Memoire Master Urbanisme et Aménagement Issam Amrani

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Issam Amrani

DE LA ROUTE À LA RUE, CHRONIQUE DE LA LONGUE TRANSITION MARSELLAISE CAS DE LA ROCADE DU JARRET ET DE LA RD4C À MARSEILLE

Mémoire de Master d'urbanisme Septembre 2015

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REMERCIEMENTS

J'adresse mes remerciements aux personnes qui m'ont aidé et soutenu dans la réalisation et l'écriture de ce mémoire. Mes remerciements s'adressent tout d'abord à Florence Hannin du service Projets Urbains de la Ville de Marseille, sans qui je n'aurais pas pu faire le stage en urbanisme qui a motivé la réalisation du mémoire. A Anne Cecconello qui m'a ouvert les portes de son service, pour me permettre d'y effectuer mes trois mois de stage. Ensuite, à Claire Gausset qui m'a encadré durant la réalisation du dossier d'étude pour la Ville, A Magalie Morisseau qui m'a fait bénéficier de son aide pour les ajustements de ce mémoire Lionel Launay comme l'ensemble du service SPU : ils ont accordé du temps et de la patience à mes nombreuses questions. Je tiens à remercier aussi Benoît Romeyer pour ses conseils d'orientations dans mes recherches de références bibliographiques. Et enfin je tiens à remercier Agnès ainsi que mon père pour la patience dont ils ont fait preuve dans les relectures tardives de chaque ligne de ce mémoire auxquelles je les ai soumis.

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SOMMAIRE

Introduction.........................................................................................................................6 CHAPITRE 1 : DE LA RUE A LA ROUTE : .............................................................................13 LA VOITURE, COMME FORCE DE MUTATIONS URBAINES..................................................13 1) IDENTITÉ DE RUE, IDENTITÉ DE ROUTE.....................................................................14 2) LA TRANSITION RUE-ROUTE DANS L'HISTOIRE MARSEILLAISE.................................15 Contexte...................................................................................................................15 Le Plan d'aménagement, d 'embellissement et d'extension de la ville: Les autoroutes au bout du crayon..................................................................................16 La deuxième guerre mondiale: Les pouvoirs multiples de la route.........................23 Le plan Meyer Heine, la route comme outil de reconstruction...............................24 La mort de la rue......................................................................................................26 LE PUD: Le flux et la vitesse, au détriment du reste.................................................27 3) VERS UN AUTRE MODÈLE..........................................................................................37 Stagnation, desserrement, et fin du “tout bagnole”................................................37 Une nouvelle ère de pensée: La pensée environnementaliste................................38 Le déclin marseillais, vecteur du renouveau des réflexions urbanistiques..............38 4) CONCLUSION: L'AUTOROUTE L2, LA GARANTE DE LA VILLE DU XXI ÈME SIÈCLE ?. .39 CHAPITRE 2 LA REQUALIFICATION DU JARRET: ................................................................41 1) LA ROCADE DANS LA VILLE........................................................................................44 Un cours d'eau comme rocade.................................................................................44 Une rocade rendu obsolète......................................................................................44 .................................................................................................................................45 Une mutation jamais enclenchée.............................................................................46 Un rapport conflictuel à la ville ...............................................................................47 2) LES VISIONS PROSPECTIVES POUR LA ROCADE.........................................................48 L'étude de l'AGAM....................................................................................................48 Un diagnostic juste...................................................................................................49 Des enjeux mal ciblés : Vers des réponses non appropriées ?.................................49 Les propositions : Une requalification au rabais ?...................................................51 Une attribution exclusive du dossier........................................................................56 La note du SPU : une bouteille à la mer ? ...............................................................56 3) Conclusion.................................................................................................................58 CHAPITRE 3: REQUALIFICATION DE LA RD4C.....................................................................59 UNE OPPORTUNITÉ POUR LA TRANSITION ROUTE-RUE....................................................59 1) RD4C ANALYSE ET DIAGNOSTIC................................................................................60 RD4c, présentation et origine...................................................................................60 L'infrastructure comme objet...................................................................................65 Une infrastructure routière dans la ville: Impact sur le territoire............................71 Quelle(s) identité(s) territoriale(s)?..........................................................................84 4


2) RD4C PISTE DE PROJET ............................................................................................87 Vers un boulevard urbain.........................................................................................87 Un fonctionnalisme à supprimer..............................................................................87 Des enjeux sanitaires à ne pas occulter...................................................................88 RD4c dans les objectifs du PDU................................................................................88 Projet........................................................................................................................90 Plan guide: Réintroduire la voie dans la ville............................................................92 3) CONCLUSION : LES PREMICES DE LA VILLE DURABLE.............................................104 CONCLUSION GENERALE..................................................................................................105 Rétrospective sur le déroulé du mémoire..............................................................105 Une dialectique Route / Rue insoutenable............................................................106

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Introduction

Les prochaines hausses des températures, annoncées par nombre de chercheurs et météorologues, amènent les différents Etats à élaborer des plans d'actions pour éviter ou atténuer des bouleversements climatiques sans précédent. Ces plans d'actions se basent sur les nombreux rapports présentant la pollution atmosphérique comme principale responsable de ce réchauffement planétaire. Les déplacements représentent une part élevée du rejet de C02 dans l'atmosphère. Au delà de l'impact environnemental, les risques sanitaires pour l'homme sont avérés. En effet, selon l'OMS, “plus de sept millions de décès sont imputables aux effets des pollutions de l'air extérieur et domestique“ dans le monde, surtout en Asie et dans le Pacifique. Si le nombre estimé de décés liés à la pollution atmosphérique en France est maintes et maintes fois modifié, il n'en demeure pas moins élevé. La part des déplacements dans l'impact environnemental français s'élevait en 2010 à 27% des pollutions atmosphériques (CITEPA, 2010). La voiture individuelle en particulier est ainsi pointée du doigt, essentiellement dans les milieux urbains, où elle expose les citadins à de fortes concentrations de particules polluantes dans l'air. C'est à ce mode de transport que s'attaquent de nombreux plans environnementaux nationaux ou locaux, qui remettent en question son utilisation à outrance au détriment d'autres modes de transport. Les charges contre elle s'appuient sur les chiffres de la mortalité routière et sur les problèmes sanitaires provoqués par des changements comportementaux. En effet, la voiture est la cause d'un mal grandissant dans nos sociétés, l'obésité, liée entre autre à l'inactivité physique. Comme le remarquent Helga-Jane Scarwell et Isabelle Roussel dans leur ouvrage (1), “l'inactivité physique, dont l'obésité est la principale expression, est également très associée à l'augmentation de l'utilisation de la voiture pour effectuer les déplacements. (...) Chaque heure passée quotidiennement dans la voiture est associée à une augmentation de 6% de la probabilité d'être obèse.” Pour contrer ces méfaits, de nombreuses préconisations sont pensées, réfléchies depuis de nombreuses années en matière de mobilité bien sûr (développement des transports en communs, promotion des mobiliés douces, etc.), mais aussi en terme d'urbanisme (habitat durable, proximité des services, etc.). Ainsi, des engagements sont pris de la part de l'Etat et des collectivités territoriales pour mettre en place ces préconisations. Mais au delà des positionnements politiques et éthiques qui soutiennent et encensent ces préconisations, la mise en application de ces dernières semble moins évidente. De ce constat établi à partir de certains projets qui feront l'objet d'étude dans ce mémoire, il est opportun de se questionner sur le renouveau des réflexions urbanistiques, menées par les pouvoirs locaux, au 1

« Le changement de climatique : Quand le climat nous pousse à changer d'ère », 2010, Septentrion, presses universitaires

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sein de l'ensemble des services qui planifient le developpement des villes. Dans ces réflexions de planification, quelles sont les mutations spatiales qui découlent de ces ambitions nationales et internationales dans nos villes ? En définitive, les politiques publiques locales ont-elles pris la mesure du défi que doit relever la ville d'aujourd'hui et de demain, d'un point de vue environnemental, sanitaire, et enfin sociétal ? La traduction des préconisations nationales sur le terrain local Lorsque qu'il est évoqué la question des mobilités et de l'urbanisme sous le paradigme du développement durable dans les milieux urbains, il est récurrent d'aborder les thèmes des transports collectifs, du développement des modes doux comme la marche à pied ou le vélo, du partage de la rue, de la piétonisation, avec en fond de toile, la volonté de restreindre la place de l'automobile en ville. Mais si cela est envisageable et peu dangeureux politiquement parlant dans les rues où la circulation est relativement faible, le constat est sensiblement différent au sujet des infrastructures lourdes construites à l'époque de la voiture reine. Epoque où la France a enclenché sans modération des politiques publiques de développement du réseau viaire hexagonal accouchant d'autoroutes pénétrantes, de rocades, de voies rapides à l'intérieur des villes. Se posent aujourd'hui les questions suivantes: Quels regards les municipalités actuelles portent sur ces infrastructures, et quelles ambitions portent les politiques publiques en matière de développement territorial ? Des interrogations mondiales Si quelques éléments de réponses peuvent être apportés au regard des exemples nationaux et internationaux de requalification d'infrastructures routières, il est déjà possible d'en donner les raisons circonstanciées et la contextualisation territoriale de ces requalifications. Les références en matière de requalification de voie rapide, d'autoroute ne manquent pas aujourd'hui. Les plus connues concernent les infrastructures dont l'usage routier a été totalement abandonné et l'objet lui même démantelé. C'est le cas notamment de certaines voies rapides à Séoul, San Francisco ou même Marseille. Séoul est un exemple récurrent dans les références de villes qui se sont séparées d'une partie de leur héritage autoroutier. Depuis les années 2000, la ville s'est engagée dans un programme de destruction de ces nombreuses autoroutes urbaines. Construite à une époque où elles étaient élevées au rang de remède incontournable contre la congestion automobile, elles ont été édifiées en plein coeur du centre ville de la capitale sud coréenne sous forme de viaduc. Ces viaducs sont aujourd'hui destinés à être démantelés afin de réactiver des espaces publics et revitaliser certains quartiers. A l'endroit même des emprises dégagées, sont prévus des boulevard multimodaux, des jardins, ou un parc linéaire le long d'un ruisseau. 7


A San Francisco, c'est le long du littoral que s'est tenu entre 1950 et 1980 un véritable mur de béton coupant la relation entre les habitants et la baie. Appelée Embarcadero Freeway, ce viaduc autoroutier a été endommagé par un seisme en 1989. Se sont offertes plusieurs options pour la municipalité de San Franscico, qui a choisi de la remplacer par un boulevard urbain, et une ligne de tramway. C'est une requalification a peu près similaire que Marseille a connu, au début des années 2010, aux abords de son port. Longé par un viaduc autoroutier, le port autonome de Marseille est concerné par une grande opération de rénovation urbaine, appelé Euroméditérrannée. Et c'est à cette occasion que la volonté de profiter du potentiel d'attractivé du littoral a réintérrogé la place de cette infrastructure. Sa disparition a fait place à un boulevard urbain accueillant en souterrain un tunnel routier. Si ces cas sont situés en des points très hétéroclites, ils n'en demeurent pas moins ressemblants. En effet, cette remise en cause de la place des autoroutes et voies rapides urbaines décrites, intervient dans des secteurs de villes similaires. Dans une ère où les métropoles sont soumises à des concurrences territoriales, les ambitions de développement économique, portées par des potentiels touristiques, culturels et patrimoniaux, se spatialisent très souvent dans les centres centres villes et/ou littoraux. Se pose alors la question de la réversibilité de ces infrastructures au coeur des villes, en analysant à plus grande échelle les schémas de circulation qui les ont déssinées. Vers une réponse unique? Depuis plusieurs années, les villes développent de nouveaux schémas de circulation pour leur aire urbaine en connexion avec une aire bien plus vaste, celle de la métropole. Dans un rapport réalisé sous l'égide de l'institut national de recherche sur les transports(INRETS)( 2), les auteurs décrivent le même moèle de gestion de la circulation appliqué à nombre de métropoles ( voir figure 1). En effet, basé sur un héritage de voirie ou bien des projets jamais entamés ou achevés, ce dessin propose un schéma de circulation radioconcentrique avec des systèmes de pénétrantes et de rocades. Les pénétrantes assurent la connexion entre l'extérieur et l'intérieur de l'aire urbaine de la ville tandis que les rocades assurent la dérivation du trafic, en dissociant trafic de transit et trafic local. La multiplication des rocades permet ainsi, de protéger plus intensément le centre ville au fur et à mesure que l'on se rapproche de celui ci. Ces rocades et pénétrantes aux portes du centre ville ont des caractéristiques urbaines qui s'estompent à mesure que l'automobiliste s'éloigne du “noyau central” en rejoignant la périphérie et les limites communales. Cette hierarchisation est mise en exergue par les pénétrantes, qui voient leur statut évoluer à chaque 2

Ce rapport intitulé « La Prise en charge locale de la sécurité routière en quête d'acteurs et d'outils. Quelles places pour la sécurité routière dans les PDU-SRU ? » a été réalisé par Frédérique Hernandez, Hélène Reigner, Julie Lucas et Clara Ruscher.

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Figure 1.

Schéma type du système circulatoire appliqué à de nombreuses métropoles

croisement de rocade. Elles passent ainsi du boulevard urbain, caractérisant les espaces urbains centraux, à la voie rapide ou l'autoroute dans les quartiers périphériques. La mise en place de tels dispositifs de circulation est concommitante avec le développement des transports collectifs. La encore, est appliqué une idée majeure dans le fonctionnement de ce schéma: les voiries sont complétées par la construction de parkings dits de délestage, situés sur les différentes rocades, de préférence à l'entrecroisement avec les pénétrantes. A l'endroit même de cette rencontre d'infrastructures, une ligne de transports collectifs est tirée jusque là depuis le centre ville pour proposer un report modal qui s'éffectue au sein d'un pôle d'échange.

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Les nombreux plans locaux d'urbanisme (PLU) adoptant cette organisation recherchent une protection des centres villes contre la circulation automobile, alors que la périphérie habitée n'est considérée que comme le support d'infrastructures permettant le trafic routier. Le rapport établit les logiques qui semblent justifier ces choix de classification de flux circulatoires. Les centres villes doivent répondre aux objectifs touristiques et culturels de la cité, objectifs semblant étrangers à la périphérie. De ce fait, le centre ville se doit d'assurer un cadre de vie confortable, associé aux objectifs du développement durable. De son côté, la périphérie doit, par l'acceptation de ces infrastructures dans son environnement, assurer l'accessibilité du centre ville pour remplir les objectifs de développement économique . “Aux centres-villes historiques, aux noyaux villageois la protection vis-à-vis de l’automobile ; aux périphéries urbaines et à la rase campagne les grandes infrastructures routières” (INRETS, 2005). C'est ainsi que les modèles de gestion des flux actuels sur lesquels de nombreuses municipalités ont jeté leur crédit, sacrifient les périphéries balafrées sur l'autel de l'attractivité et la protection des centres villes. L'objectif de recherche Au regard des écrits de recherches scientifiques déjà réalisés sur les schémas d'organisation de la circulation urbaine, ainsi que sur les réaménagements et reconversions d'autoroutes dans les centres villes, ce mémoire étudiera les réflexions menées et les réponses données pour envisager le futur des infrastructures routières dans les périphéries des villes. Un futur qui, comme nous le montrerons, est handicapé par des visions peu enclines à se séparer de la voiture et du culte dont elle fait l'objet, véritable étendard de la liberté de déplacement. L'objectif sera de mettre en évidence la difficulté que les politiques publiques ont à assurer et à allier les préconisations environnementales avec le développement économique des territoires. Difficulté d'autant plus importante du fait de l'attachement conservateur de préceptes passés, mondialement reconnus comme néfastes. Et nous montrerons comment Marseille, après avoir connu une transtion de la rue à la route, peine à s'engager dans un processus inverse Le choix d'une ville d'étude pertinente, Marseille Nous nous appuierons pour ce faire sur deux études de cas: les requalifications du Jarret et de la RD4c. Le choix de Marseille comme terrain et support de ces interrogations se justifie pour de nombreuses raisons. Tout d'abord sentimentale, puisque Marseille est la ville qui m'a vu naitre, grandir et étudier. Elle m'a sans doute aussi permis de développer et affuter un certain regard critique, à l'heure où la ville connait de grandes mutations urbaines. 10


Ensuite opportuniste, car la Ville de Marseille et son service “Projets urbains” ont été ma structure d'accueil pour le stage qui a motivé la réalisation de ce mémoire. En charge de l'élaboration d'un dossier d'étude d'une voie rapide, je me suis pris d'intérêt sur la question de la place de ces infrastructures en ville. Puis territoriale, puisque la question des autoroutes urbaines et voies rapides agitent les débats communaux. En effet, les débats portent d'une part sur la gestion du réseau routier hérité et son démantèlement et d'autre part, paradoxalement, sur sa finition. Paradoxe sur lequel nous reviendrons plus tard. Enfin, contemporaine qui trouve un écho dans l'actualité. Un article publié récemment dans le journal Le Monde nous présente Marseille comme "moins médiatisée mais aussi polluée que Paris”3. Cette article paru en avril 2015, quelques mois avant la rédaction de ces lignes, nous livre quelques données intéressantes, au delà de la situation médiatique de la pollution de la cité en comparaison de la capitale. Selon le journal, Marseille arbore le titre de la ville la plus polluée de France. Moins récente mais tout aussi préoccupante, une étude de juin 2014 menée par “Respire”, l'association nationale pour la prévention et l'amélioration de la qualité de l'air, positionne Marseille à la 95ème place sur 100 du classement dans des grandes villes européennes les plus “respirables”. Des informations et des chiffres qui ne peuvent laisser insensible, au regard du danger mortel auquel semblent être exposés les Marseillais. Le déroulé de ce mémoire s'organise de la manière suivante : Dans une première partie, nous essaierons de comprendre les raisons de la présence d'un tel héritage d'autoroutes et voies rapides dans la ville. Pour commencer, une retranscription historique de l'origine de ces infrastructures permettra d'interpreter les politiques publiques qui les ont construites, et de dégager les logiques qui les ont configurées. Cela, afin de comprendre comment la rue a été écartée des réflexions urbanistiques pour laisser place à la route. Nous verrons par la suite comment la démocratisation de la pensée environnementaliste a enclenché le processus inverse. La deuxième partie sera l'étude d'une proposition de requalification pour la rocade du Jarret, formulée par l'AGAM (4). Le but de cette étude de cas est de comprendre, à travers l'analyse des propositions faites et les partis pris d'aménagement, les logiques qui régissent les réflexions et les visions prospectives locales. La compréhension de ces logiques nous permettra d'appréhender le décalage entre l'urgence réelle de la transition route-rue et sa prise en compte dans la politique locale marseillaise. Enfin, la troisième partie sera la présentation du travail personnel réalisé à l'occasion d'un stage en urbanisme à la Ville de Marseille. Ce travail porte sur l'opportunité de la 3 4

« Marseille moins médiatisée mais aussi polluée que Paris », par Laetitia Van Eeckhout, Le Monde, 09/04/15. Agence d'urbanisme de l'agglomération marseillaise

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requalification d'une voie rapide, la RD4c, à Marseille. Le dossier comprend un diagnostic et des propositions de projets. Ce travail a été l'occasion de montrer au travers un cas concret les enjeux de la transition route-rue sur un cas concret.

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CHAPITRE 1 : DE LA RUE A LA ROUTE : LA VOITURE, COMME FORCE DE MUTATIONS URBAINES ORIGINE ET REMISE EN CAUSE D'UN MODÈLES

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Dans ce premier chapitre, nous éclaircirons tout d'abord les termes de « rue » et de « route » qui nous guideront tout au long de cette contribution écrite. Ensuite, nous décrypterons les différentes réflexions et courants de pensées qui ont motivé le passage de la rue à la route. Pour cela, nous nous appuierons sur l'historique de ces infrastructures dans la cité phocéenne, du dessin à la construction. Enfin, nous étudierons les différents processus qui permettent aujourd'hui une transition inverse. En parallèle, sur l'ensemble du chapitre, nous porterons un regard sur les différents contextes (historiques, politiques, sociaux et sociétaux) qui motiverons les différentes transitions.

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IDENTITÉ DE RUE, IDENTITÉ DE ROUTE

Les titres de ce mémoire et notamment de cette première partie font appel aux termes de « rue » et de « route » dont il est nécessaire de définir ce qu'ils recouvrent. Au delà de la simple sémantique théorique, nous essaierons de définir l'identité de chacune de ces pièces. Dans les définitions tirées du dictionnaire (5), la rue est définie de la manière suivante : « Voie de circulation routière aménagée à l'intérieur d'une agglomération, habituellement bordée de maisons, d'immeubles, de propriétés closes ». La définition de la route est énoncée comme telle : « Voie de communication terrestre carrossable établie en dehors des agglomérations ». Sur la base de ces définitions, il est déjà possible d'établir une certaine identité pour chacune de ces « voies ». Toutes deux sont considérées, premièrement, comme des « voies de circulation routière » ou de « communication terrestre ». Si la rue est clairement associée à la ville, la route, elle, est reléguée en dehors des agglomérations. La rue est « bordée de maisons, d'immeubles, de propriétés closes », tandis que la route est définie par sa structure et sa qualité, dite « carrossable ». Ces définitions mettent en avant, implicitement, les nombreuses caractéristiques de chacune. La rue, de par la description de son contexte, est le support de plusieurs modes de déplacement : automobile, piéton, mode doux ; mais aussi de différentes circulations : en long ou en travers. Car si elle est avant tout décrite comme « voie de circulation routière », elle est présentée comme ceinturée par des maisons et des immeubles, vecteurs 5

Dictionnaire de français Larousse

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d'interactions sociales propres à la société urbaine qui y habite. Dès lors, la rue quitte sa simple vocation circulatoire routière, et forme une entité et une pièce intégrée dans un réseau complexe, associant toutes sortes de communications et d'interactions. De son côté, la route, présente en ville comme support de la circulation automobile de la rue, est associée à une vocation de communications interurbaines. Sa qualité carrossable, nous amène directement à l'associer au mode de déplacement prépondérant dans notre société, la voiture. Ainsi, il est plus difficile d'imaginer et de concevoir une place pour le piéton au sein même d'une infrastructure qui semble n'être destinée qu'à l'automobile. Sur la base de la définition du dictionnaire et de notre interprétation, permettons nous de réduire la route à un simple axe de communication, configuré pour donner une supériorité à la circulation automobile. Aussi, interprétons la rue comme un axe de circulations diverses, mais également comme un support d'interactions sociales, et comme un lieu de sociabilités urbaines.

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LA TRANSITION RUE-ROUTE DANS L'HISTOIRE MARSEILLAISE

Contexte Si Marseille affiche des chiffres record en matière de pollution ou de congestion automobile, cela est en partie du à la présence de nombreuses voies automobiles à vocation métropolitaine ou nationale, aujourd'hui saturées. Elle dispose ainsi de trois autoroutes pénétrantes, d'une rocade, et de nombreux tunnels routiers, auxquels s'ajoutent les kilomètres de voirie locale, indispensables en ville. Les trois autoroutes pénétrantes, du nord à l'est, sont l'A55, dîte autoroute du littoral, l'A7, dîte autoroute Nord et l'A50 dîte autoroute Est. La seule rocade marseillaise existante est appelée rocade du Jarret, et comprend un ensemble de boulevards aménagés pour relier rapidement l'autoroute Nord à l'autoroute Est. Enfin, le nombre de tunnels routiers s'élève a 7, dont le plus important est celui du Carénage. Englobé dans une suite de tunnels, le tunnel Prado Carénage relient l'autoroute A55 à l'A50. A cela s'ajoutent quelques voies express urbaines. Une deuxième rocade, appelé L2, est en cours d'achèvement. Les experts et les élus politiques locaux promettent une décongestion de la circulation automobile de Marseille grâce à sa mise en service. Cet arsenal d'infrastructures routières est apparu en un demi siècle, dont une trentaine d'années pour le réseau d'autoroutes et de voies rapides. Il apparaît aujourd'hui comme la consécration des idées ségrégatives circulatoires et de ce que nous appelerons ici, la fin de la rue.

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Le Plan d'aménagement, d 'embellissement et d'extension de la ville: Les autoroutes au bout du crayon Les rocades et pénétrantes décrites précédemment ont été déssinés pour la première fois sur les premiers plans d'embéllissement de la ville ( 6). C'est d'abord Gaston Castel qui se charge d'une première esquisse où il fait part de ses réflexions sur la ville, dont la majorité tourne autour des problématiques de circulation, de plus en plus intense et congestionnée. Car la congestion routière de la ville n'est pas apparue concomitamment avec l'arrivée de la voiture mais bien avant, avec les déplacements hippomobiles de plus en plus importants. A partir du XIX ème siècle Déjà, cette problématique est au coeur des débats municipaux. En témoigne le premier plan de Franz Mayor de Montricher qui dessine déjà certains axes à percer dans les quartiers centraux, trop denses et mal configurés. Il est important de rappeler le contexte de l'époque. Marseille développe son port sur le littoral nord. De nombreux quartiers dotés d'industries se construisent sur l'axe nord, l'actuelle RN8 qui traverse les quartiers des Crottes, La Cabucelle, St Louis, jusquà Notre Dame Limite. L'hinterland nouvellement créé est ainsi la principale cause de la circulation de plus en plus intense dans la ville. Et au regard de la configuration du réseau viaire de l'époque, les possibilités d'éviter le centre et ses ruelles étroites sont rares. C'est à cette époque qu'est percé l'axe Arenc-St Just, en lieu et place de l'actuel axe Plombières-Flemming qui figure déjà la première rocade de Marseille. Cette avenue offre pour le port une première sortie vers le territoire sans passer par le centre. Ainsi, se pose la question du contournement total du centre ville, qui motivera l'élaboration d'un plan d'urbanisme à Marseille. Mais la principale motivation pour l'élaboration d'un tel plan à Marseille est la montée en puissance annoncée de la voiture, au début du XXème siècle. Alors qu'elle était marginale dans les années 1900, elle efface presque totalement la circulation hippomobile dans les années 1920. Seulement 50 000 automobiles sont dénombrées en 1907 dans le monde, chiffre qui s'élèvera ensuite à 500 000 voitures en 1914. Cette hausse spectaculaire agite les nombreux ingénieurs, architectes et urbanistes de l'époque, qui imposent donc à travers la loi Cornudet, sur la base de thèses hygiénistes, la planification des villes afin de les préparer à ce grand “chamboulement urbain”.

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Selon la loi Cornudet de 1919 et 1924, il est imposé aux villes de plus de 10 000 habitants de concevoir un plan d'aménagement, d'embelissement et d'extension (PAEE) de la ville. Cette loi a pour but d'organiser et de planifier les villes, qui ne cessent de croitre. Elle est apparue à une période où les thèses hygiénistes étaient présentes dans les débats politiques portant sur l'urbanisme. Les pouvoirs publics prenaient ainsi les dispositions nécessaires pour “mettre fin à son désordre urbain” (Propos tenus par Henri Prost dans la préface du mémoire de présentation du PAEE de Marseille de Jacques Grebber).

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C'est ainsi qu'est mobilisé Gaston Castel, architecte déjà très présent à Marseille pour ses nombreuses réalisations. Il dessine un ensemble de voies, notamment une, qui va préfigurer la première rocade de Marseille, la rocade du Jarret. Sur son plan (voir figure 2), figurent les prémices des axes routiers de grande importance à réaliser. Un axe s'échappe vers le nord : l'actuelle autoroute A7 ; un autre vers le nord est, dont seule une section aujourd'hui a été créée à ce jour ; un dernier vers l'est : l'autoroute A50.

Figure 2.

Plan Castel (1930)

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Le plan dessiné par Gaston Castel est le point de départ et le document d'aide pour l'architecte Jacques Grebber, désigné par la ville de Marseille en 1931. Cet architecte, ayant réalisé de nombreux travaux à l'étranger, sera désigné comme “homme de l'art”, seul statut permettant de réaliser un tel plan (Borruey (7),1990). Seulement deux mois après cette promotion, il propose une première esquisse, accueillie favorablement et encensée. Cette esquisse reprend les grands principes du plan Castel. Mais Grebber insiste sur la voirie qui doit être organisée de manière radiocontrique autour du centre sur les principes de rocades et de pénétrantes. Si Gaston Castel a esquissé les débuts de ce schéma, Grebber l'a finalisé (voir figure 3). Le plan prévoit en effet les pénétrantes routières, sur la base du plan Castel, mais innove en dessinant trois rocades plus ou moins distinctes. Ainsi la vocation réelle du plan Grebber prévoit un contournement total du centre ville, tout en lui donnant une certaine accessibilité.

Figure 3.

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Plan schématique des circulations, Plan Grebber (1931)

René Borruey est chercheur à l’École d'architecture de Marseille

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Concernant le gabarit des voies, Grebber ne peut s'appuyer sur un quelconque dessin de son homologue architecte. En effet, Gaston Castel en disait peu sur les profils en travers à adopter pour les axes routiers qu'il avait tracés. En témoignent ses propos très généraux à l'époque “C'est aujourd'hui et non demain qu'il faut la route large, dure et multiple à courbes longues”. Il évoquait alors de grands principes comme l'élargissement des voies, la supression des passages piétons, et tout simplement la disparition des trottoirs. Grebber reprendra les mêmes principes en réalisant des dessins précis et surtout en apposant des noms techniques à ces voies. Il reprend ainsi toutes les infrastructures en vogue à cette époque, comme les parkways ou les autostrades, ancêtres toponymiques de l'autoroute. Les parkways sont une invention américaine. Ils naissent à l'époque de la création de Central Park, dont les plans ont été dessinés par les paysagistes Frederick Law Olmsted et Calvert Vaux. Ce projet de parc est l'occasion pour les deux paysagistes de s'intéresser à son cadre extérieur. Ainsi, ils s'attelent aux axes qui mènent aux grands jardins de ville, dans le désir de les unifier. Dès lors, naîtra le terme de “parkway”, littéralement “chemin parc”. Menant au parc et étant aménagé comme tel, le parkway accorde une place importante à la végétation, au pittoresque et aux paysages. Le parkay affiche la particularité de contenir des voies conçues pour chaque mode de déplacement, dans le but de faciliter et fluidifier l'accès au parc. Rapidement, ces parkways s'adaptent à l'émergence et à l'arrivée de la voiture pour lui créer une voie propre, le motor parkway. Sur ces idées, de nombreux paysagistes travaillent et théorisent ces axes. C'est ainsi que les Etats unis deviennent un terrain de référence en matière de construction de ces voies routières paysagères. Dans le même temps, à partir de 1922 en Italie, s'ouvrent les premières véritables autoroutes, les autostradas. Comme le souligne Eric Alonzo dans sa thèse (8), les nombreux architectes et urbanistes, à l'occasion “du quatrième rassemblement de l’Association internationale permanente des congrès de la route (aipcr) – qui se tient expressément à Milan –, ne manqueront pas de visiter ces réalisations, contribuant ainsi à la diffusion du modèle.” C'est de ces deux modèles, faisant l'objet de toutes les attentions nationales, que s'inspire Jacques Grebber pour le PAEE marseillais. Il propose donc des voies paysagères en autoroutes aménagées sur les principes de séparation des flux et des circulations. Si toutefois les idées que Grebber propose peuvent paraitre ségrégatives et donc contraire à l'idée de rue, elles ne vont pas forcément à l'encontre du cadre urbain. Deux raisons à cela: Premièrement, la plupart des voies qu'il propose s'insèrent dans un tissu urbain encore peu dense et nécessitant peu d'interventions lourdes. Ainsi, dans son mémoire descriptif, il justifie le choix des tracés par une volonté “ de proposer des solutions pratiques et réalisables dès maintenant” qui entraînent “une modestie voulue des tracés” (Guillot Leheis, 8 « Architecture de la voie, histoire et théories » Eric ALONZO, Thèse de doctorat de l'université Paris Est, Ville, transport et territoire, 2013. 19


2011). Seule la premiere rocade, celle du Jarret, s'inscrit sur un chemin existant qu'il faut élargir. Deuxièmement, le gabarit de ces voies n'est pas synonyme de séparation certaine entre voirie et ville. Au contraire, dans les préconisations de Jacques Grebber pour la mise en application de son plan, il propose l'idée de réserver des emprises plus larges que nécessitent la voirie pour anticiper une urbanisation future. Il applique ce principe notamment pour la deuxième rocade, dont le tracé est proposé dans des quartiers faiblement urbanisés. Sur les profils en travers de cette rocade, il maintient 10 mètres de large de chaque côté, hors cadre de la voirie, appelés zone de non aedificandi. Ces zones de part et d'autre de la voie, permettent d'élargir la rocade au fur et à mesure de l'augmentation de la circulation due à la nouvelle urbanisation. A travers cette idée, il admet dans ses dessins, l'évolution de l'emprise de la voie et son imbrication à l'extension de la ville, donnant lieu à la réalisation de contre allées et de trottoirs. Il semble n'envisager donc, ici, aucune séparation irréversible entre ville et voirie. Cette idée, renvoit aux plans et dessins du projet de l''architecte Henri Prost pour la côte varoise (voir figure 4). Ce dernier se voit confier par le préfet du Var en 1922 un plan directeur pour l'aménagement des routes existantes ou à créer, en prévision d'une augmentation d'affluence certaine. Trois objectifs lui sont fixés : protéger la côte, développer le réseau routier, et permettre à terme un élargissement des voies. En plus de ses nombreux dessins expliquant l'insertion, l'orientation et le gabarit des routes, Henri Prost admet et envisage l'évolution du contexte autour de la route. Ayant conscience qu'une route génère de nombreux intérêts, notamment économiques, il estime que celle-ci se transformera à terme en rue bordée d'immeubles et de commerces. Pour cela, il préconise, comme Jacques Grebber le fera plus tard pour son plan marseillais, un recul des alignements pour permettre l'établissement de contre allées et de trottoirs.

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Figure 4.

Voies évolutives dessinées par Henri Prost (1922)

Cette conception de la voirie est “peut être ce que les réflexions de cette période ont produit de plus abouti dans la pensée d'une voie capable d'accueillir une circulation automobile tout en restant, dans un processus évolutif, compatible avec l'urbanisation riveraine” (Alonzo 2013). Si certaines réflexions se penchent sur le potentiel évolutif des voies en fonction des besoins circulatoires, d'autres portent sur le principe de l'évitement. Dans un premier temps ces réflexions sont essentiellement concentrées sur les villages ou petites et moyennes villes, situés sur des itinéraires d'importance. Ces problématiques liées à la voiture, arrivent un temps après son acceptation, sans 21


heurts, dans de nombreuses petites localités ayant souffert de l'émergence et du développement du chemin de fer au XIXème siècle. Car si certains villages ont su profiter de cette révolution dans le domaine des mobilités, car traversés par des lignes de chemin de fer, d'autres ont entamé un lent déclin. En effet, n'étant pas situés sur les trajets ferrés, ils ne dépendaient que des chemins liés aux déplacements hippomobiles. Ce mode de transport étant de moins en moins mobilisé pour les longues distances, il ne participait plus à l'économie des lieux traversés. C'est alors qu'arrive l'automobile, véhicule apte à parcourir de nombreux kilomètres, sonnant le retour du déplacement individuel et la renaissance de la route. Mais au fur et à mesure de son développement et de sa démocratisation, les nuisances qui sont déjà connues dans les milieux urbains se font ressentir sur la vie locale de ces villages. De nombreux projets d'élargissement de voies sont alors programmés, dans une certaine douleur psychologique et sentimentale, puisque de nombreux bâtiments qui participaient à l'attrait des lieux sont détruits. Cela amène certains ingénieurs et architectes à chercher d'autres solutions, notamment deux : la solution du doublement, qui consiste à choisir une voie à l'intérieur du centre pour y détourner la circulation de l'axe central originel. Et la solution de l'évitement, permettant de contourner totalement le centre ou la ville entière. Cette dernière solution, bien qu'idéologiquement acceptée, laisse craindre une urbanisation qui se reporterait sur elle, comme le fait comprendre Gaston Bardet, dans ses propos: “Chacun sait que la route souffre cruellement de se muer en rue” (Alonzo, 2013). La création de la voie sera donc accompagnée de mesures restrictives vis à vis du fait urbain. Ces deux grandes réflexions sont présentes dans le plan de Grebber, à la fois pour l'acceptation du fait urbain autour de voies évolutives, et sur les principes de contournement. L'esquisse de Grebber évolue et donne deux ans plus tard lieu à un plan plus complet en 1933. Au delà du développement de la voirie, il propose un zonage et un plan précis des évolutions vers lesquelles la ville doit se diriger. L'accueil marseillais du plan définitif est moins élogieux. Comme l'explique René Borruey, c'est autant l'insoumission légendaire du pouvoir municipal vis à vis de l'autorité étatique que la peur d'un interventionnisme brutal qui ont fait perdre à ce plan le soutien local. Le maire Georges Ribot, et son premier adjoint Simon Sabiani (9), peu concernés par les enjeux urbanistiques de la cité, portent un intérêt en deça de la valeur du document. Le plan Grebber est ainsi oublié, en même temps que la Ville est mise sous tutelle de l'Etat en 1939 (René Borruey, 1990). Cependant, tous les éléments du plan Grebber ne sont pas rejetés. Les emprises de la deuxième rocade sont ainsi réservées, et les pénétrantes dessinées sont reprises dans les différents plans d'urbanisme qui suivront. Le premier plan à venir, après celui de Jacques Grebber, est celui d'Eugène Beaudouin, 9

Simon Sabiani etait le premier adjoint du maire de Marseille, le docteur Georges Ribot. Il sera, par ces nombreux scandales politiques, en partie responsable de la mise sous tutelle de la Ville en 1939.

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dont l'expérience “ restera d'abord comme l'épisode du plus fort volontarisme dans le domaine de l'aménagement et de la planification urbaine” (Borruey, 1990). Et pour cause, profitant de l'absence d'échelon local, Eugène Beaudouin jouit d'un certain égard de la part du gouvernement de l'époque , le gouvernement de Vichy. Alors que l'effort de guerre est proclamé partout en France, Marseille bénéficie d'une attention particulière de part son positionnement stratégique au sud de la France et d'autre part son ouverture sur la meditérranée et l'Afrique, avec la présence de son port. Ce qui fera dire au maréchal Pétain: “Le redressement de la France est lié à celui de Marseille" (Borruey, 1990).

La deuxième guerre mondiale: Les pouvoirs multiples de la route. C'est ainsi qu'il faut réorganiser Marseille, sans hésiter à la violenter. Eugène Beaudouin, pour ce faire, est désigné pour établir un nouveau PAEE. Il lui est demandé de tracer les autoroutes et les axes à percer pour permettre une accessibilité aisée depuis le port vers la ville et vers tout le pays. Il s'appuie sur le plan de Jacques Grebber mais lui ôte ses objectifs de détournement du centre ville qui préconisent la mise en place de rocades pour éviter le centre. Beaudouin, au contraire, en gardant le modèle des pénétrantes, maintient le centre ville dans le système circulatoire en lui conférant une place primordiale. Il reprend donc les pénétrantes (Nord et Est) et les prolonge jusqu'au centre ville, là ou les pénétrantes déssinées par Grebber s'arrêtaient aux portes de ce dernier. Beaudouin les dessine jusqu'au Vieux Port, et permet en perçant de grandes avenues dans la ville, de créer une liaison entres les différentes autoroutes. Alors que Jacques Grebber porte un regard sur la périphérie, lui conférant le pouvoir de décongestion automobile du centre ville, Eugène Beaudouin lui tourne le dos et regarde les quartiers centraux. Ce changement de cap se justifie par plusieurs raisons : tout d'abord, la présence du port et son développement rendu obligatoire en temps de guerre, lui permet d'être la priorité absolue dans les plans d'urbanisme. Ensuite, moins urgent mais tout aussi important pour le gouvernement et ses appuis locaux, la question de l'insalubrité et de la fréquentation du centre ville, problématiques qui se cristallisent sur les terrains dits de derrière la Bourse (Alessi Del Umbria, 2006). Ainsi dans la note descriptive de son plan, Beaudouin ne laisse planer aucun doute sur ses intentions, en dénonçant les “indésirables physiologiques, de droit commun, politiques” et en relevant qu'un redressement civique est nécessaire pour les “Arabes, Arméniens, frippiers, juifs et grecs, indésirables qui peuplent les hotels meublés de dernière classe”(Borruey, 1990). Pour ce faire, et selon Beaudouin, le projet de création d'autoroute aux portes de Marseille est l'opportunité de résorber les maux du centre ville en détruisant de nombreux quartiers. La rue n'allait pas entamer une transition vers la route sur la base d'idées ségrégatives des modes de déplacement et des flux. Non, en cette période de guerre, la rue allait mourrir littéralement, au regard du réseau de rues destiné à être effacé par des prismes de guerre et d'hygiénisme. Ses remplaçants, la grande avenue ou l'autoroute, au delà de leurs objectifs

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circulatoires, se devaient d'être les garants d'un “nettoyage” ethnique à marche forcée de Marseille, par l'atomisation de son centre ville et de ses habitants. Quelques décennies plus tôt, l'application du modèle d'urbanisme haussmannien fait raser des quartiers insalubres en perçant la rue de la République, sous couvert d'objectifs hygiénistes et sécuritaires. Basé sur des problématiques similaires, le plan Beaudouin est l'expression claire de la volonté de lui emboîter le pas. Fruit d'une collaboration entre le régime en place et les architectes, ce plan, au sortir de la guerre, est mis de côté, pour tout simplement être oublié. Si ce plan a donné lieu à la destruction du quartier de l'Hôtel de ville, il a aussi motivé les bombardements allemands sur les emprises de la future autoroute nord.

Le plan Meyer Heine, la route comme outil de reconstruction Pour planifier la période de reconstruction de Marseille et anticiper son expansion, l'Etat lui attribue un nouvel urbaniste, Georges Meyer Heine. En plus des plans déjà élaborés par Jacques Grebber, G. Meyer Heine bénéficie d'une diversification des outils de planification et d'ambitions nationales fortes. Rencontrant cependant des difficultés avec le pouvoir local, il arrive à présenter un premier plan en 1947, puis un plan définitif en 1949, approuvé la même année (voir figure 5). Ce plan reprend le schéma radioconcentrique sur lequel Grebber s'était appuyé, en dessinant la rocade du Jarret et la 2ème rocade, mais il est le résultat d'une autre conception de la gestion des circulations. “ Il s'agit de remplacer le schéma classique de la ville radioconcentrique en forme de cible, de densité décroissante, vers l'extérieur, par celui de la grappe” (Borruey, 1990). Si le succès de son plan et son approbation trouvent plusieurs facteurs (10), la raison essentielle est l'urgence à laquelle la ville est confrontée. En effet, un manque criant de logements et d'équipements publics se fait vite ressentir. Le plan de Georges Meyer Heine semble être une bonne approche pour solutionner ces problématiques. En réorganisant le zonage que ces prédécesseurs avaient mis en dessin, il s'appuie sur le schéma d'extension de la ville en grappe avec l'établissement de plusieurs pôles autour du centre ville. Son objectif est d'établir plusieurs localités où s'organisent logements et lieux de travail, de sorte qu'un quart d'heure suffise pour aller de l'un à l'autre (Borruey, 1990). C'est ainsi qu'il trace de nombreuses voies, sur la base de celles dessinées dans les plans précédents, afin de relier les différents pôles entre eux, au centre, et à l'aire métropolitaine.

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Facteurs que René Borruey décrit dans sa contribution « et urbanistes à Marseille » (1931-1949).

Contes de l'urbanisme ordinaire. Politiques

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Figure 5.

Plan Meyer Heine 1949

Sur les gabarits de ces voies, il donne peu de précisions. Toutefois, Meyer Heine se place en tant que détracteur des autoroutes ou voies rapides urbaines, comme en témoigne une lettre écrite à Lewis Mumford ( 11). Il écrit : “ (...) la concentration des véhicules dans les centres 11

Lewis Mumford est un historien américain spécialisé dans plusieurs domaines, dont l'urbanisme. Il est très critique sur l'urbanisme fonctionel, et notamment envers la Charte d'Athènes et les travaux de Le Corbusier.

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urbains, qui sont restés ce qu'ils étaients à l'origine, atteint rapidement une telle intensité qu'une congestion mortelle s'ensuit inévitablement. Il n'y a ni palliatif, ni remède à cette congestion. Les solutions qui consistent à percer des voies souterraines ou aériennes, à élargir des boulevards, à dégager le sol en construisant en hauteur ne peuvent qu'être de nouveaux facteurs d'accélération du phénomène. (...) ce n'est pas au trafic qu'il faut s'attaquer mais aux causes du trafic. ” (Meyer Heine, 1956)( 12). D'après René Borruey, “ce plan relève d'une philosophie réaliste, humaniste et sociale de la ville”. Caractéristiques qui ne sont plus présentes, d'après le même auteur, dans le Plan d'urbanisme directeur (PUD) de Marseille en 1959, qui se veut la forme aboutie du plan de Georges Meyer Heine. Ainsi, ce PUD, conduit par la municipalité Defferre, ne tergiverse pas et déploie tout un arsenal d'autoroutes et de voies rapides sur l'ensemble de la commune avec des gabarits, des configurations, et des infrastructures bien définis. Les choix radicaux faits concernant les gabarits de voies à adopter pour les axes dessinés dix ans plus tôt interviennent dans une période où les contextes économiques locaux et nationaux ont fortement évolués, où le parc automobile s'est considérablement agrandi et où les solutions contre la congestion automobile se sont étoffées.

La mort de la rue La période que va connaître la France quelques temps après la seconde guerre va être dictée par les doctrines d'adaptation de la ville à la voiture. Cette doctrine, portée par les ingénieurs dans un premier temps, va trouver un soutien favorable auprès de nombreux urbanistes et architectes. En effet, le courant d'urbanisme et d'architecture d'avant et après la guerre est régit par un ensemble de réflexions et d'idées portant sur la séparation des fonctions. Si de nombreux travaux de recherches portant sur l'urbanisme fonctionnel sont réalisés entre 1920 et 1940 ( 13), c'est sans doute après la guerre, durant la période de reconstruction, que ce fonctionnalisme est appliqué à la lettre et de manière souvent radicale. Les thèmes principaux de cet urbanisme sont l'habitat, les loisirs mais aussi la mobilité. Lors des congrès d'architecture moderne, appelés CIAM (14), la place de la voiture en ville est un sujet récurrent. Durant l'un de ces congrès un ensemble de mesures est adopté pour adapter la ville à la voiture. Ces mesures servent de modèle durant de nombreuses années par la suite. L'approche contextuelle - aussi bien en matière d'urbanisme que de paysage - dans la réalisation des routes s’efface radicalement pour 12 13

Propos repris de la thèse de Stéphanie Guillot Leheiss, Page 111. De nombreux plans de planification se font durant cette période. Le plan Voisin de Paris est sans doute le plus connu, du fait sans doute qu'il a été dessiné par le “maître à penser” de l'urbanisme et l'architecture fonctionnel, Le Corbusier. 14 Congrès Internationaux d'Architecture Moderne

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laisser place à une approche totalement techniciste. L'intégration et les accroches urbaines des voies laissent la priorité à l'écoulement des flux et la vitesse. Cette nouvelle approche s'exprime dans de nombreux écrits, comme la Charte d'Athènes, ou bien encore, quelques années plus tard, dans un rapport commandé par le ministère des transports britanniques, le rapport Buchanan(15). Ce dernier, fera un certains nombres de conclusions pour solutionner la saturation automobile dans les centres urbains. Il est, avec la Charte d'Athènes, un document de référence dans la synthétisation de l'urbanisme fonctionnel, avec des principes poussés sur la séparation physique des circulations, basé sur des logiques de séparation voie-ville. A l’époque, ces logiques sont portées en symbole de la décongestion routière. Ces problématiques de congestion sont de plus en plus prégnantes, justifiées par l'essor et la démocratisation de l'automobile après la guerre. Poussé par une reprise économique qui fait rentrer la France dans une période glorieuse d'une trentaine d'année, un consumérisme de masse s'installe avec en figure de proue, la voiture. De nombreuses réponses à ces problématiques de congestion naissent outre Atlantique. En effet, en France, comme dit précédemment, la voiture ne se démocratise qu'après la guerre. Aux Etats unis, elle est déjà présente dans de nombreux foyers à partir des années 1920. Ainsi, confrontés à la saturation des villes, les américains développent un panel important d'infrastructures routières. Cette démonstration fascine de nombreux architectes, urbanistes et ingénieurs français, qui trouvent là nombre de modèles à appliquer dans l’Hexagone ( 16)(Guillot Leheiss, 2010). Les solutions envisagées jusqu’à présent sont peu à peu complétées par des infrastructures comme les viaducs, les tunnels, les ponts à étages, les échangeurs, etc. Très vite, cet arsenal s'insère dans les nombreux documents planificateurs des villes françaises. Celui de Marseille, le PUD, n'y échappe pas. Le contexte d'après guerre précédemment décrit marque donc un tournant pour la rue. Des réflexions sur la séparation de flux et des circulations ont déjà été menées durant le XIXe siècle, notamment par Eugène Hénard ( 17), mais ce sont les logiques fonctionnelles d'après guerre l'automobile et ses infrastructures qui marquent l'avènement de la route, et sans doute la mort de la rue.

LE PUD: Le flux et la vitesse, au détriment du reste Les logiques de séparation voie ville font naître un nouveau statut de route, celui de la 15

Rapport Buchanan : En 1963, le ministre des transports britanniques demande à Colin D. Buhanan un rapport concernant les déplacements en ville. Le principal enseignement tient du fait que la ville doit s'adapter à la voiture. 16 « Les routes des Etats unis vues par les délégués français » Annales des Ponts et chaussés, 1931. 17 Eugène Hénard (1849-1923) sera l'un des premiers architecte et urbaniste français qui travaillera sur la gestion de la circulation, notamment à Paris. Il est notamment l'inventeur des carrefours à sens giratoire

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voie express. Comprenant ainsi la voie autoroutière, ce statut est complété par la voie rapide urbaine ou VRU. Ces VRU ont une place prépondérante dans le PUD de 1959, elles ont différents gabarits et sont supportées par différents types d'infrastructures. Le PUD prévoit une multiplication de ces voies au sein de la ville, afin de proposer un déplacement rapide et sans encombrement vers les quartiers et les villes métropolitaines d'importance économique majeure, comme l'imposent les doctrines fonctionnelles. Cette volonté de liaison locale rapide est à remettre dans le contexte de métropolisation de l'aire marseillaise. Effectivement, l'élaboration du PUD se fait durant une période de forte croissance démographie à Marseille, expliquée par plusieurs événements. De nombreux logements se construisent, et une multiplication des équipements publics est engagée. Cette période marque aussi l'intensification du déplacement des activités du port vers l'Etang de Berre et le golf de Fos. Parallèlement, Marseille affiche la volonté d'emprunter le virage de l'économie tertiaire, volonté qui s'exprime notamment sur les terrains vagues du quartier Belsunce, destiné à accueillir un centre directionnel, sur le modèle des centres d'affaires américains. Tout ceci produit un éclatement des différents pôles d'attractivité et induit une augmentation des trajets et de leur durée. Le réseau viaire de l'époque ne pouvant supporter les déplacements quotidiens, de nombreuses voies sont élargies, reconfigurées ou tout simplement crées ex nihilo. Le PUD donne naissance, en 1969, au schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) de l'aire marseillaise (Voir figure 6). Ce dernier prévoit donc finalement la création d'un réseau routier important avec la création de six pénétrantes sous forme de d'autoroute en complément de l'autoroute nord déjà ouverte (voir figure 6). Si quelques tracés de voies sont de simples reprises des tracés des plans précédents, de nouvelles voies apparaissent (voir figure 7), avec la classification suivante : A pour autoroute, S pour sorties et L pour liaison. Les nouvelles voies sont donc l'autoroute du littoral, longeant les ports ; la voie rapide de l'Etoile, la S04, filant des Chutes Lavies vers le massif de l'Etoile pour devenir une autoroute jusqu'à Septèmes les vallons ; la S08, sortie nord est allant vers Allauch, devenant une autoroute jusqu'à la Bouilladisse, une sortie en autoroute vers Aubagne par la gare de la Blancarde, doublant ainsi l'actuelle A 50 ainsi que la S09, sortie en voie express de l'avenue du Prado vers Mazargues pour devenir devenir une autoroute dans le massif des calanques vers Cassis. Parallèlement, les rocades sont développées avec la prise en compte de la première rocade, correspondant à l'actuelle rocade du Jarret. La liaison n°2, identifiée sous le nom actuel de L2 est maintenue et renforcée par plusieurs autres rocades. C'est le cas de la L3, correspondant à une branche de la L2, et de la grande rocade, aux limites nord et est communales, destinées à supporter le trafic de transit national. Ce dispositif est renforcé par la L1, rocade devant prendre forme au dessus des voies ferrées reliant l'ancienne gare du Prado à la gare de triage d'Arenc (18)(Voir figure 8). Cette voie était destinées à l'occasion de montrer la puissance technique dans la construction de telles infrastructures (Voir figure 9). 18

Cette voie devait s'inscrire au dessus de la voie ferré des Bordilles, partant de l'ancienne gare du Prado, en lieu et place de l'actuel parc du 26ème centenaire. Elle passait au dessus des voies dans les quartiers de la Blancarde, des Chartreux et des Chutes Lavies. Bifurquant vers la Belle de Mai, elle se dirigeait vers la gare d'Arenc, au dessus de la voie empruntée par l'actuel train de la côte bleue (voir figure (8) et (9)

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Figure 6.

SDAU Marseille de 1969

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Figure 7.

Le réseau de voie express à créer. Document graphique d'un numéro du périodique municipal, « Marseille information », année 1970

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Figure 8.

Tracé de la rocade L1 au dessus de la voie ferrée

Figure 9.

Tracé et coupe de la rocade L1

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La multiplication des ouvrages d'art (viaducs, échangeurs, tunnels, etc) au sein de l'aire urbaine incite à faire l'éloge de cette puissance technique dans les pages du périodique municipal de l'époque (voir figure 10, 11, 12, 13, 14), constituant une aubaine électorale durant les années de l'automobile reine.

Figure 10. Présentation de l'autoroute du littoral sur viaduc, Décembre 1974

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Figure 11. Descriptif du viaduc d'Arenc dans le pĂŠriodique municipal Marseille informations. DĂŠcembre 1974

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Figure 12. Descriptif des ouvrages d'art sur la L2 nord, Avenue Salvador Allende. PĂŠriodique municipal Marseille informations. Juin 1974

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Figure 13. PrĂŠsentation du viaduc de l'autoroute nord dans le pĂŠriodique municipal Marseille informations

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Figure 14. Présentation de l'échangeur Rabatau dans le périodique municipal Marseille informations. Date non communiquée

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VERS UN AUTRE MODÈLE

Stagnation, desserrement, et fin du “tout bagnole” Jusqu'à la fin des années 70, les mises en chantiers s'enchaînent. Une portion de l'autoroute du littoral est ouverte, ainsi que l'ensemble de l'autoroute vers Aubagne. La rocade du Jarret et une portion de la S08 sont mises en service. Certaines de ces voies entrainent une réorganisation des quartiers traversés à l'occasion des nombreuses destructions qu'imposent leur emprise. D'autres offrent l'opportunité d'appliquer les doctrines fonctionnalistes sur l'organisation d'un quartier. C’est le cas de la première portion de la L2 dans le quartier de St Barthélémy à Marseille. Le percement de la L2 sur les terrains encore vierges enclenche la construction de la ZUP n°1 de Marseille, qui associe Voie Rapide Urbaine et logements. Les grands ensembles de la Busserine et de Font Vert sont ainsi édifiés autour des emprises de la rocade, ainsi que le centre commercial du Merlan, sur dalle. Toutes ces pièces urbaines s'élèvent dans une certaine promiscuité, qui au fil des années va s'avérer handicapante et génératrice de nombreux maux urbains. Ce nouveau quartier se voulant être l'expression de l'urbanisme dicté par les thèses fonctionnalistes, est en fait le parfait exemple de la ville non souhaitée par ses habitants : bruyante, polluée, coupée et enclavée. Il participe sans doute à l'élaboration d'un argumentaire anti infrastructure durant les années 70 à Marseille, décennie durant laquelle les mises en service se multiplient et mettent en exergue les conséquences concrètes de telles réalisations dans les milieux urbains. A cela, viennent s'ajoute des critiques internationales sur les productions de l'urbanisme "fonctionnaliste" plus adapté, provoquant sur la rue, pour de nombreux experts, une perte du pittoresque (Alonzo, 2013). Cette séparation acharnée entre modes de circulation et entre la voie et le fait urbain, rencontre un nombre grandissant de détracteurs, allant de l'urbaniste spécialiste à l’habitant, qui critiquent ainsi la fragmentation de l’espace. Cette dernière “érigée en système, nie le fait urbain dans ce qu’il a d’essentiel : la capacité d’un même lieu à accueillir des activités multiples et des gens différents” (Alessi Del Umbria, 2006). De nombreux facteurs conduisant à un changement de pensée sont les conséquences directes de la multiplication de ces infrastructures. Mais cette évolution des réflexions autour de la route s'explique par d'autres évenements. D'abord, les chocs pétroliers du milieu des années 70 marquent le ralentissement des mises en chantier, avec un accroissement du prix des produits dérivés du pétrole, dont notamment le bitume. Mais surtout, l'information et la prise en compte du réchauffement climatique, faisant rentrer la société dans l'ère du développement durable, modifient les approches en terme de développement du territoire.

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Une nouvelle ère de pensée: La pensée environnementaliste Déjà dans les années 70, la contestation grandissante de ces infrastructures relève d'une critique du cadre de vie détérioré, ce qui amène à la démocratisation des débats autour de la voiture en ville, et des conceptions de la voirie. Dans une société française portant de plus en plus d'égard aux questions environnementales et au cadre de vie, un ministère de l'environnement se crée en 1971, se voyant attribuer au fil des années de plus en plus de prérogatives. A l'international, de nombreux sommets sont organisés pour élaborer des plans d'actions concernant le réchauffement climatique, abordant souvent la question des déplacements. A souligner, la rédaction d'une charte appelée “charte d'Aalborg” qui incite les villes à adopter des développements durables. Débutent alors des réflexions sur la diversification des modes de déplacement et leur partage dans la rue. La rue, qui revient au centre des débats, retrouve à partir des années 80 mais surtout à l'aube des années 2000, un moyen de transport disparu au milieu du XX ème siècle sous la pression du culte porté à la voiture, le tramway. Après avoir été considérée un temps comme le symbole du “désordre circulatoire” par Le Corbusier, et destinée à n’être qu’un “tube à voiture”, la rue, des années 80 à aujourd’hui est érigée comme la garante d'une ville apaisée, sociale et agréable.

Le déclin marseillais, vecteur du renouveau des réflexions urbanistiques A Marseille, en premier lieu, ce n’est pas l'émergence des réflexions environnementalistes qui a enclenché un ralentissement des mises en chantiers, ni une évolution totale des visions prospectives sur le territoire, mais plutôt les nouvelles données démographiques, économiques et spatiales de la région. En effet, le premier POS de Marseille est publié en 1978 et adopté en 1981. Alors que la période entre 1960 et 1975 est marquée par une croissance démographique importante, les années suivantes sont synonyme de long déclin pour Marseille. Avec le développement des villes périphériques, la région marseillaise devient ainsi polycentrique, empêchant Marseille de devenir la véritable capitale économique métropolitaine. Les trajets domicile/travail évoluent et ne se résument pas aux limites communales de la ville. Le schéma circulatoire radioconcentrique que le POS de 1981 reprend devient alors obsolète et très vite anachronique. Les objectifs du POS deviennent “très vite en décalage avec l'évolution de la ville et le renversement de tendance démographique (110 000 habitants de moins entre 1975 et 1990). En fait, il n'a pas été réellement appliqué et a connu de multiples modifications pour en corriger les effets les plus nocifs, en particulier en ce qui concerne les projets d'élargissement de voiries et de pénétrantes autoroutières”. (Joannon, Girard, 2001).

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Finalement de nombreux projets de Voies Rapides Urbaines ou autoroutes sont abandonnés ou bien repensés en boulevard urbain. Les premiers plans de déplacements urbains, faisant la part belle aux déplacements doux, intègrent ces modifications et préconisent un meilleur partage au sein de la rue. Le plan prévoit aussi une réintroduction du tramway dans les artères marseillaises réaménagées, qui devient ainsi une composante essentielle du nouveau schéma circulatoire de la ville.

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CONCLUSION: L'AUTOROUTE L2, LA GARANTE DE LA VILLE DU XXI ÈME SIÈCLE ?

Actuellement, ce mouvement transitoire de la route à la rue correspond à une véritable attente des habitants au sein des villes, et notamment à Marseille. Les conséquences des visions ségrégatives du début du siècle jusque dans les années 70 sont aujourd'hui établies et reconnues. Si l'établissement des méfaits sur les tissus urbains a été facilité par le constat qui a suivi bien en amont la concrétisation de ces projets, il faut souligner la clairevoyance de cette époque. C'est le cas notamment de l'historien et géographe Marcel Poëte qui prévenait, en 1935 dèjà, des risques potentiels. En témoignent ses propos sur la ville de Paris: “On semble ignorer que la circulation exerce sur les villes des effets psychologiques. La sociabilité, qui se manifeste, notamment sous ces formes diverses de la promenade (les cours) est la grande force civilisatrice d'une telle ville. Il faut assurer le jeu de cette force. La circulation automobile, en hachant la circulation des piétons et en la rendant dangereuse, gêne considérablement ce coude à coude, ce frottement humain dans le cadre de la vie parisienne. Il ne s'agit pas, bien entendu, d'aller contre le progrès de la science et de la technique (...). Il importe seulement de ne pas les considérer simplement en soi, mais d'en envisager les répercussions immatérielles comme les autres, afin d'adopter des solutions qui sauvegardent le plus possible la personnalité urbaine”.(19) Ce témoignage du début du siècle dernier résume aujourd'hui parfaitement les positions des aménageurs, comme en témoignent les nombreux projets de requalification des voies héritées de ces logiques d'adaptation de la ville à la voiture. A Marseille, de nombreux axes sont sélectionnés, généralement dans l'hypercentre, pour être la spatialisation et la concrétisation d'une part des mesures coercitives à l'utilisation de la voiture et d'autre part d'un meilleur partage de la rue. Mais ce renouveau urbain ne peut, emble t-il, se concevoir sans la finition du véritable contournement périphérique marseillais, la L2. En effet, le PDU, s'appuyant en grande partie sur le réseau viaire actuel, dont les présentes autoroutes et VRU, affirme sa dépendance à cette prochaine autoroute urbaine. Sans quoi, la destinée de la rue durable ne peut s'écrire qu'en pointillé. L'objectif de la L2 est de récupérer une grande partie du trafic de transit empruntant le centre ville, qui pourra ensuite être réaménagé. Nous sommes là devant un 19 Déclaration de Marcel Poëte « Les effets de la circulation de grand trafic sur le caractère des villes », Urbanisme, n°35, avril 1935, p. 163.

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paradoxe clairement entretenu dans les nombreux discours et les nombreux plans de développement du territoire: La transition de la route à la rue sera rendue possible par l'ouverture d'une autoroute projetée il y a plus de 80 ans. Cette infrastructure, anachronique au regard du nouveau paradigme du développement durable, est la pièce maîtresse du schéma circulatoire de Marseille. Une pièce sans laquelle les requalifications de certains axes centraux comme la rue Paradis et le Cours Lieutaud ne peuvent débuter. Les axes centraux nouvellement retenus vont connaître un meilleur partage de l'espace entre les différents modes. Il est annoncé un scénario similaire pour la rocade du Jarret . Cette rocade, aujourd'hui saturée, axe noir en matière de pollution, est donc promise à des jours meilleurs. Mais au vu des propositions faites par l'AGAM, l'agence en charge de l'étude, rien ne semble moins sûr.

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CHAPITRE 2 LA REQUALIFICATION DU JARRET: UNE TRANSITION ROUTE-RUE INCOMPLÈTE

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L'ouverture de l'A507, plus communément appelée L2, est prévue en deux temps: le tronçon Est ouvrira en 2016 , le tronçon Nord, en 2017. Si le tronçon Sud faisait initialement partie de la L2, avec les caractéristiques qu'on lui connaît, il fait aujourd'hui l'objet d'un projet à part. Connu sous le nom de Boulevard Urbain Sud, il n'est aujourd'hui plus envisagé, comme son nom l'indique, comme autoroute. Sa date exacte de mise en service est, quant à elle, encore inconnue (20). La L2 donc dessinée il y a plus de 80 ans, est la rotule inévitable de la transition de la route à la rue, pour de nombreux experts et élus politiques marseillais. Pour préparer au mieux ce "grand saut", les différents commanditaires lancent des études afin de requalifier de nombreux axes. Ce chapitre se concentrera sur une étude commandée (21) par Marseille Provence Métropole, MPM (22) à l'AGAM, concernant la requalification de la première rocade de Marseille, la rocade du Jarret (voir figure 15)

20 L'arrivée de Guy Tessier à la tête de la communauté urbaine de Marseille a relancé le projet. Son ouverture est programmé à l'horizon 2020. 21 « Requalification du Jarret, Mobilités et projet urbain : Diagnostic, enjeux et orientations » Etude AGAM, Février 2015 22 Marseille Provence Métropole est la communauté urbaine de l'agglomération marseillaise. Elle est en charge notamment de la voirie.

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Figure 15. Insertion spatiale de la rocade du Jarret (composé de plusieurs boulevards) dans le territoire marseillais.

Dans un premier point, nous retracerons brièvement l'histoire de cette rocade, l'évolution de son contexte urbain et du contexte marseillais, cela afin de mieux comprendre les raisons qui poussent à son actuelle remise en question. Dans un second point, nous étudierons le diagnostic fait par l'AGAM , ainsi que les propositions de projets présentées au commanditaire. A travers cette étude, le but ici est de faire état des visions prospectives de certains services sur le rôle de la rue à Marseille. Pour cela, nous nous appuierons sur des propos recueillis auprès du personnel du service projets urbains à la Ville de Marseille.

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1)

LA ROCADE DANS LA VILLE

Un cours d'eau comme rocade Avant d'être un axe automobile, le Jarret est un cours d'eau prenant sa source dans le massif de l'Etoile pour rejoindre la mer par le biais de l'Huveaune. Son positionnement géographique et son tracé du nord au sud marquent, jusqu'au début du 20ème siècle, une limite entre l'aire urbaine de la commune d'un côté et les cultures maraîchères de l'autre. Dès le XIXème siècle, lorsque le port se développe et entraîne une hausse de la circulation, le Jarret est envisagé comme solution aux problèmes de congestion du centre ville. Franz Mayor de Montricher (23) est l'auteur du premier tracé de la rocade par le Jarret. Ce tracé ne sera jamais abandonné par la suite pour diverses raisons : Premièrement, au XIXe siècle, les propositions d'élargissement des axes centraux sont très mal acceptées dans le centre ville. La solution du contournement est donc préférée. Deuxièmement, le tracé de la rocade passe par des terrains non urbanisés jusqu'au XXe siècle. Cette raison est d'ordre économique et financière puisqu'elle n'implique pas de destruction lourde et onéreuse du bâti. Troisièmement, sur la base de la deuxième raison, il est considéré comme un futur axe structurant l'extension de la ville. Enfin, quatrièmement, le tracé est l'occasion d'assainir le Jarret, jugé comme étant un égout à ciel ouvert. Pour y remédier, l'implantation de la rocade par la couverture du cours d'eau est décidée dans les années 50. Cette décision engage des travaux colossaux entre 1955 et 1968, faisant la fierté de la municipalité Defferre.

Une rocade rendu obsolète Les objectifs de la rocade sont multiples : assainir le cours d'eau, reporter la circulation automobile hors du centre, connecter les autoroutes A7 et A50 et permettre la construction de logements à la place de nombreuses industries. Le cours d'eau laisse donc place à une rocade composée de 6 files de circulation séparées par un terre-plein central, dans le respect des doctrines fonctionnalistes. Mais très vite, l'objectif de structurer l'urbanisation n'est plus prioritaire. Les opportunités 23 Franz Mayor de Montricher est un ingénieur suisse des Ponts et Chaussées. Il a contribué à la réalisation du canal de Marseille.

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foncières sont précipitamment valorisées tandis que le besoin urgent en logements sonnera la fin du projet urbain global. Une urbanisation non maîtrisée donc, qui aura des répercussions importantes sur le trafic routier local. Parallèlement, la rocade, intégrée dans un plan de circulation générale à l'échelle de la ville, devient vite orpheline. En effet, le projet de deuxième rocade (la L2), censé être le doublon du Jarret est ajourné faute de moyens. Des lors, la rocade se doit d'assurer deux types de trafic : –

Un trafic local, de l'ordre du micro, conséquence directe de l'urbanisation à proximité immédiate de la voie auquel s'ajoute un trafic local à l'échelle des quartiers : le Jarret devient alors l'axe de desserte entre les quartiers le long du cours d'eau, qui jusque là ne disposaient d'aucune liaison de grande ampleur.

Un trafic de transit à grande échelle, puisque comme nous l'avons vu, l'objectif initial est de connecter les deux autoroutes en service. Ce trafic grandissant, devait ensuite être reporté sur la deuxième rocade. La L2, par son absence, a donné le statut de « rocade par défaut » à la première rocade.

Ces deux fonctions données à cet axe auront de lourdes conséquences sur sa fluidité. Des années 60 aux années 90, il supporte un trafic pour lequel il n'a jamais été conçu, devenant vite obsolète (voir figure 16).

Figure 16. Photo des embouteillages réguliers sur le Jarret. Photo Agam 45


Une mutation jamais enclenchée Les deux fonctions décrites précédemment associées à leur contexte peuvent entraîner deux processus inverses : –

Le trafic local micro et macro est expliqué par son contexte urbain. L'urbanisation grandissante a donc introduit la voie dans le fait urbain. Des lors, il est possible d'envisager une requalification proposant une réduction de l'emprise routière au profit des habitants.

La mise en arrêt du projet L2, a appellé donc à un report de trafic sur la première rocade. Un report, même provisoire, qui aurait dû logiquement signifier une augmentation de l'emprise routière.

Si elles enclenchent deux processus inverses d'un point de vue du contexte, elles se rejoignent pourtant en terme d’effet sur la circulation. Chacune de ces fonctions amène toujours plus de trafic, en même temps que la périphérie marseillaise se développe et que le parc automobile à l'échelle des quartiers traversés grandit. Ces deux fonctions peuvent nous paraître antinomiques au regard des processus de renouvellement urbain qu'elles enclenchent. Mais dans un contexte d'augmentation de la circulation routière à toutes les échelles, ces fonctions se complètent finalement et neutralisent toute requalification de l'axe allant vers une réduction de la voirie. Il faut, ajouter à cela une crainte tenace véhiculée par les experts et élus politiques locaux à travers un scénario catastrophe en l'absence de la L2: Le blocage de la ville. Aux yeux des édiles, la mise en service la L2 est effectivement un acte indispensable et inévitable. Ceci afin d'enclencher le renouveau du Jarret et de l'ensemble de l'espace public marseillais de l'hypercentre, sans quoi, rien ne semble possible. Toutefois, cette dépendance n’est pas certaine, bien au contraire, comme le souligne Stéphanie Guillot Leheis : «(...) Au cours des années 2000, la politique de requalification de la voirie mise en oeuvre par la communauté urbaine vient contrecarrer cet argument» (24). Le Vieux Port en est le parfait exemple. A l'occasion de l’événement « Marseille, capitale européenne de la culture 2013 », un réaménagement des quais est entrepris, réduisant considérablement la place de la voiture. Encore aujourd'hui, le scénario catastrophe n'a toujours pas eu lieu.

24 « La ville et sa rocade. Un projet d'infrastructure au risque du temps long, le cas de Marseille » Stéphanie GUILLOT LEHEIS, Thèse de doctorat de l'université Paris-Est, Aménagement et urbanisme, 2011.

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Un rapport conflictuel à la ville La pérennisation du profil routier ainsi que la circulation automobile du Jarret ont de multiples et néfastes conséquences sur le contexte urbain et ses habitants. Elles sont d'ordre : –

Spatial : en effet, la configuration de la rocade a été dictée par des logiques fonctionnelles. Ces logiques qui s'expriment dans un milieu urbain dense sont clairement dans la négation de la ville et de ce qu'elle produit comme circulations et interactions diverses. Tout d'abord, pour le piéton, cela se traduit par un aménagement sommaire des trottoirs disposant de faibles largeurs. Les cheminements piétons s'en trouvent peu agréables, voire inconfortables lorsque le stationnement des voitures y est envahissant. Le trafic automobile dispose en général de 6 files de circulation. Cette largeur rallonge les temps de traversées pour le piéton qui devient ici un corps étranger (voir figure 17). De plus, le terre-plein central séparant le double sens de circulation a un impact ségrégatif voulu à destination de l'automobile mais très impactant pour le piéton. Sa traversée ne peut être possible qu'aux rares endroits destinés à cette pratique. Il est important de noter la quasi absence de bancs le long de la voie. Dès lors, le fonctionnement de cet artère n'autorise que très peu l'expression de pratiques piétonnes.

Figure 17. Les traversées piétonnes sur le Jarret. Photo Agam 47


La pratique des modes doux, comme le vélo, est très anecdotique le long de la rocade, car perçue comme dangereuse et peu agréable. Aucun aménagement n'est destiné à ces pratiques. Les transports en commun ne disposent que de faibles dispositifs destinés à l'amélioration des temps de trajets. A l'échelle des quartiers traversés, l'organisation spatiale de la rocade induit des phénomènes d'enclavement. La présence continue du terre-plein sur des distances importantes fait abstraction du réseau viaire de desserte local. En effet, le terre-plein limite les croisements et les déplacements perpendiculaires à l'axe. Le dialogue entre les quartiers de part et d'autre de l'axe se trouve interrompu. –

Social : étroitement liées à l'organisation spatiale, les interactions sociales autour du Jarret ne disposent pas des cadres nécessaires pour s'exprimer. Le long de la rocade, très peu d'espaces publics permettent l’émergence d'une appropriation des lieux par l'habitant. Si cet axe est structurant en matière de circulation automobile, il l'est beaucoup moins pour la vie de quartier.

Sanitaire : le trafic automobile soumet les habitants à proximité à des pollutions atmosphériques qui dépassent les valeurs limites définies par la réglementation. Pour l'exemple, il est fait état de 79 jours par an de dépassements du seuil de pollution aux PM10 (25), pour une « limite acceptable » de 35 jours de dépassement. La problématique est identique pour le bruit, avec des valeurs obtenues dépassant les normes. Aujourd'hui, la pollution atmosphérique et sonore a un impact avéré sur la santé.

Sociétale : la configuration actuelle de la rocade facilite l'usage de l'automobile. La primauté de la voiture ne simplifie pas le report vers d'autres modes de déplacement. De ce fait, elle motive les déplacements individualistes, provoquant ainsi des épisodes réguliers de congestion.

Si les conséquences décrites ne sont qu'un bref aperçu des impacts sur cadre de vie autour du Jarret, elles n'en demeurent pas moins importantes. Au regard de certaines, la requalification du Jarret et une transition de la route vers la rue semblent urgentes.

2)

LES VISIONS PROSPECTIVES POUR LA ROCADE

L'étude de l'AGAM

25 Les PM sont des matières particulaires désignant les particules en suspension dans l'atmosphère terrestre. Elles sont classés cancérogènes pour l'homme par le Centre international de recherche sur le cancer. Les PM10 représentent la catégorie de particules dont le diamètre est infèrieur à 10 micromètres.

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L'étude réalisée par l'AGAM est le premier acte du renouveau de ce boulevard. Son objectif est de proposer un document de référence pour appréhender au mieux les enjeux de la requalification. Elle est composée de quatre parties : –

La première partie donne quelques repères sur les évolutions historiques du Jarret et sur ses caractéristiques

La seconde partie établit un constat fonctionnel et urbain sur le parcours du Jarret. Elle aborde les thèmes de la mobilité, des dynamiques urbaines et de la morphologie des lieux.

La troisième partie est la formulation des enjeux pour le Jarret et une définition des objectifs pour sa transformation.

La quatrième et dernière partie soumet des propositions de projets. Certains éléments de programme semblent actés et dans l'obligation d'être respectés.

Un diagnostic juste Les deux premières parties représentent les phases de diagnostic et d'analyse que l'on retrouve communément en amont de chaque projet urbain. Elle font état des conséquences que nous venons d'évoquer brièvement sur le fonctionnement et le contexte urbain du Jarret, de manière plus poussée. De plus, elles complètent ce constat avec l'étude d'impacts physiques et sociaux moins perceptibles au premier abord. Ce constat étoffé témoigne de la qualité de cette étude. Cependant, un bémol apparaît : l'étude du contexte urbain sur un territoire plus large. Effectivement, le diagnostic se manifeste seulement dans un rapport de façade à façade, ou d'îlot à îlot, le long du Jarret. Par la suite, nous le verrons, ce manque sera déterminant. La troisième partie cible les enjeux de la requalification du Jarret sur la base du précédent constat. Cette partie est la synthèse des problématiques, phase rotule entre le constat établi et les solutions à apporter. Elle est donc la garante d'un projet réussi. Mais par rapport aux enjeux ciblés, la réussite du projet final demeure incertaine.

Des enjeux mal ciblés : Vers des réponses non appropriées ? Les enjeux définis par l'AGAM sont multiples. Ils s'appuient sur des problématiques de mobilité, de prévention des inondations ainsi que d'approches des échelles de projets : 49


L'enjeu de la mobilité permet de contextualiser la rocade dans le schéma des déplacements au sein de la ville. Sur la base des préconisations du PDU, l'enjeu est la réduction de la place de la voiture pour ensuite donner un autre fonctionnement à la rocade. Un meilleur partage des modes de transports doit se réaliser, dans la mesure du possible. Une possibilité qui dépend fortement de la place accordée tout d'abord à la voiture. En effet le document de l'AGAM fait apparaître implicitement une hiérarchie dans l'addition des différents modes de déplacement: Voiture – piéton - bus – cycliste. Dans ce cheminement de pensée, plus le mode de transport est proche de la voiture, plus il a de chance d’apparaître sur le profil en travers du futur boulevard urbain. Au contraire, plus il en est éloigné, plus il n’apparaît que périodiquement au gré des possibilités spatiales et techniques. Un cheminement de pensée qui est confirmé par un membre du service « Projet urbain » à la Ville de Marseille, Lionel Launay : « La place du piéton est ici déterminée par la place de la voiture ». Ce cheminement de pensée s'exprime déjà dans la genèse du projet, comme le signale L.L. : « C'est parce qu'il y a un aménagement voiture, ici la L2, qu'il y a estimation de baisse du trafic sur le Jarret, que l'on pense à le requalifier , mais on part pas sur une ambition plus grande. On aurait pu dire « on veut requalifier le Jarret, on veut une baisse du trafic, donc on va faire la L2 ». Le résultat aurait été peut-être le même mais la démarche intellectuelle est différente ». L'étude de l'AGAM s’attelle sur plusieurs pages à crédibiliser une réduction de la place de la voiture par l'estimation de baisse du trafic sur le Jarret. Cette estimation se base sur des modélisations de la circulation à l'ouverture de la L2. La baisse du trafic routier est donc la condition sine qua non d'une transition route-rue pour la rocade du Jarret. Ce rapport « baisse de trafic-opportunité de projet » dévoile le manque d'ambition en terme de réduction des impacts liés à la voiture. Pour L.L., le constat marseillais est simple : « On s'adapte au trafic. Aucune ambition de baisse du trafic par l'aménagement et la configuration de l espace n'est manifestée. Ce qui fait dire que c'est toujours la voiture qui fait la ville et non la ville qui adapte la voiture ».

L’enjeu de prévention des inondations se rapporte à la présence du cours d'eau sous la rocade. Si le cours d'eau est considéré à travers l'étude des risques, jamais l'idée d'une ouverture possible n'est évoquée. De nombreuses villes engagent des processus de remise à ciel ouvert des cours d'eau précédemment couverts et busés. Les enjeux environnementaux et sociaux de tels processus sont avérés. Dans le cadre d'un réchauffement climatique certain, les rivières et fleuves traversant les villes sont de véritables « climatiseurs naturels ». Loin d'être utopiste, cette idée s'inscrit dans une mouvance actuelle. L'absence de cette possibilité dans la présentation des enjeux atteste déjà d'ambitions restreintes de réaménagement de cet axe.

L'enjeu de l'identification des échelles de projet permet une hiérarchisation des interventions, du global au local. Les échelles de projets proposées dans le document de

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l'AGAM sont au nombre de trois : –

les séquences qui correspondent au linéaire du boulevard

les secteurs de projets qui ciblent les projets urbains en cours ou les emprises foncières libres à destination de programmes immobiliers

le ponctuel qui profite des espaces délaissés par la rocade, les retraits de certaines façades ou des espaces publics existants pour proposer des aménagements.

Ces échelles différenciées permettent d'identifier et mesurer les différents degrés d'intervention sur l'espace public sur et au delà du Jarret. Ces échelles d'intervention n'englobent que peu ou pas les quartiers traversés, se contentant dans la majeure partie, du simple linéaire de l'axe. Ce cadrage laisse entrevoir une simple transformation du linéaire et non un projet urbain à l'échelle des quartiers traversés. Nous retrouvons la conséquence ici de la déficience en terme de contexte urbain. De ce fait, ce champ de vision réduit n’entérine pas les rôles structurants et fédérateurs que le Jarret peut jouer à l'échelle d'une épaisseur de territoire plus vaste. Finalement, les enjeux ciblés par l'AGAM laissent à penser que le projet de requalification du Jarret n'est qu'une simple transformation de la voirie et non un projet urbain de grande échelle. L'objet de cette étude répond en premier lieu à des problématiques de flux. Les solutions apportées pourront ensuite améliorer le cadre de vie. Pour L.L., tout est dit dans l'énoncé de l'étude : « La question posée ici pour le Jarret, est « comment on fonctionne et on réaménage tout en améliorant le cadre de vie ? » mais effectivement la question n'est pas « comment on améliore le cadre de vie en réaménageant le Jarret ? ». Bien sûr, tout ça c'est de la sémantique mais ça procède bien de la démarche intellectuelle. On réaménage le Jarret d'abord pour la voiture et ensuite on en profite pour aménager la place du piéton. Si on avait fait l'inverse, on serait peut-être allé plus loin... ».

Les propositions : Une requalification au rabais ? Les différents enjeux présentés sont un support essentiel pour la rédaction d'un cahier des charges à destination des futurs urbanistes ou paysagistes selectionnés. Ces derniers pourront aussi s'appuyer sur des propositions de projet faites par l'AGAM, correspondant à la troisième partie de l'étude. Les propositions de projet présentés dans l'étude sont en adéquation avec les enjeux établis. Il sont aussi l'illustration du cheminement de pensée décrit plus haut.

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La voie automobile est donc le premier module placé sur le profil général du Jarret. L'étude préconise une emprise routière à calibrer à 2x2 voies contre les 2x3 voies actuelles.Sur certaines portions où le trafic est plus intense, le 2x3 voies est maintenu, notamment sur le secteur de l'hôpital de la Timone (voir figure 18). Le nombre de voies a donc été déterminé sur l'ensemble du linéaire par le trafic routier. Si le trafic est plus intense sur une portion, le nombre de voies augmente. Cette ineptie s'exprime aussi sur les largeurs peu conséquentes de certains tronçons. Les voûtes du pont ferroviaire (Ligne Marseille-Nice) des Chartreux n'offrent que peu d'espace pour un franchissement aisé. La solution préconisée par l'étude est de maintenir le profil en 2x2 voie, au détriment des autres modes. Les piétons et les cyclistes se partagent alors un trottoir de 2 mètres de large au maximum sous les voûtes. Les transports collectifs, quant à eux, se fondent dans la circulation (voir figure 19). A chaque intersection, dans la mesure du possible, sont introduits des systèmes de tourne à gauche ou à droite par la création d'une file de circulation supplémentaire. Ces systèmes sont ici appliqués afin de ne pas perturber la circulation de l'axe centrale. La fluidité du trafic prévaut ainsi sur les emprises réservées initialement pour les trottoirs. Il en est de même du constat au sujet des carrefours en « demi-lune » présents actuellement à quelques intersections le long du Jarret. L'étude préconise leur maintien pour assurer une meilleure fluidité (voir figure 20).

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Figure 18. Proposition d'aménagement dans le secteur Timone. Conservation des 2x3 voies. AGAM.

Figure 19. Proposition d'aménagement sous les voûtes du pont ferroviaire. AGAM

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Figure 20. Proposition d'aménagement autour des intersections. Conservation des carrefours en « demi lune ». AGAM.

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Le profil du boulevard conserve également le terre-plein central planté. Les raisons présentées sont louables pour certaines. D'autres, par contre, illustrent la vision routière du projet. Si une des raisons évoquées pour la conservation est éloquente, l'autre est plus subtile : –

« Il permet d'aménager des refuges pour les piétons aux traversées » : Cette raison met en évidence un aspect sécuritaire qui est solutionné en aval et non en amont. L'étude conçoit le danger de la circulation routière. Un danger qui augmente en fonction de la multiplication des voies. Dans une volonté de rendre l'espace accueillant pour tous les modes de déplacement, il semble paradoxal d'aborder l'aspect sécuritaire en aval. La cause du danger dans ce cas peut être traitée comme la place ou la vitesse de la circulation automobile. Les solutions sont ainsi nombreuses : réduction des voies, création de plateau piéton ou création de zone trente à l'approche des passages cloutés.

Sur le plan réalisé, la légende qualifie le terre-plein central comme infranchissable. La raison première sous-jacente est d'ordre sécuritaire. Les sens de circulation sont séparés par un terre-plein pour éviter le risque de collision. Dans le cadre d'un projet portant sur l'apaisement de la circulation, cette raison implicite semble hors propos. Une deuxième raison plus subtile cette fois, peut être l'opportunité de restreindre la circulation piétonne hors des périmètres autorisés. Nous sommes donc, ici, de nouveau dans l'application des logiques ségrégatives issues des doctrines fonctionnelles. Un avis partagé par L.L. « On n'est pas sur un espace public qui joint mais là qui disjoint ». Le piéton, le long de cet axe, est semble-t-il encore considéré comme un obstacle à la circulation.

Le terre-plein central, hérité des doctrines fonctionnelles est, d'après l'étude, un élément à garder. Sur la base de la définition de la rue, réalisée précédemment, le terre-plein central « infranchissable », semble contraire à une transition route-rue. Au delà de ces propositions, l'étude propose quelques références de projet. L'idée de création de « Charte du Jarret » est évoquée, avec une réflexion sur les matériaux, les mobiliers urbains, les espaces verts, les limites de propriétés, l'éclairage public et la scénographie. Ces thèmes annexes sont présentés comme le vecteur d'une amélioration du cadre de vie du Jarret. En témoignent ces quelques lignes d'un paragraphe titré « Le plaisir de vivre sur le Jarret » : « Exprimer l'urbanité est une qualité première d'un espace public. Il doit être agréable de s'y trouver, de le parcourir, de s'y arrêter ou de le traverser, d'y travailler, ou d'y vivre. Le projet d'aménagement du Jarret se doit d'accorder une importance particulière à l'agrément des lieux, viser un haut niveau d'exigence (...) ». L'urbanité s'exprimera donc dans l'agrément des lieux, à défaut de s'exprimer pleinement dans une requalification portée par des ambitions plus large.

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Une attribution exclusive du dossier L'étude de l'AGAM a été réalisée en collaboration avec la Direction des Infrastructures (DIFRA) de Marseille Provence Métropole. Cette direction, en charge du dossier à MPM, s'occupe de l'ensemble de la voirie et des infrastructures sur le territoire intercommunal (viaduc, tunnel, etc.). Dans un projet de requalification de voirie, elle est donc la plus apte à traiter le sujet. Dans un projet de réaménagement urbain à plus grande échelle, cette direction, au regard de ses compétences, n'est pas « taillée » pour répondre aux enjeux multiples de tels projets. A propos de cette attribution exclusive du dossier, L.L. ne s'étonne pas du caractère routier des propositions : « Je ne veux pas faire de procès d'intention, chacun a sa culture, les gens qui font de la route vont plutôt vouloir faire de la route, les architectes ou bien les paysagistes, ils auraient eu d'autres point de vue sur le dossier ». Du fait de la gestion du dossier par la DIFRA, il conclu logiquement par « Là, on a l'air de partir sur du projet voirie, trop voirie ».

La note du SPU : une bouteille à la mer ? Le Service Projet Urbain de la ville de Marseille n'a pas été associé à la démarche de projet. Le SPU n'a pas été associé à l'ensemble de la démarche de projet. S'il a participé à l'étape de l'étude de l'AGAM, il n'a pas été officiellement consulté sur la rédaction du cahier des charges de maîtrise d’œuvre. Lionel Launay tente d'expliquer cette mise en retrait du service : « Je pense que la communauté urbaine sait ce qu'elle a à faire, et à partir de là, ils ont transmis le sujet à leur direction des infrastructures. Point barre. La DIFRA s'est associée à l'AGAM pour l'étude et après il fonce. Alors la Ville a pu s'exprimer dans le cadre de cette opération pour la phase étude mais dans la rédaction du cahier des charges, c'est la DIFRA. ». En effet, le SPU, s'est exprimé après l'élaboration de l’étude à travers l'écriture d'une note. Cette note informelle a été écrite par plusieurs membres du personnel de ce service qui ont relevé plusieurs insuffisances dans le relevé des enjeux et du caractère trop routier dans les propositions. Au sujet de cette note, seule contribution écrite et formulée de la part du SPU, L.L. ne saurait dire si elle aura un impact sur la suite du projet : « La note que l'on a écrite et que l'on a faite remonter à notre chef de délégation, c'est sans doute une bouteille à la mer ». Cette remarque montre un nouvel aspect du dossier, notamment celle de la synergie entre les différents services au sein des institutions en charge du réaménagement urbain. L.L. porte un regard global sur la situation: « Des compétences, il y en a. On a une répartition des compétences. A MPM, ils savent faire de la route, techniquement. Après il y a tellement de monde et de gens, qu'il y a une multitude de points de vue. Sur un dossier, chacun à un point de vue pertinent. Mais au delà du point de vue, il y a des responsabilités. Là ici c'est La DIFRA qui a l'unique responsabilité. Ce n'est donc qu'un « point de vue » qui à la charge du dossier et qui va occulter les autres points de vue. Après tout

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ça, ce n'est qu'une question de management. Sur le Jarret, on a un avis sur la question au SPU, on sait qu'il ne va pas être pris en compte. Après le résultat, on va dire que c'est pas de notre faute car ce n'est pas nous qui faisons. Je pourrais considérer avoir une responsabilité beaucoup plus forte sur l'aménagement urbain et ruer dans les brancards, en disant ils font n'importe quoi, etc. » Dans une certaine remise en question, L.L. ajoute : « On a pas eu le courage de porter le truc et batailler. Il y a une certaine dilution de la responsabilité au sein des institutions».

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3)

Conclusion

A travers cette partie, nous avons pris conscience des enjeux réels de la requalification du Jarret. Nous avons pu aussi mettre en lumière le décalage entre ces derniers et les enjeux relevant de la sensibilité de chacun. De manière assez explicite, la DIFRA a exposé son point de vue sur le Jarret de demain. Un futur qui confirme son statut avant tout circulatoire, s'attachant à une conception de préceptes passés. Un statut prévalant sur un statut possible de lieu d’interaction sociale et de vie. L'étude de l'AGAM est finalement le résultat de l'unique « génie » de la DIFRA. Il ne fait aucun doute que le projet aurait mérité une attribution partagée et conjointe entre les différents services. L’autarcie des services, les attributions exclusives et les déficiences du management semblent être la cause d'une éclipse des forces vives et du « génie créateur » composant les différents services. Des atouts qui auraient pu être ainsi mis à profit pour une mutation urbaine pertinente du Jarret. Ce constat est illustré dans la vision personnelle de L.L. sur le potentiel du site: « Le jarret, ça pourrait être un truc de type grands boulevards parisiens, là où il se passait à l'époque quelque chose, il y avait une concentration de grands théâtres et autre, et le Jarret pourrait être cet axe structurant ». Une vision qui semble être l'expression logique d'une transition indispensable de la route à la rue, pour la rocade du Jarret. En l'état actuel des choses, l'aspect final de l'aménagement ne laisse aucun doute. En effet, la rédaction du cahier des charges s'est faite sur la base des conclusions de l'étude de l'AGAM. Pour Lionel Launay, si le projet final répond stricto sensu au cahier des charges «on risque d’être sur du très routier... ». Finalement, la réussite possible d'une transition route-rue dépendra du caractère réversible des contraintes du cahier des charges. Mais aussi, elle dépendra de la capacité des urbanistes et paysagistes lauréats à fédérer l'ensemble des acteurs autour d'une vision utopique et durable pour le Jarret.

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CHAPITRE 3: REQUALIFICATION DE LA RD4C UNE OPPORTUNITÉ POUR LA TRANSITION ROUTE-RUE

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La RD4c est une voie express départementale considérée comme un axe pénétrant, permettant de desservir le centre de Marseille depuis le nord est de la commune. Misant sur un report de trafic conséquent depuis de nombreux axes vers la L2, le Conseil départemental des Bouches du Rhônes envisage une requalification de la Rd4c (passant notamment par une réduction des voies et l’abandon du statut de voie express). Dans ce cadre, il sollicite la Ville pour la définition d’un projet urbain d’ensemble autour de cet axe. Ce chapitre présente la réponse élaborée pendant mon stage en urbanisme à la Ville de Marseille. Tout d'abord, un travail d’analyse et de diagnostic sera présenté, comprenant différentes parties. Ensuite, des orientations de projet seront proposées.

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RD4C ANALYSE ET DIAGNOSTIC

RD4c, présentation et origine La RD4c est une voie située dans le 13 ème arrondissement de Marseille dans le prolongement de la rocade du Jarret. Elle démarre dans les quartiers Chartreux/ Saint Just, à la jonction de l’avenue Alexandre Flemming et du boulevard Maréchal Juin. (voir figure 21 et 22) Elle traverse les quartiers de Malpassé et La Rose pour aboutir au carrefour avec l’avenue des Olives du quartier Les Olives. Cette voie départementale est nommé aussi Avenue Jean Paul Sartre. Elle croise, par le biais d’un échangeur conséquent, la future voie périphérique, la A507 ou L2, dans le quartier de La Rose. Elle a aujourd’hui le statut de voie express.

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Figure 21. Localisation de la Rd4c

Figure 22. Localisation de la Rd4c et des quartiers traversĂŠes

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Initialement nommé B51, le projet autoroutier, support de l'actuelle RD4c a été présenté dans les différents plans d’urbanisme sous le nom de S8, S08 ou autoroute Nord-Est (voir figure 23 et 24) Le projet initial du SDAU de 1969 avait pour but à long terme de relier la commune de Marseille à l’autoroute B52 (l’actuelle A52, desservant la vallée du Pays d’Aubagne) en passant par le col des Termes. A court terme, l’objectif était de relier Marseille à Allauch afin de créer un report de trafic de la RN8 bis, peu adaptée à une augmentation du trafic, vers la nouvelle S8. En effet, il était prévu sur le secteur nord est de Marseille une forte urbanisation avec l’arrivée du métro et en se basant sur les tendances démographiques positives des années 60. La réalisation du 1er tronçon de la voie express S08 s’est faite concomitamment à la construction de la ligne 1 du métro, allant de La Rose à St Charles (trajet de 1977 à 1978). De ce fait, il a été décidé de juméler les infrastructures de la voie routière avec celle du métro. La mise en service de ce premier troçon s’effectue en 1977. La réalisation du projet était prévue en deux phases; une première concernant le tronçon St Just/Chartreux-Les Olives et la deuxième concernant la suite du parcours jusqu’à Allauch en passant par Château Gombert, via la rue Albert Einstein. Cette dernière phase, qui avait été intégrée dans les plans initiaux de 1989 du technopôle de Château Gombert, n'a jamais été réalisée, car ayant rencontrée d’importants reports ainsi qu’une contestation citoyenne importante. En 1999, le ministère de l’equipement abandonne définitivement le projet d’autoroute entre Château Gombert et l’A52. Dans le même temps, le tronçon St Just/ Les Chartreux - Frais Vallon est rétrocédé au Conseil Général et prend le nom de D4c et le tronçon Frais Vallon - D4 (carrefour des Olives) reste la N527 jusqu’en 2006. Aujourd’hui, l’ensemble de la voie est gérée par le Conseil Général, devenu entre temps Conseil départemental. La partie non réalisée (carrefour des Olives - rue Albert Einstein), dans le giron de MPM, a fait l’objet d’étude pour la création d’un boulevard, dit «boulevard urbain de l’étoile». Cepandant, ce projet de boulevard a été abandonné lui aussi, pour des considérations d'ordre environnementals.

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Figure 23. Une du pĂŠriodique municipal Marseille informations abordant le projet d'autoroute Nord Est. FĂŠvrier 1973

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Figure 24. Article de présentation et d’explication de l’autoroute Nord Est du périodique municipal d’information. Des propositions d’implantation de l’autoroute au delà du carrefour des Olives avaient déjà été formulées

Dans le secteur ou s’implante la voie express, plusieurs grandes opérations ont été entamées ou achevées comme le Technopôle ou la ZAC de Château Gombert. De plus, de nombreux terrains ont été urbanisés dans les quartiers de la Croix Rouge ou Les Olives. Depuis la mise en place de l’échangeur de Frais Vallon en relation avec la prochaine L2, le secteur à proximité immédiate de la Rd4c n’ a connu grâce à lui aucune grande mutation urbaine. Plusieurs projets sont toutefois programmés ou entamés comme la 2ème phase de la

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ligne BHNS B3, l’achèvement de la L2 et la rénovation urbaine de l’ensemble Frais Vallon. Ces projets n’ont pour le moment pas introduit la question de la requalification de la voie express dans les réflexions d’aménagement ou bien un éventuel renouvellement urbain à grande échelle. L’opportunité de requalification de la Rd4c est ici l’occasion pour le département et la Ville de réfléchir au devenir de l’ensemble du territoire concerné. Pour cela, une étude précise doit être menée pour arriver à formuler les problématiques urbaines. L’analyse portera dans une première partie sur l’objet infrastructure et dans une deuxième partie, sur le contexte de ville dans le lequel il s’insère.

L'infrastructure comme objet Deux tronçons distincts En analysant l’objet infrastructure sur toute sa longueur, deux tronçons se distinguent (voir figure 25 et 26) –

Un tronçon qui a des caractéristiques autoroutières compris entre St Just/Les Chartreux et La Rose, au lieu de l’échangeur de Frais Vallon. (voir figure 27)

Un tronçon qui a des caractéristiques de route non urbaine.

Ce constat s’élabore sur l’observation des dispositifs des tronçons pour gérer les flux de circulation, les entrées et les sorties, et les raccordements à la voirie urbaine.

Figure 25. Frise représentant les différents tronçons

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Figure 26. Carte localisant les deux tronรงons distincts

Figure 27. Echangeur de Frais Vallon 66


Le tronçon d’autoroute: Une infrastructure surdimensionnée La gestion des flux sur le tronçon entre St Just/Les Chartreux et La Rose, au lieu de l’échangeur de Frais Vallon, est supporté par des gabarits d’infrastructures importantes, sur les mêmes principes que ceux appliqués à une autoroute. Les profils en travers de la voie font apparaître une large emprise, avec des largeurs comprises entre 40 et 56 m. A noter la prise en compte de l’infrastructure métro dans ces mesures. La largeur de chaque file de circulation est d’environ 3m50. Ces emprises de voies paraissent demesurées au vue de la fréquentation faible remarquée sur le terrain. De plus, elles engendrent un entretien non négligeables (réfection de voirie, nettoyage, etc...) (voir figure 28). Entrées, sorties et raccordement: Accroche à la voirie locale et la L2 Les accès à la Rd4c sont traités de manière à ne pas occasionner de gêne «circulatoire» sur l’ensemble du tronçon ici étudié. Ainsi les entrées et sorties sont intégrées dans des systèmes d’échangeurs. Les échangeurs présents ont une accroche à la voirie locale tout en imposant une certaine séparation entre le trafic dit local et trafic dit de transit. Ceci a pour conséquence la mise en place de structures lourdes, la multiplication de voies, ou bien de giratoires. Les entrées et sorties engendrent un élargissement de l’emprise déjà conséquente de l’infrastructure (voir figure 29). Vocabulaire autoroutier Au delà des gabarits d’infrastructures et des accès qui caractérisent ce tronçon, les équipements utilisés ici construisent aussi l’identité autoroutière. Ainsi, tout un vocabulaire rapporté à l’autoroute est déployé: Glissière de sécurité, panneau de direction sur structures en portique, potence ou haut-mât, ou encore aire avec station service.

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Figure 28. Coupe de la Rd4c entre le conseil départemental et Malpassé

Figure 29. Bretelle de sortie de la Rd4c au niveau de Malpassé

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Tronçon de route La Rose - Les olives La différence entre le tronçon étudié précédemment et la portion de voie entre l’échangeur de la Rose est flagrante. Ici, le tronçon La Rose, au lieu de la résidence La Rose, et Les Olives, au croisement avec la Rd4, est configuré en 2x1 voies puis en 2x2 voies (voir figure 30 et 31). La partie en 2x1 voies est situé quelques mètres après l’échangeur de Frais Vallon. Cette réduction des voies, véritable goulot d’étranglement, a pour conséquence un encombrement routier récurent. Ce resserement doit de plus, dans le sens sud nord, supporter le flux circulatoire provenant de la bretelle d’accès à l’échangeur. Cette transition entre partie autoroutière et partie routière est donc problématique. De plus, pour permettre l’accès à la résidence La Rose côté est, un feu tricolore a été installé, accentuant ce phénomène d’encombrement. La partie en 2x2 voies fait la liaison entre ce resserrement et la fin de la voie express. Cette partie ne comporte aucun système de séparation des voies, sauf à l’approche du carrefour des Olives. Les profils en travers font état d’une largeur d’emprise modérée, allant de 9 m à 20m, sans inclure les bas côtés. La 2ème tranche du projet d’aménagement de la voie BHNS, entre Château Gombert et St Jérôme, va impacter la Rd4c, car passant à proximité. Au regard du projet, un impact sur l’emprise actuelle de la voie est prévu mais semble minimal. Accroche à la Rd4 Le raccordement à la Rd4, route reliant La Rose à La Valentine, correspond à la fin de la voie express. La fin de voie est configurée en carrefour en T. Ce carrefour, régulé par des feux tricolores, est régulièrement congestionné.

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Figure 30. Coupe de la Rd4c sur son tronçon routier

Figure 31. RD4C vers l'ĂŠchangeur de Frais Vallon

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Une infrastructure routière dans la ville: Impact sur le territoire La voie express, de par son gabarit, ses logiques de d’indépendance à la voirie de petite desserte et ses objectifs circulatoires basés sur la fluidité et la vitesse, peut être considérée comme un simple «tube à voiture». Si la partie précédente a présenté l’objet infrastructure dans son ensemble, la partie qui suit établit un constat sur le contexte urbain impacté par ce «tube à voiture». En effet, l’impact territorial de cette voie rapide est multiple. Il est de l’ordre du spatial et du social. La Rd4c a ainsi des conséquences sur l’habitat, les déplacements et le paysage dans les quartiers traversés. Conséquences qui sont souvent handicapantes pour la vie de quartier, ou des lieux potentiels de sociabilités sont neutralisés. Car si ces voies sont construites sur des objectifs de désenclavement, parallèlement, elles induisent, par leur configuration, des phénomènes d’enclavement. Des lors apparaît de prégnantes logiques de ségrégation, accentuées par des logiques d’isolement. Ces logiques prennent lieux, dans le contexte social difficile du Nord Est de Marseille.

La RD4c et la destructuration du réseau Le réseau par définition désigne au sens concret un «ensemble formé de lignes ou d’éléments qui communiquent ou s’entrecroisent». Au sens figuré, il signifie un « ensemble de relations» ( 26). Pour cette étude, ici, le réseau sera considéré non pas sur l’ensemble de la commune mais à l’échelle du secteur étudié. Au regard de la configuration actuelle des voies et de leur adaptation à la voie express, la «communication», «l’entrecroisement» et la «relation» n’existent pas ou bien ne sont pas optimisés. Si, d’après la définition, il n’existe donc pas un véritable seul et même réseau autour de la Rd4c, il règne en fait un ensemble de petits réseaux isolés, raccordés seulement à une voie structurante à l’échelle de la ville. Ces réseaux de voies fonctionnent indépendamment de la voie express bien sûr mais aussi des réseaux en présence. Il régne donc un ensemble de petits systèmes de voies dont le dialogue avec les autres réseaux a été brouillé, voir rompu par la présence de la Rd4c. 26 Définition du dictionnaire Larousse

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Sont constatées aux abords de la RD4c différentes configurations sous forme de passage souterrain, de passerelle, de voie parallèle ou bien voie en impasse (voir figure 32).

Figure 32. Plan des voies impactées par la RD4c

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Relation entre RD4c et habitat: Des stratégies complexes Les poches d’habitats se trouvant à proximité de la Rd4c sont confrontés à différentes relations à la voie rapide (voir figure 33). La première relation est celle de l’indépendance ou de l’ignorance de la voie express. En effet, certaines poches d’habitats n’ont aucun lien physique avec la Rd4c. Elles dépendent ainsi d’autres voiries structurantes. Ceci est le cas sur presque l’ensemble du piémont et plateau urbanisés de Montolivet à l’est de la voie. En effet, l’essentiel des poches d’habitat se connecte à l’Avenue de Montolivet. Pareillement pour le grand ensemble de Frais Vallon. Cette même relation est visible sur une partie du côté ouest, dépendant du Boulevard Barry ou de l’avenue de la Rose. Une autre relation visible est celle de l’adaptation, avec des habitations qui dépendent d’une voirie parallèle immédiate de la voie rapide mais sans lien physique. Cette relation est visible essentiellement sur les côtés est et ouest entre la station de métro Malpassé et l’échangeur de Frais Vallon. Enfin, une dernière relation est visible à la résidence la Rose. Elle est de l’ordre de la dépendance. En effet, les accès routiers et piétons se font directement sur la voie rapide. Si le côté ouest de la résidence dispose cependant d’une sortie annexe, sur l’avenue de la Rose, le côté est, est lui complètement enclavé et dépendant de la Rd4c.

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Figure 33. DiffĂŠrentes relations Ă la voie rapide

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De la villa à la tour, des quartiers mosaïques Le long de la Rd4c, il possible de voir un panel assez complet de types d’habitat. Des quartiers pavillonnaires, des résidences fermées, des noyaux villageois, de la ville dense, des grands ensembles HLM et même des bastides composent le tissu urbain dans un rayon plus ou moins large autour de la Rd4c. Les différentes formes urbaines se suivent et s’imbriquent les unes aux autres dans une certaine incohérence globale. En effet, elles ont été construites à différentes époques. Quelques formes urbaines sont issues de plan de planification comme les grands ensembles de Frais Vallon, la résidence de la Rose ou bien quelques zones pavillonnaires. D’autres comme les résidences fermées actuelles sont construites au gré des opportunités foncières, sans véritables réflexions d’insertion sur le territoire à moyenne ou grande échelle. Ainsi, il en ressort un territoire fragmenté, basé sur des volontés d’isolement et de séparation. Chaque forme urbaine développent ses logiques d’enfermement et de cloisonnement. Cela s’illustre sur le territoire par un ensemble de dispositifs: Barrière, grillage, mur, digicode, portail, etc. En plus des barrières physiques crées par l’infrastructure de la Rd4c, issue des principes de séparation des flux, les logiques privés accentuent donc les phénomènes de ségrégation spatiale et sociale.

La RD4c comme obstacle au piéton. La Rd4c apparaît comme barrière physique autour de ces différents lieux habités. Une barrière physique pour la circulation automobile locale mais aussi pour la circulation piétonne et les mobilités douces. La Rd4c a été construite à une époque où la pensée routière et autoroutière prévalait à tous les autres modes de déplacements urbains, notamment la marche à pied. Une époque où le piéton n’était considéré autrement que comme un obstacle à la circulation automobile. Pour cela, de nombreuses formules des années du tout-voiture ont été appliquées ici: inexistence de trottoir sur la voie rapide, séparation avec des glissières de sécurité ou mur en béton, mise en place de pont piéton en remplacement des passages cloutés avec feux tricolores. La déambulation piétonne n’est pas considérée le long de cet axe. Seules les voies parallèles disposent d’aménagement tels que des trottoirs. Mais au regard des aménagements plus que rudimentaires dont ils disposent (faible largeur, inexistance de mobilier urbain, présence anecdotique d’ombre), leur confort et leur «attractivité» s’en trouvent fragilisés. 75


Un potentiel d’espace public neutralisé Au delà de la mobilité piétonne, ce sont aussi les lieux d’interactions sociales qui n’ont pas été pensés. Dans les milieux urbains, les interactions sociales se font généralement sur un espace public large, ouvert, accueillant et reconnu comme tel. Ces espaces publics ont plusieurs aspects mais très souvent prennent la forme de place. La place est ainsi un lieu de rencontre, d’échange, de discussion, de repos. Elle est aussi une scène pour la représentation collective d’une société urbaine. L’espace public ici le long de la Rd4c est configuré pour circuler, pas pour y stationner, échanger, ou bien se rencontrer. Si la configuration des rues n’offre pas les garanties d’une socialité sur ce territoire, les places ou les grands espaces repérés eux ne les permettent que difficilement. En effet, les quelques places ou jardins se trouvant le long de la Rd4c se trouvent mal aménagés, peu entretenus ou mal exploités. Mais au delà de ces problématiques, ces espaces souffrent en premier lieu d’un manque de considération, justifié par leur proximité immédiate avec la voie rapide. Et si la rue souffre d'handicaps certains, énoncés précédemment, ces derniers se répercutent sur l’élément urbain suivant, la place. En attendant l’émergence de véritables lieux communs, les espaces provisoires de représentation collective sont relégués à un pied d’immeuble, un parking, un couloir de métro, ou bien un arrêt de bus. Ces espaces sont les seules pièces urbaines que la voie rapide n’a pas réussi à neutraliser.

Le métro, autre composante de la voie express L’infrastructure de la Rd4c a été construite concomitamment à celle du métro. Les voiries encerclent l’emprise métro du débouché de la station St Just à la station de métro Frais vallon. Les rails du métro sont ici un séparateur des sens de circulation. Le choix d’avoir jumelé ces deux infrastructures n’est pas sans conséquence sur la configuration des stations de métro et leur intégration dans le contexte urbain. Au regard du faible confort des trottoirs autour de cet axe, l’attractivité des stations peut être impactée. Les stations de métro, au delà de leur rôle point de rabattement pour le réseau bus, se doivent 76


également d'être un point de rabattement facile et accessible pour les piétons.De ce fait, la pratique de la marche autour des accès métro se doit d’être sans obstacle et dans un confort acceptable. Ces critères garantissent ainsi l’attractivité et donc la fréquentation de la station. Dans une période marquée par le modèle du développement durable, ces critères non remplis peuvent être un handicap certain pour un moyen de transport censé, d’après les objectifs du plan de déplacement urbain (PDU), porter les enjeux de réduction du trafic automobile, principale cause de la pollution atmosphérique. Les stations étudiées ici sont celles de Malpassé et Frais Vallon, pour leur intégration totale dans l’infrastructure de la voie, et la station St Just, dont l’environnement immédiat est impacté par la voie. Métro Malpassé La station de métro Malpassé est une station aérienne à quai central. Située sur une section de voie surélevée, la sortie des usagers du métro se fait en dessous du niveau des quais par une sortie se trouvant sous le tablier de la voie. La sortie du métro donne sur un terminal de bus ainsi que sur un parking profitant de l’espace dégagé produit par la mise en élévation de la voie. Le terminal de bus permet le rabattement des usagers vers la station. Ce rabattement est assuré par de nombreux bus desservant les secteurs nord et nord est. Le parking est essentiellement utilisé pour sa proximité avec la station de métro. N’étant pas annoncé comme un parking relais et n’étant pas exploité par la RTM (qui exploite l’ensemble des parkings relais de la commune), ce parking sert pourtant de support pour une rupture de charge entre la voiture et le métro. D’ailleurs, une emprise au PLU est réservée à proximité dans l’objectif d’augmenter la capacité du parking et optimiser sa situation à proximité de la station. Si les accès en bus et voiture sont simples, ils semblent moins évidents pour le piéton. La présence du parking et du terminal bus provoquent des effets de coupure dans le cheminement piéton De plus, ils provoquent, du fait de l’aménagement actuel de l’espace, un climat peu accueillent pour les piétons. Cela peut avoir un impact sur la fréquentation de la station, rendant son positionnement géographique stratégique dans le tissu urbain peu optimal Autre démonstration d’un positionnement géographique stratégique non optimisé, sa situation en contrebas du plateau de Montolivet.

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En effet, le rayon d’attractivité d’une station de métro est souvent établi à 500m. Si ce rayon peut être effectif dans un environnement plat, avec un maillage de cheminements piétons performant, il perd sa pertinence dans un territoire vallonné et cloisonné. Ce constat, au delà de l’étude du territoire, s’est révélé être juste avec l’expérience de l’arpentage sur le terrain. C’est ainsi que certaines habitations installées à 300m à vol d’oiseau de la station métro, sont situées en réalité à 1,5 km et 20 min de marche de cette dernière en empruntant le réseau viaire (voir figure 34). De ce fait, une perte d’usager potentiel à proximité de la station peut être considérée. Cette donnée doit être intégré pleinement dans les objectifs de la requalification de la voie express.

Figure 34. Cheminement piéton autour de la station de métro Malpassé

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Station Frais Vallon La station Frais Vallon est une station aérienne à quai latéraux. Située sur une section de voie de plain pied, la sortie des usagers du métro se fait sur une plateforme située au dessus de la station. Cette plateforme accueille la salle des tourniquets mais aussi un couloir d’accès public reliant le village de La Rose à l’ensemble Frais Vallon. Contrairement à celle de Malpassé, la station de Frais Vallon dispose d’accès piétons immédiats convenables. Toutefois, au regard de la configuration du quartier, des effets de coupure sont à prendre en compte, notamment avec la présence de l’échangeur L2 de Frais Vallon, pouvant rendre les cheminements piétons peu confortables et agréables. Constat similaire avec la configuration de la résidence la Rose côté est et son accès problématique sur la voie express. Le cheminement piéton est ici peu agréable, voire dangereux. Métro Saint Just Si la station de métro St Just n ‘est pas englobée dans l’infrastructure de la voie express, son environnement est cependant impacté par la proximité de cette dernière. La station est située sous l’Hôtel du Département. Le parvis du Dôme permet un accès à la station aisée et une totale lisibilité dans le cheminement piéton depuis l’avenue de St Just. Si le côté ouest de la station semble confortable pour la marche, le cheminement piéton depuis les quartiers desservis à l’est accuse lui certains handicaps. La voie coupe la liaison entre la station et les quartiers en piémont du plateau de Montolivet. Seul un accès en souterrain permet le raccordement. Ce raccordement rallonge les temps d’accès à la station depuis certaines rues. De plus, au regard de l’aspect visuel du souterrain et de la largeur des trottoirs , la marche vers la station ne peut se faire dans des conditions agréables.

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Le délaissé, terrain fertile le long des voies La construction d’infrastructure, notamment routière, induit généralement la production de délaissés, des terrains qui ne sont affectés à aucun usage défini. Les délaissés d’infrastructures sont souvent de taille modeste, inscris dans une linéarité, aux abords des voies, et correspondent à une zone non aedificandi, c’est à dire de non construction. Ces zones sont soit voulues par un éventuel plan d’urbanisme, soit induites par les aménagements de l’infrastructure (talus, mur de soutènement, produit de déblais ou remblais, etc...). Ces délaissés peuvent être aussi de taille plus conséquente, et concerner des terrains non urbanisés dont la voie a compliqué les accès. Dès lors, tous ces terrains s’inscrivent dans des logiques de mise à distance de la ville vis à vis de la voie. C’est alors que, en l'absence d’affectation ou d’usage précis, se développe le long de la voie express, une végétation, de strate herbacée à arborée. La présence du végétal sur certains tronçon de la Rd4c est flagrante. Outre l’aspect écologique, basé sur des critères de biodiversité, cette présence a un fort intérêt esthétique, qui ne peut être négligé dans un environnement «balafré» par la voie express. Et au regard des pollutions atmosphériques et sonores que peuvent produire de telles infrastructures, cette végétation associée à ces délaissés peut agir comme isolant phonique et filtre à pollution, propice à l’amélioration de l’environnement et du cadre de vie des habitants.

Des poches de nature le long de la voie... Les délaissés aux abords de la voie sont pour la plupart dotés d’un bon couvert végétal composé de feuillus et de résineux. Cette végétation ne profite à aucun usage urbain. Seul un jardin à la fréquentation faible et à l’entretien quasi inexistant se glisse sous le couvert végétal dans le quartier de St Just. De par l’organisation en poche et la configuration de la voie et de ses abords, la végétation ne forme pas un réseau végétal continu.

... Dans un contexte urbain propice à la végétation La voie express s’insère dans un quartier à forte tendance pavillonnaire et résidentielle. 80


Ces formes urbaines sont souvent accompagnées d’espaces au sol perméable, jardinés et arborés.Cet accompagnement végétal est fortement visible dans le contexte urbain de la voie. A cela s’ajoute certains espaces non urbanisés étant le support de bois, ou de prairie, inclus dans un jardin public ou pas. C’est alors qu’un véritable réseau de nature englobant la voie et les quartiers, apparaît à l’échelle du secteur.

Le Jarret Autre composante de ce réseau de nature visible sur le territoire étudié: le Jarret. En effet, ce cours d’eau, qui prend sa source dans le massif de l’Etoile, coule à proximité de la voie rapide. Certaines parties du Jarret, parties situées principalement dans le quartier des Olives, développent une ripisylve plus ou moins large, complétant ainsi «l’offre» végétale du territoire. Aujourd’hui, cette végétation associée au Jarret n’est pas valorisée. Pire, tout un déploiement de moyens ne permet pas à cette dernière de s’exprimer. Le bétonnage des berges et le recouvrement du ruisseau sont en effet utilisés sur quasiment l’ensemble de son parcours sur la commune de Marseille (voir figure 35). L’établissement passé des usines, puis le développement de l’habitat au plus près du cours d’eau, a limité les berges à un simple linéaire se confondant soit avec la voirie actuelle soit avec le lit même du ruisseau. Lors de la mise en chantier de l’actuelle RD4c le Jarret à l’endroit même de la voie été soit enterré, au niveau de l’échangeur Frais Vallon, soit ceinturé par un système de palplanches.

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Figure 35. Coupe du tronçon de la Rd4c tronçon routier. Relation avec le Jarret

Les abords de la Rd4c, lieu d’expression du passé La Rd4c s’insère dans la couronne périphérique de Marseille. Jusqu’au début du XXè siècle, cette couronne été faiblement urbanisée. Elle accueillait industries, terres agricoles, forêts mais aussi bastides, lieux de villégiatures pour la bourgeoisie marseillaise. Sur le nord est de la commune, où se situe actuellement la voie express, les terres ont été essentiellement occupées par des exploitations agricoles et quelques bastides. Quelques usines aussi se sont établies ici, profitant de la présence du Jarret. Si l’urbanisation vers la périphérie du dernier siècle et la construction de la voie express ont totalement changé la physionomie des quartiers, il existe encore quelques reliquats de ces occupations et usages passés, principalement agricoles, le long de la Rd4c. L’insertion de la voie express dans ces quartiers en a profondément modifié le caractère. Mais avec l’établissement de ses délaissés, la voie a semble t-il permis l’élaboration d’un patrimoine végétal d’une part mais aussi la conservation d’un patrimoine historique, aujourd’hui occulté, d’autre part.

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La prise en compte dans le PLU Les nombreux espaces boisés du secteur sont pour la plupart protégés à différents degrés dans le PLU. Il peut s'agir soit d'Espaces Boisés Classés soit d'espaces classés au titre du L.123.1-5-7 du code de l’urbanisme soit comme étant des espaces vert d’accompagnement, supposant une protection limitée, soit comme étant des espaces vert à protéger ou espace boisé à conserver, induisant une protection importante. Certains de ces espaces boisés ont fait l’objet de fiches paysage dans le cadre de l'élaboration du PLU. Ces fiches proposent une description de l’état actuel des lieux et une retranscription des éventuels intérêts paysagers, écologiques, environnementaux, sociaux, culturels ou historiques de ces espaces. Aux abords et dans les quartiers traversés, quelques espaces de nature sont proposés à la conservation ou à la valorisation.

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Quelle(s) identité(s) territoriale(s)? L’identité est une construction permanente et collective, essentielle à l’édification d’un individu, et de sa conviction d’appartenir à des ensembles sociaux et territoriaux dans une société. Elle se nourrit par un ensemble d’apports sociaux, culturels, historiques mais aussi territoriales, à l’échelle d’un pays, d’une ville ou bien d’un quartier, échelon qui sera mobilisé ici. L’élaboration d’une certaine identité territoriale se base donc en partie sur un support spatial, ici le quartier. Le quartier, au delà de la toponymie, donne et produit des repères visuels, sociaux et emblématiques. Le sentiment d’appartenance à un territoire se construit sur une expérience et des représentations partagées, d’une histoire et d’une mémoire commune. Dans un environnement fortement cloisonné, où l’espace public est peu considéré et les phénomènes de ségrégation sont visibles, quelles sont les pièces urbaines qui fondent ce sentiment d’appartenance? Si la question semble clairement destinée aux habitants du quartier, cette étude prend le parti de formuler une réponse subjective sur ce que peuvent être ces lieux, avec un regard à la fois de l'ordre du simple constat mais aussi prospectif. Au delà des constats établis, des chiffres énoncés, et des problématiques posées, regroupés dans cette étude, l’expérience du terrain a son importance et pose certaines questions qu’elle seule peut formuler. C’est pour cela que cette étude propose une retranscription du travail de terrain réalisé avec pour objectif de repérer ces éléments urbains actuels ou potentiels qui fabriquent ou peuvent fabriquer une identité territoriale commune et partagée (voir figure 36 et 37).

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Figure 36. Dessin reprĂŠsentant les lieux marquants et emblĂŠmatiques, planche de gauche

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Figure 37. Dessin reprĂŠsentant les lieux marquants et emblĂŠmatiques, planche de droite

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RD4C PISTE DE PROJET

Vers un boulevard urbain La demande formulée par le conseil départemental à propos de la Rd4c se base sur les orientations d’aménagement préconisées par les différents plans produits par MPM (PLU et PDU). Ces derniers envisagent le déclassement de la voie express et se transforme en BUM. Si cette demande peut paraître justifié au regard du paradigme du développement durable auquel les politiques publiques s’adaptent, elle paraît pour le moins étonnante face aux logiques qui ont mené aux profils actuels de la voie. Lors de ses différents dessins, la voie a pris successivement l’aspect d’un boulevard, d’un parkway, d’une voie rapide, pour finalement lors de sa mise en chantier, prendre le profil qu’elle affiche aujourd’hui, celui d’autoroute. Ce profil choisi a été le fruit de logiques séparatives, ségrégatives et de hiérarchisation des modes et des flux de circulation. L’idée à l’époque était d’avoir une séparation nette entre la circulation de transit et la circulation locale dans les milieux urbains. Le flux automobile se devait d’être indépendant de «l’événement urbain», en évitant toute perméabilité et en évitant le croisement avec la voirie local. Pour la réalisation de la S08 dans les années 70, les choix politiques de sa mise en œuvre se sont basés sur ces mêmes logiques donnant l’évitement et le non croisement garants d’une bon écoulement du trafic et d’une vitesse de déplacement élevée.

Un fonctionnalisme à supprimer Ainsi la Rd4c actuelle n’est pas le résultat de l’évolution d’une route ancienne mais a été créée ex nihilo. Le gabarit autoroutier appliqué en grande partie sur la voie rend impossible, encore aujourd’hui, des mutations urbaines le long de la voie. Car, à juste titre, le profil choisis ici se veut être l’expression d’une séparation obstinée entre la ville et la route. Si les phénomènes d’isolement, basés sur des logiques privées, peuvent difficilement être remis en cause dans l’immédiat, la ségrégation spatiale produite par la voie peut être atténuée, voir effacée.

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Pour cela, déconstruire les doctrines fonctionnalistes qui ont guidé l’aménagement de cette voie et l’ont éloigné du fait urbain, semble être une méthode possible pour envisager l’avenir de la Rd4c et l’évolution de son contexte territorial. Méthode qui trouverait sa pertinence dans l’intention de rendre à cet axe des caractéristiques urbaines. Le profil du boulevard projeté se devra donc d’être l’expression du démantèlement logique des doctrines fonctionnalistes.

Des enjeux sanitaires à ne pas occulter Les réflexions d’aménagement devront prendre en compte les dégâts sanitaires que la voie engendre actuellement. Le passage de la voie, par le trafic qu’elle supporte, produit des pollutions sonores et atmosphériques loin d’être négligeables. Cet aspect aujourd’hui est considéré dans le PDU, qui établit un nombre important de préconisations et d’objectifs pour le traiter. De ce fait, les politiques publiques espèrent augmenter la part des transports publics ou des modes doux dans les déplacements quotidiens. Dans le même temps, elles s’engagent à requalifier les infrastructures routières héritées du passé. L’envergure des modifications circulatoires et urbanistiques dans le projet rendrait ainsi crédible les choix politiques, éthiques et sociétaux retranscrit dans le PDU et donnerait un certain crédit aux discours au delà du centre ville.

RD4c dans les objectifs du PDU La Rd4c, située dans la proche périphérie marseillaise, est une voirie structurante dans le plan de circulation que la ville de Marseille a adopté. Calqué sur les schémas d’organisation radioconcentriques de circulation, ce plan de déplacement place donc la voie express actuelle comme un axe hérité du passé à conserver mais à requalifier. Conserver car cet axe se doit de remplir les objectifs d’écoulement du trafic de transit provenant des communes limitrophes de Marseille, c’est à dire Plan de Cuques et Allauch. Requalifier car la situation de la RD4c en partie à l'intèrieur de la rocade L2 justifie un statut de boulevard urbain, au regard du schéma de circulation établi. De nombreux projets de transformations d’autoroutes ou de voies rapides en avenues 88


urbaines existent. Si les contextes urbains, pour la plupart, sont différents, ils peuvent constituer cependant de bonnes références afin d’enrichir les réflexions. Il est vrai que ces références concernent essentiellement des espaces centraux et/ou littoraux à fortes valeurs patrimoniales. Cependant, les reconversions possibles de la voie rapide n’en demeurent pas moins similaires. Lors de ces mutations urbaines, il a été remarqué, au delà de l’atténuation ou la suppression des impacts de ces infrastructures, un regain d’intérêt, une revitalisation et une réappropriation des espaces publics alentours. Si le projet de requalification de la RD4c fait l’objet d’une volonté politique forte, en accord avec ce territoire, ses habitants et ses enjeux, il pourra être fait usage d'aménagements similaires. L’expression de cette volonté, des lors, dépendra du positionnement du curseur sur ce qui sera nommé ici, l’échelle des possibles (voir figure 38).

Figure 38. Échelle des possibles

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Projet Réintroduire la voie dans la ville est la clé de la réussite du projet. Il est important de préconiser «des solutions qui sauvegardent le plus possible la personnalité urbaine» (Marcel Poëte, 1935). Pour ce faire, la stratégie de projet peut être séquencée en 5 temps (voir figure 39): –

Apaiser la voie en modifiant son profil en travers;

Renouer avec le tissu urbain existant en réintroduisant les logiques de croisement avec le réseau viaire local;

Activer un potentiel d’espace public par des aménagements en lien avec le contexte du site;

Connecter les différents espaces publics entre eux afin de créer un véritable réseau de lieux communs ;

Retrouver le cours d’eau du Jarret pour créer un système cohérent à l’échelle de la ville.

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Figure 39. Description de la stratĂŠgie de projet

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Plan guide: Réintroduire la voie dans la ville Ce plan définit les axes structurants du projet basé sur l’enjeu exposé précédemment. En relevant les lieux majeurs à réaménager, il ne répond pas seulement à une requalification de voirie mais à un véritable projet urbain (voir figure 40)

Figure 40. Plan guide

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Apaiser la voie La Rd4c est réaménagée dans toute sa longueur. Composé de deux tronçons différents, l’axe impose des interventions propres à chacun. Ces interventions s’inscrivent cependant dans une cohérence globale. Sur son tronçon autoroutier, la Rd4c dispose d’un profil en travers composé de la structure métro. Le parti pris est de limiter la circulation automobile ou côté ouest de la structure métro. La voirie de la Rd4c est surélevée actuellement entre la station Malpassé et l’échangeur de Frais Vallon. Le niveau actuel de la route est ramené au niveau du sol. La Rd4c ouest et le boulevard Lagnel sont ainsi confondus en un seul boulevard urbain (voir figure 41).

Figure 41. Coupe projet entre le métro Malpassé et l'échangeur de Frais Vallon

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Habituellement, le nombre de voies de circulation automobile conditionne la place des autres modes de déplacement. Ce projet offre l’opportunité d’avoir une réflexion inverse. Quelle place pour les habitants, les piétons, les modes doux, et enfin quelle place pour la voiture ? Tout au long de la voie, la circulation piétonne est prise en considération. Ce boulevard est l’axe piéton structurant inscrit dans un schéma à plus grande échelle. Il admet dans ses aménagements la circulation, la déambulation et le stationnement. Le piéton prend place sur de larges trottoirs agrémentés de bancs et dans la mesure du possible, à l’ombre. Cet axe assure la fonction circulatoire. Les aménagements accordent une place à la voiture sans pour autant lui concéder l'hégémonie. Il est important de noter la réduction de largeur de voie possible, qui passerait de 3m50 actuellement à 3m, voir 2.80. Ces nouvelles largeurs de voies permettent de dégager des emprises non négligeables. Entre le siège du Conseil Départemental et la station Malpassé, le projet privilégie la solution en 2x1 voie complétée par une voie supplémentaire dont le sens circulatoire reste à définir par le commanditaire. Cette portion dispose d’un trottoir large et arboré du côté ouest de la voirie. Quelques places de stationnement sont disposées de manière épisodique. Entre la station Malpassé et l’échangeur Frais Vallon, la portion est traitée en 2x1 voie, complétée par une voie permettant le tourne à gauche et le tourne à droite. Une contre allée est créée, sur le principe des plateaux piétons, afin de desservir les petites zones pavillonnaires. Au niveau de l’échangeur Frais vallon, les bretelles d’accès sont intégrées au boulevard urbain. Elles sont élargies et mises à double sens. Une voie est maintenue dans le sens sud nord en parallèle du métro et évite l’échangeur. Sur le tronçon routier, la voie est jumelée avec le projet BHNS. La mise en place du site propre est l’occasion de réorganiser le profil de la route. La passerelle piétonne du métro est prolongée pour élargir le passage (voir figure 42).

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Figure 42. Coupe projet au niveau de la station Frais Vallon. Passerelle piétonne prolongée

La circulation automobile est maintenue en 2x1 voie sur le tronçon routier actuel. Une troisième voie peut être intégrée à l’approche du croisement avec l’avenue des Olives pour une meilleure gestion du carrefour.

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Renouer avec le tissu urbain La remise à niveau de la Rd4c par rapport à la voirie actuelle permet de retrouver les croisements avec les axes structurants du quartier. La voie n’est pas un objet à part mais intégré. Les rues à croiser sont choisies en fonction des possibilités techniques, des potentialités de mutations urbaines fortes et des améliorations des liaisons inter-quartiers nécessaires. La circulation piétonne provenant des quartiers traversés est acceptée et sécurisée. Pour ce faire, un jeu de plateaux piétons organise les places publiques placées le long du boulevard urbain. Les cheminements piétons sont réorganisés, notamment autour des stations de métro. La création de nouvelles transversales piétonnes permettent une meilleure accroche à certains quartiers, comme Montolivet ou la cité Frais Vallon. Ces transversales prennent l’aspect de venelles, sauvegardant la personnalité urbaine du site. Le plateau piéton est aussi utilisé sur le croisement avec l’échangeur L2 (voir figure 43). Les automobilistes sortant de la rocade sont ainsi informés du caractère urbain de l’espace sur lequel ils pénètrent et modèrent leur vitesse. Des lors, l’échangeur est considéré comme une pièce urbaine sur laquelle l’identité de ville s’exprime pleinement (voir figure 44). Un traitement similaire est réalisé au croisement de la RD4c et de l’avenue des Olives.

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Figure 43. Plateau piéton à la sortie de la bretelle d'autoroute de la L2

Figure 44. La place publique comme lieu fédérateur, affirmant l'identité urbaine

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Activer un potentiel d’espace public La voie intégrée dans le réseau viaire permet la réactivation d’espace public potentiel aujourd’hui neutralisé. La réorganisation totale de l’entrée sud, au croisement Flemming/ M.Juin permet une baisse de l’emprise de la voirie. Cette libération de l’espace permet la création d’une vaste place, au centre d’un nouveau quartier (voir figure 34). Elle améliore les circulations piétonnes de part et d’autre des rues adjacentes. Le front bâti, côté est, est retravaillé par la construction d’immeubles. Il permet une meilleure transition des échelles entre l’habitat existant de faible hauteur et le siège du Conseil Départemental. L’espace dégagé et animé par des commerces, assure la fonction de porte d’entrée nordest du grand centre ville (27).

Figure 45. Espace public renouvelé autour siège du conseil départemental

27 Carte « SCOT MPM – Centralité métropolitaine hyper-centre » du Scot de MPM approuvé en juin 2012, Document d'Orientations Générales (DOG), p 118.

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Le parking actuel de la station Malpassé sous le viaduc de la voie express est réaménagé en vaste place piétonne (voir figure 46). La destruction des tabliers libère l’horizon et permet une meilleure luminosité. La circulation routière est disposée sur les côtés. Le terminal bus est maintenu à la sortie de métro. La réservation au PLU pour l’extension du parking actuel est levée. L’ensemble des places de stationnement est supprimé et délocalisé dans un nouveau parking relais situé à l’échangeur Frais Vallon. En effet, le positionnement géographique du parking actuel est incohérent au regard du plan de circulation appliqué (cf PDU). Son repositionnement sur un noeud routier et disposant d’un transport en commun efficace semble plus pertinent.

Figure 46. Place publique station Malpassé

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L’intégration de l’échangeur L2 dans la ville permet une nouvelle organisation spatiale. Les études portant sur la rénovation urbaine de Frais Vallon révèlent un potentiel commercial à la sortie de l’échangeur. A l’occasion d’une éventuelle création d’un pôle d’activité sur le foncier libéré par la démolition de la tour H, le projet préconise la création d’un parking relais d’importance afin de pallier à la suppression du parking Malpassé et à la délocalisation de l’actuel parking Frais Vallon saturé. Le parking construit en silo profite de la proximité du métro et du BHNS. L’accès piéton est facilité par la création d’une vaste esplanade ouverte sur le quartier. Le projet BHNS actuel ceinture un parking délaissé derrière le village La Rose mais ne propose aucun aménagement global. La requalification de la Rd4c présente l’opportunité d’intégrer cet espace dans les réflexions (voir figure 47)

Figure 47. Échangeur intégré dans la ville

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Plus loin, les terrasses agricoles sont remises en culture par la création de jardins partagés (voir figure 48). Au delà de la valorisation des terres fertiles, ce projet intègre un volet social en participant à la dé-ghettoïsation des pratiques dans un territoire fortement cloisonné.

Figure 48. Des jardins partagés sur les anciennes terrasses agricoles

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Connecter les différents espaces publics Les différents espaces publics crées sont les composantes d’un réseau. Ce réseau prend corps à l’occasion de la création d’un parc linéaire le long de la voie. Le parc remplace ainsi la voirie côté est de la Rd4c (voir figure 49). Réalisé avec une économie de moyens, il doit être le reflet de l’ingéniosité des concepteurs dans la recherche de solutions peu onéreuses et durables. La réutilisation des matériaux de voirie peut être une solution logique et originale et permet une réduction des coûts de traitement des déchets. Ce nouveau parc linéaire permet de connecter les différents lieux de vie. Il permet aussi de rattacher les différentes poches de nature visibles sur les délaissés d’infrastructures. La station service actuelle est reconvertie en équipement de parc: buvette, toilettes, etc..

Figure 49. Place devant la station de métro Malpassé, connectée au parc linéaire. Réutilisation d'une partie du tablier Est pour une passerelle piétonne.

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Retrouver le cours d’eau La présence du Jarret permet une connexion naturelle au reste du territoire. Le parc crée, se prolonge donc au nord sous la ripisylve associée au cours d’eau et au sud sur la rocade réaménagée. La section du Jarret comprise entre Les Olives et St Just dispose d’une emprise réduite induite par un tissu urbain à proximité immédiate. Dans le cadre d’un réaménagement des berges au profit des habitants, la section n'offrirait que peu de choix d’aménagements. Le parc créé le long du boulevard urbain est le segment remplaçant. Cette inscription dans le grand territoire permet au parc d’être un trait d’union entre les communes limitrophes (Allauch, Plan de Cuques) et le centre ville de Marseille (voir figure 50). Pour accompagner ce rayonnement au delà de la commune, le parc dispose d’aménagements cyclables, sous la forme de «route à vélo». Les cyclistes profitent ainsi de la planéité relative actuelle de la voie sur une longue distance.

Figure 50. Schéma d'insertion du parc à grande échelle, avec le Jarret comme fil conducteur

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3)

CONCLUSION : LES PREMICES DE LA VILLE DURABLE

La partie que nous venons d'aborder présente une partie du travail effectuée à la Ville de Marseille. Le parti pris ici est d'inverser le regard sur une requalification de boulevard afin de ne pas tomber dans une transition route-rue à minima. Nous l'avons vu à travers le projet de requalification du Jarret, le premier « module » placé dans le profil de la rue est celui destiné à la circulation automobile. De là, se rajoutent les autres modules au gré des possibilités. Une vision routière qui gouverne alors au détriment du contexte urbain et d'une amélioration de la qualité de vie. Sur le projet de la Rd4c, les « modules » ne sont placés ni de manière chronologique ni de manière systématique. Leur intégration et leur placement ne répond pas uniquement à des enjeux circulatoires. Ils répondent à un contexte, qui comme nous l'avons vu, se doit d'être renouvelé. SI certaines propositions semblent répondre aux enjeux de la ville « soutenable », d'autres recyclent des préceptes actuels que nous avons précédemment qualifiés de peu durables. Cette auto-critique est formulée en prenant l'exemple de la proposition de création d'un parking relais. S'il répond à des objectifs de réduction de trafic sur le boulevard, ainsi que dans le centre ville, il s'attache à une vision routière à plus grande échelle. En effet, cet axe est défini dans un schéma circulatoire de circulation à grande échelle comme porte d'entrée, rattaché à une rocade autoroutière. La gestion de ce statut dans les propositions d'aménagement fait état des difficultés à répondre aux enjeux des déplacements durables métropolitains à travers la requalification d'un axe. Cependant, les propositions de projets formulées ici tentent de répondre aux enjeux environnementaux de ce territoire, sur la base de ses potentiels. Leur prise en compte sera la garante de la réussite du projet. Un projet dont les ambitions de simple requalification, devra d'abord connaître une reformulation de son énoncé. Il en va du renouveau des quartiers traversés et d'une application réelle des visions de la ville durable.

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CONCLUSION GENERALE

Ce mémoire, intitulé « De la route à la rue : chronique de la longue transition marseillaise » avait pour but de décrypter les réflexions et les visions prospectives sur une pièce urbaine de notre quotidien, la rue, dans une ville réputée pour sa politique « tout bagnole ». Rétrospective sur le déroulé du mémoire Dans une première partie, nous sommes revenus sur un période de l'histoire marseillaise qui a mis à mal l'identité de la rue jusque là préservée. L'idée n'était pas d'avancer que la rue n'avait jamais connu de mutation jusqu'au XX e siècle, bien au contraire. Plusieurs événements dans l'évolution morphologique des villes nous prouvent en effet que la rue s'est toujours renouvelée : la rue devient boulevard à l'occasion de la destruction des remparts dans de nombreuses villes au XVIII siècle, la rue devient avenue lors des grandes percées dans les tissus urbains existants, etc. Si nous avons conscience que la rue a été toujours soumise à des évolutions légitimes, elle continuait cependant d'être le théâtre d'interactions sociales, fruit de la scène qu'elle représentait. Des interactions qui allaient se justifier par la permission accorder à chaque mode de déplacements de s'exprimer. A travers cette partie, nous avons voulu montrer que l'arrivée de la voiture allait enclencher une évolution urbaine sans précédent. La rue a été sacrifiée sur l'autel d'un nouveau paradigme, celui de la vitesse de déplacement comme essence, et l'automobile comme étendard. Un paradigme porté par des doctrines fonctionnelles produisant des logiques ségrégatives. La rue est alors devenue exsangue par leur application acharnée, devenant ainsi une pièce urbaine vétuste et obsolète. Une pièce ne pouvant se conformer à la ville du futur tel que les urbanistes et architectes l'imaginaient. C'est ainsi que le modèle routier est devenu le symbole d'une société conforme aux exigences du monde contemporain. Il en ressort que la transition concrète de la route à la rue a très vite entraîné la fin de la transition idéologique. Cet arrêt s'est produit lorsque les sociétés urbaines ont commencé à être confrontées à leurs méfaits. Le deuxième temps de cette partie a alors démontré que nous nous dirigeons vers un autre modèle depuis une trentaine d'année déjà. Un modèle qui permet aujourd'hui de replacer la rue au centre des visions d'une ville soutenable. A travers ce déroulé historique, nous avons pu mettre en relief, la remise en cause évidente de préceptes passés. L'étude de cas du Jarret avait pour but de confronter la remise en question 105


théorique à la remise en cause concrète de l'ancien modèle. Cette confrontation nous a permis d'établir deux constats: –

Le premier constat est celui d'une vision encore réductrice sur la rue. Une vision qui s’attelle à lui conférer seulement un rôle circulatoire et assurant encore, toute proportion gardée, une certaine suprématie de l'automobile.

Le second est que cette vision encore réductrice pourrait être la conséquence d'un manque de transversalité dans le management des dossiers portés par les collectivités.

Enfin, à travers le travail sur l'opportunité d'une requalification de voie rapide, la Rd4c, nous avons proposé notre regard sur ce qui nous semble être la véritable concrétisation de la transition route/rue. Nous avons essayé d'expliciter nos réflexions et nos conclusions sur un réaménagement de voie rapide dans un processus de retour à la rue contextualisé. A travers les propositions d'aménagement, nous avons tenté de porter des ambitions justes sur un territoire périphérique où est située la Rd4c. Comme nous l'avons vu dans notre introduction à travers l'analyse des schémas de déplacement urbain, les quartiers périphériques portent les enjeux du développement économique à travers l’accessibilité du centre ville. Une accessibilité qui en l’occurrence se fait généralement au détriment des attentes environnementales des habitants. Des lors, le projet tente de pallier à ce manque de considération à travers une remise en cause de l'unique fonction circulatoire de cet axe. Il porte alors une certaine ambition urbanistique forte, seule garante d'une équité territoriale à l’échelle de la commune. Une dialectique Route / Rue insoutenable L'ensemble de ce travail a démontré le rapport ambigü marseillais dans lequel s'inscrit la transition route/rue sur le terrain marseillais. En effet, si cette transition est réelle au regard des projets de requalifications de l'espace public et de la réduction de la place de la voiture, elle n'en demeure pas moins dépendante d'une infrastructure routière. Nous l'avons vu, la L2, la rocade en cours de construction, est la trame principale de cette transition : tout s'envisage et se réalise en fonction de cette ouvrage. La dépendance à cette autoroute urbaine illustre une fois encore le critère obsessionnel dans la réussite économique de la ville : La fluidité du trafic automobile. Une pensée « automobilocentrée » qui donne ainsi une dialectique route/rue peu compatible avec un développement durable. En effet, elle relève des visions à courtterme. Si ce report de trafic en un point permet une réduction de la place de la voiture ailleurs, à terme ce processus n'est plus viable. Comme nous le dit Lionel Launay, « Plus on crée de l'infrastructure routière, plus on augmente le potentiel du trafic ». Une vision 106


apparemment partagée par l’État, comme nous le révèle L.L. « Mais là-dessus l’État est conscient. Il nous dit qu'aujourd'hui notre fenêtre de tir est relativement courte pour opérer le réaménagement. Car nous allons vite revenir sur une situation de saturation, comme elle l'est aujourd'hui». Un retour à une situation actuelle sur lequel L.L. a son avis : « On risque de nous dire très vite que ça sature et qu'on on ne peut plus baisser la place de la voiture ». Des lors, Marseille sera face à deux choix possibles : Persister dans cette fuite en avant, par la multiplication anachronique des constructions routières pour fluidifier le trafic d'abord, et finalement le congestionner. Ou renouveler, dans une véritable prise de conscience, les réflexions et visions prospectives afin de les conformer aux enjeux de la ville durable en donnant par exemple une priorité absolue au développement des transports en commun à l'échelle de la métropole. Le but sera ainsi d'éloigner de tout horizon, une rupture concrète dans la transition route-rue, dans laquelle nous l'avons vu, Marseille s'engage difficilement.

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BIBLIOGRAPHIE « Le changement climatique : Quand le climat nous pousse à changer d’ère » Helga-Jane SCARWELL et Isabelle ROUSSEL (dir.), Presses Universitaire du Septentrion, Lille, 2010 « La prise en charge locale de la sécurité routière en quête d'acteurs et d'outils. Quelle place pour la sécurité routière dans les PDU-SRU ? » Frédérique HERNANDEZ, Hélène REIGNER, Julie LUCAS et Clara RUSCHER, Rapport final, Novembre 2005. « Contes de l'urbanisme ordinaire. Politiques et urbanistes à Marseille (1931-1949) » René BORRUEY, Espace Temps, numéro 43-44, 1990. « Le plan d'occupation des sols de Marseille : permanence ou changement ? » Nicole GIRARD et Michèle JOANNON, Méditerranée volume 96, 2001. « La ville et sa rocade. Un projet d'infrastructure au risque du temps long, le cas de Marseille » Stéphanie GUILLOT LEHEIS, Thèse de doctorat de l'université Paris-Est, Aménagement et urbanisme, 2011. « Architecture de la voie, histoire et théories » Eric ALONZO, Thèse de doctorat de l'université Paris Est, Ville, transport et territoire, 2013. « Le paysage contemportain de la ville de Marseille » Alessi DELL'UMBRIA, « Villes et resistance sociales », Agone 38 et 39, 2008. « Requalification du Jarret, Mobilités et projet urbain : Diagnostic, enjeux et orientations » Etude AGAM, Février 2015 « Document d'Orientations Générales (DOG) » du SCoT de MPM approuvé en juin 2012.

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TABLE DES MATIERES

Introduction.........................................................................................................................6 CHAPITRE 1 : DE LA RUE A LA ROUTE : .............................................................................13 LA VOITURE, COMME FORCE DE MUTATIONS URBAINES..................................................13 1) IDENTITÉ DE RUE, IDENTITÉ DE ROUTE.....................................................................14 2) LA TRANSITION RUE-ROUTE DANS L'HISTOIRE MARSEILLAISE.................................15 Contexte...................................................................................................................15 Le Plan d'aménagement, d 'embellissement et d'extension de la ville: Les autoroutes au bout du crayon..................................................................................16 La deuxième guerre mondiale: Les pouvoirs multiples de la route.........................23 Le plan Meyer Heine, la route comme outil de reconstruction...............................24 La mort de la rue......................................................................................................26 LE PUD: Le flux et la vitesse, au détriment du reste.................................................27 3) VERS UN AUTRE MODÈLE..........................................................................................37 Stagnation, desserrement, et fin du “tout bagnole”................................................37 Une nouvelle ère de pensée: La pensée environnementaliste................................38 Le déclin marseillais, vecteur du renouveau des réflexions urbanistiques..............38 4) CONCLUSION: L'AUTOROUTE L2, LA GARANTE DE LA VILLE DU XXI ÈME SIÈCLE ?. .39 CHAPITRE 2 LA REQUALIFICATION DU JARRET: ................................................................41 1) LA ROCADE DANS LA VILLE........................................................................................44 Un cours d'eau comme rocade.................................................................................44 Une rocade rendu obsolète......................................................................................44 .................................................................................................................................45 Une mutation jamais enclenchée.............................................................................46 Un rapport conflictuel à la ville ...............................................................................47 2) LES VISIONS PROSPECTIVES POUR LA ROCADE.........................................................48 L'étude de l'AGAM....................................................................................................48 Un diagnostic juste...................................................................................................49 Des enjeux mal ciblés : Vers des réponses non appropriées ?.................................49 Les propositions : Une requalification au rabais ?...................................................51 Une attribution exclusive du dossier........................................................................56 La note du SPU : une bouteille à la mer ? ...............................................................56 3) Conclusion.................................................................................................................58 CHAPITRE 3: REQUALIFICATION DE LA RD4C.....................................................................59 UNE OPPORTUNITÉ POUR LA TRANSITION ROUTE-RUE....................................................59 1) RD4C ANALYSE ET DIAGNOSTIC................................................................................60 RD4c, présentation et origine...................................................................................60 L'infrastructure comme objet...................................................................................65 Deux tronçons distincts.......................................................................................65 Le tronçon d’autoroute: Une infrastructure surdimensionnée...........................67 Tronçon de route La Rose - Les olives..................................................................69 Une infrastructure routière dans la ville: Impact sur le territoire............................71 109


La RD4c et la destructuration du réseau.............................................................71 Relation entre RD4c et habitat: Des stratégies complexes..................................73 De la villa à la tour, des quartiers mosaïques......................................................75 La RD4c comme obstacle au piéton.....................................................................75 Un potentiel d’espace public neutralisé..............................................................76 Le métro, autre composante de la voie express..................................................76 Le délaissé, terrain fertile le long des voies.........................................................80 Des poches de nature le long de la voie..............................................................80 ... Dans un contexte urbain propice à la végétation............................................80 Le Jarret...............................................................................................................81 Les abords de la Rd4c, lieu d’expression du passé..............................................82 La prise en compte dans le PLU...........................................................................83 Quelle(s) identité(s) territoriale(s)?..........................................................................84 2) RD4C PISTE DE PROJET ............................................................................................87 Vers un boulevard urbain.........................................................................................87 Un fonctionnalisme à supprimer..............................................................................87 Des enjeux sanitaires à ne pas occulter...................................................................88 RD4c dans les objectifs du PDU................................................................................88 Projet........................................................................................................................90 Plan guide: Réintroduire la voie dans la ville............................................................92 Apaiser la voie......................................................................................................93 Renouer avec le tissu urbain................................................................................96 Activer un potentiel d’espace public...................................................................98 Connecter les différents espaces publics...........................................................102 Retrouver le cours d’eau....................................................................................103 3) CONCLUSION : LES PREMICES DE LA VILLE DURABLE.............................................104 CONCLUSION GENERALE..................................................................................................105 Rétrospective sur le déroulé du mémoire..............................................................105 Une dialectique Route / Rue insoutenable............................................................106

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1.Schéma type du système circulatoire appliqué à de nombreuses métropoles ....9 Figure 2.Plan Castel (1930)................................................................................................17 Figure 3.Plan schématique des circulations, Plan Grebber (1931)....................................18 Figure 4.Voies évolutives dessinées par Henri Prost (1922)..............................................21 Figure 5.Plan Meyer Heine 1949........................................................................................25 Figure 6.SDAU Marseille de 1969.......................................................................................29 Figure 7.Le réseau de voie express à créer. Document graphique d'un numéro du périodique municipal, « Marseille information », année 1970..................................30 Figure 8.Tracé de la rocade L1 au dessus de la voie ferrée................................................31 Figure 9. Tracé et coupe de la rocade L1...........................................................................31 110


Figure 10.Présentation de l'autoroute du littoral sur viaduc, Décembre 1974.................32 Figure 11.Descriptif du viaduc d'Arenc dans le périodique municipal Marseille informations. Décembre 1974...........................................................................................33 Figure 12.Descriptif des ouvrages d'art sur la L2 nord, Avenue Salvador Allende. Périodique municipal Marseille informations. Juin 1974..................................................34 Figure 13.Présentation du viaduc de l'autoroute nord dans le périodique municipal Marseille informations.......................................................................................................35 Figure 14.Présentation de l'échangeur Rabatau dans le périodique municipal Marseille informations. Date non communiquée..............................................................................36 Figure 15.Insertion spatiale de la rocade du Jarret (composé de plusieurs boulevards) dans le territoire marseillais..............................................................................................43 Figure 16.Photo des embouteillages réguliers sur le Jarret. Photo Agam.........................45 Figure 17.Les traversées piétonnes sur le Jarret. Photo Agam..........................................47 Figure 18.Proposition d'aménagement dans le secteur Timone. Conservation des 2x3 voies. AGAM.......................................................................................................................53 Figure 19.Proposition d'aménagement sous les voûtes du pont ferroviaire. AGAM........53 Figure 20.Proposition d'aménagement autour des intersections. Conservation des carrefours en « demi lune ». AGAM..................................................................................54 Figure 21.Localisation de la Rd4c ......................................................................................61 Figure 22.Localisation de la Rd4c et des quartiers traversées...........................................61 Figure 23.Une du périodique municipal Marseille informations abordant le projet d'autoroute Nord Est. Février 1973...................................................................................63 Figure 24. Article de présentation et d’explication de l’autoroute Nord Est du périodique municipal d’information. Des propositions d’implantation de l’autoroute au delà du carrefour des Olives avaient déjà été formulées...............................................................64 Figure 25.Frise représentant les différents tronçons........................................................65 Figure 26.Carte localisant les deux tronçons distincts.......................................................66 Figure 27.Echangeur de Frais Vallon..................................................................................66 Figure 28.Coupe de la Rd4c entre le conseil départemental et Malpassé........................68 Figure 29.Bretelle de sortie de la Rd4c au niveau de Malpassé........................................68 Figure 30.Coupe de la Rd4c sur son tronçon routier.........................................................70 Figure 31.RD4C vers l'échangeur de Frais Vallon...............................................................70 Figure 32.Plan des voies impactées par la RD4c ...............................................................72 Figure 33.Différentes relations à la voie rapide.................................................................74 Figure 34.Cheminement piéton autour de la station de métro Malpassé .......................78 Figure 35.Coupe du tronçon de la Rd4c tronçon routier. Relation avec le Jarret..............82 Figure 36.Dessin représentant les lieux marquants et emblématiques, planche de gauche ...........................................................................................................................................85 Figure 37.Dessin représentant les lieux marquants et emblématiques, planche de droite ...........................................................................................................................................86 Figure 38.Échelle des possibles..........................................................................................89 Figure 39.Description de la stratégie de projet.................................................................91 111


Figure 40.Plan guide...........................................................................................................92 Figure 41.Coupe projet entre le métro Malpassé et l'échangeur de Frais Vallon.............93 Figure 42.Coupe projet au niveau de la station Frais Vallon. Passerelle piétonne prolongée...........................................................................................................................95 Figure 43.Plateau piéton à la sortie de la bretelle d'autoroute de la L2...........................97 Figure 44.La place publique comme lieu fédérateur, affirmant l'identité urbaine............97 Figure 45.Espace public renouvelé autour siège du conseil départemental.....................98 Figure 46.Place publique station Malpassé.......................................................................99 Figure 47.Échangeur intégré dans la ville........................................................................100 Figure 48.Des jardins partagés sur les anciennes terrasses agricoles.............................101 Figure 49.Place devant la station de métro Malpassé, connectée au parc linéaire. Réutilisation d'une partie du tablier Est pour une passerelle piétonne..........................102 Figure 50.Schéma d'insertion du parc à grande échelle, avec le Jarret comme fil conducteur.......................................................................................................................103

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