La Convention sur le Travail dans la Pêche 2007 Guide des acquis syndicaux La convention sur le travail dans la pêche 2007 constitue une importante victoire pour le secteur professionnel le plus sous-représenté. Cette convention ne s’est pas matérialisée du jour au lendemain. C’est grâce à l’action concertée de l’ITF et de ses syndicats affiliés que, pour la première fois, une convention détaillée garantissant des normes minimales universelles aux pêcheurs a pu être négociée. Outre l’instauration de normes universelles, cette convention reconnaît explicitement les risques auxquels sont confrontés les pêcheurs, qui exercent l’activité professionnelle la plus dangereuse à l’échelle de l’économie mondiale.
Du point de vue des syndicats, pour que la convention soit un succès, il importe maintenant que les pêcheurs soient informés du rôle clé joué par l’ITF et ses syndicats affiliés dans l’élaboration de la convention. Les affiliés organisant déjà les pêcheurs doivent souligner que ce sont des pressions coordonnées et une stratégie mondiale qui ont permis d’aboutir à l’adoption de ce socle déterminant de normes minimales pour les pêcheurs. Il faut aussi que tous les syndicats concernés élaborent des stratégies visant à augmenter et à renforcer la base représentative de l’ITF dans l’industrie.
Au moment de la rédaction de ce guide, seuls trois pays avaient officiellement ratifié la convention et les gouvernements n’ont pas encore pleinement investi dans ce texte législatif capital. De par sa structure et sa nature, la pêche, tant de subsistance à petite échelle qu’industrielle à grande échelle, est l’une des industries les plus difficiles à encadrer, ce qui se traduit par de nombreux cas signalés d’abandon, de traite de personnes, de travail d’enfants, de travail forcé et de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Par ailleurs, la mortalité annuelle déclarée s’établit à 23 000 décès chez les pêcheurs.
S’agissant de l’industrie de la pêche commerciale, moins de 80 affiliés de l’ITF représentent les pêcheurs. Sur les 15 millions de pêcheurs en mer dans la branche commerciale du secteur, moins de 1 % bénéficient de la protection syndicale. Chacun sait que les syndicats et notre aptitude à faire porter leurs responsabilités aux employeurs et aux gouvernements à travers la négociation et la représentation jouent un rôle important dans l’amélioration des salaires et conditions, ainsi que de la sécurité.
Il est donc vital que nous profitions de cette opportunité unique pour encourager les pêcheurs à s’organiser en syndicats indépendants pouvant agir en faveur de la ratification, de la mise en œuvre et du respect de la convention à travers le monde. Pour y parvenir, nous disposons de nombreuses options : créer de nouveaux syndicats, élargir le taux de couverture des syndicats existants, former des alliances avec d’autres organes représentatifs autour d’objectifs communs, mettre en place des structures alternatives lorsque des organes existants ne fournissent pas de représentants indépendants.
Si l’ITF est la seule fédération internationale qui, aux termes de ses statuts, représente les travailleurs de l’industrie de la pêche et travaille activement à l’amélioration de son taux de couverture, rien de tout cela ne relève de la responsabilité directe de l’ITF, mais bien de celle des affiliés actuels et futurs.
Depuis quelques dizaines d’années, le secteur s’est transformé. Sa structure et ses modèles de propriété et d’influence ont connu une évolution radicale. Nombre de grands acteurs du secteur ne possèdent pas de flotte, pas plus qu’ils ne pratiquent directement la pêche. Pourtant, leurs décisions commerciales influent sur les salaires de nos membres, leurs conditions de travail et de vie et leur accès à un environnement de travail sûr.
Pour que les affiliés soient en mesure de représenter les pêcheurs de manière satisfaisante, nous devons changer notre façon de travailler. Nous devons intervenir sur nos navires et dans nos ports pour recruter directement les pêcheurs et les aider à assurer la conformité de leur lieu de travail aux normes internationales. Nous devons travailler avec nos gouvernements et nos décideurs en faveur de la ratification, de la mise en œuvre et du respect de la convention et faire pression pour obtenir l’adoption de politiques de pêche durable qui concernent autant la longévité de l’emploi pour les pêcheurs que les ressources de la planète.
Nous devons aussi agir collectivement à travers le globe pour faire face aux grands acteurs de l’industrie et veiller à ce que toutes les entreprises respectent les normes de travail dans l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.
Du fait de la structure de l’industrie et de ses niveaux de syndicalisation, l’ITF s’emploie à présent, dans une démarche innovante radicale, à développer le pouvoir syndical dans le secteur en s’engageant dans un partenariat officiel avec sa fédération internationale sœur, l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerierestauration, du tabac et des branches connexes (UITA). L’UITA représente une autre composante clé de ce secteur : les personnels des usines de transformation, pareillement sousreprésentés dans le mouvement syndical. Ce partenariat vise spécifiquement à élargir notre base active et à accroître le pouvoir des travailleurs du secteur pour obtenir des améliorations.
Le but de ce guide est de donner des pistes aux affiliés et aux autres organes représentatifs en vue de sensibiliser tous les pêcheurs à la convention. Il est important que les pêcheurs soient informés de la teneur de la convention et de leurs droits au titre de celle-ci. Vous trouverez également dans ce guide des idées que vous, les affiliés, êtes invités à mettre en pratique pour récolter les fruits de vos efforts sous la forme d’une augmentation des effectifs syndicaux et d’une recrudescence d’activité dans vos États du pavillon, à bord des navires de pêche dans vos ports, aujourd’hui et demain.
Il convient de veiller à ce que, d’emblée, l’accent soit mis sur les normes minimales qui ont été obtenues et à replacer celles-ci dans le contexte d’une démarche qui vise à négocier des améliorations permettant, dans la mesure du possible, de dépasser le minimum acquis. Dans une telle situation, plus un syndicat est fort (c’est-àdire plus il a de membres, de représentants actifs et de renseignements industriels), plus il a d’influence dans les négociations, quelles qu’elles soient.
Ce guide a pour vocation de fournir des idées et suggestions qui pourront, selon le cas, vous être utiles, ne pas concerner votre syndicat, ou encore correspondre à ce que vous mettez déjà activement en pratique. Toutes les suggestions peuvent être adoptées indépendamment les unes des autres. Toutefois, le guide revient régulièrement sur trois points majeurs permettant de développer la force et l’activité syndicales :
• Accroître les effectifs syndicaux et le taux de couverture des conventions collectives dans les entreprises du monde entier.
• Augmenter le nombre de représentants formés et engagés qui participent à l’action syndicale et représentent les travailleurs et les affiliés aux niveaux local, régional, national et international.
• Accroître les effets de levier et accumuler les preuves pour influer favorablement sur les résultats de toutes les négociations et de tous les forums de gouvernance.
Des compléments d’information sont disponibles sur le site web de l’ITF (http://www.itfglobal.org) et celui des gens de mer, ainsi qu’auprès de votre inspecteur ITF, du responsable du Programme de développement des syndicats maritimes de l’ITF basé à ITF House à Londres, du responsable du Programme ITF/UITA pour la pêche, et également dans le « Manuel sur l’organisation syndicale » de l’ITF et le manuel « Élaborer des campagnes stratégiques » de l’ITF.
Section 1 Faire connaître la convention sur le travail dans la pêche La convention est une immense victoire pour les pêcheurs du monde entier. Dans toute victoire syndicale, il est crucial de veiller à ce que les adhérents existants et potentiels des syndicats connaissent tous le rôle majeur joué par ces derniers dans l’obtention des acquis. Aussi est-il important de se demander qui aurait besoin de quelles informations et pourquoi.
La convention sur le travail dans la pêche donne aux syndicats : • La possibilité de prouver la crédibilité et la pertinence des syndicats dans le secteur. • La possibilité de prouver l’influence internationale d’un mouvement ouvrier coordonné. • La possibilité de mettre en avant les syndicats en faisant connaître les acquis que représente la convention sur le travail dans la pêche.
Opportunité d’organisation syndicale :
Faire connaître le rôle joué par les syndicats dans les négociations relatives à la convention sur le travail dans la pêche :
Ces communications ont pour objectif fondamental de souligner le rôle clé des syndicats dans l’amélioration des normes minimales et, le cas échéant, dans la ratification, et également de donner à la convention le sceau d’approbation des syndicats.
La structure de la convention lui permet d’être ratifiée et mise en œuvre par les États membres de l’OIT, ces États se chargeant également de la faire respecter. Des négociations se dérouleront au niveau national sur le contenu de la législation domestique. Nous devons veiller à ce que tous les systèmes de veille et mécanismes de mise à exécution donnent les moyens aux travailleurs et à leurs représentants de s’impliquer activement dans le mouvement syndical dans la durée.
Questions……
Q. Votre syndicat a-t-il déjà publié l’adoption de la convention et informé les pêcheurs du rôle des dirigeants syndicaux dans l’obtention des acquis ?
Q. Des informations ont-elles été communiquées aux pêcheurs par les employeurs ? Si oui, le syndicat a-t-il clairement indiqué que l’adoption de la convention est une victoire syndicale et non pas un cadeau des employeurs ou des gouvernements ?
Q. Un communiqué commun a-t-il été diffusé par votre syndicat et tout employeur avec qui vous négociez, et/ou par le gouvernement ? Si oui, ce communiqué indiquait-il clairement que, non seulement des normes minimales sont établies, mais qu’il existe aussi de nouvelles procédures systématisées de dépôt de plainte au titre de l’accord sur des normes minimales ?
Exemple 1: Communiqué de presse
Le Syndicat national de la pêche publie un communiqué de presse dans les principaux journaux, qui donne un aperçu général de la convention sous l’angle de l’intérêt public. Dans ce cas, on met en exergue la protection de travailleurs qui sont confrontés aux plus grands dangers, toutes professions confondues, afin de nourrir le pays.
Grâce à la ratification de normes minimales de travail, les armateurs devront assumer davantage leurs responsabilités afin que les travailleurs aient accès à des normes de sécurité et des conditions de vie homogènes à travers le monde. Cela permet à d’autres catégories de travailleurs de constater les avantages d’une organisation syndicale mondiale et c’est aussi un moyen différent de présenter le nouvel instrument aux pêcheurs et à leurs familles.
Exemple 2 : Syndicats hors pêche
Le Comité exécutif de l’Union portuaire accepte de veiller à ce que des informations soient disponibles dans toutes les parties communes des installations portuaires, telles que centres pour gens de mer, centres médicaux, etc. Le Syndicat national des gens de mer y place des prospectus présentant brièvement les droits minimaux obtenus grâce à la participation de l’ITF aux négociations internationales et contenant également un formulaire de demande (ou équivalent) pour donner aux pêcheurs qui ne sont pas membres du syndicat la possibilité d’y adhérer et de créer de nouvelles structures au sein du syndicat.
Points à considérer par les syndicats
Dans le cadre de la promotion des acquis que représente la convention, les affiliés doivent considérer ce qui suit :
• •
Comment mettre le syndicat en avant, impliquer les membres et recruter des travailleurs non syndiqués, de manière à avoir plus de poids dans toutes les négociations sur la mise en œuvre, le respect et l’application de la convention. Les mécanismes et outils pouvant être utilisés par les syndicats pour promouvoir le syndicat et la convention (réunions locales, sites web, liens vers des pages de l’ITF, newsletters).
Dans le cadre de la sensibilisation des membres au contenu de la convention, les syndicats doivent également réfléchir à ceci :
•
Comment faire participer les membres aux actions menées en faveur de la ratification et à la surveillance de la mise en œuvre et du respect de la convention.
S’il y a eu des transgressions et que le syndicat a remporté des victoires pour les pêcheurs, il est aussi important de réfléchir à ceci :
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Comment faire en sorte que les victoires remportées par le syndicat bénéficient d’un maximum de publicité.
Si les syndicats décident de mener une stratégie de communication, ils doivent impérativement considérer ceci :
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Comment travailler de manière constructive avec les acteurs du secteur qui désapprouvent les dispositions de la convention et s’opposeraient activement à sa ratification. Par exemple, les navires de pêche à petite échelle et appartenant à des propriétairesexploitants peuvent considérer que la convention vient menacer leur viabilité commerciale. Les syndicats doivent bien connaître le champ d’application et la couverture de la convention, ainsi que son impact sur l’industrie en général.
Section 2 Éduquer les pêcheurs Il incombe non seulement aux syndicats mais également à tous les pêcheurs de comprendre et de faire respecter le contenu de la convention. Les affiliés de l’ITF sont très bien placés pour veiller à ce que les pêcheurs aient accès aux informations pertinentes et pour mettre en place des ateliers d’éducation et de formation à leur intention en vue de les amener à mieux comprendre la convention et d’augmenter les effectifs syndicaux.
La convention donne aux syndicats : • La possibilité de mettre en place des systèmes structurés pour entrer en contact avec les pêcheurs dans tous les ports et sur tous les navires de pêche. • La possibilité d’augmenter le nombre de représentants sur les navires de pêche et dans les ports. • La possibilité d’envisager des formules de syndicalisation pour les patrons en tenant compte de leurs responsabilités spécifiques aux termes de la convention. • La possibilité de travailler avec les États du port et du pavillon et l’équipe d’inspecteurs de l’ITF à la création d’un système national d’inspections.
Opportunité d’organisation syndicale :
Éduquer et responsabiliser les membres existants et potentiels vis-à-vis des dispositions de la convention et des modalités de mise en application des droits individuels et collectifs et de traitement des transgressions.
En créant ce dossier, l’ITF a prévu des notes explicatives et des présentations qui résument la convention. Ces matériels peuvent être adaptés et utilisés en fonction de l’auditoire, selon le lieu et la date des ateliers organisés pour informer les pêcheurs.
De plus, l’ITF a élaboré une convention collective cadre, dont les syndicats et les pêcheurs peuvent se servir comme outil d’organisation et pour disposer d’un accès collectif au texte de la convention. La convention collective cadre sera également complétée par une annexe pouvant être utile pour créer des syndicats dans les entreprises ayant des personnels affectés à la capture du poisson et également à sa transformation.
Exemple 1 : accord d’engagement de pêcheur
La convention stipule que tous les pêcheurs sont en droit d’exiger un accord d’engagement qu’ils comprennent et qui soit, au minimum, conforme aux prescriptions de la convention. La convention précise qu’il appartient à l’État membre de veiller à ce que des procédures soient en place pour permettre aux pêcheurs d’obtenir des conseils sur la teneur de leur accord d’engagement.
Ce droit fondamental donne aux syndicats la possibilité de créer une structure de conseil pour les pêcheurs, les conseillers pouvant être des délégués / représentants syndicaux. Les syndicats ont ainsi également la possibilité de veiller à ce que des stages de formation adaptés soient disponibles. Un nouveau groupe de spécialistes des questions intéressant les pêcheurs existera ainsi dans le syndicat. Ce groupe aura un rôle à jouer dans le syndicat et participera aux activités syndicales et aux structures démocratiques.
C’est une occasion de fournir des informations et une formation pertinentes aux représentants syndicaux existants qui sont au contact des pêcheurs. Cela permet également aux syndicats d’identifier les entreprises où il n’existe pas encore de représentation syndicale et de proposer ce rôle aux pêcheurs qu’elles emploient. La valeur du syndicat sera ainsi démontrée à d’autres parties de la main-d’œuvre, ce qui stimulera les adhésions.
Exemple 2 : Femmes pêcheurs
Pour accroître la participation et la représentation des femmes au sein du syndicat, les femmes pêcheurs pourraient être invitées à organiser des ateliers au niveau national, régional ou local pour passer en revue les différences dans les prescriptions de la convention concernant les questions propres aux femmes pêcheurs.
Exemple 3 : Mise en œuvre et surveillance
L’éducation des pêcheurs est absolument indispensable à la réussite de la mise en œuvre de la convention dans
chaque pays membre à plusieurs niveaux. Cela permet à tous les pêcheurs de connaître leurs droits. Cela garantit un plein appui pour toutes négociations nationales engagées (voir section 3). Cela permet également de disposer en permanence d’un échantillon de travailleurs qui peuvent participer aux activités de surveillance et d’évaluation. L’existence de questions générales pertinentes pour l’État du pavillon peut contribuer à déterminer le champ et les points prioritaires des négociations nationales.
La meilleure façon d’identifier ces questions, c’est de parler directement aux pêcheurs dans le cadre d’ateliers éducatifs organisés au niveau du port ou de la communauté et consacrés aux dispositions de la convention et aux droits qui y sont stipulés.
Chaque affilié peut déterminer les lieux et dates les plus appropriés pour ces ateliers, en fonction des navires faisant escale dans le port ; par exemple, dans des entreprises pouvant être ciblées pour la négociation de conventions collectives dans le cadre de programmes de renforcement des capacités des syndicats, voire dans des entreprises où des conventions collectives fournissant un revenu existent, mais où les effectifs syndiqués sont très faibles.
Exemple 4 : Le rôle des patrons
Cette convention a la particularité d’identifier les obligations du patron séparément de celles des entreprises et des pêcheurs. L’entreprise propriétaire du navire continue d’endosser la pleine responsabilité de la conformité aux prescriptions de la convention, mais le patron a également le droit de prendre des décisions pour protéger l’équipage, même si l’entreprise n’est pas d’accord.
Cela continue de placer les patrons dans une situation potentiellement plus précaire et donne l’occasion aux syndicats de réfléchir à la manière dont ils peuvent soutenir les patrons en tant que catégorie distincte de travailleurs, comme par exemple en créant des formules d’adhésion distinctes, pouvant inclure la communication d’un avis juridique d’urgence en cas de conflit entre les souhaits de l’entreprise et l’opinion du patron soucieux de la sécurité de l’équipage.
Section 3
La négociation et la convention sur le travail dans la pêche
La convention sur le travail dans la pêche confère aux travailleurs qui ont les conditions de travail les plus dangereuses des droits fondamentaux en matière d’emploi, identiques partout dans le monde. Pour que cela se traduise dans la réalité, les gouvernements vont devoir changer radicalement d’approche en matière de pêche commerciale et industrielle, particulièrement lorsque de gros navires-usines participent à des opérations de transbordement et passent de longues périodes en mer. La convention sur le travail dans la pêche donne aux syndicats : • La possibilité de faire participer les membres aux actions de lobbying en faveur de la ratification. • La possibilité de garantir des normes minimales de formation, de recrutement et de placement. • La possibilité de faire participer les membres à la surveillance de la mise en œuvre de la convention. • La possibilité de veiller à l’application systématique des dispositions de la convention et à l’utilisation de celles-ci pour développer la couverture et les capacités syndicales en vue d’obtenir des améliorations.
Opportunité d’organisation syndicale :
La convention comporte des dispositions spécifiques en matière de normes minimales et exige également des États membres qu’ils élaborent et mettent en œuvre des systèmes pour garantir application et respect. L’inspection des navires de pêche (avec revalidation tous les cinq ans), les accords d’engagement et le droit de recevoir des conseils, ainsi que les normes de recrutement et les normes médicales, sont d’excellents moyens pour les syndicats de participer davantage à la négociation d’un contact direct avec les pêcheurs, de même qu’au développement de la syndicalisation et de la représentation dans l’industrie. Le respect de la convention n’est pas seulement la responsabilité des gouvernements, c’est également celle des entreprises. Cela permet aux syndicats d’entamer des négociations directement avec les entreprises, d’obtenir des accords permettant aux travailleurs de bénéficier, tout au moins, des dispositions minimales de la convention, indépendamment de sa ratification par le gouvernement.
Exemple 1: Participer à la fonction conseil auprès des pêcheurs
Comme indiqué dans la section 1, les dispositions de la convention permettent aux syndicats de faire pression sur les gouvernements pour que le système en place donne aux pêcheurs ayant besoin d’être conseillés sur les clauses de leur accord d’engagement la possibilité de recevoir des conseils indépendants et aisément accessibles. Le syndicat peut mener des négociations pour qu’il soit fait appel à des conseillers basés au port dûment formés et compétents.
Tout dispositif créé pour résoudre les litiges doit faire en sorte que les pêcheurs aient le droit d’être représentés par un organisme reconnu, y compris leur syndicat, si nécessaire. Les syndicats peuvent alors s’assurer que les pêcheurs sont informés de ce droit de représentation et que le syndicat dispose d’une stratégie pour faire en sorte d’avoir des représentants dûment qualifiés à bord des navires et dans les ports pour assurer cette fonction.
Exemple 2 : Instaurer des systèmes d’inspection
Il incombe à l’État membre de veiller à ce que tous les navires battant son pavillon satisfassent aux prescriptions de la convention. La capacité des syndicats à influencer les conditions de travail des pêcheurs est renforcée par le fait que les États du pavillon ont besoin d’employer suffisamment d’inspecteurs pour réaliser ces inspections. Les syndicats peuvent faire preuve d’imagination pour entrer en contact avec les pêcheurs aux termes de la convention, étant donné que les États du pavillon peuvent autoriser d’autres organismes à conduire ces inspections. L’ITF a déjà une approche qui a fait ses preuves en matière d’inspections de navires grâce au corps des inspecteurs de l’ITF, employés dans le monde entier. Les syndicats sont en mesure de négocier un contact direct avec les pêcheurs puisqu’ils font partie des organismes reconnus comme compétents par les gouvernements. Cela peut faciliter l’accès aux navires, donner au syndicat une reconnaissance en tant que spécialiste du domaine et accroître sa crédibilité.
Toute formation dispensée aux inspecteurs nommés à ces fins pourrait aussi être proposée aux dirigeants syndicaux souhaitant s’impliquer davantage.
Une mise en garde pour les syndicats qui envisagent cette approche : les syndicats devront décider si une participation officielle à une formation conçue par l’État est appropriée dans leur situation. Des syndicats risquent en effet de se voir considérés par les pêcheurs comme appartenant à l’appareil d’État. La possibilité d’une formation tripartite par l’intermédiaire de l’OIT existe également et l’ITF pourrait aider les syndicats intéressés par cette solution à l’avenir.
Exemple 3 : Travailler avec les communautés et les syndicats portuaires
La politique de l’ITF sur l’utilisation du contrôle par l’État du port est claire. La mise en œuvre d’un contrôle efficace par l’État du port est considérée comme une condition essentielle du succès de la convention. Les syndicats peuvent là encore faire preuve de créativité pour ce qui est de s’assurer de l’existence de systèmes de soutien et de formation pour les agents de contrôle par l’État du port afin de faire respecter la convention par tous les navires de pêche arrivant dans les ports.
Les syndicats peuvent en profiter pour entrer en contact avec les pêcheurs dans les ports. En travaillant avec les autorités portuaires et en tissant des relations au niveau local, les syndicats pourraient négocier un poste de représentant des pêcheurs dans les commissions portuaires de bien-être (prévues par la convention du travail maritime) ou tout autre organe portuaire.
Cela fournirait aux syndicats une petite équipe de représentants formés dans les ports – conseillers en matière de pêche, représentants dans les commissions de bien-être et inspecteurs. Tous ces postes peuvent être négociés par l’intermédiaire des gouvernements et des autorités portuaires, avec des accords concernant la rémunération, les congés et l’étendue du rôle.
Ces rôles, même s’ils ne sont pas particuliers aux syndicats, permettent de dresser un tableau de l’activité portuaire dans le secteur de la pêche et de promouvoir le rôle du syndicat dans le développement des dispositions et des systèmes de protection en place.
Section 4 Faire campagne pour l’adoption, le respect et l’application de la convention Beaucoup de syndicats constateront que des gouvernements, des entreprises et d’autres secteurs de l’industrie sont farouchement opposés aux dispositions de cette convention. Face à cette hostilité, il sera nécessaire de faire campagne pour défendre le droit de tous les pêcheurs à bénéficier à tout le moins des normes minimales, campagne qui s’annonce longue et difficile. Mais, cette campagne, nous pouvons, et nous devons, la remporter.
De toutes les conventions pour lesquelles nous nous sommes battus au fil des années, il est tout à fait possible que la ratification et l’application de celle-ci se révèlent parmi les plus difficiles à obtenir du fait de l’absence actuelle d’une réelle réglementation de l’industrie de la pêche dans de nombreuses régions du monde.
Nous sommes conscients de la complexité de cette industrie où règne une diversité d’opinions, dont certaines divergent de la nôtre. Nous reconnaissons que le débat sur la durabilité et sur la protection de l’environnement aura une incidence sur nous. Cependant, en dépit des complexités, notre message doit rester clair :
L’ITF et l’UITA veulent s’assurer du respect des normes de travail et des conditions de vie fondamentales dans la chaîne d’approvisionnement du poisson.
Opportunité d’organisation syndicale :
Pour les syndicats, la non-adoption ou l’adoption (et, par conséquent, la mise en œuvre) de la convention sur le travail dans la pêche présente des enjeux permettant de mobiliser le soutien nécessaire et de renforcer l’organisation syndicale. Cependant, avant de s’engager dans une campagne, les syndicats doivent réfléchir sérieusement à ceci :
•
Comment évaluer le pouvoir actuel du syndicat, sur le plan tant intérieur qu’extérieur. Cela doit également inclure la capacité du syndicat à prouver à d’autres parties que c’est un organe de représentation des pêcheurs indépendant et compétent.
Ce qui les amènera ensuite à réfléchir à la problématique suivante :
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Comment faire bénéficier le syndicat du soutien d’alliés potentiels, sur les plans national et international.
•
Comment faire bénéficier le syndicat du soutien de sympathisants potentiels voués à une cause unique, sur les plans national et international.
de même qu’à ceci :
Avant d’entamer une campagne, il est également essentiel que les affiliés déterminent :
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La meilleure façon d’évaluer le soutien des membres existants et potentiels et d’identifier des moyens de commencer à accroître la sensibilisation, le soutien apporté, ainsi que la participation des membres à la campagne.
Parallèlement à la réflexion sur les questions susmentionnées, les affiliés de l’ITF doivent également coopérer avec l’ITF et leurs homologues syndicaux pour identifier et mettre en œuvre les bonnes pratiques.
Exemple 1 : Faire campagne pour la ratification / l’adoption
La convention sur le travail dans la pêche traite de diverses questions importantes, notamment : • Conditions minimales requises pour le travail à bord des navires de pêche • Normes en matière d’emploi • Normes concernant les conditions de vie et la nourriture • Respect et application
La convention comporte en outre un ensemble de recommandations qui en précisent les dispositions fondamentales et encouragent l’amélioration de celles-ci. Les syndicats ont la possibilité de recueillir des informations auprès des commissions portuaires de bien-être, des organisations de pêcheurs et de leurs propres membres, pour apporter la preuve des conditions existantes et montrer la différence entre les exigences minimales de l’OIT et les salaires et conditions actuels.
La tâche n’est pas aisée et, de par la nature de l’industrie, la collecte de preuves devra être planifiée et ciblée minutieusement. Les syndicats qui décideront d’engager cette démarche trouveront une quantité considérable de ressources auprès de leurs centrales nationales, et l’ITF et l’UITA fourniront une assistance à cet égard. Une campagne pilote organisée dans le cadre du Programme pour la pêche a conduit à l’élaboration d’une liste de contrôle à l’intention des syndicats envisageant des visites à bord des navires de pêche.
Certains pays ont déjà beaucoup travaillé dans ce domaine et disposent donc de preuves. Des compléments d’information sont disponibles auprès de l’équipe Pêche ITF/ UITA et du Secrétariat de la pêche de l’ITF.
Ces preuves peuvent être compilées dans un rapport et présentées aux organismes de gouvernance de l’industrie afin de mener des négociations sur la nécessité de la ratification. Le rapport peut également être utilisé comme moyen de pression pour négocier des dispositifs efficaces visant à faire respecter les normes minimales par les entreprises exploitant des navires dans la région concernée.
Si les organismes de gouvernance continuent de refuser d’admettre que la ratification est nécessaire, les syndicats peuvent alors recourir aux médias pour publier les preuves et faire pression sur les représentants élus localement pour qu’ils recommandent la ratification au niveau national.
Exemple 2 : Faire campagne pour l’inspection des navires
Aux termes de la convention, il incombe aux États du pavillon de s’assurer que suffisamment de personnes sont employées pour réaliser les inspections de navires. Cela nécessitera l’organisation d’une campagne exigeant des méthodes d’inspection, un personnel d’inspection et le droit de monter à bord des navires battant le pavillon du pays.
Toutes les preuves (voir exemple 1) montreront l’incidence du non-respect des normes minimales sur les pêcheurs, leurs familles et leurs communautés. Dans les cas extrêmes, où un décès est survenu, les médias pourront être mobilisés et les agences d’investigation pertinentes contactées pour mettre les preuves en avant. Cela permettra par ailleurs de faire pression sur les gouvernements pour qu’ils ratifient la convention et veillent à la mise en œuvre des exigences de certification pertinentes. Selon les recommandations de la convention, les inspections devront être répétées en fonction du calendrier convenu et, en tout état de cause, au moins tous les cinq ans.
Exemple 3 : Faire campagne pour la responsabilité sociale des entreprises
Toutes les entreprises doivent détenir une licence de pêche pour pêcher du poisson destiné à l’exportation et à la distribution. Chaque pays se voit allouer par les organisations régionales de gestion de la pêche des quotas de poisson et/ou un temps de pêche qui sont ensuite répartis entre les entreprises pour leur permettre de pêcher dans leur zone économique exclusive (ZEE).
Outre les règles sur les captures et la période passée dans les eaux, certains pays assortissent les licences de conditions supplémentaires. Parmi celles-ci peuvent figurer divers engagements, comme celui de se conformer à la législation du pays en matière d’emploi, d’employer un nombre donné de travailleurs de ce pays ou d’investir dans d’autres secteurs de la société (écoles ou programmes d’infrastructure, par exemple).
Dans tous ces cas, la possibilité existe de forcer une entreprise à améliorer les conditions de travail et d’emploi qu’elle offre aux travailleurs en jouant sur les moyens de pression que représentent l’exigence de conformité ou les engagements pris auprès du pays.
Si les entreprises respectent leurs engagements pris lors de l’octroi de la licence, cela peut également être l’occasion pour les syndicats de chercher à obtenir une amélioration des conditions de travail et d’emploi à travers une campagne montrant le comportement exemplaire d’une entreprise dans un domaine particulier, mais pas en ce qui concerne les travailleurs qu’elle emploie. Encore une fois, en rassemblant des preuves et en envisageant de déposer des plaintes au titre de la législation nationale en matière d’emploi, de procédures internationales de règlement des litiges et de tout autre mécanisme, on peut amener les entreprises à prendre leurs responsabilités en menaçant de rendre publique la façon dont elles traitent les travailleurs. C’est particulièrement important pour les pêcheries qui sont certifiées par le Marine Stewardship Council (MSC) ou d’autres organismes de réglementation en matière de pêche durable.
Exemple 4 : Faire appliquer les conditions de travail et de vie – attaque contre les marques
Comme nous l’avons déjà mentionné au début de ce guide, les entreprises qui exportent et distribuent les produits de la pêche n’ont pas forcément toutes pêché le poisson. Dans certains cas, elles n’auront pas même transformé ce poisson. Cependant, leur viabilité commerciale dépend de leur aptitude à vendre leurs produits. La chaîne d’approvisionnement joue donc un rôle extrêmement important à cet égard.
La chaîne d’approvisionnement commence à la source avec l’octroi des licences de pêche et les intervenants qui pêchent le poisson pour le compte des entreprises qui, au final, distribuent ce poisson.
Certaines organisations ont déjà mis au point des systèmes de suivi du poisson tout au long de la chaîne d’approvisionnement et beaucoup d’autres sont en train de les imiter. Les syndicats ont la chance unique de pouvoir collaborer directement avec les pêcheurs à bord des navires et les personnels des usines de transformation pour identifier la provenance du poisson et sa destination.
Cela signifie également que nous pouvons savoir où le poisson sera vendu au consommateur et sous quelle marque.
Lorsque nous sommes en mesure d’établir l’existence de mauvaises conditions de vie et de travail à bord des navires de pêche, outre la campagne menée pour que les organismes de gouvernance ratifient, mettent en œuvre et fassent appliquer la convention, les syndicats peuvent également faire pression sur les distributeurs et les consommateurs pour qu’ils boycottent les produits qui finissent dans les rayons des supermarchés.
Si cette méthode de campagne prend du temps et coûte cher, elle devient toutefois de plus en plus nécessaire, dans un contexte mondialisé, si l’on veut obliger les entreprises à rendre des comptes.
Les syndicats utilisant ce modèle de campagne devront collaborer étroitement avec les organisations partenaires comme les ONG, les médias, les chercheurs et leurs homologues syndicaux d’autres pays concernés par la chaîne d’approvisionnement.
Le mot de la fin À propos de tous les exemples fournis dans ce guide, il est important de souligner que beaucoup de syndicats recourent déjà à ces méthodes, que beaucoup de syndicats œuvrent en faveur de la ratification, et que beaucoup de syndicats collaborent avec le Programme ITF/ UITA pour la pêche, non seulement pour discuter des orientations et de la gouvernance de l’industrie, mais aussi pour y renforcer l’influence syndicale.
De nombreuses études ont été réalisées sur les thèmes suivants : la durabilité du poisson en tant que ressource ; les méthodes de création de zones marines de conservation et leur durée ; les méthodes de pêche jugées plus acceptables par les consommateurs ; les moyens de réduire au maximum les rejets de pêche, et même les systèmes instaurés pour apporter leur caution aux entreprises qui respectent certaines normes de pêche.
Les travailleurs du secteur ne bénéficient pas à l’heure actuelle d’autant d’attention ni de soutien. Nous avons une occasion exceptionnelle de travailler avec les communautés de pêcheurs à quelque niveau que ce soit pour remédier à cette situation et la surveiller.
Étant donné la nature de la pêche, beaucoup de communautés ne voudront pas soutenir la ratification de cette convention. Elles auront aussi des opinions bien arrêtées sur le rôle des grandes entreprises dans la pêche et sur le retrait de licences locales au profit de telles entreprises. Dans nos campagnes, nous devons tenir un discours qui parvienne à fédérer tous les acteurs de l’industrie.
Nous devons le faire pour que ceux qui ont besoin de la protection et des avantages associés à des syndicats forts puissent en bénéficier ; pour que les entreprises qui tirent profit des ressources de la mer et des piscicultures soient tenues de rendre des comptes et de consacrer une partie de leurs bénéfices à l’amélioration des conditions de travail et de vie des pêcheurs ; et pour que les gouvernements réalisent que ce n’est qu’au prix d’une mise à exécution rigoureuse des normes de travail et de vie applicables aux pêcheurs que nous parviendrons vraiment à éradiquer le travail forcé, le travail des enfants, la pêche INN et toutes les autres pratiques qui ternissent la réputation de l’industrie.