Une autre façon de voir le monde... 4,99 € - FÉVRIER 2013
SPÉCIAL BOUCHERIE DE LUXE
loufok magazine www.loufokmagazine.com
Les sept merveilles de la boucherie
Le couteau d’argent ; Boucherie Churchill...
Loufoqueries culinaires
Cervelle de singe ; Nid d’hirondelles...
De l’art et de la viande
Wim Delvoye ; Jana Sterbak...
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n°
édito
L
es yeux braqués sur le rétroviseur, pour se repérer ou ménager ses arrières, le monde fonçait droit dans le décor. En matière d’art de vivre, la cuisine, l’art, la mode, la photo, et bien d’autres thèmes encore étaient un leurre, un conservatisme déguisé. Un jour, dans les années 1970, alors que les cheveux poussaient partout en liberté, des grands chefs coupés court se sont dit : « Si on veut continuer à pomper le bourgeois, il va falloir le ménager un peu, l’engraisser moins vite, le faire durer… » Dès lors, on décida de mettre moins de beurre et moins de farine dans la saucière, et de ne plus servir que les piles Duracel dans les assiettes. Sous les applaudissements, les artistes, les cuisiniers, et bien d’autres encore, adoptent le dress code d’usage sans broncher. Mais ce nouveau mouvement sentait toujours le renfermé et le parfum qui fait tousser. Celui-ci dût alors faire place à une nouvelle ère, loufoque à souhait. Ce mot issu de l’argot des bouchers, dans lequel « louchébem » signifie fou. Fini les « gastronomes », place aux « gastronomaniaques », nomades, hyper connectés, exigeants, mais surtout très très curieux. En bref, des maniaques de la cuisine, du goût, des nouveautés, et de toutes les évolutions, bonnes ou mauvaises qu’elles peuvent avoir. Un électrochoc qui prouve qu’un rebond est encore possible, même en pleine crise, dans ce monde éclaté en mille acquis perso. Il a donc fallut relever des défis dans tous les domaines. Certains artistes n’ont donc pas attendu pour embrasser et embraser l’avenir. Le magazine Loufok mêle alors plusieurs ingrédients saugrenus autour de plusieurs thématiques, en restant plongé avec effrois et gourmandise dans l’univers culinaire et ses sublimes côtés outrageusement fantaisistes. Le ringard laisse alors place à la fraîcheur. À tous les amateurs d’expérience, de nouveautés, à tous ceux qui n’ont pas froid aux yeux et qui aiment se lancer dans un saut en parachute sur l’exploration mondiale de cette nouvelle vague, et bien sur à tous ceux qui nous font « loufokement » confiance.
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MIKE, LE POULET SANS TÊTE Dans une ferme du Colorado, un fermier coupa la tête de son coq. Selon la légende, ce phénomène de foire aurait ensuite vécu 18 mois, entre 1945 et 1947.
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Sommaire Ça donne faim !
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L’HOMME DU MOIS
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L’INSOLITE
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LES USTENSILES
Kittiwat Unarrom : L’anatomique boulanger
Les cochons dingues : Du sport pour les gorets ?
Du parfait boucher : Trancheurs, pareurs...
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LES SEPT MERVEILLES
De la boucherie : Boucherie Churchill, Blend...
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LOUFOQUERIES CULINAIRES
Immangeable ? Cervelle de singe, insectes...
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RONAN JIM SÉVELEC
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DE L’ART ET DE LA VIANDE
Le maquettiste fou : Une minutie diabolique
Ça ne se mange pas ! Wim Delvoye, Jana Sterbak
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L’homme du mois
KITTIWAT UNARROM L’anatomique boulanger Kittiwat Unarrom est un artiste thaïlandais. Accessoirement, il est fils de boulanger, et ça se voit dans son art. Bienvenue dans le monde de l’étrange. Kittiwat a créé la « boulangerie corporelle », une façon graphique, brutale, hyperréaliste de représenter des membres humains à base de pain. Les œuvres d’art sont ensuite vendues sous cellophane, comme au supermarché, histoire de déranger un peu plus le spectateur. Il puise son inspiration dans les livres d’anatomie, les musées de médecine légale. Il fait également des pieds, des mains, des organes, ou encore des corps entiers qu’il présente accrochés, suspendus à des crochets de boucher. En plus du pain, les œuvres contiennent des raisins, noix de cajou, du chocolat, et tous autres agréments possibles et imaginables. Ils sont alors entièrement comestibles. Pour leur plus grand plaisir, le tout est régulièrement exposé dans la vitrine de sa belle boulangerie.
222 Moo 2 Photharam District Ratchabury 70180, Thaïlande
Quelques-unes de ses créations de pain. Appétissant, non ?
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La petite insolite
LES COCHONS DINGUES Du sport pour les gorets Dans le cochon tout est bon surtout si il est sportif. Dans l’Est de la Chine, un fermier impose une activité physique quotidienne à ses cochons. Ils plongent, reprennent la passerelle, et se bousculent pour plonger à nouveau. Un procédé très loufoque. L’éleveur à fait spécialement construire cette tour de trois mètres pour ses animaux. Selon lui, il aurait un système immunitaire plus solide, et serait donc en meilleure forme qu’un cochon lambda. Leur viande serait ainsi d’excellente qualité. Résultat, il vend ses cochons nageurs, trois fois plus chers que ses collègues éleveurs normaux. Ce fermier à donc réussit à mêler l’utile à l’agréable, en laissant ses bêtes s’amuser et se divertir, tout en qualifiant au mieux leurs chairs et leurs goûts. Sans oublier le certain rendement que cette activité peut lui rapporter à lui même. Cette petite et simple astuce laisse à réfléchir. Alors fermier, fermière, pensés sport et surtout santé.
Chine du Nord Province de Hunan
Aperçu en image d’un plongeon de cochon. Étonnant, non ?
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Les ustensiles À vos couteaux !
Outils d’usage ordinaire utilisés pour la préparation des viandes, accessoires ou encore instruments de taillage pour tout bon homme de la profession.
LES TRANCHEURS : Machine de boucherie ou couteaux à lame généralement très longue et rigide, ni trop étroite, ni trop large. Ils peuvent être manuels ou électriques. Les trancheurs peuvent être très utiles pour le découpage des viandes cuites comme les jambons, les gigots, les rôtis et bien d’autres bonnes choses.
LES FUSILS : Ustensiles divers en acier, de surface plus ou moins rugueuse selon les stries d’abrasion, et de différents formats tel que le fusil rond, ovale, plat ou encore carré. Les fusils permettent la restauration, l’aiguisage, l’affilage et l’affûtage des couteaux qui deviennent efficacement tranchants.
LES PAREURS : Couteaux au manche souple, maniable, antidérapant, et performant pour une découpe plus rapide et efficace. La souplesse du manche permet en effet de manipuler l’engin sans douleur pour celui qui l’utilise. La lame est très courbée pour faciliter la préparation de la vente et de la consommation.
LES DÉSOSSEURS : Couteaux à lame courte, étroite et rigide, pouvant être légèrement courbée ou droite, à tendance plutôt pointue. Comme son nom l’indique, les désosseurs permettent de désosser les viandes et les volailles, afin d’en extraire rapidement et proprement l’ossature des divers vertébrés.
LA HACHE : Couteau constitué d’une lame longue, rigide et épaisse (environ 20 cm). Très tranchante, la hache est utilisée pour couper et fendre certains os (fente d’agneaux, côtes de toutes sortes, etc). Une bonne prise en main est par conséquent nécessaire.
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Les sept merveilles Les endroits les plus « hype » de la boucherie française et internationale !
Quand la boucherie devient un art, un luxe incontournable, elle prend alors un tout autre sens. Certains lieux mythiques de la planète vous permettent de découvrir cet univers fait de chair et de sang.
LE PORCELET ROSE
BOUCHERIE VICTOR CHURCHILL
Michel Ballereau, Meilleur Ouvrier de France, est un Berrichon très attachant. À l’âge de 14 ans, il quitte le domicile familial pour une formation professionnelle de Charcutier. Ses premiers patrons à Bourges marqueront sa carrière. Mais, c’est à Paris qu’il obtiendra la consécration, pour y avoir fait l’expérience dans de nombreuses entreprises de Charcuterie ayant une renommée nationale, où il prit énormément de plaisir à découvrir de nouvelles recettes ainsi que des méthodes de travail très innovantes.
Victor Churchill est une destination obligatoire pour les gourmets. S’y trouvent des bouchers compétents et professionnels venant d’hôtellerie de renom. Fournissant déjà l’Australie, puis la Chine et les restaurants les plus considérés de Singapour, le duo père et fils est fiers d’annoncer l’ouverture de la boucherie Victor Churchill. Un nouveau concept de la « vieille tradition » de la boucherie. La boucherie Victor Churchill mêle charcuterie et rôtisserie, et est la première du genre sur le continent Australien. Elle offre non seulement parmi les meilleures viandes rouges du pays, mais aussi un rayon traiteur gastronomique. Elle se trouve
Dès 1 975, il s’installe en gérance en banlieue, à Bourg La Reine dans les Hauts-de-Seine où il s’emploie à pratiquer son métier ainsi qu’à devenir un chef d’entreprise. C’est en 1 977 qu’il s’installe pour la première fois à son compte dans le 13ème arrondissement de Paris. Douze années plus tard, direction le 17ème, rue de Lévis, où il y reste pendant 15 années bien remplies. De belles années où il eut le plaisir d’élaborer de bons produits pour une clientèle attachée à la qualité des fabrications maison. Il participa à de nombreux concours jusqu’à la consécration finale du titre de Meilleur Ouvrier de France. En 2 001, après une certaine lassitude, il décide de se lancer un nouveau défi en revenant là où il avait commencé : au prestigieux Porcelet Rose dans les Hauts-de-Seine à Sceaux. • Le Porcelet Rose 41 rue Houdan Sceaux, FRANCE www.auporceletrose.fr
“ paradis des amateurs d’art voulant faire une expérience extraordinaire ” sur la rue Queen, à Sydney Woollahra. C’est une des banlieues les plus établies de Sydney. Les rues bordées d’arbres, les cafés et les boutiques ont aidé à planter le décor d’inspiration très européenne de la boutique. La boucherie Churchill existe depuis 1 876. Le choix du nom fût crucial. « Nous avons fait beaucoup de recherches sur l’histoire de Winston Churchill. Nous voulions avant tout le combiner avec le patrimoine de notre propre famille ». Un mélange parfait entre l’ancien et le nouveau, a été réalisé par l’Australie Dreamtime Design.
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LE COUTEAU D’ARGENT Yves-Marie Le Bourdonnec est un bobo particulier, un boucher bohème. Devenu star du steak, c’est un militant original de la bonne bouffe. Il a ouvert sa toute première boucherie en banlieue à 18 ans. Bardé de récompenses, il n’a eu de cesse, depuis, de défendre la viande éthique et de première qualité. Spécialiste mondial de la côte de bœuf affinée 60 jours, Yves-Marie Le Bourdonnec ne soumet à sa clientèle que des animaux qu’il a lui-même choisi. Il est aussi le seul boucher en France
“ en effet, c’est l’une des tendances des foodistas du moment : la quête du meilleur burger de Paris ” Saucissons secs suspendus et machine à trancher exposés dans la boucherie Victor Churchill à Sydney. un endroit pour la « junk [...] C’est dégustation ». Le vrai paradis des amateurs d’art et de design voulant faire une expérience extraordinaire. Le magasin est doté d’une énorme série d’équipements impressionnants, ayant pour but la provocation, l’intrigue, et l’amusement des clients. Puis la décoration est stupéfiante, on est véritablement plongé au beau milieu d’un univers assez fantasque car la viande est sublimée de façon telle que l’on se croirait à la fois dans un film d’horreur gore et dans un conte de fée. Les morceaux de viande suspendus un peu partout dans la pièce nous glace d’une certaine façon le dos car c’est plutôt déroutant. Mais d’un autre côté c’est très ragoutant, même pour un végétarien. La boucherie est faite de vieux comptoirs réfrigérés, persils fourrés, de viandes fraîches et de verrières du sol au plafond. Leurs spécialités sont bien-sûr une coupe de viande et les carcasses suspendues. Celles-ci sont soutenues par un mur de briques de sel gemme de l’Himalaya, imprégnant la viande de sa saveur et stérilisant l’air. Victor Churchill est une référence en termes de qualité de viandes et de produits artisanaux. Ceux-ci sont disponibles dans un contexte surprenant de vente au détail, tout en offrant une série de créations de délicieux repas préparés en cuisine. Le souhait de Vic et Anthony Puharich est de construire une relation de confiance et de séduction entre le personnel et les clients.
à vendre l’un des meilleurs bœufs au monde, le Wagyu, nourri au muesli de céréales et au vin rouge bio (100 €/kg). Depuis sa boutique à Asnières, il conseille de nombreux chefs étoilés comme Alain Ducasse, Eric Briffard ou encore Yannick Alléno, avec qui il a créé un burger primé par le célèbre New York Times. En effet, c’est l’une des tendances des foodistas du moment : la quête du meilleur hamburger de Paris. Chez les gourmets, le mot est passé comme une traînée de poudre, une nouvelle adresse de burger gourmet vient de voir
• Victor Churchill 132 Queen Street Woollahra, SYDNEY www.victorchurchill.com Hamburger, frite et sa sauce au restaurant Blend à Paris.
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le jour : Blend, dans le 2ème arrondissement de Paris. Les pros n’ont que ce mot à la bouche ces jours-ci. Attention, on ne vous parle pas ici du petit frère de la grande enseigne dont on taira le nom, mais bien d’une fraîche référence de la burgeronomie. L’avenue Montaigne du burger en quelque sorte, composé par le roi de la bidoche, Yves-Marie le Bourdonnec himself. Les burgers arrivent coupés en deux, ils sont bien épais, regorgent d’ingrédients et les buns sont joliment dorés et ont l’air moelleux à souhait. On croque dedans à pleine dents, en fait on plonge littéralement dedans, c’est doux, fondant et surtout loin d’être sec. La viande de bœuf est goûteuse, saignante et chaude. Côté frites, l’arrière goût légèrement sucré des patates douces est un vrai régal, les classiques n’ont rien à lui envier. Bref c’est bon, c’est bon et c’est bon ! Entre deux bouchées nous essayons d’en savoir un peu plus, mais la recette de ce blend (le mélange des viandes qui composent le steak haché) restera secrète. Nous terminons ce repas en dégustant un petit cupcake, franchement réussi, et un brownie épicé avec un double effet très surprenant. Vous commencez par déguster un simple brownie au chocolat et une fois la bouchée mâchée et avalée vous sentez le feu monter sur vos papilles, un petit feu étonnant du type gingembre et poivre mélangés. Pour les amoureux des plats relevés une petite bombe de bonheur à éteindre avec
“ il est aussi le seul boucher en France à vendre l’un des meilleurs bœufs au monde, le Wagyu, nourri au muesli de céréales et au vin rouge bio ” votre petit expresso. Tous les mercredis depuis 2 004, Yves-Marie Le Bourdonnec propose une journée « petits prix » avec d’excellents produits à un tarif défiant toute concurrence. « Comme je ne travaille qu’avec des éleveurs, j’achète mes bêtes entières. Si je n’ai aucune difficulté pour vendre les morceaux nobles, ce n’est pas toujours le cas pour d’autres parties. Je consacre donc une journée familiale pour démocratiser une dizaine d’excellents produits » . Surprise : il vient d’ouvrir une nouvelle boutique dans Paris avenue Victor-Hugo. • Le Couteau d’Argent 4 rue Maurice-Bokanowski Asnières, FRANCE • Blend Hamburger Gourmet 44 rue d’Argout Paris, FRANCE blendhamburger.com
à voir
L’APICIUS RESTAURANT
P
robablement l’un des restaurants-bar les plus secrets mais aussi les plus chics de la capitale parisienne. Méconnu, ce Relais & Château installé rue d’Artois, dans un magnifique hôtel particulier du XVIIIème, appartenant à Luc Besson. Le restaurant et le bar occupent le rez-dechaussée tandis que les étages accueillent les bureaux de production de Besson. Si le restaurant double étoilé de Jean-Pierre Vigato s’adresse bien plus volontiers aux rupins qu’aux curieux (carte à 250-300 €, pas de menus), le bar est quant à lui bien plus accessible. L’entrée est imposante, presque intimidante. La nuit, les arbres sont éclairés par des guirlandes couleur ocre et des bougies sont disposées au centre du jardin sur des tables en zinc. Ces jeux de lumières fan- “ Le barman tasmagoriques se vous demandera reflètent sur les vitres teintées et quelles sont vos les macarons des envies et créera berlines garées un cocktail de dans la cour. Le bar est situé sur son invention, l’accueil sur le à votre image ” perron jusqu’aux confortables chaises hautes du bar. Salle magnifique enluminée de dorures, de colonnes corinthiennes et de plafonds peints. Les candélabres à bougies et le magnifique lustre se chargent de diffuser une atmosphère tamisée au sein du bar. Il n’y a pas de carte. Le barman vous demandera quelles sont vos envies et créera un cocktail de son invention, à votre image. Nous étions partis sur des notes fruitées accompagnées de champagne. Puis sur un cocktail sec à base de gin. Un peu d’Angustura par-ci, une lichette de Martini par là, rajoutez du kiwi et du concombre, et le tour est joué. Voilà les cocktails présentés par le barman : un champagne kiwi et un dry martini rehaussé d’une pointe d’acidité amenée par le concombre. Les cocktails sont originaux, très fooding. Je ne suis pas un grand amateur de cette « nouvelle vague » de cocktails, mais on ne pourra pas leur reprocher leur créativité. • L’Apicius 20 rue d’Artois Paris, FRANCE www.restaurant-apicius.com www.loufokmagazine.fr
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LA GRANDE BOUCHERIE DU MOLARD Une boucherie de grande qualité qui propose également des plats du jour froids ou chauds et un grand rayon traiteur très attrayant permettent d’emporter chez soi, de déjeuner à midi au bureau ou d’organiser un dîner raffiné qui vous régalera et impressionnera vos convives. L’arcade regroupe également une épicerie. Leur spécialité est le « Kobé du Japon ». Cette viande exceptionnelle provient de la race Wagyu. Les animaux reçoivent chaque jour une ration de bière, et leurs flancs
“ les animaux reçoivent chaque jour une ration de bière, et leurs flancs sont massés au saké de façon traditionnelle ” sont massés au saké de façon traditionnelle. La viande de Kobé, persillée à près de 30 %, offre une saveur et une tendreté incomparable. Le Wagyu signifiant viande sublime ou bœuf en japonais. Surtout connu sous ce nom là, une appellation qui correspond à une race et à un mode d’élevage tellement attentif qu’il en explique le prix sept fois supérieur à celui du bœuf européen. C’est à Kobé qu’on a développé ce mode d’élevage, qui consiste à surveiller de manière extrêmement stricte l’alimentation des bœufs, mais aussi à les masser au saké et à introduire de la bière dans leur nourriture, ce qui explique sans doute leur calme olympien et leur bonne humeur. Les bœufs Wagyu sont avant et surtout particulièrement chouchoutés, éloignés de tout stress qui pourrait altérer la tendreté de leur chair marbrée à souhait. Il est bien entendu évident que l’on n’ajoute rien, aucun stimulant de croissance ni d’antibiotiques, à la nourriture du bœuf Wagyu. Le Wagyu style Kobé peut être apprécié en dehors du Japon, où il atteint des prix exorbitants. En Australie, en Amérique du Nord, aux Pays-Bas, on en a développé des cheptels. Les prix, bien qu’élevés, sont nettement plus abordables. En Oklahoma, Morgan-Davis est réputé pour respecter les techniques d’élevage japonaises. Cette viande parfaitement saine et naturelle part à l’étranger avec un passeport d’authenticité. Le label Natural Food. • La Grande Boucherie du Molard 20 rue du Marché Genève, SUISSE www.boucheriemolard.ch
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LE GOUROU WANG C’est à l’est de Beijing, que se trouve le « Gourou Wang » (le roi de la viande de chien). Dans ce restaurant, il faut réserver bien à l’avance, car c’est toujours bondé. Durant tout l’hiver, la fondue de chien est particulièrement populaire, très appréciée car elle réchauffe le corps. Chinois et Coréens sont habitués depuis des décennies à manger de la viande de chien. Dans les livres d’histoire, il y a plus de 2 000 ans, le roi chinois Han consommait de la viande de panthère et de chien, qu’il accompagnait de céleris. Les livres médicaux vantèrent rapidement les mérites de cette viande, en affirmant qu’elle était bonne pour les reins. Encore aujourd’hui, cette viande est considérée comme « bonne pour la santé » car elle coordonne le Yin et le Yang. Les Chinois consomment donc cette viande le plus souvent en hiver, et les Coréens durant l’été. Il y a toujours eu des élevages industriels de vaches et de cochons en Chine mais avant que le Saint-Bernard n’apparaisse en masse sur le marché, les grands élevages industriels de chiens étaient plutôt restreints. Manifestement plusieurs races de chiens sont consommables, mais les Saint-Bernard mâles semblent être les meilleurs géniteurs pour produire des chiens à viande. Ce sont apparemment des chiens qui grossissent vite, qui sont doux, et qui résistent très très bien aux maladies. Les éleveurs de cette race peuvent voir donc considérablement augmenter leurs chiffre d’affaire, qui triplent, et même quadruplent, comparativement à l’élevage de poules et de cochons. C’est alors une voix vers la richesse pour les éleveurs mais aussi pour les restaurateurs. • Pékin, Chine
HAMBURGER BLEND On croque dedans à pleine dents, en fait on plonge littéralement dedans, c’est doux, fondant et surtout pas sec. La viande de bœuf est goûteuse, saignante et chaude.
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AGNEAU NIKKA Le fameux agneau d’Yves-Marie Le Bourdonnec, maturé au whisky Nikka Pure Malt Black infusé aux herbes de genièvre, thym, romarin et poivre à l’aide d’une seringue.
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CRABE DE COCOTIER Sa chair à été considérée comme une spécialité locale et l’une des meilleures au monde.
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Loufoqueries culinaires Petit aperçu des curiosités gastronomiques du mois !
Nous partons chaque mois, partout dans le monde, à la découverte des spécialités, traditions, coutumes gastronomiques ou autres loufoqueries gustatives locales, avec à la clé de nouvelles recettes.
FOIE DE CRABE DE COCOTIER Attention, spécialité tropicale toxique ! Coconut Crab (Latro Birgus) est le plus grand arthropode terrestre dans le monde. Il est connu pour sa capacité à casser les noix de coco avec ses énormes pinces afin de manger leur contenu. Il est parfois appelé le crabe voleur parce que certain crabe de cocotier alimente la rumeur de voler des objets brillants tels que les pots et l’argenterie des maisons et des tentes. Le crabe de cocotier est un grand crabe terrestre comestible lié à la famille des « Bernard-l’hermite », et se trouve dans les zones tropicales des océans Indien et Pacifique.
“ leur foie peut s’avérer être mortel une fois sur dix ” Ils mangent des noix de coco pour survivre. Ce crabe fait plus de 1 mètre de la tête à la queue et pèse jusqu’à 30 kilos, avec une paire de pinces qui est suffisamment fortes pour ouvrir des noix de coco. Ils peuvent grimper aux arbres, mais ils ne se nourrissent que des noix de coco qui sont déjà tombées au sol. La chair du crabe de noix de coco a été très tôt considérée comme une spécialité locale et l’une des meilleures chaire au monde pour les quelques connaisseurs. Cependant leur foie peut s’avérer être mortel une fois sur 10. Heureusement, à certaines périodes de l’année cette probabilité est complètement effacée.
Pâté de foie de crabe • Ingredients : -- Crabe de cocotier -- Sel et poivre
• Préparation :
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Retirer la « protubérance » du crabe de cocotier et mettre cette partie à cuire au bain marie : au moins 20 minutes. Si le crabe a bien mangé des noix de coco, la cuisson durcit l’intérieur de cette excroissance de carcasse. On peut alors la tartiner comme du pâté. Cela a un peu la texture du foie gras, avec un petit goût de noix de coco. Attention avant de manger ce « foie gras » de la mer, il faut enlever les boyaux, qui peuvent avoir un goût très fort et amer. Cette partie est très grasse.
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LE NID D’HIRONDELLE Très fortifiant, repousse la vieillesse, facilite la digestion et accélère la convalescence des malades. Le nid d'hirondelle (dit « swallows'nest » pour les anglophones) apprécié des gastronomes en Asie n'est en fait pas produit par des hirondelles, mais par quelques espèces et sousespèces de martinets qui sécrètent un mucus mucilagineux, comestible, pour construire leur nid. Ce mucus est recherché comme produit de luxe par la cuisine traditionnelle chinoise, vietnamienne, et de nombreux pays d'Asie du Sud-Est, mais on lui attribue aussi de très nombreuses vertus pour la santé. Une seule espèce de martinet peut construire un nid entièrement comestible pour l’homme. Ces nids sont blanchâtres et translucides, parfois teintés de jaune, avec un aspect évoquant un peu les galettes de riz. La plupart des autres espèces fabriquent des nids, mais qui ne sont que partiellement comestibles. Dans ce dernier cas, on n'utilise que la partie poreuse et transparente constituée de mucus séché. Sa rareté et l'effort nécessaire à fournir
“ mais on lui attribue aussi de nombreuses vertus pour la santé ” à la récolte de ce produit en ont fait un mets particulièrement apprécié. Il a longtemps été uniquement récolté dans les cavités de falaises dangereuses, abruptes et souvent en altitude, ou dans de vastes grottes reculées dans la jungle asiatique.
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Soupe aux nids d'hirondelle • Ingrédients
-- 100 g de nids d'hirondelle prêts à cuire -- 1 tranche de jambon de Bayonne -- 1/2 blanc de poulet cuit -- 1 oignon -- 1 œuf -- 1 tubercule de gingembre -- 3 cuillerées à café de fécule -- 1 cuillerée à soupe de sauce de soja -- 1/2 cuillerée à café de sel -- 1 cuillerée à soupe de cognac -- 10 gouttes d'huile de sésame -- 1 pincée de glutamate
• Préparation Faites tremper les morceaux de nids d'hirondelle dans de l'eau froide au moins trois heures. Découpez le jambon en allumettes. Découpez l'oignon et le gingembre et le blanc de poulet en fines lamelles. Battez l’œuf dans un bol. Mélangez dans un bol le poulet, le cognac et une cuillerée à café de fécule et laissez mariner 15 minutes. Délayez le reste de la fécule dans un peu de bouillon. Mettez le consommé de viande et le gingembre dans une casserole émaillée et portez à ébullition, puis enlevez le gingembre. Incorporez les nids d'hirondelle pendant une heure à feu doux. Ajoutez le jambon, le poulet, le glutamate, le sel et la sauce de soja. Versez ensuite la fécule délayée puis, une minute après, l'oeuf battu tout en remuant. Pour finir ajoutez l'oignon et l'huile de sésame.
LA VIANDE DE SINGE Âmes sensibles, s’abstenir ! Succulent mais à vos risques et périls. Voici sans le moindre doute le plat le plus controversé que nous vous présentons dans ce dossier. En Guyane, et dans d'autres pays, le singe est parfois présenté vivant et le crâne ouvert aux convives. Le plat consiste à servir la cervelle du singe vivant dont le crâne émerge à vif d’un trou au centre de la table. Le principe est alors de tapoter la dernière couche de crâne ramolli avec le dos arrondi de la cuillère, puis de déguster ce joyeux festin chacun son tour. C’est une expérience bizarre et, si l'on peut dire, réellement unique, et pouvant bien entendu susciter une réelle appréhension.
“ on prête à ce plat la vertu de guérir l'incontinence ” En effet, pour savourer ce plat, il faut vraiment se lancer et évidemment ne pas avoir le cœur sur la main. L'animal est ivre et attaché, et ne sera dégusté que lorsqu'il aura perdu connaissance. Il est complètement immobilisé. Sans le tuer on lui scie l'os du crâne de façon à l'ouvrir comme un couvercle. On y verse ensuite un peu d'huile bouillante sur la cervelle pour la cuire dans sa « marmite » d'origine. Les convives détachent ensuite des morceaux de cervelle comme s'il s'agissait des croûtons d'une fondue savoyarde. On prête à ce plat la vertu de guérir l'incontinence. Rien n'est moins vrai et le consommer n'est pas sans risque. Les cellules cérébrales peuvent en effet être porteuses de maladies graves comme celle de Creutzfeldt-Jakob. Une dégénérescence grave du système nerveux central caractérisée par l'accumulation d'un prion (forme anormale d'une protéine pouvant transmettre les germes porteurs de cette maladie).
Viande de singe boucanée aux arachides • Ingrédients -- Viande de singe boucanée -- Pâte d’arachide -- Sel, piment -- Tomate pelée -- Oignon -- Purée de tomate -- Huile -- Riz -- Manioc -- Banane plantain
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• Préparation Faire cuire le riz dans une casserole. Puis le manioc et les bananes plantains dans un cuiseur vapeur ou simplement à la casserole. Couper la viande et la tremper dans de l'eau chaude puis couper les oignons. Diluer la pâte d'arachide dans de l'eau froide à petit feu. Mettre de l'huile dans une casserole. Faire frire les oignons dans une grande poêle. Ensuite ajouter la tomate, sel et poivre. Ajouter les morceaux de viande. Ajouter de l'eau et la pâte d'arachide en enfin couvrir et laisser cuire pendant une heure à feu moyen. Servir accompagner du riz, du manioc et de bananes plantains.
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LES INSECTES L’avenir de notre alimentation n’est plus à chercher bien loin. Les insectes sont aussi, voir plus nutritifs que la viande et le poisson.
Sauté de Coléoptères • Ingrédients -- 500 g de larves de coléoptères -- 200 g de riz -- 3 carottes -- 1/2 chou chinois -- 6 pommes de terres -- Huile ou beurre -- Sel et poivre -- Herbes aromatiques
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• Préparation Faire cuire le riz et les légumes à la vapeur. Faire chauffer un peu d’huile dans une poêle ou le faire avec du beurre. Une fois que l’huile frémit, vous pouvez y déposer vos larves et les faire sautées, puis les faire revenir plusieurs minutes, jusqu’à ce que vos coléoptères commencent à brunir. Tournez vos insectes à l’aide d’une spatule en bois sans les écraser. Saler et assaisonner avec un peu d’herbes aromatiques . Ensuite retirer votre préparation du feu. Dégraisser en tamponnant l’excès d’huile avec une feuille de papier-linge. Servir le plat chaud ou à température ambiante avec le riz et les légumes.
Les insectes sont tout particulièrement riches en protéines et peu caloriques. Aussi riches en protéines que le bœuf, le porc ou le poulet. Les insectes comestibles, dont les compositions varient en fonction des espèces, apportent également vitamines (notamment Vitamine B, B2 et D), minéraux (fer, zinc et calcium) et acides gras essentiels. Séchés, leur teneur en protéines est deux fois plus importante que celle de la viande. Les insectes comestibles sont pauvres en calories, sauf les larves, chenilles et termites qui sont bien plus grasses. Aujourd’hui d’importants et fréquents scandales alimentaires éclatent (vache folle, poulets et porcs à la dioxine, poisson au mercure). C’est une alternative non négligeable pour combler nos besoins en protéines. Manger des insectes permet de bien réduire l’activité industrielle de production de viande, considérée comme très polluante, sans compter les méthodes d’abattage et les conditions de vie des animaux destinés à la consommation souvent décriées. L'élevage d'insectes émet beaucoup moins de gaz à effet de serre que l'élevage de bétail. Les superficies nécessaires, bien moindres, ne nécessitent pas de déboisement, assèchement ni dégradation de l’environnement. Peu gourmands en eau
“ les insectes sont extrêmement riches en protéines et peu caloriques. Aussi riches en protéines que le bœuf, le porc ou le poulet ” et faciles à élever, bon nombre d’insectes se reproduisent rapidement dans des espaces confinés. En Europe, nous ingurgitons à notre insu 500 gr d’insectes en moyenne par an, dissimulés dans divers produits alimentaires de consommation courante (confiture, pain, jus de fruits, céréales). L’entomophagie fait partie des traditions de très nombreuses civilisations. 1 400 espèces d’insectes et de vers sont consommées par l’homme dans près de 90 pays en Afrique, Amérique latine et Asie. Avec cette crise alimentaire mondiale, la FAO envisage très sérieusement de développer l’entomophagie car les insectes sont abondants, mais aussi, et surtout, très bon marché. Les insectes comestibles sont : Le ver de farine (larve de ténébrion), le grillon, les sauterelles et criquets, les larves de guêpes et d'abeilles, certaines espèces de fourmis, les termites et quelques chenilles. La plupart des insectes avec carapace de types sauterelles, criquets, vers, ont un petit goût de noisette croquante.
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“ Le poids de la Crigne ” Maquette réalisée par Ronan J. Sevellec Photo : Joël Laiter
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Ronan Jim Sévellec L’artiste loufoque du mois !
Toujours à la recherche des artistes les plus bizarres et décalés, voici Ronald Jim Sévellec, un modeleur, illustrateur et maquettiste impressionnant dont certaines œuvres en feraient pâlir plus d’un.
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onan Jim Sévellec est né à Brest en 1 938. Très jeune, il commence à s’initier au dessin, au modelage et à la peinture auprès de son père, l’artiste breton Jim Sévellec. Ses premiers dessins paraissent dans la presse dès 1 960. Établi dans la région parisienne depuis 1 967, il exerce la profession d’illustrateur, réalise quelques maquettes pour diverses productions cinématographiques, continue de peindre et participe à de nombreux salons. En 1 977, une exposition lui est exclusivement consacrée à la galerie Michel-Ange à Brest. Mais l’artiste va progressivement délaisser la peinture pure au profit d’un travail entièrement consacré vers le volume. Trop général, ce mot signifie précisément modelage, montage, assemblage. Le terme « maquette » serait en l’occurrence aussi approximatif que réducteur. Pendant plus de dix ans, Ronan Jim Sévellec disparaît du monde des expositions pour travailler ses propres volumes. En 1 989 pour la première fois, il présente ses boîtes d’inspiration surréaliste à Elbeuf en Normandie. Son œuvre révèle année après année une vraie maturité autant qu’une vraie cohérence d’ensemble. En 1 995, son exposition à Paris, à la galerie Soulié, rue Guénégaud, le révèle véritablement au milieu parisien.
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• EXPOSITIONS RÉCENTES 2009 : - “ Les Récalcitrants ” Galerie Nicolet-Oppede (Lubéron) 2010 : - “ Ensebioskerk ” Arnhem (Pays-Bas) - “ Fantomazing stories ” Amarrage (St. Ouen) - “ à l’intérieur ” M.J.C (Dieppe) 2011 : - “ l’Art en boîte ” Villa Daumier (Valmondois) - Galerie Antonine Catzelfis (Paris) - Participation à l’exposition organisée par la revue « Hey ! » à la Halle St. Pierre (Paris) - Foire d’art contemporain, au Cutlog (Paris) - Galerie d’estampes (Paris) - Ventes des photos prises par Joël Laiter des boîtes de Sevellec, Galerie Basia Embiricos (Paris)
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A l’entrée de l’appartement où vit et travaille Ronan Jim Sévellec, un petit chien nous accueille en sautillant. L’artiste s’adresse à lui dans un langage châtié pour calmer son ardeur, puis se propose de nous montrer ses boîtes, chacune d’elle étant une vue d’intérieur en miniature. La petite pièce qui lui fait office de salon et d’atelier évoque elle-même l’une de ses réalisations : comme dans ses œuvres, une seule source de lumière choisit de révéler ou de laisser dans l’ombre la multitude d’objets qui s’y sont accumulés, comme cette authentique boîte de sardines vide, plaquée or par l’artiste, qu’il nous tend en guise de cendrier... Né en 1 938, Sévellec a exercé avec talent la profession d’illustrateur, puis s’est mis à la boîte voici une dizaine d’années. Ses premières œuvres réunissaient divers objets hétéroclites dans des univers totalement imaginaires qui n’étaient pas sans rappeler la tradition dadaïste de la boîte depuis Cornell ou bien Schwitters, que perpétuent encore aujourd’hui des artistes comme Lucas Weinachter ou Jean-Michel Jaudel. Puis, très progressivement (sa minutie
“ Resserre aux accessoires ”
Maquette réalisée par Ronan J. Sevellec Photo : Joël Laiter
est telle que la réalisation d’une seule de ses boîtes peut prendre plusieurs mois), il s’est attelé à la reproduction du réel. D’abord en mettant en scène des personnages comme dans Le Bar (environ 40 x 80 x 30 cm), puis en laissant des lieux livrés à eux-mêmes. La présence humaine est d’ailleurs bien plus forte dans un travail où un lit chiffonné est mis en scène, que dans celui qui comporte des petites figurines humanoïdes.
“ une boîte de Sévellec n’a dès lors rien d’une maison de poupée. Ou bien si, mais celle d’une barbie plutôt débauchée ” C’est précisément à cette force expressive qu’est maintenant parvenu Ronan Jim Sévellec.
Ses créations ne sont jamais, jamais statiques, tant chaque objet, reproduit avec une minutie maniaque, semble chargé d’une histoire passée ou d’un devenir. Une œuvre récente comme La Bibliothèque évoque même une scène de polar, elle pourrait bien être l’antichambre d’un salon où se serait commis quelque crime sordide. Cet effet ne dépend pas uniquement du réalisme de la reproduction de chaque objet. Certes, beaucoup de livres de cette bibliothèque ont été assemblés feuille à feuille sur un format de 10 x 5 mm, et leurs couvertures sont des réductions à la photocopie de jaquettes de bestsellers, mais ce perfectionnisme quasi maladif ne suffirait pas à provoquer une émotion esthétique. Tout est dans la scénographie et la mise en lumière de ses objets. Les boîtes sont toujours équipées d’une lampe dispensant une lumière plutôt sourde venant par une fenêtre ou par le plafond. La composition joue alors un rôle unificateur et fait de chaque boîte une œuvre finie à laquelle rien ne peut être ajouté ou bien soustrait. Une boîte de Sévellec n’a dès lors rien à voir avec une
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de poupée. Ou bien si, mais [...] maison celle d’une Barbie particulièrement débauchée, qui aurait sombré dans la paresse et dans l’alcool, et qui n’aurait, assurément, rien d’une fée du logis... La critique bien pensante classerait Sévellec parmi Les Singuliers de l’Art, ces artistes taxés de folie qui, comme le Facteur Cheval, ne prennent leur place dans aucune perspective historique. Mais dans une œuvre plus récente comme La Décharge, Sévellec refait le lien direct avec ses premières boîtes et par là même avec une nette tradition artistique de la boîte. Son sujet (énorme accumulation de détritus et d’objets hétéroclites réduits) fait référence à Dada, mais aussi au Nouveau Réalisme avec les Poubelles d’Arman, mais la distance à l’objet qu’implique la réduction, et le mouvement expressionniste de la composition redonnent à cette œuvre et à son auteur une importance légitime dans la création contemporaine.
• EXTRAITS DE PRESSE « Et tout ceci nous ramène à quoi ? À la peinture. Car ces extraordinaires et très minutieux assemblages imposent tout aussi fort l’espace fragmenté de la couleur, du geste du peintre, et de son goût, sans nul doute, pour les compositions des grands maîtres. » Le Parisien (Pierre Vavasseur) « Il s’agit ici de peinture. Le recours au volume ne doit pas nous égarer : Ronan-Jim Sévellec dessine et peint ses œuvres comme tout un chacun, ensuite toutes ces choses s’installent dans l’espace... » RJS ou la présence des lendemains (Henri Tieguez) « L’univers poétique de Ronan Jim Sevellec se décline en intérieurs comme en extérieurs et dans toutes les matières qu’un artiste peut pétrir ou manier... Cet univers-là est profondément habité, marqué comme l’oreiller sur lequel on a toute une nuit rêvé sa vie, par le passage des hommes : il est tragiquement beau, réellement fascinant. » Lyon Poche (Marielle Créac’h) L’univers de Ronan Jim Sévellec est surprenant. C’est en maître qu’il parvient à mettre le monde en boîte, en vitrine. Un monde qui lui appartient, qu’il recrée, modèle avec détail, lui permettant de s’échapper dans un univers imaginaire. Une atmosphère kafkaïenne se dégage de cette œuvre désertée de toute présence humaine. Elle appelle le visiteur à pénétrer dans l’intimité de cet autre qu’il ne connait pas. La force de Ronan Jim Sévellec, lui renvoyer l’image de lui-même, de la nature humaine. Fragilité, désordre, recherche permanente d’équilibre, on est happé, fasciné. Plus qu’un décor de théâtre, chaque visiteur finit par devenir observateur puis acteur à son tour...» Les Nouvelles de Versailles (Christine Dufay)
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“ Atelier n°5 ”
Maquette réalisée par Ronan J. Sevellec Photo : Joël Laiter
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“ Saraye Bouali ” Tatouage sur cochon Wim Delvoye
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De l’art, de la viande
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De l’art et de la viande ? Oui, de l’art et de la viande !
Non, ce n’est pas un article sur des bouchers ayant raté leur vocation d’artiste, mais bel et bien un mini reportage sur deux personnages emblématiques du domaine qui ont joué avec la bidoche.
WIM DELVOYE Wim Delvoye est un plasticien belge né à Wervik en 1 965. Il est célèbre pour l’installation Cloaca (2 000), dite « machine à caca » qui reproduit le processus de la digestion. On entre des aliments et en bout de chaîne, sortent des excréments. Wim Delvoye est un « artiste-entrepreneur » et son œuvre est une véritable entreprise. Multiples assistants, avocats et conseillers financiers l’épaulent dans ses projets qui font cohabiter art, cotation en bourse et cochons tatoués, devenus très célèbres.
“ son œuvre se rit des codes de la société libérale et mêle l’obscène et l’impur ” Wim confronte l’histoire de l’art, la tradition flamande et l’industrie de manière souvent extravagante. De la cage de but de football incluse dans un vitrail au faux dallage de marbre réalisé avec du jambon, des nichoirs agrémentés d’accessoires sadomasochistes, aux cochons tatoués, l’inventivité de l’artiste et son goût pour la dérision ne connaissent aucune limite. L’œuvre de Wim Delvoye déroute autant qu’elle peut attirer car elle frappe par sa folle richesse inventive, ses trouvailles humoristiques et l’insolence dont il fait preuve face aux normes culturelles. En jonglant avec la science et la culture populaire, Delvoye mêle impertinence et recherche formelle à travers des œuvres parodiant aussi bien le savoir-faire artisanal que la recherche scientifique.
« Personne ne veut admettre que la force qui est derrière l’art, c’est qu’on peut le posséder. Je paye des tatoueurs pour tatouer des petites peintures sur les cochons. C’est très spécial de tatouer, c’est vraiment anti-classe, sauf chez les crapuleux. Et je montre au monde des œuvres qui sont tellement vivantes qu’elles doivent être vaccinées... Ça vit, ça bouge, ça va mourir. Tout est réel. L’art vivant, c’est plus intéressant que l’art empaillé. » Delvoye est également l’auteur de « Mosaïques », des carreaux de céramique représentant la propreté, ornementés de motifs évoquant la matière fécale, comme de « Nichoirs », une série de nids artificiels pour oiseaux, ornés d’accessoires sadomasochistes, ou de « Finale », un ensemble de vitraux médiévaux qui figure
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des matchs de football. Ses cochons, tatoués de personnages de Walt Disney, d’un Monsieur Propre ou des sigles Vuitton, témoignent également du cynisme de toutes ses créations. Dans la veine du surréalisme et de Marcel Duchamp, celles-ci s’imposent alors comme des avatars contemporains de l’artiste savant de la Renaissance. Très éclectiques, elles fusionnent la tradition artisanale flamande, l’histoire de l’art et l’industrie. Véritable artiste ethnique, Delvoye s’empare aussi des codes visuels populaires ou des objets de masse pour questionner les clichés liés à la Belgique. Exposée au musée d’Art contemporain de Lyon en 2 003, au MAMCO de Genève en 2 005 ou au grand Kaohslung Museum of Fine Arts de Kaojslung à Taïwan, son œuvre se rit des codes de la société libérale et mêle l’obscène et l’impur aux notions d’hygiène et de religion. C’est cette hybridité, alliée à une dimension critique, qui fait la force de ces installations postmodernes.
« J’ai d’abord eu l’idée de faire une machine nulle, seule, avant de concevoir une machine à faire du caca. J’ai pensé aux Temps Modernes, à Chaplin, à sa machine à manger, à cette fascination du début du XXe siècle pour la machine. » En 2 012, le Louvre a invité Wim Delvoye à intervenir dans plusieurs espaces du musée : sous la pyramide, au sein des appartements Napoléon III, puis dans les salles gothiques du département des Objets d’art et après dans le jardin des Tuileries. Après Tony Cragg, Wim Delvoye est le deuxième artiste à concevoir une nouvelle sculpture monumentale pour la colonne du belvédère : une immense flèche gothique en acier Corten torsadée, intitulée Suppo. Parallèlement, une imposante œuvre en acier Corten dentelé rejoindra le jardin des Tuileries en juillet, et s’inscrira à l’automne dans le parcours de sculptures de la FIAC. Au sein du musée, une quinzaine de productions récentes en vitrail, en porcelaine, en bronze, témoignant de ses recherches actuelles sur la sculpture du XIXe siècle et de l’exploration des techniques informatiques de reproduction, sont présentées en contrepoint des collections des Objets d’art. Un grand vitrail présenté dans l’escalier Lefuel entre en résonance avec ceux de François Morellet tandis qu’une chapelle gothique dialogue avec les grandes tapisseries et objets liturgiques de la salle d’Anne de Bretagne. De la relecture triviale du gothique jusqu’aux déformations baroques de crucifix, l’art populaire et décoratif de Wim Delvoye, qui prend ses racines dans un détournement ironique des styles du passé, trouve dans le musée un écho particulièrement sonore.
“ Louis Vuitton Pigskin ” Tatouage sur cochon (2005) Wim Delvoye
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JANA STERBAK Jana Sterbak est une sculptrice née à Prague en Tchécoslovaquie en 1 955). Sterbak quitte la Tchécoslovaquie avec ses parents en 1 968 après le Printemps de Prague, s’établissant d’abord dans la ville de Vancouver avant de déménager à Montréal pour y terminer ses études à l’U. Concordia. Elle mène une vie itinérante, partageant son temps entre Toronto et New York avant de revenir à Montréal, où elle vit actuellement tout en séjournant souvent à Paris. Depuis sa participation remarquée à l’exposition Aperto à la Biennale de Venise en 1 990, et son exposition en solo au musée des Beaux-Arts du Canada en 1 991, elle expose souvent en Europe, tant en solo qu’en groupe. On trouve des œuvres révélatrices de son fameux style à la Galerie nationale, au musée d’art contemporain de Montréal et au Centre Georges-Pompidou à Paris. En 2 012, elle s’est mérité le Prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques. Le style de Sterbak est difficile à définir, tout comme les matériaux qu’elle utilise. Influencée à ses débuts par le minimalisme, elle choisit délibérément des matériaux souvent non conventionnels, guidée par son désir d’établir un rapport quasi direct et frappant entre l’idée et la matière. Ainsi, elle utilise à plusieurs reprises du fil électrique, des rubans de
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couturière, du bifteck, ainsi que des matériaux plus traditionnels tels que le plomb, le verre et le bronze. Le résultat peut sembler menaçant et agressif, comme dans la robe électrique I Want You to Feel the Way I Do... (The Dress) (1 984-1 985), ou témoigner d’une fraîcheur ironique, comme dans Generic Man (1 987) ou Standard Lives (1 988), dont le mordant est quelquefois accentué par l’utilisation de texte.
“ guidée par son désir d’établir un rapport quasi direct entre l’idée et la matière ” Jana Sterbak à inspiré plusieurs artistes, notamment le styliste de Lady Gaga. Le public pourra d’ailleurs découvrir la célèbre robe en viande de la chanteuse qui avait fait sensation en 2010 à Los Angeles. Elle est exposée dans un musée de Washington. Cette robe de viande crue, avec bottines assorties, que portait la chanteuse américaine Lady Gaga en 2010 lors d’une cérémonie de prix, est exposée à Washington aux côtés d’une étole en renard de Billie Hollyday ou de boots de Patti Smith.
La robe rouge en vraie viande de bœuf, avec laquelle la chanteuse avait fait sensation lors des MTV Video Music awards à Los Angeles, est l’un des clous d’une exposition consacrée aux femmes chanteuses, du 7 septembre au 6 janvier 2013, au prestigieux National Museum of Women in the Arts de la capitale américaine. La tenue, qui appartient toujours évidemment toujours à la chanteuse, a été collée sur un mannequin de plâtre et la matière vivante traitée par des taxidermistes, avec des produits chimiques, pour sa conservation. Un piano droit sur lequel l’excentrique vedette a plaqué ses premiers accords quand elle était enfant fait également partie de l’exposition, qui évoque 70 artistes des années 1920 à nos jours, avec quelque 250 objets.
“ Jésus ”
Tatouage sur cochon Wim Delvoye Cochon de droite (p. de dr.)
“ Love ”
Tatouage sur cochon Wim Delvoye Cochon de gauche (p. de dr.)
Lady Gaga
Robe en viande de bœuf portée lors des MTV Video Music Awards Ci-contre
En bref tout comme cette très originale robe de Terry Richardson, les sculptures de Jana Sterbak sont de-même installées sur le mobilier, dans les vitrines ou encore le long de l’escalier du Ministre, comme des objets emblématiques de cette nouvelle vague de mode loufoquement hype, et précurssive d’inspirations dégénérées. Bien loin de Coco Chanel, Dior, Saint-Laurent, esthétiquement correct, la haute couture de luxe n’est plus au goût du jour, en effet, la classe actuelle s’inspire de la marginalité et du renversement des codes habituels de l’élégance.
“ la tenue de lady Gaga est exposée dans un musée de Washington ” La mode devient donc un art à part entière, au sens propre comme au sens figuré, et ce n’est pas pour en déplaire aux moutons noirs du stylisme et de leurs fashion’s adeptes. En effet, on peut remarquer que dans la mode saisonnière, la jeunesse est plutôt portée sur l’extravagance. Nombreux sont les jeunes hommes et les jeunes femmes qui adoptent un mode vestimentaire qui jure complètement avec nos mœurs purement catholiques. Malheureusement pour les avant-gardistes, ces nouveaux concepts vestimentaires frisent la dépravation et peuvent le plus souvent facilement choquer. Cela fait son effet un temps, puis la vague médiatique se dissipe peu à peu pour laisser la place à de nouvelles choses, parfois dans la même veine, parfois différentes.
• PUBLICATIONS - Jana Sterbak Condition Contrainte Francoise Cohen, Jean de Loisy Actes Sud \ Carre D’Art 2006. -128p.
- Waiting For High Water Hubert Damish, Jana Sterbak Centre culturel canadien, Canadian culrurel center, Paris 2006. - 83p.
- Jana Sterbak : de la performance al video Teresa Blanch, Walter Moser, Manuel J. Borja-Villel, Gonzalez de Durana, Corinne Diserens, Yolande Racine, Tomas Vlcek Artium, Centro-Museo de Arte Contemporaneo, Vitoria-Gasteiz 2006. - 112p.
- Jana Sterbak : Video Installations Lene Burkard, Karsten Ohrt, Marie Fraser Kunsthallen Brandts Klaedefabrik, Odense 2005. - 61p.
- Jana Sterbak : From Here To There Gilles Godmer, John W. Locke Musee d’art contemporain de Montreal 2003. - 192p.
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VICTORIA REYNOLDS Victoria Reynolds est née à Tyler au Texas. Elle vit et travaille dans la ville de Santa Monica en Californie. En 1990, elle complète un baccalauréat à l’Université de l’Oklahoma à Norman, Oklahoma et obtient une maîtrise de l’Université du Nevada à Las Vegas, Nevada. Elle peint de la viande. Elle peint de la chair dans tous les tons de rouge, rose et blanc. De son propre aveu, elle a été fascinée par la chair dès ses cinq ans. Ses portraits, généralement présentés dans de vieux cadres baroques opulents, étalent une étrange beauté tragico-mélancolique et peuvent provoquer une profonde révulsion. Plusieurs choses sont évoquées dans son œuvre : la fragilité de nos vies, la merveilleuse structure de nos chairs, le destin tragique de la bête qui gît là comme modèle, la mort juste avant la putréfaction. Ces tableaux nous rapprochent bizarrement de notre mortalité. Elle commence par prendre quelques photographies qu’elle manipule digitalement. Mais elle a aussi son modèle «vivant». Et sur la toile, c’est couche par couche que sa toile prend forme et reproduit la texture de la chair. Je suis carnivore. La viande saignante m’a toujours fait saliver, dans une assiette bien sûr. Mais associer cette viande à un animal dont le sang pulse encore dans les veines, ou de la voir en pièces suspendues pour la regarder en spectacle me provoquent beaucoup d’inconfort. La moindre altération de la chair d’un être vivant crée une sorte de souffrance, un souvenir douloureux, laisse une marque, une espèce d’empreinte, une cicatrice et peut
“ de son propre aveu, elle a été fascinée par la chair dès ses cinq ans ” créer un désordre difficile à restituer dans sa condition initiale. Il y a plusieurs émotions à la fois qui se jouent à la vision de ces chairs étalées au-delà de toute possibilité de restauration... Sa série thématique sur les chairs de rennes ne m’a pas laissée indifférente. Curieuse malgré mes réticences, je me suis retrouvée voyeur avec légèrement, un sentiment de culpabilité... parce qu’il est difficile de maintenir l’idée que ce ne sont que des images... Cela a le mérite de faire sortir de leur torpeur toutes sortes de sentiments compartimentés.
“ Reindeer Burka Shroud” Graphite sur papier, 2008 Victoria Reynolds (image ci-dessus)
“ Couchon Verni”
Huile sur panneau, 2010 Victoria Reynolds (image du haut)
“ Down the Primrose Path” • Richard Heller Gallery 2525 Michigan ave, B-54 Santa Monica, USA www.richardhellergallery.com
Huile sur panneau, 2003 Victoria Reynolds (page de gauche)
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L’addition
Ce magazine à été concocté avec amour et délicatesse par Jade Parodi et Harold Perrin dans les locaux de l’école Intuit.lab de Paris. Trois semaines de dur labeur, d’investigations toutes plus loufoques les unes que les autres sur l’univers fascinant de la boucherie et du monde animal. Un voyage immersif au sein d’un monde curieux et peu connu du commun des mortels. Merci pour votre lecture et à bientôt pour de nouvelles découvertes le mois prochain.
Total : 42 pages Editeur : Ecole intuit.lab Dépôt légal : janvier 2013 ISBN : 000-0-00000-000-0
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