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La Banque du Vatican : un paradis fiscal sur terre !
Polémique
Crise au CCFD (suite)
Les Jésuites mettent le cap sur l'espérance
Décryptage
La messe hollandaise à l'index
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culte - réf CT : Les Catahres - réf AV : L'avenir de Dieu - réf CD : Les Camisards - réf DD : La dett ■ Je la gloire - réf SD : Scouts : histoire d'une dérive
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réf PMP : Petit manuel anti-pub - réf DCB : Décr réf DY : DisneyLand, le royaume désenchanté - rél réf ER : L'Europe à l'heure de la reconquête catholi
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:al Janin, Jean Molard lano Libero, Francis Serra ité de rédaction Gan, Paul Ariés, Paul Gauthier phe Grégoire, Gaston Guilhaume, ste, Colette Saint-Antonin, Jean-
Béatitudes : mystification autour d'un décès p.2 La banque du Vatican : un paradis fiscal sur terre ! p.4 Le sacristain y perd son latin p.9 Crise au CCFD (suite) p.10et12 Le Planning familial dans le collimateur des évêques p.14 Pérou : "plan de santé publique"... p.16
Le journal
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Focus
Les Jésuites mettent le cap s u r l 'e s p é r a n c e p.2
Le nouveau patron des Jésuites p.9 Adolpho Nicolas, un Jésuite aux frontières du monde p.21 L'Asie, lieu de conversion pour le christianisme p. 24
3ESP0NDANTS
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L enquête
L'incroyable discours du Président Sarkozy au Latran p.28 Les cinq fautes du Président Sarkozy p.36 La Religion et la République selon le cardinal de Lyon p.38
1UCTI0NS
înnès Blum [allemand], Carmine «n [italien], Jean-Pierre du Ry u it>ui it: Dei iLiey [ai lyidiîaj
3EIL graphique et illustration une stine Cizeron
jmentation tte Gauthier ht Photos : Golias/ Tous droits rvés sauf mention contraire sous la }rd rédactionnel ik Forum [Allemagne] ; National lolic Reporter [USA] ; Kirche Intern, iche] ; Adista (Italie] épêches : Apic i par GOLIAS, L au capital de 50 155,73 euros cteur de la publication Ferras ■imé par : imerie Laballery [58] - 802137 mission paritaire 107182608 11247-3669 ît légal à date de parution er 2008 Les éditions Goias ne se tiennent pour responsables des livres, :les, dossiers et manuscrits >yés. Aucun document ne sera
Sarkozy, le nouveau n
p.27 Grand Angle
Le Saint-Siège, Rome et la France : des relations tout en nuance p.42 Nicolas Sarkozy ou Constantin redécouvert p.44
Les larmes du silence,
ou la vie religieuse en question p. 53 De l'urgence d'un véritable discernement p.54 Vie consacrée : entre passion et désordres p.57 L'accueil thérapeutique dans les établissements spécialisés p.64
L'aventure chrétienne La nouvelle messe hollandaise à l'index Le Royaume est en vous (Luc 17/21) Max Jacob, un chrétien surréaliste Des femmes appelées à l'ordination dans l'Église catholique du Québec La louve romaine croque l'Agneau
p.70 p.74 p.76 p.80 p.86 Golias magazine n° l I8janv/février 2008 p.l
le journal<
EDITORIAL Le mensonge institutionnalisé dans le système de la commu nauté charismatique des Béatitudes (voir à ce sujet nos numéros précédents et en parti culier le n°114] avance dans de lumineux oripeaux sataniques. Lucifer camouflé dans la pseudo spiritualité de Thérèse de l'Enfant Jésus, dévoyée et instrumentalisée pour justifier des pratiques qui détruisent et qui tuent. Psychiquement mais aussi physi quement. Que de victimes ! Certaines sans défense parce que sans famille, des pauvres dont personne ne se soucie. Des victimes oubliées, dont la vie a été volée. Des êtres humains, comme Cathy (voir ci-contre le témoignage que nous avons recueilli sur cette scandaleuse affaire) dont la souffrance niée et la mort provoquée sont utilisées à la gloire des Béatitudes. Pour redorer la façade. Une ignominie qui défigure notre Dieu dans sa prédilection des petits et des pauvres. Une honte pour notre Eglise. Une Mère silencieuse qui non seulement ne protège plus ses enfants mais dont le silence complice laisse la Bête les dévo rer. Aujourd'hui la Vérité est en train de sourdre dans les larmes de ces êtres brisés. Elle jaillit dans ces ténèbres comme une source qui deviendra torrent. Elle porte en elle les forces vives de ces êtres détruits. Pour Cathy, il est trop tard mais pour les autres, elle annonce l'aube de leur douloureuse nuit. Combien de victimes pour cette délivrance ?
Golias p.2 Golias magazine n° l I8janv/février 2008
Béatitudes : mystification ] autour d'un décès « Je me suis longtemps demandé si je devais parler ou si je devais me taire afin que les histoires racontées
Cathy avait noué avec le berger une dépendance affective très forte, et le berger savait nourrir cette
par Éphraïm (le fondateur des Béatitudes, NDLR] ne soient plus objets de mystification au profit de sa personnalité manipulatrice. Le fonda teur de la Communauté des Béatitudes s'octroie toujours des mérites célestes mais aussi des biens matériels. C'est suite à l'audi tion d'un des derniers CD d'Ephraïm : Ma vie avec les morts, qu'un ami vient de me prêter, que j'ai compris que je ne pouvais taire la vérité sur un
dépendance. Bien des fois, Cathy dor mait dans la chambre conjugale du
témoignage qu'Ephraïm avait déjà présenté dans son livre : Les pluies de l'arrière-saison. Puisque dans ce CD il fait un appel aux témoignages, je donne volontiers le mien. Sur le ton de la confidence, Éphraïm nous révèle le fruit de son expérience. Il nous parle de la petite Cathy — comment ne pas se souvenir d'elle ? — et de tant d'autres. Cathy est arrivée à la fin de l'année 75 à la Communauté du Lion de Juda [l'an cienne dénomination des Béatitudes, NDLR]. A son arrivée, elle était déjà profondément abîmée par la vie. Cathy avait bien sûr sa part d'ombre et de lumière. Cependant, ce qui inté ressait le berger de cette époque, c'était bel et bien cette part d'ombre qu'il fallait absolument exorciser, ce à quoi j'ai malheureusement participé. Nous avons emmené cette pauvre Cathy dans la « fermette », une baraque isolée dont nous recouvrions les fenêtres de matelas, pour étouf fer les cris qu'elle poussait et qui étaient attribués au démon. Nous étions toute une équipe à nous prêter à ces séances qui durèrent plusieurs mois à raison de plusieurs fois par semaine.
berger, sous prétexte de la protéger du démon qui voulait la tuer. Seulement, Cathy s'attachait telle ment qu'il lui était devenu impossible d'être seule. Elle finissait d'ailleurs par croire qu'elle était possédée, si bien que nous passions notre temps à prier et à adjurer les démons de sor tir de cette âme. Le berger, ne pou vant plus assumer la charge affective de Cathy, s'en est bien entendu débarrassé entre les pattes Éphraïm, ne fût-ce que pour un temps. Elle partit donc à la maison de Pont Saint-Esprit [dans le Gard, NDLR]. Ephraïm précise qu'elle était alitée, cela pourrait laisser entendre qu'elle était atteinte d'une maladie qui aurait été fatale. Dans Les pluies de l'arrière-saison, il évoque le moment où il reçut une grande paix alors qu'il était avec des évêques. Il aurait été « visité » par la petite Thérèse au moment où Cathy passa de ce monde à l'autre. Une « très très belle histoire » dit-il dans son CD : Ma vie avec les morts. Il serait peut-être temps qu'il se décide à vivre parmi les vivants ! Au risque de choquer, j'ai quelques questions à poser à Éphraïm : « Est-ce Thérèse de Lisieux qui a tendu la corde à Cathy ? Étaitelle paisible à ce moment là ? Comment fais-tu Éphraïm, pour racon ter avec autant de conviction une telle histoire ? » C'est vrai qu'encore aujourd'hui, à Pont Saint-Esprit, la cel lule de Cathy est une belle chapelle où parait-il, il fait bon recevoir la paix du ciel. Dans ce CD, Ephraïm utilise et transforme la vérité. Mais à quelle fi n ?
le journal*
Scandale
nelles. Ephraïm a toujours su induire chez les plus faibles ce qu'il vou lait qu'on voit de lui, et même ce qu'on ne voyait pas. La légende dorée illustrée de miracles s'est perpétuée, et c'est par elle que les stagiaires ont été formés. Car Dieu nous bénissait, puisqu'il y avait tant de signes, et nous avions envie d'y croire. C'est parce que nous avions envie d'y croire qu'il a pu Quand j'ai quitté la communauté, j'ai manqué de courage, mais moi-même, pour réaliser ce à quoi nous avons dû participer, il m'a fallu être loin de toi, Éphraïm. Déjà, au début de la commu nauté, tu as construit autour de toi une réputation de mystique. D'ailleurs la plu part du temps, les seuls témoins étaient ta famille ou les personnes que tu pou vais influencer par tes relations fusion-
"L'arche de Gégé" ! Après avoir rencontré "l'Arche" de Lanza del Vasto, Ephraïm a construit sa propre arche en fondant ses Béatitudes dans l'intention peut-être de sauver tous les paumés de la terre. « Tout le monde a besoin de relation d'aide, disait-il devant la caméra de KTO [l'été dernier NDLR). Qui n'est pas paumé ? ». Puis le journaliste Richard Boutry lui demande « La Communauté, c'est votre bébé ?» - « Non, répond-il, je vois plutôt de vrais bébés qui ont besoin de moi en Afrique ! » Quelle démagogie ! Maintenant l'Afrique a besoin de lui ? Lors de son
goûter à l'ivresse du pouvoir. Ce n'est pas en s'appuyant sur des personnes fortes qu'Ephraïm est devenu ce qu'il est. C'est en utilisant la faiblesse humaine qu'il a construit son empire. Je n'oublierai jamais les yeux de Cathy qui aurait dû être vraiment soute nue en ayant droit à de vrais soins, plutôt que d'être livrée à l'abomination. Il reste ra pour moi un point d'interrogation
pas cautionner Ephraïm. Cependant, il demeure un de ses diacres permanents. Y aurait-il une nouvelle théologie sur les âmes du purgatoire ? Le fléau Kinor [les sessions spirituelles organisées par Ephraïm et son entourage, NDLR] sévit avec le drapeau de l'Église. La complai sance de certains évêques pose ques tion. Y a-t-il encore des hommes de cou rage pour que non seulement un discer nement soit posé mais que surtout des mesures soient prises contre les illu sionnistes des Béatitudes. Quoi qu'il en soit, la réalité est moins enchantée que celle que nous raconte Ephraïm. Cathy s'est pendue dans sa cel lule le 12 décembre 1978, elle avait 21 ans. Comment peut-on broder des faits miraculeux autour du geste désespéré d'une jeune femme en détresse ? Ce faux témoignage prouvera une fois de plus aux gens les plus crédules qu'Ephraïm est un grand mystique. » Céline Parmentier Propos recueillis par Christian Terras
quant à la position de l'Eglise qui dit ne interview il nous a annoncé qu'il voya geait beaucoup là-bas, une belle solu tion de repli. Pourquoi pas jouer au sauveur dans un pays chaleureux main tenant que ça chauffe trop pour lui en France ? Ephraïm (Gérard Croissant) a donc quitté momentanément "l'arche" des Béatitudes pour se réfugier d'après nos informations - au Rwanda jusqu'à la rentrée prochaine en se fai sant un peu oublier avant de rappliquer dans le navire des Béatitudes au moment de leur assemblée générale (qui aura lieu en novembre prochain et qui devra se positionner devant les directives romaines de novembre der nier). Pendant ce temps là, le modéra teur tient ses troupes d'une main de
fer, il vient de supprimer le forum de discussion du site Intranet des Béatitudes. Il est vrai que la liberté d'expression et de communication n'a jamais fait partie des moeurs des Béatitudes. En revanche, le fondateur, lui, a une totale liberté de manoeuvre pour exploiter les plus pauvres à sa guise, quitte à se déplacer dans un pays qui a beaucoup souffert. On peut se faire du souci pour les enfants du Rwanda, car Gérard a créé une asso ciation pour les "aider". Les autorités françaises s'occuperont-elles la nouvel le "arche de Gégé"? Serge Arduin
Golias magazine n° l I8janv/février 2008 p.3
>le journal ■A l a
Une
La banque du Vatican : un paradis fiscal sur terre i 'Eglise catholique est l'unique religion à disposer d'une doctrine sociale, fondée sur la lutte contre la pauvreté et la diabolisation de l'argent, "excrément du démon". Et l'É vangile selon Matthieu de pro clamer : "il est plus facile à un chameau de passer dans le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le règne des deux". Mais l'Église catho lique est aussi l'unique religion à avoir sa propre banque pour gérer ses affaires et effectuer ses investissements : il s'agit de l'IOR. L'IOR [Institut des Oeuvres Religieuses] est donc la banque du Vatican. Il disposerait, d'après les cal culs d'experts financiers autorisés d'au minimum 5 milliards d'euros en dépôt. Il offre à ses actionnaires des rende ments records, une très grande imperméabilité aux contrôles financiers ainsi qu' un secret total dans leurs tran sactions. Le siège de l'IOR est un écrin de pierre à l'intérieur des murs du Vatican. Une tour typique du XlVème siècle,construite sous le pape Nicolas V, avec des murs épais de neuf mètres à la base. On entre par une porte discrète, sans indication ni sigle ni symbole. Seule la garnison de la Garde suisse présente nuit et jour en signale l'importance. A l'intérieur on trouve une grande salle informatique avec de très nombreux ordinateurs, une seule porte et un unique distributeur de billets auto matique. A travers ce trou d'aiguille passent en fait d'immenses et même d'obscures fortunes. Les estimations p.4 Golias magazine n° 118janv/février 2008
les plus prudentes calculent 5 milliards d'euros en dépôts bancaires. La banque vaticane offre à ses clients, parmi lesquels a reconnu l'ancien prési dent de l'IOR, Angelo Caloia, "ceux aussi qui avaient des problèmes avec la justi ce", des rendements supérieurs aux meilleurs "hedge fund" et un avan
suisses, la banque du Vatican est un véritable paradis [fiscal] sur terre. D'ailleurs, un carnet de chèques avec le sigle OR n'existe pas. Tous les dépôts et les transactions d'argent se font par virements, en espèces ou en lingots d'or. Mais sans laisser aucune trace.
tage inestimable : un secret total. Complètement imperméable aux contrôles des îles Caïmans où l'IOR dis
Il y a vingt ans, lorsque s'est terminé le procès de la "Banco Ambrosiano", l'IOR était un immense trou noir sur
pose d'importants fonds de pension, plus réservée encore que les banques
lequel personne n'osait se pencher et encore moins regarder. Pour sortir du krach qui avait ruiné des dizaines de milliers de familles, la banque vati cane versa 406 millions de dollars aux liquida teurs. Moins du quart de la somme par rapport aux 1.159 millions de dollars dus selon le ministre du Trésor de l'é poque, Beniamino Andreatta. Le scandale fut accompagné d'his toires et de légendes sans fin ainsi que d'une série de cadavres de personna lités réputées. Michèle Sindona fut empoisonné dans sa prison de Voghera, Roberto Calvi pendu sous le pont des "Frères Noirs" à Londres, le juge d'instruction Emilio Allessandrini assassiné, l'avocat Giorgio Ambrosoli abattu devant la porte cochère de son immeuble par un tueur de la mafia venu spécialement des États-Unis. Sans oublier le mystère le plus inquiétant, la mort du pape Luciani [Jean Paul I], après seu lement 33 jours de pontificat, à la veille de la décision de rempla cer Mgr Paul Marcinkus, le
le journal ■A l a
Une
patron américain de l'IOR et ses colla borateurs principaux [voir à ce sujet
Golias n°107). Avec le successeur du pape Luciani, Marcinkus trouva rapidement un ter rain d'entente. Karol Wojtyla est en effet tombé sous le charme de ce fils d'immigrés de l'Est qui parlait parfaite ment le polonais, haïssait les commu nistes et semblait particulièrement sen sible à la lutte de Solidarnosc. Aussi, lorsque les magistrats de Milan décidè rent d'émettre un mandat d'arrêt pour confronter Marcinkus, le Vatican se ferma comme un château fort pour le protéger, refusa toute collaboration avec la justice italienne et opposa ses passeports étrangers et son extra-ter ritorialité. Il fallut dix années à Wojtyla pour se décidera renvoyer de l'IOR un des principaux responsables du krach de la "Banco Ambrosiano". Mais sans émettre cependant une seule parole de condamnation ni même le début d'une critique voilée : Marcinkus était et reste pour la hiérarchie ecclésiastique "une victime", et même "une pauvre victime innocente". A partir de 1989, avec l'arrivée à la présidence de l'IOR de Angelo Caloia, un gentilhomme [laïc] de la finance "propre", beaucoup de choses changè rent à l'IOR. D'autres non, en raison notamment de très graves et impor tantes difficultés qu'il rencontrera dans sa gestion de la banque vaticane, sur tout dans les premières années de son mandat où les conflits furent nombreux. Il indiquera notamment que "le véritable patron de l'IOR est Mgr Donato De Bonis", un prélat influent au Vatican en relation avec tout ce que Rome compte de réseaux politiques et mondains. Ce qui explique en particulier les raisons pour lesquelles parmi les titulaires de comptes à l'IOR on trouve des person nalités issues des cercles aristocra tiques, financiers, politiques et artis tiques qui ont maille à partir avec la poli ce et la justice. Il suffit en réalité d'un
nple. La JCMA, une associamédecins catholiques japo nais, a déposé en 1998 35 mille dol lars auprès de la banque vaticane. Quatre ans après, le groupe de soi gnants asiatiques a trouvé sur son mmnte 55 mille dollars soit 56 % de s. Aussi, d'après des experts rs lorsque des clients itent 12% en moyenne ,cela signifie que les fonds placés à l'IOR rapportent encore beaucoup plus. Mais on ne peut pas le savoir pré voient. C'est un secret bien gardé.
signe de Mgr De Bonis pour obtenir une domiciliation bancaire à la banque vaticane. Mgr De Bonis accompagne d'ailleurs en personne les clients de l'IOR possédant des comptes ou des lingots dans le caveau de la banque, par une échelle, au sommet de la tour,"très prés du ciel". La "glasnost" financière de Caiola n'empêcha pas cependant le retour des affaires. Ainsi à l'automne 1993 éclate le scandale de la "Tangentopoli". Un beau matin du 4 octobre, après les suicides non établis de deux hommes d'affaires [Gabriele Cagliari et Raul Gardini], le président de l'IOR reçoit un coup de téléphone du procureur responsable du service "Mains propres", Francesco Saverio Borrelli : "Cher professeur, il y a des pro blèmes concernant votre banque, notam ment dans ses relations avec le groupe Enimont...". Le fait est qu'une partie importante Golias magazine n° l I8janv/février 2008 p.5
> le journal A la Une
propres " attend une réponse. Ainsi, après consultation de juristes che vronnés, j'indique à mon interlocuteur policier, poursuit Caloia, que chaque témoignage susceptible d'être recueilli doit l'être dans le cadre d'une commis sion rogatoire internationale." En réalité, la cité du Vatican est protégée par le Concordat : une telle demande doit donc partir du Ministère des Affaires étrangères italien. Or, les probabilités d'obtenir dans ce cadre une commis sion rogatoire sont quasiment nulles. D'autant plus qu'une saisine des juges italiens aurait été dévastatrice sur l'opi nion publique. Le pôle "Mains propres" se retira sur la pointe des pieds et se contenta des explications données offi ciellement :" l'IOR ne pouvait pas connaître la destination de l'argent en question". Le second épisode, encore plus scabreux pour la banque vaticane, se déroula à la fin des années 90, à l'oc casion du procès du mafieux Marcello Dell'Utri. En vidéo conférence depuis les Etats-Unis, le repenti Francesco Marino Mannoia révéla que "Licio Gelli (patron de la célèbre loge P2) avait investi l'ar gent de la mafia dans la banque du Vatican, l'IOR garantissant au clan incri miné investissements et discrétion".
Licio Gelli
de la "mère de tous les pourcentages", environ 108 milliards de lires en bons du Trésor, a transité par l'IOR sur le compte d'un vieux client, Luigi Bisignani, un journaliste véreux, collaborateur du groupe Ferruzzi, qui sera condamné par la suite à 3 ans et 4 mois de prison dans le scandale Enimont. Après l'entretien téléphonique avec Borelli, le président Caloia est convoqué précipi tamment au Vatican par Mgr Renato Oardozzi, l'homme de confiance du secrétaire d'État de l'époque, le cardi nal Casaroli. " Mgr Dardozzi, racontera plus tard Caiola, avec son langage fleuri me dit qu'il est dans la merde et, pour me le faire bien comprendre, m'ordonne d'é touffer l'affaire. Je m'y oppose, lui répon dant que le patron du pôle "Mains p.6 Golias magazine n° l I8janv/février 2008
Jusqu' à ce que Mannoia fournisse des informations de première main. Comme chef du laboratoire d'héroïne de toute la Sicile, principale source de profit des mafieux, il ne pouvait ignorer la destination des capitaux de la mafia. Et de déclarer lors du procès : "Quand le pape (Jean Paul II ndlr) est venu en Sicile et décida d'excommunier les "mafiosi", leurs chefs se sentirent trahis car ils déposaient leurs liquidités à la banque du Vatican. De là partit la décision de faire exploser deux bombes devant deux églises de Rome". Précisons-le, Mannoia n'est pas n'im porte qui ! Pour le juge Falcone notam ment, "il est le collaborateur de justice le plus fiable. Chacune de ses affirmations a trouvé chaque fois des recoupements
d'information crédibles". Sauf que sur un point précis, aucun juge n'a pas voulu suivre l'une de ses pistes : celle de l'IOR. Au palais de justice de Palerme, l'un des responsables observe dépité : "Nous nous sommes fait suffisamment d'ennemis pour ne pas en plus nous mettre à dos le Vatican". Concernant les intrigues de la banque du Vatican, le voile d'une autre affaire vieille de dix ans tomba et mit à mal les positions des "monsignori" des palais apostoliques. Le 10 juillet 2007, le chef d'un autre clan de la mafia, le "furbetti", Giampiero Fiorani, raconta aux magistrats alors qu'il était en prison : "A la BSI suisse il y a trois comptes du Saint Siège qui sont, sans exagérer, d'un montant estimé entre deux et trois milliards d'euros". Et Fiorani de poursuivre sa confession au procureur de Milan, Francesco Greco, en reconnaissant des versements au noir effectués dans les caisses vaticanes : "Les premières sommes, je les ai données au cardinal Castillo Lara [prési dent de l'Apsa, l'administration du patri moine immobilier de l'Église ndlr] lorsque le Vatican a acheté une banque milanaise la "Cassa bombarda. Il m'a demandé trente milliards de lires, pour les mettre probablement sur un compte à l'abri à l'étranger". D'autres versements suivirent, très nombreux à en juger par les informa tions du même Fiorani lors de ses ren contres avec le cardinal Giovanni Battista Re, le puissant préfet de la Congrégation des évêques et bras droit du vicaire de Rome. Pour éviter un énorme scandale le Vatican lâcha rapi dement Fiorani, mais en compensation défendit le banquier Antonio Fazio, proche de l'Opus Dei, jusqu'à la veille de sa démission de responsable de la "Bankitalia" et après avoir été aban donné par tout le monde."Avvenire", le quotidien des évêques italiens et "ÏOsservatore Romano", le quotidien du Vatican,répétèrent à l'envi, et cela jus qu'au dernier jour de Fazio à la "Bankitalia", la théorie du "complot poli-
L'affaire
tique" à rencontre du gouverneur qui sera retrouvé quelque temps plus tard assassiné. Du reste,la carrière de cet étrange banquier s'explique par ses appuis au Vatican, lui qui, lors des réu nions des gouverneurs centraux des banques d'Italie,ne citait pas une seule fois l'économiste Keynes mais une cen taine de fois au moins les encycliques. Le cardinal vicaire de Rome, Camillo Ruini, encore président de la Conférence épiscopale italienne et Giovanni Battista Re, le préfet des évêques au Vatican figuraient entre autres comme ses amis intimes au point que ces deux ecclésiastiques de haut rang célébrèrent le 25ème anni versaire de mariage du gouverneur avec Maria Cristina Rosati.
Palaia, l'argent noir de la GEA, une société de recouvrement financier présidée par le fils d'une personnalité très influente auprès du Vatican, Luciano Moggi, serait gardé dans les coffres de l'IOR. A travers notamment les bons offices d'un autre banquier de confian ce du Saint-Siège au casier judi ciaire pourtant bien rempli,Cesare Geronzi.père de l'actionnaire majoritaire de la GEA. Dans le "caveau" de l'IOR il semblerait établi que s'y trouve aussi le"petit trésor" personnel de Luciano Moggi, une cassette estimée à environ 150 millions d'euros. Comme d'habitude, les commissions rogatoires et les
Avec l'image de Luciano Moggi, grand maître de morale catholique, prend fin l'espoir de faire changer les choses à l'IOR tel que l'incarnait l'ancien
permirent d'ouvrir le coffre fort des secrets de l'IOR et de l'APSA, y com
dirigeant de l'IOR, Caloia. Les secrets de la banque du Vatican restent bien
pris dans leurs rapports pour le moins singuliers avec les banques suisses et les paradis fiscaux à travers le monde. Il est difficile par exemple d'ex
gardés, peut-être pour toujours dans la tour inexpugnable de l'IOR. L'époque Marcinkus est certes révolue mais l'opacité qui entoure la banque du SaintSiège est très loin de se dissiper. En effet, comme si rien n'avait changé, les caisses et le "trésor" de l'IOR n'ont
pliquer au nom d'exi gences pastorales la décision du Vatican de détacher les îles Caïmans du diocèse jamaïcain de
vérifications sont impossibles. Mais il est certain que Moggi bénéficie d'une
Kingston, pour en faire une entité mis sionnaire "missio sui iuris" directement
grande considération auprès des auto rités vaticanes. Défenseur depuis tou
dépendante du saint Siège et l'affilier au cardinal américain Adam Joseph Maïda,membre du collège [directoire] de l'IOR [voir à ce sujet Golias numéro 82 "terres de mission et..paradis fis
jours de la presse catholique, accueilli à plusieurs reprises lors des pèlerinages à Lourdes par l'entourage proche du cardinal Ruini, Moggi est devenu depuis
Le quatrième et dernier épisode significatif de l'implication de la banque du Vatican dans les scandales finan ciers [italiens] est presque comique au regard des précédents épisodes. Selon les magistrats romains Palamara et
/
Luciano Moggi
Naturellement aucu ne des révélations et confidences de Fiorani ne
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lejournal<
peu titulaire d'une rubrique "éthique et sport "sur "Petrus", le quotidien en ligne proche du pape Benoît XVI. Cet ancien dirigeant du grand club de football de la "Juventus" de Turin, poursuivi par la jus tice, a subitement commencé à jeter les premières pierres contre la corrup tion [des autres] !
jamais été aussi abondants qu'aujour d'hui. Et si les dépôts continuent à affluer, c'est qu'ils y sont encouragés par des taux d'intérêt de 12 % annuel et souvent plus. Fournir des chiffres précis est presque impossible. Toutefois, selon les estimations de la FED [la banque centrale privée des États-Unis], en 2002, suite à l'unique enquête de cette institution sur les finances vaticanes, l'Église catholique possédait aux États-Unis à cette pério de 298 millions de dollars en titre, 195 millions en actions, 102 en obligations à long terme, ainsi qu'un "joint venture" avec un partenaire financier américain de 273 millions de dollars. Golias magazine n° l I8janv/février 2008 p.7
> le journal
> L'affaire
Aucune autorité italienne n'a jamais pu faire une enquête pour déterminer le poids économique du Vatican dans le pays qui l'accueille. Un pouvoir énorme, direct et indirect. En effet, au cours de ces dernières décennies, à l'aide des nombreuses associations qui le com posent et en lien étroit avec la hiérar chie et la prélature de l'Opus Dei, le monde catholique a pris d'assaut la for teresse traditionnelle de la minorité laïque et libérale italienne, la finance. Au point que certains observateurs auto risés en Italie n'hésitent pas à dire que l'Église catholique aujourd'hui a plus d'influence et de pouvoir sur les banques qu'à l'époque de la Démocratie chrétienne. C'est dire ! Vincent Farnier avec Curzio Maltese [Repubblica]
HUMEUR
seconde fille du fidèle chauffeur de
entre Poissy (le lieu de résidence de
La marche de Monseigneur
Monseigneur dont l'épouse après avoir été au DAF [Diocèse aux Armées] a été affectée à Saintes
l'évêque] et la rue Notre Dame des Champs [siège du Diocèse aux Armées], effectué chaque jour [aller et retour] en voiture avec le char de l'état [péage aller 6,50 euros] et il serait osé d'examiner le cas de la fidèle secrétai-
EGMIL la revue du diocèse aux armées de décembre 2007 et janvier 2008 signalait pour le mardi 11 décembre dans sa rubrique Agenda de Mgr LE GAL une marche « de Noël » avec les écoles de Saintes, Rochefort, Cognac et la Rochelle. Depuis que Golias rend compte des ouvres de Monseigneur, pratiquement d'une manière hebdomadaire, telle ment ses ouvres sont grandes, les membres de la grande muette devien nent bavards... et remontent vers notre rédaction certaines informations. Bref, encore un miracle, les muets parlent. S'étonnant de l'azimut de l'étoile de Bethléem, vu de Poissy, qui aurait orienté la marche de Monseigneur, pareille à celles Melchior, Gaspard et Balthazar, vers Saintes et Cognac, il nous est rapidement revenu que cette « marche » effectuée de Poissy à Saintes avec la voiture de fonction avait comme but principal le baptême de la
p.8 Golias magazine n° 118 janv/février 2008
On ne savait pas que l'ange de Noël (Luc 2-15] avait invité rois mages et bergers à marcher vers la crèche avec un ordre de mission tamponné et signé valant ordonnancement de la dépense... A multiplier par deux en raison du retour, combustible 63 euros, péage 40 euros et usure du véhicule sur 496 km, on y joint indemnité de déplace ment hors résidence, repas nuitées pour l'aurige, conducteur du char de l'Etat, et pour bien sûr Monseigneur. En vieux français on parlerait de grivèlerie pour ce genre de resquilL. espère qu'il n'y a pas récidive men suelle avec l'in demnité de dépla- ^, cernent sur la feuille de solde, unique ment prévue si transport en commun
Le Sacristain
> Brèves
le iournal<
Le sacristain y perd son latin l'assistance, « exultât, te deum, deo gratias, » de la part des inté
Depuis le « motu propno » le sacristain ne sait plus quel Saint invoquer. D'un âge certain celui-ci avait connu un rite ancien qui suivait le mis sel de Saint Pie V et à la suite de Vatican II (
gristes tenant de l'ancien nouveau rite. Si Benoît XVI dit la messe dos au peuple, le mis sel de Paul VI est bon pour le pilon. U n si te affirme même que cela
1962-1965] un rite nouveau qui appliquait un nouveau missel dit de Paul VI. Dans un cas la messe était dite dos à l'assistance sur un autel à trois degrés, revêtu de trois nappes et en langue latine. Dans l'autre cas la messe est célébrée face au peuple en langue vulgaire ou encore locale. Certains prêtres attachés à la tradition continuaient à célébrer suivant le missel de Saint Pie V pour des assem blées quelquefois attachées à ce rite. Parmi ceux-ci quelques-uns l'imposaient à des fidèles qui souhaitaient l'application du nouveau mis sel d'où quelques incidents. Le sacristain observe que le nouveau rite permettait une liturgie de la parole plus ouverte, par la répartition des textes de l'ancien et du nou veau testament sur plusieurs années alors que par une conjonction historique le mis sel de Saint Pie V prévoyait lors des messes dominicales en majorité des textes de Matthieu. Que tous s'étaient affranchis du « Confiteor » avant communion et du der nier évangile [Jean] pourtant
fort beau. Que prévoit le « motu pro-prio » ? Il permet aux évêques, à la demande de certaines communautés de fidèles, d'autoriser un prêtre à dire la messe suivant le mis sel de Saint Pie V ce rite étant dit extraordinaire, le rite sui vant le missel de Paul VI étant dit ordinaire. Mais voilà que le sacristain y perd son latin, quand l'extra ordinaire devient quotidien cela devient difficile à com prendre. Quand l'ancien rite, pour certains, oublié ou ignoré car depuis 1962 un demi siècle s'est presque écoulé, revient sur le devant de la scène il devient, pour ceux-là, nouveau. Par ce rai sonnement, le sacristain entend avec stupéfaction à la chapelle du Val de Grâce que sous la pression des auto rités militaires la messe sera dite en ce lieu suivant le rite ancien. Il cherche sur la toile informatique et tombe sur un déferlement d'analyses du fait que le Pape vient de célébrer le dimanche 13 janvier en la chapelle Sixtine la messe dos
indique la direc tion ou se trouve Dieu. On en arrive à souhaiter que cer tains aient eu un chro nomètre en main car il lui serait arrivé de se tourner vers l'assistance ou d'avoir « tourné à plusieurs reprises le dos aux fidèles » [cf Le Monde, Le Figaro] expressions don nant l'idée de positions opposées éphémères suivant la sensibilité des rédacteurs. Pour mieux servir leur cause d'autres oublient de signaler que sa Sainteté a célébré le Saint Office en Italien et insis te sur le fait que l'autel installé sur une plate forme mobile face à l'assemblée a été déplacé. Le journal La croix voit dans l'introduction d'élé ments du rite extraordinaire dans le rite ordinaire la volonté de marquer une conti nuité entre l'avant et l'après concile, comme si une mau vaise fracture mal consolidée vieille de cinquante ans pou vait maintenant être réduite. Gageons que certains vont relever avec véhémence que lors de sa promulgation, il était prévu que le missel de Saint Pie V, ne pouvait subir
aucune modification et que introduire des éléments du rite ordinaire dans le rite extraordinaire est interdit. Dos au peuple, dans la cha pelle Sixtine, en langue vulgai re, Saint Pie V ou Paul VI, là est la question. Selon le Vatican, cité par l'agence Reuters, l'autel ancien a été utilisé par Benoit XVI pour respecter la beauté et l'harmonie du lieu. On ne peut pas dire que cette initia tive ait mis de l'harmonie dans la communauté de l'Eglise et que le signal fort que certains ont cru recevoir n'ait pas été mal perçu par d'autres. La genèse nous indique que « Dieu fit l'homme à son image » alors le sacristain n'ira pas chercher une rela tion directe avec son créa teur en effectuant des demivoltes successives, il cher chera à avoir un regard d'hu manité vers l'ensemble de ses prochains et cela dans le quotidien « ce que tu fais au plus petit.... » Etienne Lassalle REPÈRES : Le missel de St Pie V a été promulgué en 1570 [Concile de Trente] et il a subi plusieurs fois des retouches dont la dernière à l'époque de Jean XXIII en 1962, c'est pourquoi Benoît XVI préfère parler du missel de Jean XXIII.
Golias magazine n° l I8janv/février2008 p.9
> le journal
Polémique
Crise au CCFD (suite) : un malaise aux racines profondes L'article du numéro précédent (n°117) sur la crise du CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement) a suscité beaucoup de réac tions de membres du CCFD. Réactions essentiellement négatives venant de la part de personnes (salariés au CCFD) qui se sont senties attaquées ou touchées par les analyses du dossier. A l'heure où le CCFD souhaite "revisiter ses racines" à l'occasion du Carême 2008, le débat que nous avons lancé tombe à point. Voici notre réponse aux réactions que nous avons reçues. Bien évidemment l'article avait un parti pris. Cela était d'ailleurs indiqué dans l'introduction lançant le texte qui invitait au débat. L'article voulait simplement montrer que la crise au sein du CCFD est le résultat de problèmes structu rels et stratégiques qui ne peuvent être assimilés à une simple lutte de pouvoir d'appareil par des personnes malinten tionnées comme le suggèrent cer taines réactions. Personnes apparte nant à la même famille spirituelle, la même communauté, la même Eglise que celle des lecteurs qui ont réagi, rappelons le. Apparemment, ce n'est pas inutile au CCFD. Nos sources ne nous ont pas caché que des accusations réciproques entre les antagonistes de ces querelles ont été très violentes verbalement et publiques : accusations d'utilisations des fonds des donateurs à des fins ne correspondant pas à l'objet social du p.lO Golias magazine n° l I8janv/février 2008
CCFD, de volonté de déconfessionnalisation du CCFD, d'athéisme rampant, de lettres anonymes de caniveau, d'in capacité à porter les vraies valeurs du catholicisme social à cause d'un passé non conforme à la pureté militante, d'in compétence. Le CA et l'AG se sont posi tionnés sur certaines de ces affaires. L'inspection du travail a été saisie de deux d'entre elles, la direction a été déboutée ces deux fois mais jamais les commissaires aux comptes ou le comité d'entreprise, comme le droit du travail le permet, n'ont diligente d'audit précis sur la gestion supposée opaque de l'ancienne direction. Dans un tract de 20D6, le syndicat avait relevé 116 cas de harcèlement moral mais n'a jamais pu apporter le moindre élément concret étayant ces affirmations. Ces mêmes sources nous ont pré venu que les conditions de départ de certains membres de la direction, se sont faites dans des conditions finan cières discutables. Mais cela est à mettre dans le contexte de la fameuse règle dite des neuf ans qui demande aux cadres du CCFD d'accepter l'enga gement moral de quitter le CCFD au bout de neuf ans. Règle que tout le monde n'arrive pas à respecter bien qu'un système de compensation finan cière ait été mis en place. Le ton polé mique du papier est le reflet, chez nos sources, d'un sentiment de colère dû à l'injustice et l'incompréhension qui ont leur origine chez ces militants et sala riés, minoritaires mais activistes, devant les réformes engagées. A plu sieurs reprises la direction a dû être maladroite, c'est certain, mais le climat de malveillance et de soupçon perma nent a été à l'origine de procès d'inten tion systématiques à chaque ébauche de discussion. La teneur des réactions [et de l'article] montre que ces bles sures ne sont pas prêtes à se refer
mer. Mais, voulant sortir des attaques ad hominem dont une partie des mili tants et des salariés du CCFD usent facilement, l'article a voulu prendre de la distance avec bien évidemment un point de vue subjectif qui peut être contesté dans ses conclusions. L'article estime, sur un ton incisif parfois pamphlétaire, qui n'est pas là pour plaire, que la stratégie choisie par une partie minoritaire et radicale de l'Action catholique va à rencontre des fondements ecclésiaux du CCFD et n'est pas adaptée aux évolutions du monde contemporain. C'est une analy se, elle peut être discutée. Certaines réactions montrent que des lecteurs ont été blessés par certaines attaques contre la pensée du Père Lebret, Populorum Progressio ou la théologie de la libération. L'auteur de l'article pré sente ses excuses sincères mais là aussi évitons les procès d'intention. Que dit l'article ? Sur la théologie de la libération ? « Une véritable éthique de la liberté ». Sur la pensée du Père Lebret ? « Un économiste de stature internationale qui a renouvelé la pensée chrétienne sur les rapports nord/sud dans le contexte de la décolonisation et de la question du partage des richesses dans un France portée par les trente glo rieuses » Plus loin « Dans le sillage de la pensée du Père Lebret (...) le partena riat était la réponse à Tassitancialisme » Sur l'action du CCFD ? Il n'y a qu'a reli re le premier paragraphe pour com prendre que nos sources ne sont pas mues par un sentiment d'amertume mortifère vis à vis du CCFD mais par la conviction du risque que court cette organisation de solidarité internationa le à ne pas pouvoir prendre le bon vira ge à force d'être chahutée de l'intérieur et de verser ainsi dans le fossé au plus grand bénéfice de la partie la moins éclairée de l'épiscopat sur les ques-
le iournal<
Polémique tions internationales contemporaines. Nous avons limité dans l'article les
mêmes paysans deviendront dans vingt ans cinq cent millions de petits bour
exemples qui prouvent la puissance de l'action internationale du CCFD. Citons en d'autres. Le CCFD est en France l'ONG qui a l'analyse la plus docu mentée et la plus fine sur la situation au Tchad. Une partie de l'actuelle équipe
geois propriétaires à crédit de leur auto. Alors peut-être le projet révolu tionnaire et prophétique aura abouti
dirigeante bolivienne qui a suscité tant d'espoirs il y a trois ans a été formée dans un programme appuyé par le CCFD. La campagne auprès des jeunes sur la situation faite aux Roms en France a été primée par le Haut Commissariat à la Coopération Internationale [HCCI]. On ne peut com prendre la genèse du Forum Social Mondial sans y repérer l'influence déterminante d'anciens du CCFD. Sur la situa tion des Dalits en Inde, sur la situation politique en Birmanie, en Thaïlande, au travers de ses partenaires le CCFD a un accès inédit aux réelles informations. Un internaute, donnant involontaire ment du crédit au contenu de l'article en injuriant l'auteur plutôt qu'en en contestant les analyses, se demande si l'auteur aurait préféré que les Américains lâchent une bombe atomique au Vietnam en 1975. On en est là, alors que l'article dit expressément « ...des partenariats qui avaient du sens dans le contexte des conflits de libération ou des luttes pour la démocratie dans les années 60 à 80... » C'est probable que les chré tiens marxistes ont très mal vécu le premier échec historique du commu nisme politique des pays du sud. Ils doi vent maintenant avaler une seconde pilule qui voit ces mêmes pays mettre en place un modèle terrifiant : le capi talisme le plus ultra allié à une vulgate communiste totalitaire. Des millions de paysans expulsés en Chine ou au Vietnam pour servir de main-d'œuvre asservie. Sous la houlette éclairée de leurs timoniers, les enfants de ces
O ff r e spéciale
1er abonnement
puisque la planète aura sombré dans une catastrophe écologique. Désolé, mais les gardiens du temple du Père Lebret n'ont pas réussi à renouveler sa
38 euros au lieu de 60 euros
pensée. Tous les lecteurs qui ont réagi lais sent entendre que l'auteur est mani pulé par des sources partiales mais très peu remettent en cause l'analyse de la situation ecclésiale du CCFD et de l'extrême faiblesse de l'action internationale des organisa tions catholiques. Dont acte. Certains vont même jusqu'à trouver une partie des ana lyses pertinentes. Un lecteur se demande si le pré sident du CCFD issu de l'ACO n'est pas une potiche. Il est effectivement issu de l'ACO. Ce n'est pas une potiche, au contraire. Militant aguerri de la CFDT et, dans la lignée de son prédécesseur, il maintient courageusement et intelligemment cette >H»nn«H ligne de modernisation du CCFD contre l'avis des radicaux de l'ACO qui l'attaquent durement mais qui n'ont pas réussi pour l'instant à le mettre en minorité. En mai prochain, il se présentera pour un nouveau mandat de trois ans, il est probable que l'ACO ne voudra pas qu'il se présente en son nom. A suivre. Pour conclure, en paraphrasant l'aphorisme en tête de la revue Golias, on a envie de dire à cette frange de l'Action catho lique nostalgique des années 60 qu'à force de voir et juger en rond, ils ris quent, si ce n'est déjà fait, de mal agir. Mais, Deus Caritas Est dirait l'autre. Francis Serra
Go/ias sa rr j,.,, jt.'iMi.i'ijj-iiwèy'rà';
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Golias magazine n° l I8janv/février 2008 p.
>le journal
Débat <
Carême 2008 : Quand le CCFD "revisite" les fondements du développement Chaque année, à l'occasion du carême le CCFD propose à ses militants et ses sympathisants un thème d'année qui vient appuyer la réflexion des chré tiens sur leur engagement international pendant la pério de pascale. Ces réflexions annuelles entrent dans des cycles de plusieurs années et permettent ainsi au CCFD de creuser collectivement des grandes questions contempo raines comme la souveraineté alimentaire (cycle 2003 2007) ou la paix (cycle 1998 - 2002). Cette année le CCFD entame un nouveau cycle et, signe des temps, il a changé de pied. En effet plutôt que d'ap porter des analyses, des points de vue, des prises de position sur une grande thématique mondiale, il a décidé de mettre en avant des interrogations, des doutes, des questionnements sur un concept inscrit dans son acronyme : le développement. Le creusement des iné galités, l'érection de murs divisant le monde en zone de prospérité ou de misère, l'accélération des catastrophes naturelles, sont quelque part les résul tats d'un modèle de développement économique que nos sociétés occiden tales portent et qu'il faut radicalement [étymologiquement à la racine] revoir. On ne serait pas au CCFD si on ne fai sait pas référence à l'encyclique Populorum Progression [le développe ment des peuples en français]. Or, dans
p.12 Golias magazine n° 118janv/février 2008
la foulée du concile de Vatican II, dès 1967, le président de Caritas Internationalis écrivait en exergue de la traduction française de Populorum Progressio : « La question sociale est aujourd'hui mondiale ». Paul VI, un vrai alter mondialiste avant l'heure ? Voire : « Nous adressons aujourd'hui cet appel solennel à une action concertée pour le développement intégral de l'homme et le développement solidaire de l'humanité » Dans cette perspective si le CCFD considère cette encyclique comme le point de départ et non pas l'arrivée de sa réflexion, le travail qu'il mènera por tera ses fruits et participera au renou vellement de la pensée chrétienne sur le progrès dans la ligne du siècle des lumières et de la modernité. Mais les choses ne sont pas si lumineuses. En 2006 et en 2007 il y a eu l'encyclique Deus Caritas Est et le coup de semonce des évêques lors l'assemblée de Lourdes qui demandent au CCFD
d'être garant de l'orientation ecclésiale de ses projets. Pour accompagner les fidèles pendant le carême, le CCFD édite chaque année une plaquette de carême qui vient proposer des textes religieux en appui à sa démarche d'édu cation au développement. Cette année cette plaquette a été scrutée à la loupe par l'aumônier du CCFD qui se position ne en interne plus comme représen tant du magistère qu'accompagnateur spirituel . Le journal La Croix s'est fait l'écho de cette plaquette de carême début février. Sans déjà être l'avis de gros temps clérical annoncé sur le CCFD, on sent toutefois dans la pruden ce et l'orthodoxie des formules utilisées par le CCFD comme un petit vent froid et sec.
Avis de temps froid et sec D'un autre côté, le CCFD parviendra-t-il à renouveler sa propre pensée ?
le |ournal<
Diagonale
Saura-t-il travailler des pensées plus exi
Religieuses écolos !
geantes que celles qui ont cours à l'heu re actuelle ? On aurait envie de lui don ner trois conseils de lecture pour déga
Aux États Unis, les religieuses francis caines, comme celles d'autres congré
ger des pistes de travail. Relire tout d'abord à fond Emmanuel Mounier dont la philosophie, le personnalisme, une philosophie sans système, qui s'est développé au moment où le marxisme, l'existentialisme, le structuralisme bat taient le haut du pavé. La personne humaine comme « support d'une attitu de d'espérance » ou bien la nécessité d u n e « convergence des volontés » sont des formules d'une étonnante actualité. Ensuite retravailler le concept d'hominisation qui exprime la dimension proprement humaine dans le proces sus d'évolution de l'humanité comme espèce humaine. On trouvera cela chez René Girard et Pierre Teilhard de Chardin quand l'anthropologie et la mystique se rejoignent. Enfin, un auteur franchement athée et qui a très mauvaise presse en ce moment dans les milieux progressistes bien pensants : Pierre Bourdieu. Lisez simplement son avant dernier ouvrage : « les méditations pascaliennes ». Un triple hommage à René Descartes, Edmond Husserl et Biaise Pascal. Il était d'abord philosophe avant d'être sociologue et derrière sa phénoménolo gie d'iniquement déterministe, il cher chait les conditions réelles de la liberté de l'action humaine. Il aimait dire que le sociologue était là pour « vendre la mèche » c'est à dire expliciter l'implicite, mettre en lumière, tout dévoiler, libérer la parole, le verbe, en un mot. Pourvu que ces mèches vendues nous libèrent à leur tour en allumant des bougies pour nous éclairer et non pas des bombes. Pour conclure, avec Saint Paul, un autre éclaireur, disons au CCFD : « Ne vous conformez pas, soyez renouvelé dans Son intelligence ».
gations, sont engagées dans la lutte contre l'eau minérale en bouteille et pour la défense de l'environnement. Devenue très médiatique, celle que l'on surnomme la "franciscaine verte", Soeur Janet Corcoran, religieuse cali fornienne, mène une campagne contre l'eau en bouteille pour secourir "notre soeur et mère la terre"! Sont dans le collimateur de la chère soeur surtout les bouteilles en plastique, souvent jetées ici ou là et qui détériorent l'envi ronnement, sans même parler du
L'Opus Dei a cassé la pastorale du Sud andin Mgr José Maria Ortega Trinidad, évêque de Juli au Pérou entend absolu ment liquider dans son diocèse toute trace d'une théologie de la libération jugée dissolvante et dangereuse. Il faut dire qu'il appartient à la Prélature Opus Dei, qui n'est plus à présenter. Fraîchement nommé [en 2006], Mgr Ortega appartient à cette majorité d'évêques ultra-conservateurs mis en selle par l'actuel Nonce Apostolique à Lima, Mgr Rino Passigato (dont on
pétrole nécessaire à leur fabrication et de l'accès limité à l'eau potable dans les pays en voie de développement. Plus d'un milliard de personnes de par le monde, en effet, ne peuvent avoir accès à l'eau potable et on estime que d'ici 20025 cela pourrait être le lot des deux tiers de l'humanité. La privatisa tion de l'eau aggrave considérablement le problème, sauf au profit des multina tionales soucieuses de s'enrichir grâce à l'eau en bouteille, dont le prix pourrait
parle d'ailleurs comme le prochain Nonce...à Paris!] de connivence avec le cardinal Juan Luis Cipriani Thome,
augmenter avec le dessèchement de la planète. De plus, beaucoup militent
Yauyos, fief de l'Opus Dei. Cette sinistre prélature exerce une influence très forte, unique dans le monde, au Pérou.
pour que l'on sache au moins de quelle source vient l'eau vendue en bouteille, ce qui n'est pas toujours le cas aux États Unis. Les soeurs collaborent étroitement dans leur combat avec les Églises protestantes et tous les hommes de bonne volonté. Hélas, toutes les institutions catholiques ne semblent pas également soucieuses de la protection de l'environnement. La plupart des diocèses ignorent cette question de l'environnement. Soeur Betty Kenny, appartenant à une congrégation locale, lance encore un autre projet d'action : celle de faire acheter par les défenseurs de l'envi ronnement une part assez conséquen te des actions des grandes compa gnies d'eau afin de pouvoir de l'intérieur modifier leur politique.
archevêque de Lima et membre luimême de l'Opus Dei. Parmi les évêques les plus acharnés à éradiquer tout ves tige de l'ère post-conciliaire, outre le cardinal Cipriani et Mgr Ortega, il faut encore citer Mgr Kay Martin Schmalhausen Panizo, prélat d'Ayaviri [jeune évêque quadragénaire] ou Mgr Ricardo Garcia Garcia, évêque de
L'Opus Dei n'a de cesse de s'en prendre aux différents Vicariats de la Solidarité en charge de la pastorale des plus pauvres, très engagés pour la défense des droits de l'homme. Mgr Ortega a justement réussi à fermer le Vicariat de la solidarité de Juli, créé aux débuts des années quatre vingt, ainsi que celui de Puni par Mgr Jesus Mateo Calderon Barrueto, un évêque domini cain d'inspiration conciliaire, dans le contexte tragique et sanglant de la guerre civile. Ce Vicariat pour la solida rité avait accompli un travail important en faveur des paysans. L'évêque actuel de Puno, d'ailleurs, Mgr Jorge Pedro Carrion Pavlich tourne résolument le dos à l'oeuvre accompli par son prédé-
Etienne Lassalle Golias magazine n° 118janv/février2008 p. 13
> le journal
Mitre d'honneur*
Le Planning familial dans le collimateur des évêques Les évêques de la région
tion n'est pas là : elle est de savoir quels
métropolitaine de Paris pro testent contre la campagne sur le droit à l'avortement, lancée par le Planning familial et soutenue par la région Île-deFrance. En un texte très abs trait et finalement arrogant, nos donneurs de leçons refu sent d'envisager les questions concrètes d'une éthique res ponsable et adulte.
moyens sont néces saires pour que, dans la liberté, les femmes - et les hommes - devien nent plus heureux, plus aimants, plus généreux dans la situation réelle concrète qui est la leur, au niveau psy chologique comme au niveau écono
Un amiral tança jadis les évêques de France par cette expression "occupez vous de vos oignons". C'est un peu le sentiment qui domine à la lecture du texte déplorable des évêques, plein de bons sentiments au demeurant et se voilant la face sur les situations humaines souvent délicates auxquelles des réponses sont proposées, certes souvent insatisfaisantes et critiquables mais qui évitent au moins le pire et res
mique. Le Planning familial entend res
ponsabilisent les consciences face aux enjeux parfois déchirants.
personnes, à tort ou à raison, mais en conscience et libre ment, ne se sentent pas - au moins pour le moment - prêtes à vivre cette expérience formidable, déjà pour ellesmêmes.
La parentalité n'a rien d'un simple tabou face à des moyens de contracep tion : elle inclut un engagement profond de la volonté et du coeur qui suppose une prise en compte des situations concrètes, des possibilités effectives et des obstacles de tout genre. Il ne s'agit pas seulement de donner la vie, de ne pas lui opposer un obstacle, mais de permettre à une personne de naître, de vivre et de grandir. Nos évêques se mettent dans la peau d'une femme qui attend un enfant ? Les femmes ont un droit, comme les hommes, à un réel épanouissement personnel. L'épanouissement personnel ne se fait jamais au détriment de la générosité. Toutefois, cette générosité suppose également le respect du désir de cha cun, de ses rythmes et de ses varia p.14 Golias magazine n° 118janv/février 2008
ponsabiliser tous et chacun, pour une paternité et une maternité respon sables, en laissant la possibilité d'autres choix, en particulier la contraception pré ventive, lorsque les
tions. Nos évêques devraient relire Saint François de Sales : "toutparamour et rien par force". Personne ne considère qu'une inter ruption de grossesse pourrait être en soi une bonne chose. En revanche, une attitude responsable et adulte se refu se à diaboliser des choix pris souvent en conscience et très douloureuse ment. Pour les évêques de la région : "au lieu de promouvoir l'avortement comme solution d'avenir, il est temps que tous participent résolument à la promo tion d'une culture respectueuse de la vie et de la dignité des femmes". Nous sommes bien entendu d'accord avec cette conviction de fond selon laquelle l'avortement ne constitue évidemment pas une solution d'avenir. Mais la ques
Il suffit de lire un sondage actuel pour constater à quel point nos compa triotes, et en particulier les jeunes, atta chent du prix à la fondation d'une famil le et à l'éducation des enfants. Il est donc faux de dénoncer une prétendue culture fermée à la vie ! Par contre, la sensibilité se fait plus vive aux exigences existentielles, dans la sincérité, la loyauté et la fidélité à soi-même, qu'im plique une telle vocation humaine, si merveilleuse au demeurant. Nos évêques simplifient un débat éthique complexe et nuancé et font por-
Mître d'honneur
ter à leurs ouailles des fardeaux qu'ils ne portent pas eux-mêmes. Ils parlent trop vite et en l'air, blessant au passage des psychologies parfois éprouvées par des échecs affectifs. L'épanouissement géné reux est une construction délicate, difficile et parfois éprouvante.
L'évêque de St-Etienne et les municipales tive composée de représentants de la société civile. Sous le titre très positif "Dieu aime la Loire", Mgr Lebrun s'inquiète
On ne fait pas des enfants à la légère. D'une certaine façon, le député Lucien Neuwirth et même le Général de Gaulle, l'avaient intuitivement compris : d'où la loi sur la contraception.
quant à lui de la foi et la morale qui sont mises à rude épreuve dans la société actuelle. Il lance un appel à la mobilisation des catholiques qui doi vent inséparablement"reven/r au Christ" et "aller au devant des hommes".
Jugement moralisateur Il faut certainement aider tous ceux qui veulent garder leur enfant, malgré des difficultés parfois redoutables, à le faire et à persévérer. Nos évêques sont sans doute dans leur droit et dans leur devoir lorsqu'ils réclament de l'État une politique de soutien à la famille. De plus, on se réjouit avec eux du travail fait par des associations pour aider les femmes à gar der leur enfant, et qui les soutiennent quoi qu'il arrive. Cela ne justifie pourtant pas ce juge ment moralisateur abrupt et partisan sur une campagne visant à responsabiliser et non pas à promouvoir l'avortement, mais en acceptant que, librement, les femmes prennent en main leur destinée de futures mères. Ce n'est pas l'avortement qui est un progrès : certes non, et ô combien. C'est la possibilité pour les femmes de s'ac complir en liberté et de donner de façon responsable la vie et l'éducation, quand elles le veulent et le peuvent. En toute générosité et dans le don d'elles-mêmes. Faute d'avoir compris cette intention posi tive de la modernité, malgré c'est vrai l'égoïsme toujours possible, nos évêques oublient que l'homme n'est bon que s"il est libre et point trop malheureux ou contrarié dans sa nature profonde. Sur le malheur des uns, on ne construit d'ailleurs pas le bonheur des autres. Reginald Urtebize
leiournal<
Tout en contraste, avec ses perpétuelles sandales et ses orne ments d'un autre âge, l'évêque sou riant de Saint Etienne, Mgr Dominique Lebrun, prélat néo conservateur voulant donner un autre visage de la ligne restauratri ce, ancien directeur spirituel à Rome puis curé de Saint Denis dans le 93, entend donner un visage à la fois avenant et identitaire à l'Église de la Loire. A la veille des élections munici pales, il propose, de façon enjôleuse, dans sa première lettre pastorale, de faire du diocèse un partenaire actif de la société civile, engagé dans les questions politiques et sociales. L'évêque a en effet ressenti cette attente de la part de ses différents partenaires de la société civile lors des visites pastorales qui émaillent son emploi du temps depuis sa venue à Saint Etienne comme évêque en septembre 2006. Il faut savoir que certains candi dats aux élections municipales ont d'ailleurs plaidé pour que l'Église diocésaine participe au Conseil de développement de l'agglomération stéphanoise, une instance consulta
Parmi les initiatives cours, il faut savoir que réfléchit avec la Chambre merce et d'industrie à une sur l'éthique du travail.
déjà en l'évêché de com formation
Pour l'instant cependant comme soucieux de s'attirer les bonnes faveurs initiales du plus grand nombre, Mgr Lebrun reste dans le flou. Le fait de souhaiter une Église plus engagée est une chose; reste à savoir en quel sens. Mgr Lefebvre et Mgr Gaillot plaidaient tous les deux en faveur d'un interventionnisme mais il y a fort à parier que son contenu aurait été différent sinon opposé. Au plan social, ce prêtre de la banlieue rouge de Paris que fut Dominique Lebrun prendra certaine ment des positions qui le rattache raient à une tradition du catholicis me progressiste. Par contre, sur les questions internes à l'Église et sur les questions sociétales, Mgr Lebrun devrait s'inscrire dans une ligne résolument conservatrice dans le fond, bien que décontractée dans la forme, un peu à l'exemple du cardinal de Lyon, Mgr Philippe Barbarin. Golias prend son temps pour voir
Francis Serra Golias magazine n° 118janv/février2008 p. 15
> le journal
International <
Pérou : "Plan de santé publique et politique eugéniste... Entre 1995 et 2000, sous le régime d'Alberto Fujimori, plus de 300 000 femmes, majoritaire ment pauvres et indiennes, ont subi une stérilisation forcée, élargie à
Hautes Terres andines à envi ron 50 km de Cuzco. Trois ans plus tard, elle devient secrétaire générale et parti cipe à ce titre, en 1995 à Pékin, à la quatrième Conférence internationale des femmes. Lors d'un entre tien avec Fujimori, celui-ci
près de 26 000 hommes. Crime contre l'humanité dont l'écho n'a pas été assourdissant, mais qui pourrait revenir sur le devant de la scène après l'arrestation de l'an cien président péruvien. Curieusement dans cette affaire, les grands pourfendeurs de la
évoque un programme sani taire de planification familiale. Un peu plus tard, pressée par l'infirmière du village, elle se soumet à une opération du ventre dont elle a du mal à se remettre... Dès 1997, Hilaria
contraception se sont faits plutôt discrets. Le 23 juillet 2002, le ministère péruvien de la Santé rendait publique un rapport de 137 pages sur les "activités d'anticonception chirurgi cale volontaire" du régime du président Fujimori, à la tête de l'Etat entre 1990 et 2000. Il en ressort, qu'entre 1995 et 2000, 331 600 femmes ont été sté rilisées et que 25 590 hommes ont subi une vasectomie. "Ces personnes, souligne le rapport, ont été captées, soit à force de pressions, de chantage et de menaces, soit en se voyant offrir de la nourriture, sans qu'elles aient été dûment informées, ce qui les a empê chées de prendre leur décision en réelle connaissance de cause." Jusque dans les coins les plus reculés, cadeaux, nourritures, intimidations, ainsi que des "festivals de ligatures de trompes" organisés comme des fêtes de villages dans les campagnes et les pueblos jovenes ["nouveaux villages", en clair des bidonvilles], avec jeux, concerts, danses, repas copieux, passage gratuit chez le dentiste et le coiffeur... Certaines femmes sont coursées avant
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d'être plaquées au sol puis attachées pour être anesthésiées. Mêmes intimi dations lorsque d'autres se présentent dans des dispensaires pour faire exa miner leurs enfants, et se font enfer mer à dix ou vingt, traitées comme du bétail et opérées à la chaîne, sous pré texte de vaccination... Opération réa lisée au nom d'un "plan de santé publique", mais dont le véritable objet était de faire chuter le nombre de nais sances dans les secteurs les plus pauvres, pour l'essentiel des popula tions indiennes des zones déshéritées de la sierra andine, de la selva amazo nienne et des bidonvilles entourant Lima.
Femmes en marche : les Douze d'Anta En 1991, Hilaria Supa Huaman est l'une des fondatrices de la Fédération paysanne des femmes d'Anta, province d'environ 80 000 habitants, dans les
accompagne et encourage quelques dépôts de plaintes, et en 2001 réussit à convaincre douze femmes de la région d'Anta à la suivre jusqu'à Lima pour témoigner devant les juges, les médias, les politiques. Malgré des menaces de mort et le mutisme des ONG, elles vont jusqu'au bout et leur démarche fait grand bruit. Le 8 septembre 2001, un an après le départ de Fujimori, Luis Solari, le ministre de la Santé constitue une com mission spéciale à laquelle est associée Hilaria Supa Huaman et des enquêtes sont lancées par le ministre de la Justice qui aboutissent au fameux rap port du 23 juillet 2002. Lequel amène ra les députés à décider l'inculpation de Fujimori [alors au Japon depuis sa fuite en 2000]], ainsi que ses trois exministres de la Santé [Eduardo Yong Motta, Marino Costa Bauer, Alejandro Agrinaga], pour "génocide" et "crime contre l'humanité". Feu vert du Congrès américain à majorité républicaine, traditionnelle-
le iournal<
International ment hostile au contrôle des nais sances
souffrent de troubles physiques et psy chiques, de saignements et de douleurs récurrentes, et ne peuvent plus accom
La commission des droits humains du congrès, présidée par la députée Dora Nunez, reprend ces chefs d'accu sations en 2003 et sollicite une enquê te qui serait confiée au procureur géné ral de la nation. La commission perma nente du pouvoir législatif rejette cette
plir le même travail, accentuant la pré carité de leurs conditions de vie.
perspective, et de commission en com mission les débats s'enlisent... Pourtant, nombre de personnalités se sont chargé d'établir la vérité, comme l'avocate et sociologue Giulia Tamayo mandatée par le Comité d'Amérique latine pour la défense des droits des femmes. Publié le 22 juin 1998, El Commercio, quotidien le plus lu de Lima, faisait état des pratiques abusives, sans consentement, des conditions d'hygiène précaires, de la préparation insuffisante du personnel de santé, des complications post-opératoires et des décès dûs au mauvais état général des patientes [tuberculose, dénutrition], et même de grossesses non décelées. Livre percutant associé à une vidéo, Nada Personal [1999] se réfère à une politique d'Etat froidement menée, avec des objectifs à atteindre qui se trans forment en quotas à remplir entraînant récompenses ou châtiments. On note ra aussi un reportage argumenté du Monde diplomatique en mai 2004. Le financement ? Pas seulement le Trésor public péruvien. L'Agence américaine pour le développement international sera la principale source d'assistance technique et financière en apportant une contribution de 36 millions de dol lars US, sept fois plus que le Fonds de population des Nations-Unies. Le tout avec le feu vert du Congrès américain à majorité républicaine, traditionnelle ment hostile au contrôle des nais sances.
La pilule c'est non. Et la stérilisation ? Les hommes ayant subi une vasectomie se font traiter de "châtrés", les femmes sont mal vues de leur entoura ge... Aujourd'hui, nombre d'entre elles
La récente arrestation de Fujimori, extradé par le Chili ou il se trouvait depuis deux ans, après avoir passé cinq ans au Japon, leur rendra-t-elle justice ? Les charges retenues : outre celle de crime contre l'humanité pour sa cam pagne de stérilisations, des milliers de morts : disparitions d'étudiants et d'ha bitants, notamment dans la ville andine de Huancayo, un massacre à l'univer sité de La Canuta, un autre à Barrios Altos par un escadron de la mort aux ordre de Vladimiro Montesinos, chef du service de renseignement... Et aussi le détournement de la plus grande partie des 9 milliards de dollars rapportés par la privatisation de centaines d'entre prises publiques menées sous la tutelle du FMI, le détournement de 2,3 miliards de dollars d'aide japonaise pour la construction d'écoles. Sommes fabuleuses, notamment en regard de la paupérisation d'une grande partie de la population accentuée par la récession. Nombreux sont les amis et alliés qui ont bénéficié de la manne, beaucoup sont compromis par leur participation ou leur silence. Le général Pinochet avait gardé des
les courants les plus réactionnaires se sont renforcés au sein de l'Eglise et influent le cours de la vie politique. Luis Solari et son successeur au ministère de la Santé se sont opposés et s'oppo sent à l'usage des moyens contracep tifs [accessibles financièrement aux classes aisées]. Il faut savoir que le recours aux aiguilles tue plus de 350 000 femmes par an, les plus pauvres naturellement. La pilule c'est non, mais la stérilisation, qui plus est forcée, serait moins condamnable ? Le Vatican, qui a une recette miracle contre le sida et n'hésite pas à se mêler de bio-éthique, n'a rien vu, rien entendu, rien dit. Rapports privilégiés avec les pouvoirs et silences réciproques oblige. Des Indiens, avez-vous dit ? Ils gênent, car ils crient une histoire. Depuis la "découverte" du Nouveau Monde par Christophe Colomb, ils n'ont connu que violence, esclavage, extermination. Aujourd'hui, ils sont pour la plupart marginalisés, victimes d'injustices, démunis, privés de terre. A la fin du XXe siècle, des descendants de ces Indiens défendus par Las Casas sont stérilisés. Voilà un développement que n'avait pas prévu cette figure contestataire, pro phétique et moderne. Eva Lacoste
appuis jusqu'à la fin... Le cardinal-archevêque de Lima, l'Opusien Cipriani Thome, longtemps très proche d'Alberto Fujimori et compromis à plus d'un titre, lui apportera-t-il son soutien ? Il est certain que les accusations portées contre Fujimori risquent d'avoir pas mal de retombées, et que ce n'est pas de gaîté de cour que la classe politique attend le jugement de Fujimori et les péripéties qui risquent de soulever ps mal de lièvres. Au Pérou, l'avortement est interdit et passible de poursuites, d'autant que Golias magazine n° l I8janv/février 2008 p. 17
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FOCUS)
Les Jésuites mettent le cap sur l'espérance L'élection du nouveau "Pape noir" [car en théorie la charge est "à vie" et non limitée dans le temps comme dans le cas des autres supérieurs religieux], le Général des Jésuites, Adolfo Nicolas, en remplacement du Père Kolvenbach, est unanimement interprétée comme un signe de liberté de la part des religieux face à l'intrusion pontificale et aussi comme l'hirondelle printanière d'un renouveau de l'Église, dans un sens conciliaire, évangélique et prophé tique. Avec la sainte liberté des enfants de Dieu, plus fidèle que l'obéissance servile, les fils d'Ignace de Loyola ont choisi finalement un homme qui se présente comme un "Père Arrupe bis".
Dossier coordonné par Christian Terras
Golias magazine n° 118janv/février 2008 p. 19
EDITO )
Les Jésuites mettent le cap sur l'espérance
Le nouveau patron des Jésuites Le nouveau général des jésuites a vécu pendant plusieurs dizaines d'années au Japon. Dans un article de la revue "Concilium", il résume ainsi son projet : évangéliser l'Orient "par la seule force de Dieu"
logie "Concilium". Une revue dont les positions ne concordent pas toujours avec la doctrine officielle en ce qui concerne le rapport entre le christianisme et les autres religions et cul tures.
Il y a un élément de continuité entre le père Adolfo Nicolas
Dans cet article, en effet, le père Nicolas explique que
[photo], élu nouveau préposé général de la Compagnie de Jésus, et celui qui l'a précédé de 1965 à 1983, le père Pedro Arrupe.
l'Eglise a le devoir de reconnaître "la richesse religieuse des autres religions et le salut réel et efficace qu'elles ont apporté à des milliers de générations": une thèse qui ferait froncer les sourcils à certains prélats de la congrégation pour la doctri ne de la foi.
L'un et l'autre sont nés en Espagne et ont oeuvré pendant de nombreuses années au Japon. Le nouveau général Adolfo Nicolas, 71 ans, a vécu en Extrême-Orient depuis 1964, prin cipalement à Tokyo. Il y a été pro fesseur de théologie à la Sophia University, provincial des jésuites du Japon et dernièrement, de 2004 à 2007, modérateur de la conférence des jésuites de l'Asie de l'Est et d'Océanie. Outre l'espa gnol, l'italien, l'anglais et le français, il parle couramment le japonais. Le lien qui unit les successeurs actuels de saint Ignace de Loyola à l'Extrême-Orient est fidèle aux
Mais l'intérêt principal de cet article du père Nicolas n'est pas à chercher dans les réponses qu'il donne mais dans les questions qu'il pose. Des questions générale ment ouvertes, qu'il invite à abor der avec "un esprit de service désintéressé, sans conditions, parce que Dieu seul est la force", comme il l'a dit dans sa première homélie en tant que général des jésuites, dans l'église du Gesù, à Rome, le dimanche 20 janvier. Dans cet esprit, le père Nicolas se dit prêt à affronter aussi les échecs apparents. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les
origines de la Compagnie et à saint François-Xavier, le premier grand évangélisateur de ces terres. Mais il marque aussi la volonté d'être présents sur une frontière décisive pour l'Eglise d'aujourd'hui, celle de la mission en Asie.
jésuites étaient convaincus que le Japon était un terrain fertile pour une grande expansion mis sionnaire. C'est pourquoi ils y ont envoyé des personnes de
Des cinq continents, l'Asie est actuellement le moins christianisé. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Dès les ori
Le Japon n'est pas la seule frontière critique pour le chris tianisme en Asie. Il fait cependant l'objet d'une attention crois sante de la part de l'Eglise de Rome. Exemple : la béatification, le 24 novembre 2007 à Nagasaki, du jésuite Pierre Kibe Kasui et de ses 187 compagnons martyrisés entre 1603 et 1639.
gines, l'Orient - de la Perse à la Chine en passant par l'Inde a été l'un des grands axes de l'expansion du christianisme. Dès les origines, le christianisme n'a pas été un phénomène européen exporté par la suite en tant que tel vers d'autres civilisations, mais une foi entremêlée à de nombreuses cul tures. Quelle est, sur ce sujet la vision du nouveau général des Jésuites, Adolfo Nicolas ?
premier plan. Mais de moisson de conversions à la foi catho lique, point.
Nous publions ci-après un portrait détaillé du Père Nicolas avec un large extrait de son article publié dans la revue "Concilium". Golias
Pour le comprendre, il faut relire un article qu'il a publié dans le numéro 3 de 2005 de la revue internationale de théo
p.20 Golias magazine n° Il 6 sept/octobre 2007
Les Jésuites mettent le cap sur l'espérance
FOCUS
Adolpho Nicolas, un Jésuite aux frontières du monde Originaire de Bilbao, ce dernier fut envoyé au Japon en 1938 où il vécut la tragédie de la première bombe atomique sur Hiroshima en 1945. Il conduisit avec modestie et déter mination, à la suite du Concile Vatican II, la compagnie sur le chemin d'une profonde réforme et d'une grande audace apos tolique. Élu en 1983 après une grave crise, en particulier en rai son de l'hostilité profonde de Karol Wojtyla à la ligne imprimée par le Père Pedro Arrupe, Peter-Hans Kolvenbach, homme d'ouverture en définitive, profond spirituel, maintint en substance le cap mais avec beaucoup de prudence pour ne pas s'attirer les foudres vaticanes. Le nouveau Général, s'il est un homme modeste et discret, intellectuel fin et nuancé, doté d'un grand bon sens (avec les pieds parterre !], excellent pédagogue, renouera avec l'audace apostolique et théolo gique du Père Arrupe, Espagnol comme lui. Au moins sur l'es sentiel. En outre, on lui reconnaît une grande capacité de gou verner, ce qui est en effet essentiel pour une telle charge. Le Père Nicolas connaît très bien le continent asiatique sur lequel il a exercé la majeure partie de son ministère de religieux apostolique. Ainsi, cette élection, est également une insistance sur la dimension universelle de l'Église. En tout cas, la Chine et l'Inde suivront avec une extrême attention les acti vités et les interventions du nouveau Général. Ce dernier insis te beaucoup sur une inculturation beaucoup plus audacieuse, dans une volonté d'ouverture réelle aux autres traditions spi rituelles et philosophiques. Le Père Nicolas a longtemps vécu à Manille aux Philippines avant de rejoindre le Japon. Il s'est toujours montré sensible aux enjeux sociaux. Évangéliser, c'est d'abord humaniser; et cela exige au préalable de veiller aux conditions d'une existence vraiment humaine, y compris les conditions matérielles. En se libérant de toutes les oppres sions, l'homme se rapproche de Dieu et participe à son plan de salut. Il n'y a pas à opposer le monde meilleur qui se construit sur terre avec l'horizon ultime du ciel. Au contraire, "/'/ faut agir comme si tout dépendait de nous et prier comme si tout dépendait de Dieu". Le Père Nicolas refuse toute tenta tion spiritualiste [autant que son contraire matérialiste]. D'où sa sensibilité à la théologie de la libération qui articule le com bat des hommes et la grâce de Dieu. Le Père Nicolas se présente d'abord comme un théolo gien de profession qui a consacré une bonne part de sa vie et de ses activités à enseigner cette discipline à l'université Sofia de Tokyo. Il a soutenu sa thèse de doctorat en 1971, à l'uni
versité grégorienne de Rome, sous la direction du Père Juan Alfaro, l'une des sommités de la compagnie [la même année et avec le même directeur qu'un certain... Camillo Ruini !]. Alfaro fut quant à lui l'un des théologiens d'ouverture, s'appuyant sur une culture historique exceptionnelle, proche de Karl Rahner. La thèse du Père Nicolas s'intitulait "Théologie du progrès". Il s'agit d'une étude rigoureuse sur les théologies nées après la seconde guerre mondiale et visant à relier la recherche de l'homme d'une construction meilleure de son futur avec les promesses du Seigneur. C'est au coeur de l'ac tivité humaine, de la créativité humaine, du travail, des luttes et des projets que se prépare déjà quelque chose de divin. Cette vision théologique semble rigoureusement opposée à celle d'un Joseph Ratzinger qui présente toujours les rap ports entre Dieu et l'homme sur fond de concurrence, le sens de l'histoire et du progrès étant considéré toujours assez négativement. Très proche du Père Jon Sobrino, aujourd'hui mis sur la sellette par le Saint Office, le Père Nicolas dévelop pe une approche positive des entreprises humaines et n'op pose pas la construction d'un monde meilleur à une perspec tive eschatologique. Il évite ainsi à la fois le péril de réduire le message chrétien à la limite de ce monde mais également une sorte de relecture opposée, platonicienne et tout aussi partisane et unilatérale de l'espérance chrétienne qui ignore la dimension horizontale. Veillant à préserver toujours une perspective critique, il ne sépare jamais le don de la grâce de l'intensification de la vie de l'homme, dans toutes ses dimen sions. En 1978, il publie un très beau livre sur la vie religieu se, dans le même esprit, sous le titre "Horizon de l'espérance". Dans son esprit, la pluralité des religions et des visons du monde n'a donc rien de malheureux ou de regrettable : au contraire ! Au cours d'un de ses voyages à Madrid, le Père Nicolas acheta en traduction espagnole l'un des livres du théologien Hans Kùng. Il sortit enthousiaste de sa lecture : en effet, Kung défendait l'idée d'une convergence profonde des religions s'accompagnant d'un combat humaniste souvent voisin. Grand lecteur de la Bible, le Père Nicolas se félicite de la pluralité des exégèses et est familier des considérations de Paul Ricceur sur l'herméneutique. L'engagement pour les pauvres et la défense des migrants n'a, pour le Père Nicolas, rien de superflu ou de sim plement ajouté par rapport à la foi chrétienne. Pour lui, il est de l'essence même de l'Évangile d'être une bonne nouvelle pour les pauvres et l'engagement à leur service relève donc pleinement du noyau vivant du christianisme. Il ne s'agit pas Golias magazine n
mrimsaeiùm
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Les Jésuites mettent le cap sur l'espérance
d'en faire des assistés mais de faire
même depuis qu'il n'a plus la charge de Général, lui a opposé fermement une fin de non-recevoir Pour le Pape, il s'agit d'un camouflet bien plus cruel que celui
régner la justice. Nous sommes loin d'une simple morale des bons senti ments : en s'incarnant, Dieu fait vérita blement sienne la cause des pauvres et des exclus. En s'engageant, les chré tiens ne font qu'en tirer les consé
infligé par l'Université italienne la Sapienza refusant de le recevoir. Dans le passé, les milieux conserva teurs romains empêchèrent la nomina tion du Père Nicolas comme recteur de la prestigieuse université Grégorienne de Rome, le trouvant trop progressiste.
quences. Ses collaborateurs relèvent son intelligence profonde, qui s'impose rapi dement, même si le Père répugne absolument à chercher à s'imposer ou à briller Dans les relations humaines, un, peu réservé mais chaleureux, il écoute beaucoup et se montre fort attentif aux personnes. Sur le fond, il estime qu'on peut donner une appré ciation également positive de la sécula risation et des aspirations de l'homme moderne à l'autonomie. Ce qui le place sans doute au moins en contraste avec la ligne intransigeante et anti-relativiste du Pape actuel qui semble voir en cette
Aujourd'hui, ils ont un goût amer dans la bouche, celui de leur défaite. Sans être romain, au sens habituel du terme, le Père Nicolas connaît cependant le monde romain et sait s'y montrer diplomate. En 1994, il fut secrétaire de la dernière grande congrégation avant celle qui allait le porter à la charge de Général. Il y fit preuve d'un exceptionnel esprit de syn thèse et de beaucoup d'entregent, sans
aspiration à l'autonomie la source de tous les maux et la cause d'un retour à la barbarie.
jamais pourtant entrer dans les intrigues ecclésiastiques qu'il tient jus tement en horreur. Très fidèle à ses convictions, il tient bon et fait preuve de persévérance face à l'adversité. La Curie romaine aura bien du mal à exer cer sur lui une quelconque pression.
Les évêques espagnols ne se réjouissent que modérément de cette élection, estimant sans doute que cela donne une image progressiste du clergé de ce pays, alors que nombre de prélats entendent se livrer à un véri table bras de fer avec le gouvernement
Dans la foulée du Concile Vatican II, sous la houlette du Père Pedro Arrupe, la Compagnie s'engagea résolument et audacieusement dans les voies nou velles. Pour suivre le conseil du bien heureux Père fondateur Ignace qui recommandait d'aller au fond des choses. Cette résolution inquiéta et irri ta vivement les milieux conservateurs, notamment romains, qui tentèrent de
Zapatero. Mgr Ricardo Blazquez Perez, le Président de la conférence épiscopa le, félicite le nouvel élu mais insiste sur la communion avec le Pape ! Il nous faut revenir, politique ecclé siale oblige, sur les circonstances de cette élection. Dans les coulisses, le Pape, les cardinaux Bertone, Rodé et Ruini tentèrent d'influencer les pères jésuites et de leur faire choisir comme Général un religieux aligné sur l'actuel ligne romaine. En vain. Le Pape envoya par ailleurs une lettre au Père Kolvenbach dans laquelle il les mettait en garde de ne pas quitter les rails d'une orthodoxie toute rigoureuse. En particulier dans trois domaines : le dia logue interreligieux, l'option pour les
p.22 Golias magazine n° M 6 sept/octobre 2007
pauvres de la théologie de la libération et la morale sexuelle [indissolubilité du mariage, refus du divorce et de l'homo sexualité]. Les grandes insistances défensives du Pontificat étaient toutes présentes. Avec une grande franchise et une vraie liberté évangélique, sans contourner l'obstacle, le Père Kolvenbach, comme davantage lui-
s'y opposer par bien des moyens et qui parvinrent au début des années quatrevingt à mettre la compagnie sous contrôle. Désormais, elle semble avoir pleinement recouvré sa liberté. Elle fait le choix, aujourd'hui, de l'audace [qui n'est pas la témérité inconséquente, bien entendu). Le col romain obligatoire du Général est comme corrigé par les sortes de châles exotiques colorés qu'il porte par dessus. Tout un symbole.
Les Jésuites mettent le cap sur l'espérance
Alors même que c'est un Jésuite
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construire avec lui.
espagnol de très grande ouverture qui devient Général de la Compagnie, un autre jésuite, bien plus conservateur, est ordonné évêque par le cardinal A n t o n i o M a r i a R o u c o Va r e l a , archevêque de Madrid, le Père Martinez Camino, 55 ans, pressenti un
La première démarche du Père Nicolas après son élection fut de se rendre en pèlerinage sur les lieux mêmes où vivait le fondateur à Rome. Le 25 janvier 2008, le nouveau Général a rencontré la presse. Non sans un
temps pour un poste à la Curie romaine et finalement nommé auxiliaire de Madrid. Une Église espagnole à deux vitesses ! A l'image sans doute de l'Égli se universelle mais sous une forme encore plus marquée, en raison du contexte espagnol actuel.
grand sens de l'humour, le nouveau Pape noir a accepté de se présenter aux journalistes, en toute simplicité et sans faire preuve d'impudeur, d'esprit de provocation ou d'ostentation. Loin de diaboliser la presse ou de faire preuve de défiance il a d'emblée remercié les
Les rumeurs précédant la Congrégation étaient les plus diverses : les uns évoquaient l'idée du choix d'un homme connu pour sa loyauté à l'en droit de Benoît XVI et du Vatican : les PP italiens Luigi Imoda, Gianfranco Lombardi ou surtout le Père Federico Lombardi, porte-parole du Pape; d'autres envisageaient à l'opposé la désignation de religieux eux-mêmes asiatiques comme Lisbert D'Souza ou Fernando Fernandez Franco. A savoir, l'option sans doute la plus redoutée par le Vatican. Les Jésuites restent les Jésuites : ils ont fait un choix qui pré sente toutes les qualités de celui d'un homme du tiers monde, tout en élisant un européen de souche et un homme rompu à la romanité. Du grand art, en somme ! Beaucoup prédisaient cette
élection, mais parmi eux un grand nombre redoutait que le Père Nicolas décline la proposition de devenir Général, par grande humilité. Il fut élu à une majorité simple au deuxième tour et accepta. Selon le Père José Maria de Vera, porte-parole de la Curie généralice à Rome, le nouvel élu est une "personne douce et sociable". Selon le Père Josep Benitez, professeur à l'université pontifi cale grégorienne, le choix fait est excel lent : "celui d'une ligne évangélique d'au tonomie". En Espagne, le Père Luis Lopez-Yarto, ami personnel du Père Nicolas et vice provincial de Castille relève volontiers "son intelligence, sa sensibilité et sa grande capacité pour les relations humaines". Pedro Miguel Lamet, jésuite espagnol connu pour son excellente biographie du Pape JeanPaul Il intitulée le "Pape aux deux
journalistes présents de "leur amitié et de leur regard bienveillant" sur la Compagnie de Jésus. Avec humour, il les a cependant taquinés : "je reste un inconnu et je comprends les difficultés à trouver des informations sur moi voire des trésors". Il poursuit en ces termes : "certains d'entre vous m'ont crédité de 50% de Pedro Arrupe, de 50% de Peter Hans Kolvenbach, et pourquoi pas de 10% d'Elvis Presley. J'admire Pedro Arrupe, mais je ne suis pas Arrupe et pas Kolvenbach évidemment. Les observateurs attentifs auront remarqué tout de même la dissymétrie dans le trai tement des deux hommes". Le père Adolfo ajoute : "je suis fait pour la réalité dans laquelle je suis, j'espère devenir cet homme qui aura l'habileté ou pas de répondre à cette réalité". Les observateurs relèvent pourtant ce qu'il a dit de l'Asie : "l'Asie m'a
L'heure semble être dans la
changé, elle m'a aidé à comprendre les autres et à accepter les différences" [...] "L'Asie peut enrichir l'Église universelle. Tout y est remis en cause par sa diversité culturelle et religieuse, la profondeur de sa pensée". Le Père Nicolas entend d'ailleurs s'inspirer des principes de Gandhi sur le dialogue, la charité et le bien fait aux autres. Tout un program me !
Compagnie à la satisfaction générale. Le nouveau Général est estimé et res
Reginald Urtebize
visages" [Ed. Golias] le situe très claire ment dans la ligne Arrupe. Beaucoup plus que le Père Kolvenbach. Qui pour tant, ne l'oublions pas, appuya discrète ment mais avec constance les cou rants de la théologie de la libération devenus la cible de Rome.
pecté au-delà de l'éventuelle satisfac tion idéologique d'une majorité. Quelque chose de nouveau et de solide va se
Golias magazine n° 118janv/fevrier 2008 p.23
FOCUS)
Les Jésuites mettent le cap sur l'espérance
L'article de "Concilium" du Père Nicolas
L'Asie, lieu de conversion pour le christianisme [...] La crise du christianisme en Asie n'est pas nouvelle. [...] Elle a commencé au moment même où les premiers missionnaires européens ont mis le pied en Asie. [...]
Le domaine naturel de cette crise est le domaine pastoral. A notre plus grande honte et à notre consternation, les normes et les obligations semblent occuper beaucoup plus de place dans les prédications et les directives des pasteurs
Si l'on se concentre uniquement sur les temps modernes,
que la joie, l'espérance et la liberté. L'apprentissage des doc trines [souvent totalement incompréhensibles et rarement
François Xavier a fait naître une crise pour le christianisme lorsqu'il a ouvert un dialogue avec les bonzes bouddhistes au Japon. Par la suite, elle a été encore approfondie par Valignagno, Ricci, Ruggieri, de Nobili et tant d'autres, qui vou laient vraiment impliquer la culture, la religiosité et la com munauté locale, tous ont fait naître une crise qui a parfois dépassé la situation locale et touché l'Eglise toute entière. [...] Dans ce genre de crise, nous ne sommes plus juges, nous sommes jugés. Non pas parce que les autres cherchent à nous juger, mais parce qu'en leur présence, nos propres mots reviennent pour nous juger. L'autre nous juge en écou tant notre message et en confirmant sa profondeur, sa capa cité à nous inviter à changer. L'autre nous juge en prenant nos paroles au sérieux et en devenant un témoin de notre vie. L'autre nous juge en nous forçant à garder vivantes les ques tions les plus profondes, en empêchant les mots d'em brouiller la réalité. Quand l'autre est accueilli avec amour et respecté dans son intégralité, nous ne pouvons pas éviter de nous sentir incités à nous demander à quel point nous sommes d'authentiques chrétiens et d'authentiques dis ciples. [...] La crise s'atténue à chaque fois que nous sommes bénis par l'existence de personnes saintes comme Mère Teresa ou de nombreux autres chrétiens qui donnent leur vie pour le bien des autres. Mais d'autres religions comptent également des milliers de personnes - connues ou inconnues - qui vivent une vie de compassion et de service. [...] En Asie, nous sommes dans une situation de crise parce que notre message n'est pas rendu visible par notre vie. L'Evangile de la miséricorde et de la réconciliation est nié par notre incapacité à nous réconcilier [...]. La joie et la simplicité du pardon et du service ont fait place à un système compliqué de contrôles et de règlements qui éloignent l'Evangile des per sonnes. Dans les Eglises occidentales ou plus anciennes, on a la possibilité d'expliquer comment et pourquoi certaines de ces anomalies se sont développées. Mais, dans une conver sation à cœur ouvert avec des personnes d'autres religions en Asie, ces mêmes explications provoquent seulement l'étonnement et la déception.
intéressantes] prend plus de place que la communion, le ser vice ou l'hospitalité. [...] Le travail pastoral est une invitation permanente à faire le vide pour être "réceptifs" vis-à-vis d'autrui, avec ses préoccu pations, ses joies, ses questions, ses découragements ou ses espérances. La relation entre service et vide intérieur est per tinente à tel point que saint Paul n'hésite pas à l'appliquer à Jésus Christ dans de nombreuses lettres. C'est aussi une relation qui a tout son sens dans la tradition de l'Asie boud dhiste. C'est pourquoi, lorsqu'en Asie, nous choisissons de devenir un pasteur à succès, plutôt qu'un pasteur qui fait le vide intérieur et se donne lui-même, nous perdons quelque chose de notre nature dans le Christ. Nous sommes en crise. La crise est tout aussi profonde en ce qui concerne la théologie. Les religions d'Asie - en particulier le bouddhisme - constituent un défi permanent pour chaque terme théolo gique que nous utilisons. Elles remettent en question la "clarté" supposée de nombre de nos affirmations et de nos explications. Fondamentalement parce que c'est une clarté sans transparence, qui explique mieux les concepts et les définitions que la vie, dans toutes ses douleurs et toutes ses joies. Le sens critique envers le langage religieux n'est pas spécifiquement asiatique. Dans un de ses écrits sur la foi chrétienne, le cardinal Ratzinger affirmait, il y a quelques années, que "toutes les affirmations théologiques n'ont qu'une valeur approximative" ou quelque chose d'analogue. Cette affirmation sage et inspirée trouverait dans les religions d'Asie son approbation la plus profonde et son interprétation la plus radicale. En même temps, les penseurs asiatiques, imprégnés de leurs propres traditions religieuses, continuent à s'étonner de l'ambiguïté et de la légèreté avec laquelle nous utilisons des termes aussi centraux et importants tels que "salut", "foi", "libération", etc. Un certain type de théologie s'est imposé dans nos séminaires, bien éloigné de la vie des gens en Orient et en Occident. Un éloignement qui redouble quand la théolo gie est utilisée en Asie comme s'il s'agissait du "sens com mun catholique". C'est un langage en tension, en conflit, en désaccord avec d'autres langages, d'autres images, d'autres
Les Jésuites mettent le cap sur l'espérance
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ses propres structures pour obéir à l'Esprit du Christ qui lui a parié lors du Concile Vatican II. C'est pourquoi l'Eglise
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apparaît souvent incohérente en Asie et elle provoque parfois l'étonnement et la déception. Si nous étions conscients de la crise que nous traversons actuel lement, nous reconsidérerions notre style, notre langage et nos célébrations, dans la recherche d'une plus grande harmonie.
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L'Asie n'arrivera jamais à com
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prendre comment une Eglise "humble" peut négliger aussi facilement les "autres voies de salut" ou les juger "infé rieures à la nôtre". L'Asie, avec ses saints et ses mystiques, ses témoins et ses fidèles héroïques, ne comprendra
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perceptions, d'autres symboles et d'autres expressions religieuses qui ont donné une direction, un sens et une espérance à des millions de personnes. En voulant rester fidèle à la méthodolo gie des questions académiques occi dentales, cette théologie n'a pas su intégrer des connaissances sérieuses et des formes de sagesse religieuse plus porteuses de liberté, impossibles à systématiser, de manières de faire le vide radicalement, de non-dualisme et de transcendance. [...] Les vrais maîtres spirituels de tous les temps sont plus enclins à montrer les voies qui mènent à Dieu qu'à répondre à des questions concernant Dieu. L'Asie a produit une richesse incroyable de ces "voies". La recherche de la sagesse ou de la divinité est très concrète, et les maîtres continuent à guider les personnes dans leur voyage spirituel. C'est dans ce contexte que nous autres chrétiens devons penser et reconsidérer nos pratiques, depuis les simples prières jusqu'aux célébra tions sacramentelles. Quelle est la "voie" chrétienne dans les pays d'Asie ? La crise de nos pra tiques spirituelles, données comme bien établies, devrait être une invitation à redécouvrir leur inspiration authen tique [...]. L'Eglise doit revenir à sa posi
tion d'humilité sur le plan du salut. Comme toutes les médiations humaines, elle est sujette à la loi de la croissance et de la décadence, du péché et de la grâce, de la mort et de la résurrection. Faire comme s'il en allait autrement, c'est se tromper soi-même, c'est renier la croix et la condition de serviteur que Jésus a assumée pour toutes ces personnes [et ces institu tions] qui veulent le suivre jusqu'à la fin. En Asie, l'Église a souvent été pauvre, persécutée en de nombreux endroits et pendant de longues périodes, elle est restée sans aucun pouvoir et presque invisible dans beaucoup de pays... Beaucoup d'évêques et d'autres figures religieuses en Asie étaient heureux de cette existence humble de l'Eglise. Voilà l'image de l'Eglise du Christ qui a le plus de sens en Asie : une Eglise qui s'adap te à la pauvreté des masses et à l'ac cueil - sans discrimination - de l'espé rance. Cependant, ce n'est pas l'image que nous, "ecclésiastiques", communiquons le plus clairement. Il y a une soif de visi bilité, d'influence, de différentes formes de pouvoir [y compris, tout spéciale ment, le pouvoir "spirituel"], de succès visible, qui déprécie la joie d'accompa
jamais comment une Eglise née de l'Evangile et guidée par l'Esprit de Jésus-Christ peut pratiquement igno rer la richesse religieuse des autres religions et le salut réel et efficace qu'elles ont apporté à des milliers de générations. [...] Nous devons reprendre le voyage pascal par lequel on fait le vide en soimême ; c'est notre seule possibilité de rencontrer le Christ souffrant dans le pauvre d'Asie, dans les victimes de mil lénaires de tremblements de terre, de tsunamis, d'oppression et d'injustice. Le vide à faire en nous-mêmes va jusqu'à nos concepts, à nos théologies, aux ins titutions, aux mondes théoriques ou de dévotion. Aloysius Pieris parle d'un nou veau baptême dans la religiosité asia tique et de la croix de la pauvreté asia tique. [...] Exactement comme Jésus qui "de riche est devenu pauvre afin que nous puissions participer à sa riches se". Plus tôt nous accueillerons la crise et nous progresserons en compagnie de T'Esprit créateur", mieux ce sera. Adolpho Nicolas
gner le Christ dans la pauvreté et l'hu milité. L'Eglise a été très réticente à ouvrir ses propres portes et à changer Golias magazine n° ! Î8janv/fevrier 2008 p.25
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Le nouveau Constantin Dossier réalisé par Christian Terras Golias magazine n° 118janv/février 2008 p.27
L ' E N Q U E T E Sarkozy, le nouveau Constantin
L'incroyable discours du Président Sarkozy au Latran Comme beaucoup de chefs de l'Etat français avant lui, Nicolas Sarkozy s'est rendu à Rome, au Vatican. Ce sont d'habitude des événements mineurs dans l'histoire récente de notre pays. Certes, la télévision ou cer tains journaux aiment ce genre d'événements pittoresques : la République engoncée dans ses costumes austères saluant une Eglise qui ressemble à un conservatoire des fastes, costumes, rites et pratiques d'un autrefois princier... Cette fois ci pourtant il s'est passé quelque chose d'important. Sur le plan symbolique le recours à une tradition a dû plaire au Président de la République : son intronisation comme cha noine d'honneur de St Jean de Latran avait un caractère média tique et people comme il adore ! Mais le folklore a servi de cadre à une prise de parole présidentielle que l'Obsen/afo/'re Chrétien de la Laïcité a tout de suite jugée « effarante ». Effarante oui, mais surtout très inquiétante pour ce qu'elle peut indiquer comme évolution des rapports entre l'Etat, la société française et la Religion, notamment le catholicisme. Mais tentons déjà de situer le contexte politico-religieux de cette rencontre d'un certain type. A qui s'est donc adressé Mr
Sarkozy, président élu par des Français de toutes convictions, religieuses ou non, quand il s'est adressé au Pape, aux digni taires et clercs de St Jean de Latran et à l'Eglise catholique à travers eux ? Est ce au responsable spirituel d'une grande religion ? Mais alors quels sont les rapports à établir en ce cas entre un chef d'Etat d'un pays démocratique et pluraliste et un respon sable religieux ? Certainement pas cette forme très constantinienne dans laquelle se coule le discours du président français. L'empereur Constantin affirmait : « La providence divine agit de concert avec moi ». Il faut se souvenir que le premier empe reur chrétien, quoique non encore baptisé, se comparait lui même à un « évêque du dehors » (voir nos articles à ce sujet plus loin] et n'hésitait pas à envoyer des lettres très épiscopales à ses frères évêques (tout en maintenant la primauté de l'Empereur sur l'Eglise, ce qui ne fut pas le cas de ses succes seurs], Nicolas Sarkozy n'est désormais que chanoine d'hon neur ! Mais comme il estime que la vocation sacerdotale est « l'appel d'une force irrépressible qui vient de l'intérieur », il sou tient être lui aussi « appelé » : « Sachez que nous avons au moins une chose en commundit il au Latran aux séminaristes français : c'esf la vocation. On n'est pas prêtre à moitié, on l'est dans toutes les dimensions de sa vie. Croyez bien qu'on n'est pas non plus Président de la République à moitié. Je comprends que vous vous soyez sentis appelés par une force irrépressible qui venait de l'intérieur, parce que moi-même je ne me suis jamais assis pour me demander si j'allais faire ce que j'ai fait, je l'ai fait. Je comprends les sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi-même je sais ceux que j'ai faits pour réaliser la mienne. » (sic !] En réalité si le président de la République reçoit le pape ou si le pape reçoit le président de la République ce n'est pas une ren contre d'ordre privé entre deux personnes de convictions
p.28 Golias magazine n° 118janv/février 2008
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
iroches ou éloignées, un débat interpersonnel où les convieions des uns et des autres s'échangent, s'affrontent, se ■econnaissent. Ce n'est pas non plus une consultation par le 3ouvoir politique d'un représentant d'un groupe de conviction jarmi d'autres, consultation qui peut être utile pour connaître a diversité du champ socio- culturel dans lequel l'Etat légifère selon les procédures démocratiques dans l'intérêt général. C'est clairement une rencontre entre chefs d'Etat. Clairement ? Peut être pas tant que ça ! En effet un président élu démocratiquement - c'est le cas je Nicolas Sarkozy qui rencontre un monarque absolu qui joue sur la confusion permanente entre son ministère religieux et sa fonction étatique. Il y a des siècles que dans son ouvrage ( Le Prince »' Machiavel louait ironiquement et cyniquement e pape de rassembler sur sa personne le pouvoir religieux absolu et le pouvoir princier absolu. Le Vatican a perdu son pouvoir princier absolu à la mode je l'Ancien régime faute de moyens temporels pour le mainteiir autrement que dans le faste des cérémonies et ambas sades, Le Saint Siège désigne en théorie l'autorité « spirituele » du Pape. Mais ce même Pape exerce en tant que Chef de 'Etat de la Cité du Vatican un pouvoir politique et diplomatique }ui lui permet de jouer sur la confusion politico-religieuse. Depuis Rome, avec l'aide des multiples réseaux des services de la Curie et des institutions locales de la hiérarchie épisco:ale (la COMECE en Europe] ou de certaines associations et nstituts catholiques plus ou moins soumis à Rome, s'exerce jne activité diplomatique et un lobbying international intenses
La France, fille aînée de l'Église « Ainsi, Dieu choisit la France de préférence à toutes les autres nations de la terre pour la protection de la foi catho lique et pour la défense de la liberté religieuse. Pour ce motif, le royaume de France est le royaume de Dieu ; les ennemis de la France sont les ennemis du Christ. De même qu'autrefois la tribu de Juda reçut d'en- haut une bénédiction toute spéciale parmi les autres fils du patriarche Jacob ; de même le Royaume de France est audessus de tous les autres peuples, couronné par Dieu luimême de prérogatives extraordinaires. » La tribu de Juda était la figure anticipée du royaume de France » Grégoire IX, Lettre à Saint Louis cité par Pie X, discours pour la béatification de Jeanne d'Arc, 13 décembre 1908. » « Vous direz aux français, continue Pie X, qu'ils fassent tré sor des testaments de saint Remy, de Charlemagne et de saint Louis, ces testaments qui se résument dans les mots si souvent répétés par l'héroïne d'Orléans : "Vive le Christ qui est Roi des Francs !" A ce titre seulement, la France est grande parmi les nations ; à cette clause, Dieu la protégera et la fera libre et glorieuse ; à cette condition, on pourra lui appliquer ce qui, dans les Livres Saints, est dit d'Israël : que personne ne s'est rencontré qui insultât ce peuple, sinon quand il s'est éloigné de Dieu. Ce n'est pas un rêve, mais une réalité ; je n'ai pas seulement l'espérance, j'ai la certitude du plein triomphe.»
qui ne manquent pas d'efficacité, malgré les divisions internes de l'épiscopat et de l'opinion catholique.
Pie X, à Mgr Touchet, évêque d'Orléans, lors de la lecture du décret de béatification de Jeanne d'Arc, 13 décembre 1908.»
Or, dans son discours, Nicolas Sarkozy, par conviction per sonnelle ou réflexe courtisan, mais certainement pas en prési dent élu d'une nation pluraliste, flatte les opinions les plus tra ditionalistes de Benoît XVI et sa cour. Plus précisément son discours mis en scène comme une dissertation de classe ter minale est composé d'une introduction, de trois parties et d'une conclusion.
divers, conflictuel souvent et que le catholicisme est loin d'être homogène et toujours le même à travers les siècles ! L'histoire de la naissance et de l'extension de la France (non « notre
Les trais parties sont fondées sur le schéma pseudo- hégé lien de Thèse : historiquement la France est la fille aînée de l'Eglise ; Antithèse : historiquement la France a une forte tra dition laïque ; Synthèse (?) : il faut donc passer à une laïcité positive Qu'on s'entende bien. Nul ne disconviendra que la France et l'Europe aient dans leur culture des apports chrétiens. Mais ces apports doivent être relativisés d'autant plus que ce qu'on
pays » ne s'appelait pas autrefois la Gaule, il n'existait pas) et de la naissance et de l'extension de l'Europe (non, Jean Paul II, Charlemagne n'était pas empereur chrétien de l'Europe chré tienne - au sens actuel de l'Union Européenne] est loin d'être simple et les facteurs historiques sont nombreux. On citera seulement et très schématiquement, que l'on me pardonne de nombreuses omissions involontaires, parmi d'innombrables apports historiques, les sources bibliques avec leurs multiples interprétations [sans oublier les richesses millénaires de la pensée juive], les sources évangéliques, la philosophie grecque, le droit et l'impérialisme romain, les sources celtes, germa niques.
appelle christianisme est lui même historiquement multiple,
Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.29
L'ENQUETE Sarkozy, le nouveau Constantin
La société et l'impiété « Le temporel a besoin du spirituel car, disait on, si l'on ne rendait pas à la divinité le culte convenable, l'avenir politique de l'Empire n'était pas assuré. Constantin l'écrit en ces
vernent point. ; et leurs Etat ont beau ne pas être défendus, on en leur ôte point ; et leur sujets ont beau ne pas être gouvernés, ceu> ci ne s'en soucient pas, ni ne pensent ni ne peuvent se soustraire à leur gouvernement. Seules donc ces principautés sont sûres et heureuses... Mais comme elles sont créées et maintenues par
propres termes au gouverneur d'Afrique [Lettre à Anullinus dés 313 chez Eusèbe "Histoire ecclésiastique")
Dieu, il serait présomptueux et téméraire d'en discourir. Néanmoins [je souligne] si quelqu'un me demandait comment il se
C'était là l'expression naive d'un profond malaise qu'on ne savait pas exprimer, le malaise devant l'idée d'une société sans religion » (Paul Veyne "Quand notre monde est devenu chrétien", Albin Michel p171]
peut faire que l'Eglise soit devenue si grande et si puissante au temporel...etc. » Suit toute une analyse de la politique réelle [guerrière entre autres] de la papauté du temps de Machiavel. La traduction est de l'historien Paul Veyne. On n'oubliera pas le rôle intellectuel primordial, au Moyen
« Que disparaisse l'impiété, que les discordes et dissensions, porteuses de troubles et de mort, soient apaisées, car elles violentent, déchirant, détruisant l'alliance voulue par Dieu qu'est la société humaine, le pacte collectif. » (Constantin d'après Lactance "De la colère divine" XXXIV 12).
âge et aujourd'hui, des philosophies et théologies musulmanes. On rappellera que le christianisme lui même est divers, qu'il se divise historiquement avec les courants très riches de la Réforme protestante. On n'omettra pas de dire que l'Europe des Lumières, la modernité et aujourd'hui la post modernité se sont élaborées en certains cas dans une tradition biblique et
Dans le chapitre XI du Prince, Machiavel commence par faire l'éloge ironique de l'idéologie politico-religieuse dominante à Rome. Les principautés ecclésiastiques, écrit il, (les Etats du
évangélique souvent revue et repensée à la lumière des idées nouvelles, mais aussi et surtout dans une opposition fréquente et renouvelée avec l'Eglise catholique, presque toujours et par tout hostile à toutes les formes de pensée créatrice qui remet trait en cause la formulation de ses dogmes, ses structures de
pape] « sont soutenues par leur grande ancienneté qui est dans les Institutions de la religion, lesquelles sont si puissantes et de telle nature, que leur princes restent en place, de quelque sorte qu'ils se comportent et qu'ils vivent. Ceux-là seulement ont des territoires et ne les défendent pas, ils ont des sujets et ne les gou
pensée et son type d'organisation séculaires. On ne saurait écarter l'apport de l'agnosticisme, de l'athéis me à la culture européenne et à la liberté de conscience et d'ex pression, à I' émancipation des femmes, aux droits de l'homme en général, bases de la vie démocratique et de la laïcité... Un historien comme Paul Veyne nous donne une leçon de rigueur en ce domaine : « L'Europe n'a pas de racines, chré tiennes ou autres, elle s'est faite par étapes imprévisibles, aucune de ses composantes n'étant plus originelle qu'une autre. Elle n'est pas préformée dans le christianisme, elle n'est pas le développe ment d'un germe, mais le résultat d'une épigenèse\ Le christia nisme aussi du reste » [Quand notre monde est devenu chrétien p 267-68] Voilà donc ce qu'un président démocratiquement élu par des gens de convictions différentes aurait dû avoir à cœur de rappeler au pape : la riche diversité qui constitue l'identité française, identité elle même évolutive, s'enrichissant de mul tiples apports extérieurs et créativités internes. Il aurait pu dire au pape qu'il respectait en tant que Chef de l'Etat la liberté de conscience, de culte, d'expression des croyants et des incroyants et se refusait à faire, comme il l'a fait^ l'apologie d'un certain national-catholicisme. Il aurait pu lui dire que la laïcité consiste à respecter la liberté de conscience des personnes et de culte des religions, ainsi que l'expression de toutes les convic tions dans la société civile. Ce qui implique la séparation rigou-
Le baptêmede Clovis
p.30 Golias magazine n° l I8janv/février 2008
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Sarkozy, le nouveau Constantin
euse de l'Eglise et de l'Etat Mais son discours s'engage sur une oute autre voie : « C'est par le baptême de Clovis que la France ist devenue Fille aînée de lEglise. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des ■onséquences importantes sur le destin de la France et sur la '.hristianisation de l'Europe. )f Ce que Nicolas Sarkozy présente comme l'exposé de faits îistoriques est en réalité une lecture idéologique de l'histoire de Tance et d'Europe. Le slogan « France, fille aînée de l'Eglise » îxprime des choix purement politiques [d'alliance du Sabre et du Boupillon] , choix repris au 19ème et 20ème siècle par tout ce \u"\\ y a de plus réactionnaire tant dans l'Eglise que dans les opiîions politiques de droite et d'extrême droite [Voir encadré sur se point]. Puis le président de la république évoque une galerie de saints français : « Saint Bernard de Clairvaux, saint Louis, saint /incent de Paul, sainte Bernadette de Lourdes, sainte Thérèse de Jsieux, saint Jean-Marie Vianney, Frédéric Ozanam, Charles de zoucauld » La plupart sont « connus » par des statues de slâtre de style saint sulpicien dans nos églises et par de pieuses égendes, plus que par la vérité de leur vie. Ils sont aussi parmi es plus souvent instrumentalisés par les catholiques traditionaistes pour justifier leurs conceptions de la Foi. Puis sont cités quelques créateurs dans les domaines litté raire, musical, philosophique... Le choix est assez habile pour snumérer quelques créateurs d'inspiration assez diverse : « de Zouperin à Péguy, de Claudel à Bernanos, Vierne, Poulenc, Duruflé, Mauriac ou encore Messiaen... Biaise Pascal, Jacques Bénigne Bossuet, Jacques Maritain, Emmanuel Mounier, Henri de lubac, René Girard ». Mais l'audace littéraire et théologique, /oire musicale, reste pour le moins limitée ! Nicolas Sarkozy site avec une fierté patriotique l'École biblique de Jérusalem. Vlais Renan ou Loisy [pour ne citer qu'eux] ou des exégètes Dibliques moins orthodoxes sont soigneusement écartés. Jéloge appuyé à Jean-Marie Lustiger n'est évidemment pas neutre...« J'ai tenu à participer à ses obsèques car aucun Français n'est resté indifférent au témoignage de sa vie, à la force de ses écrits, au mystère de sa conversion. Pour tous les catho liques, sa disparition a représenté une grande peine » Tous, vrai ment ? En définitive, les « racines culturelles » de la France « chrétienne » sont ici bien maigres, malgré la valeur intrinsèque incontestable des personnes et des oeuvres citées. Nicolas
Constantin « réunissait dans son palais ses courtisans pour leur faire écouter les sermons qu'il leur faisait et leur enseigner le christianisme. Il occupait une position inédite qui ne pouvait être que celle du souverain, il se conduira bientôt comme une sorte de « président » de l'Eglise » avec laquelle il a des rapports d'égal à égal ; il veut bien appeler les évêques « mes chers frères », mais il n'est pas leur fils. » Paul Veyne "Quand notre monde est devenu chrétien" Albin Michel p151-152
aussi ignorés ceux qui ne sont pas en odeur de sainteté sous les plafonds de la basilique St Jean de Latran ou tout simplement ceux que veut ignorer le président ou son « nègre » [voir plus loin notre article sur les "nègres" du président], La France évo quée par Sarkozy est une France très appauvrie, très étri quée. Une France réduite au minimum moins que vital de sa culture. Une France fausse, qui n'a jamais existé. Mais peu importe car toute cette imagerie converge vers le tableau glo rieux d'un président reçu au chapitre de St Jean de Latran.
Sarkozy s'en tient à des chrétiens bien notés (aujourd'hui] à Rome. Les grands génies de la pensée française, catholiques,
«Et puis il y a bien sûr cette tradition qui fait du Président de la
protestants, orthodoxes, juifs, musulmans, agnostiques, athées... sont ignorés...ainsi que tous ceux dont la pensée contesterait la thèse d 'une France catholique homogène. Sont
République française le chanoine d'honneur de Saint-Jean de Latran. Saint-Jean de Latran, ce n'est pas rien. C'est la cathédra le du Pape, c'est la « tête et la mère de toutes les églises de
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Sarkozy, le nouveau Constantin
Rome et du monde », c'est une église chère au cœur des Romains. Que la France soit liée à l'Eglise catholique par ce titre symbolique, c'est la trace de cette histoire commune où le christianis me a beaucoup compté pour la France et la France beaucoup compté pour le christianisme. Et c'est donc tout naturellement, comme le Général de Gaule, comme Valéry Giscard d'Estaing, et plus récemment Jacques Chirac, que je suis venu m'inscrire avec bonheur dans cette tradition. » Notons que les présidents de la République ont négligé ce « privilège » jusqu'à René Coty. Sous la cinquième République Georges Pompidou et François Mitterrand ne se sont pas rendus à ce « grand rendez vous » !!! Je ne crois pas que la France en ait souffert ! La France fille aînée de l'Eglise est présentée sans la moindre critique. Tout y est beau, tout est admirable. Pas la moindre critique historique. Il n'en est pas de même quand il s'agit de rappe ler que « la laïcité est un fait incontournable dans notre pays ». D'emblée, dit le président, son
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L A S É PA R AT I O N
Séparons-nous. ~ Jo gurcl© vos biens. .32 Golias magazine n° 118 janv/février 2008
expression puis sa concrétisation juridique par la loi de 1905 plonge les catholiques dans la souffrance. En réalité, ajoute-t-il, c'est dans la fra ternité des tranchées de 1914-18 que la vraie tolérance est apparue et non grâce à la loi de
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
1905 votée, selon lui, dans un climat d'intolérance. Objectons : ,la guerre de 1914-18 a permis de dépasser en effet certains aux clivages, il ne faut pas confondre la tolérance qui est à la Dis une condition et un effet de la laïcité juridique avec la laïcité somme garantie légale des droits de l'être humain. La reconsruction idéologique des faits historiques est patente. On a pourant assez rappelé en 2005 les conditions sociales dans les
« racine » « Arracher la racine, c'est perdre la signification, c'est affaiblir le ciment de l'identité nationale. » Voilà qui ne lais se pas d'inquiéter quant à la conception de l'identité nationale
quelles a été votée la Loi de 1905, comment elle est apparue somme une loi de modération défendue par Jean Jaurès et \ristide Briand, par des députés protestants, des catholiques
Cette dernière partie de l'allocution présidentielle est sans doute la plus effarante des trois. Nicolas Sarkozy troque le cos tume de président de la République pour le camail tout neuf du chanoine. Tente-t-il de jouer la partition d'une certaine
sussi, contre des extrémistes antireligieux ou des religieux inté gristes qui se disputaient en effet intensément ! En ces temps sn parlait fort et sans prendre de gants : l'anticléricalisme pou/ait être antireligieux et intolérant mais ses excès étaient nour ris par les positions réactionnaires et totalitaires d'une Eglise satholique fortement influencée par des royalistes absolutistes 3t des antisémites. Une partie de l'épiscopat était néanmoins Drête à jouer le jeu C'est le pape Pie X qui a fait échouer dans jn premier temps l'adhésion possible de l'Eglise à cette Loi dont jn article avait été prévu spécialement pour elle !4. L'histoire -evue et corrigée par Nicolas Sarkozy est celle de ceux qui pen sent dans la hiérarchie catholique ou les milieux de droite que la :rance de la loi de séparation n'est pas laïque mais « laïciste » Ensuite Nicolas Sarkozy semble admettre que dans la société française pluraliste d'aujourd'hui laïcité rime bien avec iberté. Mais quelle liberté ? Dans une rhétorique faussement symétrique le président laisse perplexe quant à sa conception du service public de l'Education : « C'est pourquoi le peuple français a été aussi ardent pour défendre la liberté scolaire que oour souhaiter l'interdiction des signes ostentatoires à l'école »4. Dans l'article 4 de la Loi de 1905 il y a, délibérément glissé entre deux virgules, l'idée suivante : les biens...etc. destinés au culte seront transférés, dans un délai d'un an, « aux associations cultuelles qui se seront formées, en se conformant aux règles d'or ganisation générale du culte dont elles se proposent d'organiser l'exercice ». Ce qui permettait à l'Eglise catholique de mettre en place des associations en fonction des principes traditionnels selon lesquels rien n'existe officiellement comme catholique si l'évêque n'en est pas président.
qui anime le ministère du même nom !!! Il reprend le terme de racines au pluriel dans la suite, mais toujours en ne retenant que les sources « chrétiennes » de l'identité nationale.
Amérique prête à élire un prêcheur ? Ce qui suit est d'abord une exhortation spirituelle ! Quelques références au sermon du chanoine Nicolas doi vent être faites sans quoi mes affirmations risqueraient d'être incroyables. On trouve d'abord un éloge de l'encyclique de Benoît XVI sur l'Espérance. Nicolas Sarkozy souligne, comme le pape, l'échec des Lumières, de la démocratie, des sciences, des idéologies totalitaires [« que je ne mets évidemment pas sur le même plan » précise t il quand même !]... à nous fournir l'Espérance. Et surtout note notre bon Apôtre nos petites et grandes espérances : « ne savent pas expliquer ce qui se passe avant la vie et ce qui se passe après la mort » Et de citer encore Benoît XVI : « Si nous ne pouvons espé rer plus que ce qui est accessible, ni plus que ce qu'on peut espé rer des autorités politiques et économiques, notre vie se réduit à être privée d'espérance ». Beaucoup des questions que pose Nicolas Sarkozy sont légi times. Elles sont l'objet de débats entre théologiens, philo sophes., croyants et incroyants. Nicolas Sarkozy a le droit d'avoir ses convictions religieuses et métaphysiques. Mais ce sont les siennes. Ce ne sont pas celles de tous les Français. Ce ne sont pas celles de l'Etat français. Gomme il en a l'habitude dans bien d'autres domaines notre président a supprimé toutes les frontières entre sa vie privée et ses fonctions offi cielles. Il est en représentation. Il s'exhibe.
Rappel évident de la querelle autour du préambule du Traité constitutionnel. L'actuel président rompt avec Jacuqes Chirac et Lionel Jospin. Il rejoint très explicitement les thèses de Rome.
Bien entendu la politique ressurgït au cœur même du ser mon. Mais alors la thèse que présente Nicolas Sarkozy remet très sérieusement en cause l'idée même de laïcité. Il faut s'y attarder un peu. Exposé des motifs : « La République laïque a sous-estimé l'importance de l'aspiration spirituelle » Si je présen te les insuffisances qui s'en suivent selon le Chef de l'Etat dans le domaine des relations entre la République et l'Eglise catho lique, se tracent les linéaments d'une politique quasiment concordataire :
En pleine cohérence avec sa vision étriquée de l'histoire de France, il ne considère dans une phrase révélatrice qu'une seule
La République doit être bienveillante avec les religions, insti tutionnaliser un dialogue régulier déjà pratiqué avec les religions
Arrivé à ce point Nicolas Sarkozy affirme que la laïcité reste « menaçante » : « Elle n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n'aurait pas dû »
Golias magazine n
L'ENQUÊTE Sarkozy, le nouveau Constantin
[catholicisme avec les Evêques-lslam dans le cadre du conseil français du culte musulman sont des exemples), supprimer la tutelle sur les congrégations, reconnaître le caractère cultuel du caritatif et des moyens de communication des Eglises (pour mieux subventionner le cultuel en général en l'assimilant au cul turel ?] reconnaître la valeur des diplômes de théologie de l'en seignement supérieur catholique... Rappelons à cet égard que le rapport Machelon (lui aussi dans la délégation qui accompagne le président au Vatican] propose de subventionner les Eglises et Institutions religieuses en les déclarant d'utilité publique avec tous les avantages financiers afférents . C'est en tout cas bien l'esprit dans lequel se situe Nicolas Sarkozy. Suit ce couplet passéiste pour faire pleurer dans les chaumières : « La désaf fection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de prêtres, n'ont pas rendu les Français plus heureux. C'est une évidence » Mais dira-t-on n'y a t il pas une morale et une spiritualité laïque ? Sans doute, dit notre benoît chanoine Mais « la morale laïque risque toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n'est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini. Ensuite parce qu'une morale dépour vue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux
la fidélité aux sacrements, la lecture de la Bible et la prière, vous permettent de surmonter ces épreuves. » (De quoi je me mêle ? voir encadré] C'est dans ce contexte qu'intervient la fameuse déclaration sur la vocation présidentielle citée au début de cet article. Je veux enfin souligner deux passages. L'un au début, l'autre à la fin de son discours :
contingences historiques et finalement à la facilité »
Au début en rappelant que Benoît XVI doit venir en France en 2008 : « En tant que Président de tous les Français, je suis
Nicolas Sarkozy a un grand ancêtre concordataire, Napoléon 1er qui disait « Nulle société ne peut exister sans mora le. Il n'y a pas de bonne morale sans religion. Il n'y a donc que la
comptable des espoirs que cette perspective suscite chez mes concitoyens catholiques et dans de nombreux diocèses » Le Président de la République sort de sa fonction en se faisant le
religion qui donne à l'Etat un appui ferme et durable ».
porte-parole des catholiques ou de quelque conviction religieuse ou philosophique que ce soit. Surtout quand il présente tous les
Un peu plus tard Nicolas Sarkozy osera cette phrase que méditeront sans doute les enseignants du service public laïque, mais aussi, je pense, beaucoup d'enseignants laïcs de l'école confessionnelle, quelles que soient leurs convictions person nelles : « Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s'il est important qu'il s'en approche, parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifi ce de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espéran ce » Juste avant il s'était tourné « vers ceux d'entre vous qui sont engagés dans les congrégations, auprès de la Curie, dans le sacerdoce et l'épiscopat ou qui suivent actuellement leur formation de séminariste. Je voudrais vous dire très simplement les senti ments que m'inspirent vos choix de vie. Je mesure les sacrifices que représente une vie toute entière consacrée au service de Dieu et des autres. Je sais que votre quotidien est ou sera parfois tra versé par le découragement, la solitude, le doute. Je sais aussi que la qualité de votre formation, le soutien de vos communautés,
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catholiques unanimes derrière le Pontife romain. Et à la fin, il fait « mémoire des moines de Tibhérine et de Monseigneur Pierre Claverie, dont le sacrifice portera un jour des fruits de paix, j'en suis convaincu. L'Europe a trop tourné le dos à la Méditerranée alors même qu'une partie de ses racines y plon gent et que les pays riverains de cette mer sont au croisement d'un grand nombre d'enjeux du monde contemporain. J'ai voulu que la France prenne l'initiative d'une Union de la Méditerranée... » Je suis scandalisé par l'instrumentalisation des moines de Tibhérine et de Mgr Claverie pour promouvoir un objectif poli tique qui n'était pas le leur et pour lequel ils n'ont pas donné leur vie même si un citoyen peut considérer l'objectif d'une Union de la Méditerranée comme positif dans ses intentions. Cela dit cette analyse politique que je ne fais qu'indiquer, il revient aux citoyens des pays méditerranéens dont la France de la faire et elle ne concerne pas les rapports entre le président de la République Française et le Vatican.
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
La référence à son livre "La République, les religions et Espérance", l'apologie systématique de la supériorité de la lensée religieuse sur une pensée agnostique, athée ou simplenent laïque laissent à penser que le concept de laïcité positive le Sarkozy rejoint le concept de « saine » laïcité défini par Jean Paul II dans sa "Lettre aux évêques de France" en 2005 La séparation y était présentée comme une distinction pernettant une collaboration entre deux pouvoirs : le pouvoir
Or le défunt pape précisait : "La non-confessionnalité de l'Etat, qui est une non-immixtion du pouvoir civil dans la vie de l'Eglise et des différentes religions, comme dans la sphère du spi rituel, permet que toutes les composantes de la société travaillent ensemble (je souligne) au service de tous et de la communauté nationale. " Cette phrase s'éclaire par cette précision avancée par le Pape (tirée de "Gaudium et Spes"] : "La communauté politique et l'Eglise, quoique à des titres divers, sont au service de la voca tion personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exercent d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu'elles recherchent davantage entre elles une saine coopé ration. " On notera que la destinée des hommes (leur "vocation" en termes théologiques] est l'objet du service conjoint de l'Eglise et de l'Etat (des autres religions et des athées, il n'est pas ques tion). Les hommes en tant que citoyens notamment ne sont pas considérés comme les acteurs et les sujets de leur propre destin, mais sous l'angle paternaliste de la convergen ce de la communauté politique et de l'Eglise en vue du bien de tous. On est en dehors de toute pensée démocratique. Il peut être utile de rappeler pour boucler la boucle que Jean Paul II a lui aussi utilisé l'expression « France, fille aînée de l'Eglise » en 1980 à Paris : « France, fille aînée de l'Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? Permettezmoi de vous demander : France, fille aînée de l'Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l'homme, à l'allian ce avec la sagesse éternelle ? » Jean Riedinger, Secrétaire de [Observatoire Chrétien de la Laïcité Notes [1
La notion d'épigenèse appliquée à l'histoire désigne le développement d'un processus historique par formation successive et apparition de parties nouvelles imprévues et non le résultat du développement continu d'un plan ou dessein originel (ce que suggérerait l'idée de racines]
[2] Il y a déjà au moins deux erreurs historiques stricto sensu dans cette phra se : Le premier souverain chrétien n'est pas Clovis mais, en Europe, c'est
temporel et le pouvoir spirituel. "L'Eglise n'a pas pour vocation de gérer le temporel." Cette vieille distinction a présidé pendant des siècles à la dialectique des pouvoirs du Pape et de l'Empereur. Or la laïcité ne distingue pas deux pouvoirs mais sépare l'Eglise et l'Etat et ne reconnaît que le pouvoir politique et juridique de l'Etat démocratique. La laïcité n'accorde pas de place symé
l'Empereur Constantin. Le président voulait sans doute dire le premier roi français ... Le « titre » France « fille ainée » de l'Eglise a été attribué sous la forme de « fils aîné de l'Église » par le pape Etienne II à Pépin le Bref qui avait battu les Lombards et donné leurs terre en dépouille au pape pour satisfaire le pape Etienne II. Pépin le Bref a soumis sa légitimité à l'Eglise en se faisant sacrer par le pape comme le feront ensuite une longue lignée de
trique au magistère spirituel ou religieux qui ne s'exerce que sur les fidèles d'une Eglise ou une religion et n'a rien à voir dans le
tiques du Vatican- Saint Siège.
carolingiens puis de capétiens ! N.S. ne manque pas de rappeler que Pépin le Bref fut à l'origine des Etats Pontificaux II! Bel éloge des ambitions poli
gouvernement de la République. En effet les choix politiques sont l'affaire de tous les citoyens, quelles que soient leurs convictions et croyances.
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L ' E N Q U E T E Sarkozy, le nouveau Constantin
Les cinq fautes
du Président Sarkozy Le récent discours de Monsieur Sarkozy au Vatican est choquant à plus d'un titre. Soutenir, en somme, que la religion mérite un privilège public car elle seule ouvrirait sur le sens profond de la vie humaine, est une profession de foi discriminatoire. Il est regrettable qu'à un tel niveau de responsabilité cinq fautes majeures soient ainsi conjuguées. L'analyse du philosophe Henri Pena-Ruiz. Une FAUTE MORALE d'abord. Lisons : « ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d'intolérance et de prosé lytisme. Mais un homme qui croit, c'est un homme qui espère. Et l'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent. » Dénier l'espérance aux humanistes athées est inadmissible. Certes, la liberté de ne pas croire leur est accordée. Mais quel manque de respect pour ceux qui fon dent leur dévouement humain sans se référer à un dieu ! Ils seront nombreux en France à se sentir blessés. Était-ce bien la peine de rendre hommage au résistant communiste athée Guy Môquet, pour le disqualifier ensuite en lui déniant toute espé rance et toute visée du sens ? En fait, Monsieur le Président,
vous réduisez indûment la spiritualité à la religion, et la trans cendance à la transcendance religieuse. Le jeune héros de la Résistance n'a-t-il pas transcendé la peur de mourir pour défendre la liberté commune ? Quelle espérance a grâce à vos yeux ? Celle d'un monde meilleur ici-bas, ou celle d'un au-delà de compensation aux injustices du monde présent ? Est-ce celle d'un progrès effectif dans ce monde-ci ou le « supplément d'âme d'un monde sans âme » ? Une FAUTE POLITIQUE. Tout se passe comme si Monsieur Sarkozy était incapable de distinguer ses convictions person nelles, relevant de sa sphère privée, et ce qu'il lui est permis de dire publiquement dans l'exercice de ses fonctions, celles d'un président de la République qui se doit de représenter tous les Français à égalité, sans discrimination ni privilège. Comme tel, notre président ne peut s'exprimer publiquement de façon aussi partisane, en simple homme politique. Si un simple fonctionnai re, un professeur par exemple, commettait une telle confusion, il serait à juste titre rappelé au devoir de réserve. Il est regret table que le chef de l'État ne donne pas l'exemple. Curieux oubli de la déontologie. Une FAUTE JURIDIQUE. Dans un état de droit, il n'appar tient pas aux tenants du pouvoir politique de hiérarchiser les options spirituelles, et de décerner un privilège à une certaine façon de concevoir l'accomplissement humain. Kant dénonçait le paternalisme des dirigeants politiques qui infantilisent le peuple en valorisant autoritairement une certaine façon de concevoir sa vie. Majeurs, les citoyens sont assez grands pour savoir ce qu'ils ont à faire, et ils n'ont pas besoin de leçons de spiritualité conforme. La notion de majorité civile n'a-t-elle plus de valeur ? Lisons : « Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». On est surpris d'une telle hiérarchie éthique entre l'instituteur et le curé. L'école de la République a été inventée pour que les êtres humains puissent un jour se passer de maître, en devenant maîtres d'eux-mêmes. Grâce à l'instruction, exclusive de tout
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onditionnement mais non de toute éducation, l'autonomie thique de chaque personne se fonde sur son autonomie le jugement. Elle n'a donc pas à être jugée inférieure à la direction de conscience religieuse. Étrange spiritualité que ;elle qui veut assujettir la raison à la croyance et lui dénie ;out rôle autonome dans le choix des valeurs ! La critique :onfuse de l'idéal des Lumières va d'ailleurs de pair avec ce privilège accordé à la foi. Une FAUTE HISTORIQUE. L'éloge du christianisme :asse sous silence les terribles réalités historiques qui 'emontent à l'époque où l'Église catholique disposait du jouvoir temporel comme de son « bras séculier ». .'Occident chrétien peut-il s'enorgueillir du thème religieux Ju « peuple déicide » qui déboucha sur un antisémitisme ;rès virulent là où l'Église était puissante ? Peut-on oublier es hérésies noyées dans le sang et les guerres de religion 3500 morts en un jour à Paris en 1572 lors du mas sacre de la Saint Barthélémy: autant que lors tes attentats islamistes du 11 septembre contre les Twin rowers] ? Les croisades et les bûchers de l'Inquisition Giordano Bruno brûlé vif en 1600 à Rome] ? "L'Index librovm prohibitorum", et l'anathématisation de la liberté Je conscience [Syllabus de 1864] ? Quelles racines pour Europe ? L'héritage religieux est pour le moins ambigu... 3uant aux droits de l'homme d'abord proclamés en Europe, ils )roviennent de la théorie du droit naturel, elle-même inspirée te l'universalisme stoïcien, et non du christianisme. Si on veut jvoquer les racines, il faut les citer toutes, et de façon équi;able. Dissocier la religion des crimes historiques qui s'en sont ^clamés, et ne pas le faire pour les autres idéaux est injuste. 3i Jésus n'est pas responsable de l'inquisiteur Torquemada, Dourquoi Marx le serait-il du dictateur Staline ? De grâce, monsieur le Président, ne réécrivez pas l'histoire à sens jnique.
Comment par ailleurs osez-vous parler de la Loi de sépara;ion de l'État et des Églises de 1905 comme d'une sorte de vioence faite à la religion, alors qu'elle ne fit qu'émanciper l'État de l'Église et l'Église de l'État ? Abolir les privilèges publics des religions, c'est rappeler que la foi religieuse ne doit engager que les croyants et eux seuls. Est-ce manquer de respect envers la religion que de traiter à égalité toutes les options spi rituelles ? Si la promotion de l'égalité est une violence, alors le triptyque républicain en est une. Une FAUTE CULTURELLE. Toute valorisation unilatérale d'une civilisation -et de sa religion dominante- risque de débou cher sur une logique de choc des civilisations et de guerre des dieux. Il n'est pas judicieux de revenir ainsi à une conception de la cité qui privilégie un particularisme religieux, au lieu de mettre en valeur les conquêtes du droit, faites souvent à rebours des traditions religieuses, parfois dans le sang et les
larmes. Si l'Europe a une voix audible, ce n'est pas par la valo risation de ses racines religieuses, mais par la portée univer selle de telles conquêtes. La liberté de conscience, l'égalité des droits, l'égalité des sexes, sont des idéaux universalisâmes. Ils signent non la supériorité d'une culture, mais la valeur exem plaire de luttes qui affranchissent les cultures de leurs pré jugés, à commencer par la culture « occidentale ». « Le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir pratiquait cette dis tanciation salutaire pour l'Occident chrétien. Taslima Nasreen fait de même au Bengladesh pour les théocraties islamistes. La culture, entendue comme émancipation du jugement, délivre ainsi des cultures, entendues comme traditions fermées. Assimiler les individus à des groupes particuliers et ceux-ci à des identités religieuses collectives c'est les détour ner de la recherche des droits universels, vecteurs de frater nité comme d'émancipation. Le danger du communautarisme n'est pas loin. La laïcité sans adjectif, ni positive ni négative, ne fut jamais antireligieuse, mais simplement hostile aux privilèges politiques des religions. Elle libère la spiritualité de toute tutelle et vise à la plénitude de l'égalité de traitement, par la République et son président, des athées et des croyants. Telle est la condition de la fraternité, dans la référence au bien commun. Monsieur le Président, le résistant catholique Honoré d'Estienne d'Orves et le résistant athée Guy Môquet, celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas, ne méritent-ils pas même considération ? Henri Pena-Ruiz *
* [Philosophe, professeur, écrivain, ancien membre de la Commission Stasi sur l'application du principe de laïcité dans la République. Derniers ouvrages parus : « Qu'est-ce que la laïcité ? » [Gallimard) et « Leçons sur le bonheur » [Flammarion).
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L ' E N Q U E T E
Sarkozy, le nouveau Constantin
La religion et la République, . selon le cardinal de Lyon ~ i L'hebdomadaire, Lyon Capitale a interviewé le cardinal Barbarin, à l'occasion de la sortie de son livre de dialogue interreligieux coécrit avec le rabbin Gilles Bernheim1. A cette occasion, le journaliste a, bien sûr, posé la question du jour : « Comment jugez-vous les propos du président de la République, au Vatican ou à Riyad, qui estime que les religions sont au fondement de toutes les sociétés ? » Décryptage. On ne s'étonnera pas que le cardinal, dans sa réponse, fasse les éloges du président Sarkozy. C'est un renvoi d'ascenseur, car le candidat Sarkozy avait dit grand bien de l'archevêque, dans son livre sur les religions5. Et puis il a fait tant de pro messes aux catholiques dans son discours du Latran ! Mais l'archevêque ne s'en tient pas là. En quelques phrases, il nous donne sa vision de l'histoire de notre pays :<n llya deux France, dit-il, celle qui considère la religion comme la source de sa vie et celle qui veut l'éliminer », au fond celle d'avant 1789 et celle d'après, celle de la religion et celle des Lumières, celle de Jeanne d'Arc et celle de Voltaire, l'une et l'autre cités dans l'in terview. Au service de cette image d'Epinal bien naïve, le cardinal nous livre une série d'approximations historiques : la « Terreur » comme « génocide français contre les catho liques », et plus encore le très mauvais procès qu'il fait à Voltaire, « avec son célèbre :« Ecrasons l'infâme », c'est-àdire la religion », selon l'interprétation du cardinal. Ce n'est pas la religion mais bien l'intolérance religieuse que Voltaire vou lait dénoncer ainsi. Et les causes qu'il défendait étaient celles de la justice et de l'humanité contre la cruauté ... catholique, juste ment. Qu'il s'agisse de dénoncer le procès fait à Calas, négo ciant calviniste de Toulouse, faussement accusé du meurtre de son fils, roué et étranglé pour ses croyances religieuses ; ou qu'il s'agisse de sauver un autre protestant, Sirven, condamné à mort avec sa femme, parce qu'on les accuse injustement d'avoir tué leur fille ; Sirven, d'ailleurs, lui écrivit : « En éclai rant les hommes, vous êtes parvenu à les rendre humains » ; ou encore qu'il s'agisse de protester contre la condamnation du chevalier de la Barre, accusé d'avoir mutilé une statue du Christ et d'avoir en sa possession le Dictionnaire philosophique, du même Voltaire. Il fut condamné à subir la torture ordinaire et extraordinaire pour dénoncer ses complices, à avoir le poing et la langue coupés, à être décapité et brûlé avec l'exemplaire du Dictionnaire philosophique. Il avait 19 ans. Mon Dieu, Voltaire a mille fois raison : Ecrasons l'infâme ! L'histoire de la religion dans notre pays ce n'est pas seulement la carte postale chère à l'archevêque, « un village où l'église garde toutes les maisons
18 janv/février 2008
d'alentour comme une poule veille sur ses poussins », c'est aussi l'histoire d'une oppression parfois sanglante, celle de l'appareil de l'Eglise catholique sur la société. Si la loi de séparation de 1905 ne passa pas sans violence c'est qu'elle accouchait d'une République enfin libre de la tutelle cléricale, elle accouchait de la démocratie. Mais notre archevêque ne semble guère aimer la démocratie, sous prétexte qu' « e//e n'a pas autorité pour dire une parole ultime sur la vie des hommes ». Soit ! Mais lorsque la France, à une époque récente, a abandonné la démocratie ce fut pour reconnaître le régime de Vichy. La « France religieuse » reprenait le dessus ; un célèbre prédécesseur de Philippe Barbarin au siège episcopal de Lyon s'écriait :« Pétain c'est la France et la France c'est Pétain ! » ; le Maréchal exaltait Jeanne d'Arc, « fidèle à son sol, fidèle à son prince, fidèle à son Dieu ». Le régime ne manquait pas de serviteurs aux solides convictions religieuses, des convictions d'avant 1789 ! tels Paul Touvier, Joseph Darnand, Philippe Henriot ou Maurice Papon. Ce fut un de ces régimes avec lesquels le Vatican, à l'oc casion, peut signer des concordats. Si d'autres forces n'avaient pas arrêté leur zèle catholique, ils auraient mené à bien la solu tion finale, au nom même de leur « religion » - une religion défigurée comme le fut le Crucifié - et le cardinal n'aurait même pas à s'occuper du dialogue avec son collègue juif. Sans remonter à l'Inquisition, aux Croisades ou à la saint Barthélémy, les leçons de l'histoire récente devraient inciter Philippe Barbarin à ne pas mettre sa religion inconditionnelle ment dans le camp du Bien. Au contraire, la religion, pour ne pas s'égarer, a grand besoin de la démocratie. « Les lois de la République ne sont pas la Parole de Dieu », dit encore l'ar chevêque. Soit encore ! Mais s'il est un progrès moral à citer récemment dans les lois de la République, c'est bien l'abolition de la peine de mort. Fut-elle l'oeuvre d'un « religieux » ? Non, bien sûr, voyez sur le sujet les catéchismes de l'Eglise catho lique. Elle fut l'œuvre d'un admirateur passionné de Condorcet, homme des Lumières s'il en est3. Pour tempérer son admiration envers le chef de l'Etat, notre cardinal, s'il le souhaite, pourrait méditer cette
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
etite phrase du même Condorcet sur « les charlatans polijues » : « Tous ne sont pas des César ou des Cromwell. Mais en ce genre, il suffit d'un médiocre talent et souvent d'un bien petit intérêt pour faire beaucoup de mal. » Et pour nuancer sa vision de l'Histoire, il pourrait, s'il le souhaite, relire la prise de position des évêques de France : « Nous refusons toute nostalgie pour des époques passées où le principe d'autorité semblait s'imposer de façon indiscutable. Nous ne rêvons pas d'un impossible retour à ce qu'on appelait la chrétienté." »
Notes : 1. Le Rabbin et le Cardinal, Gilles Bernheim et Philippe Barbarin, éd. Stock 2. La République,les religions, l'espérance, Cerf 2004. Cf. Golias n° 100, p. 1522 3. Robert et Elisabeth Badinter, Condorcet : Un intellectuel en politique, Bayard 1989 4. Proposer la foi dans la société actuelle, Lettre aux catholiques de France, Cerf 1997, p. 20
Jean-François Soffray
Philippe Barbarin scelle l'alliance du Trône et de l'autel
se trouverait radicalement menacée. Citons-le : « quand il n'y a
Le discours du Latran du Président français a suscité de nombreuses controverses. Il dessine certainement les contours d'une vision hégémoniste de la référence religieuse, en contradiction de forme et de fond avec la tradition française de la laïcité.
parlementaires. La démocratie organise la vie commune, fait des choix importants sur la santé, la défense, l'éducation, les trans
L'archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois ne semble pas tarir d'éloges sur la nouvelle orientation du Président Sarkozy. Son attitude complice et enjouée - à la limi te de la décence - lors des vœux de celui-ci aux responsables religieux était d'ailleurs révélatrice. Mais c'est surtout le cardi nal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et primat des Gaules qui s'est exprimé de la façon la plus forte sur la question à la faveur d'un entretien donné sur le sujet à l'hebdomadaire Lyon Capitale de cette semaine. Celui que l'on présente parfois comme le Nicolas Sarkozy « de l'épiscopat » apporte un soutien particulièrement enthousiaste à la nouvelle politique religieuse de Nicolas Sarkozy. De façon un peu étonnante, Mgr Barbarin revient sur le passé, sur le cri « écrasons l'infâme » de Voltaire [dont, entre parenthèses, nous savons qu'il vise non point la reli gion ni l'Eglise mais le fanatisme !) et même sur la Terreur au temps de la Révolution « véritable génocide français où la loi a décidé de tuer parce qu'ils sont catholiques ». Aussi odieux que furent les nombreux massacres, le raccourci historique est ici consternant. Plus encore, son objectif : le cardinal Barbarin tend à identifier tous ceux qui contesteraient la politique reli gieuse de Nicolas Sarkozy [et en particulier son discours du Latran] avec des bourreaux sanguinaires et cruels. Ce qui est un peu fort de café ! En somme pour lui, critiquer la nouvelle politique religieuse du Président Sarkozy serait faire preuve de sectarisme, d'intolérance, sinon de barbarie. Le cardinal de Lyon introduit une nouvelle expression : celle de « laïcité de gratitude », en l'occurrence d'une laïcité qui se montre reconnaissante envers l'influence passée et présente de l'Eglise catholique. En fait, le prélat veut insister sur la néces sité d'un fondement transcendant sans lequel la vie en commun
pas une parole supérieure, transcendante, pour fonder le bien et le mal, c'est le relativisme qui triomphe. Les lois de la République ne sont pas la Parole de Dieu ; elles changent avec les majorités
ports... ce qui est une lourde responsabilité. Mais elle n'a pas autorité pour dire une parole ultime sur la vie des hommes. Je souhaite pour notre pays un pouvoir fort, mais qui reste humble ». Est-il besoin de souligner combien ce genre de propos éveille toute notre inquiétude. Il s'agit ni plus ni moins, au nom d'un fon dement transcendant, à faire reposer à nouveau la société et l'Etat sur un socle transcendant, autrement dit à sortir de la laï cité ! On notera avec d'autant plus d'intérêt la prise de position très différente d'un autre évêque français, Mgr Claude Dagens, évêque d'Angoulême, connu pour être l'une des têtes pen santes de l'épiscopat, rival malheureux de Philippe Barbarin en 2002 pour le siège de Lyon. Pour Mgr Dagens « // y aurait rup ture si le discours du Latran devenait une instrumentalisation des religions. Elles ne sont pas des forces politiques d'appoint mais des références vitales ».
%,
Une curieuse impression se dégage, comme si chacun vou lait se servir de l'autre : la religion de la politique et vice et versa. Il y a certainement de la part du Président Sarkozy un calcul politique - entre autres, la chasse aux cathos - mais au-delà on peut lui accorder une conviction sincère, dont la hiérarchie catholique entend évidemment tirer avantage. Reste à savoir, au-delà des stratégies à court terme, si l'Eglise et la République ont vraiment besoin d'un nouvel amalgame qui pourrait nuire à l'une comme à l'autre. Sans vouloir défendre une quelconque forme de laïcisme outrancier, reconnaissons que la confusion des genres ne nous semble pas la meilleure façon de régler une question aussi complexe. Quand un président se met à tenir un discours métaphysique et religieux, une ligne rouge nous semble franchie. Surtout quand un responsable d'Eglise en vue comme le cardinal Barbarin en profite pour sceller l'al liance du trône et de l'autel. C.T.
Golias magazine n°
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
Les fausses naïvetés du Primat des Gaules
A.
faits- entre les deux « pouvoirs » ait été opérée pendant des siècles. Et s'il y a eu depuis l'antiquité une organisation interne de l'Eglise catholique selon une structure proche de l'Empire Romain puis des Monarchies, voire de la République [Cf le rap port entre les actuels diocèses et les départements napoléo niens] c'est l'Eglise qui s'est adaptée aux structures d'Etat et non l'inverse ! On peut d'ailleurs regretter que l'Eglise catho lique continue de se donner pour modèle structurel le centra lisme et la hiérarchie de l'Empire et de la Monarchie plutôt que les pratiques démocratiques ! Mais surtout il y a une diffé rence de nature essentielle entre une paroisse et une com mune. Outre que les territoires d'une commune et ceux d'une paroisse ne coïncident évidemment pas nécessairement, ces institutions ne rassemblent pas les mêmes personnes. Une paroisse est une communauté de croyants. Une com mune est une instance politique de décision et de gestion des intérêts des habitants quels qu'ils soient sur un territoire administratif donné. Une commune comporte - variable selon les époques - une proportion de catholiques, mais aussi de citoyens d'autres religions, d'athées, d'agnostiques. Ses déci sions concernent la vie de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions. La réalité implique donc le caractère laïque de son institution et de son activité.
Dans une interview du journal Lyon Capitale le cardinal Barbarin répond entre autres à deux questions sur le dis cours du Président de la république. 1. Question « Comment jugez vous les propos du président au Vatican et à Ryad qui estime que les religions sont au fonde ment de toutes les sociétés ? » Réponse « C'est d'abord un fait historique. La France a 36000 communes parce qu'elle comptait 36000 paroisses » Puis il ajoute : Mais on peut dire qu'il y a deux France, celle qui considère la religion comme la source de vie et celle qui veut l'éliminer » N'importe quelle personne de bon sens, ayant un peu de sens historique, ne peut que déplorer l'ignorance [feinte ?] du prélat. Une paroisse n'est pas une commune. Et cette distinc tion ne date pas de la dernière pluie. Il y a toujours eu, quels que soient les liens entre les Eglises et l'Etat, quelle qu'ait été la forme de l'Etat, une distinction entre les structures admi nistratives et les structures ecclésiastiques, même si locale ment [Il y a eu des Evêques- Seigneurs) et à Rome [les Etats Pontificaux] une confusion- assez complexe d'ailleurs dans les
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Dire que la religion est le fondement de toute société est d'une certaine manière une constatation historiquement valable pour certaines périodes de l'histoire. Elle ne l'est plus aujourd'hui en France. Notons d'ailleurs que cette affirmation confond dangereusement les croyances dominantes dans des sociétés et la complexité des sources réelles de l'organisation des sociétés humaines en général. Car si les idées partagées notamment celles des religions mais aussi d'autres types de convictions, jouent un rôle important dans la cohésion socia le il ne s'en suit pas qu'elles soient objectivement LE fonde ment de la société. On peut très bien envisager aussi et de manière aussi durable d'autres fondements de type écono mique, historique, politique, culturel, idéologique... D'une façon assez « logique » le cardinal Barbarin pour suit en notant que si le catholicisme est la source de l'identité française il y a alors, depuis très longtemps,...deux France antagonistes : celle de Jeanne d'Arc [« Dieu premier servi »], dit il, et celle d e Voltaire (« Ecrasons l'infâme »]. Notons que cette opposition identifie les causes de Dieu et celle de l'Eglise catholique. Les croyants non catholiques apprécieront. Mais surtout cet affrontement séculaire, res semble beaucoup à l'affrontement de l'axe du Mal et celui du Bien d'une certaine Amérique. Historiquement il est encore moins sérieux que l'argument précédent. C'est du bricolage
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
idéologique de très mauvaise qualité. Sous prétexte de contrer ce qu'il appelle une « laïcité de combat » ne risque t on pas une croisade pour la « France Catholique » ?
A paraître
l e s r e l i g i o n s ', les R é preligions ublique,
Le cardinal et l'instituteur 2. Question : Comme Nicolas Sarkozy, pensez-vous que la meilleure garantie de la morale est la foi et que, du coup, l'insti tuteur ne pourra jamais remplacer le prêtre ?
C u m
j Sarkozy
Réponse de Mgr Barbarin : « Je n'aurais pas dit une chose pareille ! De fait, je ne manque pas une occasion de mon trer la beauté de l'instituteur dans son métier. Mais si vous sup primez la morale, au bout de trois générations, il ne reste plus rien. Jusqu'en 1880, la morale chrétienne était enseignée dans toutes les écoles. Puis l'école est devenue laïque. Les institu teurs (je pense à la belle figure d'Edouard Bled) ont enseigné la morale républicaine qui avait sa force et sa dignité. Mais trois générations plus tard, les choses ont changé. Quand il n'y a pas une parole supérieure, transcendante pour fonder le bien et le
128 pages la laïcité en question
Nom
mal, c'est le relativisme qui triomphe » M I I I I I I I I I Oh la belle rhétorique ! Mais peu subtile !
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Adresse
« Je n'aurais jamais dit une chose pareille mais je vous dis la même chose ! »
I I I I I I I I I I I I INI I I I I I I I I I I I I I l I
Sur le fond la réflexion sur les valeurs morales humanistes dans l'enseignement laïque doit continuer de se faire. Notons que ce n'est pas dans nos écoles, collèges et lycées le vide sidéral à cet égard, même si des questions réelles se posentsouvent les mêmes que dans l'enseignement privé confes sionnel. Mais l'Eglise catholique n'a pas loin s'en faut le mono pole de la pensée morale et du conseil éthique ! Et il lui arrive aussi d'errer en ces domaines... Croyants et incroyants ont sans doute là un terrain d'é change et de création commune dans un cadre lui-même laïque et de nature interconvictionnelle. Cela dit les évêques sont-ils capables dans un tel dialogue de laisser la place à la réflexion libre et approfondie des laïcs au sein de l'Eglise et dans la société sans leur imposer des a priori doctrinaux pré tendus indiscutables ? La culture démocratique est hélas ignorée en son sein par l'institution ecclésiale catholique !
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Jean Riedinger
Golias magazine n
L ' E N Q U E T E
Sarkozy, le nouveau Constantin
Le Saint-Siège, Rome et la France : des relations tout en nuance On peut dire sans risquer beaucoup de se tromper que les relations se sont améliorées entre Rome et la France, à la fois entre le Saint-Siège et le gouvernement d'une part et entre la Curie romaine et l'épiscopat français de l'autre. Rome n'est plus l'objet de ressentiment gallican. La France n'est plus l'objet de toutes les inquiétudes romaines ni "l'orgueil français" si raillé par le bon peuple de PUrbs ? Les tensions autour de l'affaire Gaillot ou du refus du Président Chirac d'accepter la mention des "racines chrétiennes de l'Europe" relèvent aujourd'hui de l'histoire ancienne. En 1978, une vingtaine de personnes seulement assistaient à la prise de possession discrète par Valéry Giscard d'Estaing de sa stalle de chanoine. Plus tard, Jacques Chirac rassembla davan tage de monde. Aujourd'hui, la venue de Nicolas Sarkozy aurait pu mobiliser davantage encore de monde si pour éviter tout débordement les organisateurs n'avaient limité l'accès aux seules personnes nommément invitées. Il serait donc peu de dire que Nicolas Sarkozy était attendu. La presse italienne a fait des choux gras de sa vie privée. Quant aux autorités du Vatican, à commencer par deux cardinaux français, Paul Poupard et Jean-Louis Tauran, le troisième Roger Etchegaray - restant davantage sur la réserve, elles avaient été ravies de voir le jeune président français aborder d'une façon plus décomplexée et positive la question religieuse, en surmontant ce qu'elles jugent relever d'une vision archaïque de la laïcité. C'est en 2005 que le Président Sarkozy venu pré senter son livre "La République, les religions, l'espérance" au cardinal Angelo Sodano, alors Secrétaire d'État, et au cardinal Tauran avait conquis le coeur des prélats. Nicolas Sarkozy a même accordé aujourd'hui un entretien à \'Osservatore Romano et à Radio Vatican, faveurs rarement accordées par des organes d'information vaticanes toujours d'une extrême pru dence. L'actuel ministre des Affaires étrangères du Vatican est
idéologues [dans les deux sens d'ailleurs]. L'arrivée récente de Mgr Jean-Louis Bruguès comme secrétaire de la congrégation pour l'Éducation catholique laisse cependant présager un nou veau départ. Cependant, ce dominicain a surtout été choisi pour son charisme personnel et n'est pas forcément représentatif de l'Église de France.
Le Vatican satisfait du Président Au sujet d'une évolution possible de la conception de la laï cité, le Vatican est aujourd'hui satisfait de la prestation du nou veau Président. L'Église de France n'est plus considérée comme frondeuse mais per j aussi sa réputation d'éclaireur ou de laboratoire où se cuit le pain futur de la chrétienté. On attend pour 200B l'aboutissement des travaux de la commission Machelon, mandatée par Nicolas Sarkozy, alors simple ministre, pour adapter la législation à des besoins précis des religions. En ce qui concerne les problèmes de société pourtant, il y a des questions à venir qui pourraient s'avérer délicates. Le travail du dimanche, pour des raisons économiques, n'est pas bien vu au Vatican. Les velléités d'une reconnaissance plus large de l'islam indisposent certains prélats qui auraient préco nisé un rapprochement avec seulement le christianisme et le judaïsme [c'était d'ailleurs le cas également du cardinal Lustiger], même si Nicolas Sarkozy a rassuré le Vatican sur ces questions. Sur les questions de bioéthique, l'Église redoute que le gouvernement actuel ne se rallie à une position libérale. Sur la question de l'immigration des tensions assez vives existent entre l'épiscopat et le gouvernement. Sur le fond, comme l'ex
français : Mgr Dominique Mamberti, d'origine corse. Si la pré sence de la France est moins forte que par le passé, en parti culier sous le très francophile Paul VI, dont le secrétaire d'Etat lui-même, Jean Villot, était Français, elle est loin d'être inexis tante ou même négligeable. Un certain "savoir-faire" français est reconnu, par exemple sur les questions concernant l'islam ou dans le monde de la culture contemporaine : jusqu'à une date récente le Conseil pontifical pour la culture comptait, chose unique, à la fois un président [Paul Poupard] et un secré taire [Bernard Ardura] tous deux Français. En revanche, pour la
primait il y a quelques semaines l'archevêque Agostino Marchetto, le Vatican n'est pas d'accord avec la politique française visant à réduire drastiquement l'entrée des immigrés et des réfugiés qui plus est, en les sélectionnant en fonction de critères de profit. Reste à savoir jusqu'où la diplomatie vaticane
gestion des problèmes internes de l'Église, beaucoup d'Italiens se méfient des Français jugés compliqués, peu pragmatiques et
Romano Libera
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s'engagera sur ce dossier. Au plan géopolitique, les liens entre la France et le Liban sont fort prisés à Rome. En revanche, le Vatican s'inquiète d'un possible tournant pro-israelien dans la politique française au Proche-Orient.
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Sarkozy, le nouveau Constantin
La drôle de poignée de mains de Benoît XVI et du Président La photo officielle de la rencontre entre le pré sident Sarkozy et le pape Benoît XVI, jeudi 20 décembre, qui consacre cette « union sacrée », mérite à ce titre qu'on s'y arrête. Ce n'est évidemment pas à l'Église catholique qu'on apprendra la puissance de l'image pour répandre sa doctrine. Dieu merci, elle a su très tôt trouver « des arrangements avec le Ciel » et son deuxième commandement du Decalogue de Moïse. Celui-ci a beau prescrire, avant même l'interdiction de tuer, de « ne point [faire] d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre ». Fort heureusement, elle a su passer outre. À la diffé rence des deux autres religions monothéistes farouchement hostiles à toute représentation, elle a compris que les images étaient irremplaçables pour enseigner à des analphabètes. La crise iconoclaste que l'Église a traversée, aura duré à peine plus de 100 ans, de 730 à 843. Et si l'on excepte la rechute iconoclaste propre au protestantisme au XVIe siècle, les images sont devenues reines dans l'univers chrétien, comme elles l'étaient dans la civilisation gréco-romaine, offrant à son architecture les chances d'un embellissement sans égal. Mais qu'elles soient peintes ou sculptées ou encore composées des tesselles de mosaïque, elles ne sont jamais gratuites : elles racontent et célèbrent, tant à l'usage pratique des masses illettrées que pour l'enchantement des personnes cultivées, croyantes ou non, la geste de la Bible et celle des héros, princes, martyrs et saints qui en ont fait leur croyance. Quelle chance que les plus grands artistes aient été sollicités ! Ils ont mis tout leur art au service de la création de ces images pour l'émerveillement des générations futures. Les Églises catho lique et orthodoxe en soient louées !
nent soin de ne pas trop s'étreindre les doigts. Rien à voir avec le « shake-hand » de deux amis qui se transmettent leur éner gie respective ! Ce n'est d'ailleurs ici ni le lieu ni le type de rela tions convenables. Si les deux hommes s'effleurent à peine les deux premières phalanges, ce n'est pas par réticence ni pudeur non plus. Non, c'est le geste paternel d'un Saint-Père prenant la main d'un fils qui se laisse conduire. Car en offrant la paume de sa main au spectateur et non le dos, le pape a pris soin de se mettre en position de guide pour emmener son invité vers l'avant. L'effusion n'est pas de mise dans cet instant qui reste avant tout une rencontre pastorale. La preuve ? Tout est symbole dans les rites ecclésiastiques. Le pape reçoit son invité, revêtu, par-dessus sa mosette rouge, de la riche étole pastorale brodée qui indique clairement qu'il est en service de prédication évangélique et non seulement en simple repré sentation. Peut-être même vient-il de recevoir sa confession. Qui sait ? À tout pêcheur miséricorde ! Il en tient même un de haute volée. Le pape ne serait pas vêtu autrement pour l'en tendre. L'arrière-plan symbolique choisi avec soin confirme du moins la teneur religieuse de l'entretien : un crucifix est planté entre les deux hommes et les domine, même si le président Sarkozy, par un artifice dont il est coutumier, paraît plus grand que le pape. On ne s'étonnera pas que ce crucifix soit en métaux précieux, plus qu'en bois brut. Un luxe même ostenta toire n'a rien qui puisse effrayer le président Sarkozy, à en juger par les huit premiers mois de sa présidence. Quant à l'É glise catholique, il y a belle lurette qu'elle a rejeté la thèse fran ciscaine d'un Christ qui n'aurait pas été propriétaire de sa tunique, comme le raconte "Le Nom de la rose", ce livre d'Umberto Ecco si magnifiquement porté à l'écran par JeanJacques Annaud.
Une poignée de mains savamment mise en scène
Une religion heureusement amie des images
Mais à ces deux experts en communication que sont l'Égli se catholique et le président Sarkozy, il a peut-être échappé
Sans doute, la photo officielle de la récente visite du prési dent Sarkozy au pape Benoît XVI n'appartient-elle pas à ces chefs-d'œuvre du patrimoine universel. Elle est seulement conforme au stéréotype auquel sacrifient les dirigeants poli
qu'à force d'être trop savamment composée, une image peut se retourner contre ses concepteurs. Visiblement construite méticuleusement pour l'édification des masses illettrées ou
tiques qui se rencontrent quand ils veulent laisser de leur échange une preuve de leur entente cordiale : une poignée de main est offerte longuement à la nuée de photographes accrédités pour qu'ils fixent l'instant et le répandent « urbi et orbi ». Ce n'est donc pas un instantané ; au contraire, les deux dirigeants posent complaisamment, le sourire crispé à force d'activer les muscles zygomatiques devant les flashs qui tar dent à étinceler. Mais la poignée de mains peut être plus ou moins franche. Ici, manifestement, les deux dirigeants pren
peu s'en faut, la photo précisément en devient ambiguë. Cette croix placée entre eux deux, pour proclamer leur commune obédience, peut renvoyer, par intericonicité, comme nombre de tableaux le montrent, à celle du Christ plantée au Golgotha entre les deux larrons. Du coup, la photo change de sens : par ce toucher de mains du bout des doigts, ne donnent-ils pas l'impression de s'entendre comme deux larrons en foire ? Le Christ sur sa croix a peut-être du souci à se faire. Paul Villach [avec Agoravox]
Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.43
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Sarkozy, le nouveau Constantin
Nicolas Sarkozy ou Constantin redécouvert Le récent périple de Nicolas Sarkozy, nouveau chanoine de Saint Jean de Latran, reporte sur le devant de la scène la question du rapport entre l'État et l'Église, le temporel et le spirituel. Sans qu'il soit possible trop vite d'identifier ou de dénoncer chez l'actuel Président de la République une sorte de doctrine politique et philosophique de la place de la religion, et spécifiquement du catholicisme, dans la société, il est clair que cet intuitif entend négocier un vrai tournant et sans doute rompre avec le style de la laïcité à la française. L'enthousiasme et la gratitude dont Nicolas Sarkozy se fait l'expression à l'égard de l'Église catholique, dont il semble apprécier la contribution incontournable pour cimenter l'ordre social, et plus encore "la force" vive, comme en un vieux souvenir de maurrassisme, tranchent étrangement avec la réserve et la neutra lité qui semblaient jusqu'alors s'imposer en République.
Il est toujours bon, pour comprendre l'histoire du temps la plus brûlante, de se reporter aussi très loin en arrière et de rap procher une période d'une autre, tout comme Miss Marple, sémillante vieille fille, détective amateur et inspiré, imaginé par Agatha Christie, relie un meurtre sans solution à des situations et à des personnages passés de son cher village au plus pro fond de la campagne anglaise. Il ne s'agit certes point de pré tendre que l'histoire se répète, se joue une deuxième fois. Au contraire, nous partageons volontiers l'avis de Karl Marx selon lequel le drame d'hier risque de tourner aujourd'hui à la farce ! En revanche, l'évocation du passé peut avoir valeur euristique
qu'ait jamais commis un autocrate, en défiant et en méprisant ce que pensait la grande majorité de ses sujets". Cette audace de Constantin s'éclaire aussi par l'histoire ulté rieure et en particulier par la facilité avec laquelle des franges pourtant bien vivaces du christianisme rallieront un peu plus tard l'islam. Après les années BOO, "la moitié des régions chré tiennes qui avaient appartenu à l'Empire deviendront musulmanes sans difficulté apparente". Ce qui donne à réfléchir et suscite toutes les inquiétudes pour l'avenir. Les géants ont souvent des pieds d'argile.
pour comprendre le présent et sans doute le futur.
Le pragmatisme de l'Empereur Dans un livre très récent, d'une particulière bienveillance envers le christianisme, qu'un incroyant seul peut paradoxale ment se permettre, l'historien Paul Veyne, nous présente un Constantin très crédible, intuitif et convaincu, homme de pou voir autant que de foi, qui a adhéré au christianisme de façon tout à fait sincère, avec un enthousiasme réel et courageux, tout en tenant compte d'un contexte alors massivement païen, à ménager encore un certain temps. La date de 312 devrait être bien connue de toutes nos têtes blondes et évaluée à sa juste importance. A cette époque, on pense que seulement cinq ou dix pour cent, à peine, de la population de l'Empire était chré tien. Le choix de Constantin ne repose donc pas sur un calcul; il relève davantage d'un pari un peu fou, car ce jeune co-empereur avait senti le dynamisme virtuel de cette nouvelle religion, exigeante et minoritaire. L'historien Jean Baptiste Bury note justement : "// ne faut jamais oublier que la révolution religieuse faite par Constantin en 312 a peut-être été l'acte le plus audacieux
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Constantin, en tout cas, estimait avoir été choisi, destiné par la Providence divine pour jouer un rôle vraiment décisif dans l'é conomie millénaire du salut. Véritable homme d'action, il savait alterner la prudence et l'énergie. Son rôle n'a pas tant été, comme le prétend une Vulgate fort inexacte, de mettre fin aux persécutions - qui avaient déjà cessé depuis deux ans et ne semblaient pas devoir reprendre - mais de faire du christianis me, devenu sa religion personnelle, une religion qu'il entendait favoriser et implanter, sans pour autant se montrer intolérant avec le paganisme, qu'il considère pourtant, et il ne s'en cache point, comme une superstition méprisable. Le pragmatisme bien réel de Constantin n'est pas à la petite semaine. Au contraire, prodigieusement visionnaire, Constantin s'engage et entend prendre le risque de suivre ses intuitions de fond. Esprit ouvert et libéral pour son temps, il observe donc le principe, vite trahi par ses successeurs, en par ticulier Théodose en 392, de n'imposer sa religion qu'à l'inté rieur de sa sphère personnelle. Comme le note fort justement Paul Veyne, "à celui qui voulait être un grand empereur, il fallait un
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
dieu grand. Un Dieu gigantesque et aimant qui se passionnait pour l'humanité, éveillait des sentiments plus forts que le peuple des dieux du paganisme, qui vivaient pour eux-mêmes ; ce Dieu déroulait un plan non moins gigantesque pour le salut éternel de
L'une des nou veautés les plus mar
l'humanité; il s'immisçait dans la vie de ses fidèles en exigeant d'eux une morale stricte".
impose à qui veut y adhérer une profession de foi. Il ne suffit pas d'être chrétien. Encore faut-il se dire chrétien, affirmer haut et fort sa
Paul Veyne voit dans le christianisme alors juvénile un chef d'oeuvre inédit de l'imagination créatrice des religions dont Constantin a d'emblée perçu la nouveauté et la force d'attrac tion. Cette supériorité du christianisme constituait pourtant éga lement un handicap, par ses exigences et son élitisme. Certes, cette nouvelle religion présentait aussi des aspects particulière ment porteurs de succès. Ainsi, le fidèle pouvait se confier réel lement à Dieu comme à une personne bienveillante, aimante et puissante, alors que les dieux païens vivaient avant tout pour eux-mêmes.
quantes du christianis me est justement qu'il
foi, et parfois verser son sang pour elle. Si nous avions interrogé un païen, il n'aurait pas pré senté sa religion comme une adhésion de foi mais davantage
A cette époque, la Croix était davantage symbole de victoire et de gloire que de supplice. "On n'avait pas continuellement devant les yeux la Passion et la mort du Christ; ce n'était pas la victoire expiatoire, le sacrifice du Crucifié sur le Calvaire qui faisait les conversions, mais le triomphe du Ressuscité sur la mort". Il faut savoir par ailleurs qu'un autre motif de conversion a été chez le nouveau fidèle un zèle moralisateur, parent du stoï cisme populaire, un goût pour la respectabilité. "On n'adorait pas le Dieu chrétien avec des offrandes, en lui sacrifiant des victimes, mais en obéissant à sa Loi. Le rôle cardinal que joue la morale dans le christianisme était largement étranger au paganisme; c'é tait une originalité chrétienne de plus". Dix bonnes années après sa conversion, la religion chrétien ne prenait d'un seul coup une dimension mondiale et universel le. De façon à la fois originale et pertinente, Paul Veyne estime que le succès du christianisme peut s'apparenter à celui du "best seller", et même d'un chef-d'oeuvre mondial. En effet, "un best-seller révèle à quelques uns une sensibilité qui était insoupçonnée avant lui', mais qui d'une certaine façon existait déjà à l'état latent. Il s'agit bien d'un chef-d'oeuvre si original que, "dans notre moitié du monde, il a désormais dicté la mode : il a provoqué une coupure géologique dans l'évolution bimillénaire des religions, ouvert une ère nouvelle pour l'imagination qui les crée et servira de modèle aux religions qui lui succéderont, mani chéisme ou islam". Articulant des traits contrastés, comme la bonté et la peur, le christianisme semble d'autant plus suscep tible d'exercer un attrait tous azimuts. La romance tend la main au thriller. On ne peut en tout cas expliquer de façon entière ment satisfaisante le succès du christianisme par le milieu, l'at tente ou le climat environnant. C'est son originalité, évidemment en lien avec ce contexte, qui justifie mieux son succès.
comme un héritage, une culture, une pratique, un liant social avec les autres, le monde et le divin. Dans son initiation au chris tianisme "Foi chrétienne hier et aujourd'hui', Joseph Ratzinger note d'ailleurs que le propre du christianisme est la réconcilia tion du "logos" [discours philosophique rationnel sur le sens de la vie] et du "muthos" [l'imaginaire religieux"]. Cette singularité chrétienne peut faire obstacle à la diffusion du message mais aussi contribuer à sa diffusion, en particulier dans les milieux
Golias magazine n°
L'ENQUETE Sarkozy, le nouveau Constantin
mains de l'hérétique arien Eusèbe de Nicomédie], Sa conversion en tout cas tient bien davantage du "caprice per sonnel" que du calcul politique ! Il a voulu d'ailleurs plutôt placer son trône au ser-, vice de l'autel, ayant considéré les affaires et les progrès de l'Église comme une mission essentielle. Empereur très entreprenant, il édifia Constantinople peut-être pour poser les fondations d'une Rome chrétienne des tinée à prendre le relais d'une Rome païenne.
Nicolas Sarkozy nouveau Constantin ? Cette découverte plus précise du vrai portrait, des véritables intentions et de la probable trajectoire de Constantin, au-delà de la thèse classique de l'histo rien Adolf von Harnack selon lequel la conversion de Constantin était avant tout une stratégie politique ["tout bénéfi ce" pour lui], situe autrement l'éventuel intellectuels, et faire en sorte qu'il s'impose par sa cohérence. Une religion pour "virtuoses" selon le mot de Max Weber. Le christianisme se présente comme un organisme complet, presque comme une contre-société par rapport à celle du paga nisme. De plus, il est prosélyte, tend à gagner le coeur de nou veaux adeptes. Revenons à Constantin : trop intelligent pour se méprendre sur les contours possibles du christianisme, sur sa spécificité, il ne pouvait songer à s'en servir comme d'une religion païenne de plus ! Il fut par contre séduit par la cohérence, la noblesse et la beauté de ce chef-d'oeuvre, devinant que de telles qualités intrinsèques lui assuraient pour le moins un bel avenir. Plus encore, il demeurait convaincu, malgré les évidences statis tiques de son temps, que le christianisme finirait par l'emporter. Constantin ne cherchait pas du tout à se servir du christianisme pour en faire l'assise métaphysique de l'unité et la stabilité inté rieure de l'Empire. Cet esprit puissant se détachait d'un quel conque utilitarisme à court terme : il voyait loin, et pariait sur la grandeur. On a souvent présenté dans le passé Constantin comme un militaire et un politique brutal et efficace. S'il n'est certes pas un théologien subtil, encore moins un mystique et un saint, Constantin fut un croyant sincère et dévoué à cette cause. C'est pourquoi le tournant constantinien fut avant tout religieux. Comme le dit justement Paul Veyne, un beau jour de l'année 312 Constantin décida d'être chrétien [même s'il reçut le baptê me seulement 25 ans plus tard, en 337, proche de la mort, des
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rapprochement entre Constantin et Nicolas Sarkozy. Loin de nous d'ailleurs l'ambition de Plutarque d'écrire des "Vies parallèles". Nous nous limitons à quelques traits peut-être rapides et discutables. Sans aucun doute, le discours du Latran, pour critiquable qu'il soit, ne relève pas du pur coup politique mais exprime une intuition sincère du Président Sarkozy. Ce dernier, en effet, qui n'est certes point un homme de réflexion ou une tête métaphy sique, semble avoir été impressionné par le christianisme dans son ensemble et plus encore par le catholicisme. Appartenant à la génération "pizza / télé" qui zappe volontiers d'une chaîne à l'autre, Nicolas Sarkozy semble avoir été sensible "au passage", à la réelle grandeur des spiritualités de la transcendance et en particulier du catholicisme, et plus encore peut-être, au dyna misme potentiel de ces spiritualités. C'est pourquoi, ses prises de position n'expriment pas d'abord un calcul, dont nous ne nions pas qu'il puisse également s'y trouver par ailleurs, mais une sorte d'enthousiasme spontané et même une conviction. Ceci le rapproche tout à fait du vrai Constantin dont l'histoire nous permet aujourd'hui de retrouver les traits. Il n'est pas certain que Nicolas Sarkozy ait tant à gagner de défendre sa position sur la religion. Il devra d'ailleurs éviter aussi de se faire des ennemis du côté laïc et cela tient du chemin de crêtes. En revanche, comme au temps de Constantin, il rend service à l'institution catholique qui n'en espérait plus tant en France et qui attend beaucoup du tournant voulu et concocté
iar le Président français lui-même, et sa triade capitoline [voir irticle]. Un certain visage de la religion, traduisant ou trahissant me vraie soif de reconnaissance sociale, sinon d'influence et de louvoir, a tout à gagner de la nouvelle posture du Président rançais et de la nouvelle façon de poser le rapport entre reli|ion et politique. Les responsables de l'institution ne peuvent nanquer de saluer une telle aubaine, pratiquement inespérée, .a mise en cause de la laïcité ainsi inaugurée et qui se poursuira ne peut qu'enchanter certains responsables religieux. A l'éidence, non seulement le Président les caresse dans le sens du ioil mais encore il introduit une nouvelle façon de situer les raplorts Église/État, au clair bénéfice de la première. Enfin, reconlaître les limites d'une spiritualité purement humaniste et insiser sur l'importance irremplaçable de la transcendance constiue une offense grave à la neutralité liée à la laïcité. Nicolas îarkozy ne semble pas envisager la possibilité d'une spiritualité d'une recherche de sens - qui se situe au plan de l'immanence it non pas à celui de la transcendance ; ce qui revient à nier de ait un pan très large de notre héritage intellectuel, ainsi impliciement renié. Il s'agit bel et bien d'une prise de position à la Constantin", sincère, et qui traduit un choix personnel. Dont on e demande jusqu'où elle convient vraiment à la fonction de préiident de la République. Il y a cependant une différence notable, bien évidente, qui ient au contexte. Au IV e siècle, Constantin est convaincu du uccès à venir d'une religion "jeune" sur le marché. Aujourd'hui, Jicolas Sarkozy fait référence au possible succès futur du chrislanisme qui est une religion ancienne, bimillénaire. La perspecive est bien différente. Il y a cependant encore là quelque chose le commun entre Constantin et Nicolas Sarkozy : l'un et l'autre iont profondément convaincus du succès futur du christianisne. Il y a comme un pari que ces intuitifs et ces pragmatiques ;emblent être prêts à risquer. On peut se demander aussi jusqu'à quel point ce n'est pas la ertu civilisatrice du christianisme qui est davantage célébrée et econnue que son message propre. Nous retrouvons d'une ceraine façon la vision maurrassienne du catholicisme. Le philo sophe et poète provençal à l'origine de l'Action Française était lositiviste, agnostique, sinon athée, mais il était fasciné par la luissance organisatrice du catholicisme romain. Le rapprochè rent ne saurait être complet car, nous l'avons dit, il y a chez slicolas Sarkozy un engouement pour un message de transcenlance auquel Charles Maurras restait sourd. En revanche, dans 3s deux cas, le lien entre le religieux et le politique est fortement iffirmé dans le sens d'une solidarité vitale. Emile Poulat, dans un irticle du Figaro du 30 janvier, note que la sémantique sarko:ienne est centrée autour de l'idée des "forces" des religions de a transcendance. En effet, la pensée spontanée de l'actuel pré sident et de ses "nègres" semble davantage dynamique que ;elle d'un Maurras, plus statique.
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
Nicolas Sarkozy ne semble pas loin de partager le désir, très présent aux Etats Unis, d'une "religion civile" à l'américaine, d'une sorte de commun dénominateur de la transcendance qui rallie des communautés spirituelles diverses reconnues et même favorisées comme telles. La religion se trouverait donc exaltée au coeur de la cité et non plus seulement tolérée. Au fond, le président ferait un choix spiritualiste sans empêcher les autres, mais en favorisant ce qui irait dans son sens, convaincu que la spiritualité finira par l'emporter sur le matérialisme. De même que Constantin n'interdit pas le paganisme mais favorisa le christianisme. De même, la liberté de religion pourrait être bien élargie, sinon sans restriction ou presque, ce qui, entre parenthèses, ferait bien l'affaire de l'Église de Scientologie, à laquelle appartient Tom Cruise, ami de Nicolas Sarkozy. Lorsqu'il prétend que "Dieu est au coeur de chaque homme", le Président Sarkozy, qui peut le penser à titre privé, c'est autre chose, sort de son rôle et franchit la ligne rouge. Comme Constantin, il se fait théologien, ce qui n'est pas de son ressort. Constantin ne voulut pas devenir maître de l'Église mais il rem plissait une mission non seulement temporelle et politique mais spirituelle et ecclésiale, comme une sorte de super évêque non baptisé. Cette confusion des genres peut toujours remontera la surface comme une tentation jamais définitivement vaincue. Prétendre que les racines de la France sont "essentiellement chrétiennes" relève aussi d'un discours théologique, d'autant plus agaçant que l'adverbe "essentiellement" entretient ici l'é quivoque : cela peut vouloir dire que les racines en question sont surtout chrétiennes mais pas seulement - ce qui tend à relativi ser l'affirmation; mais cela peut aussi vouloir dire au contraire que l'essence de notre francité est chrétienne, ce qui va très loin. Constantin, nous l'avons relevé, a reçu seulement le baptê me sur son lit de mort. Il est vrai que cette pratique était cou rante à cette époque. Le baptême remettant pleinement les péchés, cela évitait, après l'avoir reçu, de tout perdre par des fautes graves. Nicolas Sarkozy est catholique baptisé mais l'épi sode Caria Bruni ne le place pas en totale harmonie avec les exi gences de l'éthique sexuelle officielle du catholicisme. Une remarque peut être faite de façon générale : l'écart plus ou moins grand entre les exigences admirées et sa propre vie per sonnelle ne veut pas dire toujours, loin s'en faut, que l'adhésion soit formelle ou même hypocrite. D'un point de vue psycholo gique, pour que la machine ne surchauffe pas et n'éclate pas, l'homme se résigne souvent à un compromis avec lui-même, avec son idéal. Cela ne veut pas dire qu'il ne demeure pas sincè rement fasciné pas ce dernier, par le dynamisme qu'il permet et suscite. Constantin comme Nicolas Sarkozy ne passent guère pour des saints [on ne canonise d'ailleurs jamais quelqu'un de son vivant]. Cela ne signifie cependant en rien que leur adhésion à un message de transcendance très exigeant ne soit pas sincè re, convaincu et enthousiaste.
Golias magazine n°
L'ENQUETE Sarkozy, le nouveau Constantin
Un enjeu de fond Nos critiques à l'endroit du discours du Latran nous sem blent s'imposer d'une part à partir d'une philosophie de la liberté dont la laïcité n'est elle même qu'un aspect, mais surtout d'autre part, d'une prise en compte des risques géopolitiques, sociaux et sociétaux d'une mise en valeur excessive des identités reli gieuses, avec le cortège qui suit de communautarismes de tous acabits. L'État ne doit pas sortir sur le fond d'une stricte neu tralité par rapport à la vérité ou à la pertinence d'un message religieux, encore moins favoriser ou diffuser ce dernier. Bien entendu, à l'opposé, une discrimination toute idéologique est également contraire à un véritable sens de la laïcité. Une idée semble d'ailleurs plus ou moins suggérée aujourd'hui, égale ment par Nicolas Sarkozy ; celle, selon laquelle, en fait, l'idée même de laïcité aurait désormais perdu toute actualité, tradui rait un combat d'arrière-garde, éventuellement justifié, et enco re, dans le contexte passé mais aujourd'hui privé de fondement. En réalité, le problème présente plusieurs faces. D'une cer taine façon, on peut comprendre la volonté politique de ne pas nier, maudire ou diaboliser, un phénomène social incontestable, dont on ne peut nier l'importance persistante. Qui plus est, dans le concret des initiatives, une synergie harmonieuse est toujours préférable à une crispation, chacun campant sur son pré carré. D'un autre côté pourtant, comment nier également, par La référence plus vague, et sans doute extrapolée à l'idée d'Edgar Morin d'une "politique de civilisation", alors que Nicolas Sarkozy n'a sans doute guère étudié par le menu les essais nuancés et complexes du sociologue français, relève aussi du flash et du coup de coeur. Sans aucun doute, le Président français a senti, sans la formuler de façon systématique ou conceptuelle, une certaine faillite du quantitatif [rendue encore plus évidente par la crise actuelle du pouvoir d'achat] et le désir d'un progrès qui soit également qualitatif, dans la veine de ce que peut également écrire un Luc Ferry. Il est assez probable que dans l'esprit de Nicolas Sarkozy les spiritualités de la trans cendance constituent des réponses particulièrement perti nentes et fortes à ce désir d'un plus "qualitatif". C'est pourquoi, à notre avis, il est possible de rapprocher, par-delà les siècles et les contextes, Constantin et Nicolas Sarkozy. L'un et l'autre entendent par conviction ouvrir un nou vel espace civil de reconnaissance du christianisme. Nous sommes loin d'une pure stratégie politique, de la seule "Realpolitik" même si cette dernière tient aussi sa place dans cette affaire. Nous pensons en particulier à l'éloge fait à Riyad, capitale du wahhabisme, une version très dure de l'islam, de la diversité des religions, laquelle a pour le moins beaucoup de mal à s'y imposer.
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exemple sur des questions sociétales, que des autorités spiri tuelles cherchent à faire prévaloir leurs choix propres comme s'ils s'imposaient au nom de la nature humaine tout entière ? Le risque éventuel de prosélytisme et de fanatisme ne saurait être pris à la légère. La croisade menée actuellement en Espagne par une frange importante de la hiérarchie et la majeure partie de l'épiscopat pourrait nous inciter à une grande prudence dans la reconnaissance d'une communauté de pensée ou de foi comme telle, au-delà de la citoyenneté qui ignore certaines divi sions et spécifications. D'un point de vue historique, certains des propos tenus au Latran sont proprement scandaleux. Ainsi, Nicolas Sarkozy ne retient que l'héritage positif de l'oeuvre de l'Église et celui néga tif de la laïcité. La comparaison entre le prêtre et l'instituteur laïc est de toute façon déplacée et relève d'une apologétique qui n'est point de saison de la part d'un président de la république. Certes, nous savons que le discours n'a pas été rédigé par Nicolas Sarkozy lui-même mais par Emmanuelle Mignon, assistée de Thibaud Collin et sans doute du Père dominicain Philippe Verdin. Pour autant, il reflète des convictions et des intuitions qui sont bien celles de Nicolas Sarkozy lui-même, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Et c'est précisément ce qui nous inquiète. S'il s'agissait d'un clin d'oeil diplomatique, cela serait beaucoup moins significatif. Au contraire, dans la mesure où, manifestement, le Président entend bel et bien ouvrir une nou-
L'ENQUETE
Sarkozy, le nouveau Constantin
/elle ère dans les rapports entre la religion et la politique, l'Égli se et l'État, nous nous trouvons en présence d'un nouveau tour nant "constantinien", au moins dans une certaine mesure. Notre président semble oublier aussi que si des États démo cratiques, indépendants de factions confessionnelles rivales ont pu naître et persévérer dans l'être, c'est bien grâce à un affran chissement délibéré, souvent au prix d'un vrai combat, à l'en droit des autorités religieuses, peu disposées à perdre de leur pouvoir. Il ne s'agit pas de nier contre toute évidence l'utilité sociale et le possible rôle d'animation sociale de la religion, enco re mains la dimension culturelle et patrimoniale. Ce nonobstant, la confusion des champs et des compétences ouvre la voie à de nouvelles tensions possibles et peut réveiller de vieux démons. Jne distinction plus stricte, avec tout de même une séparation, au moins jusqu'à un certain point, constitue un garde-fou que la sagesse défaillante des hommes d'aujourd'hui comme d'hier nous invite à ne pas négliger ou mépriser. Dr, la thèse première, semble-t-il, de Nicolas Sarkozy est que a laïcité n'est pas une séparation, ce qui le situe en contraste avec l'héritage proprement français. Il est vrai que la laïcité décidée par le gouvernement provisoire de 1945, coulée dans e bronze de la constitution en 1958, n'a pas fait l'objet d'une définition en bonne et due forme qui donnerait au débat des contours définitifs et décisifs. Ainsi, la République ne privilégie dus aucun culte : cela signifie-t-il qu'elle se sépare d'eux et dans quel sens ? L'une des raisons d'ailleurs pour lesquelles l'État ne consomma pas la séparation en 1905 est bien que l'État aurait ainsi cédé à l'Église, 40.000 églises, ce qui constitue en fait un cadeau plutôt empoisonné en raison de l'entretien nécessaire [au bout du compte, aujourd'hui, l'Église sort gagnante de la loi de 1905). La loi de 1905 a d'ailleurs été modifiée une vingtaine de fois et rien ne s'oppose à un nouveau toilettage, reste à savoir de quelle nature et de quelle importance. Notons cepen dant que, sous l'influence d'Aristide Briand, les parlementaires adoptèrent finalement une loi moins négative pour les institu tions religieuses que prévu au départ. On pourrait parler d'une loi de liberté. A ce corpus législatif et institutionnel s'ajoute de fait une mentalité, qu'on appelle parfois laïcisme, qui tient aussi à la com plémentarité constante d'une loi avec l'esprit qui T'inspire. Sans doute, il a souvent été traversé par une sorte d'hostilité instinc tive et implacable à l'égard du clergé et a favorisé un autre genre de fanatisme. On devrait cependant se demander jus qu'où, en le désignant comme l'erreur à ne pas faire, on ne risque pas de tomber dans une erreur opposée : celle de mini miser l'intention profonde de la loi et des autres initiatives qui va jusqu'à un certain point dans le sens de la séparation sans consommer jusqu'où bout cette tendance.
La France entretient des relations diplomatiques avec le Saint-Siège depuis le XVe siècle, qui n'ont été interrompues que pendant la révolution française, avant d'être reprises par Napoléon Bonaparte dans les conditions que l'on sait, puis rom pues par la troisième république de 1904 à 1921. La première guerre contribua à rapprocher deux France qui s'affrontaient. Le voyage du Président auprès du Pape s'inscrivait donc dans la meilleure tradition, sauf que son style un peu étrange et contrasté et le ton donné par le discours marquaient la rupture. En parlant de laïcité positive, le Président Sarkozy laisse entendre qu'il y a une laïcité qui ne l'est pas : il rallume donc à sa façon une méchante polémique. L'historienÉmile Poulat, spécialiste de la laïcité et de son his toire, n'a point tort alors d'écrire : " la question fondamentale pour l'Église en France n'est point tant d'être visible, mais d'être audible, en sachant qu'il ne suffit pas de parler pour être entendu, mais qu'il faut trouver l'oreille d'autrui et lui dire des choses pour lui pertinentes". Emile Poulat estime en outre que l'Église sousestime actuellement sa visibilité présente et le nombre considé-
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L ' E N Q U E T E Sarkozy, le nouveau Constantin
La triade capitoline Au Panthéon de la conception sarkozyste de la religion, règne une triade capitoline complémentaire des conseillers de l'actuel Président de la république française. Elle se com pose d'une femme, d'un philosophe et d'un père dominicain : Emmanuelle Mignon, Thibaud Collin et le Père Philippe Verdin. La première est la principale rédactrice du discours du Latran qui a fait couler beaucoup d'encre. Le dernier est partenaire de dialogue du président dans "La République, les religions, l'espérance", un livre d'entretiens paru en 2004, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l'économie et des finances (voir à ce sujet nos analyses dans Golias n°100 et n°113]. Un livre également revu et corrigé dit-on par le second, et même par la première ! Les trois conseillent en tout cas l'habitant de l'Elysée pour les questions religieuses : la première avec beau coup de compétence juridique mais souvent un certain flou intellectuel sur les questions doctrinales; le second avec une grande rigueur de normalien mais moins de sens politique; le dernier, enfin, avec un esprit "scout toujours" très enthou siaste et une ligne théologique néo-intransigeante et très iden titaire mais parfois déconcertante. Emmanuelle et Philippe se sont connus naguère chez les Scouts Unitaires de France, les SUF, [voir à ce sujet Golias n°117]. C'est par l'intermédiaire d'Emmanuelle que le projet d'un livre d'entretiens Sarkozy /Verdin a vu le jour. Ce lien des trois personnalités avec le scoutisme et avec une façon décomplexée et parfois un peu simpliste d'exalter le bon côté du catholicisme constitue un fil rouge.
sa grande rapidité d'écriture, la plume de Jacques Chirac qui écrit ses discours sur ses instructions lors de la campagne présidentielle de 1988. Avant de prêter ses talents à Nicolas Sarkozy. En matière économique, elle se présente comme ultra-libé rale disant même souhaiter, en 2004 il est vrai, une privati sation complète de l'Éducation nationale. D'aucuns prétendent qu'elle exerce une réelle influence de fond sur les convictions de Nicolas Sarkozy, ce qui semble pourtant bien difficile à mesurer. Il semble plus vrai de dire que l'actuel président aime saisir les idées au vol, y compris probablement celles d'Emmanuelle Mignon. Parfois présentée comme l'un des sherpas de Nicolas Sarkozy, sinon comme son gourou, il semble qu'il y a en fait surtout une interaction intellectuelle positive et créative entre le Président et sa conseillère. Très soucieuse d'une affirmation de l'identité catholique, volontiers enthousiaste, Emmanuelle Mignon est cependant en décalage avec la ligne conservatrice en morale sexuelle, sur la question des divorcés remariés par exemple. Comme son Président ?
2. Thibaud COLLIN Né en 1968, agrégé de l'université, enseignant en classes
Né en 19B8, énarque et diplômée de Sciences Po, Emmanuelle Mignon est maître de requêtes au Conseil d'État., mais a surtout été directrice des études de l'UMP en charge de mettre au point le programme du futur candidat Nicolas
préparatoires au prestigieux lycée Stanislas, ce jeune philo sophe incontestablement brillant, clair dans ses propos, appartient à l'équipe de "Liberté politique", de jeunes intellec tuels très conservateurs sur les questions de moeurs et au contraire ultra-libéraux sur les questions économiques. De fait, sa critique des revendications idéologiques contempo raines ne manque pas de pertinence même si l'on peut, comme Golias, adopter en général un point de vue radicale ment opposé. On lui doit en particulier un ouvrage "le mariage
Sarkozy. Elle sait mettre en contact différents réseaux, les flui difier et se présente d'abord comme une grande travailleuse de l'ombre, habituée des antichambres ministérielles. Elle connaît très bien la place Beauvau puisqu'elle fut conseillère du ministre d'alors...Nicolas Sarkozy.
gay" particulièrement féroce à l'endroit des milit; connaît très bien la philosophie contemporaine, en particulier semble-t-il celle de Michel Foucault, c'est pour mieux la com battre en se servant de ses propres armes,, non sans un cer tain brio dialectique. De façon remarquablement adroite et
Directive et efficace, inlassable et infatigable dit-on, c'est à l'évidence une recrue de choix. Issue d'une famille de quatre enfants, elle passe sa jeunesse à Paris. Elle s'engage très vite en politique. Avec beaucoup de talent, elle s'impose d'emblée comme incontournable. Elle devient, grâce à sa réactivité et à
intelligente, Thibaud Collin vient de sortir l'été dernier,un ouvrage à la fois historique et systématique " Laïcité ou reli gion nouvelle ? L'institution du politique chez Edgar Quinef. Il tente d'établir un lien entre "la forme religieuse d'un peuple et la forme politique" et ainsi de transformer fondamentalement l'idée de laïcité.
1. Emmanuelle MIGNON
.50 Golias magazine n° 118 janv/février 2008
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Sarkozy, le nouveau Constantin
3. Philippe VERDIN
rable de moyens [en particulier des bâtiments] dont elle dispose encore et qui la rendent hors concours.
Ce dominicain assez séduisant et qui semble le savoir demeure dans les mémoires l'homme qui a confessé Nicolas Sarkozy. Né en 196S, ordonné prêtre en 1999, touche-à-tout, il est romancier, chroniqueur au Figaro littéraire et éditeur au Cerf, avant de devenir aumônier d'étudiants à Dakar au Sénégal.
La volonté qui se dessine ici ou là, de façon parfois vague et équivoque, d'une nouvelle synergie entre l'Église et l'État, y com pris sur le modèle le plus intransigeant possible, se heurte tou jours à une conviction forte ainsi exprimée par un homme vrai ment très peu suspect d'anticléricalisme, l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, pour lequel "la société française ne
Il consacre un livre assez naïf de ton d'ailleurs, à commen cer par le titre, au scoutisme : "les pieds sur terre vt la tête dans le cief, où il tente d'articuler la dimension pédagogique du scoutisme à une voie de sainteté. Le livre n'évite ni la miè vrerie ni le ressassement de lieux communs. On lui doit éga lement une romance, assez médiocre en vérité, "La grande tribu", peinture douce et arrière des milieux aristocratiques et religieux. Sans oublier un roman policier assez décevant "L'assassin de Tass/n"qui se passe dans une inquiétante mai son d'édition religieuse où, comme par hasard, les méchants sont très méchants et les gentils vraiment gentils. Philippe Verdin se dit très inspiré par la collection "signes de piste" de
peut accepter qu'une religion tente de lui imposer un projet poli tique". C'est sans doute ce qui fait que dans certains milieux catholiques la République en fait ne passe toujours pas, bien plus d'un siècle après le toast d'Alger de 1890 du cardinal Lavigerie.
Serge Dalens qui se passe dans des milieux scouts très à droi te. Exécuteur testamentaire du Père Ambroise Marie Carré,
pour autant perdre de vue l'horizon d'un triomphe du christianis me qu'il espérait et en lequel il croyait.
lequel fut un dominicain subtil et chaleureux qui siégea à l'Académie française, Philippe Verdin est actuellement surtout en grâce.... présidentielle. Il accompagna d'ailleurs Nicolas
La nouvelle conception de laïcité est présentée par Nicolas
Sarkozy dans son voyage en Afrique. Bien qu'étant à l'origine proche des milieux Villepin, Gaymard et Tillinac (donc beaucoup plus Chirac que Sarko], le Père Verdin, qui avait au départ des réticences au sujet de la personnalité de Nicolas Sarkozy, fut finalement conquis par son interlocuteur pour un livre d'entretiens. Il a été littérale ment bluffé et séduit par le futur président : "ce qui m'a le plus ému, c'est que cet homme va à la rencontre de l'autre. Il a envie de faire un bout de chemin avec vous". "J'ai découvert quelqu'un qui a une hauteur de vue et une ouverture qui m'ont bluffé - sur l'islam par exemple. C'est un homme qui écoute, qui est très attentif à ce qu'on lui dit sur des sujets qu'il ne maîtrise pas. Il est très séducteur. Il me posait un tas de questions sur mon quoti dien de dominicain [...] Je n'ai pas eu affaire à un crâne d'oeuf technocrate". Ouf ! on respire. Mais est-ce que cela suffit pour causer de la République, des Religions et de l'Espérance ? Christian Terras et Romano Libero
On imagine sans peine les réactions de contrariété provo quées par le discours du Latran et par l'ensemble du positionne ment de Nicolas Sarkozy sur la question religieuse, par exemple chez les frères du Grand Orient de France. Assez habile, le Président entend dissiper leurs inquiétudes en leur rendant visite. Constantin en son temps se faisait violence et acceptait quelques concessions aux traditions païennes, nécessité faisant loi, sans
Sarkozy comme "positive" façon contournée de dénoncer l'autre, jugée archaïque, comme négative. La réflexion peut et doit s'ou vrir, car l'exception française n'échappe pas à la critique ni à l'es prit de réforme. Toutefois, au plan des principes essentiels, au niveau duquel nous entendions ici nous situer, il conviendrait de faire preuve de prudence, d'éviter de confondre les genres et d'ouvrir une boîte de Pandore, ce que nous pourrions regretter, car le risque de confusions, de revendications communautaristes, de retour subtil à une théocratie avec l'influence des pouvoirs reli gieux visant à dicter une morale pour tous, ne nous semble pas illusoire. Enfin, last but not least, à la différence peut-être de Constantin cette fois, notre cher Président, toujours en quête d'une nouvelle piste à suivre, devrait quelquefois réfléchir davan tage avant de suivre une intuition. Nous citerons pour finir André Malraux : " Dieu n'est pas fait pour être mis dans le jeu des hommes comme un ciboire dans la poche d'un voleur".
Francis Serra * Paul VEYNE, "Quand notre monde est devenu chrétien", Paris, Bibliothèque Albin Michel, Idées, 2007.
Golias magazine n°
NOUVEAUTE
le pape qui ordonna le ralliement à Hitler
PIE XI le pape
Ferdinand Desmurs Le rôle fondamental tenu par l'Église dans les pays
qui ordonna le ralliement
jermanophones aussi bien dans le domaine spirituel que dans ceux associatif, politique et institutionnel au Tioment où la République de Weimar se fait le placier lu Troisième Reich, impose à l'historien du temps pré;ent une attention soutenue aux rapports entretenus
HITLER
par l'Église de Rome avec le nouveau chancelier et son gouvernement. La recherche de l'historien se trouve soulagée par l'abondance des archives concernant ce . sujet. Ses résultats viennent d'en être confortés par ives au pontificat de Pie XI. (ouverture toute récente des archives vaticanes relaL'historien du temps présent ne peut dès lors que
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partager l'étonnement de ses collègues hors hexagone à voir l'ordre papal de ralliement au Fuhrer et son suivi pointilleux par la Curie romaine, niés par des bio graphes français de Pie XI et de Pie XII. L'auteur de l'ouvrage, "PieXiJepapequiordon na le ralliement à Hitler ", entend s'en tenir à cette seule méthode, se rappelant par ailleurs que l'historien ne peut jouer l'avocat ni s'imposer en procureur. Aussi se bome-t-il au relevé d'un ensemble de documents [actes, discours, décrets] rapportés sans retouches ni omissions. Ils émanent des trois actants du ralliement que furent le pape, le Fuhrer et l'épiscopat allemand. Invité à l'accompagner dans la fouille de l'archive et à formuler sa propre approche critique le lecteur devient auteur. L'auteur : Ferdinand Desmurs, ancien résistant du grou pe "Témoignage chrétien" durant la seconde guerre mondiale, est docteur en philosohie, docteur es Lettres.
Grand
angle
Les larm du silence ou la vie religieuse en question Dossier coordonnĂŠ par Vincent Farnier
Les larmes du silence
De l'urgence d'un véritable discernement On se souvient de l'impact retentissant trente ans en arrière du livret de Pierre Solignac "La névrose chrétienne" (ouvrage que les éditions Golias publieront prochainement dans le cadre d'une nouvelle édition refondue]. Sans réduire le christianisme en un bloc pathologique et pathogè ne, le soupçon, il est vrai, est ancien. Friedrich Nietzsche nous livre une analyse au vitriol plus encore qu'au marteau de la genèse du christia nisme comme de la religion des faibles, dominée par des forces réactives et un puissant ressenti ment. Sigmund Freud, quant à lui, présente, en particulier dans \'"Avenir d'une illusion" et dans "Moïse et le monothéisme", la religion comme une névrose obsessionnelle de l'humanité, apaisant
De fait, le vice foncier qui est à l'origine des multiples pathologies constatables est la suprématie parfois écrasante et cruelle de la structure sur l'individu, lequel pour exister ne peut plus avoir recours alors
qu'à des stratégies de contournement l'angoisse au travers du rituel mais l'alimentant également, et empêchant l'homme d'avoir une et de mensonge, attitude adulte face à la réalité. sinon de véritable per version. La question A l'évidence, le livre de Pierre Solignac en écho aux grands intellectuels du soupçon, pouvait ali qui ne manque alors gner des faits incontestables et des explications pas de se poser est très pertinentes. La critique que l'on peut toute de savoir pourquoi un fois formuler à pareille entreprise est de réduire une donnée sans doute en soi consistante individu s'engage comme le sentiment religieux et l'aventure chré volontairement dans tienne - où l'on rencontre le pire et le meilleur - au une telle prison, et travers d'une lecture qui uniformise et ne semble pas assez sensible aux variations bien réelles et à l'ambivalence fondamentale, très souvent, des
parfois avec enthou siasme et contre les mises en garde aver ties des parents et des amis.
stratégies psychologiques. Nous nous refusons déjà par principe de méthode à concevoir une sorte de bloc chrétien qu'il serait possible de qua lifier de façon univoque. Il y a bien des façons d'être chrétien et le christianisme comme tel relève pour nous davantage d'une inspiration que d'une doctrine figée. Enfin, chez la même personne, la référence religieuse peut être chargée d'affects positifs et négatifs, cristalliser une névro se et au contraire être porteuse d'une extraordinaire dyna
l'on rencontre dans le cadre quelquefois étouf fant d'institutions catholiques très fermées sur elles mêmes, comme la vie religieuse cloîtrée. A l'issue d'une investigation forcément précise, circonstanciée et mesurée, il nous faudra nous demander dans quelle mesure les traits patho logiques observés sont causés ou du moins favorisés par le contexte catholiqi" et ne sont pas tout simplement liés à notrj humanité défaillante, se trouvant aussi mais peut-être pas surtout dans des milieux catholiques. Cette interrogation suppose une attention toute particulière à la description exacte des symptômes et une rigueur prudente dans leur étiologie. Parfois, on peut en effet se deman der si c'est le cadre qui suscite la pathologie ou si, au contraire, les individus n'ont pas choisi tel cadre en raison d'une pathologie initiale que ce cadre leur permettait de gérer de façon moins douloureuse ou périlleuse, au moins à leurs yeux. Cela vaut par exemple pour la pédophilie. De même, choisit-on parfois une voie de céli bataire pour des raisons fort troubles mais cela ne veut pas dire qu'au bout du compte le célibat imposé n'ait pas encore aggravé les choses. En fait, cette interrogation ne se pose donc pas seulement sur le mode de l'alternati ve ["ou"..."ou"] mais quelquefois sur celui de la conjonction ["et" ..."et"). Des personnalités cherchent un bénéfice illusoire dans tel milieu de vie qui en réalité aggravera leur état per sonnel. Des enquêtes menées sur la congré gation Saint Jean [cf. Golias n°105], par exemple, ont établi que beaucoup de jeunes recrues étaient d'emblée psychologiquement
mique de libération et de passage. Nous renvoyons aux remar quables travaux du jésuite André Godin ou d'Antoine Vergote.
fragiles, que leur séjour dans cet ordre a fait effet boule de neige, a fait passer le patent au latent, le bénin au tragique. En fait, les psychologues nous montrent bien qu'une personnalité se constitue ou se décompose en interaction avec l'environne ment, avec les autres, et non pas en seule fonction de l'héritage ancien ou des éléments qui lui sont plus spécifiques. Deux
C'est pourquoi, plus modestement, nous nous limiterons spontanément à analyser les éventuelles manifestations claire ment pathologiques et parfois profondément destructrices que
jumeaux placés dans des contextes très divers cultiveront des personnalités, et parfois des pathologies, bien averses elles aussi. Cette observation réfute l'argument souvent invoqué par la hiérarchie qui tend à faire reposer la responsabilité des nau-
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Les larmes du silence I
EDITORIAL
frages psychiques sur les individus ou les familles pour en exoné rer les institutions catholiques, en particulier couvents ou sémi naires qui sont des vases clos, faisant donc au moins caisse de résonance. C'est dans cette perspective que Golias entend donner un écho important à la recherche de l'anthropologue Roselyne Roth-Haillotte sur la vie religieuse surtout féminine et cloîtrée et que les éditions Golias viennent publier avec l'ouvrage "Vie consacrée, entre passion et désordres". De façon indéniable, des conduites pathologiques et pathogènes sont favorisées et aggravées par un contexte souvent délétère. Les institutions catholiques doivent s'interroger sur les dérives et les souf frances qu'elles favorisent. Un processus de déni, visant à cou vrir des gens bien placés, ne peut avoir que des conséquences négatives pour les plus fragiles. Le résultat est accablant. Dans une perspective ethnologique, l'auteur met très bien en évidence les interactions multiples et dynamiques, la complexité des itinéraires, les aléas d'un univers trop structuré et coercitif, saturé de ritualité et de symbolisme. De fait, le vice foncier qui est à l'origine des multiples pathologies constatables est la suprématie parfois écrasante et cruelle de la structure sur l'in dividu, lequel pour exister ne peut plus avoir recours alors qu'à des stratégies de contournement et de mensonge, sinon de véritable perversion.
Une intention sacrificielle complexe et torturée La question qui ne manque alors pas de se poser est de savoir pourquoi un individu s'engage volontairement dans une telle prison, et parfois avec enthousiasme et contre les mises en garde averties des parents et des amis. Indépendamment du fameux complexe de Stockholm qui se crée entre le tortionnai re et la victime, au préalable, la victime semble en quête d'un bourreau et d'une prison. Cependant, soulignons le, cette com plicité initiale qui entrave évidemment le processus ultérieur de libération, n'exonère en rien la responsabilité morale des insti tutions, et en particulier ici des communautés religieuses, qui exploitent cette faiblesse et cette pathologie initiale au détri ment de la personne. C'est d'ailleurs pourquoi, loin de se réjouir de l'éventuelle amélioration d'un état psychologique de qui les aura quittées, nombre de communautés au contraire diabolisent ces déserteurs et mettent un cordon sanitaire entre elles et ceux qui sont restés. Au coeur de cette vie religieuse consacrée, se trouve une intention sacrificielle souvent complexe et torturée, qui peut se prolonger également en attitude sadique envers autrui. D'une certaine façon, les individus y trouvent au départ leur compte, mais très vite à leurs propres dépens [et aux dépens de leur entourage]. La sacralisation de la vie religieuse les enchaîne ensuite, les culpabilisant dans leur désir le plus élémentaire de commencer à vivre et de devenir des personnes adultes et auto
nomes. Les structures de la vie religieuse entretiennent, ali mentent et aggravent une volonté aliénante de dépendance, peut-être parfois pour se fuir et se dispenser d'exister, font pres sion subtilement sur des éléments souvent inconscients de la petite enfance qui conditionnent une attitude de fuite du monde et en général du sexe. L'enchantement magique des noces mys tiques et d'étranges fiançailles spirituelles permet d'éviter ce regard sur soi pourtant parfois indispensable et incontournable. Les faits établissent la survenue de troubles psychiques par fois très longtemps après l'engagement. Ce constat est impor tant car il relativise l'idée selon laquelle une personne vivant d'abord bien sa condition ne connaîtra pas des crises parfois assez tardives, ne vivra pas un réveil parfois intense de l'affecti vité et du désir sexuel refoulé, avec on l'imagine toute la marée de culpabilité envahissante qui pourra sourdre. C'est pourquoi d'ailleurs le problème n'est pas seulement ni d'abord celui du discernement préalable à l'engagement, réel dans un certain nombre de cas mais point dans tous. La législation et la morale devraient tenir compte du fait qu'une personnalité change et parfois radicalement. Cela est vrai aussi de la situation des per sonnes mariées. Le devenir psychique de quelqu'un n'est pas tracé d'avance et peut certainement s'écrire dans la durée. Chaque personne connaît un rythme d'évolution psychologique qui lui est propre. Un individu peut faire une crise d'adolescence, avec exacerbation immature du désir sexuel à soixante ans ! Les évolutions sont bien entendu retardées et compromises dans un climat de répression et d'écrasement de soi, de culpaGolias magazine n° 118 janv/février 2008 p.55
EDITORIAL
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bilité et de rapport névrotique au sexe. Le blocage des uns entretient celui des autres; et vice et versa. C'est pourquoi celui qui vit ouvertement une évolution trop radicale crée une pertur bation psychique considérable chez ses semblables mis en question dans l'équilibre souvent précaire, à base de résigna tion, auquel ils sont parvenus. D'où ie fait que les émancipés soient traités en brebis galeuses, pour protéger les autres d'une contagion très redoutée. Les autorités religieuses préfèrent fermer les yeux sur des dérives cachées, des conduites compulsives secrètes, doulou reuses et honteuses, que d'aider la personne à assumer son histoire et une évolution qui la surprend parfois elle-même. A force de vouloir fermer à tout prix le couvercle c'est une véri table implosion psychique que l'on peut susciter. Alors que des exutoires, des espaces de liberté, de créativité et d'expression non contraintes, permettent de vivre des étapes plus encoura geantes vers une intégration psychique accomplie.
Les autorités religieuses ferment les yeux Nous ajouterons qu'un fonctionnement analogue existe éga lement, sous forme mitigée pourtant, du côté des clercs sécu liers, surtout dans les petits diocèses et lorsque les prêtres reçoivent un salaire de misère de leurs autorités. La spiritualité de l'École française, tendant à faire du prêtre séculier un reli gieux, explique que la situation de dépendance psychologique aliénante des clercs envers l'autorité épiscopale soit plus forte en France qu'en Allemagne ou en Belgique. D'un point de vue théologique, la vie religieuse devrait offrir un signe "eschatologique" de la vie du ciel déjà commencée et rayonnante sur la terre. Ce qui suppose la joie, laquelle est sou vent hélas impossible et fait place à la souffrance, à la détresse, à la destruction compulsive et cruelle de soi et des autres au nom d'un idéal mal compris et malsain de sacrifice. Sans doute, il y a un épanouissement souverain de soi pos sible dans l'abandon de sa volonté à un amour qui nous conduit. Sans doute, il y a un épanouissement souverain de soi possible dans la liberté par rapport à l'avoir. Sans doute, il y a un épa nouissement souverain de soi possible dans une affectivité transfigurée, dilatée et généreuse, ne passant pas par la consommation génitale. Nous n'en doutons aucunement. Il y a un sens positif possible des voeux religieux. A condition d'opérer un triple discernement constant et libre, et de permettre à quel qu'un de remettre en cause un engagement vrai au départ qui n'est plus pertinent en raison d'un itinéraire existentiel qui n'a rien de coupable mais s'impose, avec l'évidence de l'authenticité avec soi-même. Y compris en assurant des conditions maté rielles [comme la cotisation retraite, cf à ce sujet le numéro de Golias n°112] sans lesquelles un changement de voie devient impossible. Ce triple discernement peut-être détaillé comme suit :
* un discernement au niveau PSYCHOLOGIQUE et PERSONNEL, non seulement avant un engagement, mais tout au long de l'existence car le sujet évolue et change; en toute liberté, la possibilité d'une aide psychologique sera proposée à qui le désire; on ne donnera pas à ce discernement une valeur infaillible et totalement définitive, pour des raisons déjà évoquées. Chaque religieuse [ou religieux] doit pouvoir, sans dif ficulté, au cours de sa vie, faire appel à des experts ecclésias tiques et profanes ! * un discernement au niveau COMMUNAUTAIRE, sur le fonctionnement [ou dysfonctionnement] réel, pratique et bien concret d'une communauté, ce qui suppose des regards exté rieurs avertis, en premier lieu celui de l'évêque du territoire qui doit remplir de façon approfondie la mission que lui confie le droit canonique à cet égard; dans une certaine mesure, et avec des protections, l'autorité civile doit pouvoir avoir un drô$ de regard, surtout lorsqu'une pratique sectaire est possible [cf les différents numéros de Golias abordant la question des dérives sectaires des "communautés nouvelles"]. Le choix des respon sables de communauté devra être particulièrement prudent, car une personnalité mal intégrée, inapte à une charge de gou vernement, peut causer des dégâts immenses dans une com munauté. * un discernement au niveau THEOLOGIQUE qui évite une présentation inexacte, enchanteresse et imaginaire de la voca tion religieuse et qui redimensionne la dimension de sacrifice en centrant la vie religieuse sur l'amour et la joie, en prenant en compte, fût-ce de façon différente, l'aspiration légitime de cha cun à un épanouissement créatif de lui-même qui ne fait pas ombrage à Dieu.
Des réformes s'imposent De toute évidence, des réformes conséquentes s'imposent au niveau institutionnel. Pourtant, la solution n'est pas seule ment de changer des structures qui favorisent les dérives pathogènes, sans quoi le problème psychologique de fond ne serait pas résolu mais se sédimenterait ailleurs et autrement, tant il est vrai qu'on change plus facilement de contenu explicite que de structure profonde. Lors même que le seuil de la guéri son est franchi, l'aventure ne fait que commencer. L'aide psy chologique aide chacun à retrouver son indépendance et son autonomie, sa liberté et la faculté d'agir sans être le jouet de pul sions intérieures ou de pressions extérieures. La personne demeure renvoyée à elle-même. Nul n'est sauvé malgré ou sans lui ! La balle est dans le camp de tous ceux qui, pour des raisons diverses veulent vivre enfin ! Quelque délicate, incertaine et diffi cile que soit la situation. Car la première maladie à affronter, et cela vaut pour chacun, est toujours la vie réelle. Le chemin du bonheur ne se trace pourtant pas ailleurs, car Dieu même est venu habiter parmi nous. Golias
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DOGOMENT
Vie consacrée : entre passion et désordres La vie religieuse induirait-elle des spécificités dans le fonctionnement psychique et exis tentiel des individus ayant dédié leur vie à Dieu ? Telle est - entre autres - une des importantes questions posée par le livre remarquable de la chercheuse et anthropo logue Roslyne Roth Haillotte. Nous publions le chapitre qui lui est consacrée dans cet ouvrage référence1 que les éditions Golias viennent de sortir ["Vie consacrée, entre pas sion et désordres"].
La culture contemporaine, une mau vaise ambiance communautaire, l'infidé lité aux vœux ou la perte de la foi peuvent s'infiltrer en sourdine et perturber ces hommes et ces femmes dans leur pleine maturité religieuse. Certains se sentent à l'étroit dans ce genre de vie et d'autres s'interrogent sur l'implication de l'Église dans les cultures païennes ; « Là-bas j'ai commencé à m'interroger sur la hiérar chie, sur l'Église, sur : qu'est-ce qu'on veut faire avec les Indiens ? L'évangélisation réelle, c'était très rituel. Par exemple, les messes pour les défunts ou bien les Indiens qui vivaient maritale ment et qui étaient invités à venir se marier, mais il leur fallait de l'argent. On se situait d'une manière différente, c'était dif ficile à comprendre ce qu'on faisait » [M.T], Des femmes, mais plus générale ment des hommes, peuvent vouloir sou dainement [redécouvrir la vie charnelle. Cette envie du plaisir, mais aussi cette envie affective induisent deux attitudes antinomiques, faire abstraction de ses sentiments humains et les transférer sur le divin, tel que le prône l'idéologie, ou mettre en péril sa vocation religieuse. Face à ce trouble, la notion de maturité est largement promue dans les textes
maturité affective exigent une formation
ecclésiastiques,
« La plupart des difficultés rencon trées de nos jours dans la formation des novices proviennent du fait que ceux-ci ne
« La maturité affective suppose que l'on ait conscience de la place centrale de l'amour dans l'existence humaine. [...] La maturité humaine et en particulier la
limpide et forte à la liberté [...] »1. et sous-tend l'équilibre de l'individu pour aborder la vie consacrée :
possèdent pas, au moment de leur admis sion au noviciat, ce minimum de maturité nécessaire »2.
Seuls les individus dénués de tout désir affectif ou pulsionnel apparent reçoivent le sceau légitime de la matu rité. Pourtant, bon nombre d'entre eux vivent avec des affects refoulés qui, par fois, déclenchent une souffrance chro nique. Anne Pontillé aborde dans son autobiographie, son dessèchement psy chologique. Alors qu'elle s'adresse à un neurologue, abruptement, ce dernier lui déclare ; « Affective comme vous Têtes, vous ne pouvez vivre sans affectivité ni
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sexualité. Tout part de là. Vous n'avez pas fait le choix définitif de la vie religieuse. Il faut le refaire ou y renoncer, mais de manière plus radicale »3, et quelque temps plus tard, un psychologue lui confirme : « D'ailleurs vos engage ments n'ont pas été des engagements spontanés de l'être. Vous avez eu sans cesse besoin de confirmations extérieures et c'est sur la parole des autres que vous avez avancé »4. La vie religieuse induirait-elle des spé cificités dans le fonctionnement psy chique et existentiel des individus ayant dédié leur vie à Dieu ? Les hommes et les femmes animés de pulsions « humaines » gèrent le plus souvent ces troubles, en catimini, à l'abri des regards, avec toute la culpabilité que cela engendre. « // y avait l'aspect du célibat qu'on ne peut pas nier. Tant qu'on est dans le cadre au noviciat, bon... Moi,
j'ai été enfermée trois ans au noviciat, on n'avait pas de contacts avec les hommes, mais en Amérique latine, on avait des contacts. Il y avait un tas déjeunes prêtres missionnaires qui étaient aussi en ques tionnement par rapport à leur célibat. Donc, et bien voilà, il y a forcément des rencontres. Le problème, c'est que Ton se sent un peu isolée à trois mille mètres d'altitude et que tout d'un coup, on tombe plus ou moins amoureux de quelqu'un, avec tout ce que ça représente de fan tasmes, alors on se dit : Est-ce que je peux aller plus loin ? Est-ce que je remets en cause ma vie religieuse ? Sinon, com ment vivre une relation équilibrée avec un homme, sans se cacher, sans être dans la clandestinité. Est-ce que ça peut aller plus loin ? Les autres sœurs sont témoins du courrier qui arrive, de ceci, de cela. Mais ça, ça reste dans le non-dit. Pour lui, hors de question de lâcher son sacerdoce. Moi, j'aurais tout lâché ! Pour moi la seule solu tion était d'oublier ce désir ou de renoncer
à ce désir, même si on pouvait garder une relation amicale et épistolaire. Mais, ce qui m'a fait me remettre dans la vie religieuse, fut l'idée de continuer la vie religieuse nor malement. Je me suis raccrochée à la vie religieuse » [M.T.). Si le désir sexuel se manifeste, l'indivi du devra concentrer toute son énergie vers un dérivatif et choisir comme exutoire une autre attache. Mais contrôler sans relâche cet ensevelissement peut, à tout moment, engendrer « mille désordres ». « Tout comme la violence, dit René Girard, le désir sexuel tend à se rabattre sur des objets de rechange quand l'objet qui l'attire demeure inaccessible. Tout comme la violence, le désir sexuel ressemble à une énergie qui s'accumule et qui finit par causer mille désordres, si on la tient longtemps comprimée »5. Dans la vie religieuse, la sexualité dénoncée est déniée et rejetée. La socia lisation musèle, d'une part, les corps, « Nous nous engageons, relate Lucie Licheri, parle vœu de chasteté à tenir nos corps à distance du corps de ceux et celles avec qui nous vivons. La douceur des corps qui se touchent et se caressent appartient à cette intimité qui conduit à une relation affective et parfois sexuelle qui n'est pas compatible avec notre choix de célibat continent. C'est un réel renonce ment, à ne pas relativiser sous prétexte de simplicité de relations. Des dérives, de type amoureux si la relation est mixte, ou à tendance homosexuelle latente entre reli gieuses, peuvent s'installer par naïveté au départ, entre personnes qui ne sont pas forcément de première jeunesse. Il est très difficile ensuite de se dégager de la rela tion trouble qui s'instaure. Nous devons nous affermir dans nos convictions de base qui aident à ne pas donner prise à ces comportements. [...] Sans être prude, il nous faut être réalistes et consentir hum blement à une prudence nécessaire pour aller vers cette chasteté intérieure à laquelle nous nous sommes engagées »B, et d'autre part, les confidences : « Dans les communautés, il y avait quand même un tabou important, on ne le disait pas si on était mal à Taise. Parce que être
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m 'p l'aise ça voulait dire qu'on n'était pas dèles à sa vocation, qu'on ne faisait pas ■p qu'il y avait exactement à faire, c'est-àlire en tant que périodes de prière, de ilence, de méditation, etc.. Il y avait tuelque chose où on ne devait pas être orrecte. Donc, on n'était pas bien, et tous 3S types de dépressions, ça n'existait pas. .es regrets que Ton pouvait avoir, ça f existait pas, ça ne pouvait pas exister. )n vivait toujours dans l'idéal, donc ça n'éait pas dit. La personne vivait dans un )nfermement » [M.S.]. Les repères de la ie extérieure s'estompent laissant place i un confinement des membres pour nieux conforter et réguler leur assujetissement moral. « C'est comme si j'étais lans un camp de concentration. Non pas nés Frères, ni les lieux du monastère, nais ce que je vivais intérieurement » Frère CL). Si une contemplative ren:ontre une difficulté sur son parcours ou lien doute de sa foi, seule la mère supéieure en sera informée. « Parfois, Tune Ventre nous traverse une période de cafard, de tristesse, voire de dépression. Il ïest pas permis, on s'en doute, d'en par er à celles que l'on appelle ses « Sœurs >. Nous devinons ces moments de marée lasse chez les autres et nous restons mpuissantes »7. Dans le cas présent, le groupe n'apparaît plus comme un renfor;ement mutuel, mais se caractériserait davantage par une absence de relation, mpliquant une solitude collective. Le danger réside dans l'accroisse ment du désir déferlant et ravageant mute la construction spirituelle : « Il y a m risque c'est vrai, de filer trop vite dans a vie spirituelle et d'oublier qu'on a un zorps, des désirs, une humanité particuliè re. À un moment, votre humanité se rapoelle à votre bon souvenir et ça fait des valaises, des mal-être. Très vite, il y a des symptômes, des signaux d'alerte qui s'alument. Donc au bout d'un moment je me suis sentie mal. Pas mal une heure, deux heures, un jour, mal sur la durée »a. Le risque germe, également, dans le tissu conjonctif homosexuel latent qui enserre et déstabilise les plus fragiles : « Tous les moines lorsqu'ils rentrent, contraire ment à ce que Ton pourrait croire, ne met
tent pas leur sexualité au portemanteau. Une petite minorité de gens sont sur la bonne voie où ils ont découvert par euxmêmes la méditation. Ceux-là sont de vrais moines, bien à leur place, équilibrés, souvent silencieux. On n'entend pas beau
sions étouffées et régulées par la Règle et l'exemplarité des ancien[ne)s. Si une déficience spirituelle ou corporelle se manifeste, l'individu se tournera vers ses
coup parler d'eux. Et puis vous avez tous ces gens qui sont en train de se débrouiller, pour ne pas dire se démerder, avec tous leurs problèmes. Je n'ai jamais vu de pratiques homosexuelles. J'ai été témoin en revanche de pulsions homo sexuelles, car c'est évident que l'homo sexualité s'exprime, caria femme de façon très nette est impure et condamnée. Ça fait partie de l'Église et puis dans un monastère ça vous est rabâché depuis tous les pères de l'Église et la règle de saint Benoît. La femme, c'est l'être impur et qui est plus dangereux que le porc »
pensée hiérarchique. Une contemplative, que nous avons rencontrée, ressentit au cours de sa vie un doute. Elle eut recours aux conseils de l'évêque, puis à des séances de psychothérapie. La hiérar chie ecclésiale peut tenter de juguler ces
[M.B.). Ce témoignage valide la place de la femme dans l'Église. Tout ce qui se rat tache au corps, les excès, les plaisirs, les désirs et les passions, que bon nombre de philosophes et théologiens ont exposés et entretenus comme produits de la nature féminine devait être méprisé au risque d'enrayer le processus d'at teinte au sacré. Le monastère, microcos me autarcique, maintient en vase clos les
beaucoup aidé, ils ont été très affectueux, très bons. On a prié pour moi, on s'est réuni pour moi. À la crypte, on m'a imposé les mains, on a beaucoup prié »
angoisses, les perturbations et les pul
supérieurs. Ses questions, ses incerti tudes percuteront de plein fouet la
dérapages. Dans une communauté de moines bénédictins, le père abbé et les frères ayant pris conscience de la fragi lité psychique et du parcours chaotique de l'un d'entre eux l'aidèrent, dans une réelle conduite collective, à surmonter ses épreuves : « Le père abbé, il sait tout. Il est très, très bon. Les frères m'ont
[Frère CL). Néanmoins, si le soutien communau taire n'est pas à la hauteur, une aide psy chologique, choisie en règle générale par les supérieurs, sera le dernier recours afin de sauvegarder une vocation. Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.59
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Bouche à oreille, carnet d'adresses, liens personnels ou institutionnels dessi nent une multitude de réseaux auxquels font appel les religieux. La vie consacrée sélectionne ses thérapeutes experts du mental religieux soit chez des psycho logues et psychiatres individuels, soit au sein de l'AMAR [Association Médico-psy chologique d'Aide aux Religieux]. Cette association9 organise la formation de spécialistes, et conçoit des sessions de formation accessibles aux responsables religieux afin de cerner toute désagré gation psychologique et relationnelle pouvant être liée à une solitude, à une souffrance affective, voire sexuelle, et à toutes sortes de fragilités psycholo giques. Dans ce cas, les consultants relèvent d'une double appartenance p.60 Golias magazine n° 118 janv/février 2008
ecclésiale et thérapeutique. Prêtres psy chothérapeutes, ou religieux psy chiatres, ils jouissent d'une confiance particulière. Cet « entre soi » thérapeutique confirme le caractère d'insularité déjà évoqué. On pourrait supposer que le fait de se confier à leur confesseur ou à leur conseiller spirituel diminuerait, pour les individus, certaines de leurs pathologies ou désirs. Or, il ressort que bien souvent la confession du désordre sexuel, s'insérant dans le champ de la transgression des vœux, entraîne une souffrance psy chologique. Une religieuse psychothéra peute constate : « On reçoit des diffi cultés momentanées, les problèmes des prêtres missionnaires qui ont une plus
grande liberté qu'en France, ils rencon trent une femme, une religieuse, ils cou chent ensemble. Ceux qui en ont parlé à leur supérieur viennent nous trouver et nous les suivons individuellement. Ceux-là ont toujours besoin d'une psy chothérapie » [Sœur J.F.). Les désordres affectifs ou tout sim plement la routine quotidienne peuvent également entraîner les individus dans un processus dépressif. « Il y a toujours quelques femmes dépressives et qui res tent là parce que je crois qu'elles ne peuvent pas préciser l'objet de leur dépression ; elles n'osent pas se l'avouer à elles-mêmes. Alors, il y a toujours un élément, elles ne s'entendent pas avec telle sœur ou bien le travail qu'on leur fait
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aire ne leur convient pas ; mais finalenent c'est qu'elles sont très mal dans leur le »(B.G). La déception de soi ou de l'engagenent pris ne trouve que peu d'espace iour se formuler à la différence de la vie irofane, où téléphonie sociale, groupes Je paroles, consultations et psychothérajies s'offrent à renonciation du mal-être. Bien que l'institution Église tente de fil,rer lors de l'admission au noviciat les ndividus « immatures », au bout de rente-trois ans de vie monastique, un noine discerne le désir d'une présence ;orporelle et affective féminine aussi prê teuse que celle du Christ. Au cours de entretien, une situation équivoque se jrofila et une inversion des statuts s'étailit Je n'en voudrais que pour preuve ;ette relation qui s'instaura entre un de ries informateurs et moi-même. Je ievins le confesseur de cet homme. Il me 'elata sans détour ses angoisses, ses envies, ses pulsions et ses interroga;ions. La lecture de la souffrance se Derçut, non seulement dans ses paroles, nais se propagea, également, dans son negard qui s'embua plus d'une fois, et dans son maintien corporel qui ne resti:uait plus la rigidité ecclésiale. «Voilà, on avait vu juste avec ma psychologue, je voulais une femme. Je voulais une femme, 'e ne voulais plus de la vie monastique. J'avais besoin d'affection, j'avais besoin... Je ne me sentais pas aimé ici depuis quelques années. Je voulais aller vivre dans les nouvelles communautés, aux Béatitudes, où c'est plus vivant, plus dyna mique. Je trouvais que c'était trop sclérosé et trop triste ici. Et donc la psychologue avait écarté la femme, elle avait écarté aussi les Béatitudes. Il restait ici, c'était ter rible, terrible ! » - Mais pourquoi écartait-elle tout cela ? « Parce que pour elle, cela ne me convenait pas. » - Vous l'avez donc écoutée ?
« Je l'ai écoutée. J'entrais dans ce processus qui naturellement... je l'ai écoutée. Et donc, ce fut très dur. Une tris tesse m'a envahi, une souffrance affreuse, ça a duré un an. Il m'a fallu sortir beau coup, je ne pouvais plus tenir ici. Le suici de m'a pris au printemps, en juin 96, j'ai voulu prendre de la strychnine, mais une souffrance est restée en moi. Je suis allé deux fois à Medjugorje. La première fois fut extrêmement dure. Ce fut une croix épouvantable parce que j'avais rencontré à Dinard, une femme, C. de trente-sept ans que j'ai aimée. (...) La première chose qu'elle m'ait demandée, c'est de faire l'amour. Vu ce que je traversais, je n'ai pas accepté cela, ce n'est pas que je n'en avais pas envie, j'avais vraiment envie de faire l'amour, mais je n'étais pas prêt, tout était bloqué psychologique ment » [Frère CI.]. Ces perturbations enfouies et non avouées peuvent engendrer une plainte somatique et malmener le corps. L'image corporelle devient le réceptacle du désamour. Le corps que l'Institut socialise dans le dessein d'interpréter un hymne à l'amour peut se transmuter en un réceptacle de la souffrance. Ce moine, qui désira absorber de la strychnine, pro jette une situation extrême, celle de la détérioration du corps par le biais de la souffrance physique. Souffrir de la perte de son identité familiale, religieuse et communautaire, souffrir de sa solitude, du regard des autres, d'un manque matériel, de ne pas connaître la chaleur d'une épaule, de n'avoir pas de descendance, d'avoir occulté une partie de sa vie, souffrir de sa souffrance ! La plupart des personnes psychiquement fragiles manifestent, en outre, divers symptômes phy siques, tels l'eczéma, l'anorexie ou la boulimie, l'insomnie, etc. Il faut, cependant, remarquer que, par ces affections pathologiques, la vie consacrée ne détient là aucune
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soins existants. À certains degrés, l'Institut régule et conditionne la souffrance par le support d'antidépresseurs. Anne Pontillé relate : « Mon corps tout entier est agité d'un tremblement incontrôlable. [...] Mes nerfs, tendus depuis cinq ans par des efforts continuels, me parlent d'une manière incoordonnée. (...) On me donne simple ment une potion, qui me calme si bien que j'en prendrai pendant cinq ans, à dose de plus en plus forte »1D. Il ne faut cependant pas omettre, que des hommes et des femmes d'Église gèrent, certes, avec complexité et incom modité une vie sexuelle. La mixité des relations contemporaines a permis de travailler en étroite collaboration pasto rale ou autre. Dans une proximité de tra vail, de voyage ou de conférence, des sen timents affectifs ou amoureux peuvent, au fil du temps, se nouer. Une religieuse psychothérapeute attachée à l'AMAR témoigne : « Je pense qu'il y a un certain nombre de sœurs qui ont une vie sexuelle. Dans ma communauté, une sœur allait donner des cours régulièrement, elle allait rencontrer un prêtre dans un village. Aujourd'hui, elle est supérieure générale. Mais je pense que sa vie sexuelle a changé. Elle vit autrement. » - « Deux contemplatives sont parties, parce que
propriété exclusive. Elle semble cristalliser ces formes de souf france tout en les dérobant au regard public et par là même aux Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.61
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Tune d'elles était la confidente de la supé rieure générale. Elle s'était rendue comp te qu'il y avait des robes de soirée, des fume-cigares etc. et elle a découvert q u e sa supérieure générale avait une double vie » [Sœur J.F.). Un prêtre vivant clandestinement avec une femme avoue : « Je voudrais dire à tout le monde, que je l'aime, que j'aime ses enfants et que nous avons une vie de famille heureuse. Parce que je suis prêtre et je ne peux pas le dire, sinon, je risquerais d'être pas compris voire rejeté, obligé de quitter le service de ces gens que j'aime, de cette église que j'aime... #". En France, deux associations, basées sur l'anonymat, ont été créées par des compagnes de prêtres : Claire VoixK et Plein Jour. Par le biais de l'as sociation Plein Jour, je pus rencontrer une compagne de prêtre, qui m'expliqua la situation complexe de ces femmes de l'ombre, et correspondre par mail avec l'une d'entre elles. Résidant, aujourd'hui, à l'étranger, M.L me confia ses conflits
avec l'Église faisant suite à la naissance de son enfant dont le père est religieux. L'association Plein Jour regrouperait environ cinq cents membres, chiffre approximatif ne reflétant pas le nombre exact des compagnes concernées. En effet, bon nombre de ces femmes ne peuvent y adhérer de par leurs situa tions professionnelles proches ou rémunérées par l'Église13, ou simple ment dans la crainte que leur ami découvre leur engagement. Certains prêtres auraient une relation continue avec une ou plusieurs femmes et une minorité d'entre eux vivraient maritale ment en dehors de leur paroisse. Bien que l'Église nie toute présence féminine, un protocole d'accord, oral ou écrit, est néanmoins passé si une naissance sur vient, au cours de cette relation. L'Église régule ces désordres et, à défaut de les dompter, les manipule. Par le protocole, l'institution prend en char ge des pensions familiales et se trouve bien souvent confrontée, sur le dire de certains prêtres, à un endettement. Si la hiérarchie ecclésiale omet la réversion, ces compagnes, « illégitimes » aux
yeux de l'Église, peuvent, néanmoins, intenter un procès pour cause de nonpaiement. De même, si le père ne recon naît pas sa paternité, certifiée cepen dant positive par les tests ADN, la com pagne peut faire appel auprès de la jus tice. Craintive de toute éclaboussure licencieuse, l'Eglise choisit de régler ses problèmes internes en catimini. Aucun engagement, vis-à-vis de ces femmes, n'étant mentionné, un homme d'Église peut soit solliciter un poste éloigné, soit être nommé, à tout moment, par la hié rarchie ecclésiale, sur un autre conti nent. Désireuse de découvrir la position de l'Église face à ces « paternités silen cieuses », je pris contact avec Monseigneur B., supposé assister et soutenir ces dits problèmes. Or, je fus confrontée à un homme qui n'avait jamais entendu parler de cet arrange ment et ne savait que répéter : « Si j'avais une aventure, je ne sais pas ce que je ferais face à mon engagement ... Je me confesserais... » L'Eglise a donc mis en place un systè me préservant l'homme consacré de tout engagement où seules les femmes assument leur relation affective et leur descendance dans une réelle clandesti nité. Si des prêtres présentent leurs compagnes à quelques parents ou amis, pour ces femmes, un pan d'ombre sub siste, les écartant de divers réseaux relationnels, et les reléguant dans une véritable relation adultère : « Une par tie de ma vie est cachée, c'est-à-dire que je vis une vie normale sur le plan profes sionnel, familial, mes enfants, mes parents, mon entourage. Mais la relation avec mon ami, il y a un côté clandestinité, c'est-à-dire que je n'ai pas le droit d'en parler à ma famille, lui n'en parle jamais. Sa famille ignore mon existence ou fait semblant d'ignorer. Ses collègues, ses compagnons de travail, son environne ment ecclésiastique ignorent mon exis tence. Les gens, les chrétiens qu'il fré quente, son milieu habituel ignorent que lui aussi a une femme dans sa vie » [N.M., 70 ans, compagne de prêtre].
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Les larmes du silence I
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relation qu'il a avec une femme, qui n'est pas conforme à ce qu'on attend de lui. »
- S'il insiste ? « S'il insiste, on lui dit : bon puisque tu ne peux pas faire autrement, on considère cela comme une faiblesse, eh bien, fais ce que tu veux mais que ça ne se sache pas, que ça ne fasse pas ce qu'on
gitimes demeurent enfouies dans l'ombre publique, et, seuls, les membres du groupe en ont connaissance. « J'ai rencontré, il y a quelques années, des femmes faisant partie de l'association Philotea"1. Quelques-unes étaient à Louvain Université, vivaient maritalement avec un prêtre et le couple recevait l'évêque de temps en temps. En France, c'est moins facile, mais en Allemagne, en Hollande c'est plus facile dans les popula tions à majorité protestante » [N.M.],
englobe. Je ne sais pas ce qu'il y a derrière » [F.]. - « Non, on quitte la vie religieuse que
La connivence tacite du silence, ins tallée par l'autorité ecclésiale, instaure un rempart contre les discontinuités d'un ordre préétabli. De nouveau, l'institution Église immole des individus, dans le cas présent des femmes et des enfants, sur l'autel de la dénégation. « Ce qui est très
En appui sur les recherches de l'APRC [Association Pour une Retraite
important, en fait dans ce cas, le prêtre doit se taire, se cacher, surtout que ça ne se sache pas. Qu'il fasse comme si la femme n'existait pas. En fait, la hiérarchie de l'Église catholique nie la femme com
évêques concernés » (N.M.). Ce silence démarque une frontière tangible entre les avertis et les ignorants renforçant le sentiment d'appartenance pour la pre mière catégorie. Certaines pratiques illé
regard d'homme. Au niveau de la sexualité il y a des choses qui s'endorment. Je ne sais pas ce que le vœu de chasteté
si les pulsions sont tellement fortes qu'on se dit : Est-ce que je suis faite pour cette vie-là ou pas ? Les hommes, oui. Les femmes, non. Et même les missionnaires que j'ai connus ils n'ont pas envie de quit ter, le fait de travailler toujours ensemble avec une religieuse, mais passer à l'acte... Ils ont envie de rester religieux » [MT.].
appelle un scandale. Ça c'est le grand leit motiv de ne pas faire de scandale. »
Le silence protège mais, camoufle essentiellement le désordre. Une com pagne de prêtre témoigne : « Tous les prêtres, tous les évêques sont au courant des problèmes qui existent, et il y a des
Si des pulsions s'éveillent, par défaut, d'autres s'engourdissent : « Aucun
plètement » (N.M.). Ces divers témoi gnages situent, cette fois-ci, la position de la femme laïque, cependant similaire dans une relation prêtre/religieuse, et soulignent que le patriarcat ecclésial a conservé tout au long de ces derniers siècles sa ferveur et sa suprématie origi nelles. Ces hommes ou ces femmes vivent clandestinement leur liaison hété ro ou homosexuelle avec pour donnée dominante, le silence afin d'éviter tout scandale. « Les couloirs chuchotaient
- Comment ça se passe, lorsqu'un
qu'il [Paul VI] avait eu une liaison homo sexuelle suffisamment durable à Milan, dont il était alors le cardinal. Et je décou vrais une loi absolue de l'Église romaine : on ne parle jamais des « petites histoires » que peuvent avoir les hauts respon sables d'Église, tant qu'ils sont en fonc tion. La règle générale : « Une piccola avventura non fa maie », une petite aven ture ne fait pas de mal. Elle reste sans gra vité, et sera étouffée d'un accord tacite et général, tant que le prélat tient son rang et reste, bien sûr, dans les normes d'une
prêtre qui vit en couple en parle à son évêque ?
apparente bienséance »15. De nouveau, le statut social assigne à l'individu une
« On lui demande de renoncer à la
représentation qu'il est censé communi quer à tout public16.
Convenable], pour les anciens ministres des cultes, 90% des hommes auraient refait leur vie contre 30% des femmes. Pour les premiers ce sont les rencontres féminines qui ont déclenché leur rupture et les ont aidés à concrétiser leur départ, à rencontre des femmes qui refont leur vie ultérieurement. Ce désordre chronique va conduire bon nombre d'individus à vivre avec leurs maux, pour certains dans un réel désar roi pouvant les mener dans des établis sements spécialisés. « Dans mon ex communauté, il y a une religieuse qui avait des penchants homosexuels réels et qui avait eu une relation avec une femme où elle travaillait. Cette relation a été connue officiellement, et ça a été très mal vécu par les gens avec qui elle vivait. Elle a été vic time de toutes sortes de difficultés et fina lement ça c'est terminé par une hospitali sation en psychiatrie pendant un certain nombre de mois. La supérieure Ta changée de communauté, mais elle fait de la dépression à long terme » [B.G.]. Roselyne Roth-Haillotte Note 1. Les noms des religieux et religieuses rencontrés pour cette enquête sont mis en initiales.
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|Les larmes du silence
L'accueil thérapeutique dans les établissements spécialisés Plus l'exploration des discontinuités de parcours progressaient dans cette recherche et plus les degrés de la souffrance s'amplifiaient et s'intensifiaient. Ce qui au départ se résumait à une éven tuelle séparation d'avec le groupe de référence et quelques soins psychologiques me conduisit à m'intéresser aux soins psychiatriques au sein du monde religieux, et à la maladie mentale. Fréquence des pathologies dans le monde religieux Dans le monde religieux, les états pathologiques ont toujours fait l'objet d'une dissimulation, cet état n'étant pas compatible avec le propagandisme idéo logique : « On avait une maison, dans les alentours de Paris, qui était réputée pour être fermée sur elle-même. On ne met tait que des sours qu'on ne voulait pas
Le code canonique y fait référence à de nombreuses reprises. Le canon 689 §2 mentionne l'obstacle que représente l'apparition de troubles mentaux : « Une maladie physique ou psychique, même contractée après la profession, qui, de l'avis des experts, rend le membre dont il s'agit au §1 incapable de mener la vie de l'institut, constitue une cause de nonadmission au renouvellement de sa pro fession ou à l'émission de sa profession
En 1992, une étude du service médi cal de la Mutuelle Saint-Martin , mention ne en deuxième position, dans les affec tions de longue durée, la psychose, les troubles graves de la personnalité et l'ar riération mentale. En 1999, les affec tions psychiatriques et démences sont toujours en deuxième position et talon nent de très près les affections cardiovasculaires. En effet, sur 900 prises en
perpétuelle, à moins que la maladie n'ait été contractée par suite de la négligence de l'institut ou du travail accompli dans l'institut. » Le §3 apporte une précision : « S'il arrive qu'un religieux, en cours de voux temporaires, perde la raison, bien
charge, 769 sont classées dans les affections cardio-vasculaires et 752 dans les affections anxio-dépressives. Il est difficile de cerner les affections fémi nines et masculines, puisque hommes et femmes ont été regroupés conjointe ment dans ces prises en charge. Une ex
qu'il ne soit pas en état de faire une nou velle profession, il ne peut être renvoyé de l'institut »
religieuse me confia que, dans son ancienne communauté, les 2/3 des femmes étaient sous antidépresseurs.
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présenter au public. Si on avait le culot de pousser les portes des hôpitaux psychia triques où il y avait 80% de la population qui était des religieux et des prêtres. Ça prouve bien donc, qu'il y a un malaise et que ce malaise ne doit pas être dit » (B.G.). On nous rapporta la répudiation d'un membre qui manifestait une souf france morale par des troubles de l'ali mentation : Il y a une sour qui pesait 18Q kilos quand elle est sortie. On l'a mise dehors pour boulimie. Elle a été hospita lisée, et l'hospitalisation était à la charge de ses parents » [B.G.], Sans analyser les détails cliniques, nous pouvons néan moins noter que des facteurs psycholo giques, en relation avec des stimuli de l'environnement, peuvent favoriser l'ap parition ou l'exacerbation d'une affection physique. Cette obésité, signe inexpressif de la sérénité religieuse, dépossède l'indi vidu de toute assistance et attention de la famille institutionnelle. En dernier lieu, quand le comportement d'un des membres risque de déstabiliser le grou pe, le supérieur et le médecin traitant peuvent prendre l'initiative de le diriger vers un établissement confessionnel ou spécialisé en neuro-psychiatrie
Les larmes du silence
PENN-KERR
vers des maisons spécialisées pour un long séjour.
Penn-Kerr [ en breton « la maison au bout du village »], géré par l'Association Notre Dame de Joie , fut créée par la Conférence des Supérieures Majeures et de la Mutuelle Saint-Martin au cour de la Bretagne entre Josselin et Ponthivy. Il s'agit d'un établissement spécialisé de soins de court séjour, entre 30 et 47 jours, traitant les affections psychia triques, pendant leur phase aiguë ou subaiguë. Établissement privé, Pen-Kerr est associé au service public hospitalier et a pour but principal d'accueillir en priorité des religieuses de Bretagne, de France voire de l'étranger, mais aussi des laïques ayant des problèmes de couple ou ne souhaitant pas se confron ter à la mixité. La moyenne d'âge des religieuses est de 68 ans et de 49 ans pour les laïques. Il y a environ quinze ans le pourcen tage des deux catégories se répartissait également. Aujourd'hui, l'établissement comptabilise 80% de laïques pour 20% de religieuses [3/4 d'apostoliques, 1/4 de contemplatives], taux reflétant le vieillissement de la population religieuse. Les sours dépendantes atteintes de détérioration intellectuelle sont dirigées
En 1999, la durée moyenne d'hospi talisation est de 42 jours pour les reli gieuses et de 27 jours pour les laïques. Cette différence reflète que pour les laïques tout enregistrement de sortie ne demande que l'autorisation de deux agents actifs, le médecin et la patiente, alors que pour les religieuses intervient un troisième agent, la communauté. Cette dernière, réticente à un trop rapi de retour de la sour, prendra un certain
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gieuses, indique que dans ce style d'éta blissement, la psychiatrie qui s'y exerce ne serait pas une « psychiatrie religieuse » se démarquant de la psychiatrie géné rale, mais apparaîtrait comme une psy chiatrie classique. Cependant, si bon nombre de pathologies se profilent iden tiques à celles des laïques, les troubles classiques de la personnalité, les dépres sions réactionnelles ou endogènes , des pathologies plus spécifiques affectent les religieuses au cours de périodes ponctuelles. Dans sa thèse pour son doctorat en médecine, Sandrine Bonnel,
temps pour l'accepter et s'assurer que les risques suicidaires, notamment, sont écartés. La supérieure tient compte du bon fonctionnement de sa communauté et ne demeure pas insensible aux inquié tudes ou traumatismes de ses membres .
ayant côtoyé des établissements psy chiatriques religieux, mentionne : « Il exis te chez les religieux des moments parti culièrement propices à l'éclosion des troubles psychotiques : lors de l'entrée dans la vie religieuse, pendant ou peu de
Chez les religieuses, les contempla tives seraient plus régulièrement hospi talisées, les perturbations de comporte ment et des troubles psychologiques déstabilisant davantage le fonctionne ment communautaire dans un milieu clos, le médecin psychiatre, directeur de l'établissement, nous l'a confirmé.
Ces deux périodes interstitielles situent l'individu dans une position vulné rable, où les repères immuables s'es tompent et perturbent la rythmique jour nalière. Pour certaines sours fragiles
Ce frayage constant, laïques/reli
contemplatives, qui présentent alors un état dépressif léger ou une certaine
temps après les « retraites » .
psychiquement, les retraites, enclen chant une période de rupture commu nautaire, sont fortement déconseillées. Ces cas adviennent souvent chez les
fatigue. Les troubles au cours des retraites s'avèrent des accidents aigus telles les bouffées délirantes, suite à une décompensation. « Simone B., à 49 ans, après quatre jours de retraite, en silen ce, retraite où existaient des « ateliers de réconciliation » et des adorations noc turnes, elle fait brutalement une bouffée délirante avec thèmes de damnation. Elle n'est pas hospitalisée. Ramenée dans sa communauté, suivie par le médecin généraliste, l'épisode délirant régresse en quinze jours. Elle reprend son activité normale. » Autre exemple : « Hélène I. est admise pour un accès d'agitation au décours d'une retraite. Elle effectuait alors une session de musique qu'elle avait souhaitée. Le médecin appelé d'urgence note : « depuis deux heures, la sour crie, hurle, gesticule, s'est dévêtue, elle mâchonne, lèche les Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.65
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Lors de leur admission, ces reli gieuses font preuve de réticences ne dis cernant pas toujours la nécessité de leur venue dans un tel établissement et i. temps d'adaptation s'avère plus lent chez les contemplatives. Le choix de l'habit civil ou religieux est libre, et, en règle généra le, seules les contemplatives conservent le vêtement religieux. Les patientes dis posent de chambres individuelles, com portant un cabinet de toilette équipé d'un lavabo, WC et douche, et d'un système d'appel particulier. Elles prennent leurs repas dans la salle à manger commune ou dans leur chambre si un handicap moteur les y oblige. Les patientes peu vent se détendre ou se promener dans le parc d'une superficie de quatre hectares, comportant un parcours floral de plantes de Bretagne. Un salon, une salle de télé
chaises, ne répond à aucune question et refuse de se laisser examiner » . Au cours de ces deux périodes tran sitoires, viennent s'ajouter les délires mystiques, les névroses obsessionnelles et les troubles obsessionnels compulsifs. Pour son certificat d'études spéciales en psychiatrie, le docteur Jean Marie a effectué à Penn Kerr un travail sur 900 dossiers et recense 27 accidents surve nus au cours ou au décours d'une retrai te se présentant comme suit: Antécédents psychiatriques Aucun
antécédent
8
Bouffées délirantes
cas 9 cas
Épisode anxio-dépressif 7 cas Manifestations hystériques 1 cas 1er épisode d'une psychose délirante 1 cas Schizoïde
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1 cas
Dans plus de la moitié des cas, le médecin psychiatre constate que les patientes présentaient, le plus souvent, une pathologie psychiatrique de type psy
vision, une bibliothèque, un salon de musique, un salon de coiffure et d'esthé tique leur proposent des moments de détente. Des chambres d'hébergement sont à la disposition des familles ou des sours des diverses communautés venant rendre visite à une de leurs proches. Des cabines téléphoniques permettent d'en tretenir les relations extérieures, les chambres n'étant pas dotées de télépho ne.
chotique. Penn Kerr accueille les per sonnes à risque suicidaire , aussi fré
Les offices sont assurés à la chapelle de l'établissement par l'aumônier du
quent chez les laïques que chez les reli gieuses, et des femmes dont l'alcoolis me, prédominant chez les laïques, est une pathologie venant se greffer sur un terrain psychiatrique.
bourg, les lundi, mercredi et samedi à 17 heures, les autres jours l'aumônier pro pose la communion à 17h 30. L'Eucharistie se déroule dans l'église du
Bon nombre de religieuses souffrent de troubles de la personnalité en réper cussion aux carences affectives de l'amour maternel de la supérieure ou des affections homosexuelles ou hétéro sexuelles. La souffrance du manque rela tionnel et charnel déferle dans la parole et dans les comportements. Le médecin psychiatre de Penn Kerr confie : « Elles parlent de leur problème de sexualité, de leur manque de relations extérieures et de leur autosatisfaction. J'ai aussi quelques exemples de religieuses, quand dans la communauté, il y a une religieuse qui tombe malade plus souvent qu'elles et que la supérieure s'en occupe plus, les autres en rajoutent pour attirer l'atten tion et elles finissent ici. »
bourg le dimanche matin. Les horaires d'ouverture de la chapelle ont du être régulés, face à certains comportements féminins extatiques : « De temps en temps on en trouvait une [une religieuse] à poil devant la croix » [Médecin psy chiatre). Le corps féminin se propulse tel un régénérateur et un lien pour commu niquer avec l'indicible, il est à noter que l'imaginaire sexuel s'appliquant aux troubles névrotiques est similaire à celui des mystiques présenté par Jacques Maître. Rappelons-nous que Hadewijch d'Anvers s'imagine ne faire qu'un avec Dieu et Angèle de Foligno « se met nue devant le crucifix pour s'offrir au Christ ». Ainsi, inconsciemment, l'expérience du sacrifice, et parfois de la souffrance, ne permettrait-elle pas une identification amoureuse d'avec le Christ ?
Les larmes du silence I
L'association Notre-Dame de Joie <jère cinq autres établissements, dont quatre pouvant accueillir des religieuses et des clercs atteints de troubles psy chiatriques, ou pour leur convalescence, ou dans le cadre du moyen et du long séjour. À la suite de courts séjours à PennKerr, la maison de repos et de convales cence spécialisée du Domaine de Beauregard à Cléguérec peut accueillir des patientes confrontées à des troubles chroniques répétitifs et à long terme, et assure pour les religieuses et les laïques une transition avant de réintégrer leur communauté et leur domicile. Cette tran sition se passe sans heurt, les médecins traitants étant ceux de Penn-Kerr. Pour les soins suivis et de longue durée, les patientes seront dirigées soit à KerLaouen également à Bréhan soit à Barr Héol, conservant les mêmes médecins intervenant. De même, la résidence du Parc de Rangueil à Toulouse et la rési dence Notre-Dame de la Visitation à Dijon prennent en charge pour de moyen ou long séjour des religieuses âgées confrontées aux troubles détérioratifs de la sénescence. Il faut noter que des congrégations gèrent ce genre d'établis sements qu'elles réservent soit à leurs membres soit à la mixité reli gieuses/laïques.
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Tout au long de cette étude, on s'aperçoit que l'institution ne protège pas de la souffrance. Si un désordre s'installe dans la vie d'un membre de l'Église, ce dernier doit le plus souvent « faire avec », vivre malgré tout, et se taire, combi nant le non-dit et la débrouille individuelle. La solidarité rencontrée représente, dans certains cas, un élément non négli geable pour soutenir les membres fragi lisés au cours d'une période de désordre ou de convalescence. Si une mauvaise ambiance communautaire engendre des troubles mentaux, à rencontre, l'affection rencontrée dans la communauté repré sente un élément non négligeable pour soutenir les membres fragilisés au cours d'une période de troubles ou de conva lescence. Le groupe ré-endossera alors sa fonction originelle : agir comme les membres d'une famille afin de revalori ser la puissance collective, dans le but d'accueillir et de rassurer, de nouveau, l'individu. Il est à noter, que ce « prendre soin » collectif dépend du passé relation nel avec les supérieurs, car jusque dans la maladie mentale, le pouvoir de ces der niers régente et impose soit la compas
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sion, soit l'indifférence, pour ne pas dire l'abandon.
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Roselyne Roth-Haillotte [auteure de l'ouvrage "Vie consacrée : entre passion et désordres", aux éditions Golias)
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Pathologies médicales et statistiques des hospitalisées de Penn Kerr
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i I I I I I I I I I l I 50%Troubles de l'humeur - Dépression. Aujourd'hui, la détérioration mentale, reflet de la démographie religieuse, serait de plus en plus présente. 14%
Schizophrénie
13% Troubles névrotiques - 10% Troubles de la personnalité -
6%
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Alcoolisme
5% 2%
Troubles
Démence alimentaires
Ces pathologies sont généralement associées à d'autres
Dépression + trouble de la personnalité
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Dépression + alcoolisme Dépression + maladie [Anémie - Asthme - Parkinson etc] I Dépression + troubles névrotique, cas le plus caractéristique Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.67
NOUVEAUTE
Des orties llKKrfcTri^liF^
Christian Vock I
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Il s'agit d'un itinéraire banal.
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Ambition - échec. Près de la moitié des amoureux qui se marient sous nos lati tudes suivent ce même schéma et l'aventure se termine par un jugement de divorce. L'ambition d'un amour qui dure, qui construit et produit du bonheur ne résiste pas à la durée, à l'ha
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bitude, à la routine, aux multiples accidents et incidents dont la vie est pétrie. L'auteur avait l'ambition de devenir prêtre pour être témoin et artisan de l'idéal proclamé par Jésus dans l'Evangile. Il a échoué : il a défroqué, comme on dit. Et cet échec s'est révélé une vraie libération. Enfin en rupture avec une idéologie vicieuse,
ttrties pour ma soutane
itinéraire gourmand d'un défroqué
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perverse. Vicieuse et perverse, parce que se servant d'un projet au service de l'homme, l'Evangile, l'idéologie de l'Eglise en a fait un instrument au service de son pouvoir. Ensuite, il lui a fallu le temps de digérer, de construire une nou velle vie. Sur le chemin de cette nouvelle vie, il a réalisé un rêve superbe : exercer une activité de chambres d'hôtes dans le SudOuest de la France, en Bouriane. Entre Quercy et Périgord, au pays des mille châteaux, des grottes ornées et mystérieuses, du canard et de la truffe, Christian Vock a appris un nouvel art de vivre. La douceur et la qualité de la vie de cette région, mais aussi le bonheur d'accueillir et d'offrir un temps de repos et de bienêtre à tant de personnes stressées par la ville et son rythme de sauvages... Ce livre est conçu comme un menu, il est à feuilleter, à dégus ter comme un menu.
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A chaque chapitre, une étape du menu.
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Chaque étape se décline en trois couleurs : - Le côté cour : un thème théologique traité légèrement, voire
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malicieusement. De l'apéritif aux mignardises, une petite somme rassemblant quelques perversions mises au point par l'Eglise au fil des siècles. - Le côté jardin gourmand : la recette culinaire et ses com mentaires. - Le côté jardin ecclésiastique : une figure du paysage religieux local pour une petite touche d'histoire, parfois d'exotisme. Dans ces quelques pages, ce sont simplement quelques clés qui ont aidé Christian Vock dans son cheminement. Mais aussi quelques clés qui ouvrent l'appétit. Un livre à déguster sans modération qui allie quête intérieure et plaisir de la table...
L'AVENTURE CHRETIENN La nouvelle messe hollandaise à l'index
Max Jacob, un chrétien surréaliste Lt t^iAMiÂJlix. ttt À t'\4^AÂJU^l
Le Royaume est en vous (luc17/2ij
I
Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.69
L'AVENTURE
Résistance
La nouvelle messe hollandaise à l'index f f Golias a fait
Ë m largement écho dans son dernier numéro [n°117] de la proposition théorique et concrète de trois dominicains hollandais d'ouvrir la présiden ce de l'eucharistie à des laïcs, d'autant plus que nécessité semble faire loi. Cette proposi tion avait suscité la très vive indignation du cardinal Adrianus Simonis, archevêque d'Utrecht et Primat des Pays Bas, lequel avait saisi le SaintOffice à Rome. Ce dernier, pré sidé par le cardinal américain William Levada, a préféré refi ler le bébé indésirable aux dominicains eux-mêmes qui n'en demandaient pas tant. Et c'est au théologien dominicain français, Hervé Legrand, qu'in comba la tâche de frapper ses frères hollandais...
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p.70 Golias magazine n° 118 janv/février 2008
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açon de pratiquer la subsidiarité (ne pas priver un échelon subalterne de la
Églises et indirectement pourrait favori ser la constitution de communautés réduites fermées sur elles-mêmes et se
compétence qui est la sien ne], dit-on, mais surtout manière habile d'éviter d'avoir le mauvais rôle et peut-être de faire avaler une pilule particulièrement arrière. L'ordre dominicain confia cette tâche délicate et redoutable d'étriller la
croyant autosuffisantes. Ce danger n'a sans doute rien d'utopique. Ce que nous contestons en revanche radicalement c'est la façon de clore un débat, de taper sur les doigts de qui l'aura ouvert, de se
proposition des trois dominicains, jugée en substance franchement hérétique, au dominicain français Hervé Legrand. Le texte de dénonciation1 devant être rendu public.
façon plus détaillée sur le fond du débat et la prose du Père Legrand.
Sur un ton hautain et arrogant, le dominicain français non seulement oppose une radicale fin de non-recevoir aux propositions des religieux mais encore leur impute un état d'esprit pro prement schismatique. Cette dénoncia tion virulente qu'il opère est particulière ment désolante et déplorable sous la plume d'un théologien de premier ordre comme lui, ami et confident du Père Yves Marie Congar. Excellent connais seur et défenseur de la collégialité épi scopale, le théologien Legrand, malgré un penchant pointilleux qui fit souffrir nombre de ses étudiants, trace en géné ral des voies nouvelles, avec un regard nuancé et informé sur l'histoire, ce dont nous lui savons gré. Nous déplorons d'autant plus qu'il accepte ainsi de se faire le valet d'une méchante cause : celle de la répression la plus cassante de suggestions audacieuses dans l'Église. Entendons-nous bien. Loin de nous l'idée que cette proposition hollandaise ne puisse être critiquée d'un point de vue théologique et pratique. Par exemple, en tant qu'elle ne garantirait pas assez la communion entre les
réfugier en des certitudes péremptoires et discutables. Il nous faut ici revenir de
L'un des reproches fondamentaux faits par le Père Legrand aux domini cains hollandais est de conseiller finale ment aux communautés de mettre la hiérarchie épiscopale devant le fait accompli. Derrière ce grief, on devine bien entendu l'irritation, pour ne pas dire plus, d'hommes de pouvoir qui sentent que la situation leur échappe. Le Père Legrand semble faire beau jeu de la liberté évangélique, comme si l'Église était une administration préfectorale. L'histoire nous apprend au contraire que les initiatives viennent des marges elles-mêmes et au départ à l'insu de la hiérarchie qui finit souvent par suivre et par s'y rallier. Ironie bien cruelle : c'est vraiment également... des revendica tions traditionalistes, d'abord portées par des laïcs et des prêtres en dissiden ce, et que les hautes autorités finissent par bénir. Être chrétien, serviteur de l'É glise vivante, ne consiste pas d'abord à appliquer une circulaire ministérielle et en conscience on peut - ou même doit dans des cas limites - la contredire ou la contourner. L'initiative ne vient pas seu lement du sommet mais de la base. L'Église est assemblée christique et non une troupe au perpétuel garde à vous. Des initiatives d'en bas, peut-être incom prises au départ par la hiérarchie, finis sent par être acceptées par ceux
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L'AVENTURE
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mêmes qui trop tôt contactés les auraient condamnées et au bout du compte finissent par se réjouir. De par leur baptême, les fidèles [ceux qui par la foi sont unis au Christ] ont le droit et le devoir, comme une mission propre, et non pas en vertu d"un simple mandat episcopal dont Vatican II n'a plus voulu, d'agir dans le monde et dans l'Église pour témoigner de la présence vivante et active. Le contester serait réveiller le pire cléricalisme qu'à Vatican II déjà Mgr de Smedt, évêque de Bruges, pré sentait comme l'un des maux dont souf frait l'Église. Le sens de la fidélité n'est point le caporalisme.
L'Église est assemblée christique Il y a un point où nous sommes pour tant d'accord avec le frère Legrand. Lorsqu'il pose la question suivante : "comment croire qu'un tel envoi n'est en rien une prise de position doctri nale ?" je conclus bien entendu par l'af firmative. Toute option pratique est doc trinale, non pas au sens étroit et figé d'une thèse en bonne et due forme ou d'un dogme proclamé mais au sens d'une solidarité vitale entre la pensée et l'action. C'est d'ailleurs pourquoi il est assez absurde de minimiser le sens du Concile Vatican II, et sa portée, en le présentant comme un Concile pure ment pastoral et pratique et non pas doctrinal. A l'évidence, le pastoral et le doctrinal s'entremêlent car le pastoral c'est du doctrinal en acte et le doctrinal du pastoral mis en forme systématique intellectuelle. La doctrine justement, comme la pratique, est vivante. Ne cou lons pas trop vite dans le marbre de l'immuable des convictions mêmes arrêtées d'un temps. Il ne faut jamais dire jamais ! Le père Legrand semble dire que ce qui n'a jamais été ne saurait jamais être ! Il y a là un a priori intellec tuel : la tradition n'est-elle pas aussi pro grès ? De plus, les historiens ont fait état des nombreux flottements visibles au cours des premiers siècles au sujet du "ministère" dit ordonné. Cela nous incite à penser qu'il ne faut pas absolutiser un état de choses, une structure
1480, fresque, détail, Vatican.
liée à la nécessité d'une cohérence ins titutionnelle, au point d'en faire des élé ments définitifs et incontournables. Certes, le rôle structurant du ministère comme attestation de la fidélité au Christ et de la communion avec toute l'Église n'a rien de négligeable ou de purement aliénant, même s'il y a super position évidente avec des logiques de pouvoir bien plus critiquables, ce qu'avait établi d'ailleurs Leonardo Boff. Entre, d'une part, l'occultation superfi cielle ou idéologique du ministère et de son importance et, d'autre part, une sorte d'absolutisation, au détriment de la vie de l'assemblée christique, des communautés concrètes et de leur avenir, s'ouvre pourtant l'espace d'un champ des possibles à explorer à la fois audacieusement et prudemment. Le texte des dominicains hollandais ne disqualifie pas du tout de façon géné rale et définitive les évêques en tant que tels ! Certes, les tensions propres à l'Église des Pays Bas et le fait que cer tains membres du corps episcopal
opposent un front de surdité obstinée et intransigeante à certains appels de la base transparaissent dans le témoi gnage des dominicains néerlandais, indissociable du contexte actuel de l'Église catholique en Hollande. Il faut savoir qu'un quarteron d'évêques conservateurs déterminés et puissants bloque désormais toute avancée des débats et des recherches. Comment s'étonner alors du tournant dialectique que risque effectivement de prendre le débat ? Les vrais responsables de fait ne sont pourtant pas les trois domini cains mais, répétons le, des évêques autoritaires et bornés. Il en aurait été tout autrement à l'époque plus glorieu se du cardinal Alfrink ! Hervé Legrand donne une lecture caricaturale de la revendication des dominicains qui n'en tendent pas isoler, sacraliser ou absolutiser les décisions d'une base jugée désormais infaillible, mais s'opposent de fait à l'obscurantisme de ceux qui détiennent aujourd'hui les responsabi lités hiérarchiques, et qui ont parfois été justement nommés par Rome afin Golias magazine n° 116 sept/octobre 2007 p.71
L'AVENTURE
Les contradictions du théologien Hervé Legrand On ne peut que s'étonner qu'un théologien comme Hervé Legrand se commette à une critique aussi sévère sur le document de ses confrères dominicains hollandais. Car cet appel à la transgression quant à la discipline actuelle concernant la présidence de l'Eucharistie est d'abord un cri d'alarme et une volonté de répondre aux droits de chrétiens affamés ! On peut cependant discerner dans son rapport des questions qui révèlent sans doute que, au-delà d'un jugement requis par les autorités, le frère Legrand se souvient de ce qu'il écrivait dans un manuel de théologie. En effet, après avoir noté que, « s'agissant du ministère ordonné, l'enseignement de l'Eglise est tardif et surtout partiel » [Conciles du Latran, de Florence ou de Trente), notre dominicain résumait ainsi la situation : « Depuis trente ans, le monde occidental, qui avait déjà beaucoup évolué, a connu un changement social et culturel très rapide. Dans ce contexte, l'enseignement habituel est devenu de moins en moins régulateur des pratiques des chré tiens et la vision chrétienne se trouve relativisée. Pourquoi ? Parce que le changement culturel [...] fait vieillir des formula tions ou des coutumes chrétiennes, légitimes dans un autre état de culture mais décalées dans le contexte présent, non pour des raisons de principe, mais de façon circonstancielle. Pour le dire brièvement, on se trouve devant la nécessité d'une nouvelle inculturation de la foi, comme l'histoire de l'Eglise et de la mission en offre déjà bien des exemples. L'urgente nécessité d'une telle inculturation se trouve illustrée par le fait que la vulnérabilité est proportionnelle à leur affrontement aux nouvelles formes que prend la culture. A titre d'exemple, en France, la plus forte proportion des départs du ministère se vérifie, dans Tordre, chez les aumôniers d'université et des grandes écoles, les prêtres séculiers chargés des grands sémi naires et ou de la formation permanente des prêtres, les aumô niers de lycées d'Etat et les prêtres étudiants. Or, ces quatre catégories ont toutes en commun : la réflexion intellectuelle, l'enseignement, la présence à la jeunesse, et sinon la pratique de Tune ou l'autre science humaine, du moins, le contact avec la culture naissante. Il serait pourtant naïf de penser que cette nécessaire inculturation de la foi concernerait les seules couches « cultivées » du peuple chrétien. En fait, si le christia nisme devient de moins en moins indigène en Europe, cela ne provient-il pas des insuffisances, dans le travail, nécessaire ment complexe, d'intelligence de la foi, travail requis peu ou prou, de l'ensemble des chrétiens ? A cet égard, est-il possible de surmonter la crise multiforme du sens, sans revoir [pour user d'une formule trop simple] la structuration concrète p.72 Golias magazine n° 118 janv/février 2008
[nous ne disons pas dogmatique) des relations entre prêtres et laïcs ? (...) Si le changement social induit souvent la sécula risation, n'est-ce pas du fait de la passivité habituelle des laïcs ? Pourquoi le changement social, de soi neutre, aboutit-il si souvent à la sécularisation ? Il semble indiqué à ce sujet, de faire l'hypothèse que plus l'Eglise se structure rigidement entre enseignants et enseignés, situant les laïcs dans une attitude religieusement et juridiquement dépendante à l'endroit des pasteurs, et plus la sécularisation progressera. Dans ce sché ma, le problème n'est pas tant la fonction réceptive dévolue au laïcs (dès que Ton devient chrétien, on a évidemment une atti tude de réception vis-à-vis de la Parole) mais le fait que l'expé rience culturelle ou le capital verbal qui leur sont propres ne jouent aucun rôle dans l'élaboration de leur jugement de croyants. Dans l'interprétation de leur existence, ce schéma transitif les laisse dans une situation d'élèves et d'apprentis besogneux du message traduit par les pasteurs. C'est parce que les laïcs ne sont pas situés d'emblée (aux yeux des prêtres, mais surtout à leurs propres yeux) comme des pro ducteurs de sens dans le domaine de leur propre foi, que la crise du sens, survenant à la suite d'informations et de pra tiques nouvelles, les laisse démunis : le changement se trans forme alors en véritable sécularisation. (...) On en tirera une leçon capitale concernant la façon d'exprimer l'identité théolo gique des prêtres : toute formulation de cette identité qui impli querait une disqualification religieuse des laïcs, déjà fausse doctrinalement, serait de plus particulièrement dangereuse pastoralement, car elle est, à moyen terme, productrice de sécularisation. (...) Dans ce contexte, les prêtres, sans cesser d'enseigner, ont beaucoup à apprendre ; sans cesser de gou verner, ils ont de plus en plus à mettre en œuvre des structures de décision avec les chrétiens ; sans cesser de présider à la vie liturgique, ils n'en seront plus, en toutes circonstances, les seuls animateurs. Les défis à relever sont à la fois pastoral et doctrinal » [Initiation à la pratique de la théologie, Dogmatique II, Cerf 198B, p 182-192). Dommage qu'Hervé Legrand n'ait pas saisi l'occasion de cet appel de ses frères hollandais pour aller plus loin. Dommage qu'il n'ait pas noté l'urgence de réfléchir autre ment dans un contexte de sécularisation et de pénurie de prêtres. Il avait pourtant bien analysé que les deux phé nomènes ne sont pas sans lien.
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nous préciserons simplement que les trois frères dominicains hollandais, plus modestement, entendent ouvrir un espace du possible en regard de la situation actuelle, au-delà de normes sur l'autorité ultime desquelles il convient toujours de s'interroger à nou veau de façon critique. Nous ajoutons que la situation Hervé Legrand
de réprimer l'audace des catholiques hollandais, comme ce fut le cas du car dinal Simonis, en 1970 - à Rotterdampuis en 19B3 - à Utrecht. C'est pour quoi toutes les remarques si préten tieuses du Père Legrand concernant le manque de fiabilité de la base, et sou vent ses défaillances inquiétantes, por tent à faux car elles réfutent un point de vue idéologique qui n'est pas celui des dominicains hollandais, quoiqu'on veuille leur faire dire. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! Il est triste de voir le Père Legrand se livrer à une besogne si basse. Le Père Legrand reproche au texte des dominicains de confondre le registre de l'analyse et celui des normes. Sans entrer en un débat philo sophique complexe et subtil sur la dis tinction à faire entre un discours positif [qui constate] et un discours normatif [qui oblige], devenue commune en philo sophie au moins depuis David Hume,
inquiétante ou désolante du manque de prêtres peut également être vue, au contraire, comme une occasion magni fique et providentielle d'inventer et de faire émerger un autre visage de l'Égli se, de la même Église pourtant. Le ton de l'article du Révérend Père français n'est pas seulement acerbe et agressif mais pessimiste. Comme si Dieu ne nous réservait pas de bonnes surprises et parfois ne nous poussait pas, un peu à notre corps défendant, sur de nou veaux chemins. Nous finissons sur une dernière note concernant le rapport du Père Legrand : il est non seulement arrogant mais profondément pédant. De façon confuse et parfois à la limite de la stupi dité (que vient faire l'agriculteur qui ne siège pas au ministère de l'agri culture ?], en faisant une référence peu convaincante à Max Weber qui ne s'ap plique pas, car justement le propos des dominicains n'est pas un discours d'ex pert mais une réflexion systématique, Hervé Legrand veut faire flèche du bois
"tendance" des sciences humaines pour ... viser bien mal. Il a le droit de contester l'opinion des dominicains : quant à ce type de réfutation en biais et faussement moderne - un peu du genre d'une morale qui se fondrait sur le dis cours pseudo savant de l'imposteur Tony Anatrella - il tombe vraiment à plat. Nous aurions espéré de lui autre chose que de ressusciter les Diafoirus d'une scolastique suffisante. Concluons pour notre part : le texte des dominicains n'échappe pas à une critique théologique radicale, en fonc tion d'éléments soulignés par exemple par la congrégation pour la Doctrine de la foi dans ses diverses interventions. D'un point de vue, qui n'est pas le nôtre, et auquel nous nous sommes souvent opposés, mais qui traduit une cohéren ce intellectuellement respectable, le document hollandais peut et doit être mis en cause, et sans doute être réfuté de part en part. La misérable contor sion du Père Hervé Legrand, qui se sert de façon confuse des sciences humaines et de citations comme des munitions simplement alignées, susci tera sans doute avec raison, chez nombre de chrétiens conciliaires, un sentiment d'irritation et de tristesse égal au nôtre. Cette sorte du danse du ventre pour mieux décocher des coups de poignard, en se faisant passer ici ou là pour "progressiste", alors qu'on ne lui demande pas tant, n'est pas à l'hon neur du sens de l'intelligence des fils du grand Saint Dominique. Golias 1, Le document du théologien Hervé Legrand est disponible sur le site de lacroix.net
PRÉCISION La traduction du document hollandais publié dans le n°117 de Golias est de Lucienne Gougenheim et de Edith Kuropatwa Fèvre. Quant à Jean-Pierre Du Ry, il a réalisé parallèlement, une autre traduction à partir du texte d'ori gine en néerlandais. Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.73
L'AVENTURE
Le jardin intérieur
Le Royaume est en vous (Luc 17/21) f f II y a un passage M m de l'évangile de Luc que je trouve la plupart du temps mal traduit, au point que toutes les fois qu'il m'arrive d'ouvrir une traduction française de la Bible je m'y reporte toujours pour me faire une idée de sa valeur. Cela me sert chaque fois de test, dans mes pérégrinations chez les libraires, les bouquinistes, et même, parfois à leur étonnement et parfois à leur dam,
e texte reçu, qui ne com porte aucune variante, porte : « Le royaume est à l'intérieur de vous. » C'est □ un fait que l'original grec entos humôn, de même que son exacte traduction latine dans la Vulgate intra vos, n'ont jamais signifié autre chose qu'« à l'intérieur de vous » ou « en vous ». Qr on trouve çà et là : « au milieu de vous » (Bibles Crampon, Segond, Ostervald, Darby, Bible de Jérusalem, Bible en français courant], « parmi vous » [Bibles Qsty, du Semeur, TOB). Manifestement ces tra ductions ne veulent pas d'un royaume seulement intérieur, et lui préfèrent un royaume vécu en communauté ou en société. Quant à la TQB, elle a bien vu qu'il y avait là problème, puisqu'elle ajou te en note à sa traduction : « On traduit parfois : en vous, mais cette traduction a l'inconvénient de faire du Règne de Dieu une réalité seulement intérieure et
quand j'explore la bibliothèque de mes amis : mais chaque fois je pense, ou j'espère, qu'ils ne m'en tiendront
privée. ». Autrement dit, on fait passer allègrement l'idéologie avant la philolo gie, et quand le texte gêne, on le change ! Heureusement que nous ne sommes plus à l'époque où l'on brûlait les hérétiques : c'est le supplice qui fut
pas rigueur ! C'est le verset 21 du chapitre 17.
infligé à Giordano Bruno, en 1600, pour avoir dit expressément que « Dieu est en nous, ou nulle part », donc pour avoir bien compris le verset 21 du chapitre 17 de Luc. D'heureuses corrections ont tout de même été apportées récemment à ces traductions idéologiques et faussées. Ainsi on peut enfin trouver : « le royau me de Dieu est au-dedans de vous. » (Bible Segond révisée, dite Colombe), « le Règne de Dieu a déjà commencé : il est en vous. » [Bible Parole vivante).
p.74 Golias magazine n° 118 janv/février 2008
Cette dernière traduction est bien sûr une explicitation, fort hardie mais au fond fort pertinente, si l'on songe à quelques logia de l'Évangile selon Thomas, qui correspondent parfaite ment à notre passage et au type d'en seignement qu'il transmet : « Le Royaume est le dedans de vous » (3/7\, « Ce que vous attendez est venu, mais vous, vous ne le connaissez pas » [51/7-8], « Le royaume du Père s'étend sur la terre et les hommes ne le voient pas » [113). C'est exactement ce qu'on lit dans le texte reçu de Luc 17, aux ver sets 20 et 21. Tout se passe comme s'il y avait là un fonds commun, un ensei gnement de sagesse prônant une intro version, une réunion à soi, non pas l'at tente de quelque chose de nouveau, mais la restauration ou le rétablisse ment de quelque chose de perdu. « Les disciples dirent à Jésus : 'Disnous comment sera notre fin ?' Jésus dit : Avez-vous donc dévoilé le commence ment pour que vous vous préoccupiez de la fin, car là où est le commencement, là sera la fin.' » [Évangile selon Thomas, logion 18] Malheureusement pour moi, mais sans doute heureusement pour d'autres, ce type de pensée est suivi dans l'ensemble du passage lucanien par de toutes autres perspectives qui pourront le faire vite oublier. L'une, apo calyptique et messianique, inspirée du livre de Daniel, remplace le royaume intérieur et invisible du verset 21, royau me déjà présent ici et maintenant, hic et nunc, par une vision effective celle-là du Jugement projeté dans le futur, Jour du Jugement dernier ou comme on dit Jour de colère [Dies irae] : « Comme l'éclair en jaillissant brille d'un bout à l'autre de
u l'horizon, ainsi sera le Fils de l'homme lors de son Jour » (24). Et l'autre, doloriste et sacrificielle, est évidemment inspirée de Paul, qui reprend ou plutôt utilise à sa propre façon le « Serviteur souffrant » du chapitre 53 d'Isaïe : « Mais auparavant il faut qu'il souffre beaucoup et qu'il soit rejeté par cette génération » [25]. Étranger à de telles perspectives, je ne peux m'empêcher de regretter que l'évangéliste ne se soit pas appliqué à lui-même le précepte qu'il met ailleurs dans la bouche de Jésus : « Personne ne déchire un mor ceau dans un vêtement neuf pour mettre une pièce à un vieux vêtement ; sinon, et on aura déchiré le neuf et la pièce tirée du neuf n'ira pas avec le vieux. » (5/36) Dans ma région du midi, il y a un proverbe qui court : « À force de pétasser, on perd le drap. » Je rêve que quelqu'un un jour écrive L'Évangile comme rapetassage. Je ne me fais tout de même pas trop d'illusions là-dessus. Certains, malgré la vision évidente du rapetassage ou du patchwork en cer tains passages, continueront de parler de ïinerrance biblique [la Bible ne se trompe pas], en vertu de son origine divine ou inspirée : comme s'il n'était pas assez que parfois elle nous inspire ! Et il est même des pays où le Président jure sur la Bible avant d'en trer en fonction : peut-on jurer sur un texte dont des passages sont si décou sus, disparates, sans unité ? Cependant il serait très facile de mon trer que le texte reçu capte des tradi tions et des enseignements fort diffé rents, qu'il faut beaucoup de bonne volonté pour accorder ou faire concor der entre eux. Le beau livre de Jeremias, Les paraboles de Jésus, montre bien que des paroles apparte nant à tel contexte primitif d'énonciation, ce qu'il appelle un contexte primai re, ont été ensuite recyclées, réutilisées dans un tout autre contexte, qu'il nomme secondaire, à des fins catéchétiques, d'encadrement et de direction des fidèles. Le sens en a été gauchi, faussé la plupart du temps. C'est même miracle que ce verset 21 nous reste,
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tout irradiant de pureté et de lumière, pour nous faire voir en Jésus non un Prophète menaçant ou un Messie souffrant, mais un Maître de sagesse, prônant le retour à l'intériorité. Vu de dehors, un vitrail est bien terne, aplati par la banale lumière du jour. Mais le même vu de dedans, et exactement au même moment, devient mer veilleux et magique. C'est ce que l'on voit dans ma photo ci-jointe, qui montre les deux visions en les juxtapo sant. Voici donc la leçon que j'en tire : de même qu'il faut entrer à l'inté rieur de l'église pour avoir le vrai éblouissement du vitrail, de même il faut entrer ou plutôt rentrer en soi pour retrouver l'essentiel, la vraie lumière. La merveille est à l'intérieur de moi, de nous, de vous : enfos humôn, comme dit Luc du Royaume. Je montrerai dans la réédition d'un livre développant tout le contenu de cet article et à paraître sous peu chez Golias, La Source intérieure, que cette réunion à soi n'est pas du tout narcis sique et égocentrée, qu'elle ne récuse pas malgré ce qu'on pourrait croire le contact des autres, mais qu'au contrai re bien plutôt elle le favorise, elle lui per met de se développer sur de meilleures bases. Certes l'intériorité n'a pas bonne presse aujourd'hui, en une période d'agitation et d'extraversion, je dirai de divertissement au sens latin et pascalien : de détournement de soi. Mais celui qui se fuit lui-même ne peut s'ou vrir réellement aux autres : la plupart du temps il les utilise, les instrumentalise et les manipule pour tirer d'eux une vie d'emprunt, en fait pour fuir sa solitu de. La plupart des hommes vivent pour
eux-mêmes et par les autres, alors qu'il faudrait vivre par soi-même et pour les autres. Je veux dire réuni à soi d'abord, et ouvert aux autres ensuite. Seul celui qui a trouvé, en solitude, sa Source ou son Royaume intérieur peut nouer avec les autres des relations harmonieuses, exemptes de ce qui les parasite et les adultère souvent : le sacrifice ou l'oubli de soi, qu'on fait payer cher à autrui, tôt ou tard, de toute façon. Les injonctions socialisantes, d'où qu'elles viennent et quelles qu'en soient les motivations, oublient ce fait pourtant élémentaire : seul celui qui sait s'aimer vraiment peut aimer les autres, son prochain comme lui-même.
Michel Théron Auteur de Théologie buissonnière, Golias, 2007 et de La Source intérieure, réédition augmentée, à paraître prochainement chez le même éditeur
Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.75
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Portrait
Max Jacob, un chrétien surréaliste f f II est indispenË Ë sable pour ceux qui veulent situer Max Jacob, le juif converti, le Breton de Quimper, le chrétien qu'il fut, le poète et l'artiste, d'associer en lui seul et dans toute son œuvre, les dilemmes du monde contem porain déchiré aussi entre les hauts et les bas, l'esprit et la chair, la nostalgie de passé et la projection fulgu rante vers l'Avenir d'un Monde Meilleur.
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I fut autant tiraillé qu'un catholique de droite ou de gauche rêvant de liberté tout en cherchant dans sa conscience des repères pour limiter les dégâts. Souvent tenu en arrière par une religion du devoir, désta bilisé avant sa conversion par un judaïs me culpabilisant, il nage pour survivre à ses révoltes au-dessus des remords et des regards que l'on porte sur lui. Comment dire ce que l'on est face à des gens qui vous jugent selon que l'on considère qu'un chrétien est d'abord quelqu'un qui marche droit ? Or juste ment, Max Jacob est un chrétien qui ne marche pas droit. C'est un funambule, contraint le plus souvent à dérouter les pharisiens et imposteurs par d'impul sives métamorphoses, jusque dans l'af firmation de sa foi. Quel est le secret de Max Jacob ? Quelle est sa manière d'être en amont de la modernité, juste entre deux guerres, où la plupart des chrétiens de l'époque ne connaissent ni la philosophie existentialiste, ni le surréa lisme, ni Picasso, ni Apollinaire, ni Aragon, mais seulement des luttes fra tricides sous fond d'Action Française ? Humilié par les siens, jalousé pour ses éclats de liberté, incompris dans ses provocations, bafoué pour son goût du burlesque, et finalement rendu inacces sible en son for interne, Max Jacob ne trouve pas plus d'appui chez les prêtres que ceux « de sa race ». Ajoutons au tableau, des mœurs troubles qu'une société fortement influencée par le ver dict d'une Eglise intransigeante, condamnera au pilori pour péché « contre nature ». Cela lui fera avouer entre autre qu'il veut bien de cette Eglise, « mais sans les curés » ! Rares sont des hommes de cette envergure, liant leur vie la plus intime aux manifes tations de leur foi, qui oseront se révéler
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tels qu'ils sont, en tout bien tout hon neur, même s'il s'en torture l'esprit. Une anecdote nous apprend qu'après avoir péché durant la nuit, Max Jacob attendait depuis le petit jour que s'ouvrissent les portes de la basilique du Sacré-Cœur pour demander pardon ! Au grand dam de ces dames dévotes qui s'empressent à l'entrée pour être les premières à l'ouverture, Max entre dans le Sanctuaire et s'écrie à voix forte tout ce qu'il a fait durant la nuit ! Mais pourquoi faites-vous cela ? s'ex clament ces pauvres femmes dans leur pudeur de saintes-nitouches. Et Max de leur répondre : J'ai lu quelque part dans les Saintes Ecritures, qu'au Dernier Jour, tout ce que nous aurions fait de plus secret serait connu à la face de tous. Alors, autant que ça se sache de suite ! - Tel est bien Max Jacob, le burlesque, le sérieux, le fantasque, le pieux, le mondain, le solitaire, moine et ange gourmand... C'est là peut-être sa frayeur, mais c'est aussi tout ce qui fait son génie : assumer le double de soimême comme le Christ les deux bras sur la Croix ! Echapper malgré tout au manichéisme d'une religion qui veut lui imposer ce qui est bien d'un côté et le soustraire à ce qui est mal de l'autre en ignorant que les deux servent, non pour se combattre, mais pour s'accepter avec humilité. « Qui veut faire l'ange fait la bête » disait Pascal ! « Aidez-moi à connaître mon double... » s'écrie Max Jacob au Seigneur. C'est dans cet esprit qu'il écrira « Conseils à un jeune poète » où il rejoint par certains côtés une doc trine assez traditionnelle mais que l'art d'écrire, de peindre et de vivre à sa manière, saura dépasser les limites d'une ascèse introvertie.
it Mais là encore, Max Jacob, qui ne connaît la modernité que dans sa vie d'artiste, est mort trop tôt pour avoir eu la chance de vivre un jour l'éclate ment des structures religieuses dont on peut dire que le Cubisme et l'Art Nouveau furent les prophètes d'un Monde régénéré. Or, Max Jacob est un élément capi tal dans l'interstice de ces deux siècles qui se chevauchent, parce qu'il est dans son Œuvre et dans sa vie ce que Vatican II appellera de ses vœux, à chaque fois qu'il y a occasion à rebondir spirituellement par le moyen de la Culture et des Arts. C'est précisément cette ouverture d'esprit qui manque à bien des clercs, ignorants des choses du Sacré, quand celles-ci ne se bornent pas à de la religiosité mais à de véri tables valeurs spirituelles que l'on ne trouve pas forcément dans une Vierge en pleurs ou un Jésus sanguinolent ! A ceux-ci Max Jacob leur offre l'Ecole surréaliste ! Avec elle, soi dit en pas sant, jamais la guerre des rites n'aurait eu lieu, parce qu'elle les surpasse... Le surréalisme multiplie en ce sens les
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manière étrange de vivre ? Il n'est pas comme tout le monde ! ... En somme,
N'est-ce pas tout le grand problème de notre Eglise de vouloir expliquer tou
que de fausses questions se posent les soi-disant esprits éclairés qui par igno rance culturelle n'ont aucune intuition des mystères de l'homme et en arri vent à leur confisquer leur vocation et leur droit d'exister comme ils sont ! « Ah ! ma pauvre liberté - s'exclamera Max Jacob - elle est bien seule ! Et cette clef, symbole du bonheur, me paraît quelquefois un instrument de supplice. Quelle vie ! » Que d'incompréhension chez les chrétiens pour leurs contradic tions, leurs déchirements intérieurs qu'ils n'arrivent pas à assumer faute d'être toujours à la remorque des
jours la liberté selon son orthodoxie, en ignorant le terrain même de l'Universelle Poétique, qui est pourtant la plus noble façon d'être chrétien, si l'on rejoint les paraboles !
règles établies ! Que d'erreurs com mises dont Max Jacob fait d'ailleurs toujours les frais ! J'en ai pour preuve le verdict tombé dans la bouche d'un grand prélat français dont on dit qu'il est le premier des Gaules, à qui un ami parlait de Max Jacob. Il eut ce mot ter rible : « Voilà bien une conversion dont l'Eglise aurait pu se passer! » Sans com mentaire !
Dès lors, Max Jacob dont le bon heur d'avoir un jour « trouvé Dieu sur mon mur » au 7 de la rue Ravignan [cabanon qu'il occupait sur la colline de Montmartre entre les années 1907 et 1911], le 22 septembre 1909, alors qu'il rentre de la Bibliothèque Nationale et qu'il s'apprête à enfiler ses pan toufles, voit aussitôt ce bonheur retiré par l'accusation de gens d'Eglise qui le prennent pour un fou ! Pire... qui lui disent, qu'il n'est même pas digne de demander le baptême ! Et parce qu'il est un homme plein de bonté, plein d'humilité, ce pauvre Max trouvera le moyen encore de s'excuser auprès du curé de St Jean de Montmartre qui l'envoie paître : « Pardon ! Je. ..je... vou lais juste vous demander l'heure !
possibles sans les dogmatiser. Nous sommes ici au cœur de la question qui fait l'actualité spirituelle de Max Jacob. Nous ne le dirons jamais assez, toute sa vie notre poète est inquiet de la manière dont les hommes d'Eglise jugent assez rapidement leurs frères dissidents ! Or, la vie de Max Jacob est toute peuplée de ce que la normalité d'un petit monde qui se pré tend équilibré, appelle le désordre, l'in cohérence, l'instabilité. C'est à ren contre de tous ceux qui ne marchent pas dans une manière unique de voir, de comprendre comme eux, et à qui on impose une seule route alors que les Chemins vers le Père sont aussi nom breux que les Demeures dont parle l'Evangile. Il y a des sujets tabous, des interdits de toutes sortes qui frisent avec le viol de la conscience : - Est-il digne d'être baptisé ? De communier ? A-t-il seulement la foi ? Peut-il revendi quer d'avoir entendu l'Appel de Dieu ?... Et que dire de ses mœurs ? De sa Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.77
L'AVENTURE
quelques artistes j'ai repris le souhait de Max Jacob en tête de son ouvrage « Conseils à un jeune poète » paru chez Gallimard : « J'ouvrirai une école de vie intérieure et j'écrirai sur la porte école d'art. » Cette « Ecole » a vu le jour sous l'ap pellation de la « Fraternité Max Jacob ». Son but : ouvrir des nouvelles voies à des personnes désireuses d'approfon dir leur foi par l'art et la culture, en leur offrant un chemin largement ouvert là où des issues se ferment. Comment pourrions-nous faire route ensemble ? De quelle manière pourrions-nous donner forme à ce vœu auprès de tous les exclus de l'Eglise, ceux qui particulièrement dans leur vocation sacerdotale et religieuse ne trouvent plus de cohérence avec leur sensibilité propre, le goût pour la litté rature, la musique, la peinture, la créa tivité absolue ? Pourquoi ne pas construire ensemble cette Fraternité dont les assises reposant sur une cer taine forme de sensibilité commune, puissent permettre de nous retrouver selon le mot de l'Apôtre : « soyez d'ac cords entre vous » ? Un bulletin trimestriel paraît et vous offre la possibilité de rester en lien et d'approfondir l'œuvre spirituelle de Max Jacob. Accordez-moi cette faveur s'il vous plaît ! Pardon pour ce dérangement ! » Surréaliste...
parle, mais du véritable travail intérieur, de la créativité avec laquelle l'Esprit de Pentecôte nous rend libres, nous ne
La "Fraternité Max Jacob"
comprendrons toujours rien à Max Jacob et encore moins à la vocation
A vous qui lirez ces lignes, je vous laisse le soin de vous plonger dans la vie et l'œuvre de Max Jacob. Toutes ces
personnelle des êtres choisis par la Grâce pour des chemins aussi peu ordi naires que ceux de Max Jacob ! « D'ailleurs, personne n'a jamais voulu de moi - dit-il tristement, et ça continue ». Les réticences de l'Eglise, les lon
questions, ces éclairs sur la vie de cet homme unique en son genre, doivent nous interroger sur l'immense travail culturel et poétique qu'il nous reste à faire dans l'Eglise ! Tant que cet immen se travail ne sera pas accompli, non
gueurs de son instruction religieuse : tout cela le torturait au point qu'il en arrivait à se résigner à n'être pas bap tisé.
pas en façade, avec des vitrines, des concerts et des expos toujours à l'af fiche, non ce n'est pas de cela dont je
Mais, un cri d'espérance a jailli ce jour de l'été de l'an 2000, lorsque avec
p.78 Golias magazine n° 118 janv/février 2008
A cet égard, nous cherchons aussi une grande demeure qui puisse rece voir des ateliers d'artistes et permettre à tous, quand ils le souhaitent, de se retrouver dans une vie fraternelle, de prière et de bonheur. Des personnes exclues de leurs communautés pour raient retrouver ici des forces ! Voyez notre site sur Internet : www.fraternitemaxjacob.com écrivez-nous, rencon trons-nous ! Enfin, trois œuvres capitales sont à retenir : « La Défense de Tartufe » et les « Méditations », ceci pour la partie spiri tuelle, et « Le Cornet à dés » pour ce qui est de l'ouvre poétique [tous parus chez
it
L'AVENTURE
qui veulent faire avancer le catholicisme comme le Bateau-Lavoir a fait avancer le monde ! Car, à y réfléchir de plus près, la révolution qu'a opéré le groupe du Bateau-Lavoir à Montmartre en 1920, dont Max Jacob et Picasso furent les pion niers, a eu plus d'influen ce sur le monde qu'en ont eu toutes les réformes de l'Eglise
/V\AXV JACOB
depuis Vatican II, qui e l l e s o n t fi n a l e m e n t échoué pour la plupart ! Les églises se vident mais les musées se remplissent de jeunes ! Cela est dû au miracle de sensibilités com munes qui avaient
Gallimard], Je ne saurais mieux vous recommander pour la vie de Max Jacob, le livre de Pierre Andreu « Vie et mort de Max Jacob » paru aux éditions la Table Ronde. Ceux désireux d'entrer plus dans le sujet trouveront la biogra phie de Max Jacob de Béatrice Mousli chez Flammarion, un ouvrage de réfé rence.
quelque chose à dire, alors que certains d'entre nous n'ont toujours pas digéré Picasso et préfè rent se réfugier dans ce que j'appelle la dérive des Icônes faute de véritable cul ture contemporaine ! Rien d'étonnant à ce que l'on revienne tôt ou tard à des formes désuètes d'une religion qui cherche avec retard ses repères ! On n'enseigne guère l'Histoire de l'Art dans les séminaires et l'on ignore ceux
Parus également tous deux aux Editions de la Différence, « Arrestation et mort de Max Jacob » par Lina Lachgar, et de votre humble serviteur « MaxiMaxou », récit burlesque qui décrit le déchirement dont Max s'arrangea avec les choses de l'esprit et les choses de la chair. Car le mot d'ordre de la "Fraternité Max Jacob" est toujours l'humour intelligent, celui-là même
qui auraient du talent. La Messe Tridentine soutenue par l'Oiseau de Feu
qu'animait l'esprit aussi brillant de notre Frère Max, le recul sur les choses, la hauteur sur les événements, et par-dessus tout, le talent dans la liberté créatrice.
pour donner aux générations à venir une Nouvelle Esthétique du Sacré.
d'Igor Stravinsky, la psalmodie de JeanLouis Florentz, une reconfection totale du vestimentaire, et des hymnes de choix par de vrais auteurs, voilà qui serait totalement jacobien... et finale ment tellement plus générateur et réconciliateur ! Voilà aussi sur quoi tra vaillent les membres de la Fraternité
Si je devais conclure par un souhait,
Puisque « A la fin, la Beauté sauvera le monde », autant y croire déjà et se mettre à l'ouvre ! C'était une peur que Max Jacob avait en entrant en religion, de perdre sa liberté de créateur ! Cette
je dirais que Max Jacob devienne cet indispensable moteur pour tous ceux
peur a été aussi la mienne, voilà pour quoi je voulais aussi vous dire que je
suis un prêtre heureux aujourd'hui... parce qu'à l'écart d'un monde clérical dont j'ai eu raison de me méfier, pour me permettre de rester un artiste authentique, libre de mes actes et res ponsable, un créateur. « Je reste à Paris et je me suis fait un petit monastère... » (Max Jacob] 1935 Puissions-nous être nombreux à nous relier en nos « petits monastères » dont la Fraternité Max Jacob a la clef du secret.
Père Marie Bernard
BIOGRAPHIE de MAX JACOB 1876 : 12 juillet, naissance à Quimper de Max Jacob. 1901 : Rencontre à Paris de Pablo Picasso. 1907 : Habite au 7 de la rue Ravignan. 1 909 : 22 septembre : Première vision du Christ. Conversion au catholicisme. 1911 : Il s'installe au Bateau-Lavoir, 13 rue Ravignan. 1914 : 18 décembre : Deuxième vision du Christ. 1915 : 18 février, baptême de Cyprien Max Jacob au couvent de Sion. Picasso est son parrain. 1921 : Il se retire à Saint-Benoît-sur-Loire, et habi te au monastère. 1927 : Retour à Paris. 1936 : Il s'installe définitivement à Saint-Benoîtsur-Loire. 1944 : Max Jacob est arrêté le 24 février et conduit à la prison d'Orléans. Le 28 février, il est transféré à Drancy. Il meurt le 5 mars d'une pneumonie. Inhumé provisoirement à Ivry, son corps sera transféré le 5 mars 1949 au cimetière de Saint-Benoît-sur-Loire.
***
Fraternité Max Jacob 7, rue Ravignan 75018 PARIS Tél. : 01-43-41-19-08 frat.maxjacobOneuf.fr http://www.fraternitemaxjacob.com Tous les mercredis soir, à partir d'octobre, rencontre et messe à la Fraternité Max Jacob. Tous les mercredis soir, à partir d'octobre, rencontre et messe à la Fraternité Max Jacob. Abonnement à la LETTRE de la Fraternité : 14 euros par an [comprenant 4 numéros]
Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.79
L'AVENTURE
f f Les 27 et 28 J J octobre 2006, à la Maison ^^ ^™ Bellarmin [Montréal], s'est tenu un colloque autour d'une question incontournable pour la crédibilité et l'avenir de la foi : celle de l'accès des femmes aux ministères ordonnés dans l'Église catho lique. Ces assises ont été l'oc casion de constater que, mal gré l'interdit "officiel", des recherches et des expérimen tations se poursuivent, sur cet enjeu, au sein du catholicisme. Aussi, Golias, en accord avec les organisateurs de cette manifestation, a-t-il décidé de publier, à partir du numéro 11B (sept/oct. 2007], chacu ne des différentes contribu tions qui ont nourri cette riche réflexion. Puisse cette publica tion qui s'étalera donc sur une année, permettre à nos fidèles lectrices et lecteurs de s'ap proprier et de pousser plus loin cet événement marquant, qui dépasse, les seules fron tières du Québec. Nous conti nuons cette série avec la conférence de la théologienne Pauline Jacob.
Horizons
Des femmes appelées à l'ordination dans l'Eglise catholique du Québec prêtrise ou au diaconat, il en existe, bel et bien, dans Qes femmes appelées à la l'Église catholique du Québec. Je l'ai vérifié et j'en suis mainte nant profondément convaincue. Même si elles ne se sont jamais manifestées de façon flamboyante comme l'ont fait d'autres femmes ailleurs dans le monde, elles sont à l'oeuvre dans les paroisses, les diocèses, les hôpitaux, les écoles, bref, sur tous les terrains ecclésiaux et cela, sans avoir la reconnaissance offi cielle des ministres ordonnés. Depuis une dizaine d'années, j'ai eu la chance et l'immense privilège de ren contrer plusieurs de ces femmes. Je connais des noms, des visages et des secrets intimes, puisque, dans la confiance, elles m'ont partagé leur expé rience vocationnelle. Au-delà du ressourcement personnel qu'elles m'ont apporté, j'ai voulu, pour ma recherche doctorale, authentifier théologiquement l'appel qu'elles disent ressentir face à la prêtrise ou au diaconat. Intéressée à connaître de l'intérieur ce qui les ame nait à croire à leur possible vocation, j'ai voulu documenter de façon rigoureuse leur processus de discernement. Je me suis donc mise à l'écoute de 15 de ces femmes, à travers la lecture et la relec ture de leurs récits de cheminement vocationnel. J'ai ensuite analysé leurs témoignages et les ai interprétés à la lumière, entre autres, de fondements théologiques reçus de la grande Tradition chrétienne en matière de dis cernement vocationnel. Consciente que, sur un tel sujet, la seule subjectivité des femmes risquait de faire lever maintes suspicions, j'ai
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choisi d'objectiver le récit de ces expé riences individuelles en sollicitant l'avis d'autres personnes sur la prétention de ces femmes à devenir prêtres ou diacres. Pour faire cela, il m'apparaissait essentiel de connaître la version de membres de leurs communautés qui les voient à l'œuvre sur les terrains. J'ai donc interrogé 73 personnes, témoins de l'engagement de ces femmes. Ces femmes proviennent de six diocèses du Québec francophone. Elles sont âgées de 32 à 69 ans, ont toutes mené des études théologiques de niveau unive'sitaire sans compter les formations très diversifiées qu'elles se sont données [relations d'aide, accompagnement spi rituel, pour n'en nommer que quelquesunes]. Elles ont à leur actif des expé riences d'animation dans des champs très variés. Si certaines de ces femmes se retrouvent en pastorale missionnai re, en pastorale hospitalière, en pasto rale des milieux, en enseignement ou en recherche, la majorité d'entre elles oeuvre toutefois en paroisse. Les témoins sont des membres de leurs communautés chrétiennes, des collègues de travail issus de milieux civils ou ecclésiaux, des membres de leur famille, des ami/e/s, des membres de leur communauté religieuse [deux des femmes rencontrées étaient engagées dans une communauté religieuse]. Parmi les témoins qui avaient accepté de participer à la recherche, 75 ont mis leur projet à exécution. Ils ont répondu à un questionnaire leur demandant si la personne concernée ferait un bon prêtre ou un bon diacre en justifiant leur réponse. Ils devaient aussi évaluer leurs attitudes en répondant à une grille de critères de discernement vocationnel.
it Les résultats de cette recherche sont multiples. Dans le cadre de cet exposé, j'ai choisi de traiter de l'expé rience de discernement vocationnel des femmes que j'ai rencontrées et de la reconnaissance de leurs vocations de prêtres ou de diacres par les membres de leurs communautés.
L'expérience de discernement vocationnel À partir de données recueillies de l'analyse des récits, il m'est possible, aujourd'hui, d'affirmer que ce que vivent ces femmes constitue une authentique
L'AVENTURE
se chez celles et ceux qui souhaitent engager tout leur être et toute leur vie au service de l'É glise. J'ai trouvé chez ces femmes, une pas sion quasi viscérale de Dieu/e; elles ne peu vent la taire. Elles par lent - et je cite - de « besoin de faire connaître le Christ et sa parole », de « besoin vital de mettre toutes leurs énergies et cha rismes pour la mission
expérience de discernement aux ministères ordonnés. Leur démarche se situe en ligne droite avec la grande Tradition ecclésiale de discernement. Discerner en registre chrétien suppose vivre un processus à travers lequel on tente de déceler si ce qu'on perçoit comme signe et présence agissante de
qu'elles sentent comme la leur », de « besoin de
l'Esprit est bien réel. C'est ce que font les femmes rencontrées. J'ai analysé leurs témoignages selon cinq aspects
qui semble se renforcer au fil des années qui passent.
qui se retrouvent au cœur du discerne ment préalable à l'acceptation des ministres ordonnés : l'appel intérieur, le sens du service, les qualités humaines attendues de ministres ordonnés, les traits spécifiques de ces ministères et la confirmation de la com munauté. La totalité des femmes rencontrées parlent d'un appel à un « plus être » avec Jésus dans un engagement au service du monde et de l'Église. Le/la Dieu/e de Jésus-Christ a mobilisé leurs énergies, les a interpellées, tirées en avant pour travailler à la construction d'une humanité de sœurs et de frères inspirée par l'amour. Elles en sont venues, au fil des ans, à identifier un appel à la prêtrise ou au diaconat. Quand elles regardent leur parcours, les femmes se rappellent que, très tôt dans leur vie, elles étaient des pas sionnées de Dieu/e. S'il est vrai que cette passion pour Jésus-Christ se retrouve normalement chez toute per sonne baptisée, on s'attend évidem ment à la retrouver de façon très inten
parler de Dieu », de « besoin de partager leur trésor intérieur ». L'analyse de ces besoins révèle la force d'un désir | intérieur incontournable
Cette passion, cet attrait pour Dieu/e qui se concrétise, entre autres, par le désir d'être prêtre ou diacre, remonte parfois à leur enfance. Très jeunes certaines interpellent Dieu/e au sujet de leur désir d'être prêtre. L'une dira : Je ne sais pas exactement comment est venu le premier appel, à part celui de mes réflexions sur les injustices, les pau vretés et les misères que je voyais (à 78 ans) et mes prières où je demandais à Dieu ce que je pouvais faire pour aider les personnes qui les vivaient... Je me souviens ... qu'à 9 ans ...je disais à Dieu que ce n'était pas juste que seulement les garçons aient le droit de servir la messe et de devenir prêtre. ... je lui disais ma frustration ... de ne pouvoir accéder à la prêtrise. Et l'appel entendu durant l'enfance et l'adolescence a persisté. Il a duré 17 ans, 25 ans, 45 ans, 50 ans, 60 ans même dans certains cas. Nous connaissons toutes et tous l'importan ce de l'épreuve du temps, de la persévé
rance comme indice vocationnel. Pour certaines, cet appel s'est vécu avec son lot de souffrances. Nous sommes loin d'un parcours idyllique. Je vous partage le témoignage de l'une d'elles : Lors d'un « burn out », j'ai dit au Seigneur mon désir de le servir de façon permanente. Même si je ne possédais rien comme forces et moyens, il me sem blait que, comme Job, j'acceptais ma situation. Tous ces moments forts de vie spirituelle étaient très intenses pour moi. Je voulais me donner à Dieu. C'était très clair et très réfléchi. « Je gardais tout cela dans mon cœur. » Le mot «passion» que j'emploie sou vent est le meilleur que j'ai pu trouver pour exprimer l'intensité de leur désir. Celui-ci ira jusqu'à entraîner certaines à laisser des carrières dans lesquelles elles excellent et sont publiquement reconnues pour choisir un engagement à temps plein au service de l'Église. Comme la Samaritaine qui abandonne sa cruche pour aller révéler aux siens l'effet de sa rencontre avec Jésus et les premiers disciples qui laissent leur filet pour le suivre, une femme quitte un tra vail dans le domaine de la finance, une Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.)
L'AVENTURE
diacre. Elles continuent, par leurs lec tures et leurs diverses formations, d'ap profondir leurs connaissances sur Dieu/e, l'Église, la Bible. L'une des inter viewées explicite en termes clairs ce que la plupart ont dit en d'autres mots, c'est-à-dire la conviction de posséder les qualifications préalables au ministè re presbytéral ou diaconat. Je la cite : // me semblait clairement que je possédais les dons, les qualités atta chées à ce charisme : être Jésus pré sent, vivant, célébrant au milieu d'une paroisse ou d'un milieu; rassembler, inventer des formes de participation évangéliques; ...insérée dans le milieu, animant, guidant, encourageant... autre renonce à une carrière qui s'ouvre à elle en développement inter national, deux autres vendent un com merce florissant pour se consacrer à leur travail en Église après avoir été tou chées profondément par le Dieu de Jésus-Christ.
avec des couples ou des personnes
appelée au même ministère que son mari s'exprime ainsi :
Dans les célébrations particulière ment « eucharistiques » auxquelles je
Quant au sens du service, avec
... J'amorçai un travail en pastorale
lequel on nous a tellement rabattu les oreilles, il se trouve justement au cœur de l'engagement presbytéral ou diaconal et, tout bonnement, au cœur de la vie de ces femmes. Elles se sentent
paroissiale et là j'ai commencé à toucher ce que je portais profondément. Les res
participais et participe aujourd'hui, je me sens « concélébrante ». Lorsque j'ani me une liturgie de la Parole, je me sens
appelées à servir au nom de Dieu/e. Des souvenirs remontent très loin à leur mémoire concernant un tel appel. L'une d'elles dira :
l'appel.
... j'ai toujours eu cet appel à m'en gager à rendre les gens heureux autour de moi par ma façon d'être.
qui reconnaissaient en moi « une pas te ure ». Et une épouse de diacre qui se sent
ponsabilités, l'accompagnement des per sonnes et ma propre réflexion me per mettaient de commencer à reconnaître
Autre point important, ces femmes sont conscientes d'avoir les aptitudes, les qualités nécessaires pour répondre aux exigences des ministères ordonnés. Elles investissent pour faire connaître l'Évangile au monde d'aujour d'hui. Elles cherchent à susciter chez les autres le désir de marcher à la suite de Jésus, à leur présenter un/e
Leur conviction d'un appel à un ministère ordonné surgit non seule ment à travers leur prière et leur réflexion sur leur désir de servir mais elle provient aussi de la prise de conscience provoquée par leur implica tion pastorale. L'une d'elles dira :
Dieu/e libérateur/trice. Elles s'impli quent auprès de ceux et celles qui sont appauvris, rejetés, laissés pour compte. Elles aiment l'Église en dépit de toutes ses faiblesses. Elles sont capables de
J'étais interpellée lorsque je prépa rais des parents au baptême ou des enfants au premier pardon ou à la pre mière communion, lorsque je cheminais
guider et conseiller. Elles cherchent à créer et animer des célébrations nour rissantes. Bref, ces femmes possèdent les charismes que l'on s'attend à retrouver chez tout bon prêtre ou
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Leur pratique ne fait qu'actualiser les intuitions qu'elles portent concer nant leur vocation. L'une s'exprime ainsi :
présidente de l'assemblée comme prêtre et ça je le porte en moi depuis tou jours.(...) Je ne suis pas ordonnée officiellement, mais je le vis profondé ment. Je me sais et sens pasteure « ordonnée » avec la non-reconnaissance et les difficultés que cela apporte et ses joies également. Les femmes de ma recherche se sentent également très interpellées par la voix de leur communauté qui leur renvoie l'image qu'elles feraient un bon prêtre ou un bon diacre. Elles s'enten dent parfois dire : Tu es plus curé que le curé. Tu es rassembleuse. Une dira en évoquant le travail de collaboration vécu avec des collègues prêtres : Certains m'ont poussée en avant. Elles ont été sollicitées pour poser
u des gestes qu'elles voyaient accomplir par des prêtres ou des diacres. Leur appel s'est clarifié à travers un long processus. En voici un exemple : Lorsque j'enseignais au primaire, les jeunes espéraient recevoir le pardon de moi plutôt que du prêtre. Lors des célé brations préparatoires au sacrement, je sentais, par les commentaires des parents et des jeunes, que mes homélies les rejoignaient profondément. Plusieurs paroissiens m'avaient alors exprimé leur appui pour que je continue (...). Au secondaire, comme enseignante, j'ai animé des soirées de prière et les jeunes me mentionnaient que si j'étais prêtre, ils viendraient plus souvent à l'Église. En animant les cours de préparation au mariage, pendant 15 ans, plusieurs jeunes fiancés me mentionnaient qu'ils aimeraient que je les marie. Tous ces commentaires ont mûri dans ma tête, dans mon cœur et c'est souvent en priè re dans des randonnées pédestres et donc, en contact avec la nature, que j'ai senti grandir cet appel très fort en moi. Cette interpellation perçue et dis cernée n'est pas apparue comme le fruit d'une génération spontanée. C'est une relecture de leur cheminement parfois même confronté à un accompa gnement spirituel systématique qui leur a permis de parler d'appel à la prêtrise ou au diaconat. L'une d'elles l'exprime ainsi : Une longue recherche de vérité m'a conduite à accueillir l'appel profond que je portais depuis tant d'années. Un appel qui se confirmait à travers tous les évé nements que j'ai été appelée à vivre. Le Seigneur m'appelait à être prêtre. Ça me paraissait impossible, j'ai lutté de toutes mes forces pour tenter de trouver d'autres réponses, mais c'était en vain. J'ai continué ma route dans la foi, en me laissant guider par ce cri au fond de moi. En fait, ces femmes à qui l'institution ecclésiale refuse toute démarche pou vant les aider à discerner ce qu'elles croient être un appel à un ministère ordonné ont vécu, de façon intime, sou
L'AVENTURE
terraine et je dirais sub versive un authentique processus de discerne ment vocationnel. Il les a amenées à croire qu'elles étaient véritable ment appelées par Dieu/e à devenir une ministre ordonnée dans l'Église catholique. Ces femmes croient en leur vocation, non par soif de p o u v o i r, n o n p a r c e qu'elles ont des pro blèmes d'identité psy chosexuelle comme on a pu l'entendre dans cer tains discours, mais bien plutôt parce qu'elles ont discerné un appel à mar cher sur cette route. Étonnamment, elles n'en revendiquent pas le droit, même si le fait d'avoir été baptisées pourrait le jus tifier ; elles souhaitent seulement qu'on les reconnaisse pour ce qu'elles sont, ce qu'elles produisent et ce qu'elles représentent pour leur communautés. Mais, qu'en pensent leurs commu nautés ?
La reconnaissance et les communautés Non seulement ces femmes discer nent leur appel à travers leur prière, leur réflexion, leur engagement et le reflet de celles et ceux qui les connais sent mais des membres de leurs com munautés m'ont aussi confirmé, à tra vers des témoignages confidentiels, l'aptitude de ces femmes à remplir ces ministères, bref leur possible vocation presbytérale ou diaconale. Ils m'ont souligné leur amour du Christ et de l'É glise, leurs talents, leurs charismes dans les services de transmission de la foi, de rassemblement, de prise de parole, de leadership. Ils ont évoqué leurs attitudes pastorales, leurs qua lités humaines intellectuelles, spiri tuelles. Parmi ces témoins se retrou vent des membres d'une même famille -mère, sœur, mari-, des consoeurs
d'une même communauté religieuse, des ami/e/s, des membres d'une même communauté chrétienne à l'inté rieur de laquelle ces femmes occupent ou non une fonction officielle, des prêtres collaborateurs, des agentes et agents de pastorale collaborateurs, des participants à un même projet d'en gagement social, un même groupe de partage biblique, un même comité, des collègues de travail professionnels du milieu de la santé, une ancienne élève, un marguillier, un accompagnateur spi rituel. Voici quelques-uns de leurs témoignages qui viennent renforcer ceux déjà transmis par la bouche des femmes interviewées. Une personne de la même commu nauté chrétienne écrit : Dieu donne sens à toute sa vie et cela transparaît partout où elle pose les pieds. Un prêtre, collaborateur du travail pastoral de cette femme, apportera le témoignage suivant : Je donne donc ma pleine adhésion à la proposition qu'elle reçoive l'imposition des mains pour l'ordination au diaconat et au presGolias magazine n° 118 janv/février 2008 p.83
L'AVENTURE
bytérat. Je fonde mon adhésion sur les points suivants : Elle aime les personnes et trouve sa joie dans le fait de les servir. Elle a le sens de la communauté et elle est inven tive dans les moyens à mettre en œuvre pour la rassembler. Elle est disponible et capable de se dessaisir d'elle-même, comme est appelé à le faire tout bon pas teur, à la manière de Jésus. Son sens de l'Église, peuple de Dieu rassemblé pour la mission dans le monde, s'exprime avec une largeur de vue évangélique où les valeurs premières sont mises de l'avant : la fraternité, la solidarité, la vie simple, la justice, la prière, le
Royaume ... Bien que ce soit l'Esprit qui précède toute intervention pastorale, ces valeurs ont été vécues et célébrées avec des personnes qu'elle a pris soin de convoquer, de rassembler et d'accompa gner. Elle a privilégié des personnes qui vivaient une certaine marginalité. Un collègue de travail du milieu de la santé affirme : Je suis convaincu qu'elle ferait un excellent prêtre. Elle est totalement habitée par l'amour du Christ. Son mes sage passe facilement auprès des gens étant capable d'adapter son discours à la personne en face d'elle. Elle est une femme équilibrée, sensible aux autres, qui s'implique énormément dans la com munauté. Elle a une bonne connaissan ce des textes bibliques. Par ailleurs, elle est sensible à la détresse humaine et est capable d'utiliser son vécu personnel; ceci facilite encore plus le contact avec les autres. Des membres d'une même famille se sont prononcés sur la possible voca tion presbytérale ou diaconale de celle qu'ils connaissent bien. La sœur de l'une d'elles s'exprime ainsi : Oui, elle pourrait devenir prêtre ou diacre car sa foi est profonde et elle sait la partager au quotidien avec les gens. Elle est une habile communicatrice qui sait transmettre de façon dynamique, positive et drôle ses valeurs (...) et ses convictions (...). Elle a une confiance enviable en Dieu tout en remettant néan moins en question sa foi, ses principes et demeure ouverte à ce que les autres peuvent lui apporter. Elle fait des liens enrichissants entre les expériences de la vie et l'enseignement de Jésus. Non seulement ces femmes perçoi vent un appel à travers leur prière, leur engagement et les interpellations de leurs proches, non seulement les membres de leur communauté confir ment leur possible vocation mais je puis aussi affirmer, après analyse, qu'elles répondent abondamment aux critères
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exigés idéalement d'un candidat à la prêtrise ou diaconat. Je crois qu'elles seraient acceptées au grand séminaire si elles étaient des hommes. De plus, au-delà de tous ces critères, ces femmes possèdent une attitude qui ne se dément pas, soit le bien-être dans leur ministère. Elles assument bien leur identité de pasteure. On dit d'elles : Il y a une flamme qui habite cette femme, qui la rend sereine. On la perçoit heureuse, à sa place dans ce qu'elle vit. Cette analyse d'un tel processus de discernement ministériel m'a conduite à pousser plus loin ma réflexion au niveau théologique et ecclésiologique. En voici quelques éléments que j'aime rais vous partager.
Dans la grande Tradition de l'Église La démarche de ces femmes se situe dans la grande Tradition de l'Égli se en ce qui a trait à la théologie du dis cernement vocationnel comme à celle des ministères. J'entends ici par Tradition, ce dynamisme profond qui a traversé des siècles de vécu chrétien et qui demeure présent aujourd'hui. J'entends par ministère cette définition qu'Olivette Genest tire de la première épître de Paul aux Corinthiens [1 Co 12, 4.11] et qu'il est possible d'appli quer aux femmes : les ministères sont des dons de l'Esprit, ordonnés au bien de tous et de toutes et nécessitent l'as sentiment combiné du ministre et de la communauté [Genest, 1987, p. 16]. Cette définition ne s'adresse pas à un genre en particulier. Elle ne décrit pas non plus les modalités d'application des ministères et leurs différentes formes possibles. Elle évoque plutôt un esprit qui devrait s'y retrouver. Ce sont les besoins de la communauté pour les quels certains individus reçoivent des charismes particuliers et non le genre de la personne qui se révèlent détermi nants. Les éléments recueillis à travers
u les récits des femmes et les témoi gnages de leurs communautés me font croire en l'authenticité de leurs voca tions. Au coeur d'elles-mêmes, à tra vers ce désir irrésistible de communi quer le Christ au monde d'aujourd'hui, elles voient une invitation à le suivre sur la route de la prêtrise ou du diaconat. À travers leur sens aigu du service, caractéristique essentielle au prêtre ou au diacre, elles croient que Dieu/e leur fait signe. À travers leurs aptitudes reconnues de « bon pasteur », leur intérêt à devenir de plus en plus compé tentes dans leur communauté, à tra vers l'importance qu'elles accordent à une Église véritablement au service du monde contemporain, elles se recon naissent prêtres ou diacres; et leur communauté, leurs proches endossent également leur vocation. Elles ne se mandatent pas narcissiquement dans ces ministères. Elles ont discerné et reconnu à travers leur prière, leur engagement et le reflet de leur com munauté que telle pouvait être leur voie. La fidélité, la permanence d'engage ment, la passion pour Dieu/e et son action aujourd'hui sont frappantes dans leur témoignage. Quelque chose de plus fort que toutes les embûches ren contrées semble leur donner l'énergie de continuer. Elles réussissent à tirer le meilleur d'une situation qui n'est pas toujours facile et se centrent sur le positif de leur tâche. Malgré les diffi cultés rencontrées, malgré le peu de reconnaissance de l'institution à leur égard, elles poursuivent leur route au service de la mission de l'Église et cela, depuis plusieurs années. Et elles croient en leur ministère. Elles affir ment : J'ai le Cadeau de croire à mon ministère même s'il n'est pas sanctionné officiellement. Je demeure convaincue, qu'après tant d'années, le désir serait disparu s'il n'y avait pas de véritable appel. Ces femmes expérimentent une forme de discernement valable, même
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s'il diffère dans ses modalités de réali sation de celui qui peut se vivre dans les séminaires. Celui des femmes dont je vous parle se vit dans la concrétude du quotidien. Elles y relisent ce qu'elles perçoivent comme les passages de Dieu/e. Elles en viennent à dire : La certitude que je suis appelée à œuvrer dans l'Église ne me quitte jamais. Elles cherchent à vérifier si ce qui les anime est vraiment de Dieu/e, à regarder leur vie quotidienne et leur vie en général comme lieu de manifesta tion de Dieu/e. Elles tentent de « se laisser toucher par Dieu/e, sa Parole ». Il y a, en elles, une impres sionnante disponibilité intérieure, un vouloir « lâcher prise » pour entrer dans le plan de Dieu/e. À leurs divers témoignages pour raient s'ajouter ceux non analysés d'autres femmes qui, apprenant le sujet de ma recherche, se sont permis de me partager leurs souffrances, leurs aspirations sur cette question, ceux également de personnes qui connais saient de telles femmes.
devrait être au service du monde, ouverte, sans exclusion et non centrée sur les interdits. Une telle conception m'apparaît aux antipodes de l'image projetée actuellement par l'Église insti tutionnelle. Les femmes rencontrées privilégient un modèle organisationnel différent de celui en cours actuelle ment, soit un modèle circulaire, convi vial, non hiérarchique, avec une priorité accordée aux relations humaines. Le style de gestion communautaire qu'elles promeuvent repose sur la lec ture des signes des temps à l'intérieur de la communauté et sur l'articulation d'actions qui se veulent porteuses du Souffle de l'Esprit. Pour terminer, écoutons l'une d'elles : Dieu n'appelle pas un « sexe », il appelle une « personne », la per sonne quels que soient sa race, sa cou leur, son identité ou son sexe. L'EspritSaint est Celui qui ne peut être contesté par aucune Église quel que soit son gou vernement. Pourquoi l'Esprit-Saint n'appellerait-ll pas des femmes ? Intérieurement, je sens cet appel et per sonne ne pourra m'enlever ce sentiment intérieur, cet intouchable.
Faire l'Église autrement La reconnaissance de la vocation presbytérale ou diaconale de femmes impliquerait un changement énorme dans l'Église. Plusieurs aspects de la théologie traditionnelle seraient à revoir. La théologie traditionnelle a épousé le modèle patriarcal. Elle parle d'un Dieu Père alors que ce Dieu est aussi Mère. Une théologie qui serait à l'écoute des femmes partirait de la vie, de l'expérience pour tenter d'y lire le passage de Dieu/e. Elle tiendrait davan tage compte de ce/tte Dieu/e qui a voulu s'incarner, qui a fait d'une femme la première témoin de sa résurrection pour l'envoyer porter cette Bonne Nouvelle à ses frères et sœurs.
Et vous, si vous tentez de faire taire ces femmes, les pierres elles-mêmes crieront...a Pauline Jacob, [agente de pastorale à la retraite et docteure en théologie - Université de Montréal]
1 De façon générale, j'écris Dieu/e pour évoquer la représentation à la fois féminine et mascu line du/de la Dieu/e de la Bible. Lorsque je cite des femmes de ma recherche ou leurs témoins, je conserve l'orthographe utilisée par ces personnes. 2 Allusion à Le 19, 40 : « Je vous le dis, si eux se taisent, ce sont les pierres qui hurleront ». [La Bible, 2001],
Une telle ouverture à l'expérience des femmes inciterait à faire Église autrement. Car ma recherche révèle aussi que, pour les femmes, l'Église Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.85
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La chronique de Jean Cardonnel
La louve romaine croque l'Agneau. f f Que s'est-il donc m m passé pour que le sel qui devait saler toute la terre s'affadisse dans des pro portions aussi mondialement écoeurantes ? Il y a eu un énorme fait divers : avec armes et bagages, diplomatie vaticanesque, l'Eglise est passée du côté de la Louve romaine. Oui, l'Eglise nous allai te encore aux mamelles de la louve qui demeure son modèle d'impitoyable Mère ou plutôt d'inhu maine Genitrix Régente Virago.
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i, à mes 19 ans, quand j'ai pris l'habit dominicain, puis à mes 24 ans pour mes vœux définitifs dans l'ordre des frères prêcheurs dont je croyais alors qu'ils étaient orateurs fraternels de la Parole faite chair, si enfin à mes 26 ans d'ordination au pain et au vin universellement partagés, devenus ainsi Corps et Sang du verbe créateur Libérateur, il m'avait été dit : ta vie donnée au même Verbe en verve déchaînée contre le pouvoir son assas sin vaudra longtemps, après le soupçon
ma vocation d'orateur du Verbe à effica cité créatrice libératrice. Car il faut pré ciser : Michel Mathieu, prieur domini cain, cette année 2002, n'a pas commis son acte pirate en face, sur ma person ne physique, mais lâchement, dans mon dos, sur mes affaires jetées dans des sacs poubelles, sur mes ouvres, mon ouvre, expression écrite de ma parole. Je n'ai, selon le vocabulaire courant, habituel, porté plainte contre le nommé Michel Mathieu que parce qu'avec la
permanent, la jalousie, la haine de ta fra trie religieuse , l'acte brutal d'être viré, fichu dehors par ton dernier supérieur conventuel - et ceci comme cadeau déli cat de ton entrée en octogénariat - je n'aurais jamais cru la chose possible,
pable d'une telle crapulerie qu'il faut l'empêcher de nuire. Si je me suis bien gardé de subir l'injustice sans réagir, c'est pour arracher mon expulsion à caractère limité, d'une petite histoire
imaginable, pensable. Et pourtant, c'est ce qui a eu lieu ! Le 11 septembre 2002, l'officiel responsable de mon cou vent m'a traité comme il n'aurait pas osé chasser ni même blâmer un prêtre pédophile. Après une année d'errance rythmée par l'hébergement chez des amis qui, eux, ne m'ont pas fait défaut, j'ai trouvé ma chère maison de retraite dont je me plais à dire qu'avec ses serveurs, ser veuses, directeur, infirmiers, aide-soi gnants, son kiné ...m'est infiniment plus fraternelle que tous mes couvents réu nis. Je suis dans la condition imprévi sible du chassé par la religion logé par la République. Ce n'est qu'au terme d'un an de réflexion priée, dans ma nouvelle résidence, qu'il m'a paru nécessaire, vital en conscience, en justice, de me constituer partie civile contre l'acte, le procédé inqualifiable de mon ex-prieur dominicain montpelliérain : la violation de mon domicile qui extériorise le viol de
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complicité au moins passive du mutisme de mes faux frères, il s'est rendu cou
interne, religieuse, ne concernant même pas l'ordre dominicain mais à peine sa province toulousaine, son couvent de Montpellier. Si je n'ai pas voulu m'incliner devant le Diktat des Usurpateurs du mot frères, c'est pour ne pas laisser courir cette rumeur infâme du vou reli gieux d'obéissance qui exigerait le renoncement à l'universalité beaucoup plus profonde des droits imprescrip tibles de la personne humaine. Je ne pourrais être dominicainqu'en n'étant plus humain d'humanité. Quelle honte ! Si je pousse ma logique juste, aimante, jusqu'au procès qui, six ans après le délit du chef de ma fratrie un peu plus d'un an après le report de l'audience, pour vice de forme, se déroule enfin le mer credi 23 janvier 2008, c'est dans le but d'empêcher mes faux frères d'être nui sibles par leur formatage religieux. Mon amour d'amitié fraternelle pour eux est si fort que je prie Notre Père d'inimagi nable création de les transformer en l'absolu contraire de ce qu'ils sont main-
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des vivants et des morts. Du coup, elle nous fait tuer, manger l'Agneau de Dieu préparé par ses bons soins à la sauce impéria le, césaro-papiste de la Louve romai ne en coït diabo lique avec l'Aigle et unie sur le marché mondial libéral aggravé du socia lisme ramolli au Loup libre dans la bergerie libre. Le résultat est là monstrueux, sous nos yeux : depuis des siècles, du haut d'un nid d'Aigle, le Seigneur Dieu d'Argent et d'Or de la guerre, tenant : le raccourci local de la goujate rie cléricale et gouvernementale au sens rajeuni que lui donne Sa majesté cabotine, Nicolas Sarkozy face à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI de glaciale doctrine. Il valait la peine de l'écouter ou de le lire l'illustre petit mais Nicolas le grand d'irréprochable Etat-Nation, magnifier la vocation identique du Prêtre et du Président qui, chacun de son côté, ne font rien à moitié au point d'aller très au-delà de Victor Hugo dans le vers d'ironie fantastique « Le Pape et l'Empereur, ces deux moitiés de Dieu ». Si j'avais été - ce qu'à Dieu ne plaise le Pape, j'aurais dit à mon nouveau cha noine : puisque nous atteignons les hau teurs de notre identique vocation, m'est-il possible de vous demander comment va votre dernière moitié ? En réalité le pessimisme théologique du pontife Benoît et le scientisme du prési dent Nicolas convaincus tous deux que les individus naissent géniaux ou salauds - proposition verifiable selon Sarko par les tests génétiques - réa gissent en total accord d'une laïcité ouverte qui ratifie comme allant de soi
le constat héréditaire d'une nature humaine originellement, définitivement féroce, portée sur la chose, Tout Sexe et Tout marché. La formule latine le dit à la perfection, tranchante, lapidaire : homo homini lupus. L'homme est un loup pour l'homme - maxime à laquelle on a pu ajouter une progression plus discutable parce que teintée de machis me : mulier mulieri lupior. La femme est encore plus louve pour la femme que l'homme. Mais au sommet de la pyra mide du savoir schématisé, trône la certitude irrécusable : Sacerdos sacredoti lupissimus. Le prêtre pour le prêtre, c'est l'Archi loup au superlatif, le Lupissime. Mais la voilà l'Evidence d'une trahison massive étalée sur des siècles, du Dieu libertaire, égalitaire, notre Père d'universelle cordialisation - par l'Eglise mondaine du pouvoir transcendantal. Je la tiens bien en mains la preuve pal pable de la République, de la citoyen neté sans frontières trahie par une monarchie républicaine de pur style France, fille aînée de l'Eglise à l'intérieur de l'Europe d'Affairisme aux racines chrétiennes mais vide d'heureuse Nouvelle, d'Evangile du Soulèvement
mange, croque, bouffe, bâfre l'Agneau vrai unique Dieu. La louve romaine en repas commun avec son époux loup dévore à belles dent l'Agneau de Dieu, l'agneau Dieu innocent de la ToutePuissance, du Pouvoir déifié. Donc, Père Loup et Mère Louve romaine ava lent l'Agneau mais ils n'arrivent jamais à le digérer. L'Agneau leur reste en tra vers de la gorge. Il ne passe pas. Or, comme l'écrit Alexandre Dumas en exergue à son grand livre de cuisine : « L'homme -et il faut ajouter toute l'anima lité - ne vit pas de ce qu'il mange mais de ce qu'il digère ». Ne pouvoir être digéré, mais c'est çà res-susciter ! L'impuissance d'une vraie digestion fait décider au couple Loup de n'être pour personne ce que l'homme est pour l'homme : un loup. Aux dernières nou velles qu'anticipait voici des millénaires le regard du prophète Isaie, le loup habi te et joue d'égal à égal avec l'Agneau. Jean Cardonnel
Golias magazine n° 118 janv/février 2008 p.87
NOUVEAUTES
L'Église catholique Jean Feschet Sociologue, Jean Feschet a utilisé ses outils de travail professionnels pour pen1 son christianisme, construire sa foi et refléchir sur l'Eglise. Ce livre n'est ni un
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/rage de théologie, ni une étude sociologique avec chiffres et statistiques ; l'au teur étudie l'Eglise de manière désacralisée, comme il a étudié dans sa vie profes sionnelles les entreprises et autres organisations, avec ses outils de sociologue. Il
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apporte ainsi un regard nouveau, surprenant et parfois dérangeant. En ayant étudié l'organisation de l'Eglise et ce qui se passe, Jean Feschet a découvert des phémènes cachés, des dysfonctionnements énormes par rapport au Message angélique, au niveau des structures de l'Eglise et de son fonctionnement Cela ipêche le Message de Jésus-Christ d'être reçu par nos concitoyens de bonne onté. Indépendamment des bonnes ou mauvaises volontés individuelles du clergé des laïcs, c'est le poids des structures qui est en cause. L'auteur est conduit à tinguer les comportements individuels des chrétiens - qui s'étalent d'une foi proîde et authentique à une vague croyance selon les personnes,- et la structure de i église [ type de pouvoir, organisation...) qui semble bien n'avoir jamais été christia nisée et qui est en rupture avec les données de base de l'Evangile.En particulier, if identifie deux grands obstacles (freins) structurels à la transformation qui nuisent
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gravement à l'annonce de l'Evangile aux croyants du XXI e siècle : la hiérarchie avec son exercice du pouvoir et le Sacré issu du paganisme. Qui n'ont ni l'un ni l'autre irigine évangélique et qu'il faut remettre en cause. wj~\
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est-elle encore chrétienne ?" au prix de 20 euros (frais de port gratuit) □ Je livre désire "Selon commander Jean" au le prix de 18 euro (frais de port gratuit) Veuillez retourner ce bon de commande en joi gnant votre règlement à l'ordre de Golias- BP 3045 - 69605 Villeurbanne ex. Pour la Belgique virement à l'ordre de Golias sari, compte N° 435-3400801-61
Si l'Eglise veut adapter son témoignage aux évolutions radicales en train de se Dduire partout dans le monde, les rafistolages de l'ancienne organisation ne suffint plus. Une nouvelle forme d'Eglise est à faire surgir pour répondre à ces chanments.
elon J e a n Un livre pour notre foi sonnelle et... collective. Il est . .out au long d'une vie, par un ,yant exigeant et jamais totalement satisfait des réponses reçues d'ailleurs... Mais, et c'est ce en quoi il est original, il a mûri en même temps et longuement à l'intérieur d'un groupe de croyants. L'auteur, Jean-François Soffray, un collaborateur historique de la revue Golias, vivait en lui profondément de cet Evangile, son préféré, et le rayonnement 1 cette passion ne pouvait qu'attirer et combler des proches en recherche. Retrouver l'Evangile dans son jaillissement premier, non dans une démarche idamentaliste, mais en fidélité à l'actualité du message évangélique, jamais mé sur lui-même. L'Evangile de Jean n'a pas vieilli, parce qu'il s'est situé au coeur ne humanité d'esprit et de chair, celle qui traverse les siècles... Mais ne gâtons pas le fruit en le tripotant maladroitement. Nous vous invi ns à le prendre en main et à vous nourrir. Les éditions Golias ont trouvé dans tte recherche un aliment pour la foi de ses lecteurs. Nous nous réjouissons de tte publication, ayant pensé qu'il serait dommage que d'autres, au delà de notre |uipe, ne puissent pas profiter de cette recherche si nouvelle dans sa richesse de i et d'humanité. Et en ces temps de Motu Proprio, pour remettre à leur juste place des comits qui ont un petit côté dérisoire, il n'est pas indifférent de rappeler, petit clin ieil à l'Histoire, que l'Evangile de Jean fut d'abord écrit en grec.
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N°58 : L'Édit de Nantes au-delà du mythe - N°61 : Suaire de Turin, histoire d'un faux N°63 : Pourquoi l'Eglise fabrique des saints ? N°72 : Football, la nouvelle religion des intellectuels N°73 : Pie IX et Jean XXIII, l'étrange jumelage N°77 : Le scandale des religieuses abusées - N°78 Paulo Coehlo, le gourou du new-age chrétien
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N°82 : Opus Dei : la sainte pieuvre - N°85/86 : Cours Alpha, entre marketing et prosélytisme N°89 : Mais où sont passés les intellectuels catholiques N°92/93 : Le document des nouveaux interdits du Vatican - N°94 : Le Vatican contre la laïcité en Europe - N°95 : Femmes de prêtres, les couples du silence - N°96/97 : Immaculée conception, la face cachée du dogme
N°98 : La croisade de George W. Bush - N°100 : L'inndex des articles de Golias (1985-2005) - N°101: Le pape Benoît XVI reniera-t-il le théologien Ratzinger ? - N°107 : Da Vinci code, de la fiction à la réalité - N°108 : Le foot est-il une religion ? - N°109 : Malaise chez les grands argentiers de l'Église - N°110 : Les étranges méthodes du Dr Anatrella - N°lll : Cardinal barbarin, entre ombres et lumières
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N°112 : Le scandale de la retraite des «ex»de l'Église - N°114 : L'hérésie charismatique - N°115 : L'autre enquête sur Thibirine N°116 : Ratzinger, un pape dans sa bulle - N°117 Crise au CCFD - N°118 - Sarkozy, le nouveau Constantin
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A PARAITRE
J220Gpages S U- S f malgré tout 19 euros i de compréhension des mutations de la foi chrétienne et des institutions de l'Église catholique. Un appel à la lucidité pour les croyants inquiets mais libres, cher chant à comprendre les évolutions des Eglises en Occident. Ce livre propose une explication : Les dérives autoritaires, centralisatrices et intégristes de l'Eglise romaine, sont la cause de son rapide effondrement en France. Son repli est une négation de son caractère universel. Sa peur d'être confrontée à la recherche historique la disqualifie pour inventer une nouvelle manière de vivre en Eglise. Au contraire, ce que l'histoire découvre peu à peu de la person nalité de Jésus, des origines du christianisme ou de l'utilisation d'une mythologie, n'est pas à craindre mais doit servir de trem plin. La foi en Jésus peut s'y fortifier et se renouveler. Quel sera l'avenir ? Respectueux de toutes les dimensions de la dignité humaine où se révèle l'espérance du Royaume, l'avenir d'une Eglise ne pourra se bâtir qu'en solidarité avec tous les crucifiés de la vie. Ce livre est celui d'un croyant en Jésus de Nazareth et à l'actua lité de son message. Le but de l'auteur n'est pas de raconter sa vie, mais de dire son expérience pour appuyer cette conviction.
L'auteur : Jean-Jacques Salvetat. Dans l'Eglise catholique, ancien Secrétaire national et Directeur national du Catéchumenat pendant les années 73-78, a assumé diverses responsabilités dans les services de la catéchèse ; discrètement « éliminé » par l'institution ecclésiastique après son sou tien public à Guy Riobé. Il s'est ensuite consacré à la réinsertion des jeunes adultes délinquants dans le cadre judiciaire.
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Des orties pour ma soutane Christian Vock 72 p. - 8 euros
L'Église catholique estelle encore chrétienne ? Jean Feschet 370 p. - 20 euros
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