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MARSEILLE VILLE-PAYSAGE // l’expérience du patrimoine Issam Amrani / Loïc Boudet / Bérengère Chauffeté
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Bérengère Chauffeté b.chauffete@gmail.com 06 30 39 09 06
Loïc Boudet loic.boudet@laposte.net 06 19 36 09 60
Issam Amrani issamamrani13000@hotmail.fr 06 66 04 03 53
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« Jamais Marseille n’a essayé de se dépasser, et de faire grand, trop grand voire grandiose. C’est une ville qui reste humaine. Il n’y a pas de ruines et quelle leçon pour les urbanistes! Marseille presque aussi ancienne que Rome ne possède aucun monument.» L’homme foudroyé, Blaise Cendrars
« Tout paysage peut être considéré à la fois, quoique de manière complexe, comme une réalité matérielle traversée par des valeurs et des représentations culturelles, comme un milieu de vie, comme le support d’une expérience de la sensibilité, et comme un site appelant des transformations. » Jean-Marc Besse
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Marseille ville-port, ville monde.
Le socle en préalable
Les roches éboulées des Alpes sont venues former cette calanque majestueuse sur le rebord de l’eau, au plus proche d’une Méditerranée des origines. La vie s’est construite sur ce relief accidenté, propre aux villes de cette côte dentelée, s’adaptant à la pente, composant avec les vents puissants, avec l’écrasant soleil du sud. La mer n’est plus une frontière mais un lien avec les autres rives, d’Afrique, du Moyen Orient. La roche qui se jette dans l’eau crée un profil commun, une manière emblématique de dessiner la ville. Marseille est méditerranéenne, au même titre que Naples, Alger ou Beyrouth. Riche de mille histoires et d’autant de mystères, ses courbes induisent une habitabilité particulière, une adaptation spécifique.
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Introduction
Quelle est la place du paysage dans la définition du patrimoine? Telle est la question à laquelle l’étude qui suit va tenter d’apporter des pistes de réflexions.
seraient les composantes? Et enfin, à travers l’approche éminemment subjective du paysage, comment trouver une appréciation collective sur sa possible patrimonialisation?
La question nous a été posée par le Service des projets urbains de la Ville de Marseille dans le cadre d’un atelier pédagogique régional (APR) en septembre 2015. Ce travail de recherche intervient en parallèle de l’élaboration de l’Aire de mise en Valeur de l’Architcture et du Patrimoine (AVAP) qui vient prendre le relais des ZPPAUP appliquées au centre historique de Marseille.
Les réponses à l’ensemble de ces questions ne peuvent être généralistes. Elles sont spécifiques et singulières à chaque territoire, chaque lieu. Ici, les caractéristiques méditerranéennes et marseillaises que nous avons traitées dans le temps imparti, sont la présence du soleil, le souffle du vent, et le végétal sur un socle marqué. De quelle manière ressentonsnous le relief? Les rayons chauds du soleil? La présence de l’eau? Celle de la flore? Ou encore des vents dans la ville?
Le patrimoine architectural d’une ville possède une grille de lecture formellement établie: appréciation historique, lois intangibles, valeurs architecturales, connaissance des caractéristiques de construction, etc. En parallèle, le paysage urbain et ses composantes ne disposent d’aucun cadre d’appréhension tangible dans le cadre d’une patrimonialisation. Ce flou amène une série d’interrogations: Comment se saisir d’un potentiel patrimoine paysager? Quelles en 8
C’est à partir de ces questions, que nous avons émis des hypothèses de recherche. Nous sommes venus les vérifier sur le terrain à l’aide d’une démarche expérimentale de recherche. Parce que le patrimoine, notion culturelle, n’existe que parce qu’il est perçu et vécu, nous mettons le corps, élément récepteur, élément mouvant, au centre de notre démarche.
L’exercice de cet APR a débuté avec notre contribution à l’exposition «Le coeur d’une ville, urbanisme et patrimoines à Marseille», montée par le Musée d’Histoire de Marseille. Nous avons eu l’opportunité de travailler sur le premier parc public de la ville, le parc Puget. A cette occasion, nous avons proposé de réaliser une maquette ainsi qu’un ensemble de productions graphiques du parc, de ses allées, de ses vues sur la ville depuis son belvédère. Véritable porte d’entrée sur la thématique du végétal en ville, cette contribution a été l’occasion d’appliquer notre démarche de recherche. La suite de notre réflexion s’est portée sur l’ensemble du centre ville, sur différents sites d’études entrant dans notre champ de recherche. L’arpentage entre de multiples lieux d’étude nous a permis de comparer ces derniers entre eux. Cette mise en lien permet de mettre en perspective les différentes thématiques à l’échelle du centre ville.
sensible, en plus des nombreuses lectures d’ouvrages, nous avons ouvert notre travail à la participation réactive, avec différentes acteurs, par le biais d’entretiens ou de focus group. Le travail que nous avons mené a ouvert un ensemble de pistes de recherche, dans le but de réflechir à une meilleure habitabilité de la ville. C’est en cela que le patrimoine est dynamique, quand il n’est plus cantonné aux poussières de l’histoire mais tourné vers les générations à venir. Il doit inspirer des manières nouvelles de créer l’histoire d’une ville. A la suite de notre travail de recherche, nous supposons la création d’un nouvel outil de fabrique de la ville, venant compléter ceux existants. Plaçant l’approche corporelle comme objet central, le «Plan CoRPPS» permet une formalisation accessible et opérationnelle de cette expérience du patrimoine, adapté aux enjeux de la ville «habitable» de demain.
Afin d’objectiver notre approche 9
Exposition D’octobre à décembre 2015, nous avons contribué à l’élaboration de l’exposition «Le coeur d’une ville, urbanisme et patrimoine à Marseille» au Musée d’Histoire de Marseille. Des dessins (p.14) et une maquette (p.20) ont été réalisés afin de traduire l’atmosphère, l’ambiance du parc Puget. Démarche de travail
Sommaire
Puis, nous avons engagé un travail de recherche. Il nous a été nécessaire de comprendre ce qu’étaient le patrimoine et le paysage dans le phénomène de patrimonialisation (p.28). Et parce que le patrimoine, notion culturelle, n’existe que parce qu’il est perçu, nous affirmons la place du corps au centre de la démarche (p.38), nous permettant de nous saisir d’outils d’autres sciences humaines (p.39). Les outils du paysagistes (p.44) nous sont apparus comme incontournables: l’arpentage permet d’élaborer un parcours (p.46) suivant la découverte du patrimoine vivant. Arpentage Notre parcours débute au Panier (p.48), traverse différents sites (p.12) pour s’achever sur le bord de mer (p.162) Conclusion Ce travail propose en conclusion des pistes de recherches pour d’autres études plus approfondies (p.166). Il nous semble pertinent d’affirmer la place du paysagiste dans l’élaboration de textes réglementaires. Ainsi, le plan CoRRPS (p.168), nouvel outil d’urbanisme et de paysage, participe à la construction de la ville de demain.
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Le soleil Le vent
La présence végétale La place du corps
La marche
Les thématiques abordées
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Les lieux étudiés
Lorette / République. pages : 74
Longchamp / Libération / Roosevelt. pages : 116 Meilhan / Gambetta / Dugommier. pages : 104
Panier. pages : 48 Belsunce. pages : 92 Hôtel de Ville, Pouillon. pages : 86
La Plaine. pages : 124 Rue d’Aubagne. pages : 138 Opéra. pages : 144 Rue Estelle. pages : 132 Saint-Victor. pages : 160 Cours Puget. pages : 148
Parc Puget. pages : 156
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Dessin
Les traces d’un jardin historique
Dans le cadre de l’exposition « Le cœur d’une ville, urbanisme et patrimoines à Marseille» organisée par le Musée d’histoire de la Ville, nous avons dans un premier temps réalisé des dessins du parc Puget, s’inscrivant pleinement dans l’exercice de l’exposition. Ils traduisent l’atmosphère du jardin de la colline Puget, et les ambiances qui perdurent depuis la création du parc au XIXeme siècle. Le dessin est l’outil premier du paysagiste. Il permet de comprendre un espace, de porter l’attention sur un élément précis des lieux. Il oriente l’œil de celui qui regarde, il donne une information. Il s’agissait ici de traduire une impression de parc, d’emmener le visiteur de l’exposition au dehors des murs du musée, mais surtout de réhabiliter la beauté désuète du jardin dans sa forme actuelle. Les dessins présentés ici traduisent un lexique néo classique des jardins: cascade, brouillard végétal dû à une accumulation de plantes, chemin qui accompagne le relief et s’achève en belvédère sur la ville.
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Histoire du lieu
A partir de 1801, le jardin de la colline Puget, créé à l’initiative du préfet Delacroix, est le premier parc public de la Ville de Marseille. Ce jardin est étroitement lié aux évolutions politiques et sociales qui ont rythmé l’histoire marseillaise. Nommé respectivement colline Bonaparte, Bourbon, à nouveau Bonaparte, jardin de la Patrie, et finalement jardin de la colline Puget depuis 1871, les usagers le nomment bien souvent Jardin de la Colonne. La colline Puget de par sa roche à nue et son relief marqué affleurant d’anciens remparts de la ville, a entraîné une implantation et une gestion délicate de la végétation souhaitée. Avec l’ouverture du canal de Marseille en 1849, l’arrivée de l’eau permanente au parc Puget, magnifiée par une cascade, permet ainsi une abondance végétale. Louis Sulpice Varé, paysagiste de style néo-classique, pose le cadre définitif du jardin à partir de 1855. Son dessin oriente la végétation pour offrir des points de vues sur l’horizon, et domestique l’eau qui symbolise la nature. La colline Puget, véritable écrin de verdure, est une incarnation de la nature dans la ville.
Cascade derrière la statue Puget.
Mise en eau en 1858, la cascade est imaginée par le paysagiste Louis Sulpice Varé, dans le style des parcs du XIXsiècle. Le choix de ne pas planter d’arbres à l’entrée permet l’implantation de mousses, procurant une réelle fraicheur.
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Vue sur le Vieux Port.
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Les bosquets et les espaces engazonnĂŠs produisent des vues longues cachant le premier plan et rapprochant le paysage lointain. La prĂŠsence de pins sylvestres et laricios provoque des effets de transparence et cadre le paysage sans fermer les vues.
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Allée du parc, surplombant la ville.
Le paysagiste Varé crée des trouées au bout des allées afin de produire des échappés visuelles laissant croire à des espaces infinis. 17
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Un parc au dessus de la ville: panorama sur Marseille. «Quand du haut de la colline Bonaparte, par exemple, vous planez sur la ville, que vous embrassez presque tout entière d’un regard, votre oeil se perd au milieu de ces mille toits inégaux hérrissés de cheminées, de mansardes, de clochers se dressant au milieu...» Théophile Bosq, 1848, descriptif du plan Lavastre
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Maquette
La maquette a accompagné les dessins présentés. une maquette du parc Puget, s’inscrivant pleinement dans l’exercice de l’exposition. Cette facette du métier de paysagiste mérite d’être mise en valeur tant la recherche des techniques, des formes, des volumes, afin de rendre en miniature la perception d’un paysage imposant est complexe. Ici le parti pris était de reprendre le dessin du jardin de la colline Puget dans sa forme historique tout en montrant le contexte urbain. La prise en compte de la ville alentour permet de mieux comprendre le système composé du cours Pierre Puget et du parc. Coffrage en carton plume, plâtre, module en rhodoide puis sculpture de la matière pour affiner les détails sont utilisés pour réaliser notre maquette.
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Extrait de la presse locale
Affiche de l’exposition
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Exposition «Le coeur d’une ville» au Musée d’histoire de Marseille
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Lors d’une conférence au Musée d’histoire de Marseille, Thierry Durousseau, architecte-urbaniste et commissaire de l’exposition « Le cœur d’une ville » a exposé l’évolution du patrimoine. De façon succincte et claire, il a imbriqué les notions, il a invoqué la philosophie, l’histoire et l’anthropologie appliquée à l’architecture. Cette conférence permet de mieux comprendre les rouages de l’élaboration d’une protection nécessaire de monuments et de lieux particuliers.
unique. Jusqu’à la Renaissance, il semble que tous les autres édifices n’avaient qu’une fonction matérialiste, fonctionnelle. La destruction, le réemploi des matériaux de construction alarmèrent l’abbé Suger (1081-1151) qui craignait que la perfection grecque ne soit plus visible et perceptible que par les textes. C’est notamment la découverte de ceux de Vitruve (?-15), architecte grec, que les architectes de la Renaissance commencèrent à théoriser leur art, à utiliser la recette de la beauté grecque. Alberti, père de la perspective publie en 1472 un manuel pour aider à l’édification et instaure ainsi une manière de construire qui répondrait aux règles de l’art grec.
Au commencement, l’homme édifia des monuments sans voir au delà de leur architecture, seuls les temples, les lieux de culte sacrés avaient une vocation autre, supérieure, monumentale. Le monument est un symbole mémoriel et un symptôme d’un événement remarquable qui permet au peuple de se souvenir. Pour les grecs, les monuments sont des formes vives. Au cours des siècles, les bâtiments antiques furent utilisés comme pierre à chaux : le Moyen Age démolit pour construire des églises et cathédrales, des monuments dédiés à un dieu
C’est au début du XVIII siècle que les vestiges de Pompéi, Herculanum et Paestum (Italie) sont mis à jour. Ces cités antiques si bien conservées permettent de changer le regard porté sur les ruines. Au même moment apparaissent les paysages rudéraux, composés par Piranèse ou Hubert Robert. Ils prennent comme élément structurant les ruines des constructions antiques, colonisées par une végétation spontanée. S’il n’est pas possible d’affirmer la volonté des peintres d’artialiser cette végétation rudérale, elle est, de fait, rendue visible. Cependant les encyclopédistes
Quelle est la place du paysage dans la notion de patrimoine? Avant toute chose, il convient de définir ces notions intimement liées.
Du monument au patrimoine durable : la place du paysage dans l’évolution des symboles Patrimoine Bien qu’on tient par héritage de ses ascendants. Ensemble des éléments aliénables et transmissibles qui sont la propriété, à un moment donné, d’une personne, d’une famille, d’une entreprise ou d’une collectivité publique. Larrousse.fr 28
définissent toujours le monument comme un tombeau, un mausolée, une construction mémorielle. La Révolution Française, avec son lot de fureur et de destruction pose la question de la restauration des biens endommagés. L’ Abbé Grégoire (1750-1831), auquel on doit le mot vandalisme, dénonce les destructions intempestives de monuments et d’œuvres d’art par les armées républicaines. Émerge alors la notion de protection du patrimoine. Le préfet Delacroix, nommé en 1800 établit une encyclopédie du patrimoine des Bouches-du-Rhône comprenant le port antique de Marseille ainsi que le pont Flavien de Saint-Chamas : des lieux sont desormais considérés au delà du simple édifice. Puis tout s’accélère. Viollet-Le-Duc (1814-1879) restaure Notre-Dame de Paris et la cité de Carcassonne. Il publie le Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle dans lequel il tient des propos catégoriques sur la restauration: « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Ruskin (1819-1900) s’oppose à cette définition. Pour l’écrivain britannique, le monument devrait disparaître en ruine plutôt que se dénaturer complètement. Il prône l’évolution
du monument au cours des siècles : il serait absurde de vouloir figer la création. Aloïs Riegl (1858-1905) propose une conception plus souple. Il distingue le monument intentionnel ( les tombes, tombeaux, colonnes) du monument non intentionnel (considéré selon sa valeur artistique). La valeur artistique parle donc d’un idéal du beau qui se fabrique, évolue en fonction d’un point de vue générationnel. Le parallèle avec le paysage est criant. Les premiers paysages protégés sont ceux des grands sites naturels. A l’origine, le Park de Yellowstone aux Etats-Unis, créé en 1872. Il impulse une nécessité de préserver ces paysages remarquables et emblématiques d’une civilisation donnée. En 1906, la loi portant sur la protection des monuments et des sites naturels «œuvres de la nature» introduit la notion de patriotisme et ‘‘d’attachement à la terre maternelle’’. Elle sera suivie par celle de 1913 sur les monuments historiques. À l’issue de la Première Guerre Mondiale, la tranchée des Baillonettes, témoin du martyr des soldats à Douaumont est ‘‘monumentalisée’’: un monument à la mémoire de la douleur est érigée autours du site, autour de cette portion de paysage. 1930 marque la naissance de
la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque remarquables. Elle crée deux types de protection : le classement, contraignant («sites classés») et l’inscription(«sites inscrits»). Ce sont des sites grandioses, des lieux où la nature est emblématique. Il n’est pas encore question de paysage urbain. Mais on peut voir dans la loi 1943 qui protège une aire de 500m autour des monuments historiques, l’intégration de morceaux de ville. 1945 sonne l’heure de la reconstruction et la création d’une section projet dans l’école d’horticulture de Versailles, dont est issue l’École Nationale Supérieure du Paysage (ENSP). Volonté politique clairement affirmée, les paysagistes voient leur domaine de compétence élargi. La Charte de Venise (1964) sur la conservation et la rénovation des sites applique ces notions indifféremment aux monuments bâtis et non bâtis. En 1983, la création des ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) étend la protection à l’espace qui entoure un site, entraînant une partie de paysage.
C’est avec la loi Paysage de 1993 que l’état délègue à la commune, plus petit échelon territorial, la
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responsabilité de son cadre de vie (A. Sgard) L’état discute avec les communes : le caractère patrimonial qui entraîne son lot de mesures conservatrices n’est donc plus seulement l’apanage d’un pouvoir étatique fort, c’est également de la responsabilité territoriale, qui se rapproche donc de l’individu. C’est dans ce sens que la convention de Faro (2011) permet à des groupes de donner leur conception du patrimoine. Il s’agit d’une expérience du patrimoine, qui se fait par le prisme du corps. Le patrimoine s’incarne en chaque individu : il est la somme de toutes ces visions, de toutes ces perceptions. Il est donc un bien commun, moyen d’identification d’une société donnée a un instant T de son histoire. Chaque époque historique a sa propre vision du patrimoine. Paysage commun, au sens de bien communautaire, et paysage du quotidien, le paysage urbain présente une très grande diversité de patrimoines. On ne reviendra pas ici sur la définition du mot paysage. Il semble en effet que l’entreprise soit vaine, tant le mot a de multiples formes, des définitions infinies. La convention de Florence en 2000 ne réussit pas à mettre des 30
mots qui fassent consensus. Une invariable serait cependant que le paysage fait toujours appel au sensible. La perception d’un territoire mobilise les sens, engage l’individu à expérimenter un paysage. De même qu’on parle d’expérience de paysage, gageons qu’il existe une expérience possible du patrimoine. Selon A. Sgard, « Patrimonialiser le paysage entraîne donc toujours le risque de l’enfermer dans des logiques illusoires, dans une fétichisation nostalgique.» Jusqu’à l’élaboration de l’AVAP et l’intégration en son domaine de protection du développement durable, la patrimonialisation s’apparentait d’avantage à la fixation d’un état plutôt qu’à une vision dynamique d’un patrimoine en devenir. En effet celui hérité, réinterprété, souligné par celui en construction, ne peut souffrir d’être figé.
La perte du mot «paysage» de ZPPAUP, remplacé par celui de «développement durable» a pu inquiéter les plus fervents défenseurs de celui-ci. C’est néanmoins une chance d’élargir le cadre d’une définition qui englobe bien plus de sens que celui donné par le dictionnaire Larousse.fr :
paysage, n.m : étendue spatiale, naturelle ou transformée par l’homme, qui présente une certaine identité visuelle et fonctionnelle.
Allons-nous vers un tout patrimoine? Le phénomène de mondialisation amorce dans les années 70, l’uniformisation neutralisante des manières de vivre, de consommer, d’édifier. Le patrimoine tend alors à conserver, préserver pour faire œuvre de témoin de l’histoire d’une société. Le patrimoine industriel naît de cette nécessité de préserver, ou plutôt de considérer des faits humains constitutifs d’un patrimoine non monumental au sens des anciens.
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Rome antique
Le monument rappelle la mémoire du défunt
Moyen âge
Seuls les édifices sacrés sont considérés comme des monuments
XVIIIeme
Découverte des vestiges antiques
Considération des vestiges antiques comme témoignages de la richesse passée. Artialisation des ruines chez Piranese et Hubert Robert
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1913
Loi de protection des monuments historiques
1930
Loi sur la protection des monuments naturels et des sites
1943
Loi des abords des monuments historiques
1962
Protection des quartiers anciens
1967
Création des Schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme
1945
Destructions de la Seconde Guerre Mondiale
Le Havre
1945
Création de la Section du Paysage et de l’art des jardins à l’École Nationale d’Horticulture
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Loi du 8 janvier 1993 loi PAYSAGE création de la ZPPAUP
1976
Création de l’École Nationale supérieure du Paysage
2010 Création des AVAP
1992 sommet de Rio 20 octobre 2000 Convention
de Florence art 1-a : le paysage est désigné comme une partie de territoire perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations» le paysage obtient une existence juridique
2010
Disparition des ZPPAUP
Grenelle de l’environnement
2004 Charte de l’environnement
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14.07.2016
Qu’est ce que l’AVAP? Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine =>L’AVAP est une servitude d’utilité publique créée par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010. La disparition des ZPPAUP sera effective au 14 juillet 2016. À Marseille, elle harmonisera les 4 ZPPAUP existantes => Elle vise à « développer une nouvelle approche de la gestion qualitative des territoires, en intégrant à l’approche patrimoniale et urbaine qui prévaut dans les ZPPAUP, les objectifs du Développement Durable. L’AVAP propose notamment une meilleure prise en compte des enjeux paysagers et environnementaux.» => La spécificité de l’AVAP du centre ville marseillais est « d’intégrer le renouvellement urbain de certains tissus constitués à la résolution des enjeux majeurs d’attractivité, d’habitat et de confort urbain et de formaliser pour le centre de Marseille un projet urbain ambitieux, à la fois créatif et respectueux de ses racines historiques et des patrimoines de grande valeur de la ville. »
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Bérengère Chauffeté
Marseille : ville-paysage 36
Notre sensibilité nous a permis de réaliser ce patchwork. Il tente d’évoquer l’ensemble des composantes du paysage marseillais.
Comment se saisir d’un potentiel patrimoine paysager? Quelles en seraient les composantes? Et enfin, à travers l’approche éminemment subjective du paysage, comment trouver une appréciation collective sur sa possible patrimonialisation?
Bérengère Chauffeté
Expérience du patrimoine
Parce que le patrimoine, notion culturelle, n’existe que parce qu’il est percu et vécu, nous mettons le corps, élément récepteur, élément mouvant, au centre de notre démarche. Nous proposons l’expérience du patrimoine à l’échelle de l’individu.
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«Chaque jour, parcourant les rues, glissant dans les boyaux et les cicatrices bouturées de la ville, ils ne cessent d’adapter leur corps, de le former, de le contraindre. Leurs cinq sens sont soumis à la loi de cet organisme de béton, de verre et de fer dans lequel les maigres éléments de nature sont enchâssés de grillages et de chaînes.» Thierry Paquot Bérengère Chauffeté
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Dépourvus des corps, la ville n’est plus qu’une coquille vide. L’architecture, l’urbain sont faits pour être traversés, parcourus, habités. C’est en partant de l’appréhension de notre environnement quotidien qu’il est apparu nécessaire d’affirmer l’échelle 1:1 comme moteur de la recherche. L’expérience individuelle, qui peut être partagée, détermine le monde qui nous entoure. C’est par le corps et l’exercice des sens au contact de l’extérieur qu’une expérience du paysage émerge.
Place du corps, mesure de l’espace
En effet, si on parle d’expérience de paysage, les définitions nous permettent de faire l’analogie avec l’expérience du patrimoine. Pour Barbara Bender, anthropologue, «Les paysages ne sont pas seulement des vues mais des rencontres personnelles. Ils ne sont pas seulement vus mais éprouvés avec tous les sens.» Pour Jean Marc Besse « c’est le corps vivant qui est le corps sensible des expériences paysagères polysensorielles, qui est le centre des affects, le centre et le réceptacle des spatialités affectives (...) c’est par notre corps propre que nous habitons le monde.» Le monde évoqué ici est urbain. Si Marseille est grandiose par la présence de son décor naturel emblématique, comment vivre la ville aujourd’hui? Qu’est-ce qui persiste dans les tissus denses, de cette impression de
colline, de méditerranée? C’est ici que la place du paysagiste prend toute son ampleur : traduire dans l’imperméabilité d’une ville les dimensions du grand paysage, afin d’affirmer un paysage du quotidien qui n’aurait rien de réducteur. Aujourd’hui, la mesure du corps à l’échelle de la ville prend une place de plus en plus importante auprès de ceux qui réfléchissent et fabriquent la ville. Ainsi, Chantal Deckmyn, architecte-urbaniste et sociologue s’’est ‘‘emparée’’ du corps des sans domicile fixe afin d’interroger la manière de penser l’espace public, notamment marseillais. Ce corps de l’extérieur n’a pas de ‘‘derrière’’, seulement un devant. Ce corps est à la pliure de la ville, là où la dimension verticale s’attache au sol. En convoquant le corps, elle soulève les questions de la société et de sa manière de faire la ville. Par sa position transversale, le paysagiste peut emprunter des techniques de compréhension de l’espace à différentes disciplines: anthropologie, sociologie et architecture. En voici quelques unes qui méritent d’être développées plus finement.
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La mesure anthropométrique. Le Larousse définit l’anthropométrie comme «l’ensemble des techniques de mesure de l’organisme humain utilisées en anthropologie et dans le domaine de la justice.» On parle de plus en plus souvent de la ville à taille humaine (cf Jan Gehl). Ne s’agit-il pas d’une ville adaptée au corps, à mesures humaines? Dès lors, comment imaginer des outils de mesure de l’espace de la ville qui seraient également applicables au corps? Le pouce, la coudée, l’empan, autant de termes empruntés à l’anatomie humaine qu’il semble intéressant d’appliquer à une portion de trottoir, à une place, dont l’ampleur se devrait d’être en cohérence avec la pratique qui y a lieu.
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Le modulor Le modulor fut inventé par Le Corbusier en 1945. L’architecte emblématique du fonctionnalisme met au point cette silhouette standardisée qui permet de concevoir, de mesurer les unités d’habitation qu’il dessine. Ce système de mesures est directement lié à la morphologie humaine. Le nombre qui résulte du rapport entre la taille moyenne d’un individu et la hauteur du nombril est le nombre d’or qui permet une harmonie de l’architecture. Un modulor adapté à un lieu traduit un optimum de confort. On se demande quelle serait la forme d’un modulor marseillais dans la ville. Si cette forme est un outil d’analyse, il permet également de s’adapter aux différents quartiers d’une ville
Forme originelle
Un modulor marseillais qui aurait perdu l’usage de ses jambes?
Un modulor piéton marseillais qui se contorsionne entre véhicules et containers à poubelles?
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La proxémie La proxémie est une approche de l’espace introduite par l’ anthropologue américain, Edward T.Hall à partir de 1963. L’une des lignes directrices est la distance physique qui s’établit entre des personnes prises dans une interaction. E. T.Hall a remarqué que ces distances varient selon les cultures considérées, et que l’amplitude entre proximité et distanciation dépend de critères sociétaux, religieux, historiques. En ville, quelle est la distance physique ou mentale qui existe entre soi et l’espace qui nous entoure? Pouvoir s’arrêter en pleine rue pour profiter d’un rayon du soleil, prendre du recul pour observer une façade, choisir d’être noyé dans la foule, sont autant de situations quotidiennes qui méritent d’être observées plus finement. C’est une question de sens, de ressenti mais qui dépend d’une forme réelle, celle de la ville. Ici, le rapport subjectif à l’espace est conditionné par le cadre aux dimensions pragmatiques, objectives : l’appréhension du sujet dépend de l’objet. Et si E. T.Hall n’en a étudié que la dimension relationnelle dans ce qu’elle a de plus humain, il est intéressant d’étudier quelle distance il existe entre le patrimoine et l’individu afin de déterminer ce qui empêche ou permet sa compréhension. 42
La proxémie et la ville Différentes sphères englobent le corps : celle de l’intime, du privé, du public, et pourquoi pas du grand patrimoine?
ProximitĂŠ des cercles dans Noailles (1erarrt de Marseille)
Prise de recul aux Arcenaulx (1erarrt de Marseille)
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L’établissement d’une Méthode // Les outils du paysagiste
Dessiner Noter Mesurer
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Comprendre Rechercher
Interroger Partager Récolter Traduire
Déambuler Arpenter Découvrir
Le focus groupe La question du patrimoine étant subjective, elle permet de mobiliser des outils originaux pour dessiner les contours d’une réponse. Et comme le patrimoine appartient à une société particulière à un instant de son histoire, la technique du focus group, issu de la sociologie, est une technique intéressante. C’est une « forme de recherche qualitative qui prend forme au sein d’un groupe spécifique culturel, social ou idéologique, afin de déterminer la réponse de ce groupe et l’attitude qu’il adopte au regard d’un produit, d’un concept», d’un paysage. C’est en constituant des groupes hétérogènes d’individus venant des différentes catégories d’habitants, d’usagers, que l’on peut tirer des conclusions intéressantes sur des sujets aussi vastes que le patrimoine ou le paysage. La parole de chacun, mise en débat par tous, permet de tirer les fils d’une appréciation collective sur laquelle il est possible de rebondir. Cette technique, développée aux États-Unis en psychologie sociale sur la dynamique de groupe donne une place plus importante au paysagiste comme médiateur.
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L’arpentage comme outil d’appropriation du paysage urbain
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La marche dessine la ville Acte commun en apparence, la marche révèle pourtant une véritable manière d’être à la ville. «Marcher, c’est forcément naviguer, observer et agir en même temps ; c’est ajuster son allure, sa direction, le contact physique avec l’environnement d’humains et d’objets » (I.Joseph). Le psychologue Lewin évoquait justement l’idée dans les années 1920 que la conduite de chaque individu est influencée par son environnement. Il en découle des pratiques de l’espace induit par des « valences » (lieu attractif ou répulsif). La marche comme « acte social ordinaire » devient dès lors« l’instrument de composition de la ville » (Rachel Thomas). En effet, «La ville se compose et se recompose, à chaque instant, par les pas de ses habitants » (P.Sansot). La marche
témoigne ainsi d’une appartenance à la ville et devient « un moyen pour le piéton de s’ancrer à la ville» (Rachel Thomas). Elle est dès lors un outil de compréhension et de dialogue entre le corps et le paysage urbain. Le corps en mouvement s’apparente de fait, à un véritable prisme sensible en interaction avec son environnement. Le ressenti corporel n’étant plus figé à un instant donné, il permet de mettre en perspective le paysage urbain. La distinction et/ou le lien entre les composants urbains offrent une mise en contexte de ces derniers. Pour ce faire, nous avons l’intention de renouer avec la ville par le corps en mouvement mis en alerte, prêt à saisir et lire le rythme de la ville à travers les espaces d’études traversés…
Itinéraire complet de notre arpentage en centre ville, entre les différents lieux étudiés.
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«Le Panier ressemblait à un gigantesque chantier. La rénovation battait son plein. N’importe qui pouvait acheter ici une maison pour une bouchée de pain et, en plus, la retaper entièrement à coups de crédits spéciaux de la Ville. On abattait des maisons, voire des pans de rues entiers pour créer de jolies placettes, et donner de la lumière à ce quartier qui a toujours vécu dans l’ombre de ruelles étroites. Les jaunes et les ocres commençaient à dominer. Marseille italienne. Avec les mêmes odeurs,les mêmes rires, les mêmes éclats de voix que dans les rues de Naples, de Palerme ou de Rome» Jean-Claude Izzo, Chourmo, 1996
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Colline du Panier Cathédrale de la Major
Place des moulins Place de Lorette Vieille Charité Rue de la République
Place de Lenche Rue Beauregard
Place du refuge L’Hôtel Dieu 49
La montée du Panier Rue Beauregard
Arpenter le Panier c’est rentrer directement en contact avec le relief par la succession de montées et descentes qui caractérisent ces rues étroites. Le ressenti de la marche est ici celui de l’effort.
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Rue Beauregard
LoĂŻc Boudet
Rue des Moulins
Place des Moulins
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Cirque collinaire du centre ville, écho aux massifs marseillais
Massif de l’Etoile
Massif de la Nerthe
Le cirque collinaire du centre ville rentre en résonance avec les massifs marseillais. Ce dernier a influencé l’implantation humaine. D’abord sur la colline du Panier, la trame urbaine s’est étendue ensuite sur l’ensemble des collines du centre ville. 52
Le Garlaban
Marseille Centre ville
Massif des Calanques
Cette implantation a offert des variations d’amplitude entre sommets en plateaux et fonds de vallons. Ces oscillations influencent le rythme de la marche dans la ville.
Butte des Carmes
Saint Charles
Le Panier
La Plaine Le Pharo
Centre ville
LoĂŻc Boudet
Notre Dame de la Garde
Cirque collinaire du centre ville
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A
Le panier en plein vent B
A
Bérengère Chauffeté
B
La place des moulins est un plateau au sommet du Panier. Plutôt vaste au regard du tissus urbain dense de ce quartier historique, elle doit son nom à la présence de moulins. La situation est idéale pour utiliser la ressource aérolique : exposée aux vents dominants, en haut des pentes qui permettaient l’accélération des souffles, les voiles des moulins récupèrent l’énergie de cet élément naturel emblématique de la vie en Méditerranée. Une attention fine portée aux gravures historiques permet de rendre compte de l’importance d’une telle situation, et d’un tel usage. Modérer la multiplication des fonctions sur un même espace et penser son organisation en fonction des conditions climatiques dominantes peut être une approche pour réflechir au confort de l’individu.
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1650
1635
1572
1596
1760
Implantation de moulins au sommet du Panier au fil des siècles
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Vents dominants (Mistral)
Espace public exposé plein vent : le Vieux Port
N Relief et effet de rouleau Manifestations du vent dans la ville
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Bérengère Chauffeté
Espace public protégé du Mistral : le Cours Puget
Couloir d’accélération Lieutaud, Rome
Diversité des souffles Marseille est connu pour ses fortes rafales, et son Mistral glacial. Chacun s’en plaint, tous l’abhorrent, mais c’est néanmoins un élément emblématique qui fait la spécificité de Marseille, et plus généralement de cette région du monde. Quand le Mistral souffle, le ciel se dégage, la lumière est limpide et la ville semble balayée après son passage. Les premiers occupants s’installèrent sur la rive sud du Panier dans un souci de s’en prémunir, de même que les rues dans le quartier baroque de Belsunce sont orientées Est-Ouest afin que le vent venant du nord ne s’engouffre pas dans la trame urbaine. La carte ci contre reprend et étaye les manifestations du vent dans la ville : Vents dominants, effet venturi dus
aux canyons urbains créés par un changement d’architecture, espaces publics en plein souffle et surtout rouleaux aérauliques qui s’accrochent aux principaux points hauts du relief Le constat est troublant : les principaux couloirs d’accélération du vent sont similaires à ceux empruntés par les flots quotidiens de véhicules. Lorsque le vent se lève, le cours Lieutaud ou la rue de la République deviennent terribles pour le piéton qui est dans l’obligation de contraindre son corps afin de continuer à se déplacer. Il est important que la ville s’adapte au souffle qui la balaye: les éléments climatiques ne souffrent aucun maître, bien au contraire.
« Notre-Dame de la garde est un mât : elle oscille sur sa quille. Elle va prendre son vol, la basilique, avec la vierge qui lui sert de huppe. Quelle masse solide résiste au Mistral? Il n’est pas de vent plus maître que celui-là. Et de là-haut, Marsiho est nue. Le mistral lui arrache tous ses vêtements et la nudité révèle la splendeur de la ville. Les monuments, les trésors de l’art ne sont pas tout : il faut aussi voir les villes nues. Ni marbre, ni bronze, ni églises sublimes, ni palais illustre, la beauté de Marseille est faite de sa vie seule : elle éclate comme une grenade mûre, dans le sang de chaque grain, dans le total des couleurs et de la forme.»
André Suarès
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Bérengère Chauffeté
N
Nuancier des quartiers en fonction de leur exposition au vent.
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+
-
Influences climatiques Les différents sens des souffles, ainsi que les reliefs et les formes urbaines créent des typologies de quartier différentes qui ne s’accommodent pas des limites administratives.
en fonction de chaque sous quartier d’un centre ville. Dans un souci de confort climatique urbain, la prise en compte du vent peut représenter un atout majeur pour certains espaces.
Comme vu plus haut, les grands axes sont des canyons où le vent peut accélérer. Ces rapides entraînent une habitabilité singulière des quartiers qui côtoient ces évènements épisodiques et particuliers. La carte ci-contre tente de répertorier ces nuances. Les teintes les plus pâles seraient les moins exposées aux rafales en cas de vent dominant, comme le quartier Castel-Pouillon qui, avec son implantation orientée vers le sud dans la colline du Panier est relativement protégé du Mistral. À l’inverse, le promontoire du Palais du Pharo, à l’embouchure du Vieux Port est pleinement exposé. Les manières d’habiter la ville en cas de vent sont donc particulières
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Marche à l’ombre L’arpentage dans les rues du Panier permet de mettre en évidence les ambiances climatiques sur la colline. Les constructions hautes et serrées ne laissent que peu pénétrer le soleil dans le réseau de rue étroites et tortueuses. Dès lors, les espaces dégagés et ouverts sont des potentiels lieux d’interaction entre l’action du soleil et le corps.
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Entre rues étroites et espaces ouverts
A B
Rue étroite Espace ouvert
Place du Refuge
Place des Moulins
B A
Alternance des rues étroites et des espaces ouverts
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Place du Refuge Dalle béton En arrivant sur la place du Refuge, le corps est plongé dans un espace vide et minéral, où la réverbération de la lumière nous réchauffe pleinement pendant la période hivernale. Pas d’arbre, pas d’ombre sur cette dalle béton. Lorsque les températures estivales grimpent en même temps que le soleil s’installe au zénith, la place, véritable solarium urbain, en perd ses qualités et devient impraticable pour tout individu sensible au confort thermique. S’engage une lutte entre le corps et cette place désarmée de toute ombre.
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Marseille sans soleil
La douce sensation de ses rayons d’hiver ou la chaleur intenable de ceux d’été sur la peau nous met dans une posture paradoxale selon la saison. A sa recherche ou à sa fuite dans les rues, les avenues ou sur les places de Marseille, le soleil produit différentes approches de l’espace public et altère à toute heure, à toute saison notre rapport à la lumière. Longer le trottoir côté est du boulevard d’Athènes en hiver et lui préférer celui du côté opposé en plein mois d’août, s’asseoir sur les murs de la fontaine un midi d’hiver place Général De Gaulle et les déserter en été, ou encore échapper à la fraicheur de l’ombrière du port en février et y définir volontiers son point de rendez vous en juillet, sont autant de comportements symptomatiques - conscient ou inconscient - qui, s’ils ne sont pas seulement dictés par des préoccupations d’ordre solaire, en sont grandement influencés. Sa présence et son absence agitent et mettent en émoi nos sens, aussi bien la vue, par le plissement de nos yeux, que le toucher, par la caresse ou la brûlure de notre peau. Marseille sous le soleil, semble être ainsi une évidence, dont elle s’enorgueillit en comptant ses heures, ses jours durant l’année, à dorer sous les rayons brûlants. Elle en a fait une carte de visite, une identité, si bien qu’elle s’est faite ville soleil. Le soleil pénètre et aveugle le cœur
de la ville, éclaire l’espace public et les immeubles. Les surfaces et les volumes de la ville sont alors autant d’opportunités d’expression de son action. La chaleur, l’ombre, la réverbération, les îlots de chaleur urbain composent le complexe produit par le rayonnement solaire. Afin d’offrir un optimum pour le confort du corps, les espaces arpentés et vécus doivent répondre au complexe induit par la présence du soleil, aux différentes périodes de l’année. Dans notre pratique de la ville, nous aspirons à trouver les lieux, les espaces où la gestion de ce complexe est optimum. Mais existe t-il dans le centre ville de Marseille de tels lieux d’interactions agréable et confortable entre l’individu et le soleil? Et si finalement Marseille, privilégiée par une situation ensoleillée, ne savait réellement en profiter et développer au maximum les lieux de l’optimum? Dans la réflexion et la conception de la ville à l’échelle de l’individu, le soleil et son complexe auraient-il été oubliés?
Marseille, ville du sud mais ville sans soleil?
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Soleil, ton empreinte sur la ville L’ancien sanatorium
La terrasse à la villa Bianco,
huiles sur toile de Vincent Bioulès La terrasse de la cité radieuse
Le soleil est pourtant un véritable facteur dans l’aménagement du territoire. Sa présence accrue au dessus de la ville a dessiné cette dernière depuis sa création et a orienté les décisions politiques tout au long de son histoire. Dernière empreinte en date, le dessin du nouveau mobilier urbain érigé sur le quai de la Fraternité devenu semble t-il patrimoine à photographier, l’ombière. 66
L’ombrière
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Débat «Marseille sans Soleil»
«En été la place du refuge, on ne peut pas l’utiliser, c’est impossible, parce que c’est une dalle béton, donc normalement on ne peut pas garder les yeux ouverts!»
«Le soleil est le bienvenu mais il est, au sol, mal accueilli»
SYLVAIN Maestraggi Mohamed Belmaaziz Photographe
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Professeur et chercheur à l’ENSA Il a réalisé une campagne d’étude et de relevé thermique dans le quartier du Panier sur différents espaces publics
Jacques Autran
Chercheur à l’ENSA
Gianlucca cadoni
Architecte et habitante du Panier
Afin de confronter notre hypothèse à d’autres points de vue, une rencontre sous forme de débat avec des participants a été organisée. «Marseille sans soleil», le nom du débat est posé. L’idée: éveiller les curiosités, des questionnements et peut être même des positionnements personnels autour d’une telle hypothèse. Sylvain Maestraggi, photographe, évoque le film de Paul Carpita, cinéaste marseillais, réalisé en 1960, nommé «Marseille sans soleil». Mohammed Belmaaziz et Jacques Autran font le lien avec leurs travaux sur les études thermiques menés au Panier, quartier dans lequel vit Gianlucca Cadoni, architecte. Les échanges commencent, les questions engagent le récit d’expériences personnelles et le partage d’avis d’experts. Les interactions avec le soleil décrites et racontées pour engager le débat convoquent plusieurs termes autour de la table: «recherche», «souffrance», «combat», «douceur»,... La relation semble ambivalente, entre quête et fuite, tel un combat perpétuel. Le quartier montré en exemple, le Panier. Les saisons, les orientations et l’épaisseur des rues y jouent énormément dans son appréciation. Les places dégagées sont perçues
comme des chances, au milieu de ces rues étroites, où le soleil ne pénètre que très peu. Des chances pour les pratiques et les usages caractéristiques et possibles de ces espaces là. Mais sur le terrain, elles ne semblent être saisies au vu du peu de confort proposé, notamment en été. Au delà du confort dans la pratique de la ville, la lumière solaire est décrite comme une composante de l’identité des lieux à Marseille.
«Quand il n’y a pas de soleil, lorsque c’est nuageux, je trouve que quelquefois, Marseille est une ville quelconque.»
que le fait de fermer les volets la journée en été, c’est une forme de patrimoine, c’est un geste» pour Sylvain Maestraggi. Un geste qui met en valeur cette luminosité écrasante comme la décrit Gianlucca Cadoni. Sylvain Maestraggi souligne donc l’importance de proposer une gestion efficace de cette lumière dans la ville pour proposer des «lieux du juste milieu». Des lieux où l’ombrage et la luminosité, la fraicheur et la chaleur seraient ménagés concomitamment, afin d’atteindre un optimum.
Mohamed Belmaaziz
Cette identité est vecteur de «comportements patrimoniaux», comme trouver un lieu agréable, de bien être, qui «fait patrimoine, qui fait quotidien, qui est important pour les habitants et dont la pratique doit être préservée» pour Jacques Autran. Dès lors, chacun en vient à décrire les gestes qui alimentent ce jeu corporel avec le soleil, toujours dans un désir de confort. «Quand je reviens à Marseille l’été, j’ai un plaisir à me protéger du soleil, ça fait partie de ce que je suis. Rien 69
Libérez les hauts plateaux! Les points hauts, promontoires sur la ville, et grands espaces de mise en scène, deviennent une composante sociale essentielle de la vie urbaine
La place des Moulins, actuel local technique du quartier
Utiliser le vent et adoucir le soleil pour que la place des Moulins se mue en un «haut lieu»
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Bérengère Chauffeté
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Au détour d’une rue, la canopée Au coin d’une rue, les tilleuls, Tillia sp. de la place de Lorette s’élèvent comme un repère dans ce dédale de ruelles et une surprise dans cet environnement minéral. Ramené à l’échelle de l’individu, ce groupement végétal offre un rapport équilibré entre espace et hauteur d’arbres. Ils arborent une frondaison garnie, produisant un voile appréciable, contrastant avec la lumière directe ou l’ombre pleine dans les rues de la colline.
Lumière d’hiver
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Les frondaisons des tilleuls en plein ĂŠtĂŠ
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Surprise La déambulation sur la colline du Panier révèle des effets de surprise par la trame urbaine étroite et discontinue. Le passage de Lorette, dans la continuité de la place du même nom, en est un exemple éloquent...
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Passage de Lorette : Changement de ville, variation d’échelle La greffe de la rue de la République a généré des jonctions brutales entre des morceaux de ville. Formant des passages dérobés peu évidents à trouver mais offrant une transition surprenante, ces cheminements entrainent des ruptures d’échelles fortement marquées. La proportion corporelle au regard de l’environnement bâti définit alors un gradient et le mouvement conduit à une variation d’échelle. D’un passage dérobé à taille humaine, l’individu arrive dans un espace large et ouvert, caractéristique du boulevard haussmannien, aux proportions démultipliées.
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Loïc Boudet
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Les Passages dérobés
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Les passages dérobés à l’échelle du centre ville sont les témoins des différentes jonctions entre sommets et fonds de vallons. Marqueur d’une adaptation de la pratique de la marche, ces espaces sont aujourd’hui peu considérés dans la ville. Ils sont pourtant les témoins historiques d’une ville qui s’est construite par greffes successives dont les jonctions ont été quelques fois brutales. Les passages dérobés offrent aujourd’hui des déambulations où les effets de surprise, les perspectives et les mises en scène magnifient la marche dans la ville.
Loïc Boudet
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Suture visible
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Le voisinage entre le Panier au tissu dense et la rue de la République de type haussmannien, plus large, crée un rapport particulier à la ville. En effet, deux pans de l’histoire se côtoient, mais se tournent le dos. La coupe ci dessus montre la rupture d’échelle violente qui existe entre les deux quartiers. La passage entre la place de Lenche et la rue de la République se fait par un boyau étroit, difficilement praticable par toute une partie de la population : les enfants en poussette, les personnes à mobilité réduite, les
fauteuils roulants. Cette difficulté à passer d’un tissu urbain à l’autre suit l’histoire mouvementée et douloureuse de ce pan de la ville, à cet interstice où rien ne semble fonctionner. Cette confrontation pose la question des agrafes urbaines. Accrochés sur le rebord du Panier, plusieurs quartiers interagissent avec une structure urbaine plus ancienne, le Panier. De ce constat, une attention plus fine sur ces passages doit découler.
Bérengère Chauffeté
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1862, le percement de la rue de la RĂŠpublique, le relief niĂŠ
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1950, la partie basse du Panier, la ville dĂŠcapĂŠe
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Le relief, ligne et lien Les destructions volontaires par l’occupant de la seconde guerre mondiale détruisirent la partie basse du panier. A partir de 1950, les bâtiments dessinés notamment par les architectes Fernand Pouillon et Gaston Castel sortent de terre, entre le quartier dense et le quai du Port. Les édifices suivent la ligne du relief, compensent les dénivelés par des 86
volées d’escaliers, qui, comme montré sur la coupe ci-dessus, permettent de relier la place de Lenche au quai. Ici le relief est un lien, alors qu’il est une rupture dans le cas de la rue de la République. Il est intéressant de voir comment le passage d’un quartier à un autre se fait aisément lorsque l’urbanisme est pensé en cohérence avec le socle naturel sur lequel il se développe.
Bérengère Chauffeté
Depuis la place de Lenche, la vue sur la rive opposée est cadrée par les immeubles modernes. La bonne mère et sa colline sont comme mises dans un cadre, magnifiées. C’est une des plus belles vues de Marseille où l’architecture sublime l’histoire.
Bérengère Chauffeté
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Bérengère Chauffeté
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Marseille, ville organique La ville se développe à partir du noyau des cellules souches du Panier. Le cœur palpite au pied du centre bourse, dans une reconstitution du port antique qui fait office de vestiges. Considérer la ville comme un corps, décomposer les organes qui la constituent permet de filer la métaphore du corps dans la ville.
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Epoque antique
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Epoque classique
1866
LoĂŻc Boudet
Evolution de la trame urbaine
Epoque actuelle
Autres formes vives, autres trames Comme tout organisme vivant, la ville grandit, croît mais se recompose, se regénère aussi sur elle même. Fragment d’une feuille, Denis Brihat, 1928
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B
92
e c n elsu
n o s et
s r u co
Quartier baroque
Centre Bourse
Les tours Labourdette
Cours Belsunce 93
Issam Amrani
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Belsunce, rupture d’échelle
Issam Amrani
Les tours Labourdette font face à la trame baroque du quartier Belsunce
Belsunce est un quartier différent mais a connu les mêmes perturbations dans sa trame urbaine que le Panier. L’urbanisme moderne appliqué ici sur le côté ouest du cours Belsunce marque une rupture d’échelle vis à
vis du côté opposé. Le corps, partagé entre un front bâti droit à taille humaine et des tours démesurées et désaxées, appréhende un espace non plus strict mais lâche et extensif.
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Caractéristiques du cours en Provence
Réchauffement naturel hivernal
Issam Amrani
Ombrage estival sur les façades des immeubles du cours
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Lumière pleine permise sur le cours
Lumière filtrée et tamisée par les feuilles de platanes
Issam Amrani
Arpenter le cours Belsunce aujourd’hui passe par la mise à profit des composantes spécifiques à la fois spatiales mais aussi environnementales. Ainsi, les platanes, par le rythme des saisons, permettent une alternance des lumières. Lumière chauffante en hiver et lumière tamisée en été. Les personnes assises en terrasse ne s’y trompent pas. Il ne manque plus qu’une humidification de l’air par la présence de fontaines pour atteindre ce juste milieu tant convoité. Les dauphins, juchés sur leur trône de verre, asséchés par l’ardeur du climat méditerranéen, semblent être du même avis.
Fontaine sur le cours Belsunce 97
Perception du Cours par le jeu ombre / soleil La faible hauteur des immeubles du côté Est du cours a permis une ouverture propice à l’entrée de la lumière et à l’expression d’une véritable qualité des lieux pendant une bonne partie de la journée. Dès les premières heures de l’aprèsmidi, l’entrée du soleil se faisant du côté ouest, les tours Labourdette jouent alors les pare-soleil. Au fur et à mesure que le soleil plonge vers l’horizon, l’ombre portée des tours se déplace en même temps qu’elle neutralise la luminosité et sa manifestation sur le cours et les terrasses de café. L’empreinte du soleil sur le sol, dès lors, propose une nouvelle lecture du cours, de sa forme et son tracé, quelques fois à l’inverse du tracé originel.
«La lumière c’est un facteur de théâtralisation de l’espace: On le voit bien avec des zones d’ombre et des choses éclairées comme ici avec des sortes de projecteurs de théâtre»
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Sylvain Maestraggi, photographe
Ombre portĂŠe
N
Surface ensoleillĂŠes
Matin
Midi
Le Cours
Apres midi
LeS 5 Cours ?
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Prolonger le(s) cours Dès lors, par la nouvelle lecture de l’espace à différentes heures de la journée par le prisme de la lumière, le soleil propose des définitions mouvantes des limites du cours. L’ensoleillement confisqué par les ombres portées se prolonge finalement au pied des tours Labourdette. Ces surfaces ainsi ensoleillées sont autant de lieux possibles de jouissance et de prolongement des qualités du cours.
Limite perçue par les ombres portées des tours: Le dessin d’un nouveau cours
100
Issam Amrani
Un cours de fin de journĂŠe au pied des tours?
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Dans les tissus denses de la ville, les corps comprimés
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Parfois, les formes de la ville compriment les corps. Dans ces quartiers denses que sont Belsunce et Noailles, les tissus sont resserrés, les façades des immeubles se touchent presque. Le corps en mouvement, en arrêt dans ces lieux ne peut prendre son ampleur que dans les avenues, les cours. Ce sont de véritables artères qui conduisent les différents flux : piétons, voitures, transports en commun, autant de cellules qui habitent la ville. Si ce quartier était une partie de ce corps ce serait un muscle dense, aux fibres contractées, aux échanges multiples. À Noailles, les corps font masse. Pris dans la foule du marché, le corps est comprimé, rétréci : le paysage qu’il perçoit est celui d’une ambiance bien caractéristique des foules du Sud. Odeurs de menthe, de coriandre, cris des vendeurs, eau de mer qui s’écoule des étals du poissonnier. C’est pour tout cela- et les prix bas- que Noailles attire tant, brasse tout un monde nécessaire à l’équilibre d’une ville.
Garibaldi
cours nce
Belsu
re
nebiè
Bérengère Chauffeté
la Ca
Noailles
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Dans la représentation des allées de Meilhan par Alexandre de Bar en 1876, les allées plantées apparaissent comme un espace public singulier. Elles offraient des qualités indéniables: couvert arboré dense à l’ombre généreuse, des fontaines source de fraîcheur, des larges cheminements propices à la marche...
Plaisir et confort de l’allée plantée
Les conditions d’une marche agréable et apaisée s’offraient alors aux Marseillais sur ces linéaires urbains. Les avenues plantées étaient ainsi à Marseille un «patrimoine vivant» qui se révélait et existait à travers les déambulations et les rencontres. Au delà de la forme urbaine héritée des avenues plantées, qu’avons-nous fait de ce «patrimoine vivant» et de ses qualités propres ?
Fontaine des allées de Meilhan, Alexandre de Bar, 1876
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AllĂŠ
an Meilh s de AllĂŠe
es G amb etta
Boulevard Dugommier
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Qu’en reste-t-il? Les anciennes allées de Meilhan sont intégrées dans un réseau de circulation urbaine. Elles forment avec le boulevard Dugommier et les allées Gambetta un «triangle urbain» témoins des axes de circulation hérités du passé. Les allées des Capucines (anciennes allées Gambetta) et les allées de Meilhan (haut de la Canebière) formaient autrefois une promenade publique derrière les anciens remparts (Dugommier). Le développement des véhicules à moteur, puis la réalisation du parking ont destructuré la trame végétale ainsi que l’espace public. Quelle est aujourd’hui la pratique et la mobilité piétonne sur ces formes linéaires autrefois utilisées comme promenades publiques?
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Allées de Meilhan : une marche apaisée
Intégrées aujourd’hui dans le haut de la Canebière, l’aspect actuel des allées est la résultante d’un fonctionnalisme urbain. Entre voies de tramway, voies de circulation et voies piétonnes, chaque espace est soigneusement compartimenté. Une marche apaisée contenue semble s’exprimer entre l’église des Réformés et l’horizon lointain sur le Vieux Port. 108
Piéton
tramway
circulation motorisée
tramway
Piéton
Loïc Boudet
Vue depuis l’église des Réformés vers le Vieux Port
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Allées gambetta, une marche désorientée
Ancienne promenade publique, les allées Gambetta (autrefois allées des Capucines) sont aujourd’hui le témoin d’un relachement. Avec d’un coté l’Eglise des Réformés, et de l’autre la patte d’oie du quartier baroque de Belsunce, les allées Gambetta sont une réelle jonction visuelle. Pour autant, le lien physique semble peu évident tant la marche qui s’offre au piéton est accidentée. 110
La configuration actuelle des allées, particulièrement inconfortable révèle une marche désorientée.
Piéton
circulation motorisée
parking
Piéton
Loïc Boudet
Vue depuis le boulevard d’Athènes vers l’église des Réformés
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Boulevard Dugommier : une marche accélérée
Le boulevard Dugommier, autrefois remparts de la ville, est aujourd’hui une « autoroute urbaine » faisant la jonction entre le boulevard d’Athènes et le cours Lieutaud. L’avènement de la voiture se révèle ici à son paroxysme. Cet axe de circulation de cinq voies offre peu d’opportunités au piéton relégué sur les bords du boulevard. L’agression routière par sa nuissance sonore entraîne un rythme accéléré
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peu enclin à une marche apaisée malgré la très belle allée plantée. Au Nord, la gare Saint-Charles en promontoire dans la perspective du boulevard apparaît bien loin.
Loïc Boudet
Piéton
circulation motorisée
Vue depuis la Canebière vers la gare Saint-Charles
Piéton
113
Boulevard Dugommier
Rythme de la marche
Allées
A llé
es G
amb
et t a
de Me
désorientée
ilhan
Accélérée Apaisée
Un idéal de marche perdu ? L’observation de ce triangle urbain central raconte une certaine évolution des avenues. Son statut actuel est une réinterprétation contemporaine de ses formes héritées. Ces trois voies de circulation démontrent la disparité des rythmes du piéton sur des espaces pourtant incontournables dans la pratique du centre ville. Entre apaisement, accélération et désorientation, le corps est tiraillé. Des frontières invisibles influencent la pratique piétonne. Le square Léon Blum entre Gambetta et Canebière n’est pas un lien fort entre ces 114
deux axes, mais à contrario définit une limite. La jonction inter-quartiers est difficilement perceptible tant ces avenues fonctionnent chacune indépendamment l’une de l’autre. Le déséquilibre du corps en mouvement sur ces axes ne permet pas d’entrevoir de réelles continuités et dynamiques piétonnes. Ce « triangle urbain » central offre pourtant un réel potentiel de marche. Les vues lointaines, produites par la pronfondeur des axes, confirment de réelles liaisons à renforcer : vue sur le
Vieux-Port, montée de la gare SaintCharles ou de Franklin Roosevelt, descente vers le quartier Belsunce... La pratique de la marche urbaine est une réelle préoccupation contemporaine. L’hégémonie de la voiture et l’accélération des pratiques urbaines doivent être contrebalancées par un réinvestissement de la marche au cœur de la ville. De plus, la mobilité piétonne peut répondre aux enjeux de santé publique, et renforcer une réappropriation urbaine.
Une marche à retrouver A l’image des situationnistes questionnant le fonctionnalisme dans la ville par le principe de la « dérive » dans les années 1960, de l’émergence des artistes marcheurs offrant un nouveau regard, ou encore celle de la balade urbaine, nous accordons à la marche un intérêt grandissant quant à la « redécouverte » de la ville… Ces exemples témoignent d’une nouvelle manière pour le piéton d’aborder la marche en sortant des déplacements discontinus, fonctionnalistes et détachés du contexte urbain. L’étude du corps en mouvement sur ce « triangle urbain » est au centre des réfléxions pour l’appropriation et la mobilité urbaine à l’échelle du centre ville. Les allées de Meilhan par leurs caractéristiques semblent être un espace favorable à la pratique de la marche. Le tout récent parking à moto sur ces allées, se présente et surgit comme un appendice inquiétant pour le piéton.
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Alignements et usages 116
Les boulevards Longchamp, de la Libération et les Allées Roosevelt partent des Réformés et présentent trois façons différentes de traiter la voirie à Marseille. Si ces artères importantes en terme de flux et de liaison interquartier présentent toutes un bel alignement d’arbres, l’appréciation de l’ombre qui en
résulte ainsi que le confort de s’y mouvoir varient du tout au tout.
Issam Amrani
Boulevard Longchamp Axe majeur qui met en scène l’arrivée de l’eau de la Durance, qui suit la pente entre le palais Longchamp et la mer. Les trottoirs y sont larges, la voirie dédiée au tramway. Le piéton peut profiter de l’ombre des arbres sans être agressé par le son des voitures. L’optimum de confort est atteint.
Boulevard de la Libération Même si le couvert arboré permet une ombre bienheureuse en été, la situation au sol est difficile avec voitures garées sur les trottoirs et l’espace central de l’axe pas piéton.
Avenue Franklin Roosevelt Les platanes de l’avenue offrent un couvert généreux, qui doit s’apprécier dans l’effort induit par la pente.
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Loïc Boudet
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Les avenues en fonds de vallons À l’échelle du centre ville, l’observation de la trame urbaine mise en lien avec le relief révèle une corrélation entre fonds de vallons et avenues. Cette corrélation s’explique bien entendu par la facilité de mise en œuvre de ces axes majeurs sur un socle moins marqué. Une mise en oeuvre poussée à son paroxysme avec la percée de la rue de la République dans son fond de vallon « artificiel ». Le développement progressif de la ville s’est structuré par les avenues orientant la mobilité urbaine. Elles participent aussi à la liaison entre quartiers, formant un soutien à la « trame sociale », . Le peu d’espace de rencontre de grande superficie élève les avenues et les cours au rang de principaux supports du spectacle urbain. Ces espaces ont ainsi de véritables atouts à révéler en termes de mobilité douce et d’espaces d’habitabilités favorables en fonds de vallons.
Représention des principales avenues localisées en fonds de vallons
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120 LoĂŻc Boudet et Issam Amrani
Continuum de fraîcheur
L’utopie projetée reprend les logiques de fond de vallon avec ses caractéristiques climatiques et hydrologiques. Elle permet de magnifier le relief, en appuyant le contraste entre plateaux secs et fonds de vallons humides. Sous un climat
méditerranéen parfois rude, ces linéaires sont de véritables espaces à reconsidérer de par leurs potentiels micro-climatiques. L’armature de ces avenues au cœur du centre ville compose dès lors un réel continuum d’espaces sources de fraîcheur.
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Libé en été Comment penser la réhabilitation des allées plantées? Il serait pertinent de réflechir à un apaisement du flux de circulation sur ces espaces pour mieux appréhender les qualités paysagères déjà existantes par la présence du patrimoine arboré. Ci contre, le boulevard de la Libération, un mercredi soir en été.
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Bérengère Chauffeté
Marseille ville ouverte // la Plaine
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Quand la ville respire, le regard s’ouvre. Certains hauts plateaux de Marseille sont de véritables belvédères qui offrent des échappées visuelles à celui qui peut prendre le temps de voir. La place Jean Jaurès, vaste étendue ouverte, offerte aux éléments plus communément appelée la Plaine en est de ceuxlà.
Berengère Chauffete
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Rue Horace Bertin Boulevard Chave
Depuis le plateau de la Plaine, dont partent de multiples rues qui irriguent les quartiers alentour, le regard se porte jusqu’aux collines qui encerclent Marseille. Ce lieu permet de restituer la ville dans son contexte collinaire. 126
Massifs en vue
Bérengère Chauffeté
Rue Ferrari Rue St Pierre
Rue des Trois Mages
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Bérengère Chauffeté
La Plaine et le marché qui s’y tient trois fois par semaine ne sont pas à l’abri des bourrasques. Ainsi, si ce vaste rectangle aussi important que la place San Marco à Venise n’est qu’un vaste parking à ciel ouvert, une structure urbaine s’y construit et s’y défait. Les stands, les allées recréent une ville éphémère, le temps d’un matin. Sujette aux éléments naturels, le 128
vent violent, accéléré par les rues adjacentes vient balayer les étals et leurs accessoires : cartons, cagettes, papiers d’emballages et surtout sacs plastiques colorés viennent joncher le sol et les arbres.
Vol au vent: souvenirs du marchĂŠ
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Des appendices dans la ville Le mobilier urbain hétéroclite prend de multiples visages : panneaux d’affichage, bennes pour les vêtements usagés et bouches d’aération du métro, s’installent dans la ville, s’imposent à la vue. A hauteur d’œil, ces appendices s’intercalent entre le corps et son environnement.
Descente du cours julien
Bérengère Chauffeté
Croisement cours julien/ cours Lieutaud
130 Vieux Port
Aspérités
Bérengère Chauffeté
Comme vu plus haut, la marche est difficile à Marseille, par son relief, par la taille de ses trottoirs, par l’omniprésence des voitures : le milieu serait presque hostile au citadin. Le bitume même des rues n’est pas propice à une marche facile tant il est abîmé,usé. Parfois, les aspérités du sol sont autant de marques des mouvements de la trame urbaine entre remembrements et travaux de la chaussée, réparations des canalisations souterraines et recouvrement des nids de poule. Le goudron se plisse, le grès se brise. Les trottoirs à Marseille sont le plus souvent recollés, colmatés,et semblent la traduction d’une difficulté à être dans la ville.
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A travers les mondes La rue Estelle/Grignan est un axe intéressant en ce qu’elle permet de relier deux quartiers très différents en passant par une multitude d’ambiances dûes à des typologies urbaines variées. En effet, entre le cours Julien et le commencement de la rue de la Corderie, la rue traverse des mondes : passerelle au dessus du cours Lieutaud, haut de la rue d’Aubagne, rue de la Palud en fond de vallon, la rue de Rome et son tramway, la rue St Férréol, véritable lieu de chalandise pour arriver au niveau des segments de la rue Paradis qui accueillent cabinets d’avocats, offices notariaux et boutiques de luxe. La rue s’achève sur l’arrière du palais de Justice et débouche à proximité du Parc Puget. Si le dénivelé qu’elle accuse peut décourager, cette rue présente tous les critères d’une artère piétonne majeure. 132
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Rue Estelle, axe majeur
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Quartier de l’Opéra, commerces de masse et de luxe
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Fin du quartier Noailles, boutiques de solderies
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Le quartier des créateurs
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cours julien
Bérengère Chauffeté
Parc puget
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Quartier du palais de justice avocats, notaires
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Cours Lieutaud, les frondaisons perdues Les voies de circulation, les files de stationnement, et les concessionnaires deux roues pincent l’individu sur le petit trottoir du large cours Lieutaud. Les grandes et belles façades, cachées autrefois par un rideau végétal, s’empoussièrent. L’ombre absente, appréciée en milieu de journée, rappelle sans cesse la nécessité d’arborer de nouveau le cours. Mais au regard des proportions de l’axe et du partage modal inégal existant, la réintégration du végétal ne pourra être réfléchie de manière isolée.
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Issam Amrani
La rue d’aubagne : l’arbre unique
Au croisement des rues d’Aubagne et d’Estelle, s’offre à l’oeil une petite placette où quelques chaises de terrasses se déploient autour de la petite fontaine, brumisant l’air. Les quelques motos et scooters stationnés là finissent d’occuper l’espace au détriment de l’individu. Un arbre, l’unique de la place, déploie son feuillage tout au long de l’année. L’espèce, le troène du japon, 138
Ligustrum japonicum, dénote avec
celles utilisées couramment en centre ville. Son utilisation en isolé, relevant aussi une certaine rareté en ville, sert de repère visuel et mémoriel dans le quartier en pente, aux nombreuses rues. Le paysage ainsi perçu et vécu trouve ses qualités dans la juste mesure des éléments: une placette, un arbre unique, une fontaine. La
situation en point haut donne à voir et à comprendre le relief de la ville, et propose une échappée vers l’horizon. L’aménité trouvée ici souligne l’importance de tel petit lieu dans le centre.
La Rue de l’Arc : La rue jardin
et exhubérance végétale. Le paysage urbain, victime de l’homogénité des manières de faire, retrouve avec la rue de l’arc une certaine diversité. La minéralité de la ville se confronte ici à une nouvelle forme d’accès au végétal en ville, loin des alignements d’arbres adaptés aux grandes avenues, boulevard et autres cours. Cette pluralité des silouhettes végétales atteste ici de la diversité
des espèces plantées: les lauriers tin, Viburnum tinus, les arbousiers, Arbustus unedo, et les lauriers sauces, Laurus nobilis, se mêlent aux bambous, Phyllostachys sp., aux palmiers, Washingtonia sp. et aux buis commun, Buxus sempervirens. Ce mélange entre plantes méditerrannéennes et plantes exotiques transforme la rue en véritable jardin et procure les agréments qui y sont associés en Méditerranée: fraîcheur, humidité, et intimité.
Issam Amrani
Autre lieu non loin de la place, la rue de l’arc présente un tout autre aspect. Place ici à la profusion végétale ou la modération n’est pas de mise. L’étroitesse de la rue couplée à l’emprise des pots, jardinières et autres containers n’altèrent pourtant pas l’aisance de la déambulation. Le rapport quotidien perceptible des habitants à la rue maintient la juste mesure. Un certain équilibre a été trouvé entre épaisseur de rue, pratique piétonne de l’espace public
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Issam Amrani
Quelles oasis urbaines?
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Et si la rue devenait un jardin? Au delà de l’actualité rappelant sans cesse la nécessité d’une ville plus «verte», la question peut se rapporter à l’identité même de la ville. Inscrite sur le pourtour méditerranéen, elle jouit de conditions climatiques remarquables et d’un socle atypique, préalables d’un patrimoine végétal spécifique. Marseille, ‘‘hot spot’’ écologique, arbore sur une partie de sa superficie de grands sites naturels à la végétation sèche. Dans ses franges et sa périphérie, sur ses collines et dans les plis de ses vallons, une végétation plus fraîche investit les jardins privés, les friches, les rives des cours d’eau, les talwegs et les bords de canaux. Les paysages qui en résultent affirment une identité forte de nature en ville. A l’approche du centre ville, cette caractéristique s’estompe et laisse place à une minéralité certaine, génératrice d’une homogénéité du paysage. Prolonger et étoffer l’herbier
marseillais jusque dans les rues du centre ville en même temps que diversifier les types de végétalisation peut apporter une première réponse crédible au renouvellement du paysage urbain. La plante, dans la ville dense et ambiante, rafraîchit l’espace par l’ombre projetée et l’humidité dégagée. Véritable climatiseur naturel et accessible, le végétal est au cœur du processus de mise en confort de l’individu. Il se développe aujourd’hui sous forme d’alignements, dans les parcs et au sein des cœurs d’îlots bâtis. La rue jardin semble alors être une nouvelle pièce d’un système naturel mêlant végétation contrôlée et spontanée. L’expression des pièces de ce système naturel sont autant de surprises dans la pratique de la ville. Émergent alors, au milieu de cette hégémonie minérale, de possibles oasis urbaines.
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Typologies d’oasis urbaines
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Le cadrage et l’échappée L’arbre unique
La façade végétale
La canopée
Jardin de rue
Ripisylve verticale
l’ombrière
Le parc
Le cours planté L’alignement 143
Le quartier Opéra et sa trame ordonnée Engagé dans le creux du vallon, enserré dans les rues droites aux largeurs relatives et bordées de grands immeubles, l’individu est exposé aux différentes ambiances thermiques des rues sombres ou ensoleillées. Construit durant l’agrandissement de Marseille au XVIème siècle dans le prolongement de la ville historique, l’aspect du quartier contraste avec celui du Panier. La structure urbaine désorganisée laisse place à un plan plus hippodamien. Orientée sud-est, nord-ouest, la trame urbaine du quartier induit une entrée de la lumière très séquencée. 144
Issam Amrani
Plan Razaud, 1743
L’insertion des rayons du soleil dans le quartier propose tout au long de la journée un jeu d’ombre et lumière, de rue ombragée et espace exposé, de lumière franche et ombre brute. Seules les silhouettes des bâtiments jouent le rôle de pare-soleil, et remplacent la quasi absence d’arbre dans le quartier, peu propice à l’accueil d’espèces à large frondaison. Alors que la brise marine fraîche du Vieux port s’engouffre dans les interstices des volumes bâtis, le quartier présente, dans son alternance de rues ensoleillées et ombragées, les caractéristiques d’un potentiel lieu du juste milieu. Un lieu où l’ensemble de ces composantes climatiques se complètent et s’équilibrent en toutes saisons.
Au lever du jour
Milieu de journée
Fin de Journée
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Issam Amrani
Au croisement de la rue Vacon et de la rue Haxo
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Marseille sans monnaie, Marseille sans soleil?
Pris dans le flux piéton, le flot de voitures et les files de tramway, le corps est bousculé au milieu des grands axes commerciaux RomeSt Férréol et Paradis. Les espaces piétons supposés apaisés n’y font rien, le quartier est à flux tendu. Les commerces, les livraisons, la foule, les klaxons donnent le pouls. Les rues ici sont des tuyaux où le fluide s’écoule à une vitesse effrénée. Le droit à la pause, l’arrêt, et la détente de plein air s’énonce sur les terrasses de café et autres sphères privées. Le parasol et la chaise de bistrot sont les seuls dispositifs confortables permis pour profiter pleinement des qualités climatiques du quartier. Le perron des portes, les murs des bouches, ou les abribus sont les seules assises libres et accessibles, pointant l’absence de mobilier urbain
approprié. La situation décrite met en écho les nombreux espaces publics où les interactions possibles avec le soleil produisent un déséquilibre entre surfaces privatisées et surfaces accessibles à tous. L’équilibre doit être dès lors trouvé à toutes les échelles: la ville, le quartier ainsi que la rue.
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Montée du cours Pierre Puget Arpenter le cours Pierre Puget dans l’optique de rejoindre le parc du même nom semble un dessein délicat. Le mouvement du corps le long du cours en est le témoin. Contraint, le corps rentre en contorsion entre les voitures et appendices en tout genre. L’écrin végétal du parc Puget dans la perspective de l’allée plantée semble lointain, inaccessible. Une danse,faite de mouvement d’esquive et de contournement s’exprime sur le cours. L’arrivée au parc est inespérée tant la présence du parking semble annihiler tout plaisir de marche. La perspective lointaine de la statue Puget et l’écran végétal du parc souligné par l’allée ombragée est aujourd’hui un attrait profitable aux seules voitures stationnées. Un attrait confisqué à une déambulation piétonne confortable.
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Loïc Boudet
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Une rupture entre le parc et le cours
Le Parc Puget a cette particularité d’être le premier parc public marseillais, créé en 1801. Il s’est implanté dans la continuité du cours Puget sur les anciens remparts de la ville. A l’image du Parc Longchamp et de son boulevard, le cours Puget et son parc fonctionnent ensemble. Cette composition « cours-parc » renforce une mise en perspective du jardin surélevé en même temps qu’un lien entre espace urbain et espace de nature. Palier entre le centre ville et la colline de Notre Dame, le parc Puget permettait divers usages qui ont évolué avec le temps : « de lieu commémoratif, le
jardin va devenir une zone de transition entre le centre ville et la Colline de la Garde. Situé à égale distance des deux, il servira de zone de repos lors des cérémonies et pèlerinage tout au long du XIXe siècle. » *
Plan Rey, 1866 Une composition cours-parc déchirée
La transformation actuelle du cours Puget en parking a déchiré la composition cours-parc et a dévalorisé le jardin comme espace de transition. Nul doute que ces continuités piétonnes entre centre ville, cours, jardin et colline doivent être reconsidérées pour retisser un lien entre ville et espace de nature. (*Etude historique« Jardin de la colline Pierre Puget »septembre 2014/ville de Marseille .p20 )
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Le cours et le parc Puget, un lien historique entre centre ville et la colline Notre Dame
Loïc Boudet
Le parc puget, le palier d’une ascension
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Des ailleurs de proximité
Chercher un ailleurs à l’extérieur de la ville est inscrit historiquement dans les pratiques marseillaises. L’intention est de sortir du tumulte et de la densité urbaine pour rejoindre une nature environnante accessible. La bastide de campagne, le cabanon sur le littoral ou encore l’excursionnisme dans les massifs, sont autant de lieux et de moyens d’évasion. « De toutes les villes méditerranéennes, Marseille est sans aucun doute celle qui pousse le plus loin cette pratique de la double résidence »*
Entre densification et extension, la ville a repoussé les lieux de « l’ailleurs ». Le centre ville, bâti sur un relief atypique, avec ses vues ouvertes sur les massifs et la mer pose l’amorce à de possibles lieux d’évasion en son sein. Ménager ces lieux et en exploiter leurs singularités naturelles et culturelles confirme alors leurs atouts. Dans ce tumulte urbain, vecteur de stress et de mise en tension, ces lieux proposent de véritable échappées de proximité. (*CHANCEL, Jean Marc, BORRUEY, René, La maison des villes et la maison des champs... La bastide marseillaise, Revue méditerranée, Tome 77, 1-2-1993)
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Bastide
Les plus aisés profitaient des bastides dans la campagne marseillaise au cœur d’une exploitation agricole, où une végétation abondante offrait une villégiature des plus favorables. Les premières bastides datent du XVe siècle. En 1773, Bresson dénombre « plus de 6500 bastides ».
Excursionnistes
Loïc Boudet
Les plus modestes n’avaient que faire du logis secondaire, puisqu’ils partaient explorer les massifs alentours à pieds. Le temps d’un après midi ou plus longuement. « La société des excursionnistes marseillais » a ainsi vu le jour en 1897. Son approche témoigne d’une réelle appropriation des massifs dans le respect des lieux.
Cabanon
Les classes populaires allaient chercher « le bout du monde » dans leurs cabanons modestes le long du littoral lors de la saison estivale en rupture avec la vie urbaine toute proche. Le développement du cabanon prend son origine au XIXe siècle entre construction de fortune et réaménagement d’anciens garages à bateau. Il est le témoin de l’intérêt porté par la résidence secondaire profitable et partageable par toutes les classes sociales. Un véritable art de vivre populaire.
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Excursion sur le cours ...
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Loïc Boudet
Un parc dans la ville Lieu d’évasion en plein centre ville, le parc Puget s’offre aux promeneurs et à la ville. Son accroche aux reliefs se fait ressentir dans le parcours de ses cheminements méandreux. La composition paysagère du parc ombrage l’éprouvante ascension et apporte un équilibre entre effort et ménagement du corps. La végétation et la prise de hauteur crée un enclavement visuel et sonore, accentuant le contraste entre ville et parc. L’eau, qui serpente dans les petits canaux et se déverse dans la cascade agrémentée de fougères, Filicophyta sp, et autres plantes d’ombres, dégage une humidité et une fraîcheur inestimable pendant la saison chaude. La combinaison du végétal et de l’eau est une composante majeure de l’attrait du jardin. La vue sur la ville et l’horizon depuis le sommet du parc, complète les qualités de cette oasis urbaine.
1785, avant la création du parc
1866
1824
Le parc Puget, fin XIXème
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La Colonne Puget
l’entrée du parc et son double escalier
percée visuelle sur les environs
Issam Amrani
2015, le parc Puget dans la ville, apparait alors comme une véritable oasis urbaine
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La palette végétale «sèche» initiale
Loïc Boudet
L’ouverture du canal de Marseille en 1849 et l’arrivée de l’eau permanente au parc Puget permet une transition vers une palette végétale plus « fraiche»
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Rapport à l’eau, rapport au lointain 160
La présence de la mer dans le centre ville s’incarne dans le vaste bassin du Vieux port. Cette entrée de mer dans la ville, semble un espace clos. Le large n’est pas visible depuis le quai des Belges, induisant un rapport particulier au lointain qui doit aller se chercher au delà du fort Saint Jean ou du palais du Pharo.
Bérengère Chauffeté
vue depuis l’église saint Victor
vue depuis le palais du Pharo
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La mer, ce bien commun Enfin, quel rapport, et non des moindres, la ville entretient-elle avec son littoral? Les villes ont un rapport bien particulier à la mer qui les borde: principale ressource d’économie, elles lui tournent généralement le dos. Marseille est bicéphale, son lien à la mer est schizophrène. La carte parle des représentations que l’on peut avoir de ce front méditerranéen. Du nord au sud, la couleur de l’eau est la même, mais son accessibilité bien différente. Le nord, en est clairement séparé par le bassin portuaire . Dans le centre, l’accès à l’eau est redevenu possible grâce à des opérations d’ampleur nationale, notamment le réaménagement du Vieux port et son prolongement vers le Mucem et l’esplanade du J4. Enfin, au sud de la Canebière, la côte rocheuse réapparaît, la mer redevient un bien commun.
162 Bérengère Chauffeté
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Conclusions
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Des pistes pour de futures recherches L’expérience du patrimoine par le prisme du corps et de sa mise en mouvement en interraction avec le paysage urbain, pose un nouveau regard dans la pratique de la ville. Ce regard, à l’échelle 1, développé à travers un arpentage urbain, suscite de nombreuses refléxions, engageant des pistes de recherches à différentes échelles. Ces dernières, axées sur les composantes non exhaustives mais caractéristiques d’un milieu méditerrannéen, permettent une réflexion sur l’habitabilité de la ville.
Des corps marseillais
Le soleil
Marseille doit être à la mesure du corps. Selon les principes de Jan Ghel sur la ville à taille humaine, des nouveaux outils de mesure de l’espace public sont à trouver. Adaptée à tous les corps, habitée par tous, elle donne sa place à chacun. Respecter les corps pluriels marseillais en trouvant un déploiement et une fluidité commune et partagée permet ainsi une vie urbaine en adéquation avec le cadre méditerrannéen.
Le soleil est une composante forte de l’identité de la ville. S’en protéger ou s’en habiller influence grandement la pratique urbaine sous ce climat méditerrannéen. Trouver les lieux du «juste milieu» passe par la prise en compte de l’amélioration de l’accueil du soleil sur les sols, les façades de la ville. La lumière générée, l’ombre portée, la réverbération ou encore la participation aux effets d’îlots de chaleur urbains sont à considérer à toutes les échelles et à toutes les saisons, afin d’offrir un confort optimum.
Marseille, au rythme de son souffle
Passages dérobés à réveler
élément climatique essentiel, le vent, s’engouffrant dans la ville et oscillant au rythme des collines, souffle les corps. La prise en compte du vent dans l’aménagement urbain permet l’identification d’une trame aéraulique en lien avec les saisons et en accord avec le territoire. Elle permet ainsi, par la variation des appréciations climatiques, une diversité de parcours et d’espaces à aménager dans la ville. 166
La ville s’est construite en plusieurs phases successives, produisant différentes trames urbaines et implantations sur le relief marqué. Dans ces imbrications parfois confuses et disparates, la liaison urbaine en lien avec le relief est une pièce majeure pour la cohérence spatiale et sociale de la ville. Sous la forme de passages dérobés, elle est, par la transition d’ambiance qu’elle induit, une surprise à magnifier afin de ré-enchanter une marche marseillaise
Le relief comme ressource commune
La succession des hauts plateaux dans le centre ville affirment les fonds de vallons comme opportunité d’implantation facile de grandes avenues. A la fraîcheur typique d’un fond de vallon, est venu s’ajouter ainsi le bouillonnement urbain des grands axes automobiles, produisant un déséquilibre entre potentiel climatique et facilité de circulation. Réfléchir à un équilibre entre continuum de fraicheur en ville et nécessité de circuler sur ces axes semble être primordial pour améliorer l’habitabilité sous un climat méditerranéen.
Les oasis urbaines
Les enjeux climatiques et environnementaux toujours plus urgent obligent à instaurer un nouveau rapport entre ville et espace de nature. Développer ces espaces dans le centre ville marseillais passe d’abord par l’acceptation de la diversité d’expressions végétales rencontrées à toutes les échelles. Face à la minéralité de la ville ambiante et à une certaine homogénité du paysage urbain, ces lieux d’oasis urbaine s’avèrent être primordiaux pour le confort de l’individu
Des ailleurs de proximité
L’implantation du centre ville sur l’archipel de collines donnant un jeu de perspectives vers l’horizon confèrent à certains lieux de possibles échappées visuelles, mais pas seulement. Là où le tumulte de la ville s’estompe, où la marche s’assoit, le regard s’ouvre et la pensée voyage, ces lieux donnent le ton et le temps de s’extirper de la ville tout en y étant. Les identifier et les ménager relève d’un enjeu majeur de bien être, parce qu’ils constituent une évasion à portée de pied dans le centre ville.
Ces pistes énoncées de manière distinctes, s’entrecroisent, se complètent, se nourrissent dans une nécessité de transversalité. Elles se doivent donc d’être abordées ensemble. 167
Plan CoRPPS Enfin, quelle pourrait être la place du paysagiste dans l’élaboration des normes qui tentent de réglementer le patrimoine? Les règles édictées, traitant de l’habitabilité de la ville, ne seraient être justes sans une mobilisation collective et participative autour d’une telle notion partageable et appropriable. Le paysage, le patrimoine sont des formes dynamiques : chacun est créateur d’une partie du paysage, tous sont porteurs de patrimoine. L’ensemble des contributions possibles est alors objectivé et synthétisé par le paysagiste, dans le plan de Cohérence Relative entre un Paysage et un Patrimoine Sensitif: le plan CoRPPS. La dimension évolutive du paysage urbain nécessite un renouvellement régulier de ce plan.
l’experience du corps en mouvement avec les composantes du paysage Interraction avec le soleil, le vent, le végétal, etc.
Ainsi, l’expertise sensible du plan CoRPPS, par son approche ascendante, complète les outils de planification urbaine.
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Le plan de Cohérence Relative entre un Paysage et un Patrimoine Sensitif Formalisation et synthèse
P.L.U. une elaboration PARTICIPATIVE ET interactive balades urbaines, groupes de discussion, outils numériques,etc.
A.V.A.P. Paysagiste
Un outil de paysage intégré dans la planification urbaine
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Pour finir, il nous paraissait intéressant de revenir sur la manière dont nous avons travaillé ces derniers mois, de même que sur les définitions du métier de paysagiste.
Retour d’expérience
L’École du Paysage forme au métier de paysagiste depuis 1976 en enseignant, entre autre, le projet de paysage. La définition précise est difficile à établir: il y a autant de projets de paysage que de lieux sur lesquels ils s’inscrivent C’est donc avant tout la démarche projectuelle qui nous est transmise. Le travail des derniers mois nous a permis d’expérimenter différents pans du métier, notamment celui de la recherche en paysage. En établissant une méthodologie qui s’éloigne de la recherche scientifique pure, nous
sommes arrivés à la conclusion de la parenté certaine entre projet et recherche. Cela affirme la dimension pluridisciplinaire du métier, recherche et projet étant imbriqués pour être le plus en cohérence avec un territoire. Afin de prendre en considération les questions posées, les pistes de réponses apportées, nous avons proposé un nouvel outil juridique pour la fabrique de la ville, le Plan CoRPPS. Nous pensons que la mise en action d’un tel outil à Marseille ferait d’elle une ville pilote. Cette formalisation de notre approche permet au paysagiste d’intégrer et d’assister la maîtrise d’ouvrage en tant que médiateur dans l’évolution du territoire.
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Merci
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Ce travail n’aurait jamais pu exister sans l’intérêt de Florence Hannin pour les étudiants paysagistes, et pour l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage. C’est grâce à l’intelligence de la question posée, qui présupposée d’avantage de paysage dans la ville, que ce temps de recherche nous a passionné. Merci également à notre encadrante, Laure Thierrée avec qui les échanges nous ont permis d’affiner nos réflexions tout au long de ce travail de recherche. Nous remercions aussi l’ensemble des personnes ayant assisté aux différents comités de suivis de la Ville de Marseille. Merci Magalie Morrisseau pour votre accompagnement et la correction finale du dossier. Ce travail n’aurait pas eu la même saveur sans nos multiples rencontres et échanges. Les discussions partagées à travers de riches expériences et histoires sur la ville de Marseille nous ont ainsi nourries. Merci Jean-Noël Consalès pour vos enrichissants savoirs pertinents. Les discussions autour d’un repas ou en atelier ont toujours été
riches de sens. Merci Christian Tamisier et Étienne Ballan pour l’entrevu commune qui a étoffé nos propos à l’égard du patrimoine marseillais. Merci Jérémie Curt pour votre dossier remarquable sur le parc Puget où l’histoire du site est retranscris avec justesse et finesse. Merci Thierry Durousseau pour votre regard avisé et bienveillant sur le patrimoine de Marseille, ainsi que pour votre accompagnement en préambule de l’exposition «Cœur de ville». Merci Sylvain Maestraggi, Mohamed Belmaaziz, Jacques Autran et Gianlucca Cadoni pour votre participation au débat «Marseille sans soleil». Votre vision d’expert et d’ habitant marseillais a offert des réflexions et observations très constructives sur la considération du soleil dans la ville. Merci Christine Breton pour votre balade urbaine florissante d’anecdotes, autour du «jardin remarquable» des Tours Labourdette ainsi que pour votre hospitalité. Les vues embrassant tout Marseille depuis chez vous nous ont régalés du regard,
autant que votre connaissance approfondie sur le patrimoine de cette ville. Merci Nicolas Mémain pour le riche condensé sur l’histoire de la marche, et plus particulièrement celle de Marseille. Merci à Chantal Deckmyn d’avoir confirmé certaines intuitions que nous avions sur la place du corps dans la ville. Merci Alessi Dell’Umbria et Bruno Ledantec pour vos regards critiques mais non moins sans amour pour cette ville que vous nous aviez offert à travers votre savoir aiguisé autour d’un café ensoleillé. Merci à Claire Guillon de nous avoir accueillis à la société des eaux de Marseille et patiemment conseillés dans nos recherches. Merci Hendrik Sturm pour le partage de votre pratique singulière et passionnante sur la manière d’arpenter la ville: « je n’ai plus besoin de musée, il est là, dehors, partout». Pour conclure, un merci général à ceux qui ne sont pas cités mais qui ont participé de près ou de loin à enrichir ce travail. 173
Références Ouvrages ACADÉMIE DE MARSEILLE. Dictionnaire des marseillais. Diffusion épisud, 2003 AUGOYARD Jean-François. Pas à pas, essai sur le cheminement quotidien en milieu urbain. Seuil, 1979 BALDINI, Denis et CHIAPERO, Jean-Albert. Le canal de Marseille, au fil de l’eau. Société des eaux de Marseille, 2010 BOURA, Olivier. Marseille ou la mauvaise réputation. Arléa, 2005 BOUYALA D’ARNAUD, André. Évocation du vieux Marseille. Éditions de minuit, 1959 CENDRARS, Blaise. L’homme foudroyé. Denoël, 1945 CHOAY, Françoise. Espacements. L’évolution de l’espace urbain en France. Skira, 2004 DELBAERE, Denis, La fabrique de l’espace public. Ville, paysage et démocratie, ellipse, 2011 DELL’UMBRIA, Allessi, Histoire universelle de Marseille, Agone, 2006 DRAY-BENSOUSAN, Renée. Dictionnaire des marseillaises. Gaussen, 2012 Duchêne, Roger. Histoire de Marseille, 26 siècles d’aventures. Autres Temps, 1999 HALL, Edward. La Dimension cachée. Paris, Point,1978 HALLé, Françis, Du bon usage des arbres : Un plaidoyer à l’attention des élus et des énarques, Actes Sud, 2011 IZZO, Jean-Claude. «La trilogie Fabio Montale». Total Khéops (1995), Chourmo (1996), Solea (1998). Gallimard JACOBI, Michéa. Le piéton chronique. Parenthèse, 2011 LYNCH, Kévin. L’image de la Cité. Dunod, 1960 Méténier, Michel et REVILLA, Fernand. Autrefois Marseille. Aubéron, 2005 MOLLIE, Caroline, Des arbres dans la ville, Actes Sud, 2009 Musée de Marseille. La ville Figurée. Parenthèses, 2005
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