père Gabino, contempler tran

quillement la scène, ce der nier me donna un terrible coup sur la tête qui me laissa anéanti." Il y a dans ces faits comme un air d'Inquisition... Le cas de Mariano Dacanay n'est sûrement pas unique, et sans doute pas mal d'autres y ont-ils laissé leur vie. Comme les prêtres et religieux basques exécutés par les franquistes, Dacanay fait par tie des laissés pour compte de l'histoire.Le national-catho licisme cher à Franco et à la hiérarchie catholique espa

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républicains, après avoir été emprisonné et molesté. "A la différence de la République, les putschistes planifièrent l'assassinat au plus haut niveau de tout élément d'op position, fusillant sans justice, ni pitié, plus de sept cents personnes rien que dans les prisons de Talavera . Victimes toujours oubliées de l'Eglise catholique, si ce n'est un Don Saturnino Ortega qui prêchait la soumission et l'acceptation de la pauvreté, fruit de la volonté divine à laquelle l'hom me doit se plier (...) Bien que l'Eglise prédise une meilleure vie après la mort, elle veille à ce qu'il ne manque rien à ses alliés de classe." Emilio Sales Almazan s'attar de ensuite sur les incendies et destructions d'ouvrés d'art, toiles et statuaire dans les églises, évoquées par

Les oubliés de l'Église

Lopez Teulon dans la revue du parti Fuerza Nueva. "On parle du remplacement de ces biens, mais pas du travail de restauration assuré par des

Don Saturnino Ortega sera exécuté par un groupe de

prisonniers. Travail assimilé, d'après les investigations faites par la suite, à l'esclava

gnole ne donne pas dans le détail.

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gisme. On peut citer la cathé drale de Vich , l'église del Carmen de Valladolid, le cou vent des Adoratrices, le sémi naire de Vich , celui de Ervedelas ... L'Eglise alleman de a indemnisé, pour des motifs similaires, les esclaves du nazisme qui travaillèrent pour elle." "De tout cela, il y a une analyse que la Curie n'a pas faite" : "pourquoi, dans un moment déterminé, des groupes ou des personnes focalisèrent-ils leur colère contre les prêtres et leurs églises ?" " Il est curieux de constater que les prêtres qui moururent de la main des phalangistes et des groupes franquistes ne soient pas dans la liste des béatifiés. Comme ces curés basques qui se positionnèrent contre Franco ". Eva Lacoste

Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.5


L'AFFAIRE

Argentine : un aumônier peut en cacher d'autres... C'est une première. Un tribunal argentin vient de condamner à perpétuité un prêtre cou pable d'exactions sous la dictature militaire. Son cas est-il exceptionnel ? Loin de là. Tout ceci dans un silence assourdissant de la hiérarchie, devant lequel on ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec la période de l'Espagne franquiste. Et quelques autres... a simplement précisé que des attitudes de ce genre relevaient de la responsa bilité individuelle et personnelle des cou pables, et non point de l'institution comme telle. Très documentée, l'étude diffusée par Argenpress met plutôt à mal cet habit de probité. Tucuman, la plus petite province de l'Argentine, située au nord-ouest dans la partie tropicale et andine du pays... C'est là que s'engage en 1975, sous le "gouvernement démocratique" d'Isabel Peron, une terrible répression qui fera des milliers de morts et disparus parmi le peuple tucuman. Opération dite "Operativo Independencia" à laquelle l'Eglise a pris une part active. Sa hiérar chie, au niveau national et provincial, a maintenu des liens étroits avec les

Janice Nadeau 2004 • revue Relations

Le crime du père Christian von Wernich ? Il était tout simplement poursuivi pour complicité dans l'assas sinat de sept personnes et dans les tor tures infligées à une quarantaine d'autres. Ce sympathique personnage était l'ami et le collaborateur dévoué du général Ramos Camps, l'un des bour reaux de la dictature militaire argentine [1976-1983] qui s'est soldée par envi ron 30 000 morts et disparus. Durant le procès, von Wernich a jugé bon de revêtir un gilet pare-balle. Silence total de la conférence des évêques, d'autant que de très graves soupçons pèsent sur le cardinal Jorge Bergoglio. A l'é noncé de la sentence, ladite conférence p.6 Golias magazine n° 116sept/octobre 2007

groupes d'intervention commandés par les généraux Adel Edgardo Vilas et Antonio Domingo Bussi. Citons en pre mier lieu le président de la conférence épiscopale argentine, qui a visité les bases militaires et les camps de concentration à plusieurs reprises, fai sant l'éloge des groupes d'intervention, en insistant sur le "rôle messianique de l'armée". Grandiose retour à l'époque des croisades et à l'évangélisaton mus clée des Amériques. A peine com mencé l'Operativo Inpependacia contre la guerilla et la "pensée subversive", le général Vilas rencontre les deux per sonnalités les plus importantes de la hiérarchie catholique - Bias Victorio Conrero, archevêque de Tucuman, et Juan Carlos Ferro, évêque de Conception - auxquels il demande leur collaboration. La réponse fut immédia

te. "Les hauts prélats ont accédé à ma demande, révélera Vilas par la suite, et quelques prêtres progressistes ont été retirés de la zone." A partir de là, mili taires et Eglise engagent une action commune qui ne devait pas connaître de limite. L'Eglise est dès lors claire ment identifiée comme étant associée à la répression. En lançant l'Opération, le général Vilas voua son bâton de com mandement à la Virgen de la Merced, et n'épargna pas les éloges pour mettre en valeur l'action que déployè rent les aumôniers militaires ou les simples curés de campagne. En plus de dénoncer les suspects, baptiser et marier les "infidèles", "ils conseillaient les âmes désespérées".

Les pians de Dieu ? Toutes les actions organisées par les militaires, depuis la donation d'une bannière à une école rurale aux hom mages des "héros tombés au combat", étaient empreintes de religiosité, mar quées par un fanatisme intégriste exhibé par les militaires et les curés. Les groupes d'action qui menaient quo tidiennement des opérations de ratis sage avaient le soutien des curés locaux pour repérer les suspects. Lesquels pouvaient être des combat tants ou des pères qui n'envoyaient pas leurs enfants à la paroisse. Le contrôle de la population incluait les données personnelles des familles. On put en déduire que de nombreux couples n'é taient pas mariés, que des enfants n'avaient pas reçu le baptême. La solu tion : des cérémonies de groupes...


> L'affaire

lejournal<

Argentine : un aumônier peut en cacher d'autres

sous l'œil de militaires. Dans la petite école de Famailla (Escualita de Famailla], premier camp de concentra tion de l'Opération, on torturait les pri sonniers avec la Missa Criolla pour atténuer leurs hurlements. De nombreux prêtres furent en effet très proches des militaires, et bon nombre d'entre eux visitaient quotidien nement les camps de concentration où les prisonniers étaient liés, souvent avec du barbelé, torturés de façon bar bare. Auprès de ces hommes, ils justi fiaient l'attitude de l'armée à laquelle ils faisaient "leur rapport". Les prêtres les poussaient à se déclarer coupable, leur soutiraient des confidences et les enga geaient à dénoncer leurs compagnons, amis et membres de leur famille. C'est d'ailleurs une des accusations portées contre Christian van Wernich, ce qui, d'un point de vue ecclésiastique et canonique, devrait appeler de graves sanctions. Vecce, un prêtre, se rendait a la Escualita de Famailla, un autre,

Son homme de confiance, Oscar

Prêtres progressistes : la fuite ou la mort Le prieur provincial de l'ordre domi nicain et recteur de l'université catho lique locale, avec un autre dominicain, était à la tête d'une commission archidiocésaine sur les médias : donc tout naturellement désignés pour des opé rations de propagande. Pour parfaire leur action, certains membres de la commission participaient à des réu nions du commandement de la cinquiè me brigade, durant lesquelles on déci dait quelles personnes allaient être enlevées. La symbiose clergé-armée eut une autre grande figure : Anibal Fosbery, à l'époque prieur provincial de l'ordre des dominicains et recteur de l'université Saint-Thomas-d'Aquin. Intégriste fanatique, il fit partie d'un

De nombreux prêtres furent en effet très

L'archevêque de Tucuman avait libre accès au camp de rétention qui fonctionnait à la "préfecture de police"

proches des militaires, et bon nombre d'entre eux visitaient quotidienne ment les camps de concentration où les pri sonniers étaient liés, sou vent avec du barbelé, tor turés de façon barbare.

(jefatura de policia] où il a été vu à de nombreuses reprises. Parmi les illustres visiteurs : Adolfo Servando Tortolo, vicaire général militaire et pré sident de la conférence épiscopale

groupe qui, en pleine guerre des Maldives, voyagea en Lybie pour obtenir du matériel de guerre [on imagine la commission substantielle, en plus des

argentine, qui, en plus de justifier la tor ture, déclara : "L'âme nationale a été purifiée."

enveloppes et cadeaux habituels dans un tel contexte]. Le même, à l'inaugura tion de l'université de Bariloche, faisait

Mijalchick, au camp de concentration de San Miguel de Azcuenaga. Un ex-pri sonnier raconta qu'il passa près de lui et lui demanda s'il allait prier pour lui. A quoi Mijalchick répondit : "Pour ce que ça va vous servir."

Un autre guerrier en soutane, Victorio Bonamin, provicaire militaire, ne fut pas en reste, en évoquant "les plans de Dieu" et rendant hommage à l'Argentine, sa grandeur et "son naturel soutien : l'armée".

l'éloge de Erich Priebke, le nazi condamné en Italie pour les crimes des Fosses ardéatines. Créateur d'une

Dagostino, fut placé sur sa proposition à la tête de l'agence d'Etat des commu nications [Telam] avec la tâche de désinformer le peuple argentin à tra vers des dépêches périodiques, pour justifier la répression et le génocide. Avec l'appui de la hiérarchie catho lique de la province, le général Adel Edgardo Vilas entreprit une féroce campagne contre les prêtres progres sistes. Nombre d'entre eux durent fuir la province. Raul Sanchez, curé très apprécié des quartiers populaires de San Pablo, a été séquestré et torturé dans l'école de la Famailla. Lorsqu'il est libéré, l'archevêque Conrero lui "suggè re" de quitter le pays : "C'est ce que souhaite le général". Raul Sanchez s'exi le en Uruguay où il vit aujourd'hui. Un collègue et ami, René Nieva, eut une fin plus tragique, après avoir refusé de quitter le Tucuman, une région à laquel le il était attaché. Il fut agressé par une bande durant la nuit et assassiné. L'Eglise argentine n'en a jamais dit un mot. Le délégué du pape en Argentine, Pio Laghi, rencontra lui aussi les mili taires de l'Operativo Independencia. Invité par le général Antonio Domingo Bussi, il se rendit à Tucuman en juin 1976. Sa présence à une base militaire est prouvée. Il y donna la bénédiction papale aux chefs, aux groupes armés et aux officiels. Après un éloge bien senti, il déclare notamment "qu'on avait à res pecter le droit tant qu'on le pouvait". Le nom de Laghi a été publié en 1984 dans une liste de vingt prêtres accusés de complicité avec les génocidaires, sur la base de témoignages recueillis par la Conadep [commission nationale sur la disparition des personnes). Ce que l'Eglise a naturellement démenti, sans toutefois prendre la défense des autres

organisation de jeunesse [Fasta], inté griste est-il besoin de préciser, il fut accusé d'avoir fourni des volontaires

prêtres cités, dont l'archevêque de Tucuman, Bias Victorio Conrero.

pour la répression et eut un énorme pouvoir dans la province de Tucuman,.

Eva Lacoste

Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.7


> le journal

> L'actualité Allemagne : du rififi à la nonciature

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Pologne...] veut que chaque nonce ne puisse pas exercer ses fonctions dans son pays d'origine et ceci pour cause évidente de neutralité. - d'être incapable de proposer à Rome (et surtout au Souverain Pontife !] des candidats sérieux à l'épiscopat pour les nominations d'évêques à venir : l'archidiocèse Munich

Claude Périsset (68 ans], actuelle ment nonce apostolique en Roumanie et Moldavie depuis 1998 et qui aspirait d'ailleurs à changer de poste... Mgr Périsset est à 100% compatible avec la ligne de Benoît XVI. Le Cardinal Ratzinger, en tant qu'ancien Préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, I avait entretenu

Freising est tou L'Eglise en d'excellents rapjours vacant L b g l i s e Ccatholique î h o l i q u e en d e p u i s l a d é m i s - Allemagne A l l e m a g n découvre le Pré' découvre P°rts lavec at suisse au sion du Cardinal ,,, avec Benoit Vatjcan pendant F r i e d r i c h W e t t e r aaujourd'hui U J O U r d h u avec Benoît le 2 Février der- XVI, XVI. Ce QUe l'Eglise ce que Eqlise CathOcatho- deux ans (1996 -

D R - L'archevêque Erwin Josef Ender

ce dernier était être assez ferme sous le ' o n t i f i c a t de de Secrétaire du avec la conféren- hier hier SOUS le Pontificat ce épiscopale, J e a n Paul ) g y | II | | c o n s e i l p o n t i fi c a l Jean et surtout son pour la promo"~~—^~ tion et l'unité des président, le ^~^~ Cardinal - évêque de Mayence Mgr chrétiens. Mais l'histoire ne s'arrête Karl Lehman, jugé trop « progressis pas là. Le nonce malheureux, te » et pas du tout en phase avec la Mgr Ender, se serait vu proposer par la Secrétairerie d'Etat, la nonciature ligne doctrinale de Ratzinger. - d'être trop conciliant avec les pro

L'Eglise catholique en Allemagne découvre aujourd'hui avec Benoît XVI, ce que l'Eglise catholique en Pologne a connu hier sous le P o n t i fi c a t d e J e a n P a u l I I . . . A savoir : l'interférence toute puis sante d'un Pape dans les affaires de son pays. Les relations entre Benoît XVI et le nonce apostolique en Allemagne, l'ar chevêque allemand Erwin Josef Ender (70 ans], seraient exécrables... Le pape lui reprocherait en effet plu sieurs choses : - d'être allemand, alors que la coutu me diplomatique du Saint - Siège (sauf pour l'Italie qui est un cas spé cifique et aujourd'hui encore la

p.8 Golias magazine n° Il 6 sept/octobre 2007

testants d'Allemagne et de ne pas avoir défendu avec forces et convic tions la « cinglante mise au point » rappelant Dominus Jésus , publiée en juillet dernier quelques jours après le motu proprio Summorum Pontificum, par la Congrégation pour la doctrine de la foi. Aussi dans l'œil du cyclone à ce sujet : le Cardinal alle mand Walter Kasper, Président du Conseil pontifical pour la promotion et l'unité des chrétiens qui n'a pas été le meilleur avocat de Ratzinger et Levada dans son discours lors de la session d'ouverture du 3° Rassemblement ocuménique européen à Sibiu en Roumanie... Le Vatican a donc décidé de nommer comme nouveau nonce en Allemagne, l'archevêque suisse Mgr Jean -

apostolique en... Roumanie et Moldavie ! ! ! L'Allemagne est en fait une nonciatu re assez « prestigieuse » : le prédé cesseur de Erwin Josef Ender était Mgr Giovanni Lajolo qui fut ensuite nommé à Rome au poste de Secrétaire pour les rapports avec les états (Ministre des affaires étrangères du Saint - Siège]. Il est aujourd'hui Gouverneur de la Cité du Vatican et en attente de sa barrette cardinalice. Vexé et furieux de cette « promotion placard », Mgr Ender aurait menacé de claquer la porte du service diplomatique 5 ans avant sa retraite : ce que le Pape aurait immé diatement accepté ! La triste fin d'Ender ! ... Xavier de St Sermin


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lejournal<

Clap et f Ion !

Mitres d'honneur

en Baisse, en Hausse EN BAISSE Le chapeau pour Mgr 22 + 1 Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, semble avoir le vent en poupe. Sa prochaine création cardi nalice semble lui ouvrir un chemin de prestige qui lui fut refusé l'an dernier lorsqu'il ne figura pas sur la liste des pro mus. Des rumeurs persis tantes voient en lui, le futur président de la conférence épi scopale françai se, également en raison de la situa- j tion stratégique du diocèse de Paris. Dans le Monde du vendredi 19 octobre, qui consacre une page entière à Mgr Vingt-Trois, Henri Tincq en dresse un portrait nuancé mais très développé. L'heure de gloire de la nouvelle Eminence serait-elle enfin arrivée ? On ne saurait oublier des faits moins glorieux qui ont ponctué une carrière qui doit tout en fait au soutien du cardinal Jean-Marie Lustiger qui avait besoin de s'appuyer sur un « docteur Watson », rassurant pour lui. On se souvient de ses propos odieux à l'occasion de la sortie d'un livre de l'abbé Pierre dans lequel ce dernier confessait des émois amou reux passés et s'interrogeait sur l'op portunité de maintenir cette discipli ne, parfois hypocrite, du célibat ecclé siastique. Il comparait l'abbé Pierre, dont il présida par la suite les obsèques à Notre Dame à un pompier pyromane et à un instituteur pédophi le. Mgr André Vingt-Trois a apporté

aussi un soutien sans faille à l'ouver ture du procès en canonisation de Jérôme Lejeune, militant pro-life intempérant aux positions très exces sives. Enfin, sa prise de position au sujet du téléthon a été tout simple ment scandaleuse. Le Vatican ne voulut pas nommer un André Vingt-Trois, jugé dépour vu des qualités nécessaires, à la succession de Jean-Marie Lustiger. Ce dernier fit pression auprès d'un Pape très malade et déjà pratiquement mourant pour la lui arracher. Evêque auxiliaire du cardinal Lustiger de 1988 à 1999 après en avoir été le vicaire général de 1981 à 1988, Mgr Vingt-Trois aura été l'artisan de toutes les manœuvres et les entre prises les plus discutées à commen cer par la mise en place d'une forma tion très particulière des prêtres à Paris. Mgr Vingt-Trois, alors président de la Commission épiscopale de la famille, avait combattu de façon très déterminée le projet du Pacs. Il conti nue à asséner régulièrement aux par lementaires catholiques une leçon de morale sur la question. Certains corps ronds peuvent dissimuler des esprits qui le sont moins. A sa façon, le nou veau Cardinal Vingt-Trois s'inscrit totalement dans la ligne de restaura tion intransigeante qui est celle de Benoît XVI. Ne pas vouloir voir l'évi dence pourrait réserver à ses confrères évêques des lendemains qui déchantent. Romano Libero

EN HAUSSE Le cardinal Ricard met en garde contre l'im migration choisie Le cardinal Jean-Pierre Ricard, prési dent de la Conférence des évêques de France, a donné une conférence le soir du 19 septembre dernier dans son ancien diocèse de Montpellier. Il a notamment mis en garde contre les dangers de l'immigration choisie et une "utilisation délétère" des tests ADN. C'est à l'invitation de l'Institut diocésain de formation que le cardinal français a donné sa conférence devant 200 participants lors d'un col loque intitulé "Eglise en France, Eglise en Europe, qu'est-ce qui change ?". Il a développé sa vision des relations entre l'Eglise et l'Etat et a commenté en particulier la loi sur l'immigration et la polémique sur les tests ADN. Une sélection des immigrations en fonction des besoins peut se com prendre, mais prendre les cadres et les universitaires des pays du Tiersmonde serait dramatique, a affirmé le prélat. Il s'est également inquiété du durcissement des conditions de regroupement familial votées par l'Assemblée nationale, d'une "réduc tion à zéro du rapprochement des familles, ce qui toucherait aux droits de l'homme", Le ton se fait encore plus dur lorsqu'il aborde l'utilisation de tests ADN pour établir une filiation. "Je comprends leur utilisation pour des crimes. Mais peut-on les appli quer à d'autres domaines ?", affirme-til, ajoutant : "Il ne faudrait pas ouvrir la boîte de Pandore et aller vers une uti lisation délétère des tests".

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ENQUETE

L'hérésie charismatique (suite)

Ephraïm sur KTO

«Un discours de gourou» Le 22 juin 2007 sur la chaîne KTO, Frère Ephraïm, fondateur des Béatitudes a accordé un entretien au très lisse Richard Boutry. Bien des propos tenus par Ephraïm ont suscité des réactions indignées et argumentées à l'instar de celles de PierreJoseph, pourtant ami sincère des Béatitudes. «Les familles ont été détruites ou évincées.» «Il est très pernicieux de chercher à faire croire aux gens qu'ils doivent «se sentir blessés» par toutes les limites d'amour du monde et de chercher à en «guérir» par une approche psycho-spirituelle.» « En tant que catholique, je voudrais exprimer ma consternation suite à l'in terview que frère Ephraïm a donnée sur la chaîne de télévision KTD. J'ai été sur pris d'entendre le fondateur de la com munauté des Béatitudes annoncer qu'il ne cautionne pas le gouvernement de sa propre communauté. Il est fier d'avoir donné des prêtres à l'Eglise. Enfin, ces prêtres ne sont pas pour l'Eglise puisqu'ils sont à l'intérieur de la communauté aux postes-clés. Quant aux familles, elles n'ont pas leur place, elles ont été détruites ou évincées. La communauté des Béatitudes est comme une « vague » dit Frère Ephraïm, voilà qui manque singulière ment de clarté. Il préférerait ne pas la voir s'institutionnaliser et redoute qu'el le devienne une « congrégation clas sique ». J'ai du mal à croire que les évêques, comme les services publics réagissent favorablement à ce discours de gourou, même s'il s'en défend : « Je ne suis pas un gourou, dit-il ; je n'en

p. 10 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

tends pas que tout le monde me suive. » Dans le christianisme, un « homme de Dieu » ce n'est pas quelqu'un qui cherche à ce qu'on le suive, lui person nellement, c'est plutôt quelqu'un qui montre le Christ. Dans son interview Ephraïm s'autoproclame sans difficulté « homme de Dieu », en toute humilité... Il nous présente aussi ses autres modèles « d'hommes de Dieu ». « J'ai connu des hommes de Dieu hindous » dit-il. Un hindou ne se définira jamais comme un « homme de Dieu » car ce vocabulaire n'appartient pas à son uni vers spirituel. « Si l'on considère le bouddhisme comme une philosophie, ce n'est pas incompatible avec le chris tianisme. » Ce que dit le fondateur des Béatitudes n'est recevable ni par un bouddhiste ni par un chrétien, car son syncrétisme ne respecte ni l'une ni l'autre tradition. Je ne pense pas qu'un bouddhiste véritable se laissera séduire par un tel relativisme religieux « Certains devanceront les chrétiens dans le Royaume. » Je doute vraiment qu'un bouddhiste soit honoré d'avoir une place dans le royaume des chré tiens, quand bien même serait-elle la première. Il dit aussi « Le christianisme, c'est une révolution à la Mao. » Associer maoïsme et christianisme, il faut oser. Un tel rapprochement est foncièrement contre nature !

amour les limites de la condition humai ne. Mais Ephraïm voit les choses tout autrement « Vous arrivez sur terre et on vous aime dans des limites très étroites, c'est la blessure originelle. Ce qui est très important c'est de réaliser que l'on est blessé, tout le monde est blessé. » Il donne une interprétation totalement victimaire du dogme chré tien sur le péché originel. L'homme ne se définit pas par essence comme un être blessé par un manque d'amour. L'homme qui se per suade d'être né « blessé » et « limité » par le manque d'amour des autres est un homme narcissique, perverti par sa volonté de puissance. Serions-nous blessés de ne pas être tout-puissants ? Serions-nous blessés de ne pas être Dieu ? Non, bien heureusement, le bon heur de l'homme n'est pas dans l'illu sion de pouvoir repousser les limites de sa condition humaine. Saint François d'Assise voulait mettre l'amour là où il n'était pas. Voilà une perspective chré tienne ! Il est très pernicieux de cher cher à faire croire aux gens qu'ils doi vent « se sentir blessés » par toutes les limites d'amour du monde et de cher cher à en « guérir » par une approche psycho-spirituelle. C'est là qu'intervient l'abus des charlatans comme Ephraïm.

Ephraïm parle du « vide » que tra verse l'Eglise, c'est un fait, mais ce n'est

Le « psycho-spirituel » est un excel lent filon pécuniaire puisqu'il dit : « Quand on s'abandonne radicalement à la Providence, on voit des miracles

pas pour autant une « kénose » comme il le prétend, car les chrétiens

permanents, l'argent tombe du ciel. » Qu'en pensent les généreux donateurs

emploient ce mot dans un sens tout à fait inverse. Ce terme ne signifie pas « subir un vide » ; il désigne l'acte volon taire par lequel le Christ s'est abaissé et s'est en quelque sorte « vidé luimême » par son Incarnation ; cette Incarnation par laquelle il a épousé par

qui lui ont laissé leurs biens, gagnés à la sueur de leur front ? « Le miracle fait partie de la vie chrétienne normale, c'est quelque chose de tout à fait nor mal. » Avec un minimum d'honnêteté, personne ne peut dire une chose pareille, et certainement pas un catho-


> Enquête

leïouinal<

Ephraïm ur KTO

lique. Il est même très périlleux d'at tendre toujours de « l'extraordinaire » dans la vie. Plus effrayante encore, sa hâte de l'ultime expérience de sa vie; «la plus belle expérience de ma vie ce sera ma mort». Ephraïm n'a aucun scrupule quand il cherche à inquiéter les téléspectateurs sur son état de santé « Je me suis lancé dans la psy chologie il y a huit ans, après mon cancer. » Cela fait beaucoup plus de temps qu'il s'est lancé dans ce qu'il appelle la « psychologie », mais qu'il est préférable d'appeler dans son cas « manipulation mentale ». « Je n'ai jamais vraiment adhéré à ce côté matérialiste de Freud dit-il, mais heureusement il y a Jung. Il est allé beaucoup plus loin en découvrant la dimension spirituelle inconsciente. On a un inconscient supérieur : le soi. Il y a un Dieu inconscient, tout homme à son dieu inconscient. Tout homme est appelé à cette synthèse qui est dans le Christ. » Est-il besoin de préciser qu'Ephraïm ne nous parle pas du Dieu des chrétiens mais de la spiri tualité du «Nouvel Age». Quant aux religieux de sa commu nauté, ils doivent « investir leur libido dans le Royaume des cieux. » C'est ce

côté « mystique » qui attire ? « J'ai vu la sainte Vierge. Mais après, je suis reve nu à la raison. » Il est permis de douter de l'un comme de l'autre. Le personna ge est difficile à cerner ; quant à sa communauté ? Elle serait l'objet de cri tiques, d'attaques. « Les attaques contre la communauté sont des men

qu'il appelle la « sublimation ». Il est vrai qu'en physique la sublimation consiste à passer d'un état solide à un état gazeux. Plutôt gazeuse cette spiri tualité ! « On peut connaître la réalité

songes » dit-il. C'est une façon de vivre la Béatitude des persécutés pour la jus tice à cause du nom de Jésus. » Les vic times de sa communauté seraient-elles donc toutes des menteuses ? D'autres

par le plaisir ; Dieu, c'est le plaisir des plaisirs. » dit-il. Cette spiritualité hédo niste ne saurait qualifier le christianis me. Ephraïm est catégorique : « Tout le monde a besoin de relation d'aide. Qui n'est pas paumé ? » Si je ne m'abuse, il veut nous dire en fait que tout le monde a besoin de lui. Après tout, pourquoi ne pas suivre un paumé, puisque tout le monde est un paumé qui s'ignore ? « Je

questions mériteraient d'être posées, que frère Ephraïm ne se pose pas : la communauté aurait-elle pu avoir des torts ? Aurait-elle ait pu faire du mal à des personnes ?

comprends les arguments de tout le monde » dit-il. Il est tout de même un peu difficile de suivre un fondateur aussi démagogique. A moins que ce soit son

« C'est l'esprit du monde qui persé cute la communauté » dit-il encore. Mais qui persécute qui ? Nombre de

que l'on suit le Christ.» dit-il. Alors, que répercutent les médias : la haine qui vient du monde ou le cri qui vient des victimes de la communauté des Béatitudes ? « Je fais un deuxième cancer, je n'en ai plus que pour dix ans. » ose-t-il conclu re. Outre le fait qu'un tel pronostic est impossible à donner médicalement, ce déballage impudique semble constituer avant tout un prétexte pour qu'on le laisse tranquille. Il dit que son cancer est un « cri ». Peut-être. Il n'empêche qu'avant de nous apitoyer sur son sort, il convient de ne pas oublier le cri de toutes ses victimes, et que toutes n'ont pas enco re parlé. [...] Pierre-Joseph

personnes ont été persécutées à l'inté rieur de la communauté, et certaines qui en sont sorties vivent maintenant beaucoup mieux l'Evangile dans le monde. « Si le monde vous hait, on sait Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.


> le journal

Enquête<

Le néochamanisme

Un défi majeur pour l'Eglise

le néochamanisme Si le chamanisme est une pra tique millénaire, générée essen tiellement par la pensée magique dans des territoires aujourd'hui déshérités ou dépeu plés, le néochamanisme est d'une tout autre nature, consti tuant un défi majeur pour la société moderne, dont l'Eglise. En provenance de plusieurs diocèses et postes d'observa tion, des témoignages font état d'individus ou familles littérale ment détruits par les tech niques et enseignements de thé rapeutes se présentant tout à la fois comme des « médecins de l'âme » et des « voyageurs de l'esprit » [ou psychonautes] qui n'hésitent pas à revendiquer pour leur compte et le collège auquel ils appartiennent une « fonction sacerdotale ». La plupart de ces agents opèrent dans les villes et, de façon méthodique et concertée, beaucoup recrutent leur clientèle dans des lieux gérés ou prêtés par l'institution ecclésiale : aumôneries, salles paroissiales, centre de réunions, bâtiments appartenant à des congré gations ou communautés. Lieux de priè re, de culte, de rassemblement, de par tage et d'échanges. Lieux où le fidèle se sent en confiance, mais où, sans le savoir, il s'expose de plus en plus à ren contrer, pour son malheur et celui de ses proches, des thérapeutes qui, s'abritant sous le manteau de la reli

est jeté le dévolu du thérapeute est d'abord abusé par l'entourage et l'envi ronnement. Comment soupçonnerait-il de basses manœuvres celui qui, appa remment, partage sa foi et les valeurs évangéliques, qui fréquente les mêmes endroits et bénéficie de façon plus ou moins ouverte des recommandations d'un prêtre ou religieux naïf ou luimême sous emprise ? Une fois appro chée et convaincue de suivre une thé

fondamentale certes, mais labyrin-

rapie ou un séminaire psycho-spirituel, la personne est amenée, selon un pro cessus bien huilé, à rompre avec toutes ses attaches avant d'être immergée dans un univers parallèle où elle finit

Pour ces agents, l'homme est un

par sombrer corps et âme. Le piège est d'autant plus redou table que nombre de ces thérapeutes s'affichent comme chrétiens et utilisent des formules ou images rassurantes, empruntées à la Bible ou aux Pères de l'Eglise. Mais, à l'examen, le message délivré est aux antipodes de celui sur

gion, s'emploient à le dépouiller et à l'asservir.

lequel repose l'Evangile. En prétextant que seule la vérité rend libre et qu'il faut se débarrasser des oripeaux du vieil

Le piège fonctionne comme une machine infernale. Le fidèle sur lequel

Adam, le client est appelé à se poser la question « Qui suis-je ? ». Question

p. 12 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

thique où la raison et l'esprit finissent par s'égarer sous l'autorité du théra peute qui tire les ficelles, oriente vers des impasses, humilie celui qui résiste ou se désespère de pas trouver la réponse adéquate, et, en fin de compte, prend sous son aile celui qui, ne sachant plus à quel saint se vouer, s'en remet entièrement à lui.

programme, et qui dit programme dit programmation et déprogrammation. « Déconditionner des programmes inscrits depuis la petite enfance » constitue la préoccupation première du thérapeute. Des techniques et méthodes « décapantes » sont mises en œuvre, qui consistent à vider ou brû ler la mémoire du sujet, à détruire « la banque de données » qui composait jusqu'alors son univers. Parmi elles, la programmation-neuro-linguistique [PNL], l'analyse transactionnelle, l'hyp nose ericksonienne, le cri primai, le rebirthing, la respiration holotropique..., la diète, le jeûne, l'isolement. Techniques qui peuvent avoir leurs ver tus propres mais qui, associées et corn-


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FOCUS )

Enquête sur les derniers jours du pape Karol wojtyia

La mort douce de I Le monde entier a été le témoin douloureux de l'agonie lente du Pape Jean Paul II, de février à avril 2005. Les circons tances exactes de cette période demeurent en partie mal élucidées. Il est certain que Karol Wojtyla souffrait d'une maladie de Parkinson depuis près de quinze ans. Néanmoins il est relativement probable qu'il aurait pu survivre i encore un certain temps. Ce qui crédibilise : l'hypothèse lancée —— ■* par Lina Pavanelli, médecin-spécialiste renommée, d'une interrup tion volontaire de la nutrition, forme en quelque sorte d'euthanasie par omission. En effet, s'il avait été nourri, Karol Wojtyla aurait survécu encore quelques temps. D'autant plus que de façon inexpliquée, si l'on exclut une telle hypothèse, le Pape avait perdu en peu de temps plus d'une quinzaine de kilos. Lina Pavanelli a récemment exposé sa théorie, très crédible, dans la revue italienne Micromega. Golias publie en français (seule version disponible à notre connaissance) cette remarquable enquête médicale.

Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p. 15


EDITO )

La mort douce de Jean Paul II

Chronique d'une

mort annoncée L'intention du docteur Lina Pavavelli, est non seulement de faire toute la lumière sur la mort de Jean Paul II mais d'inviter l'Église à reconnaître la complexité des problèmes éthiques liés à la fin de vie. d'un acharnement thérapeutique [passif] ne suf fisent peut-être pas à appporter une solution. Celacas, pourrait avoirpalliatifs été le cas Jean Hans certains les bien soins et pour le refus Paul II. Seule l'interruption de l'alimentation pouvait avoir un effet "libérateur" certainement souhaitable à bien des égards. Il n'en demeure pas moins qu'un tel choix, qu'une réflexion éthique éclairée peut approuver, s'oppo se frontalement aux positions intransi geantes du Magistère. Et ce, de façon d'autant plus flagrante que très récem ment, une directive publiée par le Saint Office exprimait justement sur un ton abrupt, ce qui n'est pas surprenant de sa part, l'obligation grave de continuer à alimenter et à hydrater un patient par voie artificielle, même s'il se trouve dans un état végétatif avancé.

de façon plus que sommaire d'une telle polémique, dont l'intérêt n'échappe pourtant à personne, rappelle, ce qui en soi est vrai, que depuis Pie XII l'Église s'oppose à l'acharne ment thérapeutique. Seulement voilà : le fait de ne plus nour rir un patient ne relève pas, selon la posi tion officielle de l'Église, du refus de l'acharnement thérapeutique (ce en quoi consiste en revanche, effectivement, le refus de Karol Wojtyla d'être à nouveau

Il semble que le Vatican, évidemment fort gêné par l'analyse lucide de Lina Pavanelli, soit en train de concocter une tentative d'explication ad hoc pour se justifier.

Il ne fait d'ailleurs aucun doute que les médecins du Pape, et ce dernier lui-même, connaissaient parfaitement l'évolution inéluctable mais cruelle et très lente du mal. On sait que le Pape avait dû subir une trachéotomie pour continuer à respi rer. Il se vit également imposer une sonde abdominale pour être nourri. Ce que le Vatican mit du temps à reconnaître. Les dernières heures de Jean Paul II sont peu connues. Le diagnostic officiel est le suivant : septicémie aigùe et crise car diaque. Le 2 avril 2005, à 15h 30, en effet, le Pape déclarait à ses proches et en particulier à son fidèle Secrétaire : "lais sez-moi aller au Père". On peut légitimement estimer que ce souhait aura été fidèlement suivi par des médecins accablés face à l'hypothèse d'une survie prolongée du Souverain Pontife dans un tel état. Le docteur Renato Buzzonetti, qui soigne à présent Benoît XVI, oppose un démenti catégo rique : "son traitement n'a jamais été interrompu". Prenant peutêtre le relais, le quotidien français La Croix, qui rend compte

hospitalisé et donc de recevoir des soins plus performants mais purement pallia tifs sur le long terme] mais bel et bien, il faut le souligner trois fois, de l'euthanasie. Cette dernière en effet n'inclut pas seule ment des interventions directes pour

abréger ou interrompre net la vie du patient mais également les omissions d'actes indispensables à la survie comme la nutrition. Si les hypothèses très solide ment argumentées de Lina Pavanelli sont bel et bien correctes, ce qui semble fort probable à la faveur de l'enquête médicale très minutieuse qu'elle a menée [et dont on lira ci-après l'intégralité du conte nu], il faut reconnaître que le Pape Jean Paul II, qui a toujours combattu de son vivant toute possibilité, même limitée et pru dente d'euthanasie, aura démenti par sa mort son magistère. Le cardinal Pierre Veuillot, archevêque de Paris, rongé par le cancer du pancréas confiait à ses prêtres ce conseil : "ne par lez pas de la souffrance". Il semble en effet un peu facile

d'adopter des positions tranchées alors qu'on ne s'y trouve pas impliqué existentiellement. Tel est peut-être le premier défaut d'un magistère moral abstrait qui édicté aux autres les fardeaux qu'ils doivent porter. L'enquête que nous publions ciaprès n'est finalement que la suite logique du "manifeste sur la vie" du cardinal Martini [cf. Golias n°115). Golias


La mort douce de Jeao Paul II

)focus

Les derniers jours de

Jean Paul II

lors des dernières semaines de son existence, démontre que certains soins qui auraient pu être donnés pour le maintenir en vie plus long1 temps n'ont pas été pratiqués. Le vieux pape les a refusés parce qu'il I les considérait trop lourdes à supporter. Pour lui va commencer le f processus de canonisation, alors que pour Piergiorgio Welby qui avait refusé l'acharnement thérapeutique, des funérailles lui ont été refusées par l'Église. )Une analyse attentive des conditions de santé du pape Jean-Paul II Il ne s'est pas encore passé un an depuis la mort de P. Welby, et cela semble si loin. L'âpre polémique entre les laïcs et les représentants autorisés du pouvoir catholique sur les droits du malade, l'euthanasie et l'acharnement thérapeutique est actuellement sup plantée par l'offensive provoquée par la hiérarchie vaticane contre la timide proposition de loi sur les unions civiles en Italie. Mais les problématiques que ce débat sur les droits du malade avaient suscitées sont tout à fait actuelles et non résolues. Elles font en effet partie constitutive de ce bouquet de thèmes dans lesquels l'Église catho

Ce fut lors d'un de ces débats, que me sont apparues en mémoire quelques images précises, comme le cadre d'un film. Il s'agissait de certaines attitudes du pape Jean-Paul II dans les dernières semaines de sa vie. C'étaient des images dramatiques lors de ses dernières apparitions en public.

lique, avec la seule lumineuse exception du cardinal Martini (cf. Golias n°115]

Mt 7,3 « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'oeil de ton frère, et n'aperçoistu pas la poutre qui est dans ton œil ? »

qui se défend de posséder la « vérité » et de devoir l'imposer, à tous. Pendant ces événements, j'écoutais de nom breux débats. Plus d'une fois il m'arriva d'entendre le représentant catholique

que lorsqu'il apparaissait à la télévision accompagné de commentaires rassu rants de la part du Vatican, j'avais

qui jugeait égales, en substance, les positions éthiques des laïques pro euthanasie et les idées des nazis. Leurs excuses - « fausse pitié », « per version » ou instrumentalisation - plus ou moins explicitement, mettaient en cause directement les familiers et les parents du malade. Je sentais qu'il y avait quelque chose d'intolérable dans ces offenses qui me révoltaient en tant que médecin et laïque.

Je me souviens alors à l'époque,

perçu un certain embarras, la sensa tion de quelque chose d'indistinct qui interférait avec la « vérité ». Une telle « dissonance » parmi les informations visibles et les informations verbales res tait longtemps sans explications, comme une provocation devant une des formes de ma nature quelque peu rebelle aux vérités établies. Jusqu'à ce

DR

qu'un jour, à la lumière des événements liés à P.Welby, ces images trouvent un

Golias magazine rt i ] 6 sept/octobre 2007 p. 17


FOCUS

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La mort douce de Jean Paul II

sens, une nouvelle signification claire et évidente, tellement évidente qu'appa raissait maintenant la raison de leur nature provocatrice : ces images racontaient comment était mort le

alors qu'il suivait de son studio le che min de croix. Il apparut pour la dernière fois à la fenêtre de son appartement

pape Jean Paul II.

par une cystite aiguë, qui provoqua un choc septique. Il mourut deux jours plus tard.

Pour me rafraîchir la mémoire, je m'assis à l'ordinateur et commençai une brève recherche à partir de mots comme « maladie, mort, pape Wojtyla ». Google me fournit une quan tité d'informations, notes d'agence, articles de journaux. Je trouvai aussi un volume récemment publié du médecin

pontifical le 30 mars. Le jour suivant ce fut la débâcle apparemment causée

Il ne fait d'ailleurs aucun doute que les médecins du Pape, et ce dernier lui-même, connaissaient parfaite ment l'évolution inéluctable mais cruelle et très lente du mal.

la pathologie sous-jacente, ne pouvait pas ne pas être définitive. De la première hospitalisation jus qu'à la dernière crise, toutes les communications transmises par le porte-parole du Vatican étaient foca lisées sur l'aspect respiratoire et pho natoire, et étaient imprégnées d'opti misme. L'intention était clairement de tranquilliser les fidèles en inspirant la confiance dans une guérison sécurisan te, même si on ne pouvait la com prendre intuitivement. Et rapidement sur la base des informations dispo nibles touchant à la pathologie, les mes

personnel de l'époque de Wojtyla, le docteur Renato Buzzonetti, dans lequel l'auteur décrit, parmi d'autres choses, les soins médicaux qui furent prodigués à son patient lors des dernières semaines de sa vie. Je le lus avec atten tion : cela ne rajoutait pas grand-chose à ce que je savais déjà, mais toutes les informations se ressemblaient soit avec le contenu des agences officielles soit avec mes hypothèses.

problème de la vie respiratoire n'avait pas été résolu, le patient aurait rencon tré des crises asphyxiantes toujours

plus faible et dépérissait.

Pour exposer mes idées, il est

plus fréquentes et dangereuses. La situation dans laquelle se trouvait le

prends à ne pas avoir passé au crible les informations d'un regard critique. Moi aussi, sous une forme de paresse intellectuelle, j'ai laissé mes percep tions se conformer à l'espérance de

opportun de revoir à grands traits les principaux événements de cette période. Le saint Père fut hospitalisé d'ur gence à la polyclinique Gemelli le 1er février 2005 pour une « laryngite tra chéite aiguë avec spasmes du larynx » qui avait provoqué une crise respiratoi re dramatique. Il resta sous contrôle dix jours puis fut libéré. Deux semaines plus tard, le cas clinique se représente avec une grande gravité en raison de quoi le patient fut de nouveau hospita lisé d'urgence. Le jour suivant son hos pitalisation lui fut pratiquée une tra chéotomie et lui fut installée une canule respiratoire. Il fut expliqué que la cause de cette crise était une « sténose fonc tionnelle du larynx ». La période d'hospi talisation fut cette fois de 20 jours, et le patient fut libéré le 13 mars. Dans les jours suivants le saint Père fit deux brèves apparitions à la fenêtre de son appartement sans être en mesure de parler. Le 25 mars il fut pris [vu] de dos

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La sténose fonctionnelle laryngée qui toucha le pape était une condition non réversible. Par conséquent, si le

patient était tellement risquée que le docteur Buzzonetti avait, préventive ment, considéré comme indispensable d'organiser, sous sa direction person nelle, une structure complexe de façon à pouvoir assurer le contrôle perma nent de son assisté. Dans son livre, il explique avoir activé « une équipe vati cane multidisciplinaire, composée de dix médecins réanimateurs, de spécia listes de cardiologie, oto-rhino-laryngologie, de médecine interne, de radiolo gie et pathologie clinique, coopéraient également quatre infirmier[e]s professionnel[le]s. Grâce à l'assistance rapide assurée par cette organisation, le saint Père ne mourut pas lors de la crise qui le mena à sa seconde hospitalisation. Le danger

sages semblaient dans leurs com plexités, crédibles. Je me souviens avoir écouté ces sereines communica tions pendant que je regardais le pape apparaître à la fenêtre de l'hôpital et puis à celle du Vatican. Quelque chose n'allait pas : le patient était toujours

A y repenser aujourd'hui, je me sur

guérison et aux paroles officielles sans les confronter avec les signes cliniques que je voyais. Mais lors de la dernière et drama tique apparition du pontife à la télévi sion, l'impact visuel fut tellement violent que je m'exclamais à haute voix : « Mais de combien a t-il maigri ? Il n'a pas la force de respirer ! Laissé comme ça, dans quelques jours il mourra ! ». Les événements successifs, - l'ago nie et les funérailles - avec leurs énor me caisse de résonnance dans les médias finiront par couvrir le souvenir

précédent, cependant, avait été tel que, en cette deuxième occasion, fut exé cuté subitement l'unique acte théra

critique des derniers moments. Et tout cela devint par assimilation, symboles, icônes, métaphores de martyr, chemin de croix et paraboles spirituelles.

peutique résolvant la situation patholo gique : la confection d'une voie respira toire alternative (trachéotomie] qui, vu

L'image qui, cependant, me restait en mémoire était cruelle, froide, exposée à un réalité évidente : le patient était mort


La mort douce de Jea o Paol II )F0CUS

pour des raisons qui n'ont pas été clai rement mentionnées. Les images disent que, parmi tous les problèmes du complexe cas clinique du patient, l'insuffisance respiratoire aiguë n'était pas la principale menace pour sa vie. Le pape était en train de mourir d'une autre conséquence que celle de l'implication des muscles du pharynx et du larynx provoquée par la maladie de Parkinson ; d'une consé quence plus lente à se manifester qui, si elle n'est pas traitée, se révélait éga lement dangereuse : l'incapacité de déglutir. Ne pouvant déglutir, le patient n'était pas en état de s'alimenter. Dans les derniers mois de la vie du pape les conséquences de cette infirmité étaient clairement visibles. DR

A écouter les bulletins du porteparole du Vatican, ces problèmes n'existaient pas. Une fois seulement, en coïncidence avec la première hospitali sation, le 3 février 2005, Joaquim Navarro-Valls expliqua après s'être informé de l'état de santé du pape, qui s'améliorait, que le patient « s'alimen tait régulièrement, et qu'il fallait exclure une alimentation alternative d'un genre ou l'autre ». Le fait singulier est d'avoir fourni une information semblable dans un communiqué où les conditions nutritionnelles n'étaient que discrètement mentionnées ; c'est-à-dire que cela lais sait entendre que quelqu'un, dans le staff médical, devait avoir posé le pro blème. Cependant, à ce moment là, il ne fut pas abordé. Le 13 mars après la seconde hospi talisation, le patient fut libéré et il lui fut concédé de pouvoir compléter sa convalescence au Vatican. A la suite d'un article (30 mars] du Corriere délia Sera, nous savons que quelques méde cins avaient proposé de commencer la nutrition artificielle à partir de cette date. Dans son livre le docteur Buzzonetti écrit que plus ou moins dans cette période, « la lente reprise des conditions générales était devenue diffi cile, que les conditions de déglutition

étaient devenues très difficiles, que les conditions phonatoires étaient assez laborieuses, à cause du déficit nutritionnel et de l'asthénie considérable. » De ces épisodes successifs, nous savons qu'il n'y eut pas de « lente repri se ». En réalité, les conditions du patient continueront lentement et inexorable ment à se dégrader. Il n'aurait pas pu en être autrement, l'apport nutritionnel étant dérisoire, et probablement que l'absorption de liquides était également insuffisante. Comment puis- je soutenir cette affirmation en toute sécurité ? Il n'y pas, pour autant que je sache, d'in formations officielles de la part du Vatican sur le sujet. Cependant sur une note de l'agence Adnkronos de la fin mars, on peut lire que le pape avait mai gri de 15 kilos depuis la dernière hospi talisation, alors que dans un article de « La Repubblica » de la même période, on parlait d'une perte de poids de 19 kilos. Au-delà de ces chiffres, le dépéris sement physique des derniers jours était déjà évident et impressionnant. Ce 30 mars, quand nous voyons le saint Père paraître à la fenêtre pour la der nière fois, sa structure musculaire affai blie par la dénutrition, mis à part la maladie de Parkinson, était désormais

tellement fragile qu'elle rendait fatigan te la respiration, même au travers de la canule ; mais par dessus tout, et cela est la chose la plus grave, le système immunitaire, compromis par la dénutri tion, était désormais tellement atteint qu'il ne pouvait plus lui assurer aucune défense, à tel point qu'une banale infec tion pouvait devenir mortelle en quelques heures.

Omission d'un acte thérapeutique L'après-midi du même jour, l'extrê me gravité de la situation convainquit finalement les cliniciens à insérer une sonde qui aurait bien dû être posée il y a quelques semaines déjà. Trop tard. Je m'aperçois subitement que je n'ai pas de critiques à adresser à l'é gard des médecins du pape, et même, je les comprends. Probablement que dans leur cas j'aurais agi de la même manière. Que s'est il passé ? Nous ne savons pas pour quelles raisons on n'a pas recouru plus tôt à l'alimentation artifi cielle, mais je peux l'imaginer. D'autant que cela peut être une affaire facile à expliquer à un patient âgé, habitué à décider, fatigué et fragilisé par une tra-

Golias magazine n°

16 sept/octobre 200/


FOCUS

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La mort douce de Jean Paul II

Ils ont laissé le saint Père dépérir jour après jour, comme en témoignent les images de cette période, nonobs tant le fait qu'ils se rendaient compte que dans cette situation il ne pourrait pas survivre longtemps. Vraisemblablement, s'exauçait ainsi le désir de sérénité d'un patient qui, à l'oc casion de sa précédente hospitalisa tion, avait demandé « avec une tou chante ingénuité » si pour l'intervention de la trachéotomie on ne pouvait pas au moins attendre les vacances d'été ! Encore plus vraisemblablement, les médecins savaient que cet acte « thérapeutique » serait considéré par lui comme un acharnement inutile. Une violence non seulement contre sa volonté qui, peut-être, s'y serait bien pliée, mais contre tout son être et sa dignité. De la part d'un patient, il ne faut pas beaucoup de mots pour dire cela à son médecin. De plus, s'il se connaissait depuis longtemps, comme dans le cas du docteur Buzzonetti et Karol Wojtyla, les mots peuvent devenir superflus.

chéotomie - qui, en outre, respire par l'intermédiaire d'une canule, qu'il fau drait subir un autre acte chirurgical consistant à insérer manuellement un petit tube dans l'estomac, pour pouvoir manger. Il est quasi certain que les médecins se sont tenus scrupuleuse ment à leur mandat, qu'ils ont proposé au patient tous les avantages et les inconvénients du traitement, mais qu'ils n'ont pas réussi à le convaincre de l'ac cepter en temps utile. La manoeuvre d'insertion est simple et peu traumati sante, surtout si l'on choisit la voie nasale, mais l'impact psychologique peut être très négatif. Probablement, le pape, de par l'âge et la maladie, n'avait ni appétit en suffisance ni suffi samment soif, c'est pourquoi sa faible alimentation ne le dérangeait guère. Sur le plan physique cependant, l'effet fut dévastateur. Les médecins en étaient conscients et auraient bien voulu y remédier, mais ils ne l'ont pas fait.

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Ce dont nous ne pouvons pas dou ter, est le fait que cela relevait de la volonté du patient lui-même. On ne peut expliquer autrement le fait qu'une équi pe médicale d'au moins quinze per sonnes, prête à sauver le pontife de n'importe quelle urgence et en ce cas de problèmes respiratoires et car diaques, ne soit pas intervenue alors que le patient mourrait lentement d'inertie.

lui vient aucun orgueil. Quand, il explique comment il discutait et coordonnait avec lui le programme des contrôles cli niques, il sort des actes thérapeutiques un rapport étroit basé sur l'estime réci proque et la confiance. Quand cepen dant, le livre arrive au point où il doit parler de la dernière action médicale, avant la crise finale, le style change, l'auteur « élude l'événement avec une seule phrase impersonnelle, comme s'il s'était trouvé ailleurs et avait copié/collé l'extrait d'une petite carte écrite par d'autres : « Le même jour on me communiqua que l'on avait entre pris la nutrition « entrale », au moyen de l'installation permanente d'une sonde naso-gastrique puisque la voie orale était devenue impraticable ». Le texte était devenu alors une note d'agence. C'est l'unique point, avec la phrase sur la « lente reprise », où le médecin cache l'impossibilité à déglutir de son patient.

L'impossibilité de déglutir C'est le moment de se demander le pourquoi de tant de nouvelles laco niques, ainsi que le silence de la part de tous les organismes d'informations vaticanes sur la pathologie qui menait le pape vers la mort. Il est impossible de donner une réponse, mais il est certain que dans ce cas, la « discrétion » a aidé à couvrir une évidente contradic tion entre l'expérience humaine de Karol Wojtyla - en qualité de patient et les doctrines du « bien objectif »

Le dernier jour avant I' « écroule ment » final, la petite sonde nutritionnelle fut installée. Ce fut un geste trop tardif pour être utile au patient, mais il révélait le drame et le conflit vécus par les médecins.

publiées par lui, qui sont les questions capitales des croisades politiques menée par les organes officiels de

Le docteur Buzzonetti, écrit dans un

d'analyser en détail chaque aspect de la dernière période de la vie du pontife.

style sobre et détaché mais non sans état d'âme. Quand il se raconte à chaque moment en compagnie du Saint Père, il laisse transparaître l'affection qu'il éprouve pour lui. Décrivant l'orga nisation qu'il avait créée pour l'assis tance et la sécurité de son patient, il ne

l'Eglise. C'est une contradiction telle ment évidente que je sens la nécessité d'avoir une réflexion de type bioéthique, mais avant de l'affronter, il est opportun


La mort douce de Jean Paul II

Parcourons à nouveau depuis le début le cours de la maladie de Karol Wojtyla jusqu'au moment de la premiè re crise respiratoire. A ce moment de l'histoire, construisons un scénario hypothétique. Imaginons ce qui se serait passé si le patient n'avait pas été ranimé avec une aussi bonne coordina tion, mais avec un retard de quelques minutes : ce qui aurait suffit à endom mager de façon irréversible le cerveau. Dans un tel cas, son cœur se serait remis à battre, mais il n'aurait pas repris conscience. Il serait resté dans ce cas de vie/non-vie définie comme état végétatif permanent, comme cela se passe souvent dans de nombreuses situations. Il n'y a aucun doute que dans ce cas, le pontife aurait été connecté à un respirateur, adéquatement nourri et hydraté à l'aide d'une sonde gastrique, comme il est obligatoire de faire dans la situation de tous les patients lésés cérébralement et en état végétatif per manent. Il serait vraisemblablement resté dans quelque limbe obscure, pen dant des mois ou des années. Il suffit que le patient soit nourri régulièrement et hydraté sans plus de problèmes res piratoires, il peut vivre même avec la maladie de Parkinson, qui l'avait tant fait souffrir. La « fin naturelle », cepen dant « aurait bien été postposée pour un temps indéfini ». Un tel événement, il est important de le dire, dans le cas de Karol Wojtyla, était une éventualité absolument possible, qui, cependant, fut conjurée par l'efficacité et la rapidité de l'équipe médicale. Rapidité et effica cité qui, du moins sur le plan alimentai re, ont ensuite manqué complètement. La succession dans le temps de ces deux situations [réanimation rapide sui vie de manque nutritionnel] et l'addition de leurs effets [survivance d'abord, décadence ensuite], ont déterminé la dynamique qui a produit la modalité et le moment du décès. La mort du pape telle qu'elle s'est finalement passée n'é tait pas un événement inéluctable et chronologiquement déterminé comme l'expression « fin naturelle » le laisse rait entendre.

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Il est à remarquer que le soin qui n'a

niveau tel qu'ils provoquent une rupture

pas été administré au patient, ce qui veut dire la nutrition artificielle, est pré cisément le traitement qu'un document

que l'on ne peut plus enrayer dans tout le reste de l'organisme. La « fin »

approuvé par le Comité national de bioéthique en septembre 2005, voulu par le groupe des bioéthiciens catho liques, a codifié comme ce « soutien de base » fixe qui ne peut jamais être nié, refusé en aucun cas, pour aucun patient. Dans l'intention des rédac teurs, le document était valable pour les patients en état végétatif perma nent, mais les bases qu'il exprime sont claires sur la façon dont doit être appli

pour l'homme et les êtres vivants, pour ce que nous médecins nous voyons, n'est quasiment jamais comparable comme cela semble l'être en écoutant Benoît XVI a une flamme qui s'éteint après la lente combustion d'une bougie. C'est plus semblable à la détérioration assymétrique des engrenages d'une machinerie qui, d'une façon ou d'une autre, se désorganise, d'une manière arbitraire et traumatique. Cela vaut aussi pour Jean-Paul II.

quer cette thérapie.

Une mort qui semble « naturelle » Dans le camp ecclésiastique, le texte de référence est Evangelium Vitae. Sur la base de l'encyclique qu'il avait lui-même écrite, Karol Wojtyla, aurait bien du faire usage de fous les moyens mis à la disposition de la méde cine moderne, et en particulier aurait du accepter à temps le support nutri t i o n n e l a r t i fi c i e l , p u i s q u e , a y a n t surmonté la crise respiratoire, sa mort n'était ni imminente, ni inévi table ». Avec ce type de traitement on assu re, aujourd'hui en Italie [et ailleurs], de bonnes conditions nutritionnelles à des milliers de malades. Le fait que la mala die de Parkinson, dont souffrait le ponti fe, fut même dans une phase très avancée, ne signifie pas que les réserves vitales globales du patient aient été épuisées. Néanmoins, on peut en déduire qu'il serait bien mort, sim plement du fait que le pontife était âgé. Dans la médecine, les choses ne fonc tionnent pas comme ça. Si la vieillesse est au sens large, la limite naturelle de la vie, en réalité personne ne meurt simplement parce qu'il est vieux. Le décès est un événement qui, normale ment, est causé par le fait que un ou plusieurs organes ou fonctions deviennent malades et qui arrive quand leurs disfonctionnements atteignent un

Le 24 février, en répondant aux journalistes, le professeur Gianni Pezzoli, directeur du Centre pour la Maladie de Parkinson à Milan, décrivait le patient Wojtyla dans les termes sui vants : « Le pape a montré qu'il avait un physique fort et qu'après le premier séjour à l'hôpital il s'était très bien remis. Mais dans un cas comme le sien il est normal que les crises se répètent, et qu'une intervention de trachéotomie puisse l'aider ». Je rapporte ces paroles pour montrer que le profes seur met l'accent sur la gravité de la pathologie de certaines fonctions, mais, nous informe que le physique est « fort », laissant entendre que le cœur, les poumons et les autres fonc tions sont en bonnes conditions et pourraient assurer au patient une vie encore longue. L'évolution de la maladie du pontife, vue de l'extérieur est apparue « logique » parce que le patient « semblait » assez âgé et faible, de telle façon que le décès semblait à tous « naturel » dans le sens que personne ne l'a trouvé étrange. Sur le plan de la communication, ce qui se passa donc avec Wojtyla a pu satisfaire la dimen sion humaine, le vécu religieux d'une agonie comme une douce résignation. Dans les faits, cependant, une telle apparence est aussi doucement faus se. La réalité des choses est telle que, épuisé à mort par asphyxie, Karol Wojtyla aurait bien pu vivre encore

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La mort douce de Jean Paul II

conduite inspirée de principes moraux, et une autre qui mérite d'être com parée au nazisme ? Est-ce seulement cette nuance dans la communication qui est si importante pour l'Eglise ? Pour le découvrir, ou pour chercher à comprendre ce qu'il y a derrière, il faut penser à nouveau au parcours thé rapeutique du défunt pontife, le passer au crible de la façon la plus attentive possible, et chercher les comparaisons avec le système des principes exprimés clairement dans Evangelium Vitae.

La mort du pape à la lumière de l'encyclique "Evangelium Vitae" Dans les derniers mois de la vie de longtemps, mais cette option, il l'a écartée. Après la mort de Welby, le nouveau pape Benoît XVI a confirmé avec emphase que la vie est protégée jus qu'à la fin de son « déclin naturel ». Nous savons que l'expression « déclin naturel », prononcée avec tant de naturel, ne correspond à aucune réalité objectivement observable. C'est une qualité philosophique attribuée de façon suggestive et que, quelle que soit la situation on ne vérifie jamais aujour d'hui dans la médecine moderne. Il semble que le pape Ratzinger ne se soit pas rendu compte que son prédéces seur, non seulement a été soustrait au destin où l'aurait conduit naturellement la maladie, mais qu'il a été aussi accom pagné avec douceur dans un parcours moins lourd, vers une fin moins drama tique que celle qu'il aurait pu rencon trer.

La différence Wojtyla/Welby Piergiorgio Welby, malade de dys trophic musculaire depuis quarante ans, était rattaché à un respirateur depuis neuf ans et n'était plus désor mais capable de bouger que les

lias magazine n° 116 sept/octobre 2007

muscles de la tête, manifestant la volonté d'être détaché de la machine qui le maintenait en vie. En quoi exacte ment sa situation est-elle différente de celle de Karol Wojtyla ? Dans les faits, l'unique différence est qu'à l'un, le sou tien technologique nécessaire pour qu'il puisse respirer lui a été enlevé à sa demande. A l'autre, en revanche, de par sa volonté, le soutien ne lui a jamais été fourni. Les deux patients sont décédés par absence d'instruments indispen sables pour les maintenir en vie. Peutêtre est-il opportun de préciser que les deux traitements ne sont pas équiva lents : en fait, la ventilation mécanique n'était pas en mesure d'améliorer l'état de santé de Welby, alors que l'alimen tation artificielle aurait amélioré, de beaucoup, les conditions physiques du pape. La différence est que Welby a demandé publiquement que quelqu'un intervienne avec la perspective explicite de mourir suite à cette intervention. Wojtyla n'a pas fait cette déclaration publiquement. A ce point, c'est le moment de se demander : est-ce pour l'Église catholique cette différence qui, vraiment, « compte » ? C'est-à-dire qu'il convient de distinguer entre une

Wojtyla, après l'intervention d'une tra chéotomie, la déglutition est désormais devenue quasiment impossible, et les médecins savent donc que le problème ne peut être résolu que moyennant l'in sertion d'une sonde dans l'estomac. Je reviens sur le détail de cette situation pour montrer et mettre au clair comment les échappatoires sont impossibles dans la sphère de la pra tique médicale, pour autant que cela concerne l'évaluation éthique et les décisions possibles qui peuvent être prises. En fait, les scénari possibles qui pourraient être vérifiés, à ce moment de l'histoire, sont seulement au nombre de trois : 1.- Le nouveau traitement nécessaire n'a pas été proposé au patient. Dans ce cas, le pape, non informé, n'au rait rien pu « refuser », mais il est évident qu'il y aurait eu accomplis sement d'un très grave acte d'omis sion de la part des médecins, en opposition à la déontologie, et donc passible de sanctions pénales. 2.- Le patient a été informé, mais on ne lui a pas bien expliqué la gravité de la situation et les conséquences du choix. Dans ce cas également nous


La mort douce de Jean Paul II

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sommes en face d'une grave omis sion : le patient doit être mis en posi tion de comprendre que le refus va à rencontre d'une thérapie ; 3.- La troisième hypothèse, l'unique en réalité qui soit plausible, est que le pontife a été informé, qu'il a com pris, et qu'il a refusé. L'improbabilité des deux premières hypothèses est évidente si on considè re qu'au chevet du malade, il y avait les meilleurs cliniciens d'Italie, et non pas un simple médecin de campagne, et que l'insertion d'une sonde par voie nasale n'est nullement dangereuse. De toute façon, comment considérer le comportement des médecins dans ces deux éventualités à la lumière de la doc trine catholique ?. Pour les philosophes catholiques, l'euthanasie est un acte qui comporte les caractéristiques suivantes : - on n'admet pas de distinction éthique entre une action qui pro voque la mort et une omission qui la cause aussi indirectement ; l'euthanasie est une sous- catégorie de l'homicide, en substance il n'y a pas de différence morale entre les deux actes et pour la condamnation de l'acte, le consentement du patient est un non-sens. La professeur Silvia Navarini, universitaire de Bioéthique auprès de l'Athénée Pontificio Regina Apostolorum, donne une description objective de ce que peut être la volonté dans l'euthanasie. Dans les Cahiers de Sciences et Vie [version italienne] elle écrit : « il est clair qu'il n'y a pas de différence éthique entre tuer volontai rement et laisser mourir alors qu'on aurait pu intervenir ». Dans les cas 1] et 2] que nous avons considérés ci-dessus, la respon sabilité du manque de traitement

reviendrait exclusivement aux méde cins et l'accusation envers eux serait exactement celle d'euthanasie non consensuelle, c'est-à-dire d'homicide. Dans un tel cas, si de leur part se trou ve le manque d'intention de donner la mort au pontife, cela ne réduirait pas la

gravité de l'acte. En effet, cela serait une défense intenable en face de la res ponsabilité objective : ils étaient parfai tement conscients que, privé d'une ali mentation suffisante, le patient ne pour rait pas survivre. Les omissions dans l'information auprès du patient, par

Golias magazine n 116 sept/octobre 2007 p.23


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La mort douce de Jean Paul II

catholiques n'ont aucun doute sur les concepts d'intention et d'accep tation des soins : quand le patient rejette consciemment une thérapie qui sauve la vie, son action, unie au com portement soumis - omissif [complice]des médecins, doit être considérée comme euthanasie, ou pour être plus précis comme suicide assisté. Il est possible que Jean-Paul II, auteur de l'Encyclique Evangelium Vitae, n'ait pas compris la signification du rejet d'un soin fondamental, comme il l'avait soutenu dans son texte. Nous pouvons analyser la définition de « l'acharnement thérapeutique » dans l'encyclique pour essayer de mieux comprendre : « On considère comme « acharnement thérapeutique » (...] certaines interventions médicales qui ne sont plus adéquates à la situation réelle du malade parce que désormais disproportionnées aux résultats que l'on pourraient espérer ou aussi parce que devenues trop lourdes pour le malade et sa famille ». Dans cette situation,

- Père, éloigne de moi ce calice amer - Mon petit Jean, tu crois que tu es en Hollande ? !

conséquent, contribueront de fait à l'ab sence d'un acte par lequel on aurait pu empêcher le décès. Les deux hypothèses constitue raient un homicide mais sont impro bables. A ce point, il vaudrait mieux les exclure. En théorie existe aussi une « quatrième possibilité », c'est-à-dire que le patient « n'était pas en état de comprendre » la situation et les expli cations : j'ai exclu à priori cette hypo thèse parce qu'elle est contraire à l'évi dence. Reste donc en lice seulement la troi sième hypothèse : le patient a pris une décision, après avoir été informé des

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conséquences. Analysons ce choix à la lumière des définitions de l'encyclique données sur « l'euthanasie » :« par euthanasie dans le sens vrai et propre on doit entendre une action ou une omission qui, dans sa nature et dans les intentions, conduisent au décès, dans le but d'éliminer toute douleur ». L'euthanasie se situe, donc, au niveau des intentions et des méthodes uti lisées. Alors, sur la base de mes critères, j'aurais quelque doute à définir comme actes d'euthanasie ceux qui ont conduit au décès de Wojtyla, parce que il n'y avait aucune présence d' acteurs dési rant causer la mort du patient. Mais les

quand le décès se profile imminent et inévitable, on peut, en conscience « renoncer à des traitements qui pro cureraient seulement un prolongement de la vie précaire et pénible, sans pour autant interrompre les soins normaux dus au malade dans un tel cas. [...]. Le renoncement à des moyens extraordi naires ou disproportionnés n'équivaut pas à un suicide ou à l'euthanasie ; il exprime plutôt l'acceptation de la condition humaine face à la mort ». Selon l'encyclique donc, les requis nécessaires à la définition d'« acharnement thérapeutique » sont très nombreux, requis que la situa tion de Karol Wojtyla ne satisfait pas : le concept de « l'imminence » de la mort inévitable, comme aussi de la « disproportion » en face des résul tats. En plus, le document du Comité national pour la bioéthique - voulu et écrit par les catholiques - exprime à nouveau clairement que l'alimentation au moyen d'une sonde doit toujours être considérée comme un soin normal


La mort douce de Jean Paul II

et jamais comme un moyen extraordi naire : le traitement est tacitement exclu du vocabulaire de I' « acharne ment » et qualifié au contraire comme « le soutien ordinaire de base (...) indis pensable, pour garantir les conditions physiologiques de base pour vivre ». Ce soin ne pouvait donc en aucun cas être refusé. Il existe aussi une Charte pour les médecins et infirmières publiée par le Conseil Pontifical de la pastorale pour la santé, écrite quand le pape était en vie, et qui utilisait une formule différente et quelque peu douteuse : « l'alimentation et l'hydratation, même artificiellement administrées, font partie des soins nor maux, toujours dus au malade quand ne résulte rien de lourd pour lui : leur sus pension pourrait avoir la signification d'une vraie et propre euthanasie ». Je désapprouve les concepts de « bien » et « mal », objectifs auquel fait référence la doctrine catholique ; dans ce document apparait l'expres sion subjective « lourd pour lui ». Cela indique clairement une perception indi viduelle ; le vécu intérieur et intime du malade. Nonobstant cela, le document laisse apparaître une contradiction dan gereuse, disant que la suspension de celle-ci « peut » avoir la signification d'euthanasie. D'accord, mais quand ? Evidemment, quand la perception indivi duelle détermine la mort consciente et donc volontaire du patient. C'est-à-dire toujours. Au sein de l'Eglise catholique, il y a aussi une opinion complètement diffé rente : elle est exprimée dans le fameux manifeste du Cardinal Carlo Maria Martini qui provoqua l'irritation du Vatican. Ici apparaît une sensibilité et par-dessus tout une position éthique avec laquelle les documents précé dents sont incompatibles. Le cardinal Martini décrit son idée sous forme d'une contribution intellectuelle qui cherche à comprendre plus qu'à juger.

Il attire notre attention sur le fait que certains concepts très aimés des mou vements « pro vie » soient suscep tibles d'être utilisés de façon trop sim pliste ; il observe qu'il convient d'établir si la mort est « naturelle » ou si un traitement est approprié ou non, et il affirme, d'une façon qui semble hérétique au Comité national de bioé thique, que « on ne peut pas se référer à une règle » qui soit unique et de valeur généralisée « quasi mathémati quement ». Le cardinal définit le vécu de chaque individu comme une

Lorsque Welby formula sa demande, Jean-Paul II était mort depuis un an. Quelle réponse aurait-il bien donné si la question lui avait été posée ? « vérité » incontestable, qui peut être comprise seulement par celui qui la vit, et observe que l'acharnement a toujours une composante subjective qu'on ne peut éliminer. Cela se définit toujours comme les soins qui sont « vus disproportionnés par le patient ». « Aucune demande » conclut-il « ne peut être ignorée si elle est revendiquée par quelqu'un sous respirateur artificiel en phase ter minale « Le concept que la « vérité » sur la vie soit déterminée d'abord par la subjectivité de l'individu est une affirma tion puissante de principe, une valeur qui contraste nettement avec tous les « requis objectifs » défendus et demandés par Evangelium Vitae. De son côté, le pape Wojtytla n'avait pas de doute sur le fait que la sonde pour l'alimentation aurait été un acte dispro

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convaincus que son refus fut « l'accep tation de la condition humaine face à la mort ». D'autre part, c'était son droit. La compassion des médecins [« faus se » selon l'encyclique] lui a conseillé d'agir sur la base d'une telle conviction, et il a pu attendre « sereinement le moment de la délivrance », pour « aller vers le Seigneur ». Il se peut que Piergiorgio Welby ait espéré vivre plus que le pape et désiré moins que lui « d'aller vers le Seigneur ». Lui aussi avait souffert et lutté longuement. A la fin, ne réussis sant plus à cessé d'être relié au respi rateur même quelques minutes, quand les deux derniers doigts de la main ne répondaient plus à sa commande, il n'avait aucun doute sur le fait que les renforts qu'il avait acceptés pendant des années étaient devenus insuppor tables, trop lourds pour lui. Lorsque Welby formula sa deman de, Jean-Paul II était mort depuis un an. Quelle réponse aurait-il bien donné si la question lui avait été posée ? L'auteur de Evangelium Vitae, aurait refusé et condamné la demande. Le vieux pape trachéotomisé cependant, peut-être, l'aurait compris et écouté, à partir du moment où il l'a fait pour lui-même. Autrement, certainement, il nous aurait volontiers expliqué la différence qui exis te sur le plan moral, entre le refus d'une sonde pour être alimenté et le refus d'une machine pour respirer. Nous, profanes, ne sommes pas en mesure de saisir une telle nuance. Force est de constater que si pour Karol Wojtyla on a entamé un processus en canonisa tion, on a bel et bien refusé à Piergiorgio Welby, les funérailles catho liques demandées par ses proches. Traduit pour Golias par Christine Bentley

portionné et pesant pour lui. Son refus pouvait se vivre et s'interpréter comme un signe de la fin de son parcours ter restre qu'il admettait attendre avec anxiété. Evidemment, (je suis parmi] les Golias magazine n 116 sept/octobre 2007 p.25


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un pape dans sa bulle Dossier réalisé par Christian Terras Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.27


R A D I O S C O P I E

E n q u ê t e Benoît XVI est-il crédible ?

Editorial Christian

Ce pape est-il crédible ? Te r r a s

Beaucoup de chrétiens, parmi lesquels Golias a la chance de se compter, entendent entrer en résistance contre les orien tations intransigeantes et rétrogrades de l'actuel pontificat. Si l'insolence est souvent de mise, il ne s'agit pourtant pas, dans notre esprit, d'une sorte d'opposition systématique et indifférenciée, adolescente, qui chercherait à tuer le père, ou, pour parler comme Nietzsche, à faire disparaître le fantôme de Dieu qui, toujours, nous hanterait. Cette résistance spiri tuelle s'impose comme un devoir et comme une conviction, en raison de ce qu'une analyse rationnelle nous permet de dis cerner, serait-ce en filigrane, de ce pontificat. En effet, il nous paraît clair que Joseph Ratzinger entend donner un véritable coup de barre dans un sens réactionnaire, en oppo sition avec les intuitions et les intentions qui donnent tout son sens à Vatican II et sans lesquelles il serait lettre morte, corpus intellectuel dénué de sens. La véritable fidélité n'a rien d'une sou mission aveugle et volontairement candide, ni d'un écrasement maladif de sa liberté et de la réflexion intellectuelle ; elle est d'abord obéissance dans la foi et de la foi à l'esprit de Dieu, et non un chèque en blanc à des hommes d'Eglise surtout dans les questions les plus discutables. Fort avisée à cet égard, la théo logie traditionnelle n'a d'ailleurs jamais fait de l'obéissance une vertu proprement théologale, contrairement à l'amour. Etre fidèle à Dieu et à l'homme, ce qui est indissociable, suppo se un esprit de franchise, de liberté, le respect de la recherche de la vérité en conscience et a fort peu à voir avec un applatissement pusillanime et avachi devant un puissant du jour. Nous ne mettons pas en doute les bonnes "intentions personnelles" d'un Benoît XVI qui s'était défini, le soir de son élection, au bal con de Saint Pierre, comme un humble serviteur dans la maison du Seigneur. Sa sincérité, sa loyauté et son amour personnel du Seigneur ne font pas même l'ombre d'un doute. En revanche, nous estimons de notre droit de récuser certains choix philosophiques et théologiques de fond qui expriment le style propre de ce pontificat et lui donne d'une certaine façon, malgré tout, sa cohérence. Universitaire, Joseph Ratzinger n'a rien d'un moniteur de colonie et encore moins d'un gardechiourme. Les intrigues de Curie, qui se soucient souvent très peu du fond, lui échappent pour une large part. C'est également pourquoi, d'ailleurs, il a placé à la tête de la Secrétairerie d'Etat un salésienj italien, le cardinal Tarcisio Bertone, éloigné de ces manoeuvres, après avoir songé, dit-on, à y nommer le Nonce en France, Mgr Fortunato Baldelli, prélat profondément spirituel. Ce que nous nous permettons, en toute fraternité évangélique, de reprocher à Benoît XVI est d'un autre ordre. Ce dernier n'a p.28 Golias magazine rf 116 sept/octobre 2007

donné suite à aucun des projets de réformes évoqués lors du Conclave de 2005, lors même que, certes de façon progressi ve, il réalise peu à peu un programme de restauration, discipli naire, morale, doctrinale et liturgique, qui tourne le dos aux audaces du Concile et du post-Concile. Nous ne pouvons ici dres ser une sorte d'inventaire, d'autant plus qu'au réquisitoire devrait s'ajouter une plaidoirie. Nous nous permettons, unique ment à titre d'exemple, de relever trois points : - l'exténuation de la dimension critique, notamment exégétique, du discours du Pape et de l'homme Ratzinger dont témoigne son "Jésus" très décevant ; (voir ci contre l'analyse du théologien italien Franco Barbera], - la glaciation croissante du dialogue avec les protestants, les juifs par le silence assourdissant du pontife [voir ci-après l'article d'Anna Gan sur le pape et Auschwitz] ; - l'occultation délibérée d'une dimension historique et sociale novatrice, en particulier en Amérique latine, comme en témoigne "l'expurgation" de la théologie de la libération dans le document d'Aparecida. Sans oublier le défi lancé au Premier Ministre espagnol avec la récente et massive béati fication de martyrs de la guerre d'Espagne (voir notre article "Les fantômes de Franco sur les autels"]. Des observateurs un peu superficiels ont cru pouvoir se réjouir du dialogue, de haut vol, entre Joseph Ratzinger et le philosophe Jûrgen Habermas pour vanter l'ouverture intellectuelle du Pape [voir à ce sujet, notre analyse d'un débat finalement avorté]. Or, ce qui oppose ces deux grands esprits est précisément ce qui sépare l'intransigeantisme, même avec le sourire, d'un esprit d'ouverture au pluralisme. Depuis Etienne de la Boétie, nous savons que les hommes se prêtent volontiers à la servitude volontaire, nous savons aussi qu'il n'y a peut-être rien de plus effrayant, [relisons Fédor Dostoievski], pour l'homme que sa propre liberté. Est-ce une rai son pour ne pas courir le risque ?

N. B. Nous publierons dans notre prochain numéro (117) différentes contributions envoyées par nos lecteurs suite au lancement du "Manifeste pour un catholicisme du XXI" siècle".


R A D I O S C O P I E

E n q u ê t e Benoît XVI est-il crédible ?

L'embarrassante médiocrité du «UeSUS»

de Ratzinger Franco Barbero Traduit de l'italien par Christine Bentley

« Il peut être imprudent ou prématuré d'exprimer une évaluation globale sur l'oeuvre difficile de Joseph Ratzinger avant que ne paraisse le deuxième volume. Mais cette première partie sollicite déjà une confrontation qui, malheureusement, ne sera pas aussi vaste et développée que cet écrit le mériterait. Plus encore, les pages dédiées aux paraboles et aux béatitudes témoignent de la passion sincère et profon de de Joseph Ratzinger. Il me plait de le reconnaître sans demi-mot au début de ce compte rendu critique.» Ainsi s'exprime le théologien italien Franco Barbero dont nous publions l'analyse critique qu'il fait du livre de Joseph Ratzinger, pape, sur «Jésus». Un des rares théologiens en Europe à avoir eu le courage d'oser une telle confrontation publique. Mais à la lecture de ces pages, j'ai plus retrouvé l'auteur que Jésus de Nazareth. On y parle, selon mon point de vue, d'un écrit dans lequel Ratzinger, croyant passionné et théologien dogmatique militant, a estampillé en lettres claires sa retraite spirituelle et psychologique d'homme, de philosophe, de croyant. Le timbre de sa personnalité et les clairs obscurs de sa réflexion émergent à chaque page. Cette « menace » de la personnalité de Ratzinger, à mon avis, entraîne le prévaloir d'une thèse préconstituée sur la documentation d'une recherche rigoureuse, sérieusement comparée. De temps en temps, les préoccupations pastorales, bien visibles dans sa ges tion de la suprématie romaine, percent et s'expriment avec clarté, et affleurent alors les vibrations de la tonalité apologé tique des discours et des sermons papaux que nous connais sons : « La primauté de Dieu est en jeu. Il s'agit de reconnaître cela comme une réalité, une réalité sans laquelle rien d'autre ne peut être bon. On ne peut diriger une histoire avec des struc tures matérielles purement inventées, faisant abstraction de Dieu. Si le cœur de l'homme n'est pas bon, alors aucune autre chose ne peut devenir bonne. La bonté du cœur ne peut venir que de celui qui est Lui-même la bonté, le Bien » [p.56]. Tout de suite après la pensée de Ratzinger devient encore plus expli cite : « Le Seigneur se lève à nouveau, rassemble les siens «

DR

sur la montagne » [...] et à ce moment, dit effectivement : « Tout pouvoir m'a été donné sur la terre comme au ciel » [Mt 28,1 S]. Deux aspects ici sont neufs et différents : Le Seigneur a le pouvoir au ciel et sur la terre. Et seulement celui qui a tout pouvoir a le pouvoir authentique, le pouvoir salvateur. Sans le Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.29


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ciel, le pouvoir terrestre reste ambigu et fragile. Seul le pouvoir qui se met sous le discernement et sous le jugement du ciel, c'est-à-dire de Dieu, peut devenir un pouvoir pour le bien. Et seul le pouvoir qui reste sous la bénédiction de Dieu peut être fiable. » [p 61-62.]. Au fil du volume on trouve, insérées, toutes les « batailles » qui caractérisent la « militance » théologique et pastorale de Ratzinger. Il faut choisir entre « une liberté aveugle et arbitrai re » et « une liberté illuminée » : « Cette liberté est restée entièrement soustraite au regard de Dieu [...] la liberté pour la juste laïcité de l'Etat s'est transformée en quelque chose d'ab solument profane, en « laïcisme », par lequel l'oubli de Dieu et l'orientation exclusive vers le succès semblent devenir les élé ments constitutifs »(p.147]. Ne pouvait manquer la référence à la famille : « Mais pour l'église naissante comme pour celle qui a suivi, depuis le début il a été fondamental de défendre la famille comme le cœur de chaque système social, s'engageant dans l'accomplissement du quatrième commandement dans toute l'ampleur de sa signifi cation : nous voyons comment aujourd'hui la lutte de l'église est basée sur ce point »[p.149].

pourthéologie un intellectuel comme Ratzinger ! IUne de bazar ! Étonnant Je pourrais poursuivre en citant ces « actualisations » qui, dira-t-on, ne représentent rien de nouveau au regard de la caté chèse hebdomadaire. Mais ces affirmations , peut-on noter, se sont avérées particulièrement pesantes par le fait qu'elles sont présentées comme des déductions logiques et des consé quences serrées de l'enseignement de Jésus ;

la thèse de la divinité ontologique de Jésus et cherche à la démontrer avec les argumentations que l'exégèse la plus tradi tionnelle et conservatrice lui fournit. Tout cela se fait dans une confrontation tellement restreinte qu'elle ne respecte en aucu ne façon l'ampleur de la recherche qui est en jeu, la pluralité des voix, la multiplicité des parcours christologiques et le virage herméneutique qui caractérisent le travail historique, exégétique, interdisciplinaire et oecuménique qui au moins depuis deux siècles est en plein développement et qui dans les der nières cinquante années a subi une accélération et une expan sion vraiment féconde de la part des nombreux théologiens, chercheurs et croyants passionnés, souvent amoureux de Jésus. Il n'est pas suffisant de reconnaître les mérites et les démé rites, fruits et limites des méthodes historiques et critiques, si ensuite on reste au sein d'une recherche entre quatre ou cinq amis et quelques auteurs qui ne sont pas d'accord. Ca c'est de la "théologie de bazar" qui étonne, pas qu'un peu, chez un auteur comme le nôtre. En regardant simplement la modeste collec tion des 2.780 œuvres expressément christologiques de ma bibliothèque personnelle, j'ai constaté avec tristesse que Ratzinger ne s'est pas vraiment confronté à ces recherches avec lesquelles, aujourd'hui, à mon avis, il est obligatoire de se mesurer. Il me semble peu digne et peu rigoureux de ne pas tenir compte des écrits de Patterson, Barbaglio, Sanders, Theissen, Rendtorff, Charlesworth, Boismard, Ortensio da Spinetoli, Pesce, Destro, Pikaza, Dupuis, Haight, Pannikar, Dotolo, Kung, Queiruga, Knitter, Kuschel, Hick, Schussler Fiorenza, Gilkey, Schillebeeckx, Amaladoss, Ruether, Filoramo, Borg, Crossan, E. Johnson, Wengst, Vouga, Geffré, Tamayo, Tepedino, Duquoc, Gianotto, Sobrino, Balasuriya, Prabhu, Scaccaglia, Wright et de tant d'autres. Il semble que pour notre auteur, l'Asie et l'Afrique n'aient pas

Ma perplexité à propos de ce livre grandit encore quand on entre sur le terrain de l'exégèse et de l'herméneutique. A ce propos, si l'espace le permet, j'aurais une avalanche d'observa tions critiques à avancer sur le terrain de l'interprétation. Déjà, l'identification du Jésus réel avec le Jésus historique est problématique. Des universitaires catholiques comme Salas et c nous mettent en garde contre le risque d'approxima tions similaires : « Le Jésus historique n'est pas le Jésus réel. Le Jésus réel n'est pas le Jésus historique. Je souligne ce para doxe depuis le début, parce que, de la « recherche du Jésus historique », naît une confusion sans fin si on ne distingue pas clairement ces deux concepts » [J.P.Meier, un hébreu marginal, vol1, Queriniana, Brescia 2001, p.25). Mais le livre, plutôt que de documenter une histoire et un parcours, procède en énonçant et en répétant continuellement

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produit d'études et qu'il n'existe pas de théologien au féminin. La recherche chez Ratzinger semble se fermer au-delà des frontières de son Allemagne et, de plus, elle s'arrête à quelques auteurs, bien peu nombreux. A cette christologie manque le courage de rassembler les défis de la recherche récente et contemporaine. Je me suis parfois trouvé plus près de la rhéto rique catéchistique que de l'exégèse : « Dans l'énigmatique expression « Fils de l'Homme » nous touchons de près à l'es sence véritable de la figure de Jésus, de sa mission et de son être. Il provient de Dieu. Il est Dieu ». [p.383], Affirmations qui, à mon avis, résultent d'un simplisme impressionnant après les études de Vermes, de Lapide, de Calimani et d'une centaine de biblistes juifs et chrétiens sur la métaphore « Fils de l'Homme ». On s'aperçoit souvent que Ratzinger n'est pas un exégète, et les pages dédiées à l'Evangile de Jean montrent I eloignement


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de notre auteur des recherches plus accréditées. A la page 284, il cite directement la Première lettre de Jean 5,6-8 comme étant le texte d'origine alors que, par consentement unanime des chercheurs, il s'agit d'une adjonction qui remonte à la pério de des formulations trinitaires. Son incompétence est évidente

des copistes, récoltant le tout dans des contextes historiques et

quant à la critique textuelle du Second ou Nouveau Testament.

acquises dans les revues spécialisées : « Au sein de la littératu re judaïque, l'appellation « Fils de Dieu » n'a pas la signification qu'elle aura plus tard pour les dogmes chrétiens, c'est-à-dire qu'une personne est en même temps un homme et Dieu. Cela signifie seulement qu'une personne à qui Dieu a confié une char ge, ou bien une personne qui suit la volonté et les desseins divins en est, en ce sens, le fils, tout en restant cependant intégrale ment et exclusivement un homme. [...] En bref, cette formulation

Mais tournons nous vers la thèse de la divinité de Jésus. Dans le livre, si j'ai bien lu, je l'ai trouvée exprimée de façon explicite au moins 49 fois : « Vraiment comme homme il était Dieu »(p.19], « c'est seulement Lui qui est Dieu, voyez Dieu », [p.309], « Cet homme qui est Dieu » (p.124], « Il est Dieu » (p.383], (....] même, « Cette affirmation signifie littéralement : Oui, en Dieu même, il y a pour l'éternité le dialogue entre le Père et le Fils qui, dans l'Esprit saint, sont vraiment le même et unique Dieu » [p.368], Et nous sommes au dogme de la Trinité ...

linguistiques appropriées, accomplissant une œuvre de philoso phie des religions. L'œuvre précieuse d'Augias-Pesce a suscité ces derniers mois polémiques et nombreuses réactions. Elle a eu le mérite de divulguer des connaissances pacifiquement

n'exprime pas la nature divine de Jésus » [Enquête sur Jésus, Mondadori, p.91].

Je ne remplirai pas la page avec d'autres citations, mais notre auteur relie tous les titres christologiques à la divinité de Jésus de manière directe et péremptoire. Ce n'est pas le moment de s'éterniser sur la signification des articles christo

Si l'on ne sort pas de la prison des formules qui ont eu un sens à leur époque, et si on ne rénove pas le langage de la foi, la prédication est-elle possible aujourd'hui ? Ces informations communes et acquises, toujours susceptibles d'être approfon dies ultérieurement, sont aussi le fruit d'un dialogue avec le

logiques qui, comme l'écrit Barbaglio, ont une valeur fonction nelle, c'est-à-dire qu'ils veulent illustrer la fonction que Dieu a assigné à Jésus : « pour éviter les malentendus possibles et même existants, il parait nécessaire de préciser que la foi des

judaïsme qui ne se limite pas, comme le fait Ratzinger, à une reconnaissance générale de la judaïté de Jésus. « Il n'y a pas une seule idée ou coutume, une seule des principales initiatives de Jésus qui ne soient pas intégralement juive. Il croit en un Dieu

premiers chrétiens en Jésus n'a pas pris la place de la foi en Dieu : ils n'ont en rien abjuré le monothéisme hébraïque, l'ap

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partenance [la confession] c'est-à-dire à l'unique Dieu existant. Ils ont exalté chaque discours de Jésus [...] mais ils ne se sont jamais poussé à faire de lui un second Dieu ». [G.Barbaglio, Jésus, hébreu de Galilée, Dehoniane, p.168].

I Jésus était hébreu, pas chrétien ! Jésus ne s'est jamais appliqué à lui-même les titres de gloi re que ses disciples lui avaient conféré : « Jésus n'aurait jamais parlé de lui-même en ces termes : il ne prétendait pas en fait être Dieu incarné. Mais il affirmait la présence du Règne de Dieu. Telle est l'origine de la conviction chrétienne fondamenta le selon laquelle Dieu est présent dans la condition humaine. Ceci est la signification de l'incarnation » [St.Patterson, Le Dieu de Jésus, Claudiana 2005, p.138]. Cette manière de penser la « divinité » de Jésus, non pas sur le mode essentialiste ontolo gique, mais sur le mode fonctionnel, est aujourd'hui le propre de nombreux biblistes qui ne lisent pas le Nouveau Testament avec des lunettes dogmatiques ou des langages philosophiques de Nicée et de Chalcédoine. Le devoir des biblistes est vraiment de signaler les écarts et les parcours qui séparent les formulations dogmatiques datant

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unique, (...) Nous savons que Jésus se levait tôt le matin pour prier (...) est un autre témoignage de son respect du judaïsme, (...) Jésus est un hébreu qui ne se sent pas identique à Dieu. On ne prie pas Dieu si on pense être Dieu. Jésus comme tout hébreu religieux, prie et interpelle Dieu ». (Id, p.28]. C'était un hébreu, pas un chrétien.

qui se raccroche dogmes I L'Église de la peuraux et de la méfiance Le Jésus de Ratzinger, naît tout au plus hébreu, mais pré sente les traits du premier chrétien. Du reste, pour notre auteur, « ce qui en Jésus provoquait le scandale, venait du fait qu'il semblait se mettre au même niveau que le Dieu vivant ». (p.350). « En Lui, les grandes paroles messianiques étaient vraies d'une façon déconcertante et inattendue : « Tu es mon Fils, moi aujourd'hui je t'ai engendré » [Sal2,7]. Dans ces ins tants significatifs, les disciples perturbés percevaient : « Celuici est Dieu lui-même » [pp.351-352.] L'ancienne Ecriture converge vers cette affirmation : « Moïse et les prophètes parlent tous de Jésus » [p.355], de même « Moïse et le prophète se rencontrent en Lui » [p.395]. Celui-ci, en mettant les mains sur la Bible hébraïque, après les acquisitions des années conciliaires et après le document Nostra Aetate me semble être fils de la « théologie de l'accom plissement pour qui l'hébraïsme est praeparatio evangelii. Pour moi, cela ne peut pas être proposé. Et que dire d'une « lecture de la Bible et surtout des Evangiles comme une unité et un ensemble, où toutes les stratifications historiques expriment toutefois un message qui en est la conséquence intrinsèque. ». [p.228] ? « Est-ce que la richesse volcanique des deux Testaments ne résiderait plutôt pas dans leur impos sibilité à être réduits à une pensée harmonieuse, qu'on puisse unifier ». Je voudrais conclure avec quelques allusions. Les femmes aussi seront servies. Ratzinger s'appesantit surtout pour souli gner que la différence entre l'être disciple des Douze et des celui des femmes est évidente ; les deux tâches sont décidé ment différentes » (p.216.) Tout aussi expéditif et banalisant sont les quelques lignes dédiées à la prière : « Même si nous ne pouvons donner de justifications absolument convaincantes, la norme doit rester pour nous le langage de la prière de toute la Bible, et nous l'avons constaté, malgré les images de l'amour maternel, le mot « Mère » ne figure pas parmi les titres de Dieu, ce n'est pas un nom avec lequel nous pouvons nous adres ser à Dieu. Ainsi, nous prions comme Jésus nous l'a enseigné sur la base de l'Ecriture Sainte, et non pas sur la base de notre inspiration et de notre caprice. C'est la seule façon de prier comme il faut. » (p.171]. De cette façon là, serons nous plus p.32 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

fidèles aux Ecritures si nous l'invoquons comme Dieu des armées ? Tout est trop clair : de la fondation de l'Église à la « pri mauté » de Pierre (p.344). Mais, la lecture terminée, il semble qu'il y ait deux principaux ennemis au christianisme : le monde moderne et les biblistes chrétiens. Il ne manque pas non plus une pincée de mépris. Ceux qui cherchent le chemin de la paix, s'ils ne sont pas croyants, ne font que mettre ensemble des « bavardages uto pistes » (p.78). Celui qui entre dans l'immense débat des exégètes modernes « se retrouve dans un cimetière d'hypo thèses contrastantes (p.370). Alors que je trouve tout à fait infondé l'accusation contre les biblistes de laisser tomber la dimension historique de la foi, je lis dans ces phrases du théologien Ratzinger la maigre considéra tion de la recherche, de sa peine, de ses douleurs, de ses erreurs, de ses résultats. C'est l'Église de la peur et de la méfiance qui se raccroche aux dogmes.

moderne et les biblistes ILes deux ennemis de l'églisechrétiens : le monde La vraie recherche est toujours une entrée dans le territoire du risque, et sans elle la théologie devient un mausolée plein de moisissures ou une peuplade dogmatique de vérités caduques. Maintenant, même si ce livre, par une déclaration expresse et honnête de son auteur, ne constitue en aucune façon un acte magistral, il est indubitable que nous y trouvons l'horizon théolo gique et pastoral que le pontificat actuel « impose » par d'autres voies à l'église catholique. Du Jésus de Ratzinger, je me suis éloigné depuis longtemps. Le Jésus des dogmes ne m'intéresse pas, quand il se trouve en contraste avec le Jésus hébreu, que des siècles d'études nous aident à approcher et à comprendre un peu mieux. Dans le rigoureux respect de cette interprétation « ratzingerienne » de Jésus, j'ai constaté mon ample dissension et je pense qu'il est absolument normal d'être différents dans la même église. Non pas une autre église, mais une Église « autre ».


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Le pape à Auschwitz un sens de l'histoire qui pose QUESTION Anna Gan L'arc-en-ciel est le symbole biblique de l'alliance que Dieu a conclue avec l'huma nité après le déluge. A Auschwitz, six millions de Juifs ont été anéantis pendant l'Holocauste : il n'y a assurément pas d'endroit plus symbolique que celui-là. Hélas le symbole de l'anneau céleste a été détourné de son sens véritable lors de la visi te du pape au camp de la mort. Une vision de l'histoire qui pose question, au-delà même de la Shoah (cf. les discours de Benoît XVI à Aparacida sur la conquête de l'Amérique et l'évangélisation des Indiens). Brodant sur les mots du pape appelant à la réconciliation : " sur fond de sombres nuées est apparu un merveilleux arc-enciel ", le quotidien allemand " Die Welt " y allait d'une question lourde de signification : " Un hasard ? " Le journal suisse " Neue Zùrcher Zeitung " croyait, quant à lui, connaître la réponse cachée derrière le phénomène naturel, il distinguait une " mise en scène céleste ". Quant à la revue allemande " Christ in der Gegenwart "\ elle aussi intéressée par le tou chant arc-en-ciel, elle titrait à la une " sur la blessure, un arcen-ciel ". Les considérations empreintes de romantisme qu'on peut lire dans la presse germanophone reflète l'enthousiasme qui a soulevé l'Allemagne à l'égard de Benoît XVI depuis son élection d'il y a une bonne années. " Bild ", le grand journal de la pres se boulevardière a titré un jour : " Nous sommes pape ". Il n'est pas étonnant que le discours du Pape tenu dans l'ancien camp de concentration d'Auschwitz ait été examiné à travers un spectre aux couleurs de l'arc-en-ciel. Néanmoins, des cri tiques non déguisées se sont fait entendre. Par exemple celles émanant de l'historien américain Daniel J. Goldhagen. Dans le " Tagespiegel " il attribuait au pape une " représentation mythologisante du passé ". Il qualifiait le tripotage historique du pape de " scandale moral ". La " Sùddeutsche Zeitung " par lait d' " un malaise engendré par le discours du pape Benoît ". Le pape avait dit textuellement qu'il était venu à Auschwitz " en tant que fils d'un peuple qui avait été dominé par une bande de criminels aux promesses mensongères, promettant la gran-

IUne représentation mythologique du passé deur, le rétablissement de l'honneur de la Nation, de son presti ge, l'assurance du bien-être, mais tout en semant terreur et inti midations, de telle sorte que notre peuple allait devenir l'instru ment de leur fureur destructrice et dominatrice ". Toutefois, même les voix critiques se référaient pour ainsi dire exclusive ment à la phrase du pape, ci-plus haut reproduite dans son entièreté. En résumé on peut formuler la pensée de la plupart Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.33


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son passé nazi. En deuxième lieu : le mi

Pape canonisa la religieuse catholique E Stein, qui avait péri à Auschwitz parce qu était née juive. En troisième lieu : sévissaien

graves dissensions à propos d'un couvent tallé dans le périmètre du camp d'Auschwit

Dans cette atmosphère tendue, Jean-Pe

annonçait à deux reprises un document l'Holocauste. Les entretiens rompus ont d été repris. Selon le côté juif, le Pape de

signer un document dans lequel il reconnaît clairement la culpabilité de l'Eglise d l'Holocauste. Il devait admettre qu'il y a une

gine chrétienne de l'antisémitisme, laquelle e des conséquences jusqu'à l'Holocauste 20ème siècle. De plus il devait concéder qu

Pape Pie XII n'avait opposé que peu de ré tance au crime commis contre le Judaïs

européen. Un tel aveu clair de culpabilité cor tuerait un pas décisif dans les relations entr Judaïsme et l'Eglise catholique. Une sous-commission de la Conférence

scopale allemande élabora un projet de dé ration papale. On pouvait y lire

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des commentateurs de la manière suivante : le pape a mini misé la responsabilité de l'Allemagne quant à la Shoah même s'il a reconnu la culpabilité et a demandé pardon.

[l'Eglise] éprouve honte et repentir [à propos de l'Holocau: et reconnaît la nécessité d'une conversion. Nous imploron:

Il a demandé pardon et il a imploré la " grâce de la réconci liation ". Cela n'est pas neuf. Au contraire :Benoît XVI marchait là sur les traces de son prédécesseur, le Polonais Jean-Paul II. Mais agissant ainsi, il se rangeait loin derrière les positions de

pardon de Dieu et nous demandons au peuple juif d'enten cette parole de conversion et cette volonté de changemen! Mais, dans la déclaration signée par Jean-Paul II en 1998, ce dernière phrase fut supprimée. Assurément, dans ce do ment, le Pape demandait pardon pour les chrétiens. Par con il n'admettait pas que l'Eglise ait eu une quelconque culpabi

l'Eglise catholique d'après-guerre. Reportons-nous au passé.

quant à l'Holocauste.

Vingt ans après l'Holocauste, l'Eglise catholique a tenu le concile réformateur de Vatican II, A cette occasion, elle a recon nu sa communauté d'héritage et sa relation étroite avec les Juifs. Elle regrettait les expressions de haine proférées par les Chrétiens à rencontre des Juifs, les persécutions et les mani festations d'antisémitisme. Dans cette atmosphère de renou veau fut créé un Comité qui réunissait l'Association Internationale Juive pour les échanges interreligieux et la Commission Vaticane pour les relations religieuses avec le Judaïsme. Ce Comité portait le nom de Comité International de Liaison. Mais en 1987, à la demande de la partie juive, les réu nions programmées ont été purement et simplement annulées. La mauvaise humeur des Juifs reposait sur trois événements. En premier lieu : le pape avait reçu Kurt Waldheim, à l'époque

Il n'est pas étonnant que Joseph Ratzinger, devenu aujc d'hui le Pape Benoît XVI, soit resté fidèle à la ligne de son pré cesseur. Sous Jean-Paul II, en tant que Préfet de

président du gouvernement autrichien, malgré qu'il fût tenu alors à l'écart de la communauté internationale en raison de

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Congrégation pour la Foi, c'était lui qui fixait la politique Vatican. Ernst Ludwig Ehrlich, Juif vivant en Suisse, historien c

religions, estime en conséquence qu'après l'intervention Benoît XVI, rien n'a changé dans les anciennes controvers Cette personnalité était membre du Comité International Liaison. " Falsification absolue de l'Histoire ", c'est ainsi q

qualifiait la désignation par Benoît XVI " d'une poignée d'ass sins ". " A Auschwitz, le Pape aurait dû en outre faire alius à l'antisémitisme de l'Eglise. Car, l'antisémitisme chrétier contribué à rendre la Shoah possible ". Les Juifs ont été ab donnés par l'Eglise. Ehrlich pense donc que le thème de " l'a\, de culpabilité " ne figurera pas de si tôt à l'ordre du jour

Pape. Rome se cantonne à ses propres intérêts " et les Ji


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n'en font point partie ". Il y a encore d'autres causes qui expli

Les vieux thèmes de discorde entre Juifs et Chrétiens n'ont

quent pourquoi l'Eglise et sa hiérarchie refusent d'admettre toute responsabilité quant à l'Holocauste. Soyons plus précis encore : à la base des refus il y a, plus profondément, des

pas été éclaircis par le Pape à Auschwitz. Cela n'est pas éton nant lorsqu'on observe que Benoît XVI, le pape allemand, a recueilli de nombreuses louanges : n'a-t-il pas fait entendre d'autres paroles, ne s'est-il pas rangé aux côtés des victimes de l'Holocauste, lorsqu'il s'exclamait : " " Où se cachait Dieu alors ?...Comment est-il possible qu'il ait toléré le triomphe du Mal ? " Ces humbles et insistants appels à Dieu n'étaient pas attendus dans la bouche de Benoît XVI. Il ne faut pas s'étonner. Ce regard porté sur les torturés et les assassinés a été, avant lui, de mise dans l'Eglise sous l'influence de ce qu'il faut appeler une théologie politique. Les racines de celle-ci sont le fruit de la méditation sur Auschwitz. Dans de nombreux cercles du Vatican, cette théologie est considérée comme faisant fausse route. Elle fut vivement combattue par Benoît XVI, alors qu'il n'é

conceptions théologiques et une certaine vision de l'Eglise. Manifestement, au Vatican, on estime qu'un " Mea culpa " de l'Eglise n'est logiquement pas possible, puisqu'elle est depuis longtemps rachetée par la mort de Jésus en croix. Et même pour autant qu'elle ait pu être coupable, elle en serait depuis longtemps absoute. Et par conséquent elle ne devrait pas non plus reconnaître sa culpabilité. Si on suit ce raisonnement, on doit faire une distinction entre l'Eglise et les Chrétiens, c'est-àdire toutes les autres personnes. Ce sont ces dernières qui ont versé dans l'antisémitisme païen. Logiquement les Chrétiens vrais et sincères ne peuvent pas être antisémites. Et bien évi demment, en tout premier lieu, l'Eglise elle-même. Cette acro batie théologique, rencontre la phrase controversée du Pape quant à la responsabilité des Allemands, en ce sens que le vrai coupable de l'Holocauste est un groupe de criminels c'est-àdire, selon le point de vue de l'Eglise, des non-chrétiens, ou des païens ". Ce sont ces derniers qui se sont chargés d'abuser tous les autres, Chrétiens et Allemands sans distinction. En défi nitive cela conduit dans les deux cas à décharger le coupable.

Les vieux thèmes de discorde entre Juifs et Chrétiens n'ont pas été éclaircis par le Pape à Auschwitz Ce n'est pas tout. A la question de la culpabilité, il faut joindre celle soulevée par l'attitude du Vatican, et en particulier celle du Pape Pie XII, pendant l'Holocauste. Le Vatican s'est comporté " de manière coupable " disait déjà à la fin des années 90, Ernst Ludwig Ehrlich, membre du Comité de liaison. En effet, il n'a pas condamné le massacre des Juifs, dont il avait connaissance depuis 1942. " Lorsqu'en octobre 1943, les Juifs furent déportés sous les yeux de Pie XII, celui-ci n'a pas élevé la moindre protestation ", dit Ehrlich. " Il aurait dû se rendre à la

tait que le cardinal Ratzinger, gardien suprême de la foi. Devenu

gare de Rome et y arrêter le train des déportés ". Au total ce sont plus de 1000 personnes qui furent transportées depuis Rome vers les camps d'extermination des nazis. Certes, en cela Pie XII agissait dans le sens traditionnel de la diplomatie de l'Eglise, conforme à ce qu'il a toujours été. L'Eglise a toujours eu comme ligne de conduite d'assurer aux croyants la liberté la

pape, sa pensée aurait-elle viré de bord quant aux souffrances des victimes ? L'ancien gardien de la foi, devenu Pontife suprê me, se serait-il rangé en toute humilité aux côtés des faibles et des persécutés ?

plus grande pour l'exercice de leur religion. L'Eglise a eu et a tou jours coutume de collaborer avec les tyrans, les monarques et, à notre époque, avec les démocrates. Mais peut-elle s'arranger avec les puissants du jour jusqu'à devenir leurs complices ? Voilà une question que dans la pratique elle a toujours évitée. Avouer que Pie XII a mal agi, reviendrait à mettre en question cette ligne politique de l'Eglise.

paroles de plaintes, auxquelles ont droit en tout premier lieu les " victimes ", ainsi s'exprimait le cardinal Lehmann, le Président

Il est permis d'en douter. Le Pape aurait prononcé des

de la Conférence épiscopale allemande. Assurément. Mais de quel droit le Pape s'approprierait-il en fait la plainte des vic times ? Pour Jean-Paul II, l'affaire se présentait tout autrement. En sa qualité de Polonais, il voyait l'époque nazie avec les yeux d'une de leurs victimes. A Auschwitz il pouvait évoquer le souve nir de ses compatriotes assassinés, la plupart d'entre eux étant des Juifs, quelques uns des Polonais. En 1979 à Auschwitz,

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pas été tenues, le silence répondait aux rappels et aux protes tations des ayant-droit juifs. Des hésitations, des faux-fuyants et des reculs du Vatican aboutirent finalement à l'élaboration d'un document dont étaient absentes des paroles claires et nettes. D'aucuns considéraient le comportement du Vatican comme proprement scandaleux. L' " option pour les pauvres ", recom mandée par la Nouvelle Théologie politique est quelque chose de tout autre. Celle-ci demande que les espoirs et les revendi cations des persécutés et des opprimés soient pris en compte. Elle exige que les injustices dont ils ont souffert soient claire ment et nommément désignées. Cela suppose que l'Eglise pren ne enfin au sérieux la demande que lui font les survivants de l'Holocauste et leurs descendants : la demande d'un aveu très clair de culpabilité et de responsabilité. Dans ce but, le Pape aurait dû prendre ses distances à l'égard des explications théo logiques et politiques concoctées par l'Eglise. Il aurait dû expri mer l'aveu de culpabilité tant espéré. Simplement s'en tenir aux questions des victimes, mais ignorer l'essentiel de leurs deman de : voilà qui ne résout pas l'essentiel.

victimes de la Shoah ? ILedespape, porte-parole Il est possible que dans la réalité le Pape n'avait pas en tête les victimes juives de l'Holocauste. A Auschwitz, il n'a nommé ment évoqué qu'une seule victime à savoir Edith Stein. Chrétienne et Juive ", elle " aurait voulu mourir avec et pour son peuple ". Par là même il soulevait un ancien point de dis corde. Edith Stein, née juive, s'est convertie au christianisme à l'âge de 31 ans et est devenue carmélite. Jean-Paul II, l'a cano nisée en 1987 à titre de " martyre ". Grave erreur : car les Nazis ne l'ont pas mise à mort à cause de sa foi chrétienne, mais en vertu de son origine juive. Des auteurs ont fait allusion à des déclarations anti-juives d'Edith Stein. En la canonisant l'Eglise s'est appropriée indûment Edith Stein, la juive. Benoît XVI a proféré lui-même les mots qui évoquent l'appropriation " En détruisant Israël on aurait du même coup mis à mal les racines sur lesquelles repose la foi chrétienne ". Jean-Paul II avait dit : " Je proclame les droits [de l'homme] en tant que fils de la Nation qui, dans son passé très ancien et récent, a subi de la part de son prochain de multiples et nom breuses souffrances ". Mais Benoît XVI, le pape allemand, comme il l'a lui-même souligné est venu à Auschwitz, en tant que " fils du peuple allemand ". Son identification pure et simple avec les persécutés et leurs descendants pose ques tion : c'est le moins qu'on puisse dire. Cette identification n'est pas crédible, tant au niveau de sa nature que de ses formes, lorsqu'on observe comment, au cours des dix dernières années, la politique de l'Eglise s'est com portée à l'égard des Juifs. Choquants furent les " va et vient " de l'aveu de culpabilité. Des années durant, les promesses n'ont

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Ces racines auraient été remplacées, définitivement par une doctrine affirmant et exaltant la suprématie de l'être humain tout-puissant. Par la même occasion, le Pape soulignait que le Judaïsme était le fondement de la foi chrétienne. Et par ailleurs il laissait indirectement entendre que les nazis en s'en prenant au Judaïsme, s'attelaient à la destruction du Christianisme. Cette présentation démontre que les nazis vou laient étouffer le Judaïsme sur la base de considérations racistes et non en raison de sa parenté avec le Christianisme. Même sans celui-ci, les nazis auraient perpétré l'affreux mas sacre des Juifs. Et en s'exprimant ainsi le Pape invitait à porter le regard sur les seules victimes chrétiennes. A cette démons tration s'ajoutait le renvoi explicite à Edith Stein. Ainsi était ren forcée l'impression que les chrétiens auraient été aussi en


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quelque manière les victimes de l'Holocauste. Désespérées, les victimes d'Auschwitz interpellent Dieu. C'est du moins ce que dit le Pape. Mais cela lui permet de mettre de l'eau au moulin de son argumentation. En tant que chef suprême de l'Eglise catho lique, le Pape se considère non comme le représentant des bourreaux mais comme le porte-parole des victimes. Au cours d'une audience générale trois jours après sa visite à Auschwitz, le Pape se donnait un brevet de compétence quant à ses réponses, lorsqu'il déclarait : " Face à l'horreur d'Auschwitz, il n'y a pas d'autre réponse que la Croix du Christ ". Il aurait beaucoup mieux valu qu'à Auschwitz le Pape se taise ; il aurait ainsi exprimé son respect pour les victimes des Allemands au lieu de tes récupérer. Dans leurs réactions au discours du Pape, les Allemands expriment la crainte d'assister à la persistance de l'ambiguïté entourant la culpabilité de l'Eglise. L'intention généra le est de classer ce sujet. Christian Geyer, journaliste à la " Frankfurter Allgemeiner Zeitung ", a été formé par l'Opus Dei, la très secrète organisation catholique : il s'est enhardi à défendre une thèse, qu'il faut bien qualifier de hautement discutable. Le discours de Benoît XVI serait " une action qui réalise ce dont elle est le signe ", c'est-à-dire quelque chose comme un sacrement. En d'autres mots, cela signi fie que la parole du pape a par elle-même engendré le nécessaire pardon. Dès lors ne serait pas du tout néces saire un aveu de culpabilité concernant les fautes commises par l'Eglise pendant l'Holocauste. Le cardinal Karl Lehmann, président de la Conférence épiscopale alle mande jubilait quand il pensait à ce dis cours du Pape. Il y voyait " un des plus grands témoignages de l'Eglise de ce temps. Aucun professeur de religion ne peut le cacher aux jeunes chrétiens de notre pays ". Lehmann était déjà l'EvêquePrésident, lorsque, à la fin des années 90, la sous-commission de la Conférence épi

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l'Eglise catholique. Eh bien, dix bonnes années plus tard, il constate que le Pape allemand a fait une demande de pardon et une prière de réconciliation. " N'était-il pas insensé de vouloir attendre, venant du Pape, un aveu de culpabilité ! ".

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Parmi les personnalités qui ont critiqué de manière " insensée " le discours du Pape, il faut assurément ranger égale ment Ernst Ludwig Ehrlich, l'ancien membre du Comité de Liaison. Peu de temps avant la visite du Pape à Auschwitz, Ehrlich avait fait un grand éloge du cardinal Lehmann en le désignant comme " une des très rares personnalités de haut rang ayant en d'autres temps prononcé des paroles très claires sur la culpabilité de l'Eglise catholique ". La réaction enthousiaste de Lehmann au discours du Pape ainsi que son juge ment sur ceux qui s'étaient distingués par leurs critiques permettent assurément d'avoir des doutes : la Conférence épisco pale restera-t-elle fidèle à son ancienne prise de position sous le Pape allemand ? Ehrlich, le spécialiste des religions, espère néanmoins " en l'avènement dans les paroisses de nouveaux développements dans le dialogue entre Juifs et Chrétiens. Il faut noter que déjà quarante ans se sont écoulés depuis le Deuxième Concile du Vatican, lequel prit la décision d'abolir l'an cien anti-judaïsme chrétien et de poser les bases d'une nouvelle image du Judaïsme. Mais les préjugés de nombreux catho liques à l'endroit du Judaïsme n'offrent jus qu'à ce jour qu'une image assez pitoyable. On peut se demander si " un nouveau regard pourra se mettre en place dans les communautés et paraisses, alors que le sommet lui-même de l'Eglise n'est pas prêt à abandonner ses anciennes positions. Il n'est dès lors pas étonnant que Ernst Ludwig écrive : " qu'il n'attend pas grand chose de la direction de l'Eglise ".

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scopale formulait le projet très détaillé de l'aveu de culpabilité à prononcer par Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.37


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Le texte censuré

d'APARECIDA Romano Libero

Il s'agissait du premier voyage de Joseph Ratzinger, en qualité de pape, en Amérique du Sud [mai 2007). Ce dernier a suivi avec attention l'histoire du catholicisme latino-américain s'inquiétant en particulier des dérives graves, selon lui, des théologies de la libération, marxisées. Avec, en prime, une lecture de l'histoire de l'Amérique latine assez ahurissante (voir notre encadré).

Au fil des années, l'aile restauratrice de l'Eglise, dans la ligne de Jean Paul II a remporté de nombreuses victoires. Dans un pays comme le Pérou dont le cardinal est de l'Opus Dei c'est particulièrement flagrant. Au Brésil, la situation se présente davantage en demi-teinte. L'Amérique latine abrite près de la moitié du milliard de catholiques de par le monde. Ce nombre important est toujours davantage menacé par les courants pen tecôtistes qui en dix ans ont détourné environ 15% des catho liques de leur confession d'origine ou peut-être même un catho lique sur six. En Amérique du Sud, plus de 40% des habitants se trouvent sous le seuil de pauvreté et un nombre important est dans une misère noire. Très bouillonnante, l'Eglise de ce continent, man quant de prêtres, est gagnée par la sécularisation et achoppe sur une morale sexuelle rigoriste. Aujourd'hui, les grandes dic tatures sont tombées. Les évêques ne font plus figure de héros du peuple comme jadis Mgr Oscar Romero au Salvador ou Dom Helder Camara au Brésil. Au Venezuela, en Bolivie, en Equateur et au Nicaragua les régimes populistes ne font guère référence au catholicisme mais plutôt aux cultures précolombiennes. Dans la plupart des pays, un courant d'émancipation par rap port à la religion se fait connaître. Au Brésil, au Chili, en Uruguay, en Argentine, le gouvernement de gauche prône une vision laïque de la société et semble disposé à des avancées sociétales, surtout en considération du retard pris par rapport à l'Europe occidentale. Joseph Ratzinger mène depuis son élection une croisade serrée contre le relativisme et la sécularisation. Il pourfend toute reconnaissance des unions homosexuelles et la dépénali sation de l'avortement. Jusqu'à une date récente, la rhétorique commune à Rome était de présenter certaines évolutions comme circonscrites à la sphère de l'Europe décadente. On citait en exemple une Amérique latine fondamentalement « reli p.38 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

gieuse ». Plus avisé, Paul VI aimait répéter que ce que l'on pense à Paris sera pensé à Buenos Aires vingt ou trente ans plus tard. Benoît XVI entend aller jusqu'au bout du bras de fer avec la modernité et le relativisme. L'enjeu de ce voyage était énorme. Il n'était plus d'assurer une hégémonie à une tendance de l'Eglise contre une autre. Il consistait plus fondamentalement, à savoir dans quelle mesure la restauration d'un catholicisme intransigeant et conquérant peut inverser le cours apparent de l'Histoire. D'autant qu'à l'issue de la rencontre des évêques latino-amé ricains d'Aparecida [Brésil], les membres de l'Assemblée ont voté un document final dans lequel ils entendaient exprimer leurs convictions les plus profondes. Or, entre le moment du vote et son approbation ultime par le Pape Benoît XVI, le docu ment a été remanié. Plus précisément, le texte est passé de 573 paragraphes à 554 ! On prête ces remaniements au président et au secrétaire général du CELAM, respectivement le cardinal Francisco Errazuriz Ossa [Chili] et Mgr Andres Stanovnik. Certes, on ne prête qu'aux riches. Si tel devait être le cas, les évêques pré sents à Aparecida seraient en droit de demander la démission des deux prélats incriminés. On peut penser que les deux hommes ont en fait agi sur ordre de la Secrétairerie d'Etat. Comme par hasard, les passages tombés aux oubliettes étaient ceux qui insistaient sur le rôle des communautés de base et s'exprimaient dans le sens de la théologie de la libéra tion. Outre les omissions, on peut observer des ajouts. Qui vont tous dans le sens contraire, on l'aura deviné. Ainsi, le texte, dans sa version remaniée, met-il en garde contre ceux qui " attirés


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par des institutions séculières ou des idéologies radicales, perdraient leur sens ecclésial ". Il prie aussi les communautés de base de ne pas " alté rer le précieux trésor de la tradition et de l'en seignement de l'Eglise ".Le cardinal Errazuriz, visiblement gêné, a tenté de noyer le poisson. Il a prétendu, contre toute évidence, qu'il ne s'agis sait que de questions de forme et non point de fond. Face à une polémique crois sante, il continue à prétendre qu'aucun changement n'allait contre la volonté des évêques.

BENOIT XVI et les INDIENS Les propos tenus au Brésil, au sanctuaire mariai d'Aparecida, par le Pape Benoît XVI sur l'évangélisa tion de l'Amérique latine, dimanche 13 mai ont suscité une réaction très vive d'indignation. DR

io/os y Mlsloneros i ■■■ nuestros pueblos en El ter m ni Camino, la Verdad y la (Jn 14.6)

Ce n'est pas, en tout cas, l'avis d'un certain nombre d'entre eux. Ainsi, Mgr Pedro Stringhini, évêque auxiliaire de Sao Paulo et président de la commission de la pastorale sociale des évêques brési liens1 [qui a fort à faire] estime-t-il "irrespectueuses" pour les membres de l'Assemblée ces altérations. Le cardinal Geraldo Agnelo, président de l'épiscopat brésilien et archevêque de San Salvador de Bahia demande même le pur et simple retour à la version votée ce printemps. En effet, selon lui, c'est un principe : un texte voté ne saurait être trafiqué par la suite, surtout si les jeux d'accents divergent quant aux choix théologiques et pasto raux. L'archevêque d'Aparecida, Mgr Raymundo Damasceno Assis juge cependant cela impro bable dans la mesure où le Pape a déjà signé le texte retouché. Interrogé sur cette affaire, le Père Ciro Benedettini, directeur adjoint de la salle de presse du Vatican prétend qu'il n'y a pas eu d'intervention du Vatican. On se souvient qu'en 1980 était sorti un " Dictionnaire des religions " sous la direction du futur cardinal Paul Poupard. Un article du Père Vincent Cosmao, théologien dominicain, avait été expurgé de phrases trop favorables à la théolo gie de la libération. Parfois, au Vatican, on relit les textes avec une paire de ciseaux en mains.

1. Voir aussi dans "La lettre de Golias" n°8, la réaction de Mgr de Maupéou, évêque brésilien d'origine française

part de responsabilité historique dans l'anéantissement d'une ider et d'une tradition. De son côté, Aloysio Antonio Castelo Guapindaia, président de la Fondation nationale de l'Indien, au Brésil, relève le caractère incontes table du constat des historiens selon lequel « il y a bien eu imposition de la religion pour dominer les populations locales ». Au sein même de l'Eglise catho lique, beaucoup de croyants se sen tent blessés. Pour la théologienne Cecilia Domevi, « L'évangélisation a été une imposition ambiguë, violente, un choc de cultures, qui a causé un préjudice total aux Indiens » Elle se dit elle aussi « en total désac cord » avec les propos de Benoît XVI.

En effet, le Souverain Pontife sem blait nier les exactions liées de fait à une evangelisation souvent bien peu évangélique des peuples d'Amérique latine et des Caraïbes. Pour Joseph Ratzinger : « l'annonce de Jésus et de son Évangile n'a supposé, à aucun moment, une aliénation des cultures précolombiennes, ni ne fut une impo sition d'une culture extérieure », a précisé le pape. Nombre d'historiens et les populations concernées ont exprimé alors un total désaccord avec ce qui fait pratiquement figure de « révisionnisme ». Felipe Quispe, un dignitaire des indiens aymaras, ancien candidat à l'élection présiden tielle bolivienne : « Le Pape est igno rant de l'histoire ». Le directeur de l'Organisation nationale indigène de Colombie, Luis Evalis Andrade, enfon ce quant à lui le clou : « Nier que l'im position de la religion catholique a été utilisée comme un mécanisme de domination sur les peuples indigènes, c'est vouloir occulter l'histoire ». Selon lui, il est inadmissible que

L'écho de ces mécontentements a fini par franchir les épais murs du Vatican. A l'occasion de son audience générale du 23 mai dernier, le Pape a finalement daigné reconnaître " les injustices et les souffrances infligées par les colonisateurs aux populations indigènes ". Revenant sur son voyage, Joseph Ratzinger a tenu à faire impli citement amende honorable en ces termes : " Il n'est pas possible d'ou blier les souffrances et les injustices infligées par les colonisateurs aux populations indigènes souvent piétinées dans leurs droits humains et fondamentaux ". Il a ajouté : « Le rappel du passé glorieux ne peut ignorer les ombres qui ont accompa gné l'œuvre d'évangélisation du conti nent ». On peut pourtant continuer à s'interroger sur un Magistère qui est obligé de se corriger suite au tollé suscité. R. L.

l'Eglise nie aussi impudemment par la bouche de son pasteur suprême sa

Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.39


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Les fantômes de FRANCO

sur les autels Eva Lacoste

A l'heure où l'Espagne ouvre les charniers de la guerre civile, l'Eglise bénit l'édifi cation d'un monument à la gloire du national-catholicisme cher au Caudillo. Par sa portée symbolique, le "sanctuaire des martyrs valenciens" déclenche un motif de division et se présente comme une provocation, au moment où entend s'affir mer une mémoire historique escamotée durant la période de transition démo cratique. Mieux encore, le 28 octobre dernier était célébrée à Rome la béatifica tion de quelque cinq cents prêtres et religieux disparus en 1936 et 1937. Avec l'absence remarquée d'une délégation du gouvernement Zapatero, fermement opposé à un cérémonial politiquement très orienté. Valence la Méditerranéenne, campée à l'embouchure du Guadalaviar [ou Turia], au coeur de sa merveilleuse huerta... Outre la spectaculaire Cité des arts et des sciences, les tou ristes pourront prochainement découvrir un nouveau monu ment dédié aux religieux valenciens assassinés au début de la guerre civile [1936-1939], C'est au nom de ces martyrs que s'érige un très polémique sanctuaire, dans la ville qui fut le siège du gouvernement républicain, entre novembre 1936 et octobre 1937. Temple design de 3000 m2, confié à deux prestigieux architectes, Ordura et Aloy, l'édifice sera recouvert de carreaux de faïence multicolores et pourra accueillir près de neuf cents fidèles. Il sera visible depuis le fleuve, le front de mer et le futur circuit de Formule 1. Pour ce qui est du financement et de ses ramifications, on ne peut qu'annoncer pour l'instant une note corsée. Les nombreux opposants à ce projet dénoncent une col lusion entre l'ultra-conservateur archevêque de Valence, Agustin Garcia-Gasco, qui semble avoir voulu réaliser un coup d'éclat avant son départ à la retraite, et la mairie - aux mains des conservateurs du Parti populaire - qui a cédé des terrains pourtant hautement convoités par les promoteurs immobiliers. Les béatifications ont-elles encore un sens ? Avec la bénédiction des autorités ecclésiastiques de Madrid, le mémorial en cours de construction à Valence se veut le sym bole des "persécutions religieuses des années 30" et des quelque 6800 prêtres et religieux tués durant la guerre civile par certains groupes républicains. S'ils ne comptent pas pour rien, ne sont-ils pas d'abord les victimes expiatoires d'un impi toyable mouvement fomenté par un groupe de généraux contre p.40 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

la République espagnole légitimement élue et d'une Haute Eglise historiquement liée aux princes et aux riches ? Jusqu'à ce jour, aucun mea culpa ne s'est fait entendre de sa part. Et ce qui n'avait pas été possible dans la foulée de Vatican II - les papes Jean XXIII et Paul VI exécraient Franco - était à l'ordre du jour avec l'arrivée de Jean-Paul II. En 1992, le fondateur de l'Opus Dei était béatifié, suivi par 476 religieux et prêtres en 2001 et 2003. La tendance s'affirme, puisque le Vatican célébrait le 28 octobre la béatification de 498 nouveaux "martyrs" de la guer re civile [et autant de miracles ?]. Parmi les bienheureux : 2 évêques, 24 prêtres, 462 religieux, deux diacres, un sémina riste et 7 laïcs décédés en 1936 et 1937. La plus importante béatification de l'histoire, en une seule cérémonie, tarif de grou pe qui ne donne pas dans le détail et pose la question du sérieux de la démarche. Le miracle serait que l'Eglise en sorte indemne. Et ce n'est pas fini : Martinez Camino, porte-parole de la conférence épiscopale espagnole, déclarait le B octobre que 2 000 nouvelles causes étaient en cours, et que le chiffre pourrait monter à 10 000. S'il suffit de mourir de mort vio lente pour accéder à ce mérite suprême, il y a encore beaucoup de candidats de par le monde. En Espagne notamment, où l'Eglise n'a pas fait grand cas des prêtres basques fusillés par les franquistes pour leurs sympathies républicaines et leur atta chement à la démocratie. La plupart des soixante-douze évêques espagnols se sont rendus à Rome le 28 octobre, pour la grand messe des nostalgiques du franquisme. Cette fois c'en est trop pour le Premier ministre José Luis Zapatero, qui avait marqué son opposition à une béatification politiquement très orientée et fait savoir qu'il n'enverrait pas de délégation. Blessé


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certainement au plus profond de lui-même, comme beaucoup d'Espagnols, ce petit-fils de combattant républicain entend actuellement réparer l'injustice qui frappe les vaincus de la guerre civile, "tombés dans un trou noir de l'histoi re". Mais son projet de loi sur la "réhabilitation des victimes des deux camps" suscite des réactions et révèle les pressions exercées par le Parti populaire ultra-conservateur et une hiérarchie catholique dont certains membres demandaient il y a peu la béatification d'Isabelle "la Catholique". L'opposition de l'épiscopat au gouvernement Zapatero est d'autant plus virulente, que celui-ci est accusé de "travailler en faveur du mal " et de promouvoir des réformes "dégradantes" : droits des homosexuels [ce qui peut surprendre à cer tains égards], facilitation du divorce, recherche sur les cellules souches, fin du catéchisme obli gatoire à l'école... S'étonner d'un tel rapproche ment, entre droite traditionnelle et haut clergé, serait faire preuve pour le moins de simplicité. Pour rappel, la monarchie tombait le 14 avril 1931 et la République était proclamée en Espagne, entraînant une série de réformes : laï cisation de la société, démantèlement des grandes propriétés agricoles, autonomie de la Catalogne... Le 16 février 1936, le Frente Popular, coalition des partis de gauche, rempor tait les élections législatives, mais en juillet de la même année un groupe de généraux se soule vait contre le gouvernement de la République, dont un certain Francisco Franco. Rébellion qui marque le début d'une longue guerre civile, sou-

Une Église espagnole NÉOFRANQUISTE Hilari Raguer, moine catalan et historien : "L'Eglise devrait deman der pardon pour sa complicité et son silence". Le quotidien de Barcelone, La Vanguardia, donnait à lire, le 14 octobre 2007, une inter view d'Hilari Raguer, âgé actuelle ment de 79 ans et moine bénédic tin à Montserrat, au cœur du mas sif montagneux de la Catalogne. La décision de se faire moine ? Au moment de la grève des tramways en mars 1951, durant laquelle il est retenu durant sept mois dans le château de Montjuïc, après avoir été arrêté dans la rue, en possession d'une lettre envoyée à des amis socialistes belges, faisant référence à l'oppression franquiste en Catalogne. "Et là, dit-il, j'ai découvert quelque-chose." A la question du jour naliste, il répond simplement : "Que j'étais plus libre que mes geôliers, et que la liberté est indépendante des cir constances externes." De quoi étiezvous accusé ? "D'outrage à la nation espagnole et au sentiment de son unité." L'exécution d'Hilari Raguer est annulée à la suite de l'intervention d'un oncle prêtre, mais il reste deux ans en résidence surveillée à son domicile. Ses souvenirs de la guerre civile : les bombardements, la récita tion du rosaire, la crainte d'être assassiné par des patrouilles anarchises. Et Franco arrive... "Le soulage ment a été de courte durée. Franco a déclenché une sanglante répression bénite par l'Eglise espagnole." Elle

les évêques espagnols s'étaient ralliés à une faction. (...) Les aumôniers des prisons franquistes furent terribles ! Ils insultaient les détenus, leur disaient qu'ils étaient indignes de la clémence de Franco... Ils se vengeaient des assassinats de curés. Mais le com mandement chrétien est de pardonner. L'épiscopat espagnol devrait faire quelque chose qu'il n'a pas encore fait : demander pardon pour sa complicité et son silence devant la répression franquiste." Le fera-t-elle un jour ? "Ce serait un mirale, l'épiscopat espagnol conserve une idéologie franquiste." Approuvez-vous la loi sur la mémoire historique ? "Oui. Je considère qu'on devrait honorer aussi la mémoire démocratique, c'est-à-dire la mémoire de tous les opposants à la dictature, parmi lesquels des mouvements catholiques, des écoles religieuses catalanes..." Devrait-on condamner les assas sinats des religieux ? "Oui, mais sachant que ces crimes n'ont pas été ordonnés par l'autorité suprême, tan dis que ceux de la répression franquis te l'ont été au plus haut niveau, sur les ordres de Franco." Les béatifications en cours : "Je suis contre. C'est un acte injuste et trompeur. Un martyr est quelqu'un qui a souffert à cause de sa foi, et ce n'est pas le cas de ces reli gieux. Pour la plupart des gens, l'Eglise et la droite la plus extrême étaient étroitement associées. Ces religieux ont été tués dans le cadre d'une lutte politique, non pour leur foi chrétienne. Ils ne sont donc pas des martyrs." E. L.

parlait de croisade, poursuit le journa liste. "Le Vatican n'a jamais accordé au franquisme le caractère d'une croi sade. Le pape Pie XI a dénoncé les excès franquistes et bien compris que

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Une escouade du bataillon des transmissions procédant, dans un coin du cloître, à des exercices de signalisation

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Miliciens républicains et religieux basques fraternisent

Un épisode oublié de la Guerre d'Espagne Un reportage de la revue Regards du 22 février 1936 était consacré à des religieux basques du cloître d'Amorebieta, sur la rive droite de l'Ibaizabaf, à un peu plus de dix kilomètres de Guernica, détruite le 26 avril 1937 par l'aviation allemande au service des franquistes. Texte largement illustré : religieux en conversation avec le commandant d'un bataillon républicain, miliciens installés dans le réfectoire mis à leur disposition, frère lisant un journal basque portant en première page "Bajo el infierno fascista", sous l'enfer fasciste. "Dans la biblio thèque du cloître, les religieux poursuivent en toute quiétude leurs occupations, préci se une légende. Qui pourrait croire que dans le même cloître, à deux pas, logent les miliciens prêts à repartir pour le front." "Est-ce cette foi authentique des ouailles Un des religieux d'Amorebieta en conversation avec l'officier du bataillon hébergé dans le cloître

qui a préservé l'Eglise basque de la cor ruption politique et sociale que les républi cains espagnols dénoncent chez le reste du clergé de la péninsule comme le princi pal ressort de la sédition miliaire ? deman de l'envoyé spécial de Regards. Ou est-ce au contraire, la probité morale des prêtres basques qui a aidé le peuple à garder

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intacte sa foi chrétienne ? Toujours est-il que dans le pays basque espagnol, il n'existe pas de conflit entre les aspirations républicaines de la population et l'Eglise. Nombreux sont les prêtres basques fusillés par les factieux pour avoir refusé de faire cause commune avec les ennemis du peuple. J'ai rencontré à Bilbao plus d'un prêtre qui avait dû fuir l'enfer fasciste. Et l'évêque de Vitoria lui-même a été contraint d'abandonner son évêché, aujourd'hui sous la domination de Franco, pour aller se réfugier à Rome." Le journaliste relate ensuite une messe de campagne célébrée sur le front et la présence d'aumôniers qui accompagnent les combattants jusqu'en première ligne. L'un d'eux témoigne : "Non, nous ne sommes pas armés. Pour servir Dieu, on a pas besoin d'armes. Il paraît que de l'autre côté, chez les rebelles, on rencontre des prêtres faisant le coup de feu, même à la mitrailleuse. Ce n'est pas à moi de les juger. Mais nous autres, prêtres basques, nous ne voulons pas marcher contre le peuple. D'ailleurs, nous ne faisons que suivre l'exemple de notre évêque." L'histoire démontre qu'il y a toujours des hommes courageux qui se

démarquent du lot. Si, dès l'été 1937, la hiérarchie catholique signait un pacte de sang avec Franco, on peut citer le cardinal Tarancon qui menaça à deux reprises d'excommunier Franco, dans les années 70 il est vrai. Des groupes catholiques aussi, qui prennent ouvertement parti pour les tra vailleurs dans leurs luttes, en particulier, dès 1962 au moment de la grève des mineurs du charbon dans les Asturies. Enric Capilla, homme politique valencien qui se dit à la fois "catholique et de gauche", lançait dernièrement à propos du sanctuaire prochainement élevé à la gloire des religieux tués durant la guerre civile : "Au lieu d'édifier des monuments polémiques qui vont rouvrir des blessures, l'archevêché devrait se préoccuper de ses églises vides." Comme quoi la Movida, mouvement qui a secoué l'Espagne post-franquiste, n'a pas dit son dernier mot...


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tenue par les grands propriétaires terriens, la bourgeoisie industrielle et financière, une fraction majoritaire de l'armée et de la hiérarchie de l'Eglise catholique. Face à l'armée républicai ne et aux Brigades internationales, les généraux factieux béné ficient du soutien de l'Allemagne de Hitler, de l'Italie de Mussolini et du Portugal de Salazar. En mars 1938, les armées fran quistes enfoncent le front d'Aragon, isolant la Catalogne. L'année suivante, Barcelone tombe, suivie par Madrid et Valence, tandis que s'engage une dictature de près de quaran te ans. De son arrivée au pouvoir, le régime franquiste bénéficie du silence des démocraties européennes pour terminer sa besogne, et orchestrer des milliers d'exécutions de militants de groupes de résistance - en 194D on compte 5DO 000 déte nus - pour la plupart sans procès. Période terrible qui verra des milliers d'Espagnols prendre le chemin de l'exil. En 1950, le régi me reçoit l'attribution de 62 millions de dollars de crédits votés par le congrès américain et obtient l'annulation, par l'Assemblée générale de l'ONU, de l'interdiction de l'adhésion de l'Espagne fasciste aux institutions internationales des NationsUnies. Education nationale, médias, vie économique et syndicale sont sous le contrôle de la police politique et de Franco. L'Eglise catholique devient étroitement liée au pouvoir et participe acti vement à la persécution des opposants politiques. Mieux enco re, le clergé mène régulièrement des actions de délation auprès des tribunaux franquistes à rencontre des paroissiens restés fidèles aux idées républicaines, et des communistes, excommu niés par définition. L'Eglise catholique a aussi étroitement colla boré en fournissant le personnel des établissements péniten tiaires, notamment dans les prisons de femmes et les maisons de correction pour jeunes. Par la suite, les ex-détenus devaient publiquement accuser le personnel clérical de mauvais traite ments sur le plan physique et psychique. Jusqu'à la fin, "Franco la muerte" poursuit son oeuvre et signe ses dernières sen tences. En 1974, Salvador Puig Antich sera le dernier prison nier politique exécuté par garrottage, malgré de nombreuses interventions et manifestations. Le "Caudillo d'Espagne par la grâce de Dieu", comme l'affirment les monnaies frappées sous le régime, avait été à bonne école si l'on se réfère au film de Milos Forman, les Fantômes de Goya, récemment sorti sur les écrans, où on assiste à une mise à mort par garrottage ordonnée par l'Inquisition. Le dictateur décède en 1975, la même année que son ami José Maria Escriva de Balaguer (à

la guerre civile. "Au-delà d'un devoir de justice, nous pensons qu'on ne peut construire une démocratie sur les fantômes du passé", déclarait l'avocate Monserrat Sans. Aujourd'hui, des Espagnols demandent des comptes, d'autant qu'au moment de la transition démocratique, sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzales, il y a eu un véritable pacte du silence. De nom breux Espagnols voudraient que soit transformé en musée le gigantesque monument de la Valle de los caidos ["vallée des tombés"], situé en banlieue madrilène et lieu de pèlerinage des nostalgiques du franquisme. Commandé par le Caudillo pour rendre hommage aux "héros et martyrs de la croisade", entendez par là les combattants franquistes, il a été construit par des mil liers de prisonniers politiques. Creusée sous la colline, la basi lique Sainte-Croix renferme les sépultures de Franco et de José Primo de Rivera, fondateur de la Phalange espagnole de sinistre mémoire. Tous les 20 novembre y est célébrée une "sainte messe du Caudillo", où sont exaltées son œuvre et les "valeurs du franquisme". "L'Eglise espagnole n'a jamais clairement rompu avec la dictature, commentait récemment l'historien Julian Casanova. Le problème n'est pas qu'elle honore ses martyrs, c'est son droit le plus légitime. Ce qui n'est pas acceptable, c'est qu'elle demeure Tunique institution qui, en plein XXIe siècle, défend la mémoire des vainqueurs de la guerre civile et continue d'humilier les familles des vaincus." Le quotidien El Pais du 17 octobre rappelait les centaines d'assassinés, coupables d'avoir figuré sur les listes électorales du Frente Popular, de s'être affilé à un syndicat ou d'avoir appar tenu à un parti de gauche. Sous le titre : "Un martyr qui ne sera pas béatifié", le texte évoque le contexte de terreur et la mémoi re de Jeroni Alomar, prêtre de Llubi, village du centre de Majorque, qui a contribué à sauver plusieurs personnes en les aidant à passer en France à bord d'une barque. "Détenu et jugé par un de ces honteux conseils de guerre pour aide à la rébellion, il a été fusillé en juin 1937." Sans protestation de la part de l'évêque. Son délit : "Rien d'autre que le sentiment de justice et de solidarité avec les victimes, et une profonde humanité." Le jour naliste a des paroles dures pour l'Eglise, qualifée notamment de "estructura de hipocresia". "Ne devrait-elle pas exprimer son admi ration et suivre l'exemple de ce prêtre coupable d'avoir cru à la charité chrétienne ?"

Rome], fondateur de l'Opus Dei, mouvement auquel il avait ouvert les portes dans les années 60. Pour le Forum de la mémoire historique, qui défend la mémoire des centaines de milliers d'Espagnols victimes du fran quisme et demande des réparations morales, le sanctuaire valencien relève de la provocation, en particulier au moment où l'Espagne exhume les charniers de la guerre civile. En août 2002, une requête était déposée devant le groupe de travail des Nations-Unies sur les "disparitions forcées" et demandait

Nous tenons

• le Musée de la Résistance nationale de

duction d'œuvres de sa collection. Inaugurée le 22 octobre 2007, son exposition consacrée à Guy-Môquet se poursuit jusqu'en mars 2008. Le musée possède un fonds important sur le jeune résis tant, dont la lettre, désormais lue dans les écoles, envoyée à sa mère avant son exécution, le 22 octobre 1941, avec les vingt-six autres otages du camp de Chateaubriant.

que l'Etat espagnol offre une sépulture décente aux victimes de Golias magazine rf 116 sept/octobre 2007 p.43


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La croisade de BENOÎT XVI

contre la modernité Christian Terras Au Vatican, on en est de plus en plus convaincu : le laïcisme s'en prend systématiquement au christianisme, ayant son epicentre en Europe et visant principalement l'Église de Rome. Et pour mener la contre offensive, Benoît XVI en appelle à certains représentants laïques (les "athées-dévots") de la pensée (Habermas) et de la politique [Italie, Espagne, Amérique Latine, Allemagne, etc.). Sur fond du centenaire de l'encyclique publiée par Pie X contre le modernisme "Pascendi". Vous avez dit actuel ? Dans une interview au quotidien La Repubblica du 19 novembre [2004 ndlr], le cardinal Ratzinger décrivait la moder nité ainsi : « Nous nous trouvons face à un sécularisme agressif et parfois même intolérant. [...] En Suède un pasteur protestant qui avait prêché sur l'homosexualité en se référant à une cita tion de l'Écriture, a été condamné à un mois de prison. Le laï cisme n'est plus cet élément de neutralité qui ouvre des es paces de liberté pour tous. Il est en train de se transformer en une idéologie qui s'impose par le biais de la politique et ne concè de pas d'espace public à une vision catholique et chrétienne, qui

exercée sur des femmes victimes. L'omission, survenue par la suite, de la mention des racines chrétiennes dans le préambu le de la nouvelle Charte de l'Union Européenne, déplorée à plu sieurs reprises par Jean-Paul II en personne, était considérée comme une preuve de plus. Il en est de même avec la révolution laïciste dans l'Espagne de José Luis Zapatero concernant le divorce, les gay, les embryons, l'avortement, l'euthanasie. Son principe est le suivant : «Si la majorité dit une chose, c'est la vérité».

risque ainsi de devenir une chose purement privée et dans le fond mutilée. Nous devons défendre la liberté religieuse contre

Il faut encore mentionner les référendums organisés en Italie pour faciliter le recours à la fécondation artificielle et

l'imposition d'une idéologie qui se présente comme si elle était l'unique voix de la rationalité».

pour permettre l'élimination des embryons «inadaptés» sans oublier l'exclusion de la charge de Vice-président de la Commission européenne du ministre italien Rocco Buttiglione -

Le mois précédent, le 18 octobre [2004], le cardinal Renato

professeur de philosophie et spécialiste de la pensée du pape Karol Wojtyla - à cause de ses positions catholiques explicites sur l'homosexualité et le mariage.

Martino, président du Conseil pontifical pour la justice et la paix, avait été encore plus tranchant. En présentant un recueil de tous les discours diplomatiques de Jean Paul II, il avait dénoncé le fait que les voix du pape et de l'Église sont délibérément occultées, submergées par le vacarme et le boucan orchestrés par de puissants lobbies culturels, économiques et politiques, animés surtout d'un préjugé à rencontre de tout ce qui est chré tien. De l'avis des autorités du Vatican, les preuves de cette agression laïciste sont désormais innombrables. Le Cardinal Martino, qui pendant seize ans a représenté le Saint-Siège aux Nations-Unies, a rappelé la tentative de chasser le Vatican de l'DNU parce que l'Église avait toujours défendu la vie et combat tu l'avortement. Et pour ce qui est du présent, il ajoutait : «Il suf fit de penser à la manière désinvolte et légère avec laquelle ces lobbies promeuvent tenacement la confusion des rôles [sexuels] dans l'identité des genres, se moquent du mariage entre homme et femme, tirent à bout portant sur la vie devenue l'objet d'expérimentations les plus farfelues ». Et d'en rajouter récemment un couplet en condamnant "Amnesty International", pour s'être montré favorable à l'avortement en cas de violence p.44 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

L'idée d'une offensive anti catholique sans fondement Dans l'Église il y a toutefois ceux qui ne sont pas d'accord avec les avis alarmistes qu'on vient d'évoquer. A cet égard, l'Italie apparaît comme le pays laboratoire de ce qui se débat aussi en France notamment avec l'organisation - sous ce mode - des conférences Notre Dame par l'archevêque de Paris. Un commentaire publié dans La Repubblica par le pro fesseur Pietro Scoppola a fait beaucoup de bruit. Scoppola est un historien renommé, très représentatif du courant intellectuel progressiste qui domine depuis des décennies le camp catho lique, avec une écoute très large parmi les prêtres et les évêques.


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Le commentaire de Scoppola, paru en première page dans le quotidien LaHepubblica , commençait ainsi : «L'idée d'une offensive anti-catholique me semble tout à fait irréaliste, dépourvue de fondement».Et il poursuivait en soutenant que le vrai danger pour l'Église est plutôt autre : «L'initiative de cer tains représentants laïques qui se servent du christianisme, du catholicisme et de l'Église dans le domaine politique, comme élément identitaire face à la menace du terrorisme inspiré du fondamentalisme islamique». Ces mots de Pietro Scoppola visaient notamment deux intellectuels parmi les principaux laïques italiens, Marcello Pera et Giuliano Ferrara, qui défendent avec force l'identité chré tienne de l'Europe, face non seulement à l'offensive de l'isla misme radical, mais aussi face à celle du pouvoir excessif de la science sur la vie et sur l'homme. Pera, philosophe de la scien ce et élève de Karl Popper, est président du Sénat, depuis 2001, élu par la majorité conservatrice; tandis que Ferrara, qui du point de vue philosophique s'inspire de Leo Strauss et de sa thèse sur une loi naturelle capable de distinguer rationnelle ment entre bien et mal, est directeur de «// Foglio)), un quoti dien d'opinion, appartenant à la famille de l'ancien premier ministre, Silvio Berlusconi, très lu par les intellectuels anticonformistes, catholiques ou non.

La montée de l'islam et le pouvoir de la science en question "Avvenire", le quotidien appartenant à la Conférence épiscopale italienne, pré sidée par le cardinal Camillo Ruini, a ostensiblement apprécié cette défense du christianisme faite par des intellec tuels laïques. Mais cela a constitué une raison de plus, pour Pietro Scoppola et ceux qui se placent dans le même cou rant, pour critiquer la hiérarchie de l'Égli se. L'interview de l'historien Alberto Melloni, rapportée ci-après, représente bien ce courant de la pensée catholique. Selon celui-ci, la convergence actuelle entre l'Église et les représentants laïques qu'on vient de citer, qui proclament leur estime pour le christianisme, tout en n'y croyant pas, dégrade l'Église au rang d'aumônerie d'une religion civile qui, en réalité, n'a rien de chrétien.

Pietro Scoppola n'a pas hésité à indiquer la forme la plus extrême et culturellement la plus élaborée de cette allian ce entre Église et athées dévots dans un tristement célèbre précédent historique, synonyme du pire clérico-fascisme : l'Action Française de Charles Maurras, condamnée par Pie XI en 1926. Ce qui a induit {{Avvenire» à réagir avec dureté, par la plume de son di recteur Dino Boffo, très proche du cardinal Ruini. Et Pietro Scoppola de contre-réagir, en relançant contre les autorités de l'Église d'Italie l'accusation de marchander «un consensus de l'Église et une légitimation morale du pouvoir en échange de bénéfices et faveurs de ce même pouvoir». C'était un des sommets de l'affrontement qui, depuis longtemps, a pour protagonistes les intellectuels catholiques d'ouverture et nombre d'évêques en Europe. Mais après tout est-ce que la rencontre entre les raisons de l'Église et celles de la Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.45


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pensée laïque, au nom d'une appréciation commune du chris tianisme est véritablement inconvenante ? Autre question : Est-il véritablement sûr qu'une telle ren contre réponde à des intérêts politiques et de pouvoir ? A au moins deux occasions récentes, deux hauts représentants de l'Église de Rome ont montré que la rencontre entre foi chré tienne et pensée laïque n'est pas un expédient occasionnel et

Interview

«Aujourd'hui, les catholiques jouent les martyrs »

opportuniste, mais un ob jectif stratégique de l'Égli se même à ses niveaux les

italienne, mais évalué très favorablement par le

plus élevés et qui ne date pas d'aujourd'hui. Le 18 novembre 2002, s'adressant à tous les évêques ita liens réunis, le cardinal Camillo Ruini invoque le philosophe juif Karl Lôwith pour soutenir sa thèse selon laquelle la foi dans l'Homme-Dieu Jésus Christ est le premier fon dement de la dignité de l'homme dans la civilisa tion occidentale. Ruini lit un extrait d'un livre de Lôwith de 1941, « De Hegel à Nietzsche », pour dénoncer qu'« avec l'affaiblissement du christianisme, aujour d'hui même l'humanité est devenue problématique ». Le 25 octobre 2004, le cardinal Joseph Ratzinger a, de son côté, six mois avant d'être élu pape - fait appel, comme à un allié, au « phi losophe considéré comme le laïque le plus pur dans le monde de langue allemande » ; Jurgen Habermas, de la célèbre école de Francfort.

Les dégâts de la Conférence de Ratisbonne Joseph Ratzinger était à l'époque le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, tandis que Ruini était le vicaire du Pape. D'aucuns ont alors considéré lors de l'élection de Joseph Ratzinger sur le siège de Pierre, que ce débat était sinon le fondement, au moins le gage de la très grande ouver ture intellectuelle et philosophique du nouveau pape allemand. Sauf que le discours de Benoît XVI à Ratisbonne est passé par là et qu'Habermas a fait savoir publiquement ses profonds désaccords [voir plus loin notre article].

p.46 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

Alberto Melloni

prieur de Bose, Enzo Bianchi, «gourou» de l'in telligentsia catholique pro gressiste. Dans son livre, Melloni reproche à l'Église d'abandonner Jésus et de devenir l'aumônerie d'une autre religion qui n'est pas la sienne, toute civile, exclusivement au service des puissances de ce monde. Entretien ! D. Professeur Melloni, y at-il ou non une agression anti-chrétienne en cours ? Alberto Melloni (disciple du grand historien du Concile, Giuseppe Alberigo, de l'école de Bologne] est un historien réputé de l'Église, un des plus grands experts de Vatican II dont il a mené à bien une histoire monu mentale publiée en plu sieurs langues. Mais, en tant que catholique, il se définit comme du «dernier banc». Et de là-bas, au fond, il ne cache pas sa déception quant à l'Eglise catholique telle qu'il la perçoit aujourd'hui. Il a publié récemment en ita lien, édité par Einaudi, un petit volume au titre élo quent : «Église mère, Égli se marâtre», critiqué par I' « Awenire », le journal de la Conférence épiscopale

R. Certainement. Mais ce n'est pas l'agression laïque dont on parle en en Europe. Une véritable persécution, forte, sanglante, dont beau coup de chrétiens sont vic times, existe dans plusieurs régions extra-européennes : ce sont les véritables persécutés dont personne ne parle. En Europe c'est tout autre chose. Cette persécution dénoncée par beaucoup de catholiques ne mérite pas ce nom. Ce n'est qu'un problème d'incompré hension, de manque de communication, de difficulté à se mesurer avec l'homme moderne. Le fait d'appeler tout ça une persécution est une offense pour les chré tiens qui en Afrique ou en Asie sont persécutés et tués pour de vrai.


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Alberto Melloni

D. Mais en jouant les martyrs, sans l'être, comme vous dites, que pensent obtenir ces catholiques ?

R. Il reste dehors parce qu'il s'autoexclut. Si l'Église ne fait que répéter le catéchisme en photocopie et interdit en son sein la réflexion sur les points les

R. Ils rêvent du retour à une chrétienté

plus brûlants, elle n'ira pas très loin. Prenons par exemple les droits des homosexuels. À l'intérieur du monde chrétien coexistent des positions très différentes. Mais tandis qu'entre les

perdue, à une symbiose politico-religieuse qui remette l'Église au centre. Et immé diatement ils trouvent les forces poli tiques intéressées à cette opération. Il n'y a rien de nouveau dans tout ça. L'alliance entre les réactionnaires et les papistes a connu sa fortune déjà au XIXe siècle, aussi bien que la rencontre entre le catholicisme et la démocratie, expéri mentée par les catholiques modérés d'il y a quelques décennies. Aujourd'hui ce rêve est relancé de plus belle, à l'échelle européenne. Dans la nouvelle Europe il y a le pape, l'archevêque de Canterbury, le patriarche de Roumanie, l'archevêque d'Athènes, et cela suffit pour nourrir la prétention d'une nouvelle Europe chré tienne, en oubliant qu'il y a aussi les Musulmans et les Juifs, occasionnant ainsi un grave dommage à l'Église ellemême. D. Quel dommage ? R. Celui de la restreindre à l'Europe. Il est incroyable que tant de catholiques et d'ecclésiastiques ne s'irritent pas en voyant des personnages étrangers à l'É glise qui leur dictent quelle doit être la place de l'Église en Europe. Le christianis me n'est ni européen ni occidental, il est mondial. On peut être de bons européens et de bons occidentaux sans déranger la papauté et l'Église. Au Vatican on le sait bien et en effet on se montre plus pru dent. Le cardinal Angelo Sodano s'est tenu à distance de la campagne pour la défense de Rocco Buttiglione. Il a essayé de ne pas écraser l'Église sur des petites mésaventures domestiques. D. La sociologue de la religion Danièle Hervieu-Léger soutient que le christia nisme est désormais en dehors de la culture d'aujourd'hui. Êtes-vous d'ac cord ?

Anglicans, eux aussi des chrétiens, on en discute ouvertement et aux plus hauts niveaux, à l'intérieur de l'Église la discussion n'est pas admise. Il n'y a pas de fait divers qui ne trouve immédiate ment une déclaration du magistère en soutien de la condamnation. Et on consta te la même chose à propos de la morale sexuelle, de l'interruption de grossesse, des embryons, comme à propos de l'Islam. Ce sont toutes des questions non extérieures mais intérieures à l'Église. Et pourtant elle n'admet pas que les fidèles se confrontent ouvertement sur la manière d'appliquer à la réalité le messa

ter et de pratiquer la médiation. Si c'est une erreur de refuser chaque déclara tion épiscopale en la considérant comme un attentat à la laïcité, c'est aussi une erreur de voir partout une attaque à l'É glise. Les idées évoluent. Aujourd'hui sur la liberté de la presse l'Église ne raisonne plus comme Grégoire XVI qui la diabolisait, ni sur la démocratie à la manière de Pie XII. L'Église est appelée à apprendre de la voix de l'Esprit qui résonne au cœur de l'existence humaine.

ge de Jésus. D. Jean Paul II, dans son discours au Parlement italien, dit que la démocratie devient totalitarisme si elle n'a pas une «vérité ultime» qui la guide. Qu'en pen sez- vous ? R. Si l'Église veut parler à une société désorientée, il y a une seule «vérité ulti me» à lui offrir : la paix. La paix comme capacité de coexister entre personnes différentes. L'Église est parvenue à découvrir cette vérité après des siècles, en passant par des intolérances et des guerres de religion. Aujourd'hui qu'en Europe s'est affirmé le pluralisme, l'Église ne devrait pas le considérer comme une menace, mais comme une opportunité qui rend la foi encore plus belle. D. Mais l'Église continue de dire non à une démocratie qui transforme en vérité et en droit chaque désir de la majorité. R. La démocratie a ses faiblesse, elle ne fonctionne pas comme un séminaire de

D. Elle résonne aussi dans les cœurs de ces non-croyants, très laïques, comme Pera ou Ferrara, qui récemment se sont rangés à la défense de l'Église ? R. L'Église devrait se méfier de ceux-ci. Ils font semblant de la défendre, mais en réalité ils l'instrumentalisent pour des fins politiques, sans aucun respect pour les contenus de la foi. C'est là une vieille opération, qui n'a jamais fait du bien ni à la société ni à l'Église. Elle excite les cléri caux avec des conséquences que tous les chrétiens devront payer, en termes de perte de crédibilité : et quand cela arri vera, les soi-disant athées dévots les lais seront tout seuls. La foi chrétienne n'a pas besoin d'apologistes pareils. Elle sait se défendre toute seule avec ses moda lités spécifiques, qui sont la fermeté et la douceur. Propos recueillis par Christian Terras et Johannes Blum (avec la collaboration de Sandra Magister]

jésuites. L'important c'est de se confron Golias magazine n° 1 16 sept/octobre 2007 p.47


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Ratzinger / Habermas Les limites d'un débat Reginald Urtebize L'alliance souhaitable entre foi et raison était le véritable sujet du discours de Benoît XVI...à Ratisbonne le 12 septembre 2006. Il y a bien un souci commun de revalorisation de la rai son que l'on trouve aussi bien chez Habermas que chez Ratzinger. Or, dans un long article le 10 février 2007, Habermas précise son intention : s'il entend comme le pape refuser un certain nihilisme il ne prétend pas pour autant travailler à refonder une éthique dogma tique. D'où la proposition du philosophe à établir une nouvelle alliance entre foi et raison ce que récusent le pape Ratzinger et son bras droit en matière philosophique, le cardinal Ruini.

Habermas, de façon assez incontestable, pose comme condition initiale à cette alliance dont il rêve une délimitation des

dinales de « foi chrétienne hier et aujourd'hui », l'un de ses meilleurs livres, est précisément cette option pour le « logos »

champs du savoir, une épistémologie respectant les frontières, par exemple entre science et foi. Sur ce point, Joseph Ratzinger est d'accord. En revanche, Jurgen Habermas considère comme

plutôt que pour le « muthos » qui exprime quelque part l'es sence même du christianisme.

acquise et définitive, la faillite de toute métaphysique de type dogmatique, caressant la prétention de dresser un inventaire objectif du réel extra-mental tel qu'il est en lui-même. En tout cas, les religions doivent reconnaître la consistance propre et la valeur légitime de la raison naturelle. Pour Habermas, désor mais, une synthèse entre foi et raison du type de celle d'un Thomas d'Aquin, architectonique harmonieuse et unifiée du savoir, n'est plus possible. Ce que Joseph Ratzinger et peut-être

Ratzinger et Ruini font d'emblée à Jurgen Habermas deux remarques très critiques : d'une part, ils lui reprochent un cer tain nombre de présupposés, comme celui d'une dépendance essentielle entre la vision chrétienne et une option géocentrique bien entendue reléguée aux oubliettes par la révolution scienti

plus encore Camillo Ruini contestent absolument. En historien, Habermas entend reconnaître l'importance de la révolution épistémique chrétienne : depuis deux mille ans, l'ordre des représentations ne peut plus être le même. Sur cet acquis définitif du christianisme, également expliqué par un intel lectuel catholique comme Rémi Brague, Habermas et Ratzinger sont également totalement d'accord. Pour l'un comme pour l'autre, la rationalité européenne ne retrouvera sa vitalité, sa santé, son rayonnement, qu'en assumant ce triple héritage : Athènes, Jérusalem et Rome. Toutefois, la déconfiture de l'am bition métaphysique, tout comme la déshellénisation progressi ve et néanmoins inéluctable, à l'origine de la raison séculière moderne et post-moderne ne sauraient être gommées : il faut au contraire en prendre acte pour affronter de plain-pied la situation actuelle et refonder autrement la pensée et l'éthique. Ces évolutions sont en effet, pour Jurgen Habermas, constitu tives de la rationalité contemporaine. Cette problématique est familière à Joseph Ratzinger qui la traita déjà en 1959, à l'oc casion de sa leçon inaugurale à l'université de Bonn, consacrée au Dieu de la foi et à celui des philosophes. L'une des thèses carp.48 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

fique du dix-septième siècle ; d'autre part, le penseur de l'école de Francfort (voir encadré ci-contre] méconnaîtrait la nouveauté radicale de la pensée biblique. A l'origine du christianisme, on ne trouve pas une grande idée ou une vision abstraite des choses mais une personne vivante effectivement rencontrée. Néanmoins, l'incarnation « logos fait chair » assurant la rencontre de l'éternité et de l'histoire, rapproche également ces deux dimensions souvent séparées l'une de l'autre : le Dieu éter nel dont parlaient les philosophes et le besoin de salut que l'homme porte toujours en lui. Selon Joseph Ratzinger, dans la perspective de la foi chrétienne, le Dieu auquel on croit est indissociablement celui de la métaphysique [même si, par la force des choses, les voies d'accès ne sont pas les mêmes]. Le Dieu de la métaphysique est également celui qui entre dans l'histoire. Jurgen Habermas désire certainement faire se rencontrer la foi et la raison. Ratzinger et Ruini vantent son indéniable sincé rité. Ils ne déplorent plus chez lui l'élaboration de stratégies mais saluent une quête de véracité et de vérité. Ceci dit, le Pape et le Cardinal ne peuvent adhérer au projet du philosophe : en effet, ce dernier refuse de subordonner la raison à la foi. La foi y est toujours mesurée par la raison, et jamais l'inverse. Contre tous les fidéismes, Joseph Ratzinger et Camillo Ruini, entendent


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Habermas, le dernier héritier de l'école de Francfort Le philosophe Jurgen Habermas est né en 1929. Après avoir soutenu une thèse consacrée à Friedrich Schelling, il enseigne la sociologie et la philosophie à l'université de Heidelberg avant de rejoindre en 1964 l'uni versité de Francfort. L'école de la même ville, à partir des œuvres de Max Horkheimer et Theodor Adorno entend baliser de nouveaux chemins de pensée inspirés d'une forme de socialisme critique.

Dès les années soixante, Habermas

En ce sens, Habermas entend bien mettre en oeuvre une entreprise de refondation. Il entend également contes ter une sorte de relativisme trop radical. Cette double orientation de sa pensée à la fois le rapproche du combat de Joseph

de l'athéisme une position métaphysique définitive, mais refusant de voir en un Dieu réel ou possible le socle fondateur de la marche ultérieure de sa pensée], Habermas a entrepris de dialoguer avec Benoît XVI, alors simple cardinal

Ratzinger et de Camillo Ruini et l'en éloigne. On peut dire que, comme eux, il entend refuser un certain nihilisme axio-

Ratzinger. Leur dialogue intellectuel, des plus féconds et des plus respectueux, véritable modèle du genre à bien des

plus que Karl Marx, c'est Max Weber qui l'inspire. Parmi les thèmes de prédilec tion de Jurgen Habermas, on peut évo

logique. Cependant, contrairement à eux, il ne prétend pas refonder une éthique véritablement dogmatique. Kant tend à

quer la question du rapport entre le pou voir et la technique. Il entreprend en par ticulier de fonder (ce qui suscite dès le début des années 1980 l'ire de Michel Foucault qui refuse toute recherche de

négliger la rencontre des autres, le dia logue avec eux. Au fond, pour lui, l'homme trouve le fondement et les normes de sa morale en lui-même, par la voie reflexive. Par contre, pour Habermas, c'est l'é

égards, porte en particulier sur le thème « foi et raison ». Le point de convergence des deux hommes semble être la volonté de retrouver un fondement [même si

fondement] de façon nouvelle la morale sur le dialogue, grâce auquel émerge un

change qui est fondamental et qui per met ensuite, grâce au dialogue, de construire une éthique moins solitaire et

adopte une position originale qui le rend difficilement classable. Il entend favoriser l'intégration des théories marxistes dans le cursus académique tout en se procla mant « anti-communiste » et « anti marxiste ». Au-delà d'une posture feinte, Habermas se présente vraiment comme un penseur original et paradoxal. En fait,

visage renouvelé de la raison. L'éthique communicationnelle se distingue à la fois très nettement des morales dogma tiques comme celle de l'Église catholique et d'une sorte de nihilisme des valeurs à la Deleuze ou Foucault. Comme Karl-Otto Apel, Jurgen Habermas estime en effet que la raison peut reconnaître une cer taine ligne morale qui s'impose à elle et déborde les fluctuations des opinions arbitraires. A la différence de Kant pour tant, Apel et Habermas ne considère pas qu'il y ait une sorte d'impératif catégo rique facile à reconnaître. Au contraire, c'est l'échange [communication vraie] qui permet de fonder une éthique plus incer taine mais non totalement relative.

plus solidaire. Sa vision de la vérité pra tique se veut éminemment « dialogique », comme chez Platon. En même temps, Habermas refuse avec véhémence toute position cynique qui réduirait les posi tions critiques à une pure stratégie. Il vante le patriotisme, mais sous une nou velle forme, moins nationaliste, plus européenne. Sur les questions d'éthique de la vie (par exemple] il a pris des posi tions fermes, au nom d'une éthique de précaution. Cela le rapproche du Magistère romain. S'il se définit toujours comme un athée méthodique [ne faisant donc pas

pour l'un et pour l'autre, il ne s'agit pas du même]. Leur commun point de départ est ce constat du penseur ErnstWolfgang Bockenforde [philosophe du droit né en 1930], selon lequel l'état libé ral né de l'Aufklârung et des Lumières « vit de présupposés qu'il ne peut garan tir ». D'où, selon lui, un sentiment bien réel d'anxiété et de précarité, difficile à éluder. Habermas comme Ratzinger se demandent alors si la religion comme telle pourrait être susceptible d'offrir le socle fondateur qui fait défaut. Habermas va jusqu'à envisager une nou velle alliance entre « foi et raison », dont Ratzinger et Ruini contestent la validité, car celle-ci serait selon eux davantage de circonstance que profondément enra cinée dans une connaissance, faute d'une structure métaphysique assez forte. Reginald Urtebize Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.49


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l'incertitude que confit en dévotion, s'approchent parfois davan tage d'une crevasse de néant que d'un pâturage trop serein. Pour Joseph Ratzinger, finalement, l'agnosticisme n'est pas vivable concrètement, c'est un programme irréalisable pour la vie humaine. Le motif en est que la question de Dieu n'est pas seulement théorique, mais éminemment pratique, c'est-à-dire qu'elle a des conséquences dans tous les domaines de la vie. Comme l'élève dyslexique du « Topaze » de Marcel Pagnol nous redoutons de nous entendre dire « je vous condamne à l'incertitude ». Pour Joseph Ratzinger, l'agnosticisme, position de celui qui

I Une vision apologétique

dénoncer des conceptions irrationalistes de la foi et de la mora le. En même temps, l'un et l'autre estiment que la foi présente une objectivité supérieure, non contradictoire, mais complé mentaire en référence à l'adage anselmien : « croire pour com prendre ». En définitive, le grief est adressé à Jurgen Habermas de ne pas sortir de cet « enfermement » regret table de la raison en une conception réductrice d'elle-même, empirique et limitée.

I « Une étrange pénombre » La reconnaissance de l'ordre et de l'harmonie du monde peuvent conduire l'homme sur le chemin d'une connaissance vraie et fiable, selon laquelle l'hypothèse la plus probable est celle du Dieu, Providence et Amour, origine radicale de l'univers. En même temps, selon Ratzinger et Ruini, dans le climat cultu rel actuel, une « étrange pénombre » ne permet pas toujours de reconnaître cette probabilité, les signes et signaux, la cohé rence et la beauté d'une vision métaphysique rigoureuse et contemplative du monde. La divergence qui sépare la vision agnostique du monde qui demeure malgré tout celle de Jurgen Habermas et la vision évi demment théiste et confessante des deux hommes d'Eglise ne présente au fond rien de très surprenant. On a parfois l'impres sion que le dialogue, d'abord facile et stimulant au départ, s'é puise dès lors que se croisent, plus qu'elles ne se rencontrent, deux visions globales de l'existence, de Dieu et du monde. On peut donc regretter que Joseph Ratzinger se soit laissé aller à présenter un vision apologétique frôlant également le réquisitoi re contre l'agnosticisme, plutôt que de saluer également cette option rigoureuse, et non point simplement complaisante, qui peut inspirer le respect. Les mystiques eux-mêmes, à l'image des premiers chrétiens ou d'un Dostoïevski plus tourmenté par p.50 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

prétend ne pas savoir si Dieu existe ou non, revient à une déro bade, rendue impossible par l'inévitable implication théorique de nos choix pratiques concrets. Il soupçonne le prétendu agnosti cisme des uns et des autres d'être en réalité un masque pour cacher, y compris à soi-même, un choix athée encore trop hési tant ou jugé culpabilisant. En fait, nous ne pouvons pas ne pas choisir : nous sommes condamnés non pas à l'incertitude, comme le cancre pagnolesque, mais au choix. Seul l'âne de Buridan mourut de faim devant l'avoine et de soif devant un seau d'eau. En réalité, dans l'existence, malgré nos réticences et nos dissimulations, nous choisissons et avons déjà choisi. Agir comme si Dieu n'existait pas revient à adopter de facto une position d'athéisme pratique. Au contraire, une foi véritable impose une manière de vivre, comme si Dieu existait. On ne peut pas vivre à la fois, et en même temps, comme s'il existait et comme s'il n'existait pas. En définitive, Joseph Ratzinger semble vouloir nous convaincre que l'attitude agnostique n'existe tout simplement pas. Nous ne devons pas éluder le pari de Pascal. Le refuser c'est déjà adopter l'une des branches de l'alternative. La men talité actuelle sécularisée ne se justifie donc pas sous le prétex te qu'elle serait une sorte de dépassement des deux alterna tives foi et athéisme. Jadis, le théologien Jean-François Six donna pour titre à l'un des ces livres « l'incroyance et la foi ne sont pas ce que l'on croit ». Joseph Ratzinger, ironie du sort cité très favorablement par le livre de Six, entend nous persua der du contraire. Il le fait en outre de manière polémique et par tisane, en contraste avec le ton plus serein de Jurgen Habermas. Il retrouve des accents inquisitoriaux pour dénoncer la dictature du relativisme et l'individualisme. Il y a sans doute quelque chose de rigide, d'angoissé et de crispé dans cette sim plification soudaine d'un débat subtil et complexe. Dans un langage inspiré de Kant, mais peut-être avec une arrière-pensée en quelque sorte inverse, comme pour justifier la connaissance discréditée ou relativisée [un peu dans le sens


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D. R. - Jurgen Habermas et Joseph Ratzinger

du savant et très difficile « Insight » de Bernard Lonergan] , Camillo Ruini, à la suite de Joseph Ratzinger nous convie à éva luer à nouveaux frais une investigation très rigoureuse sur les conditions de possibilités de la connaissance. Cette préoccupa tion rapproche cette fois les deux hommes d'Eglise de Jurgen Habermas. Une commune hantise néo-fondationnelle semble les poursuivre. Au détriment de l'attention à l'humanité concrè te, des « infrastructures » au sens marxiste du terme. En fait, le projet est suggéré de rédiger une critique de la critique de Kant, comme il y a fort longtemps à présent, Jean Guitton recommandait « une critique de la critique « en écriture sain te ». L'un des arguments volontiers cultivés pour un nouveau réa lisme métaphysique est celui de la correspondance entre les mathématiques, création de notre intelligence, et les structures réelles du monde physique, correspondance confirmée par les succès des sciences et des technologies. En fait, il s'agit, pour ainsi dire, d'un véritable retournement de la « révolution copernicienne » de Kant en sens opposé. On peut se demander si cette démarche critique ne serait pas en fait tout simplement pré-critique. Le constat d'une correspondance entre l'ordre des idées et celui des faits étant relativisé dans la mesure où un fait lui-même ne semble pas chimiquement pur mais est également en quelque sorte, constitué par l'intelligence. Le débat n'est cer tainement pas clos. A titre personnel, il nous semble qu'il serait intéressant de chercher une sorte de compromis, non diploma

Joseph Ratzinger et Jurgen Habermas semblent cultiver un souci commun : celui de refonder la vie en société et en général la conduite morale et la pensée, en raison d'un certain échec de la pensée séculière moderne et contemporaine à le faire. Mais, il est indéniable que les deux hommes ne cherchent pas de la même manière une réponse à cette interrogation contempo raine. Joseph Ratzinger pourfend l'agnosticisme et entend exhu mer un réalisme pré-critique et une vision religieuse du fonde ment. Jurgen Habermas, en partie d'accord avec le Pape actuel sur le diagnostic d'une crise, nous propose un cheminement différent, moins dogmatique, fondé sur l'espoir de l'émergence fiable et transcendantale d'une vérité pratique qui n'a rien de

tique, mais de médiation entre la dénégation impossible d'un réel objectif qui résiste, d'une part, et, de l'autre, une occultation de l'aspect véritablement créateur et inventif de la connaissan ce. Une clé nous est peut-être offerte là : il ne s'agit ni simple ment d'imaginer ex nihilo ni de recevoir passivement. Un va-etvient demeure possible et sans doute souhaitable entre une vision plus créatrice de type « idéaliste » et une approche plus docile au réel, de type davantage réaliste. Il nous semble que « mutatis mutandis », cela pourrait ouvrir également un espace pour définir autrement la morale, en reconnaissant la vitalité créatrice de la conscience tout en valorisant la dimension d'irré ductible indépendance qui nous interdit de détruire ou d'offen ser la dignité humaine. Il ne nous semble pourtant pas que ni

granitique mais ne semble pourtant pas soumise aux fluctua tions arbitraires d'un pur relativisme éthique, axiologique et

Ratzinger ni Ruini s'engagent dans cette voie, réitérant, surtout en matière d'éthique sexuelle des jugements abrupts et som maires trop vite absolutisés. L'intransigeance cassante dont font preuve Ruini et Ratzinger dans les questions sociétales [cf.

cription d'un état de chose et d'un dynamisme. Nous rejoin drions alors davantage une approche plurielle, intuitive et peutêtre mystique de l'existence, qui n'exclut aucunement à un autre niveau des saisies rationnellement très rigoureuses. Un dis cours plus poétique, même en prose, évoquerait ce dont on ne

plurielle, IPour une intuitive approcheet mystique le cas Welby et le refus de lui accorder des funérailles catho liques] semble d'ailleurs s'inscrire aux antipodes d'une éthique communicationnelle comme celle des grands philosophes Apel ou Habermas.

épistémologique. A titre davantage personnel, il nous semblerait plus perti nent de nous interroger sur la nécessité même du fondement. On se souvient de la crise des mathématiques au siècle dernier, précisément, comme l'a par exemple établi Jacques Bouveresse « crise de leurs fondements ». L'oeuvre même d'un Ludwig Wittgenstein, née des turbulences et des déchire ments moraux et intellectuels de ce penseur irréductible, témoigne en faveur d'un autre regard qui ne cherche pas d'abord un fondement [inutile et incertain ?] mais permet la des

peut parler de façon définitive et dogmatique. En contre-partie, les savoirs de type rationnels seraient cultivés avec une impla cable rigueur [ce qui nous éviterait enfin des spéculations hasar deuses, par exemple autour de la thèse de ['"Intelligent Design"]. Après Habermas, Joseph Ratzinger et Camillo Ruini devraient-ils lire et relire Wittgenstein ? Ce dont on ne peut par ler, il faut d'une certaine façon le taire. Mais ne peut-on le chan ter ? « La rose est sans pourquoi » [Angélus Sibelius]. Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.51


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E n q u ê t e Epilogue

Obéissance et servitude Tancrède Bonnefoy - Romano libero - Christian Terras Faut-il que Benoît XVI et son entourage se sentent désarmés devant la vivacité et la déter mination des résistances opposées à ses dernières directives au point de se voir acculés au dernier recours : l'appel à l'obéissance. Cette exigence, avec ce qui en voudrait être la justification, se trouve étalée dans Le Monde du 14 juillet 2007, sous la signature de Mgr Hyppolite Simon, archevêque de ClermontFerrand. Elle est titrée : « Pourquoi j'obéis au pape ». Il n'y abor de les réactions négatives de nombreux catholiques romains que face à deux texte de Benoit XVI : le motu propria et la lettre d'accompagnement sur une soi-disant « libération de la liturgie en latin ». A croire que cette dernière a cessé d'être en vigueur et célébrée depuis le concile de Vatican II. Il est vrai que depuis - et dans toute la catholicité romaine - ses usagers se rédui sent à des cercles très minoritaires de « traditionalistes », que nous préférons qualifier de « fixistes «tant il est vrai que la tra dition est, avec l'Ecriture, le noyau expressif de la foi de tout croyant et non la propriété exclusive d'un petit phalanstère. C'est pourtant un ensemble d'orientations et impositions papales contenues dans l'Exhortation apostolique sur l'Eucharistie du 22 février 2007 concernant le sens et la finalité du mariage qui sont l'objet de contestation à l'intérieur de l'Eglise et - en accompagnement obligé - elles concernent « les cathos et le sexe ». L'irruption indiscrète des clercs dans l'intimité des individus et des couples est unanimement rejetée. Pis. A un moment où les sept sacrements se voient de plus en plus délaissés, voire même hors d'usage, comme l'extrêmeonction, la confession individuelle et auriculaire - où les deux survivants : le baptême et l'eucharistie, ne trouvent plus assez de ministres pour les administrer - la catholicité romaine s'in surge contre le refus du Vatican de permettre l'accès des femmes au sacerdoce, l'imposition du célibat à tout prêtre du

seraient dues qu'à l'ignorance des textes pontificaux, de leur lec ture superficielle, souvent jugés « selon les catégories « ouvert-fermé » « progressiste-intégriste » « passéistemoderne », etc. qui sont les catégories de la presse people ». On s'étonne de tant de hauteur de la part d'un prélat d'ordinai re apprécié pour son ouverture d'esprit et la rigueur de ses ana lyses. L'archevêque est conscient du malaise causé par son refus de prendre en considération les objections soulevées par les deux textes de Benoit XVI sur une nouvelle promotion du latin dans la célébration de la messe et de tous les sacrements. Aussi se voit-il acculé à justifier son obéissance sans réserve au pape. « Je vais obéir pour deux raisons. La première, qui suffi rait, parce que je suis évêque et que j'ai promis communion et obéissance au pape au jour de mon ordination. Si j'avais des rai sons en conscience, de ne pas obéir, je n'aurais qu'une chose à faire : présenter ma démission à Rome. Mais je n'ai pas de motif de conscience, qui m'obligerait à démissionner et je ne vais pas abandonner mon peuple en rase campagne ». On ne peut imaginer Hippolite Simon blâmer le comte Konrad von Preysing, évêque de Eichstatt et Berlin pour avoir osé adresser une première démission au pape Pie XII. Le cardi nal Bertram président de la Conférence des évêques d'Allemagne venait le 10 avril 1940 - au nom des évêques alle mands sans que ceux-ci fussent consultés - d'adresser à Hitler des voeux chaleureux de bon anniversaire. L'évêque de Berlin savait que Bertram avait agi sur instructions de Pie XII. Il lui était d'autant plus douloureux de devoir en ces circonstances assumer l'initiative d'une démission, qu'elle était adressée à Pacelli - depuis peu Pie XII sous la tiare - son meilleur ami

clergé séculier, son interdiction de l'accès au partage du pain eucharistique à toute personne remaniée, à tout élu du peuple - même dans un pays où le catholicisme romain est minoritai

depuis le temps où jeune diplomate détaché par la Wilhelmstrasse il avait fréquenté la Secrétairerie d'Etat.

re - qui voterait une loi de santé publique ne tenant pas comp te des orientations éthiques de Rome, son refus d'ordonner

A deux reprises, par la suite, l'évêque von Preysing s'est cru

prêtre un homme marié, l'interdiction à tout catholique romain de participer à un culte protestant ou orthodoxe et à ses prêtres de concélébrer l'office divin en même temps qu'un pas teur. L'archevêque de Clermont-Ferrand explique son refus de prendre en considération ce que, par litote, nous appelerons des turbulences à l'intérieur de la catholicité romaine. Elles ne

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obligé de donner sa démission au pape. Il ne pouvait souffrir que « les silences de Pie XII » livrent l'écoute de ses diocésains et des catholiques allemands aux seuls discours de Hitler et désar ment tout projet de résistance aux exactions, crimes et exter minations de l'hitlérisme et de son Fuhrer, dont le pape assurait et confortait l'ignorance.


RADIOSCOPIE

E n q u ê t e Epilogue

Lorsque Jean-Paul II, en fin de pontificat, prit des mesures infondées envers leur Eglise et qu'ils désapprouvaient, les évêques allemands se rebiffèrent. Faute de pouvoir faire revenir le pape sur ses décisions ils eurent la loyauté et le courage de les dénoncer et d'en entraver l'exécution. De quoi s'agissait-il ? Sensibles aux douloureuses consé quences psychologiques et affectives de tout avortement et à son caractère irréparable, car irréversibles, les pouvoirs publiques venaient de prendre des mesures pour éviter qu'une décision d'avorter ne soit prise par une femme dans l'ignorance de ses séquelles ou l'affolement de se savoir enceinte et inca pable d'assurer, comme mère célibataire, les dépenses de nourriture, habillement, éducation d'un enfant. Le gouvernement rendait dès lors obligatoire avant toute opération d'interruption de grossesses un entretien en des centres de conseil appropriés. Ceux-ci visaient non à peser sur la décision de la femme ni à la dissuader, mais à la mettre en situation de sérénité, à lui faire connaître l'assistance sociale donnée aux filles-mères impécunieuses. Les instituts d'assistan ce visités étaient tenus de délivrer un document certifiant la tenue de l'entretien. Cette attestation était exigée par les méde cins et les cliniques avant l'exécution de l'acte. Jean-Paul II exi geait la fermeture de toutes les institutions catholiques tenues de délivrer le certificat de consultation préalable. Elles étaient accusées par le pape de se montrer complices d'avortement, alors qu'elles étaient souvent arrivées, par un retour au calme, à voir la femme envisageant un avortement y renoncer. Malgré les protestations des autorités et partis politiques, Jean-Paul s'entêta dans sa décision. Sachant leur autorité bafouée par l'Église de Rome, plusieurs évêques allemands ont envisagé de donner leur démission. Ils en furent détournés par leurs confrères qui leur rappelaient que pour les remplacer la Rome vaticane nommerait des incontournables tenants de la restau ration. L'épiscopat allemand fit connaître sa réprobation des décisions de Jean-Paul II. La diffusion de leur condamnation donna naissance à des structures catholiques de remplace ment tenues par des laïcs hors obédience épiscopale. Le désa veu sait être plus efficient qu'une démission.

I L'un et l'autre Benoît XVI Devant l'appel à l'obéissance au pape exigée des catholiques romains réticents voire hostiles aux dernières orientations ou impositions pontificales, ceux-ci se trouvent embarrassés, per plexes, indécis. Le pape Benoît XVI ne cessant d'avancer dits et contre-dits, la question se pose : à quel Benoit XVI faut-il qu'ils obéissent ? L'homme Ratzinger, professeur de théologie fonda mentale dite jusqu'à un passé récent "dogmatique", s'exprime toujours avec l'autorité de quelqu'un qui se donne pour déten

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teur de la Vérité. Il dénonce avec tranchant l'hérésie et met au banc de l'Église, avec le même abrupt, ceux qu'il soupçonne d'en être les dealers. Pour l'ex-préfet de la Sacrée Congrégation du Saint Office l'hérésie est molaire c'est-à-dire qu'elle ne saurait contenir parcelle de vérité, elle est pérenne c'est-à-dire appelée à durer jusqu'à la parousie. Chacun adhère aujourd'hui à la défi nition que Gilbert Keith Chesterton donne de l'hérésie : « elle n'est qu'une vérité prématurée ». Il s'ensuit que toute vérité est parcellaire, évolutive. Bachelard en tirait d'ailleurs le conseil donné à tout chercheur : dès que posée toute affirmation doit susciter la recherche du « fait polémique » qui en précise les limites et invite à son dépassement. Refusant toute relativité Benoit XVI se voit contraint aux démentis, à la rétractation qui ne débouche jamais chez lui sur un repentir. Le cas le plus douloureux pour lui et pour l'intéressé s'est présenté dans l'« affaire Tissa Balasuriya ». Ce religieux Oblat de Marie Immaculée, professeur de théologie au SriLanka, avait publié un ouvrage Marie et la libération humaine Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.53


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E n q u ê t e Benoît XVI est-il crédible ?

[paru en traduction française en 1997, Ed. Golias, 350 p.). L'auteur a été excommunié le 21 jan vier 1997.

honoré par Benoît XVI. Or nul n'ignore plus aujourd'hui que selon les statistiques officielles rapportées par Salas Larrazabal dans « Les données exactes de la guerre civile » « le chiffre de mort en campagne est de 120 000, bien partagés entre natio naux [59 000] et gouvernementaux [60 500] [...] 23 500 exécutions ont été relevées après le 1 er avril 1939 » date à

Le soutien total

laquelle Franco a publié son fameux communiqué « La guerre est finie ».

apporté au professeur par la totalité des évêques du Sri-Lanka et en Inde par de nombreux intellectuels ont contraint Ratzinger à revenir sur la condamna tion. L'excommunication a été levée le 1B janvier 1998. Ratzinger prison nier de ses certitudes n'a pas retiré l'interdit jeté sur cinq des plus grands philosophes-théologiens en Inde et leurs écrits. Dans tous les cas évoqués les jugements portés par le préfet de l'ex-Sacrée Congrégation du Saint Office témoignent d'une

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approche superficielle des cultures et religions d'Asie. Elle s'étale dans la définition désobligeante autant qu'infondée que Ratzinger n'a pas craint de proposer d'un bouddhisme donné pour « un simple auto-érotisme spiri tuel » n'accédant pas au religieux. Sans revêtir l'éclat d'une annulation d'excommunication par l'inquisiteur Ratzinger le constant passage du dit au non-dit en l'espace d'un matin chez Benoît XVI suscite étonnement, malai se et parfois refus d'obtempérer dans la catholicité romaine d'aujourd'hui. Les revirements de Benoît XVI se sont affichés dès le lendemain de son élection au souverain pontificat. Il a par

Il ne semble pas non plus que la programmation d'une pro chaine béatification de Pie XII, non plus que l'ouverture du procès en béatification de Jean-Paul II n'entrent dans les limites des décisions annoncées par Benoît XVI pour les promotions aux honneurs des autels. L'émoi suscité par les propos tenus à Saô Paulo par Benoît XVI niant toute atteinte portée aux cultures indigènes - après les découvertes de Christophe Colomb et de Pedro-Alvarez Cabrai et les annexions territoriales consécutives par l'Espagne et le Portugal - a obligé le pape à revenir sur ses propos. Ceuxci ont été aussitôt dénoncés comme patente contre-vérité his torique et ressentis comme un affront à la nation toute entière. En attendant la rétractation et pour la faciliter, certains journa listes sud-américains se sont plu à rappeler à leur hôte qu'à la même charnière des quinzième et seizième siècle chaque conquête par les troupes pontificales et leurs mercenaires s'est soldée par l'évanescence des cultures locales, la destruction de prestigieuses forteresses et places fortes, par la fuite des artistes : architectes, peintres et sculpteurs, attirés par le spon soring de papes, qui se disaient leur « libérateur ». La mer veilleuse cité d'Ascoli Piceno dans les Marches a été féroce ment conquise en 1504 par un Jules II à peine couronné le 18 novembre 1503. Ce même pape y a fait édifier un de ses nom breux mausolées. Vous y lisez : « A Jules II, souverain pontife, la ville d'Ascoli reconnaissante envers celui qui lui a rendu la liberté et expulsé le tyran, a érigé cette statue M.D.X. » Dès l'accession de Alexandre VI au souverain pontificat le 11 août 1492 et les annexions de nouvelles cités aux États de l'É

exemple annoncé aussitôt sa décision de mettre un terme au vibrionisme promotionnel de saints et bienheureux témoigné

glise, presque tous les grands peintres, sculpteurs, architectes désertèrent leurs patrie, le mécénat pontifical se limitant à la ville de Rome. Pour survivre les artistes y accoururent. Les

par son prédécesseur. Il n'entendait promouvoir aux honneurs des autels que quelques hommes et femmes d'une exemplarité

somptueuses peintures à fresque à la chapelle Sixtine, repré sentant des scènes de l'histoire de Moïse portent les signatures

d'engagement pouvant servir de modèle à la vie courante d'un chacun. Pour la première béatification de son règne - retenue car déjà engagée par son prédécesseur - Benoît XVI en a délé

d'expatriés : le Perugin, Pinturichio, Ghirlandaio, Signorelli, Cosimo-Rosselli. Seuls sauvèrent leur création locale, les duchés, comtés et république ayant gardé leur souveraineté.

gué la célébration à un autre. Las l'effet d'annonce a tôt fait de se transformer en annonce sans effet. C'est en effet en une fournée débordante qu'ont été béatifiés prêtres et religieux tenant de Franco ou ses affidés martyrs de la confusion du reli gieux et du politique. On relève que pas un seul basque - ou catalan - de convictions républicaines n'a vu son martyr p.54 Golias magazine n° Il 6 sept/octobre 2007

Les propos, écrits, déclarations de Benoît XVI concernant sa représentation de l'Islam et des relations interreligieuses avec lui, tout comme celles concernant l'éventualité de l'admission de la Turquie à la communauté européenne, évoquent le constant flux et reflux d'une mer sur un rivage tourmenté, au rythme sou-


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E n q u ê t e Bsnnît XVI est-il crédible ?

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tenu de la marée. Nous n'en relèverons qu'un élément dont l'odieux ne s'est pas estompé à la lecture de sa rétractation. Encore fraîchement installé dans les Palais Apostoliques Benoît XVI a exclu l'Islam de la congrégation chargée des relations interreligieuses au motif qu'il ne reconnaissait pas l'islam comme religion. Stupeur car tous les lexiques en donnent la même définition « religion prêchée par Mahomet et fondée sur le Coran ». Il suspend le préfet de la congrégation, qui ne par tage pas ses vues, et l'envoie au Caire comme nonce aposto lique. Il rattache l'Islam au Conseil pontifical chargé des relations interculturelles. L'émoi est vif chez les musulmans, l'indignation quasi générale en chrétienté. Cédant à la rébellion, Benoît XVI et sans aucune excuse ou expression de repentis a fini par reve nir à la case départ. L'affront n'est pas pardonné en terre d'Islam. Le pape est et reste désavoué par toutes les Églises chrétiennes d'Orient.

I Le hue à dia du pape Ratzinger Le hue à dia de Benoît XVI sur les problèmes centraux tou chant la Foi ne peut être attribué à une humaine versatilité : son comportement constant comme professeur de dogmatique et comme préfet de l'ex-Saint-Office s'inscrivent en faux contre semblable supposition. Tout porte à croire que le constant va et vient de Benoît XVI relève d'une politique élaborée de gouverne ment. Il sait que tout rectificatif à un propos diffamatoire tend sûrement à s'évanouir dans le souvenir du seul propos premier. Georg Gânswein, secrétaire particulier du pape, vient de confir mer la pertinence de l'attribution à une politique délibérée de gouvernement, le constant va et vient de Benoît XVI entre l'af firmation d'une proposition et sa rétractation. Candidat au poste d'archevêque de Munich, dans une interview accordée à Peter Seewald parue dans le supplément hebdomadaire « Magazin » de la « Suddeutsche Zeitung » du 27 juillet 2007 Gânswein confirme : PS - Le pape écrit lui-même ses principaux textes, aussi celui du discours de Regensburg avec sa citation controversée tirée d'un livre historique rapportant un affrontement avec des musulmans. Pourquoi personne n'a contré le texte ? Reconnaissant implicitement que plusieurs collaborateurs du pape - hors lui-même - ont invité le pape à retirer la cita tion impériale et que le discours de Regensburg - malgré les démentis apportés par la suite - exprime le constant jugement dépréciatif de Ratzinger sur l'Islam, le secrétaire particulier du pape réplique : G.G. Je tiens le discours de Regensburg pour prophétique. En tout état de cause, obéissant à l'un ou l'autre Benoît XVI, le catholique-romain est sûr de se tromper une fois sur deux.

I Obéir aujourd'hui Qu'entend-on aujourd'hui par obéir au pape ? L'obéissance se présente sous diverses modalités : celle d'un enfant n'est pas celle d'un soldat sur le champ de bataille, sous forme d'exécu tion immédiate ou de soumission aveugle à quelque autorité. L'obéissance au pape est censée aujourd'hui répondre aux mêmes normes définies au XVIe siècle par Ignace de Loyola pour ses compagnons lorsque ceux-ci font leur profession solen nelle ajoutant aux trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissan ce le prononcé d'un quatrième vœu dit d'obéissance spéciale au pape. Celui-ci est assez communément confondu avec une exi gence d'obtempérer aveuglément en tous temps et en tous lieux aux ordres, indications, orientations intellectuelles d'un pontife souverain. Or ce dernier vœu est d'une portée limitée. Il se réduit pour l'essentiel à l'acceptation de toute affectation « quels que soient les pays auxquels ils [les papes] nous envoient : chez les Turcs, soit chez n'importe quels autres infidèles qui existent, même dans les régions qu'on appelle les Indes, soit chez n'importe quels hérétiques, soit chez les schismatiques, soit même chez les infidèles quels qu'ils soient ». Ce quatrième vœu trouve sa justification dans l'attribution donnée alors au pape du titre de meilleur connaisseur des besoins de la chrétienté. Ignace insiste sur l'importance qu'un chacun doit reconnaître à l'obéissance car elle est le mode incontournable de l'insertion de l'individu dans toute vie sociale, dans toute ins titution. Dans sa « Lettre sur l'obéissance » adressée « aux Pères et Frères du Portugal le 26 mars 1553 » par-delà l'évo cation des circonstances locales qui en justifient l'envoi, c'est aux fondements religieux de toute obéissance à tout supérieur économique, politique, religieux qu'Ignace invite à porter la réflexion : Golias magazine n° l 16 sept/octobre 2007 p.55


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E n q u ê t e Benoît XVI est-il crédible ? DR

audience de plus de trois heures à lui accordée par Hitler à l'Obersalzberg, on a entendu le cardinal Faulhaber, archevêque de Munich, déclarer : « Vous êtes à la tête du Reich allemand. En tant que tel vous êtes pour nous l'autorité voulue par Dieu, l'autorité publique légitime à qui nous devons en conscience vénération et obéissance ». Le 12 juillet 1941 le Père Norbert de Boynes s'adressant au nom de leur général aux jésuites de France écrivait : « Voici les directions qu'en conscience je crois devoir vous donner [...]. Nous devons tout d'abord accepter le gouverne ment établi et lui obéir en tout ce qui n'est pas contraire à la loi de Dieu, quelles que soient nos préférences politiques [...] Nous devons même user de notre influence, là où elle s'exer ce, pour amener les âmes, s'il y a lieu, à l'obéissance que tous, surtout les catholiques, doivent au chef de l'État [...] universel lement estimé par les honnêtes gens pour son patriotisme, son dévouement et son désintéressement, le maréchal Pétain ». C'est par référence à la notion de tout supérieur censé représenter Dieu, que le pape Karol Wojtyla a toujours refusé d'envisager une éventuelle démission. « Choisi par Dieu c'est à lui seul que je pourrais la remettre. » Par ailleurs Jean-Paul II, par décret de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 1 er mars 1989, a étendu la « pro fession de foi » exigée des évêques, des vicaires généraux, épiscopaux et judiciaires désormais aux professeurs de théologie et de philosophie à leur entrée en fonction [D.C. canon 833], Il

« Je voudrais donc que tous vous vous exerciez à recon naître avec un total esprit de foi le Christ notre Seigneur en n'im porte quel supérieur, et à rendre en sa personne à sa divine Majesté révérence et obéissance. L'exigence ne vous semblera pas très nouvelle, si vous songez que saint Paul recommande d'obéir aux maîtres séculiers, même païens, comme à JésusChrist, de qui descend toute puissance bien réglée. Il écrit aux Ephésiens : 'Esclaves, obéissez à vos maîtres avec crainte et tremblement, d'un cœur simple, comme à Jésus-Christ. Ne les servez pas seulement lorsqu'ils vous voient et pour plaire à des hommes, mais comme des esclaves du Christ qui accomplis sent la volonté de Dieu sincèrement et volontiers, parce qu'ils servent le Seigneur et non pas seulement des hommes' ».

y a ajouté un « serment de fidélité » à la personne du pape, dépassant amplement la portée du quatrième vœu des jésuites. Ainsi l'obéissance au pape, exigée par lui-même et pour luimême, se fonderait sur sa double qualité de souverain et de remplaçant spécial de Jésus-Christ. Soucieux de ne pas s'en remettre à quelque subalterne - fut-il archevêque ou cardinal - pour la défense de son monocratisme, Benoît XVI, le 2 sep tembre 2007 à Notre-Dame-de-Lorette est passé à la harangue. « Etre chrétien c'est aimer Jésus-Christ. Aimer Jésus-Christ, c'est aimer son Église. Aimer l'Église c'est lui obéir ». L'obéissance au pape tend à être de plus en plus récusée par nombre de catholiques romains car ne correspon dant plus aux normes données désormais en référence à tout acte d'obéissance.

Que cette conception de l'obéissance qui veut voir « en tout supérieur le Christ notre Seigneur » soit encore retenue par la Rome papale comme fondement à toute exigence d'obéissance peut paraître à certains comme obsolète. Et pourtant. Durant les dernières décennies, le 4 novembre 1936, lors d'une p.56 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

En effet le rôle dévolu à chacun des deux actants en tout acte de dépendance n'a cessé d'évoluer depuis l'Antiquité vers un rééquilibrage. Il restitue au réceptionnaire la part d'initiative et de création dont le donneur, des siècles durant a gardé l'ex-


R A D I O S C O P I E

E n q u ê t e Benoît XVI est-il crédible ?

clusivité. Aujourd'hui l'exécution en première d'une partition musicale peut se targuer de « en création mondiale ».

Reprise en main en Belgique

Cette évolution se révèle jusque dans le langage. L'expression de la relation de dépendance, à partir de l'état auquel est réduit l'esclave dans l'Antiquité passe de l'esclavage au servage [Xlle siècle], à la servitude (début du Xllle s.) au ser vice. Le recours à l'expression de « votre serviteur » est passée de l'expression d'une dépendance à la simple formule de politesse. Lorsque Paul VI a ajouté le titre de « serviteur des serviteurs de Dieu » à ceux d'Evêque de Rome, Patriarche d'Occident, etc. il savait n'avoir recours qu'à une formule termi nant tout message diplomatique. Jusqu'à un passé récent, lors de toute rencontre les étudiants allemands se quittaient sur un « servus ». Le ciao italien [le. je suis votre esclave] n'est plus que l'expression bruyante d'une cordialité partagée.

Servitude volontaire ou résistance Face au refus d'alignement de nombreux catholiques romains sur les impératifs récents de Benoît XVI - dont rares sont ceux qui ont un fondement dans les évangiles ou la tradi tion et dont certains bafouent même le testament du Christ Jésus lors de la dernière cène - la Rome pontificale désarçonnée, recourt à l'imposition d'une obéissance aveugle et totale. Le choix ne leur reste qu'entre la servitude volontaire et l'entrée en résistance. Cette dernière option - qu'on ne saurait confondre avec un acte de désobéissance car ils sont tous deux d'un autre ordre - les jésuites, parangon de l'obéissance au pape l'ont assumée en maintes occasions. En Allemagne lors qu'ils ont refusé le ralliement à Hitler que le pape entendait imposer, en France lorsqu'ils ont décidé de se soustraire à des décisions, actions et déportations imposées par le maréchal Pétain. Ils entendaient ainsi, non pas désobéir au pape Pie XII, mais opposer à des orientations et décisions, politiques, éthiques, ou personnelles, le fruit de leur propre discernement communautaire. A l'inertie du « perinde ac cadaver » qu'on leur attribue ils préféraient l'entrée en résistance. C'est à sem blable engagement que plus d'un catholique-romain peut se sen tir aujourd'hui invité. Le rejet d'un dogmatisme peut n'être que l'expression limitée et momentanée du délié de l'esprit. Le refus de tout tota litarisme politique, idéologique ou religieux sait être pour cha cun, une constante exigence de la foi : foi en Dieu ou tout bon nement foi en l'homme.

Le cardinal Godfreed Danneels, archevêque de Malines et Bruxelles et primat de Belgique fait figure de résistant inlas sable à la restauration en cours. Longtemps, son nom fut évo qué comme celui d'un papabile d'ouverture. Ce n'est un secret pour personne : il ne s'est réjoui que modérément de l'élection de Benoît XVI en 2005. A bien des égards, l'Église belge demeurait un îlot de libéralis me doctrinal où une approche audacieuse et éclairée des choses pouvait encore être cultivée. Les courants les plus réactionnaires de la Curie en prennent d'ailleurs ombrage. Tout récemment, le cardinal William J. Levada, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, a mis en garde Mgr Danneels suite à la publication de plusieurs articles dans la revue "pièces à conviction" du Conseil interdiocésain des laïcs de Belgique, sorte de parlement officieux des catholiques belges. Le point d'achoppement reste celui d'une approche positive du pluralisme contemporain, que Rome refuse d'entériner dans l'idée, au contraire, d'une véritable croisade contre le relativisme. Le Vatican s'en prend en particulier à des articles du dominicain Ignace Berten , pour lequel les chemins de vérité sont plusieurs et non pas un seul. Le cardinal Levada pointe également du doigt "des propos incompatibles avec la doctrine de l'Église sur l'euthanasie, sur le statut de l'embryon et sur le relativisme moral". Cette intervention est très significative et promet des lende mains qui déchantent. Les évêques d'ouverture, même s'ils sont des cardinaux de la notoriété de Mgr Danneels, ne doi vent plus, selon Benoît XVI, avoir de telles coudées franches. La restauration semble passer à un stade supérieur : non seulement un dispositif de recentrage est mis en place mais le Vatican s'attaque aux places fortes de l'adversaire relativiste et libéral. D'un point de vue stratégique, il s'agit déjà de préparer la suc cession du cardinal Danneels l'an prochain. Pour Benoît XVI et de nombreux prélats conservateurs, l'Église de Belgique offre l'image d'un dernier oasis de l'esprit conciliaire à extirper. Comme l'Église du Canada ou de Hollande. Joseph Ratzinger estime en tout cas qu'il est plus que temps de siffler la fin de la récréation conciliaire. Romano Libera

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NOUVEAUTE Jean-François Soff

elon J e a n Un livre pour notre foi mture per sonnelle et... collective. 11 est a aoora et surtout ie fruit de la recherche menée tout au long d'une vie, par un croyant exigeant et jamais totalement satis fait des réponses reçues d'ailleurs... Mais, et c'est ce en quoi il est original, il a mûri en même temps et longuement à l'intérieur d'un groupe de croyants. L'auteur, Jean-François Soffray, un collaborateur [.iStorique de la revue Golias, vivait en lui profondé ment de cet Evangile, son préféré, et le rayonne ment de cette passion ne pouvait qu'attirer et combler des proches en recherche.

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Retrouver l'Evangile dans son jaillissement pre mier, non dans une démarche fondamentaliste, mais en fidélité à l'actualité du message évangélique, jamais fermé sur lui-même. L'Evangile de Jean n'a pas vieilli, parce qu'il s'est situé au coeur d'une humanité d'esprit et de chair, celle qui traverse les siècles... Mais ne gâtons pas le fruit en le tripotant mal adroitement. Nous vous invitons à le prendre en main et à vous nourrir. Les éditions Golias ont trouvé dans cette recherche un aliment pour la foi de ses lecteurs. Nous nous réjouissons de cette publication, ayant pensé qu'il serait dommage que d'autres, au delà de notre équipe, ne puissent pas profiter de cette recherche si nouvelle dans sa richesse de foi et d'humanité. Et en ces temps de Motu Proprio, pour remettre à leur juste place des combats qui ont un petit côté dérisoire, il n'est pas indifférent de rappeler, petit clin d'oeil à l'Histoire, que l'Evangile de Jean fut d'abord écrit en grec.


R A N o face cachée du séminaire de Paris

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La face cachée du séminaire §

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Les tristes dessous d'un clonage collectif On sait que feu le cardinal Jean-Marie Lustiger, toujours anxieux que quelque chose puisse lui échapper voulut contrôler au plus près la formation donnée aux prêtres de son diocèse. Il retira donc assez rapidement les futurs lévites du séminaire sulpicien d'Issy-les-Moulineaux, jugé trop sécularisé et trop libéral, pour envoyer dans un premier temps les candidats en des lieux qu'il trouvait moins contaminés par le modernisme, par exemple le séminaire français de Rome ou le séminaire Saint Paul de Bruxelles - dont le Recteur était un cer tain André Léonard, devenu évêque de Namur -, avant de mettre sur place à Paris même une formation assez rigide, caractérisée par une volonté, au moins discutable, d'emprise psychologique et morale sur les jeunes. Le premier responsable fut Mgr Eric Aumônier, promu depuis

detristes sycophantes espionnent leurs confrères, espérant ainsi se faire bien voir du supérieur, est illustré par la conduite du futur

évêque de Versailles. Ses successeurs, NNSS Jérôme Beau et Jean-Yves Nahmias sont actuellement évêques auxiliaires de Mgr Beau, déjà cité. Ce dernier, suite à de simples ragots mal Paris. Il y a quatre ans, une étude très fouillée, fondée sur de veillants, convoqua un jeune séminariste et le soumit à un inter nombreux témoignages directs, permettait déjà de mieux rogatoire digne du KGB "es-tu homosexuel ? Utilises-tu ton découvrir l'atmosphère profondément malsaine du ordinateur pour télécharger des fichiers pornogra Séminaire de Paris [Louis-Paul Astraud, Les L'ensemble phiques ?". Le traitement subi par un jeune candidat Jeunes prêtres. La génération Lustiger, Editions de la part du Père Michel Guégen est lui aussi très des témoignages Golias]. Nous la recommandons très vivement significatif : sans aucune gentillesse, ni même qui nourrissent notre à nos lecteurs. Elle est toujours d'actualité. courtoisie, ce dernier l'accable de critiques et de enquête permet de dégager D'autant que de nouveaux témoignages calomnies pour l'humilier, sans jamais fonder en un triste constat : celui recueillis par nos soins montrent hélas que rien ces griefs sur quelque preuve, ni les étayer d'un manque ahurissant des conduites absolument intolérables ont de quelque argument. de la moindre toujours cours dans ce séminaire. Vraiment humanité. contraires à la plus élémentaire justice et à la plus L'ensemble des témoignages qui nourrissent élémentaire charité. Dans le mépris des jeunes, très notre enquête permet de dégager un triste constat : celui d'un manque ahurissant de la moindre humanité. En outre, l'atti généreux, qui s'y font "formés", si l'on peut dire. La présentation du cas qui va suivre constitue un exemple parmi d'autres, ô com tude d'un directeur spirituel se trouve en opposition grave avec bien éclairant pourtant. Nous pourrions en citer plusieurs mais à les exigences que l'on est en droit d'attendre d'un confident et lui seul il est déjà tout à fait exemplaire. A la lumière des faits, on d'un ami ; sans même parler de la trahison implicite du for inter doit pour le moins s'interroger sur le bon sens humain et l'équi ne et du secret de confession (ce dernier est rompu non seule libre moral du principal formateur évoqué, le Père William-Jean ment par une déclaration explicite mais par toute attitude faisant, de Vandière, curé de Saint Séverin [Ve arrondissement] qui fait même indirectement, comprendre à une tierce partie que telle circuler des bruits infamants pour un candidat. Un autre forma personne s'est rendu coupable de telle action]. Tous les témoins teur, le Père Michel Guégen, au lieu de rectifier le tir, abonda font état d'un esprit de secte qui règne dans les lieux parisiens de dans le triste sens de son collègue. Pour resserrer les rangs ? formation. Ceci nous semble très grave. Le Nonce Apostolique à Pour écraser enfin définitivement une personnalité qui refusait Paris, Mgr Fortunate Baldelli, dont nous savons qu'il est un de se plier aux pressions de véritables gourous en col romain ? honnête homme ferait bien de se renseigner. Il y a une quinzaine Un autre formateur s'est permis de violer l'intimité et la corres d'années déjà, des observations très inquiétantes ont été for mulées au sujet du Séminaire de Paris et communiquées au car pondance personnelle du séminariste, fouillant ainsi son ordina teur. Certes tous les formateurs sont loin d'avoir cette attitude et dinal Pio Laghi, à l'époque, préfet de la congrégation de l'Éduca de présenter un profil psychopathologique. Ainsi, le Père Jean tion catholique. Une visite apostolique rigoureuse ne s'imposeraitLaverton, un homme droit et bienveillant, adopta toujours une elle pas ? conduite digne et méritant la louange. Le caractère profondé ment malsain, d'obsession sexuelle, de ces lieux de formation, où Golias

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Enquête sur une zone de non-droit On parle beaucoup d'espaces de non-droit petite communauté de séminaristes qui ( b a n l i e u e s , e t a u t r e s " q u a r t i e r s " ) , o ù l e s réside dans le presbytère de sa paroisse] autorités ont du mal à faire appliquer les lois. Eh sans l'ombre d'un fondement dans les faits, sans l'ombre d'une apparence qui bien, aucun espace n'est aussi imperméable et puisse justifier de tels bruits. fermé à toute ingérence "extérieure" que l'actuel Nous parlons ici de William-Jean de séminaire diocésain de Paris. Des comporte Vandière mais aussi du nouveau recteur ments qui, dans la société civile, feraient l'objet du séminaire, Michel Gueguen. Au lieu d'une dénonciation en justice, sont ici monnaie d'ouvrir une enquête immédiate, il s'est courante. Certes, on prêche la charité chré servi du soupçon d'homosexualité pour tienne, mais la justice la plus élémentaire est justifier une décision qui a un tout autre b a f o u é e e t l e s v i o l a t i o n s d e s d r o i t s d e motif : l'impossibilité d'écraser une per sonnalité déjà construite pour la "remode l'homme restent impunis. Les victimes n'ont ler" selon les nouveaux critères du séminai a u c u n m o y e n d e s e d é f e n d r e . E n c o r e re de Paris. Bien sûr, ni l'un ni l'autre de ces moins, d'obtenir réparation. A l'heure où deux personnages n'a jamais avoué, oralement ou par écrit, la calomnie dont ce jeune homme a l'archevêque de Paris, Mgr André Vingt été l'objet ; mais cela n'a trompé personne, car les Trois, vient de décrocher la barrette rumeurs avaient fait boule de neige et tout le monde de cardinal, Golias est allé voir de était déjà au courant, notamment les autres sémina près les coulisses de ce lieu ristes. emblématique. Il n'empêche. Le recteur a dû trouver "autre chose" pour Parmi bien d'autres que nous connaissons et que nous pourrions raconter, voici un cas "exemplaire". Il est un concentré de conduites aberrantes et antiévangéliques. Il s'agit du renvoi d'un séminariste suite à des bruits calomnieux (en l'occurrence, une prétendue homosexualité qui, selon le droit canonique et des directives récentes du Saint-Siège, entraîne le refus immédiat des ordres sacrés avec les conséquences matérielles et psychologiques qui s'ensuivent pour la "victime"]. Ces bruits calomnieux ont été sciemment répandus par un soi-disant "formateur" [WilliamJean de Vandière, curé de Saint-Séverin et supérieur de la

justifier sa décision, et il a accusé le jeune homme d'être "trop Polonais" pour le diocèse de Paris. Mais même cette explication "raciste" n'était pas bonne à l'heure d'annoncer officiellement aux autres le renvoi de ce jeune étranger. La solution la plus simple était donc de n'en fournir aucune. Dans une communauté du séminaire, on a prétendu que la décision avait été prise à l'unanimité par le recteur et le Conseil des formateurs [un mensonge, comme nous le démontrerons plus loin) ; dans une autre, on a annoncé le "départ" de ce jeune de manière à faire croire qu'il avait quitté le séminaire de son propre chef. La transparence règne ! Qu'importe que sa réputation soit salie, pourvu qu'il parte !

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son absence pour "fouiller" à fond son ordinateur ; et qu'il puisse dire ensuite qu'il y a trouvé des "fichiers pornographiques" alors que tout ce qu'il avait trouvé était un "spam" de mauvais goût qui n'avait pas encore été évacué. (Nous en gardons une copie pour quiconque voudrait contrôler.] Nous savons aussi qu'un religieux qui connaît bien et depuis des années le séminariste incri miné avait adressé au recteur et au supérieur de la maison SaintAignan deux lettres circons tanciées pour mieux les éclairer sur la personnalité et la vie quotidienne du jeune homme, leur demandant au besoin un entretien ; il n'a même pas reçu un accusé de réception. 4] Que les vraies raisons de son renvoi n'aient pas été clairement

Nous ne contestons pas le droit de l'Église d'accepter ou de ne pas accepter qui elle veut, et pour des raisons qui lui sont propres. En revanche, nous trouvons scandaleux :

communiquées à l'intéressé par écrit [comme cela se fait dans la société civile], sans laisser aucune place à l'ambiguïté ni à des racontars susceptibles de ternir sa réputation. Et que cela puisse se faire en toute impunité. Nous avons long temps hésité à publier ce reportage, de peur d'ajouter un nouveau fardeau à celui que ce jeune homme porte déjà et de l'exposer ainsi aux représailles de ces Pharisiens sans

1] Que l'on puisse salir la réputation d'autrui, avec le dommage moral et matériel qui s'ensuit, en toute impunité. [Calomniateur : le curé William-Jean de Vandière].

scrupules. Mais dans sa souffrance et sa détresse, alors qu'il est accusé par ses détracteurs d'être "peu communicatif", il nous a tout racontés après s'être ouvert à ses nom breux amis prêtres, séminaristes et laïcs. C'est ainsi qu'à

2] Que le recteur du Séminaire (Michel Gueguen] accep te l'accusation comme un fait, sans la moindre vérification, sans demander l'avis de ceux qui connaissent depuis long

partir des témoignages de tous ces chrétiens, scandalisés par ce qu'ils entendaient et voyaient, que nous avons mené notre enquête et reconstruit ce triste "feuilleton".

temps le jeune homme et sans prendre aucune mesure con tre le diffamateur. Bien plus, que, par la suite, il renvoie sans

Christian Terras

ménagements le séminariste en ajoutant à cette injustice l'injure raciste :"tu es trop Polonais" et cela en toute impu nité. 3] Qu'un autre "formateur" [Antoine d'Augustin, adjoint du supérieur de la maison Saint-Aignan et produit typique de cette "génération Lustiger" dont parle Louis-Paul Astraud], contaminé par le venin répandu, puisse violer l'intimité et la correspondance personnelle du séminariste, profitant de

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Précision : Golias n'a rien contre le fait d'être homosexuel, mais dans le cas qui nous occupe dans cette enquête, c'està-dire dans la mentalité des responsables du séminaire de Paris (et d'autres) et par rapport au Droit canon, cela ternit gravement la réputation d'un candidat au sacerdoce et lui porte un immense préjudice comme nous le démontrons dans les pages suivantes.


face 1 cachée du séminaire i de Paris i

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L'incroyable galère d'un apprenti-curé Jusqu'à l'âge de 26 ans, N. est un jeune comme' les autres. Il habite en Pologne et, après ses études1 veau Provincial, qui ne l'avait jamais rencontré personnelle primaires et secondaires, muni de son BAC et d'un! ment 11l lui déclare que le "chapitre diplôme d'électricien, il travaille dans une entreprise! local" estimait qu'il n'était pas fait d'État, puis dans une autre, privée. Il s'y fait de; pour la vie dans cet ordre. En revan che, il ne s'opposera pas à ce qu'il nombreux amis et gagne correctement sa vie. soit réorienté vers un séminaire Catholique ^ ' fervent, » comme / d i o cses é s a i nparents p o u r et bon, repondre a sa vraie nombre de Ses Compatriotes, la Vie de Sa paroisse, tenue d'un Ordre religieux. Bientôt, naissance d'une jeune fille,

il est très actif dans / vocation Un religieux d un autre ordre, par les membres/ son grand ami et, durant des années, son il fait la COn- / conseiller spirituel, est d accord sa vocaCatholique/ tion est essentiellement sacerdotale et parais-

me lui, et tous deux devien nent fiancés...

N. quitte son travail et, comme il est déjà familiarisé avec les prêtres de sa paroisse, il entre tout naturellement dans cet ordre religieux. C'est en 1995 ; il y passera dix ans de sa vie. Pendant son noviciat, son père, officier de police, meurt dans des circonstances tragiques et sa mère reste veuve, vivant jusqu'à aujourd'hui d'une maigre pension. Mais elle est contente de la vocation de son fils et l'encourage à pour suivre son chemin. Après quatre ans d'études ecclésiasti ques, pendant lesquelles il fait deux fois, sans problèmes, sa profession temporaire selon l'usage de son ordre, il vient en France pour y poursuivre sa formation. En France, absolu ment rien ne lui est jamais reproché du point de vue de sa conduite "morale". À cet égard, nous a-t-on affirmé, il a tou jours été irréprochable. On lui a même confié plusieurs fois la responsabilité d'être le guide spirituel de groupes d'ado lescents qui partaient en pèlerinage en Italie.

siale, et pas "religieuse" au sens strict du mot. Il demande donc au Provincial s'il s'opposerait à ce que N. soit dirigé vers le séminaire diocésain. La réponse est claire et nette : il a toujours été fidèle à ses voeux et il n'y a rien à opposer à ce changement d'orientation ; le Provincial lui souhaite même un grand succès dans sa nouvelle vie. Après les informations d'usage, y compris celles du Provincial de cet ordre, il est admis au séminaire de Paris par le responsable du "premier discernement" des vocations (Denis Jachier].

La "maison Saint-Augustin" (2004-2005) Et nous voilà en 2004. Une nouvelle vie commence pour N. dont la vocation et le zèle apostolique restent intacts. Le séminaire mis en place par le Cardinal Lustiger comporte une première année où le candidat, avant de commencer ses études, apprend pour ainsi dire la vie spirituelle et de prière. On pourrait comparer cette étape au noviciat des ordres religieux. Cela se passe à la maison dite Saint-

Arrivé cependant au moment de prononcer ses voeux

Augustin, rue de la Santé [Paris]. Malgré son âge "avancé" par rapport à celui de ses camarades et sa longue expé rience de la vie religieuse, N. se sent très bien dans cette nouvelle communauté où il refait sa vie. Les relations avec ses camarades et ses supérieurs sont excellentes. Nous

perpétuels, à l'âge de 36 ans, il est convoqué par son nou-

remarquerons au passage la personnalité profondément

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chrétienne de son supérieur, le P. Laverton (désormais muté ailleurs, hélas I), dont tous les séminaristes disent du bien. "Il aime véritablement les jeunes dont il a la charge", nous a-t on dit partout, "et s'intéresse à l'histoire complète de cha cun." N. termine donc cette année dans les meilleures con ditions.

La maison Saint-Séverin (2005-2006) Toujours selon le schéma mis en place par feu Jean Marie Lustiger, les séminaristes [dont la plupart feront leurs études à l'École-Cathédrale, proche de Notre-Dame] sont répartis dans diverses petites communautés (de 6 ou 7] généralement attachées à une paroisse parisienne dont le curé est en même temps leur supérieur. Comme adjoint du

des "sautes d'humeur" qui le font passer d'un silence maus sade à une volubilité souvent teintée de colère. Il règne en souverain, pour ne pas dire en tyran, sur cette communauté de jeunes en formation. Nos sources semblent coïncider sur deux points : 1] Il ne rate pas une occasion de réaffirmer son autorité par tous les moyens : "Ici, c'est moi le seul patron", "Je suis le seul à décider", etc. "J'annonce ce que je veux à qui je veux et quand je veux i".z 2] Second point : les préférences de Monsieur le Curé pour les uns ou pour les autres [dont lui-même ne fait pas un secret] sont en rapport direct avec l'assiduité de ces

supérieur, il y a un prêtre (de la "génération Lustiger", sou vent à peine plus âgé que les séminaristes eux-mêmes] qui

jeunes à son bureau, autrement dit, avec le nombre de visites "spontanées" qu'ils lui rendent pour parler "de cho ses et d'autres". Ce sont souvent les plus jeunes ou les

porte aussi le titre de "formateur" [la plupart de ces "jeunes prêtres", issus des milieux aisés de la bourgeoisie parisienne - cf. Louis-Paul Astraud, op. cit. -, n'ont aucune expérience

plus naïfs ; ils lui servent de "mouchards", en particulier B„ qui a parmi ses camarades la réputation de lui racon ter "tout sur tous".3

de la vie paroissiale, au moins dans un milieu populaire, ni d'une vie internationale, d'où leur méfiance à l'égard des

Trois témoins indépendants nous ont rapporté cet exem

étrangers ou des personnalités trop "différentes"]. Les sémi naristes-étudiants se rendent quotidiennement aux cours de l'École-Cathédrale et, le reste du temps, ils participent aux tâches communes et à la vie de la paroisse. Les nombreux témoignages reçus de ces communautés indiquent que l'atmosphère y est pesante : les séminaristes, qui ont déjà une longue expérience de la vie, se sentent surveillés comme des gamins par leurs "formateurs". Sous des apparences tranquilles, il y a des coups bas et des intrigues dont nous donnerons plus loin quelques exemples.

ple très révélateur du caractère du supérieur de SaintSéverin : E. (étranger, de 20 ans, le plus jeune du groupe) avait avoué en cachette à trois de ses camarades qu'il se sentait très mal à Taise avec le curé; celui-ci, disait-il, surveillait le moindre de ses mouvements et le traitait avec "un paternalisme exagéré". Ses camarades avaient déjà remarqué que, dès que E. entrait dans une pièce où M. le Curé était présent, ce der nier perdait tout intérêt à sa conversation avec les autres et n'a vait d'yeux que pour le nouveau venu, dont il suivait attentive ment tous les faits et gestes. E. a quitté parla suite le séminaire (volontairement) et est rentré dans son pays.4

Intrigues et coups bas Mais revenons à la "communauté de formation" qui nous intéresse principalement ici : la maison Saint-Séverin. Déjà avant cette histoire, des bruits nous étaient parvenus selon lesquels les cas "douteux" ou "difficiles" de l'avis des for mateurs (c'est-à-dire les cas de ceux qui ont une forte personnalité difficile à modifier, les "non clonables", selon l'ex pression de Louis-Paul Astraud] seraient envoyés de préfé rence dans cette maison "pour y être achevés". Nous n'a vons pas pu vérifier ces bruits à 100%, mais ce que nous avons appris par la suite semble les confirmer. Ce qui frappe de prime abord, c'est la personnalité, pour le moins bizarre, du curé-supérieur : un homme maniéré et atrabilaire, aux gestes affectés, à la voix criarde, soumis en permanence à

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N. fait donc son entrée dans cette communauté. Après un bref entretien de routine avec M. le Curé, il s'y installe et se dispose à poursuivre ses études à l'École-Cathédrale. Pendant les deux ou trois premiers mois, tout se passe bien : les relations avec ses camarades sont toujours exce llentes et il ne remarque rien d'anormal... sauf peut-être une petite chose : M. le Curé ne l'appelle pas régulièrement à son bureau, comme il le fait avec les autres ; par ailleurs, les rares fois où il l'a appelé, c'était pour lui faire des reproches [d'un ton coléreux] sur de petits faits de la vie communautai re. Significatives certaines "petites phrases" que M. le Curé laissait tomber au hasard de ses rencontres occasionnelles avec N. dans les couloirs de la maison, par exemple : "Tu n'es qu'un ours solitaire" [sans doute parce qu'il n'allait pas le


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voir "spontanément" à son bureau, comme il l'aurait sou haité]; ou "Ta colonne vertébrale est déjà bâtie, il n'y a plus rien à faire avec toi" (! ! !). Mais le pire était à venir. Un beau jour, l'un des cama rades de N., visiblement ému et bouleversé, vient le voir dans sa chambre et lui dit : "Le curé a demandé à plusieurs d'entre nous de bien gar der les distances avec toi car, d'après lui, tu as des 'tendances homosexuelles'. Bien sûr, c'est absurde et nous n'en croyons rien, mais j'ai jugé bon, en conscience, de te prévenir. " N. reste bouche-bée : Que faire ? Avant de prendre une décision, il demande leur avis à quelques-uns de ses amis fidèles, extérieurs au séminaire. Ils lui conseillent de faire semblant de tout ignorer et de continuer sa vie comme si de rien n'était. Après tout, lui disent-ils, personne ne prendra au sérieux une telle énormité sans l'ombre d'une preuve ! Ils se trompaient lourdement !

Gourous en col romain Pendant quelques mois, N. continue de vivre "comme si de rien n'était". Ses camarades se conduisent avec lui comme d'habitude. Seul le curé se montre de plus en plus agressif à son égard sous le prétexte qu'il esf'peu communicatif" et "pas souple". Et puis, peu avant la fin de l'année scolaire, il est convoqué par le recteur du séminaire [Jérôme Beau, devenu ensuite évêque auxiliaire de Paris]. N. va le voir sans aucune appré hension et, à sa grande surprise, le recteur, sans préalables, lui pose une double question : "Es-tu homosexuel ? Utilises-tu ton ordinateur pour télé charger des fichiers pornographiques ?" Interloqué, N. répond à la première question : "Bien sûr que non !" Quand à la seconde, il explique en substance : "Je vois très mal comment je pourrais le faire, même si je le vou lais. La maison n'a que deux endroits, très publics, où l'on peut se connecter à Internet : la salle commune, que je n'utilise jamais, car il y a trop de monde qui attend, et une petite salle à côté de l'accueil, également ouverte à tous, qui entrent et sor tent librement; en outre, elle est séparée de l'accueil par une cloison transparente. J'y passe quelques minutes par jour pour supprimer les 'spams' de mon courrier et lire rapidement la une

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de la presse de mon pays. Tous voient ce que je fais. Ailleurs, la connexion à Internet n'est pas possible." Le recteur le ren voie sans commentaires.

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ses vacances auprès de sa mère malade, dans son pays d'o rigine. Le Curé de cette paroisse se montre très satisfait de la conduite et des services rendus par N. et le prie de reve nir l'année suivante. [Ce curé deviendra, lors de son renvoi,

N. commence à s'inquiéter sérieusement et se prépare au pire : Comment se concentrer désormais sur les études et poursuivre normalement sa vie sous le même toit que son calomniateur ? Mais un rayon d'espoir arrive de manière inat tendue à la fin de l'année scolaire : on lui annonce

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que 1 ] compte tenu de son âge et des études ecclé siastiques déjà faites dans son pays, on va lui rac courcir le parcours ; 2] on va aussi le muter dans une autre maison, dite Saint-Aignan, où habitent les semi

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l'un de ses principaux soutiens et l'aidera par tous les mo yens à sa portée à prendre un nouveau départ dans la vie.] Mais, pour l'année suivante, M. le curé de Saint-Séverin et le recteur du séminaire ont d'autres plans : ils envoient N. faire son stage [sans aucune rémunération... dans l'espoir peut-être de l'empêcher d'aller voir sa mère au mois d'août ?] dans un centre dit du "Secours Alimentaire" où l'on prépare de gras paquets de vivres pour les gens démunis. N. s'y rend volontiers et rejoint les bénévoles laïques qui font ce travail. Les conditions sont dures, ils doivent porter de lourds paquets, emmagasinés dans une cave,en montant les esca liers, pour les déposer dans des fourgonettes. En pleine cani cule, tout le monde transpire, et les bénévoles se plaignent que l'on n'ait pas mis à leur disposition quelques bouteilles d'eau pour qu'ils puissent boire de temps en temps durant les six heures ininterrompues que dure leur travail. Un jour naristes déjà relativement proches de l'ordination. N. en est très heureux.

particulièrement chaud, N. prend plusieurs bouteilles d'eau minérale et les distribue à ses camarades qui approuvent son initiative et par la suite en feront autant. Dans les pages

Pendant les vacances d'été, les séminaristes sont géné ralement envoyés faire des "stages apostolico-pratiques" dans divers endroits ; le mois d'août, ils sont libres de rejoin dre leurs familles ou de faire ce qu'ils veulent. L'année précé dente, N. avait fait son stage dans une paroisse du XVIe arrondissement ; puis, avec l'argent gagné, il était allé passer

qui suivent, nous verrons quelles vont être les conséquen ces de ce geste anodin !

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La maison Saint-Aignan (2006-2007) Cette maison est l'une des rares résidences qui ne soit pas attachée à une paroisse. Son supérieur [Patrick Faure, muté depuis la rentrée dans une autre maison, et remplacé par... son "vicaire", récompensé peut-être pour son zèle à fouiller les ordinateurs d'autrui ?] est professeur de théolo gie à l'École-Cathédrale et, tout naturellement, membre important du "Conseil de Formation". Il a donc son mot à dire sur l'acceptation ou la non-acceptation de quelqu'un aux or dres sacrés. D'après les témoignages que nous avons recueillis, il a un caractère jovial et se montre "assez humain" et "fraternel" à l'égard des jeunes. Mais il y a quelques zones d'ombre : presque tous nous ont dit que, puisqu'il fait partie du "système", il n'ira pas jusqu'à "se mouiller" pour quelqu'un tombé en disgrâce, mettant ainsi en péril sa "carrière". Il a pour adjoint ou vicaire un "jeune prêtre" de la "génération Lustiger" [Antoine d'Augustin], à peine plus âgé que les sé minaristes. Lorsque N. rejoint cette communauté, il est content de son supérieur et de ses camarades avec qui il entretient d'excellentes relations. Il n'est pas cependant assez naïf pour penser que "tout a été oublié". Doit-il en parler à son nouve au supérieur, qui lui inspire confiance ? Ses amis lui consei llent de le faire. Après deux mois de séjour, il va donc le voir et lui fait part de son inquiétude sur les rumeurs qui courent à Saint-Séverin et sur son entretien avec l'ancien recteur. Le supérieur le rassure : "Ne t'inquiète pas, lui dit-il, personne ici n'est au courant et, du reste, je dois aussi faire mon rapport qui, pour l'instant, est très positif; le recteur devra également le prendre en compte". Toutefois, il ajoutera lors d'un entretien postérieur : "Éw'fe désormais de couper les cheveux à tes camarades"[ ! ! !]. C'était un service qu'il rendait à ses cama rades de Saint-Séverin et de Saint-Aignan, car c'était, entre autres, un bon coiffeur.

ve et il est appelé pour la première fois dans son bureau. Sans lui laisser placer un mot, le recteur, d'une voix forte et coléreuse, l'accable de reproches reproduisant littérale ment ceux du curé de Saint-Séverin : entre autres, il l'accu se d'être "peu communicatif", d'être peu docile à ses supé rieurs, d'avoir une personnalité "difficile à changer" et d'a voir été "agressif et méchant" pendant son stage au Secours Alimentaire [voir plus haut]. - "Quand et en quoi ai-je été "agressif et méchant" ? Pouvez-vous me donner des détails ?" demande l'autre calme ment. - "Je ne m'en souviens plus !" - "Puisque vous reproduisez à la lettre les mots et les expressions de M. le curé de Saint-Séverin, vous savez sans doute qu'il m'accuse d'être homosexuel". - "Et cela t'étonne ?". Excédé, N. rentre chez lui. Il a du mal à se concentrer sur ses études, mais il fait de son mieux. Quelques jours plus tard, une nouvelle crise éclate. Un dimanche, N. avait dîné en compagnie de son ami et conseiller, un prêtre âgé qu'il connaissait depuis des années. Ce prêtre, intéressé par un DVD sur la vie de Jean-Paul II, avait demandé de lui en faire une copie. Voulant lui faire plai sir, N. rentre à la maison (vers 10h du soir), va dans la salle commune et se met au travail. Pendant ce temps, plusieurs de ses camarades entrent dans la salle et bavardent avec lui, voyant parfaitement ce qu'il fait. Le dernier d'entre eux le quit te vers 11 h du soir. Quelques minutes après son départ, la porte s'ouvre soudainement et le "vicaire" apparaît, furieux : - "Que fais-tu ici à 11h du soir ?">

N. poursuit ses études et sa vie dans un calme relatif. Ses camarades lui témoignent de l'estime et se montrent

- "Nulle part il n'a été dit que ce soit interdit de venir ici".

sympathiques et amicaux. Il se sent bien parmi eux... Mais hélas ! le venin craché par la vipère de Saint-Séverin avait fait son chemin.

- "C'est l'heure d'être couché !". Et le vicaire s'en va en cla

Les humeurs du nouveau recteur Comme tous ses camarades, N. attend d'être convoqué par le nouveau recteur du séminaire [Michel Gueguen] qu'il ne connaît pas encore. Enfin, début décembre, son tour arri

quant la porte. Le connaissant, N. s'inquiète et téléphone immédiate ment à son ami et conseiller. Il lui dit : "Je crois que le vicaire me soupçonne de télécharger des 'nanas'ou quelque chose de ce genre". Son ami le rassure et lui conseille d'aller se cou cher et de ne plus y penser.

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Le lendemain matin, il se rend tranquillement aux cours de l'École-Cathédrale sans plus s'inquiéter. Mais le vicaire profite de son absence pour fouiller l'ordinateur, y compris la correspondance personnelle ; puis il va voir le recteur et lui dit qu'il a trouvé des "fichiers" [sans autres précisions] dans l'ordinateur du suspect. Le recteur ne prend pas la peine de l'interroger sur ce qu'il a "vu" : l'occasion est trop bonne pour la laisser échapper ! N., qui ne se doute de rien, rentre à la maison. L'ordinateur reste toujours dans la salle commune. Peu après, il est convoqué à nouveau par le recteur. Celui-ci lui dit sans préambules que le vicaire, en fouillant son ordinateur, y a trouvé des "fichiers pornographiques". - "Lesquels ?" - "Je n'en sais rien", "demande au vicaire !" Et il ajoute sans raison apparente : "Et ne t'avise pas de t'adresser à l'archevêque ! Il n'écoutera que mon avis, et pas le tien ! Sous le choc, N. n'arrive pas à articuler un mot. Il comprend alors que son sort est scellé. De retour à la maison, il demande des explica tions au vicaire qui, au lieu de répondre à ses ques tions précises, l'accuse de "ne pas être humble" et de "se moquer de lui". N. téléphone alors à son conseiller pour tout lui raconter. Il envisage même de quitter immédiate ment le séminaire de sa propre initiative. Son ami l'en dissuade [ce serait un aveu de culpabilité I] et lui demande de venir chez lui avec l'ordinateur. Ils vont chercher ensemble en quoi consistent ces "fichiers pornographiques". N. n'y comprend rien. Il est sûr qu'on ne peut rien y trouver. D'ailleurs, aurait-il laissé son ordinateur dans la salle commune pendant toute une journée s'il avait eu quelque chose à cacher ? Mais cette logique n'entre pas dans le cerveau de ces "obsédés sexuels" qui portent le titre de "formateurs" ! N. se rend chez son ami et tous deux parcourent les fichiers de l'ordinateur sans rien trouver d'autre qu'un spam d'un goût douteux comme tous les internautes en reçoivent au cours de l'année.

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Une lettre sans réponse L'ami et conseiller décide alors d'intervenir. Ayant été partie prenante dans la réorientation de N. vers le séminaire de Paris, il écrit au recteur du séminaire une longue lettre, lui proposant un entretien pour l'éclairer sur certains aspects de la personnalité et de la vie quotidienne, passée et présen te, de N. Il adresse une lettre semblable au supérieur de Saint-Aignan. Or, ni le recteur ni le supérieur de N. n'ont eu la courtoisie élémentaire d'y répondre ! N. et son ami savent désormais que Pinterruption de la formation" [euphémisme couramment employé pour signi fier le renvoi du séminaire] n'est qu'une question de jours et que cette décision a été prise par le recteur depuis bien long temps. L'ami conseille donc à N. de parler au plus grand nombre possible de personnes, y compris ses camara des, de ce qu'il lui arrive, pour établir la vérité.

Un directeur spirituel aux abonnés absents Dès son entrée à la maison Saint-Séverin, comme c'est la coutume, on a proposé à N. un directeur spirituel. Comme il ne connaît personne et que le directeur proposé est celui-là même qui l'avait admis dans le sémi naire, il n'y voit aucun inconvénient et accep te la proposition du recteur sans réserve. Au début, tout se passe bien. Les rela tions entre les deux hommes semblent correctes. Tout d'un coup, après quelques mois, N. perçoit un changement d'attitude chez son directeur spirituel : il le trouve de plus en plus froid et distant. Il soupçonne que cette "froideur" croissante n'est pas étrangère aux bruits calomnieux propagés par le sombre personnage de Saint-Séverin. décide donc, par une sorte de fierté, de 'affranchir du secret de la confession et d'aller désormais se confesser à la cathé drale. Il garde cependant son directeur spirituel (4 ou 5 ans plus âgé que lui, pur produit lui aussi de la "génération Lustiger"] et continue de lui rendre régulièrement visite; mais, c'est vrai, il n'a plus la même confiance en lui que


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par le passé. Lorsque la "crise de l'ordinateur" éclate à SaintAignan et que N., désemparé, demande conseil "à droite et à gauche" sur ce qu'il doit faire, il commet l'erreur fatale de se confier, malgré tout, à son directeur spirituel. Or, au lieu d'en tendre de lui des paroles de réconfort et d'apaisement, il est surpris par sa réaction : visiblement agité, le directeur spiri tuel lui propose ("pour l'aider", dit-il] d'aller immédiatement inspecter avec lui l'ordinateur en question. "Pourquoi pas ?", répond N. Cette fois, au moins, la "fouille" de l'ordinateur se fera en présence et avec le consentement de l'intéressé. Il est tranquille, on ne trouvera rien ! Dans sa naïveté, il avait une fois de plus oublié de supprimer le "spam" auquel nous avons fait allusion. [C'est dire l'importance qu'il y attachait !]. Outre ce "spam", le directeur spirituel trouve une musique de cabaret [sans images] où, dans la langue maternelle de N. mélangée à un peu d'italien, le chansonnier faisait des jeux de mots pour critiquer l'Impuissance" de certains hommes poli tiques à résoudre les problèmes de leur pays. Nous avons écouté nous-mêmes cette musique de cabaret]. Le directeur spirituel ne comprend rien à cette chanson, mais il entend deux mots italiens qu'il comprend ; prostata et impotenza (la chanson disait plus ou moins : "Il faut leur faire cadeau d'une nouvelle prostate pour en finir avec leur impuissance... etc. '). Horreur absolue i le directeur spirituel part comme un dératé, sans mot dire.

Pierre], il est à nouveau convoqué par le recteur du sémi naire. D'un ton froid et - pour une fois - presque doux, il lui annonce que le Conseil des Formateurs a décidé, À l'unani mité d"'interrompre sa formation", c'est-à-dire de le renvoyer du séminaire, et ce, pour les raisons suivantes :

Un renvoi arbitraire Quelques jours plus tard, N. reçoit de lui une lettre manuscrite dans laquelle il l'accuse des pires "horreurs" [c'est son expression] et, aussi, d'avoir cessé de se confes ser à lui ( Il 1] et de l'avoir trompé depuis le début.5 En conséquence, ajoute-t-il, j'ai décidé de ne plus assumer ta direction spirituelle et d'en informer immédiatement le rec teur. Je respecterai, dit-il enfin, le secret de la confession et je ne lui parlerai pas des raisons qui m'ont conduit à prendre cette décision. [Hypocrisie consciente ou inconsciente ? Se ren dait-il compte que le recteur n'attendait qu'une information de ce genre pour "boucler la boucle" ? Est-ce là, d'ailleurs l'at titude d'un vrai père spirituel, digne de ce nom ?]. N., déçu et meurtri, ne se donne pas la peine de répondre à cette lettre ni de fournir la moindre explication. Pourquoi faire ? Le venin de Saint-Séverin avait déjà accompli son oeuvre de destruc tion. N. ne se fait plus aucune illusion sur son sort. Le 23 jan vier [lorsque le "tout Paris" assiste aux obsèques de l'abbé

1 ] Son directeur spirituel l'a lâché [il a reçu l'information du directeur spirituel lui-même, au mépris du devoir le plus élémentaire de garder le secret et dans un complet mépris de la distinction entre "le for interne" et le "for externe"!. 2] Il est trop Polonais pour convenir à l'Église de Paris. 3] Il est "réservé et peu communicatif" [propos du curé de Saint-Séverin], 4] "Je ne suis même pas sûr que tes capacités intellec tuelles te permettent de finir tes études." [Nous possédons des photocopies des évaluations et des témoignages écrits des professeurs - y compris le tuteur ainsi que de ses notes : entre 12,5 et 14,5 sur 20. Les appréciations sur son travail et son assiduité aux cours sont extrêmement élogieuses. Il y a donc une mauvaise foi évi dente de la part du recteur.]

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Pas un mot sur les prétendues "tendances homosexue lles" ! N. soulève alors cette dernière question. Réponse du recteur : "cela ne m'intéresse pas !" (Mais il s'empresse d'ajouter : "Que tu télécharges ceci ou cela... où est ta vérité ?"]

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L'infantilisation des séminaristes de Paris Interdiction leur est faite [même après 5 ou B ans de sémi

En fait, la vraie raison du renvoi est là. Que Ton consulte et rende public le dossier de N. soigneusement gardé dans les archives du séminaire, où doivent obligatoirement figurer les raisons de son renvoi, on verra qui dit la vérité. Le recteur lui demande alors d'être "discret" et de ne par ler à personne de son renvoi, s'il ne veut pas être mis à la porte tout de suite avant qu'on lui ait trouvé un logement provisoire. À ceci N. répond qu'il en a déjà parlé à tous ses camarades et amis, sachant que cette décision était prise depuis longtemps et sachant aussi pourquoi. Le recteur n'est pas content, mais il ne dit rien. Pour terminer, il lui annonce d'une voix neutre que le dio cèse, comme c'est prévu dans ces cas [n'oublions pas que N. est étranger et sans ressources], lui remettra une somme d'argent afin qu'il puisse se nourrir pendant qu'il recherche du travail et lui procurera un petit studio où il pou rra s'installer à titre provisoire pendant six mois. Dans ce fatras de mensonges, soulignons-en un facilement verifiable. Le recteur a annoncé que le renvoi avait été décidé par le "Conseil des Formateurs" à l'unanimité. Or, suite à l'annonce de son renvoi, N. rencontre son tuteur (membre du Conseil) qui le convoque pour lui parler de son tra vail pour le semestre suivant. N. (un peu pour le tester) ne dit rien dans un premier temps. Le tuteur lui parle comme d'habi tude et discute avec lui sur le programme (écrit) envisagé pour le second semestre. N. l'interrompt alors et lui dit : "Vous ne savez donc pas que je n'appartiens plus au séminaire ?" Le tuteur, membre du fameux conseil unanime, n'était pas au cou rant. Même scène avec un autre de ses professeurs, membre lui aussi du Conseil des Formateurs. Il reste bouche-bée et assure à N. qu'il n'était au courant de rien, en ajoutant : "Jamais dans les réunions du Conseil auxquelles j'ai assisté la moindre mention n'a été faite de votre cas !" Ce qui surprend tous les amis de N. qui l'ont accompagné dans sa "traversée du désert", c'est qu'il continue de mener la même vie qu'avant, sans y avoir changé un iota. Sa con duite et ses principes restent les mêmes et, lorsqu'un de ces amis lui fit part de son étonnement de le voir aller à la messe

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naire] de posséder un téléphone portable. Il va sans dire que la plupart d'entre eux en possèdent un et s'en servent couramment... en cachette ! Plusieurs d'entre eux possèdent aussi et gardent bien cachés des films [tout à fait ordinaires] en DVD qu'il vision nent [clandestinement, car c'est également interdit] pen dant leurs moments de loisir. C'est leur manière de réagir à l'"infantilisation" à laquelle ils sont soumis. M. le curé de St Séverin a une liste de paroissiens "sûrs" et bien choisis chez qui ses "ouailles" peuvent se rendre, lorsqu'ils sont invités. Mais il a insisté pour que les jeunes refusent toute invitation venant d'autres paroissiens que ceux de sa liste et, surtout, pour qu'ils évitent de leur par ler de leur vie communautaire et de tout ce qui concerne la vie du séminaire i Y a-t-il tant de secrets coupables à cacher ? Dans la communauté-paroisse de Saint-Louis en l'île, une jeune paroissienne, qui habite en face de l'église et y as siste depuis longtemps à la messe, croise souvent dans la rue les séminaristes de cette communauté qui se rendent à l'École-Cathédrale. Comme elle les connaît tous de vue, elle les salue d'un geste de la main ou d'un sourire quand elle les rencontre ; les jeunes évidemment lui répondent... d'un geste ou d'un sourire. C'en est trop ! Un jour, après la messe, le curé appelle la jeune femme et lui interdit for mellement de mettre désormais les pieds dans sa parois se. "Je ne veux plus vous voir à la messe ici !", lui dit-il, car, selon lui, elle vient exprès pour aguicher les séminaristes ! C. T. tous les jours et fréquenter les sacrements comme aupara vant après ce qui lui était arrivé, N., avec un sourire un peu triste, répondit : "Je crois encore à l'Eucharistie !". Ensuite, après un petit instant de silence, il ajouta ; "Ce que je ne com prends pas, c'est que certains prêtres comme celui qui m'a calomnié et celui qui m'a expulsé de cette manière-là puissent encore s'approcher chaque jour de l'autel et célébrer la messe en toute bonne conscience !" Curieusement, nous avions déjà


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entendu ces mêmes propos de la bouche de plusieurs exséminaristes... Avant de conclure, nous aimerions signaler un fait, scan daleux à nos yeux, qui met bien en relief la conception que les membres et, surtout, les autorités du Séminaire de Paris ont de la fraternité chrétienne. Les très nombreux témoignages reçus de ceux qui ont quitté (volontairement ou invo lontairement] le séminaire sont unanimes sur ce point : Dès que quelqu'un franchit le seuil du séminaire pour ne plus y revenir, un véritable "Rideau de plomb" tombe entre lui et ceux qui restent dedans : recteur, formateurs, supérieurs, directeur spirituel et... même ses anciens camarades, naguère si amicaux et "fraternels". Tous nos témoins ont souvent utilisé les mots "lépreux", "pestiférés", etc. pour décrire leur état et leurs premiers pas dans leur nouvelle vie. Tous nous ont dit que le seul soutien moral, et parfois aussi matériel, leur a été apporté par des laïcs ou des gens étrangers au séminaire. Nous avons enten du des phrases comme celles-ci : "Je n'étais plus leur prochain, mais un chien qu'on a aban donné à son sort". "Personne ne s'est plus intéressé à ce que je devenais." "Ils s'étaient débarrassés de moi, je n'existais plus pour eux". "Ils m'ont fourni telle somme d'argent ou tel petit studio provisoire, mais jamais per sonne ne m'a demandé com ment je me sentais ou ce que je devenais. " Etc.,etc.

"Tu as blessé le corps du Christ !" Parmi les très nombreux cas portés à notre connaissan ce, en voici un qui nous semble spécialement significatif du caractère de l'actuel recteur du Séminaire [M. Gueguen] : Lorsque H., suite à une longue délibération intérieure, décide que sa vocation est autre que le sacer doce, il fait part au Recteur de son intention de quitter le Séminaire et de se chercher un travail. Il lui demande une petite aide et, surtout, un logement provisoire pour un ou deux mois avant de trouver un emploi. Le Recteur, furieux, réqplique que, puisqu'il s'en va volontairement, « il n'a droit à rien », et il ajoute ; « Si tu veux encore rester quelques jours dans ta communauté (avant l'annonce offi cielle de son départ), n'en parle à personne, autrement je te mettrai immédiatement à la porte ! ». Mais, « qu'est-ce que j'ai fait de mal ? ».- « Tu as blessé le Corps du Christ ! ».« Comment cela ? » .- « Oui, tu as blessé le séminaire, Qui est le corps du Christ ! ». Belle théologie ! ! !

"Un chien abandonné à son sort !" Pour N., il en a été ainsi. Lorsqu'il a peiné pendant un mois et demi pour recevoir la piètre aide financière qu'on lui avait promise (se nourrissant pendant ce temps-là de l'aumône de ses amis laïques ou étrangers au séminaire], son ancien supérieur de Saint-Aignan lui a servi d'intermédiaire auprès du recteur qui, apparemment, ne se souciait plus de son sort. Mais, dès que tout a été "arrangé", plus un mot ni un con tact ! "Le chien avait déjà son os - nous ont dit ses amis -, il ne les intéressait plus I".7 Quant au "père spirituel", nous avons déjà vu comment il l'a "lâché" : plus le moindre contact ni le moindre mot par la suite. Mais le plus triste et pénible pour N.

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[à qui les difficultés matérielles ne font pas peur] c'a été l'at titude inexplicable de ses anciens camarades de séminaire, naguère si sympathiques et "fraternels". Juste avant son départ, tous lui avaient demandé son numéro de téléphone, pour le contacter occasionnellement, avoir de ses nouvelles ou "boire une bière avec lui". Dès sa sortie, pas un seul ne l'a appelé (seuls l'ont fait ceux qui ont quitté le séminaire par la suite et après l'avoir quitté]. Bien plus, lorsque N. allait à la messe, souvent à la cathédrale, il lui est arrivé de croiser l'un ou l'autre de ses anciens camarades; tous l'ont fui comme s'il avait la peste ou l'ont salué d'un air gêné sans ajouter un mot; d'autres, dans la rue, ont fait semblant de ne pas le voir. Ces jeunes, naguère si amicaux à l'égard de leur "frère", auraient-ils peur de quelque chose ? Ferait-on pression sur eux pour qu'ils évitent tout contact avec ce "réprouvé" ? Nous n'avons pas de réponse à cette question, mais nous ne pouvons nous empêcher de penser aux sectes les plus fer mées..Ajoutons ceci ; Dans le cas de N„ aucune aide maté rielle, quelle qu'elle soit, ne pourra jamais réparer le mal fait à sa réputation et à son intégrité morale.

diocèse ! Si vous avez une vraie

Voir notre encadré sur l'infanti lisme.

vocation, vous êtes le bienvenu chez moi ! »

Nous invitons le lecteur à relire le Code du Droit Canon, ce. 239,2 ; 240, 1 et 2 ; 246, 4, sur la liberté de choix du confesseur et du directeur spiri tuel pour les séminaristes. En

Le contexte de cette phrase mérite attention. Lorsque N. avait déjà quitté le séminaire, suite à l'ignoble calomnie de ce personnage, celui-ci, en plein repas auquel participaient plu sieurs laïcs invités par les sémi naristes, annonça à tous le

outre, le c. 240,2 précise que, pour l'admission des sémina ristes aux ordres ou leur renvoi, « l'avis du directeur spirituel ne

départ de N. pour des motifs qui laissaient planer le doute sur le caractère volontaire ou non de cette décision et sur « ce qu'il

peut en aucun cas être demandé, ni celui des confes seurs. » Que le confesseur soit en même temps le directeur

pouvait y avoir derrière ». L'un des séminaristes présents [A.],

spirituel du séminariste [« for interne », si celui-ci l'a choisi

indigné, fit remarquer que ce genre de « linge » ne se lavait qu'en privé et non pas en pré sence de laïcs [c'est d'ailleurs l'un de ces invités laïques, irrité

librement, semble normal. Ce qui est choquant, par contre, c'est que les directeurs spiri tuels du séminaire de Paris soient en même temps membres du Conseil des Formateurs qui décide de l'ad mission ou renvoi d'un Tel ou d'un Tel [« for externe »]. En admettant que l'on respecte dans chaque cas le canon 240, 2, comment le confesseurdirecteur spirituel - qui est humain après tout ! - peut-il

par l'attitude du supérieur, qui nous a appris cette histoire). D'un air hautain et coléreux, le curé répliqua : «J'annonce ce que je

Ce reportage a une suite, déjà prête pour un prochain numéro de Golias. Elle pourrait avoir pour titre "Le second calvaire de N." et a trait à l'étrange manière dont les auto rités du séminaire ont pratiqué "l'équité et charité évangéli que" recommandée par le Droit Canon [c. 702, 2] à l'égard non seulement de N., mais aussi de nombreux autres anciens séminaristes. Les témoignages et les exemples ne nous manquent pas ! Où est Dieu dans tout cela ? Où est la "Charité évangélique" ? Où est l'église "univer selle" ? [Propos de D., lors de son renvoi du Séminaire], Christian Terras avec Jean-François Soffray

veux à qui je veux et quand je veux !»

Un silence gêné s'ensuivit.. Un cas semblable existait, dans la communauté de Saint-Denis du Saint-Sacrement. C, favori du curé-supérieur de cette

Notes Curieusement, une grande majorité des catholiques prati quants de Paris est constituée par des étrangers qui se sen tent délaissés et même ignorés par un grand nombre de prêtres parisiens, surtout les

plus jeunes. Citons à ce propos les paroles adressées par un évêque de province à un candi dat [étranger] au sacerdoce : « Jeune homme, je suis ravis d'avoir autant de prêtres étran gers que possible dans mon

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garder son secret sans réagir en aucune manière, même inconsciente [gestes, expres sions du visage, etc.) à ce qu'il entend sur son « dirigé » ? C'est cette ambiguïté, sans par ler de la dénonciation au rec

paroisse, avait souvent été sur pris par ses camarades en train d'écouter aux portes de leurs chambres. D, , homme à forte personnalité [renvoyé lui aussi du séminaire pour son francparler et vivant aujourd'hui dans son pays d'origine], avait une fois poursuivi le mouchard dans l'escalier « pour lui casser la

teur, qui nous paraît inadmis sible et qui se prête à toutes sortes de malentendus. Les pratiques du Séminaire de Paris à cet égard sont pour le moins contraires à l'esprit du Droit Canon !

figure ». Malgré les plaintes répétés sur ce garçon auprès du curé, celui-ci n'a jamais pris la moindre mesure contre ses procédés et le jeune homme jouit toujours de sa faveur. Récemment il a changé de com munauté, mais pas pour les rai sons évoquées. Des 6 ou 7 jeunes qui consti tuaient la communauté en 2005-2006, au moins trois [à notre connaissance] ont déjà quitté le séminaire et un qua trième [A.] l'aura fait lors de la parution de cet article.

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7.

To u t r é c e m m e n t , n o u s apprend-on, le Recteur a contacté N. deux fois, non pas pour avoir de ses nouvelles ou savoir si ses difficultés persis tent et s'il est ou non en mesu re de déménager, mais pour le presser de quitter au plus vite le studio cédé provisoirement par le diocèse, quitte à se retrouver dans la rue !


L'AVENTURE CHRÊ

Les paroliers et les tubes de l'été Les catholiques et l'accès aux ministères ordonnés Le Christ Pélican Jacques Chatagner, histoire d'un militant catholique

Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.73


L'AVENTURE

Avant-scène

Les paroliers et les tubes de l'été

H f ^ Dans les années Ë Ë 60, la mode imposait les ^^ ^^ mêmes refrains sur les plages de la Californie, de la Riviera et de la Côte d'Azur. Les paroliers nationaux se chargeaient alors de trouver les "rengaines" les plus aptes à accompagner dans les idiomes locaux les gorgées de limonade des estivants en maillot de bain...

e temps passe, les goûts

Avec un peu de recul et en faisant un

changent, mais les auteurs à juke-box reviennent en force. Inspirés par I' « Air de Ratisbonne » (une varia tion andante con brio sur le thème de la foi et de la raison], les librettistes de différents pays se relayent pour trouver des vers à gogo sur les Derniers Jours de l'Europe, le Déclin de l'Occident, le Gouffre du Nihilisme.

usage plus apaisé du lexique de base, ils se rappelleraient que le mot « relativis me » ne s'oppose nullement à I' « absolu ». L'antonyme d' « abso lu » étant « relatif », le mot « relativ isme » s'opposerait plutôt au mot « absolutisme ».

Le tube de cette saison musicale s'appelle « relativisme avait été lancé par l'ex cien Saint-Office dans électoral. Envoûté par

». Le leitmotiv Patron de l'an son manifeste la partition, le

Collège des Cardinaux avait ovationné l'Auteur comme Maestro hors pair. Depuis cette élection, la fièvre du dimanche midi s'est emparée non seule ment des automates prêts à faire leur petit tour à chaque son de carillon, mais aussi de rappeurs notoires, normale ment sourds aux cloches de Rome, qui n'hésitent pas à avaler quelques pilules d'extase, pour se produire au rythme orchestré par la Chapelle de Saint Pierre. Des anciens nouveaux-philosophes, jadis réputés pour leur agnosticisme et leur scepticisme, se bousculent autour du Saint-Siège en présentant au Souverain Pontife l'offrande de leurfs] raison[s], gage d'une nouvelle alliance pour le salut de la civilisation (occidenta le, naturellement). Pourtant, s'il n'y avait pas l'urgence d'écouler le stock de leurs compositions, ces papa-boys inespérés n'auraient pas de quoi s'affoler.

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Évidemment il faudrait être bien mali cieux pour supposer que cette alliance inédite entre les athées dévots et le Chef de la Chrétienté cache une quelconque nostalgie pour l'absolutisme de marque occidentale d'avant les Lumières. Quoique... Et tant qu'on est dans les diction naires, on peut s'attarder sur un volet plus étymologique : 1. Le sens d'origine du mot « absolu » du latin « ab-solutus » veut dire « délié de... », « indépendant de... », « libre/libéré de... », comme par exemple dans le geste de I' « abso lution ». Donc dans l'étymon même du mot « absolu » est présente une « relation » à autrui ou à autre chose, entretenue par cette petite préposition « ab... » qui devient « de... » en français. C'est dire que le caractère d' « absolu » est toujours « relatif » à ceux qui le considèrent comme tel et, pour le dire autrement, il est toujours « contextuel ». Des scolastiques, qui avaient le sens des formules, à propos de I' « Absolu » avec a majuscule, affirmaient que tout ce qu'on pouvait penser ou raconter de Lui, l'était tou jours quoad nos, c'est à dire ses rela-


it tions par rapport à nous. N'étaient-ils pas par hasard des « relativistes » ante litteram ?

L'AVENTURE

dans l'autre hémisphère, il doit se confier à la Croix du Sud. 2. Les tempi des Quatre Saisons,

2. Dans le mot « valeur » il y a la notion de « valoir ». Donc même les valeurs « absolues » le sont pour ceux [individus ou groupes] qui veulent bien les « valoriser », les « mettre en valeur ». De plus, elles sont relatives entre elles. C'est bien la raison pour laquelle on parle habituellement d'é chelle de valeurs. Justement, à propos de cette échelle, le magistère de l'Église distribue des orientations très fluc tuantes. Si on se base sur la fréquence de ses recommandations, on ne sait pas avec précision si au sommet il faut placer la vie biologique [rigoureuse ment de la fécondation jusqu'à la décomposition], la dignité humaine ou la vie éternelle. Et pour continuer avec les exemples : la liberté religieuse est une valeur sacro-sainte quand il est question de fidèles vivant dans une situation de minorité. Elle est beaucoup moins appréciée si elle concerne les non pratiquants ou les mal croyants dans les contextes où l'Église joue un rôle dominant et risque de perdre son hégémonie historique. L'objection de conscience est canonisée si elle est pratiquée par les médecins contraires à l'avortement. Elle est regardée avec méfiance sinon avec hostilité, quand elle est invoquée par les contestataires de l'armée. C'est que la hiérarchie ecclésiastique applique au quotidien une morale de la situation, en jouant avec des valeurs toutes relatives. Mais au lieu d'éduquer ses ouailles à une spi ritualité du discernement, ce qui impli querait des chrétiens pouvant devenir adultes, elle préfère avoir affaire à des enfants. La relativité, c'est le lot de la condi tion humaine. Juste quelques observa tions : 1. Pour un marin qui s'embarque sur l'océan sans navigateur satellitaire, l'Étoile polaire continue d'être son point fixe de référence, mais s'il s'aventure

conçus en Vénétie, décrivent un climat inversé pour un mélomane résidant en Argentine. Que dire de quelqu'un qui ne connaît que deux saisons, voire aucune ? 3. Pour celui qu'on a en face de soi, la droite et la gauche sont exactement le contraire de son interlocuteur. Le catéchiste qui apprend aux enfants le signe de croix ou le prof de gym qui donne des consignes à ses élèves savent bien comme s'y prendre. 4. Les astronautes et tous ceux qui ont éprouvé l'état d'apesanteur n'ont plus la même évidence du haut et du bas que le commun des mortels resté collé sur la croûte de la Terre. La liste pourrait continuer et il ne faut pas nécessairement incommoder Kant, Nietzsche ou Einstein pour mettre des mots sur ces expériences tout à fait quotidiennes. Bien avant eux, l'Ecclésiaste nous a légué une percep tion de la réalité un tantinet plus pro blématique que celle véhiculée par le concert actuel pour cloches et juke-box. Vanitas vanitatum et omnia vanitas : la prémisse d'un manifeste pour le nihilis me ? Les Juifs avaient hésité long temps avant d'accepter ce livre dans leur canon. Mais, encore aujourd'hui, si Qohéléth faisait une diffusion trop mili tante de son opuscule sur les parvis de nos églises, il risquerait d'être réperto rié dans l'Index librorum prohibitorum. Heureusement il y a un temps pour tout, comme disait notre auteur mau dit. Il faut juste attendre le moment où on ne s'occupera plus tellement des ismes et on acceptera simplement de vivre dans le relatif. Quant aux paroliers, ils trouveront en tout cas la manière de se recycler. Filo Rosso

DR

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L'AVENTURE

f f Les 27 et 28 g g octobre 2006, à ■ la Maison Ë Bellarmin [Montréal], s'est tenu un colloque autour d'une question incontournable pour la crédibilité et l'avenir de la foi : celle de l'accès des femmes aux ministères ordonnés dans l'Église catho lique. Ces assises ont été l'oc casion de constater que, mal gré l'interdit "officiel", des recherches et des expérimen tations se poursuivent, sur cet enjeu, au sein du catholicisme. Aussi, Golias, en accord avec les organisateurs de cette manifestation, a-t-il décidé de publier, à partir de ce numéro 116, chacune des différentes contributions qui ont nourri cette riche réflexion. Puisse cette publication qui s'étalera donc sur une année, per mettre à nos fidèles lectrices et lecteurs de s'approprier et de pousser plus loin cet événe ment marquant de notre par cours ecclésial qui dépasse, on l'aura compris, les seules frontières du Québec. Nous ouvrons cette série avec la conférence de Gisèle Turcot, religieuse.

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DÉCRYPTAGE

Les CATHOLIQUES

et l'accès aux

ministères ordonnés

B

omment, dans le monde catholique, avons-nous parcouru le chemin du silence à la prise de paro le publique, au moins

depuis le concile Vatican II ? Voilà la question qui m'a été posée. Je dois mettre entre parenthèses ce que nous avons appris du mouvement des femmes dans la société pour me concentrer sur quelques courants majeurs à l'intérieur de l'Église. Et comme le disait Olivette Genest, puisque nous sommes dans une Église à magistère, il y a interaction constante entre la communauté ecclésiale et ceux qui sont investis de l'autorité.

Un point d'appui légitime dans les déclarations du magistère Commençons par reconnaître que deux documents officiels donnent un point d'appui légitime à la quête d'éga lité qui sous-tend la question de l'accès aux ministères. Tout d'abord une nou velle lecture des « signes des temps » apparaît dans deux encycliques de Jean XXIII, Mater et Magistra [1961] et Pacem in Terris [1963], En plus d'ac créditer, sans la nommer, la Déclaration universelle des droits de l'homme [1948], le pape mentionne comme un événement majeur le rôle que les femmes sont désormais appelées à jouer non seulement dans la famille mais également dans la vie publique. La constitution pastorale de l'Église, Gaudium et Spes, adoptée à la dernière s e s s i o n d u c o n c i l e Va t i c a n I I

[décembre 1985] reconnaît l'effort légi time des femmes en vue d'obtenir « la parité de droit et de fait avec les hommes » [G.S., 9.1.3]. Le même document affirme vigoureusement que « Toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu'elle soit sociale ou cultu relle, qu'elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu. » [G.S., 9,2) Mais nous savons bien que les docu ments ne font pas la vie, tant dans les sociétés civiles qu'ecclésiales. À la fin de son mandat, Jean-Paul II a dû pré senter une demande de pardon pour les discriminations qui persistent dans notre Église, y compris sur la base du sexe et de la race.

Du côté des femmes, un foisonnement d'initiatives En France, le travail remarquable du groupe Femmes et Hommes en Église [FS.H] commence au début de 1970 : c'est jusqu'à Rome, dans des synodes parallèles, qu'on va porter les revendi cations pour l'égalité et la parité, sur la base d'une critique des fondements anthropologiques du discours sur la vocation de la femme, dont nous avons reconnu les accents dans la communi cation de Marie-Thérèse van LunenChenu, ce matin. Je dois personnelle ment à nos amies de FS.H d'avoir mieux compris l'enseignement de Paul aux


it Galates 3, 28 sur le racisme, le classisme et le sexisme. Au Québec, immédiatement après Vatican II, des femmes deviennent admissibles aux facultés de théologie, en particulier à l'Université Laval, grâce à l'impulsion du cardinal Maurice Roy, archevêque du diocèse de Québec et chancelier de cette université. Olivette Genest et Sœur Ghislaine Boucher sont les premières candidates à bénéficier de cette ouverture. Des générations de femmes entreront dorénavant dans les cénacles jadis réservés aux hommes. Qu'aurions-nous fait, sujets modernes, sans cet accès au savoir pour mieux articuler notre discours sur Dieu, sur le monde et sur l'Église ? Chez nous, Marie-Andrée Roy a relevé les revendications des femmes dans l'Église de 1970 à 1987 [Souffles de femmes, Dumais et Roy, 1989], Notons au passage que les nomina tions de femmes à des responsabilités pastorales - dans les paroisses et les mouvements - précèdent l'ère des dis cours. En 1970-1971 plusieurs vont saisir l'occasion de la tenue à Rome du Synode sur le ministère des prêtres et sur la justice dans le monde pour sen sibiliser les délégations nationales aux situations d'injustice faites aux femmes, y compris dans l'Église. La requête la plus déterminante est venue du groupe des femmes catholiques d'Edmonton [Alberta] adressée à la Conférence catholique canadienne (CCC, devenue la CECC], qui donna lieu à l'intervention du cardinal George B. Flahiff, archevêque d'Edmonton et président porte-parole de la conférence épiscopale à ce Synode. Il demandait que soit formée « immédiatement une commission mixte afin d'étudier en profondeur la question des ministères féminins dans l'Église ». Rien de moins ! On sait que Paul VI mit sur pied une Commission d'étude sur la place et la mission de la femme dans la société et dans l'Église,

L'AVENTURE

en excluant de son mandat l'étude de l'accès des femmes à l'ordination.

Une demande d'accès aux ministères non ordonnés a néanmoins été formulée, nous dit Marie-Andrée Roy, par les femmes du diocèse de Montréal [1975], par l'Association féminine d'action et d'éducation sociales [1982] et le Comité ad hoc de la CECC sur la place de la femme dans l'Église [1984]. Au-delà des demandes ponctuelles, apparaissent des groupes de fémi nistes chrétiennes qui s'approprient l'analyse féministe. Elles ne laisseront bientôt rien d'intact en ce qui concerne les rapports femmes et hommes. Leurs travaux portent sur les récits bibliques, les écrits des Pères de l'Égli se, l'éthique sociale et sexuelle, les rituels, les théologies depuis le thomis me jusqu'aux théologies de la libération, le partenariat, l'exercice des charges pastorales dont la prédication, l'accom pagnement spirituel et l'action sociale. Autrement dit, des femmes entrent sur les terrains jadis réservés aux curés et aux vicaires, sauf quand sacer doce et décision sont indissociables,

même nom qui diffuse analyses et réflexions, célébrations et création litté raire. En 1982 naît le réseau Femmes et Ministères, composé de femmes engagées sur le terrain pastoral et dans l'enseignement théologique. Cette initiative veut promouvoir le statut col lectif des femmes dans l'Église et iden tifier les pistes neuves inscrites dans l'exercice de leurs ministères. Ce grou pe a, entre autres, publié deux recherches : Portrait du personnel pas toral féminin dans les diocèses franco phones. Les soutanes roses [1988] et Voix de femmes, voies de passage. Pratiques pastorales et enjeux ecclé siaux [1995]. La même année [1982], apparais sent dans les diocèses du Québec les Répondantes diocésaines à la condition des femmes. Leur nomination est une réponse à l'étude du Livre blanc sur la condition féminine (Gouvernement du Québec, Pour les Québécoises, égalité et indépendance 1978) que le Comité episcopal des affaires sociales a étudié avec des femmes. Un Réseau des répondantes s'est rapidement consti tué [1983], unissant vie associative de

Les groupes de féministes chrétiennes

type féministe à l'action en milieu insti tutionnel. La session d'étude de mars 1986 sur L'Église et le mouvement des femmes, qui a réuni 35 évêques et une centaine de femmes, s'inscrit comme un fleuron dans le travail des répon dantes. Elles célébreront bientôt, en 2007, leur 25e anniversaire pour souli

En 1975, les échos de l'Année inter nationale de la femme [AIF], proclamée

gner les centaines de forums qu'elles ont organisés et l'indispensable travail d'éducation qu'elles ont réalisé.

par les Nations Unies, suscitent le désir de faire émerger la parole des femmes

Qui donc, chez nous, a porté les

catholiques. Une théologienne de Rimouski, Monique Dumais, osu, fonde avec un groupe d'étudiantes la collecti ve L'autre Parole qui s'intéresse à l'ana lyse féministe du discours de l'Église. Après 30 années d'existence, nous devons beaucoup à la publication du

aspirations et les revendications des femmes catholiques sur toutes les tri bunes sinon le Mouvement des femmes chrétiennes et la Catholic Women's League, les répondantes diocésaines, les membres de l'Autre Parole et de Femmes et Ministères ?

pour les sacrements et la présidence de l'Eucharistie. Le nouveau Code de droit canonique promulgué en 1983 ne modifiera pas cette norme.

Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.77


L'AVENTURE

Qui d'autres aurait soulevé les pro blèmes de la violence, pour ne nommer

transformation de l'Église comme action préalable à l'accueil de la partici

que ceux-là ? Qui aurait sensibilisé à l'importance d'inclure dans le langage la moitié de l'Humanité ? Autant de

pation des femmes. Au Canada, à peine fondé, le Catholic Network for Women's Ordination change de nom : il devient le Catholic Network for Women's Equality. Bref, un nouveau

prises de parole sur des sujets préa lables à la résolution du non-accès aux ministères. Mais en même temps, que de champs labourés par un travail pas toral soutenu. En 1988, naît le Réseau œcumé nique des femmes du Québec (ROF/WEN). Il naît dans le contexte de la Décennie des Églises solidaires des femmes, portée par le Conseil œcumé nique des Églises, initiative qui va susci ter la Décennie pour vaincre la violence. Parmi les paroles de femmes, on se souviendra qu'aux États-Unis, en 1979, le nom de Theresa Kane et de la Leadership Conference of Women Religious [LCWR] est associé à une grande première : elle demande publi quement au pape Jean-Paul II en visite aux États-Unis de promouvoir la partici pation des femmes à la vie, à la mission et au gouvernement de l'Église. Scandale, disent les uns; enfin une paro le prophétique, clament les autres. Chez nous, en 1984, sœur Odette Léger, ndsc, prendra la parole dans le même sens en s'adressant au même pape en visite au Canada. C'est l'occasion de citer au passage le persévérant travail de conscientisation réalisé par l'Association des reli gieuses pour la promotion des femmes, fondée à l'instigation de la Conférence religieuse canadienne suite aux recom mandations de l'UlSG dans le cadre de l'AIF [1975). Jusqu'à la dénonciation du trafic des femmes et des fillettes amorcé depuis 2001.

type de résistance s'organise. Quelles tendances se révèlent exac tement ? Voici le constat que MarieAndrée Roy faisait en 1989 : La question de l'accès des femmes aux ministères est centrale dans la pro blématique de la transformation de la place des femmes dans l'Église. Seul le sacerdoce donne accès aux postes de décisions dans cette institution qui, en pratique, lie depuis des siècles ordina tion et pouvoir. Le débat est vivement engagé à l'échelle internationale. Nous pouvons distinguer deux tendances principales. Pendant que l'une promeut la dissociation pouvoir/sacerdoce afin de permettre aux non-clercs d'accéder à des postes d'autorité dans l'Église, l'autre privilégie l'accès des femmes au sacerdoce comme moyen pour rejoindre tous les paliers de l'organisa tion ecclésiale. Certaines femmes aspi rent à la fin de la cléricature et donc ne cherchent pas à y accéder, d'autres veulent y entrer en espérant pourvoir la transformer. Il n'est pas, de fait, de consensus chez les femmes catho liques quant à la stratégie à adopter au sujet de la revendication des ministères ni sur les objectifs précis à atteindre ultimement. Une seule chose est claire c'est qu'il doit y avoir changement. [Dumais et Roy, p. 36]

Qu'en est-il après l'an 2000 ? Si la publication de la Congrégation

Toutefois, dès 1983, se produit un grand tournant en Amérique du Nord, après la tenue d'un congrès sur l'ordi nation des femmes à Chicago. Ce sera le seul de cette envergure, et avec ce titre, car la priorité se déplace vers un autre horizon, celui d'une nécessaire p. 78 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

pour la Doctrine de la Foi, Inter Insigniores [1976] a représenté un avertissement à ceux et celles qui ose raient suivre l'exemple de la commu nion anglicane [des ordinations ont eu lieu depuis 1974 aux USA], la Lettre pastorale de Jean-Paul II sur l'ordination

11

exclusivement réservée aux hommes (mai 1994] a provoqué de vives pro testations partout à travers le monde, y compris chez nous. À l'instigation des membres de Femmes et Ministères, le 29 juin, une

pétition de 1300 signataires, femmes et hommes confondus, est publiée dans le quotidien Le Devoir suivie le 17 août d'une seconde pétition de 1700 signa taires, demandant au président de la CECC de poursuivre la recherche et le dialogue sur l'accès des femmes aux ministères. Les années 2000 annon cent une nouvelle mobilisation en faveur de l'ordination. Deux conférences inter nationales vont relancer le débat public. En 2001, à Dublin, du 29 juin au 1 er juillet, sur le thème Voici l'heure : célébration de l'appel des femmes à un presbytérat renouvelé dans l'Église catholique, se tient la première Conférence internationale sur l'ordina tion des femmes organisée par Women's Ordination Worldwide [WOW]. Les participantes de vingt pays recommandent aux groupes membres de poursuivre le dialogue avec les évêques, les religieux et les laïcs sur l'accès aux ministères et recomman dent aussi l'accès des femmes au dia conat. En 2005, du 22 au 24 juillet, Ottawa reçoit la deuxième Conférence internationale de WOW sur le thème Rompre le silence, partager le pain : le Christ appelle les femmes au leadership. Entre ces deux conférences mon diales, coup de tonnerre dans le ciel : on apprend l'ordination sacerdotale de femmes catholiques d'Allemagne et d'Autriche, sur le Danube, en juillet 2002, par deux évêques dont on ignore les noms mais qui sont en lien avec Rome. Ordinations sanctionnées par un décret d'excommunication émis par les autorités vaticanes, mais bientôt sui vies, en 2003, de l'ordination de deux d'entre elles à l'épiscopat, puis en


u

L'AVENTURE

2005, d'une ordination à Lyon, en France, et de femmes américaines et d'une Canadienne sur le fleuve Saint-

société mais, ce qui est peut-être le

Laurent, près de Kingston.

l'Église au seuil d'un nouveau dévelop pement sans lequel les structures sociales ne changeront

À Ottawa, on a pu constater que s'il est facile de faire consensus sur l'élimi nation de toute forme de discrimination envers les femmes dans les Églises, les stratégies divergent sur la centralité de la revendication en faveur de l'admis sion aux ministères ordonnés et sur les stratégies à développer. Que veulent donc les femmes en Église quand elles demandent l'accès aux ministères ordonnés ? Je trouve personnellement très significative la réponse de Adriana Valerio, présidente de la Société européenne des femmes en recherche théologique. Nous ne revendiquons pas des espaces mais la communion entre les personnes dans la diffusion des valeurs et des talents, que chacun de nous peut offrir aux autres (...] Reconnaître la dignité et l'au torité attachées à la personne humaine

plus important, c'est que le mouvement des femmes a amené la théologie de

jamais. (...) C'est la revendication de ces droits au nom de l'image de Dieu, c'est l'éla boration d'une théologie de l'humanité qui déterminera le succès ou l'échec du mouvement des femmes. Il se peut que cela détermine du même coup l'avenir de l'Église. (...) Le mouvement des femmes met en cause les questions les plus impor tantes dans la vie. Il nous oblige à regar der en face, à considérer et à apprivoi ser la nature des relations humaines, la nature de l'humanité et la nature de Dieu. Il n'y a pas de vraie sainteté sans cela.

Nous pouvons également apprécier le pronostic de Joan Chittister, osb. :

Betty Friedan, illustre figure du mouve ment féministe américain au XXe siècle, de décrire les principaux défis que les féministes avaient encore à relever. Après s'être brillamment

BÉLANGER, Sarah, Portrait du féminin au Québec. Les Étude réalisée pour le et Ministères, Montréal, p. 296 .

pendamment du sexe des candidats ? Nous pourrions désormais utiliser notre créativité pour célébrer la com munauté de disciples égaux, dans une Église enfin réconciliée avec un Dieu qui nous a créés à son image. Gisèle Turcot, religieuse de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal (Canada]

cadre d'un colloque sur l'accès des femmes en octobre 2006], organisé par le Centre justice et foi en partenariat avec le Centre Saint-Pierre, L'autre Parole et le réseau Femmes et Ministères. Pour en savoir plus ou pour vous procurer l'enregistrement de l'événement [format DVD], consultez le site www.cjf.qc.ca.

acquittée de sa tâche, elle fit une pré de femmes. Lectures féministes de la religion,

personnel pastoral soutanes roses. groupe Femmes Bellarmin, 1988,

pleine et entière de tous ses membres, incluant un accès aux ministères indé

aux ministères ordonnés (tenu à Montréal

signifie l'admettre au pouvoir de déci sion, y compris aux ministères.

Références

jour, toutes discriminations auront dis paru, parce que des sociétés justes auront reconnu l'égalité et des femmes et des hommes, ainsi que leurs diffé rences et les obligations sociales qui en découlent. Ce colloque annonce-t-il semblable prédiction ? Alors nous ver rions l'heureux aboutissement des revendications catholiques à l'existence

Cette conférence a été livrée dans le

Un prochain colloque ? En l'année internationale de la femme proclamée par les Nations Unies (1975), on avait demandé à

Le mouvement des femmes [Regard spirituel sur le monde d'aujourd'hui , p. 156-157], a beaucoup fait dans la

diction : un jour, ce serait la fin éven tuelle du mouvement des femmes. Un

Montréal, Éditions Paulines, 1989, 239 p. Femmes et Hommes en Église, Ordination des femmes. On en discute sur les Parvis. Enjeux actuels pour la société et les Églises. Paris, septembre 2005. Revue de presse.

RAMING, Ida, A History of Women and Ordination. Vol. 2 The Priestly Office of Women : God's Gift to A Renewed Church, 2nd Edition. Lanham Maryland /Toronto /Oxford, The Scarecrow Press Inc., 2004,316 p.. RAMING, Ida, "The Twelve Apostles Were Men"

BAR0NI, Lise, BERGERON, Yvonne, DAVIAU, Pierrette et LAGUË, Micheline, Voix de femmes, Voies de passage. Recherche-action réalisée pour le Réseau Femmes et

Journal La Croix, Paris, lundi 20 janvier 2003, « Rome revisite l'évolution du diaconat », et

Theology Digest [40/1], Spring 1993, p. 2125.

publie « Le diaconat, évolution et perspec tives » de la Commission internationale de

WOW, « Voici l'heure : Célébration de l'appel des femmes à un presbytérat renouvelé dans

Ministères, Montréal, Paulines, 1995, 259 p.

théologie, voir aussi DC no 22B4, 19 janvier 2003.

l'Église catholique - A Celebration of Womens'Call To A renewed Priesthood In The Catholic Church » - Première conférence internationale sur l'ordination des femmes, Dublin, Irlande, 29 juin- 1 er juillet 2001.

Bulletin L'AUTRE PAROLE, publié depuis 1976 au Québec par le groupe du même nom. CHITTISTER, Joan, q.s.b., Au cœur du monde. Regard spirituel sur le monde d'aujourd'hui / In The Heart of the Temple, traduit de l'améri cain par Albert Beaudry, Montréal, Bellarmin, 2006. DUMAIS, Monique et Marie-Andrée Roy, Souffles

LACELLE, Elisabeth J., « Le mouvement des femmes dans les Églises nord-américaines », Études, novembre 1985 [363/5] LEONARD, Richard, s.j., Beloved Daughters. 100 Years of Papal Teaching on women. Foreword by Elisabeth Johnson, CSJ, Novalis, 1995, 120 p.

WOW, « Breaking Silence, Breaking Bread; Christ Calls Women to Lead », Second International Ecumenical Conference, Carleton University, Ottawa, Canada, July 22 24, 2005.

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L'AVENTURE

Le jardin intérieur

Le Christ Pélican f

f

L'autre jour, comme

je déambulais ainsi qu'il se doit dans le déambulatoire de la cathédrale de Montpellier, mon attention fut attirée par un autel surmonté en son milieu d'un tabernacle, lequel comportait sur sa porte un groupe sculpté représentant, je le vis en m'en approchant, un pélican en train de nourrir ses enfants.

Je pris donc les photos

Adoro te était déjà connu au 1 Be siècle,

ci-jointes, et le soir même j'ouvris le vieux missel en latin qui ne me quitte

puisqu'on le voit ici manifestement recopié sans vergogne.

jamais, moitié parce qu'il me rappelle avec nostalgie les souve nirs des liturgies de mon enfance, moi tié parce qu'il me permet de mesurer,

D'autres souvenirs de lecture m'as saillirent aussi, à commencer par le

par réflexion sur ce qu'il contient et pro pose, tout le chemin que j'ai parcouru depuis. J'en parcourus donc les rubriques : c'est le nom qui convient ici, d'ailleurs, puisque le titre en était imprimé en rouge. Dans celle consa crée à la Bénédiction du SaintSacrement, je repérai le cantique Adoro te. Oubliant mes amis protestants actuels, qui ne sont pas Adorantistes en n'idolâtrant pas Jésus, je me plon geai dans le texte, et y vis enfin une strophe qui me donna la clé de ce que j'avais vu l'après-midi : Pie pellicane, Jesu Domine/Me immundum munda tuo sanguine / Cujus una stilla salvum facere / Totum mundum quit ab omni scelere. Le latiniste en moi proposa la traduction suivante : « Saint pélican, Seigneur Jésus, lave mon indignité dans ton sang, dont une seule goutte peut sauver le monde entier, et le préserver de tout péché. » Bien sûr je fus un peu honteux de la pauvreté de cette traduc tion, mais le professeur de français en moi aussi vint au secours du latiniste, et me rappela les vers du poète baroque Jean Auvray : « Pour noyer mes péchés faites un large étang. Non, Seigneur, arrêtez ces pré cieuses ondes, / C'est trop pour un pécheur prodiguer votre sang, / Il n'en faut qu'une goutte à sauver mille mondes. » À partir de quoi je jugeai, sans doute sans témérité, que cet

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passage très connu de la Nuit de mai de Musset : « Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,/ Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, / Ses petits affamés courent sur le rivage / En le voyant au loin s'abattre sur les eaux (...) / Pour toute nourriture il apporte son cœur. / Sombre et silen cieux, étendu sur la pierre, / Partageant à ses fils ses entrailles de père, etc. » J'ai naguère expliqué le symbole à des générations d'étudiants, pour les éclairer, et aussi les alerter, sur le dolorisme romantique. Mais en fait, nous disent les ornithologues, ce symbole vient d'une illusion : le pélican ne nourrit pas ses petits en s'ouvrant la poitrine, c'est là une légende née d'une vision approximative. Cet oiseau est, dit Robert, muni à la mandibule inférieure d'une poche membraneuse dilatable, où il emmagasine la nourriture de ses petits. Donc il se contente de régurgiter ce qu'il a préalablement stocké. Le même dictionnaire ajoute : Le pélican, symbole de l'amour paternel. Le rappro chement avec le Christ se comprend ainsi : c'est un Père pélican. Je pense aussi à la façon dont Balzac nomme son Père Goriot : le Christ de la pater nité. La scène pélicanesque telle que Musset la raconte est sanguinolente, voire grandguignolesque : « Sur son festin de mort il s'affaisse et chan celle, / Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur. » Scène gore, dirions-nous


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L'AVENTURE

aujourd'hui. C'est en tout cas la voie choisie depuis longtemps par tout le christianisme catholique. La dévotion au Sacré-Coeur par exemple l'exploite sans fin. Ecce cor meum : Voici mon cœur. Ou bien, comme on chante dans Le pays du sourire : Je t'ai donné mon coeur... Mais la version ici pourrait bien en être simplement littérale. À partir du pélican, il faut comprendre : Ce coeur, maintenant dévore-le, mange-le... Voyez le début du Cor dulce, par exemple : aimons-le, ce « doux cœur », qui y est dit dévoré d'amour pour nous : amore nostri languidum... Il ne s'agit pas du tout de symbole, c'est au pied de la lettre qu'il faut prendre le thème. De ce point de vue l'Eucharistie tout entière [le Saint-Sacrement] est une manducation, une dévoration sacrée, ou un canniba lisme, justifiant le nom injurieux dont autrefois les Protestants affublèrent les Catholiques : Théophages, dévo reurs de Dieu. Qu'il faille prendre toutes ces choses littéralement, c'est ce que montre aussi le cantique qui suit XAdoro te dans mon missel : XAve verum. Le corps du Christ est vraiment, c'est-àdire réellement, dans le SaintSacrement : Ave verum corpus, Salut, corps véritable... Ce texte, qui affirme la r é a l i t é e ff e c t i v e e t l i t t é r a l e d e l'Incarnation, a peut-être été écrit pour contrer toutes les tentations docètes en christianisme : le docétisme [du grec dokeîn, sembler, paraître] affirme que Jésus dans son passage sur cette terre n'a eu qu'une apparence charnel le, en réalité il a été comme un fantôme sans corps. Vous savez que saint Ignace d'Antioche en son temps voulut souffrir effectivement le martyre, et que son corps fût réellement déchiré par les lions, pour incarner lui-même ce qu'avait souffert le Christ, et par là démentir le docétisme. Je ne sais s'il eut raison, et s'il est bien recevable, l'ar gument avancé par certains : que vaut une opinion dont l'auteur, pour la défendre, ne le paierait pas de sa vie ? Personnellement je me battras bien,

sans doute, pour défendre mes opi nions, mais je pense que cela serait, selon le mot de Rabelais, « jusques au feu exclusivement »... Mais cet Ave verum a été, sans aucun doute cette fois, écrit contre les visions symboliques ou symbolisantes possibles de l'eucharistie : évidemment c'étaient les Protestants qui étaient visés. Le tabernacle que j'ai contemplé contient le ciboire, lequel contient les hosties. Or ces hosties, après la consé cration, deviennent effectivement le corps du Christ, de même que le vin du calice, toujours après la consécration, en devient effectivement le sang. Les textes sont inflexibles là-dessus. Si l'on s'en écarte, on devient aux yeux de l'Église un hérétique sacramentaire : nom donné quelquefois, dit Littré, aux réformés qui ont publié des opinions contraires à celles des catholiques sur l'eucharistie. Me voici donc face à un rituel san glant : l'autel [latin altare] que je vois est celui d'un sacrifice. La messe latine commençait de la sorte : Introibo ad altare Dei, Je m'avancerai jusqu'à l'autel de Dieu, qui est une citation du Psaume

43 [v.4]. Le prêtre est un sacrificateur, situé explicitement dans la ligne de Melchisédech, « sacrificateur du Dieu Très-Haut » comme le dit l'épître aux Hébreux (7/1). Quant à l'hostie, c'est évidemment la victime sacrifiée : sens propre du latin hostia. Comment après cela s'étonner qu'on ne prenne pas littéralement tous les éléments de ce sinistre et sanguinolent rituel ? Qu'on ne parle pas, par exemple, à côté du Christ Pélican et du Sacré-Cœur de Jésus, de son Précieux Sang salva teur ? Il suffit de taper « Précieux Sang » dans n'importe quel moteur de recherche sur Internet, pour trouver encore plusieurs pages à sa dévotion, hautement et fièrement proclamée. Vous me direz que ces réflexes sont ceux des intégristes, et que l'Église a abandonné ce théâtre sanglant, depuis son aggiomamento lors de Vatican II par exemple. Il suffirait de s'opposer à l'ancienne liturgie (latine], et aujourd'hui à son éventuel retour, pour s'en pré munir. Je n'en suis pas du tout sûr. En effet, la nouvelle liturgie vernaculaire, si elle gomme bien certains aspects théoGolias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.l


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dieux qui tels Osiris ou Dionysos meurent et res suscitent pour le salut de leurs fidèles. Ou encore du mithraïsme par exemple. Dans le mithraeum de Santa Prisca, selon ce que dit Y Encyclopaedia Universalis à l'article « Mithraïsme », on célé brait la tauroctonie comme un acte de salut : Et nos seruasti eternali san guine fuso, Et tu nous as sauvés par ce sang éter nel répandu... Qui nous dit

logiques barbares de l'ancienne, conti nue de mentionner, lors de la prière eucharistique, l'institution par Jésus luimême, lors de son dernier repas, de ce sacrement. Or il est remarquable que sur ces paroles, par quoi Jésus en effet ressemble au Pélican qui le figurera plus tard : « Prenez, et mangez en tous : ceci est mon corps livré pour vous », il y a beaucoup d'hésitations dans les manuscrits. Les premiers en date, ceux de la première épître aux Corinthiens [11/24], ne comportent pas initialement le « Prenez, et man gez », laissant la possibilité pour l'épi sode d'être seulement une commémo ration [dans le texte grec paulinien : anamnesis, anamnèse] totalement sym bolique. Et dans beaucoup de versions initiales de Luc [22/20] l'épisode entier ne figure pas. Qui nous dit que ces paroles n'ont pas été prêtées à Jésus, à son corps défendant pour ainsi dire, précisément pour justifier l'institu tion de cette eucharistie, à laquelle il pouvait être naturellement étranger ne serait-ce que parce qu'il est interdit au juif, par exemple, de consommer du sang ? Il s'est agi de trouver une cau tion pour justifier un usage, une pra tique liturgique. Légende cultuelle, selon Bultmann. Cet usage liturgique vient peut-être des cultes à mystères païens, de ces p.82 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

que ce thème, et donc aussi toute la seconde par tie de la Messe, la liturgie du sacrifice, n'est pas en réalité toute païenne d'ins piration ? Peut-être faut-il maintenant le reconnaître. On voit que l'aggiornamento ecclésial n'a pas été jusque là en milieu catholique. Est-il prêt à le faire, je ne sais. Sauf peut-être à se protestantiser... Ce soir, on va manger du saignant... Cette phrase énigmatique et frisson nante, surréalisante aussi, du Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, m'a toujours fait rêver. Maintenant j'en vois une singulière application. C'est ainsi que beaucoup de chrétiens aiment encore leur Dieu : saignant. Je pense qu'il est plus fidèle à ce qu'a pu être le personnage historique de Jésus, et aussi plus intéressant pour ce qui est de nos propres vies, de le voir comme un maître en enseignement, un instituteur de la Parole. C'est ainsi qu'il est nommé d'ailleurs dans les textes : rabbi en hébreu ou en araméen (d'où : rabbin], didaskalos en grec, magister en latin. A-t-il pu prévoir sa propre mort, la transformer par avance en processus salvateur, je ne sais. Je ne me pronon ce même pas ici sur son existence his torique. Mais je sais bien ce qu'est la résonance en nous d'une parole, et la gratitude que nous devons à ceux qui nous la transmettent et nous l'éclairent

et même s'il yy aa là là fiction fiction ou invention, inventio car il y a toujours, derrière, une certai ne bouche qui parle, ou une certaine main qui écrit. Je ne peux jamais relire sans émotion le passage des Pèlerins d'Emmaùs, après l'apparition et la dis parition de Jésus à leurs yeux : « Et ils se dirent l'un à l'autre : 'Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lors qu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ?' » [Luc 24/32] Une Voix qui montre la Voie, et un souvenir qui donne un avenir, ce n'est pas rien. Le cœur bat, c'est essen tiel. Que ce qui le fait battre soit légen de ou non n'a aucune importance.

Je préfère le Christ enseignant qui nous sauve au Christ qui nous sauve en saignant Je préfère donc, vous le voyez, le christianisme de la Parole [et donc si vous voulez la première partie de la Messe] au christianisme de la mort sacrificielle et rédemptrice du Seigneur, qu'on célèbre à partir de l'Offertoire. Donc, pour reprendre une expression que j'ai utilisée dans mes Deux Visages de Dieu, le Christ ensei gnant qui nous sauve du Christ qui nous sauve en saignant. C'est Paul qui a créé le christianis me du sacrifice, en ne faisant en aucun de ses textes allusion à l'enseignement de Jésus, et en le convoquant simple ment, je dirai en l'instrumentalisant, pour soutenir sa fameuse « Parole de la croix » [première épître aux Corinthiens, 1/1 S], Mais cette expres sion, qu'il s'agisse de la croix elle-même qui parle (génitif subjectif) ou d'une pré dication à son propos [génitif objectif], n'a guère de sens pour qui a présent à l'esprit ce que le mot « Parole » veut dire, car un objet ne parle pas. Tout l'enseignement verbal de Jésus y meurt derrière un scénario de mort salvifique et de résurrection, de toute autre origi ne : mais c'est le seul aussi que men-


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L'AVENTURE

tionne notre Credo, qui ne rapporte

obscénité et une barbarie de l'art... Si le

que la naissance de Jésus, d'abord, et puis sa dernière souffrance, son ense velissement et son redressement, mais absolument rien de ce qu'il a pu dire entre-temps, durant toute sa vie, ou même durant son seul ministère. Je sais bien que ce christianisme-là a encore beaucoup de fidèles. Nous continuons encore pour nous porter chance à toucher du bois, à croiser les

pélican déchire sa poitrine pour en nourrir ses enfants, l'image du sacrifi ce qu'il nous donne est certes émotionnellement forte. Mais intellectuelle ment elle est sommaire, car on se nourrit plus et plus profondément de

doigts, à nous signer, en souvenir de la croix ensanglantée. Peut-être aussi ce sang est-il au fond le meilleur ciment des communautés, et ma position ici est-elle trop individualiste. Réfléchir en solitude sur la résonance intérieure d'une parole n'est sans doute pas le meilleur moyen de faire corps avec les autres, pourquoi pas de marcher au pas en suivant le rythme commun, la tête pleine d'un scénario émotionnellement très fort : pour la Passion on se passionne. Même [et peut-être sur tout], sanglante et tuméfiée... Aussi tous les prestiges de l'art, l'émotion qu'il suscite, font beaucoup pour le christianisme officiel et sacrificiel : combien à'Agnus Dei en musique font oublier ce que le thème a, à mes yeux, de contestable ! Mon missel ouvert sur ma table, avant Y Adoro te, a le O salutaris hostia, qui a donné naissance aussi à de sublimes musiques : O salutaris hostia / Quae caeli pandis ostium / Bella premunt hostilia / Da robur, fer auxilium - Victime qui apportes le salut, qui nous ouvre l'entrée du ciel, les assauts ennemis nous pressent, donne-nous la force, apporte-nous du secours. C'est la Marseillaise du croyant. Et comme pour la Marseillaise, il ne faut pas être trop regardant avec les paroles, qui sont celles d'un hymne sanguinaire et raciste. Le « sang impur abreuvant nos sillons » est aussi contestable, comme thème, que la « victime salva trice ». Mais les foules n'y prêtent guère attention, et il suffit qu'elles en soient galvanisées. On est ému, on fris sonne, éventuellement on pleure. On oublie que les larmes brouillent le

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parole que de chair, disons de nourritu re matérielle. Et éthiquement elle est dangereuse, car le vrai amour de l'autre, qu'il faut aimer comme soimême, n'exige pas le sacrifice de soi. Qui fait mépris de soi, ne peut pas aimer véritablement les autres. Saint Martin a partagé son manteau avec le pauvre, il ne le lui a pas donné tout entier.

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Mais au fond, le plus grand reproche que je pourrais faire à ce groupe sculpté est qu'il nous donne l'image d'un assistanat. Le don en luimême, quand bien même serait-il don d'une partie de soi, amputation, n'est rien s'il reste ponctuel, s'il n'y a pas en vérité aide pour le long terme, trans mission durable d'un savoir. Le prover be dit bien : Si on donne un poisson à quelqu'un, on le nourrit pour une journée. Si on lui apprend à pêcher, on le nourrit pour toute la vie. Peut-on mieux dire la victoire de l'enseignement sur le sacrifice ? Et le pélican même ne pourrait-il y réfléchir ? Au lieu de nour rir ses petits, fût-ce de sa propre chair, ne pourrait-il leur apprendre à se nour rir eux-mêmes, c'est-à-dire à ne pas rester éternellement dans la sujétion et l'enfance ? Ce rôle d'instituteur, qui fait grandir, à mon avis n'est pas moins digne que l'autre.

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regard, et qu'il peut y avoir même une Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.83


L'AVENTURE

HOMMAGE

Histoire d'un militant catholique

Jacques Chatagner (1918-2007) ^T ^r Normalien, Ëm Êm agrégé de ^^ lettres clas siques, ensuite professeur en khâgne, Jacques

moins précoce que celui d'un André Mandouze, c o l l a b o r a t e u r d u P. Bon en g a g e au m e Témoignage nt fut Chaillet chrétien clandestin, qui devint plus tard un de ses grands amis. Sa prise de conscience date d'un stage à l'École des cadres d'Uriage, à l'automne 1942, où il fit la connaissance d'Hubert

Chatagner qui vient de dis paraître fut, certes, un

Beuve-Méry mais aussi de Gilles Ferry et de François Le Guay qui avaient contribué au lancement de Jeunesse de l'Église.

grand intellectuel chrétien mais plus encore un mili tant, directeur de revues successives, de 1950 à 1992. Golias lui rend hommage par la voix de l'historienne Martine Sévegrand.

A partir de la Libération, Jacques Chatagner participa à la plupart des ini tiatives de l'avant-garde du catholicisme français. Il est en contact avec Jeunesse de l'Église, le groupe fondé par le P. Montuclard, avec l'Union des Chrétiens Progressistes [UCP] qui ras semble en 1947 les compagnons de route du parti communiste, et Stanislas Fumet l'introduit dans plusieurs réu nions de la rédaction de l'hebdomadaire Temps Présent dont il est le rédacteur en chef. Jacques rencontre alors Ella Sauvageot et gagne la confiance de celle qui fut d'abord la fondatrice de Temps Présent, localisé au 68 rue de Babylone, puis du groupe de La Vie catholique. En1950, Jacques C. signe l'appel de Stockholm1 et devient, dès ses débuts, un militant du Mouvement de la Paix. Proche des communistes comme beaucoup d'autres à l'époque, il considère cependant que sa responsa bilité principale se situe au sein du monde catholique. C'est pourquoi il

p.84 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

signe, en mai 1950, le manifeste « Des chrétiens contre la bombe ato mique » ; parmi les 46 personnalités signataires, on relève les noms d'une douzaine d'ecclésiastiques, avec Mgr Chevrot, le célèbre curé de St-FrançoisXavier, le P. Dabosville, le supérieur de la Mission de Paris et quatre Dominicains dont le P. Chenu. Parmi les laïcs, relevons les signatures d'Ella Sauvageot, d'André Mandouze et de Georges Montaron2. Mais il milite aussi pour la paix au Vietnam ; le 22 octobre 1950, il anime, avec le jésuite Bigo et Claude Bourdet3, une réunion de 400 militants chrétiens de la région pari sienne. Sur ce thème de la paix à pré server, se retrouvent, ensemble, des personnalités catholiques (le P. Chenu, l'abbé Pierre], protestantes [le pasteur Trocmé], et communistes (Charles Tillon]. En même temps, il participe aux réunions dites « des Pères » qui se réunissent une fois par mois au domicile d'Ella Sauvageot. Les « Pères » sont évidemment des Dominicains [Boisselot, Desroches, Robert, Chenu, Bouche] mais Jacques C. y retrouve aussi des laïcs comme Georges Hourdin et Hubert BeuveMéry. Ces réunions préparent le lance ment de Quinzaine, le 15 novembre 1950, sous la direction de deux domini cains, Henri Desroches et Joseph Robert. Mais l'épiscopat français inter vient aussitôt et, dès le début de janvier 1951, le provincial dominicain exige l'arrêt de Quinzaine. Pour sauver le journal, une équipe de laïcs prend le relais sous la direction de Jacques. Mgr Feltin a donné son feu vert tout en sou lignant les menaces qui viennent de


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L'AVENTURE

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Jacques Chatagner

Rome : « Vous êtes quotidiennement dénoncés à Rome qui a déjà demandé des renseignements sur vous »

La Quinzaine et Le Bulletin

Le Bulletin n'est pas un nouveau journal - il faut se faire discret - mais, écrit Jacques C, « à travers des faits, des témoignages, des expériences, il s'efforcera de décrire une réalité poli

(1951-1957)

tique et religieuse dont la connaissance est essentielle à la vie de l'Église ».

Dès le 1er février 1951, Quinzaine est devenue La Quinzaine et annonce sa volonté d'être « d'abord un appel

Jacques C. en est, bien sûr, le directeur et le contenu n'est guère différent de celui de La Quinzaine : même engage ment social en France, même volonté de dialogue avec le marxisme et, sur tout, même combat anticolonialiste à l'heure où sévit la guerre d'Algérie. André Mandouze qui enseigne à la faculté d'Alger envoie d'ailleurs à La Quinzaine des informations pré cieuses5. Les historiens de la guerre

permanent aux militants chrétiens et surtout aux équipes de tout genre à mettre en commun des expériences qui portent lumière et stimulation ». Il n'est pas question de reconstruire une chrétienté mais au contraire de se mêler aux autres et l'insertion dans la classe ouvrière et dans les luttes contre l'exploitation et la guerre sont, pour La Quinzaine, prioritaires. Le bimensuel est localisé au 68 rue de Babylone, dans les locaux de la société Temps Présent, présidée par Ella Sauvageot. Jacques C. est, certes, un intellec tuel mais il se veut au service des mili tants chrétiens engagés syndicalement, à la CGT ou à la CFTC, parfois aussi politiquement, à Jeune République, au MLP ou au PCF. Car il y a des ouvriers chrétiens autour de La Quinzaine, certains venus de l'ACO, ce qui suscite la franche hostilité de Mgr Guerry ! De surcroît, si le journal n'a que 6.000 abonnés environ, il y a parmi eux de nombreux prêtres et religieux, ce qui inquiète encore l'épiscopat. Enfin, les liens avec les prêtres ouvriers sont évidemment étroits : les uns et les autres mènent le même combat et ne mettaient-ils pas en question, en parti culier, la doctrine sociale de l'Église ? On ne s'étonnera donc pas que le SaintOffice condamne La Quinzaine, un an exactement après la condamnation des prêtres ouvriers. Jacques C. se soumet immédiatement et arrête La Quinzaine mais, dès l'automne 1955, il lance Le Bulletin pour continuer la réflexion sur les problèmes qui demeu rent posés et pour éviter la dispersion.

d'Algérie n'ont pas manqué de relever que le réseau clandestin constitué par deux athées, Francis Jeanson et Henri Curiel, inclut une nébuleuse chrétienne qui y joue un rôle important6. Robert Davezies, une des chevilles ouvrières des « porteurs de valises », est très lié à Jacques C. et Anne-Marie Louanchi, fiancée à Salah Louanchi, le responsable de la fédération de France du FLN, fut, pendant une petite période, secrétaire administrative du Bulletin. Jacques C. dut d'ailleurs prendre des précautions à son domicile pour proté ger ses enfants d'un éventuel plastica ge de l'OAS. Au début de juillet 1957, le SaintOffice intervenait de nouveau pour inter dire Le Bulletin accusé de continuer à défendre les « erreurs » de La Quinzaine7. Jacques C. se soumit de nouveau et arrêta Le Bulletin.

Une nouvelle publication : la Lettre (1957-1987) Il se trouve qu'en mai 1957, Jacques C. avait pris l'initiative d'une « lettre » ayant « pour objet essentiel de maintenir un lien entre tous ceux isolés ou groupe qui veulent poursuivre une recherche religieuse hors des sen tiers battus ». Ainsi commença Lettre qui vint opportunément prendre le

relais du Bulletin. Pendant plusieurs années, la Lettre11 ne fut qu'un austère et très modeste mensuel ronéotypé ne faisant aucune publicité : l'hostilité de la hiérarchie catholique, et plus encore de Rome, l'y contraignait9 ; il s'agissait seulement de maintenir un lien entre les militants du Bulletin. Jacques C. et son équipe ont tiré les leçons des deux condamnations successives et, pen dant deux ans, il n'est plus question de politique dans la Lettre. Il fallait penser la foi, dialoguer avec les incroyants et en particulier les marxistes. Mais la pression des lecteurs fut telle que, dès 1959, la Lettre abordait de nouveau les problèmes d'actualité : les mouvements sociaux en France, les débats autour des subventions à l'enseignement privé, la Pologne, l'Afrique, à partir de 1962, l'Amérique latine, et enfin, la guerre d'Algérie. C'est ainsi que le numéro de novembre 1961 était entièrement consacré à la répression sanglante de la manifestation des Algériens, le 17 octobre, à Paris. En 1962, après la mort accidentelle d'Ella Sauvageot, Jacques C. devient président de la société Temps Présent et le resta jusqu'à ses 75 ans, en 1993. Tout comme ses amis, il garde des convictions autant révolutionnaires que chrétiennes. Plusieurs événements en témoignent. D'abord, en 1966, il y Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.85


L'AVENTURE

eut le dossier de la Lettre consacré à la m o r t d e C a m i l o To r r e s , c e p r ê t r e colombien qui avait pris le maquis et qui meurt au combat. Ensuite, en mars 1968, il organise le colloque de deux jours intitulé « Christianisme et révolu tion », certes avec d'autres [Christianisme social, Frères du Monde, la Cimade, Économie et Humanisme et le Groupe Témoignage chrétien], mais dont la Lettre assura l'édition. Enfin, mai 68. L'extrait de son editorial, daté du 16 juin 1968, qui est reproduit dans ce numéro de Golias, témoigne de sa capacité à assimiler la nouveauté poli tique. Car il avait encore, en 1968, des responsabilités importantes au Mouvement de la Paix et aurait pu réagir comme un compagnon de route du PCF ! A l'automne 1968, il dénonce la répression soviétique en Tc h é c o s l o v a q u i e t o u t c o m m e l ' e n c y clique Humane vitae et le discours de Paul VI à Bogota qui condamne la vio lence révolutionnaire. Avec clairvoyan ce, son editorial s'intitulait : « Le Concile n'a-t-il été qu'une illusion ? »

gauche traditionnelle, et les jeunes plus ou moins « gauchistes » qui sont aussi accueillis à l'Équipe de la Lettre et se rassemblent, en 1974, dans le mouvement des « Chrétiensmarxistes » ; Jacques participa à cette aventure de quatre ans, en même temps qu'il continuait de militer au Mouvement de la Paix. En 1970, il par ticipe à la première conférence des chrétiens pour la Palestine qui a lieu à Beyrouth. Si l'Amérique latine tient une grande place dans la Lettre, la ques tion palestinienne apparaît aussi sou vent. Mais il n'abandonne pas la recherche proprement religieuse. En 1974, le livre de Fernando Belo, Lecture matérialiste de l'Évangile de Marc, puis les publications de Michel Clévenot qui s'efforce de vulgariser une nouvelle approche de la Bible l'intéressent beau coup ; un groupe « Bible » se consti tue rue de Babylone avec, entre autres, G e o r g e s C a s a l i s , C l a u d e W i e n e r, Michel Clévenot, Marlène Tuininga ;

fait preuve d'un « art de la synthèse »

Jacques continua d'y venir jusqu'à ne plus pouvoir, il y a quelques mois. Il suit de près les publications théologiques et la Lettre fait un travail d'initiation à la « théologie de l'espérance » de

(Yvon Tranvouez] peu banal entre les anciens militants de La Quinzaine et de la CGT, attachés à la stratégie de la

Jurgen Moltmann et à la « théologie politique » de Jean-Baptiste Metz" ; mais, pour lui, le théologien le plus sûr,

Dans les années qui suivent 68, il

Editorial dans la Lettre, novembre 1985 (extraits] « Depuis quelques semaines, tout se passe comme si, d'un peu partout, on s'employait à créer un climat d'unanimité qui fasse oublier les remous de l'été. On a même entendu l'éditeur, en France, du livre de Ratzinger s'étonner des réactions pro voquées par un texte qui, loin d'attaquer le Concile, ne ferait qu'en demander « l'application ». A croire qu'on prend le bon peuple chrétien pour un peuple d'imbéciles - ce ne serait pas la première fois ou qu'on veut masquer les véritables enjeux du Synode. Mais dans quel but ? Car, du début à la fin, « l'entretien sur la foi » de Ratzinger n'est pas un procès des « déformations » du Concile, comme le soutient l'auteur, mais bel et bien un procès du Concile lui-même, dans plusieurs de ses intuitions essentielles, et notamment dans celle qui concer ne le rapport de l'Église et du Monde : ce n'est pas

un hasard si, dès 1975, le futur préfet de la Congrégation de la foi mettait déjà en cause la place excessive, à ses yeux, donnée à « Gaudium et spes » dans l'interprétation de Vatican II. Certes, Ratzinger n'est pas l'Église : heureuse ment ! Mais il occupe dans l'institution une place qui n'est pas quelconque ... et il semble bien l'un des théologiens les plus écoutés de Jean-Paul II, sinon le plus écouté : comment oublier son rôle dans le procès fait à la théologie de la libéra tion ? (...) Que Vatican II ne puisse être qu'un début et non une fin, il faut être enfermé dans le ghetto chrétien pour ne pas en avoir conscience : c'est ce qui rend, d'une certaine manière, les querelles actuelles dérisoires face aux défis qu'affronte le christianisme en cette fin du XXe siècle, L « étrangeté » du message chrétien, non seulement au regard d'un continent entier comme l'Afrique, mais, en Europe même, par rapport à la culture vivante : voilà l'interpellation qui devrait être au

p.86 Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007

resta toujours le P. Chenu pour son sens de l'incarnation et de l'histoire. Plus tard, Jacques soutint les théolo giens de la libération mais il semble convaincu qu'une telle théologie n'a de sens que dans les pays pauvres du « tiers monde ». Ici, en Europe, la grande question est de « dire Jésus-Christ à des hommes qui appartiennent à un nouvel univers culturel. » Il le soulignait, dès 1968, en critiquant le Credo de Paul VI reprenant les formulations les plus traditionnelles. Quelques années plus tard, dans un débat sur le thème « Quel langage, demain, pour la foi ? », il récusait l'expression non religieuse de la foi qui, au sein de l'Équipe de la Leffre, attirait certains. Et il confessait : « J'avoue que je reste très attaché à la notion d'altérité, de transcendance quand on parle de Dieu. C'est une catégories que nous n'arrivons penser aujourd'hui. Mais pour ma ces catégories sont abandonnées

de ces plus à part, si et non

pas réinterprétées, je ne vois plus où est ma foi. »12 C'est pourquoi Jacques organisa plus tard, les 11 et 12 mai 1985, un Forum-théologie sur le thème : « Que disent les théologiens de Dieu ? » I n t e r v i n r e n t C l a u d e G e ff r é , J o s e p h Moingt, Jacques Pohier, Guy Lafon,

cour des travaux du Synode. Certes, Paul Ricoeur le rappelait tout récemment à propos de la Réforme et de la Renaissance -, le christianisme et la modernité entretiennent un rapport complexe fait, à la fois, de proximité et de distance. L'Évangile exalte l'homme, mais l'homme image de Dieu. Il exalte la grandeur de la liberté, mais aussi la gran deur de la dépendance. L'intelligence, mais aussi le mystère. Il y a une « étrangeté » du christianis me qui n'a rien à voir avec l'étrangeté culturelle : la détruire, serait détruire la foi elle-même. Encore faut-il qu'elle soit perçue pour ce qu'elle est, au lieu d'apparaître comme une bizarrerie qui amuse, mais ne « scandalise » plus personne. Il faut, pour cela, repenser théologiquement les vérités essen tielles du christianisme et les reformuler dans la langue de la culture contemporaine, en sachant, évidemment, que cette expression sera plurielle à l'image de cette culture : Vatican II a été le dernier concile de l'Occident. ( Jacques Chatagner]


L'AVENTURE

Jean-Marie Glé mais aussi le péruvien Gustavo Gutierrez et les africains Achille Mbembe et Jean-Marc Ela. Car, comme il l'écrivait quelque mois plus

de la Réconciliation, Nous Sommes Aussi l'Église et, bien sûr, DLE. Il contri bue encore, en 1999, au lancement de la fédération des Réseaux des Parvis et

tard, dans un édita dont Golias publie un extrait, il faut « repenser théologiquement les vérités essentielles du chris tianisme ».

accepte que la revue Parvis soit, par un contrat de co-édition, soutenue maté riellement et financièrement, par la société Temps Présent. S'il a figuré jus

En 1987, il crée le collectif « Droits et Libertés dans les Églises » qui devint, en 1992, une association dont il a été le président jusqu'au bout ; mais, comme son nom l'indique, DLE n'abor dait que les questions ecclésiales.

L'échec d'une tentative de renouvellement du christianisme

grand effort pour engendrer, non un autre christianisme, mais une autre manière d'être chrétien ? Et elle a réus si I Jacques C. accepte encore de sou tenir le projet d'Agnès RochefortTurquin, une jeune sociologue, et de lan cer une nouvelle revue, quasi dépoli tisée. Ce fut // est une Foi qui, en janvier 1988, succéda à la Lettre. Si la présen tation est plus soignée, le contenu est beaucoup plus faible. Au printemps 1991, la rédactrice en chef qui ne veut pas condamner la guerre du Golfe se heurte à Jacques C. qui ne peut sup porter une telle trahison de ses convic tions les plus profondes : elle démis sionne et la revue s'arrête en 1992. Il a accueilli, dans les locaux de la société Temps Présent, rue de Babylone, diverses associations qui y sont tou jours hébergées : Femmes et Hommes en Église, le Mouvement international

4. Sur les débuts de La Quinzaine, on lira Yvon Tranvouez, Catholiques et Communistes, Cerf, 2000, p. 115. Je précise aussi que j'ai entrepris l'histoire de Temps Présent : le premier tome consacré à l'hebdomadaire est paru. Une aventure chrétienne.

qu'à son décès dans la rédaction de Parvis, il n'y participait plus depuis plu sieurs années, mais son nom restait,

Temps Présent. 1937-1947, Éditions du Temps Présent, 2006 ; je prépare maintenant le deuxiè me tome qui portera sur la période 1950-1968.

pour la revue, une caution prestigieuse. Toute sa vie, Jacques Chatagner a gardé une double fidélité : à sa foi chrétienne et à son engagement poli tique pour changer le monde. Indissociablement. Martine Sevegrand, historienne

Pourtant, la Lettre était au bord de la faillite : Jacques a vu fondre le nombre des abonnés, au fil des années. Les mili tants ouvriers sont partis les premiers, les autres ont suivi, y compris au sein de l'Équipe de la revue. S'ajoutant à des doutes sur la foi, l'évolution de l'Église a fait son œuvre. Depuis les années cin quante, la hiérarchie catholique ne s'est-elle pas acharnée à étouffer ce

républicaine puis fut un des chefs du réseau de résistance Combat avant de fonder en 1951 France-Observateur. Il est l'auteur d'un livre pas sionnant sur la résistance, L'aventure incertaine, Stock, 1975. Comme Jean Chesneaux - qui vient de disparaître et appartint à l'UCP -, Claude Bourdet s'éloigna ensuite du christianisme.

5. Dans un numéro du 15 novembre 1954, La Quinzaine publiait, à peine deux semaines après le soulèvement déclenché par le FLN, un article d'André Mandouze intitulé « Qui mettra fin aux deux formes actuelles de terrorisme autorisé : la police et la presse ? » ; dans cet article, il affir mait : « ceux qui, niant qu'il y ait un problème algé rien, répètent : « L'Algérie, c'est la France », sont ou des ignares ou des gredins ». 6. B Droze. Lever, Histoire de la guerre d'Algérie, Seuil, Poche-Histoire, p. 161. 7. Jacques C. fut reçu en octobre par le cardinal Ottaviani s'entendra répondre qu'il ignore les erreurs du Bulletin ; on le sait les rapports du Saint-Office restaient secrets. Ottaviani suggéra donc à Feltin de désigner un ou deux théologiens 8

Notes 1

Cet Appel, lancé en mars 1950 à Stockholm par le Comité mondial des Partisans de la Paix, exigeait « l'interdiction absolue de l'ar me atomique, arme d'épouvante et d'extermi nation massive des populations ». L'historien Yvon Tranvouez a analysé soigneusementTemo/gnage chrétien et relève cependant, dans son numéro du 19 mai 1950, un article signé par l'équipe de la rédaction et intitulé « Pourquoi nous ne signons pas l'appel de Stockholm » ; Témoignage chrétien ne fait, par contre, pas référence au manifeste « Des chrétiens contre la bombe atomique » mais cet excel lent historien ajoute : « Comme en 1945, l'anticommunisme est le discriminant entre la direction de Témoignage chrétien, soigneuse ment tenue en main par le Père Chaillet, et ceux qui s'en croyaient encore suffisamment proches pour mener une action commune entre chrétiens de gauche de diverses appar tenances. » [Y. Tranvouez, « 1950 : l'appel de Stockholm et la naissance du progressis me chrétien », Catholiques d'abord. Approches du mouvement catholique en France. XIXe-XXe siècle, Éditions ouvrières, p. 156. Claude Bourdet [1909-1996) : chrétien

pour identifier les dites erreurs ! On ne devrait dire et n'écrire que Lettre, mais dans le langage courant, on disait toujours la Lettre,

9. Le cardinal Feltin temporise parce qu'il sait bien que Jacques C. - qui le visite régulièrement - n'a pas tort d'affirmer que sa revue est le dernier lien entre une multitude de militants et l'Église. Quelques évêques, comme Mgr Fauvel de Quimper, suivent les publications du 68 rue de Babylone avec une relative sympathie. Par contre, Mgr Guerry mettait en garde, en 1960, les aumôniers d'ACD : « Pourquoi faut-il qu'avec une obstination qui, déjà par elle-même, traduit l'esprit de ses rédacteurs à l'égard de l'Église, une troisième fois reparaisse un bulletin polycopié : la Lettre, où est entretenue une défiance à l'égard de l'Église, de sa doctrine et de ses directives, notamment sur le communisme et la laïcité ? Chers aumôniers, soyez vigilants. » (cité par Y. Tranvouez, Catholiques et communistes, p. 40]. 10. Un certain nombre d'articles publiés dans Lettre à partir de 1966 ont été rassemblés par moi récem ment dans un livre intitulé Contribution pour l'avenir du christianisme, Desclée de Brouwer, 2003. On y trouvera cet édito de Jacques C. aux pages 87-92. 11. Cf. l'article de Marcel Xaufflaire, intitulé « La théolo gie politique comme théologie fondamentale selon J.B. Metz », Lettre, n° 150, février 1971, qu'on retrou vera dans Contribution pour l'avenir du christianis me, p. 134-143. 12. Cf. le débat dans Contributio

engagé avant guerre dans l'aventure de Temps Présent ; il a milité pour l'Espagne

Golias magazine n° Il 6 sept/octobre 2007 p.87


NOUVEAUTE Christian Tsrfu

Le retour des INTÉGRISTES C h r i s t i a n Te r r a s

Les réseaux du Tradiland

Le retour des intégristes Les réseaux du TRADILAND Ggji BULLETIN DE COMMANDE

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Avec la sortie du «Motu proprio», Benoît XVI entend se rapprocher de la Fraternité St Pie X. Il est probablement exagéré d'af firmer tout de go, comme le fait non sans quelque impudence l'abbé Laguérie, prompt à se livrer à une récupération dou teuse, que Joseph Ratzinger serait « un Pape traditionaliste ». En fait, conservateur déterminé, le Pape se sent le devoir d'œuvrer, à sa place, à une entreprise restauratrice dont certains axes sont voisins de ceux des positions intégristes sans se confondre avec eux. Finalement, le courant intégriste constitue pour l'actuel souverain pontife un allié de poids, fort précieux, sinon indispensable, dont il mesure les outrances mais dont il apprécie en même temps certains com bats. C'est à cette aune qu'il faut évaluer, à notre avis, les concessions déjà faites et encore à venir, qui ont sans doute peu à voir avec une sorte de libéralisme tous azi muts. L'enjeu des débats et sans doute des affrontements futurs devient alors plus clair : il s'agit, ni plus ni moins, de l'occul tation des aspects novateurs et libérateurs du dernier Concile, Vatican II.


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N 98 : La croisade de George W. Bush - N°100 : L'inndex des articles de Golias (1985-2005) - N°101: Le pape Benoît XVI reniera-t-il I théologien Ratzinger ? - N°107 : Da Vinci code, de la fiction à la réalité - N°108 : Le foot est-il une religion ? - N°109 ■ Malaise chez les grands argentiers de l'Eglise - N°110 : Les étranges méthodes du Dr Anatrella - N°lll : Cardinal barbarin, entre ombres et lumières

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N°112 : Le scandale de la retraite des «ex»de l'Église - N°114 : L'hérésie charismatique N°115 : L'autre enquête surThibirine - N°116 : Ratzinger, un pape dans sa bulle

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L'Eglise catholique

est-elle encore chrétienne ?

NOUVEAUTES

Sociologue, Jean Feschet a utilisé ses outils de travail professionnels pour penser son christianisme, construire sa foi et refléchir sur l'Eglise. Jean Feschet

Ce livre n'est ni ouvrage de théologie ni étude "sociologique avec chiffres et statistiques ; L'auteur étudie l'Eglise de manière désacralisée, comme il a étudié dans sa vie professionnelles les entreprises et autres organisations ,avec ses outils de sociologue. Mais il ne se livre pas à une étude sociologique avec chiffres et statistiques. Il apporte ainsi un regard nouveau .surprenant et parfois dérangeant. En ayant étudié l'organisation de l'Eglise et ce qui se passe, Jean Feschet a découvert des phénomènes cachés, des dysfonctionnements énormes par • rapport au Message évangélique, au niveau des structures de l'Eglise et de son fonctionnement Cela empêche le Message de Jésus-Christ d'être reçu par nos concitoyens de bonne volonté.

Indépendamment des bonnes ou mauvaises volontés individuelles du clergé et des laïcs, c'est le poids des structures qui est en cause. L'auteur est ■• conduit à distinguer les comportements individuels des chrétiens - qui s'éta lent d'une foi profonde et authentique à une vague croyance selon les person nes,- et la structure de l'Eglise ( type de pouvoir., organisation...] qui semble | bien n'avoir jamais été christianisée et qui est en rupture avec les données de base de l'Evangile. En particulier , il identifie deux grands obstacles [ freins] structurels à la transformation qui nuisent gravement à l'annonce de l'Evan

st -elle encore

tirétienne? Go/ias

gile aux croyants du XXI e siècle : la hiérarchie avec son exercice du pouvoir et le Sacré issu du paganisme. Qui n'ont ni l'un ni l'autre d'origine évangélique et qu'il faut remettre en cause.

400 pages - 25 euros L'auteur Jean Feschet est sociologue. Il a exercé co formateur en ressources humaines et comme conseil en organisation humaine, intervenant dans les entreprises et dans des hôpitaux publics.

Si l'Eglise veut adapter son témoignage aux évolutions radicales en train de se produire partout dans le monde, les rafistolages de l'ancienne organisa tions ne suffisent plus. Une nouvelle forme d'Eglise est à faire surgir pour répondre à ces changements.

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Vie consacrée

Enquête au coeur Go/las les «thérapies chrétiennes»

Entre passion et désordres

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