WAHIB CHEHATA
donne à découvrir un état des lieux de notre monde. Brutal et sensible, ce nouvel opus examine, décrit les tragédies humaines qui se jouent devant nous, décrypte aussi notre déterminisme face au chaos. Les mondes de Wahib Chehata révèlent une autre mythologie et des récits fragmentés…
À la lumière des pas des grands maîtres de la Renaissance et du Romantisme, ses œuvres offrent un dialogue avec ce qui nous précède dans l’histoire de l’art. De ce passé, l’artiste en a gardé assurément l’exaltation et le mystère, une capacité à jongler entre le morbide et le sublime, une liberté créatrice pure et subjective baignée par des compositions tirées des écrits anciens et sacrés. Les mémoires sont ici plurielles et réinterprétées à l’aune non pas d’une croyance mais des vérités de chacun.
C’est également l’aspect frontal et majectueux qui ressort de ce travail plastique, il est le résultat d’une maîtrise fascinante de la lumière, de la couleur et des espaces. Obsédé par le geste pictural, l’artiste bouscule les normes pour traduire par le médium de la photographie la puissance de la peinture et des émotions.
Entropie tel un oxymore, dévoile la beauté et la complexité de nos liens sociaux et de notre humanité. Wahib Chehata donne à voir un hymne à la vie, qui, malgré le chaos, s’organise, se reconfigure et trouve un chemin.
Sa recherche des origines communes l’emmène en Afrique de l’Ouest, où il s’installe pendant plusieurs années. Les terres maliennes deviendront son studio à ciel ouvert. À la déchetterie de Bamako, où cette série a été conçue, Wahib Chehata se penche vers ses sujets et capture des scènes de vie. L’artiste s’inscrit dans une tradition où le sujet est proche de soi. Il apprend à le connaître, le fréquente afin de mieux le comprendre et donc le représenter. Il y a une forme de direction, de mise en scène presque cinématographique et très symbolique dans la création de ses compositions.
offers an overview of our world.
Brutal and sensitive, this new opus examines and describes the human tragedies that are played out in front of us, deciphering our determinism in the face of chaos.
Wahib Chehata’s worlds reveal another mythology and fragmented stories…
In the light of the steps of the great masters of the Renaissance and Romanticism, his works offer a dialogue with what preceded us in the history of art. From this past, the artist has certainly kept the exaltation and the mystery, a capacity to juggle between the morbid and the sublime, a pure and subjective creative freedom immersed in compositions from ancient and sacred writings. Memories are here plural and reinterpreted according to the truths of each individual, not to a belief.
His search for common origins takes him to West Africa, where he settles for several years. The Malian lands became his open-air studio. At the Bamako garbage dump, where this series was conceived, Wahib Chehata leans towards his subjects and captures scenes of life. The artist joins a tradition where the subject is close to him. He gets to know the subject, meets him, in order to better understand him and therefore represent him. There is a form of direction, of almost cinematographic and very symbolic staging in the creation of his compositions.
It is also the frontal and majestic aspect that emerges from this plastic work, it is the result of a fascinating mastery of light, color and space. Obsessed by the pictorial gesture, the artist overturns the norms to translate the power of painting and emotions through the medium of photography.
Entropie , like an oxymoron, reveals the beauty and complexity of our social links and our humanity. Wahib Chehata offers a hymn to life, which, despite the chaos, organizes itself, reconfigures itself and finds a way.
Jardin Rouge résidence artistique Marrakech, Maroc Octobre 2022
Leçon d’anatomie -
2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 187 cm - tirée à 6 exemplaires
Portrait - 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 113,5 cm - tirée à 6 exemplaires
Portrait - 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 101,5 cm - tirée à 6 exemplaires
Scène - 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 187 cm - tirée à 6 exemplaires
Jardin Rouge résidence artistique Marrakech, Maroc Octobre 2022Scène - 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 187 cm - tirée à 6 exemplaires
WAHIB CHEHATA
Quel a été le déclencheur de la série « Entropie »?
Cette série s’inscrit dans une continuité avec la précédente, « Renaissance » ; toutes deux créées à l’occasion de longs séjours au Mali. Avec « Renaissance », il s’agissait d’aboutir à un rendu pictural par le truchement de la photographie, dans le cadre d’un dialogue avec quelques-unes des plus belles œuvres mythologiques de l’histoire de la peinture.
La recherche d’universalité m’a conduit à puiser dans les œuvres de la Renaissance et au-delà, jusqu’au 19ème siècle. Une fois ce travail achevé et exposé, une nouvelle série sur les décharges de Bamako s’est imposée comme une évidence, à force de passer devant, quotidiennement.
Comme une métaphore du monde actuel, comme autant de déclinaisons des mythologies modernes de la consommation, de la production et de l’exploitation : un grand grouillement, enchevêtrement d’humains miséreux avec des biens de consommation putréfiés, le tout baigné dans une lumière divine. Autant de matières à poursuivre mes recherches ; cette fois-ci en puisant dans la peinture réaliste du 19ème siècle, celui de la révolution industrielle.
Un siècle de changement pictural, esthétique, social et politique. La continuation d’un travail de mise en scène, en référence à des tableaux précis, confrontés à la violence du réel, s’est révélée plus compliquée à réaliser pour cette série.
Un travail qui a nécessité de passer beaucoup de temps avec ces modèles pour apprendre à se connaître afin qu’ils acceptent d’en être, avec la mise en place des lumières, de cadre à définir dans ces lieux improbables, de fin de cycle, celui de la consommation, et de début d’un autre. Les gens qui y travaillent et qui en (sur)vivent, récupèrent, recyclent cette matière, ce compost dont on ne saisit pas vraiment ni le contenu ni la forme mais bien le désespoir. J’ai opté pour des références symboliques simples et fortes qui évoquent la puissance de la Nature et de l’Homme telles que les Glaneuses ou l’Angélus.
La nouveauté réside dans l’appréhension d’un monde voué à la disparition qui renait paradoxalement de sa putréfaction.
Les déchets et les gens qui s’acharnent à les recycler regorgent de beauté et de luminosité comme la peinture seule le permet.
Vos photographies font référence à des mouvements artistiques majeurs tels que le Romantisme ou la Renaissance, comment concevez-vous la connexion entre l’esthétisme de ces époques et vos photographies ?
Je me considère comme un peintre. « Renaissance » et « Entropie » sont l’illustration, l’incarnation de mon obsession : retrouver la quintessence du geste pictural à travers des médiums argentiques ou numériques. Je pratique, depuis l’adolescence, l’art de la peinture et du dessin et je ressens toujours la même excitation et exaltation à travers la photographie. C’est avant tout un travail de construction, de couleurs, de maîtrise de la lumière, des espaces, de mises en scène. Mes photos relèvent en vérité de mises en scène, malgré leur côté « spontané ».
J’aime ce travail de construction comme il existe dans la peinture, notamment lorsqu’il puise son inspiration dans les mythologies, les grands récits, les grands livres, les grandes batailles ; ce que j’appelle les grandes histoires dans lesquelles chacun peut se reconnaître, qui me fascinent, qui m’inspirent, et à partir desquelles j’ai construit cette série qui revendique sa frontalité, et qui, pour reprendre la phrase de Pierre Bourdieu reflète « le souci de donner de soi la meilleure image la plus conforme à l’idéal de dignité et d’honneur ».
Propos recueillis à Jardin RougeVos photographies sont principalement centrées sur “l’Homme”, il s’agit bien de véritables rencontres avec vos sujets, comment se déroule ce processus ?
Le portrait est un élément très important dans mon travail. C’est un exercice qui me permet de renouveler sans cesse, au-delà de la similitude des éléments qu’on représente et des attributs dans lesquels on puise. Je cherche des êtres fragiles qui se pensent forts. Pour moi, l’homme est un sujet au même titre que la nature morte, dans la peinture comme dans la photographie.
Je m’inscris dans une tradition de proximité, où le sujet est fraternel. Je privilégie une mise en scène cinématographique qui nécessite une frontalité et une proximité. La confiance réciproque est une condition sine qua non dans mon travail. Je ne choisis pas les modèles au hasard, ni à leur dépourvu.
C’est très important pour moi que les modèles aient conscience de ce que je fais, parce que c’est un travail de peintre justement.
Il ne s’agit pas d’un reportage ni d’un témoignage, encore moins d’un jugement.
Je peins ce que j’imagine et pense avec les outils argentiques ou numériques choisis à ce moment précis.
Appréhendez-vous la suite de cette série ? Pensez-vous à un continuum ?
« Entropie » et « Renaissance » font partie d’un corpus qui me dépasse, et auquel je donne corps à travers chaque peinture, vidéo et photographie.
La continuité, c’est la volonté de m’inscrire dans une grande tradition de narration picturale. Ma photographie est peinture. Elle puise dans les récits mythologiques et universels sa capacité à m’interroger et interroger tout ce qui m’entoure, un présent dans lequel j’évolue et un futur dans lequel je me projette.
Vous optez pour la photographie numérique, est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur votre technique ?
Ce choix s’est imposé à moi : plus réactif, moins cher et plus facile à transporter que l’argentique ou autre technique. Je prends le numérique comme un outil et non pas une préférence formelle. Je privilégie ce qui m’offre la meilleure opportunité de traduire mes émotions, mes gestes et ma pensée. J’ai appris à l’apprivoiser, à travers une multitude d’essais et erreurs, avec différents appareils et médiums. Ma principale préoccupation est de trouver une chaleur, une vibration, un relief qu’offre l’argentique, et plus encore la peinture.
Jardin Rouge résidence artistique Marrakech, Maroc Novembre 2022WAHIB CHEHATA
What was the trigger for the Entropie series ?
This series is a continuation of the previous one, Renaissance; both were created during long stays in Mali. With Renaissance, the aim was to achieve a pictorial rendering through photography in a dialogue with some of the most beautiful mythological works in the history of painting. The search for universality led me to draw from the works of the Renaissance and beyond, up to the 19th century. Once this work was completed and exhibited, a new series on the rubbish dumps of Bamako was an obvious choice as I walked past them every day. Like a metaphor for today’s world, many variations of modern mythologies of consumption, production and exploitation:
a great swarming, entanglement of miserable humans with putrefied consumer goods, all bathed in a divine light. So much material to pursue my research; this time by drawing on the realist painting of the 19th century, that of the industrial revolution. A century of pictorial, aesthetic, social and political change. The continuation of a work of staging in reference to precise paintings confronted with the violence of reality, proved more complicated to achieve for this series. This work required spending a lot of time with these models to get to know each other so that they would accept to be part of it, with the setting of the lights, of the framework to be defined in these improbable places, of the end of a cycle, that of consumption, and of the beginning of another.
The people who work there and who survive there retrieve and recycle this material, this compost whose content and form we do not really understand but whose despair we do. I opted for simple and strong symbolic references that evoke the power of Nature and Man, such as The Gleaners or The Angelus. The novelty lies in the apprehension of a world doomed to disappear that paradoxically rises from its putrefaction.
The waste and the people who work hard to recycle it are full of beauty and luminosity, as only painting can show.
Your photographs refer to major artistic movements such as Romanticism or the Renaissance, how do you see the connection between the aesthetics of these periods and your photographs?
I consider myself a painter. Renaissance and Entropie are the illustration, the incarnation of my obsession: to find the quintessence of the pictorial gesture through film or digital media. I have been practising the art of painting and drawing since I was a teenager and I still feel the same excitement and exaltation through photography. It is above all a work of construction of colours, of mastery of light, of spaces, of staging. My photos are in fact staged, despite their «spontaneous» side. I like this work of construction as it exists in painting, particularly when it draws its inspiration from mythologies, great stories, books and battles; what I call the great stories in which everyone can recognise themselves, which fascinate me, inspire me, and from which I have built this series which claims its frontality, and which, to use Pierre Bourdieu’s phrase, reflects «the concern to give the best image of oneself that is most in keeping with the ideal of dignity and honour.”
Interviewed at Jardin RougeYour photographs are mainly focused on «Man», they are real encounters with your subjects, how does this process take place?
The portrait is a very important element in my work. It is an exercise that allows me to constantly renew myself, beyond the similarity of the elements that one represents and the attributes from which one draws. I look for fragile beings who think they are strong. For me, man is a subject in the same way as still life, in painting as in photography.
I am part of a tradition of proximity, where the subject is fraternal. I favour a cinematographic setting that requires frontality and proximity. Mutual trust is a prerequisite in my work. I don’t choose my models at random, nor do I choose them unawares. It is very important for me that the models are aware of what I am doing, because it is a painter’s work. It is not a reportage or a testimony, and even less a judgement. I paint what I imagine and think with the film or digital tools chosen at that moment.
How do you see this series continuing? Do you see a continuum?
Entropy and Renaissance are part of a body of work that goes beyond me, and to which I give substance through each painting, video and photography. Continuity is the desire to be part of a great tradition of pictorial narration. My photography is painting. It draws from mythological and universal narratives its capacity to question myself and all that surrounds me, a present in which I evolve and a future in which I project myself.
You chose digital photography, can you tell us more about your technique?
This choice was obvious to me: more responsive, less expensive and easier to transport than film or other techniques. I take digital as a tool and not a formal preference. I prefer what offers me the best opportunity to translate my emotions, my gestures and my thoughts. I have learned to tame it, through trial and error, with different devices and mediums. My main concern is to find a warmth, a vibration, a relief that film offers, and even more so with paint.
Scène - 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 187 cm - tirée à 6 exemplaires
Jardin Rouge résidence artistique Marrakech, Maroc Octobre 2022
Ballet sans
musique
- 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 187 cm - tirée à 6 exemplaires
Portrait - 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 101,5 cm - tirée à 6 exemplaires
Jardin Rouge résidence artistique Marrakech, Maroc Octobre 2022Les trois Grâces - 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 187 cm - tirée à 6 exemplaires
L’Angelus - 2022
Tirage fine art sur papier baryté contre collé 130 x 187 cm - tirée à 6 exemplaires
Né en 1968.
Il vit et travaille à Paris (France).
Artiste franco-tunisien, Wahib Chehata a vécu plusieurs vies en se jetant à corps perdu dans la création. Le dessin et la peinture d’abord, dès la Tunisie où il est bercé par les affiches de cinéma, et par la photographie ensuite.
En construisant ses œuvres telles des peintures, Wahib Chehata bouscule les normes. Ses narrations sont révélatrices d’histoires, d’influences et d’échanges. Ses photographies se nourrissent des thèmes religieux et symboliques de la Renaissance, du clair-obscur du Caravage et des émotions du Romantisme. Du Romantisme, l’artiste a gardé assurément l’exaltation et le mystère, une capacité à jongler entre le morbide et le sublime, une liberté créatrice pure et subjective, baignée d’orientalisme et de mythologies chrétiennes. Ce n’est pas l’universalité du langage que recherche Wahib Chehata, plutôt la possibilité de donner à l’individu une nouvelle humanité.
Ses œuvres sont présentes dans la collection du Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain de Rabat, dans la collection du Musée d’art contemporain de Saint-Etienne, et dans d’importantes collections privées.
Born in 1968.
Lives and works in Paris (France).
As a French-Tunisian artist, Wahib Chehata has experienced many lives throwing himself into the fray of creation. First, drawing and painting in Tunisia where he was brought up by movie posters, then by photography.
By elaborating his pictures like paintings, Wahib Chehata shakes standards. His narratives are indicators for stories, influences and exchanges. He finds inspiration in Renaissance’s religious and symbolic subjects, Caravaggio’s chiaroscuro technique and the emotions of Romanticism. He has clearly retained Romanticism’s exaltation and mystery, balancing the morbid and the sublime. He shows pure and subjective creative freedom combining Orientalism and Christian mythology. He is not looking for a global language, rather the possibility to offer a new humaneness for the individuals he depicts.
His works are part of the collection of the Mohammed VI Museum of Modern and Contemporary Art (Rabat), the collection of the Contemporary Art Museum of SaintEtienne (France) and in significant private collections.