J’ATTENDS LE NUMÉRO 59 S P É C I A L F R U IT S & L É G U M E S
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TRIMESTRE 2020
LDRC
J’ATTENDS LE NUMÉRO 59 S P É C I A L F R U IT S & L É G U M E S
Photo de Couverture Stéphane Issaurat
J’attends le numéro 1 2011 • 2020 Création Isabelle Souchet & Ivan Leprêtre Design Ivan Leprêtre Contact lepretre.ivan@wanadoo.fr
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SOMMAIRE 54
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FRED CHAPOTAT > Photographe fredchapotat@orange.fr • Site : fredchapotat.com
ALAIN DIOT > Maître de conférence en arts plastiques • alaindiot2@orange.fr
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FRÉDÉRIC ADAM > Poète frederic_adam@hotmail.fr
STÉPHANE ISSAURAT > D. A. et webdesigner stephane@i-stef.com • Site : i-stef.com
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RAOUL HARIVOIE > Poète raoul.harivoie@laposte.net
GEORGES FRIEDENKRAFT > Écrivain • Poète georges.chapouthier@upmc.fr
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JEAN-MARC COUVÉ > Écrivain, critique et illustrateur • jeanmarc.couve@gmail.com
DOMINIQUE GAY > Photographe dgcphotography@gmail.com Site : dgc-photography.com
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KARINE SAUTEL > Ellipse formation karine@ellipseformationcom Site : ellipseformation.com
IVAN LEPRÊTRE > Directeur de création lepretre.ivan@wanadoo.fr • Site : ivanlepretre.com
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THIERRY FAGGIANELLI > Poète du quotidien thierry.faggianelli@sfr.fr
mANUEL LAUTI > Photographe mlgphoto@outlook.be facebook.com/Manuellautiphotographie
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50 LAURENT VERNAISON > Épicurien lvernaison@wanadoo.fr
OLIVIER ISSAURAT > Enseignant oissaurat@ac-creteil.fr Site : olivier.issaurat.free.fr [ 03 ]
ÉDITORIAL ive les bonnes poires V et les gros fayots Alain (teste, hein !) DIOT. Juillet 2020. Cinq fruits et légumes par jour, c’est tout bon pour le bidon. Telle est donc, peut-être pour toujours, l’injonction de ceux qui nous offrent un peu d’amour pour ne pas avoir à nous donner trop tôt, même à patte de velours, l’extrême onction sans retour. C’est que le fruit, cru ou cuit, nous séduit, de jour comme de nuit, et le légume, sous le soleil ou dans la brume, dans ces jolis costumes, nous allume pour qu’on se remplume. Il parait, tout le monde désormais le sait, que c’est bon pour la santé divine et que derechef vous le ressentez dans votre cuisine. Il est donc bien de s’en pourvoir pour que, du matin jusqu’au soir, on puisse savourer sans retard les bienfaits qu’on nous promet et qu’on puisse s’asseoir devant ces mets délicieux bénis des dieux et s’en mettre plein les yeux avant qu’ils n’entrent, généreux, dans notre ventre de bienheureux. Qu’en dire de mieux si ce n’est : « Ah ! Que la carotte nous ravigote quand on la boulotte ! Oh ! Que le poireau nous rend costaud quand on le met au pot pendant que l’artichaut nous fait cadeau de son petit cœur si chaud ! Mâtine ! Que l’aubergine nous câline quand on la butine, que la courgette, la coquette, nous fait la fête ! Pardi ! Que le céleri nous sourit lorsqu’on le convie quand le salsifis s’y frotte, à la popote, parce qu’il s’y fie ! Corne gidouille ! Que la citrouille nous fait bien des papouilles quand on la prend dans notre tambouille ! Nom de nom ! Que le potimarron tourne en rond pour nous montrer qu’il a bon fond. Bingo ! Que les haricots font les fayots pour nous contenter, nous les jolis cocos, pendant que les petits pois chantent à pleine voix pour qu’on ne les oublie pas. Qu’elle est bat, la tomate qui nous appâte, spartiate mais délicate, quand le concombre, sans encombre, sort de l’ombre ! Et la lentille, belle fille, frétille devant nos yeux qui brillent, le poivron fait le mignon pour attirer notre attention et sur les berges de la Seine, l’asperge si saine gamberge que c’est la vierge qui l’asperge ! » C’est vrai que pour le topinambour, sans trompette ni tambour, on ne se tire pas vraiment la bourre, que du rutabaga, dont on ne fait pas trop cas, on n’en est pas gaga, que pour les épinards, çà n’est pas vraiment le panard et qu’on ne sortira pas la robe de dentelle pour les choux de Bruxelles ! [ 04 ]
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Photo Stéphane Issaurat
Mais pour autant, n’oublions pas l’usufruit que nous apportent les fruits, quand la pomme nous la joue bonhomme pour être sûre qu’on la consomme, quand la poire pleine d’espoir nous invite dans son boudoir, quand la prune, à la brune, se montre fort opportune au bord de la lagune, que le raisin nous confirme qu’il est sain avec un verre de bon vin, que le kaki pas rikiki sort du maquis et rit du kiwi qu’il a ouï dire ouï, que la goyave se montre bien brave du grenier jusqu’à la cave, que la fraise se donne de l’aise pour qu’on l’embrasse, pour qu’on la baise, que la myrtille bat des pupilles pour que çà nous titille quand on la grappille, que la framboise courtoise, nous toise, un peu narquoise, que le cassis se met en six, que la noix se met en trois, l’arbouse en douze, l’abricot sur le dos, que la banane se pavane, que le melon fait le fripon, que la pastèque nous saute au bec, aussi sec, que la mangue sort de sa gangue, que l’ananas joue les gros bras, bref, que tous ses gentils produits de la nature si pure cherchent à nous séduire pour mieux qu’on les admire, même si, à la fin des fins, surtout quand on a faim, on les croque comme des cinoques, on les mange quand çà nous démange, on gigote quand on les grignote, sans plus faire d’esbroufe, on les bouffe, sans limite, on les ingurgite comme des pépites bénites, bref, maigrelet ou replet, s’il vous plait, on s’en repait ! Que les fruits soient nos amis et qu’on les hume sans qu’on s’enrhume, les légumes, çà va de soi mais bon, ne le répétez pas, ça n’empêche pas qu’avec un petit verre de jaja, une bonne entrecôte, çà nous botte, un gentil saucisson en croute, on y goute, et pourquoi pas un pot-au-feu bien gouteux, un cassoulet bien grassouillet, parce que la bonne tortore, c’est de l’or ! [ 05 ]
FOCUS Tous déconfinés nés ! Alain (pas vide) DIOT. Juillet 2020. Evidemment, comment ne pas parler du déconfinement ?! Maman, on l’aura attendu un moment, le manant ! Et maintenant, est-ce qu’on en est content ? Est-ce que les nouveaux temps sont si marrants qu’on se roule en boule comme des maboules dans l’herbe accueillante qui nous tente dans les parcs plus trop patraques et les jardins plus trop malsains alors que, sournois comme une vielle puce, le virus minus nous regarde, narquois comme un vieil iroquois, du haut de son millionième de millimètres en attendant de nous mettre l’ADN comme un vieux pull en laine qui bouloche de la brioche, et d’occire, le triste sire, comme il se doit, le matois, quelques milliers de malchanceux malheureux qui ne lui ont rien demandé et surtout pas de les embaumer ?! Mais quelle vie vit ce virus qui nous suce le sang à pleines dents, ce vampire qui transpire la haine et qui nous enchaine à nos pénates, calfeutrés en quarantaine, quand bien même on ne l’aurait pas attrapé, ni par les pieds, ni par le nez ! Ah ! Que la covid est sordide, qu’elle est perfide à nous faire ainsi mal au bide jusqu’au génocide, qu’il est fada, ce corona, à nous saper la baraka et nous gâcher la bamboula, parce que, même si on ne la fait pas, on y a quand même droit, non mais, qu’est-ce qu’il croit ?! Qu’ils rouvrent, les restaus et les bistrots, c’est pas trop tôt ! On avait la dalle en pente béante, le palais mauvais, la gourmandise complètement démise, la convivialité presque alitée, et on ne pouvait même plus draguer, enfiévré, dans les cafés ! Honteux et confits qu’on était, les amis, à se regarder le nombril qui, certes, est fort joli, mais qui ne sourit guère, sauf rictus amer éphémère ! Ça fout les nerfs ! Et quand on badine dans sa cuisine, on s’en lèche les babines, mais finalement çà nous bassine et c’est pas bon pour la bobine. Le marathon dans son salon, c’est sûr, çà fait tourner en rond, petit patapon, mais c’est quand même un peu long et çà fatigue les petons. Et ce qui passe à la télévision, c’est tellement con qu’on préfère jouer à cache-tampon, même si c’est tout aussi cornichon. C’est au point qu’on ne sait plus ce que l’on fait, jusqu’à mettre le pain dans la salle de bain, la blanquette dans les toilettes, les caleçons sur le balcon, l’ordinateur dans le pot à beurre, le bigophone dans le minestrone, le frigo dans le congelo, les oreillers dans le grenier, avec les araignées qu’on a retirées du plafond, le polichinelle du tiroir, et même l’amant hagard de grand-maman du
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Photo Stéphane Issaurat
tréfonds du placard branlant ! Merci bien pour les confits nés qui se prennent le pied de nez dans le piège à loup garou du palier qu’ils ont posé, comme des polissons, au mois d’août, sous le paillasson ! Bon, maintenant, c’est du nanan ! On va s’en taper des kilomètres à s’en faire péter l’éthylomètre, on va se les réchauffer les vieilles carcasses sur les jolies terrasses à jacasser comme des bécasses et des mous de la calebasse, on va se goinfrer comme des enfoirés, comme si on n’allait jamais crever, encore moins décéder, non mais ! On va courir aussi la prétentaine et chasser la sirène aux éclats, et vice versa, dans la hune sous la lune, on va faire tout et n’importe quoi, qu’on nous voit ou qu’on nous voit pas, on va se lâcher la bride, bien se bourrer de glucide, se couper les rennes, s’en foutre plein la bedaine, danser le rigodon au son du mirliton, pousser la chansonnette avec tata Yvette, pisser dans un violon avec tonton Gaston, hurler comme des chacals enroués du bocal, mugir comme des vaches en se frisant les moustaches, sourire béatement sans trop savoir pourquoi, sans trop savoir comment, s’esclaffer comme des barjots déglingos, s’en donner à cœur perdu, à toi et à tu, à fond la caisse, dans la joie et l’allégresse, avec les prolos, avec les bobos, en oubliant les bourgeois rabat-joie de guingois qui ne bougent plus, qui ne bougent pas même d’un iota. Espérons qu’on a compris que la vie c’est rire avec les enfants, refaire le Monde avec les plus grands et que tout le reste, çà empeste. Soyons des nôtres et buvons nos verres comme les autres !
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GEORGES FRIEDENKRAFT leurs, fruits et légumes F sur le Quartier Latin Haïboun (1) Ce début d’année 2189 consacre pleinement le triomphe de Paris comme « ville des plantes ». Les historiens sauront rappeler, face à ce succès étincelant de l’écologie d’aujourd’hui, les débuts difficiles du combat pour la nature, il y a maintenant près d’un siècle. Ils sauront aussi rappeler que c’est parce que sa grand-mère lui faisait des beignets de fleurs d’acacias que le biologiste Noël Ledoux entreprit des études de botanique, et que c’est en 2075 qu’il découvrit la fusion biominérale, ce procédé désormais fameux qui permet de transformer les pierres en plantes et le sable en sève. La fabrication du vaccin commença dès 2095, grâce au soutien du CNRS et d’une association privée, les « Témoins de Géranium ».
Finis le cœur dur rigides roses des sables fruits du salpêtre Le premier essai, sur la propre maison de Ledoux, transforma celle-ci en un massif de plantes habitables, le premier du genre. On y visite encore les chambres de feuilles géantes, les greniers de graminées, les ampoules en ampélopsis, le salon avec ses boudoirs arrosoirs, ses chaises en fraises, ses fauteuils en cerfeuil et son piano aqueux, les lavabos en lichens,
Photo Stéphane Issaurat [ 26 ]
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GEORGES FRIEDENKRAFT les baignoires en bananes, les bidets en bigarreaux, les lits d’étamines tressées, la cuisine aux plats en pétales de courges agglomérés, aux casseroles en carottes et aux fourneaux en fougères arborescentes, avec cette profusion de bouquets de fleurs qui rendent le séjour si agréable.
Roses rougissantes princesses pourtant jalouses de l’orchidée reine Depuis, on le sait, la plus grande partie de la rive gauche est devenue végétale et ce n’est pas un hasard si notre alimentation est, elle-aussi, devenue végétarienne. Finis les cadavres d’animaux. Dans nos auberges en forme d’aubergines, à nous les pizzas de pistils, les saucisses de saxifrage, les croque-monsieur de crocus, les salamis de salsepareille, les boudins de bourdaine, les pâtés de pâquerettes, les confits de capucines et les couscous de cuscutes. A nous les ragouts de raisin, les fondues de fèves, les paellas de pissenlits, les mendiants de mandarines, les timbales de thym, les puddings de prunes et les gigots de goyaves. A nous les ambroisies d’endives, les cocktails de courgettes, les élixirs d’épinards et les apéritifs d’artichaut.
Sur un lit de mousse tous les flirts sont bucoliques l’étreinte est champêtre Quant à nos parcs, qui furent longtemps une fierté de nos quartiers, comme le Jardin des Plantes ou celui du Luxembourg, ils sont maintenant compris comme les grands précurseurs de cette ville qui nous est chère et qui, jadis « ville lumière », est devenue « ville jachère ». La rue Malebranche est pleine de branches et la rue Racine prend racine. Le boulevard Saint-Germain est plein de sains germes et le boulevard Raspail plein de rase paille. La rue Vavin sent la verveine et la rue Garancière est rouge garance. Quant à la rue Notre-Dame-des-Champs et au carrefour Saint-Germain-desPrés, ils ont retrouvé leur vocation agricole originelle. Photo Stéphane Issaurat [ 28 ]
(1) Le haïboun (ou haïbun) est une forme littéraire d’origine japonaise dans laquelle un récitatif ou une anecdote en prose est parsemée de haïkous (ou haïkus), qui en constituent les moments-clés en même temps que des invitations à sortir du texte en prose pour emprunter d’autres chemins poétiques inattendus.
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GEORGES FRIEDENKRAFT Les touristes de tous les pays viennent admirer nos maisons-melons, nos immeubles-ignames, nos églises-églantines, notre cathédrale de verdure et son bourdon en clochette de muguet géante, nos rues qui sentent le jasmin et l’oranger, nos réverbères en poireaux et en campanules, nos chaussées pavées de pommes de terre, nos terrasses en tomates, nos feux de circulation en poivrons, qui clignotent du vert au rouge, ou nos voitures en citrouilles géantes.
Bataillons joyeux venus d’autres horizons la foule bourgeonne Cet afflux touristique a permis la suppression des impôts et nous avons du mal à imaginer de nos jours que, là où poussent des radis, siégeait jadis la perception, et que l’inspecteur des impôts habitait dans l’actuel jardin d’oseille ! Mais la dernière nouvelle que l’on vient de nous communiquer est que nos hommes politiques, longtemps réticents à cette évolution botanique, viennent enfin de s’y rallier. Voici donc mon scoop : désormais le président du sénat prendra le nom de « Premier pommier » et nos maires d’arrondissements ceux de « Prévôts des Pimprenelles » ! A l’annonce de cette bonne nouvelle, ayons une pensée émue pour nos arrière-grands-parents, qui vivaient encore dans une capitale de pierre grise et polluée !
Sur les fleurs écloses mûrissent fruits et légumes Paris devient rire
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IVAN LEPRÊTRE Logo-rallye Experts, gagner, puissances, personnes, pacifiquement. Bonjour, je m’appelle Archie Khon et je suis expert en tâtage d’endives, j’ai suivi avec assiduité les tutos de Mme Martha T’tafesse de Gand – la Reine du crêpage de chicons – pour gagner en puissance de doigté et j’ai obtenu mon diplôme de tâteur avec mention douceur en 2019. J’attends toutes les personnes endivores à l’Impermarché de Chaffouin-sur-Tripette pour les accompagner dans les choix de leur légume préféré. Avec délicatesse, je caresse le dos de l’endive et je la dorlote pacifiquement afin qu’elle me révèle ses saveurs les plus intimes, j’évite surtout de lui raconter des salades. Après un massage doux et léger et quelques tâtages fermes mais bienveillants, la chicorée s’endort sereinement... Je peux donc la prendre tout doucement et la déposer soigneusement dans un sac en papier (jamais de plastique) en compagnie de ses sœurs amères.
Mots-valises Impermarché : ciré et bottes en caoutchouc obligatoires ! Kiwiarezechampions : fruit super star ! Saladistes : végans extrémistes ! Carottivore : lapin.
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Photo Stéphane Issaurat
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IVAN LEPRÊTRE Mots-valises Morille Mathieu : champignonne de spore. Morille Mathieu, nėe Ginette Guingois, le 15 février 1945 à Champignol-sur-Vesses est une chanteuse de variétés française dont la carrière s’étend sur plus de 50 ans. Elle connaît son premier grand succès en 1965 à tout juste 20 ans avec « Pain, girolles et chocolat ! » qui lui vaudra un Cèpe d’Or l’année suivante. Au fil des années, elle impose son style sporifique et devient une star reconnue à l’échelle internationale. Elle interprète son vertigineux répertoire dans sa langue natale ; le fungi, mais aussi en québécois, en swahili et en japonais. En avril 2014, Morille Mathieu s’est fait cloner « Pour que mon œuvre perdure au-delà de ma propre existence » a-t-elle déclaré aux journalistes. Une innitiative qui a provoqué l’indignation de sa principale adversaire de scène, Amonique Phallocrate, qui a Twitté sur son compte « une Morille ça craint ! Deux, bonjour les dégâts... Gare aux Morilles !!! » La sortie de son prochain album au Japon est prévue pour la mi-octobre, son contenu reste secret, l’imprésario de Morille n’ayant communiqué aux médias que le titre de la première chanson : Omelette au shiitake !
Désalsification : scorsonère qui a perdu un os. Boulghourodrome : circuit spécialisé dans les courses qui rapportent du blé. Newspepper : canard au poivre. Chou-chou : une fortune pour un auvergnat !
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MANUEL LAUTI
Drôles d’oiseaux
Au fond de mon caddie règne un monde abyssal étrangement attirant. Isolés, par le noir absolu ces "drôles d’oiseaux" oscillent entre réalité et utopie étonnent, interpellent sous une lumière particulière. Univers clos, images calmes, couleurs sourdes, ce silence conserve les traces d’un rappel sensoriel, d’une nature fragile.
Profondeurs : 1 000 caddimètres et plus. Température : 2°c, parfois - 3°c. Plus de lumière mesurable en dessous de 500 caddimètres.
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LAURENT VERNAISON Recyclage J’étais chasseur passionné tant par la traque que par l’animal lui-même, et heureux de participer, après l’effort meurtrier, aux agapes viriles. Mais, par curiosité, ou souci de mieux comprendre la vie de ces bêtes, dites sauvages, qui partagent notre planète, j’ai voulu le temps d’un long week-end vivre et me nourrir comme elles. Presque nu, sans outil, seul et sans vivres, j’ai intégré la forêt et ses rudesses. Affamé, j’ai essayé de brouter, comme les chevreuils, quelques mousses, quelques herbes puis des champignons flamboyants, des glands et, sanglier dans l’âme, j’ai testé quelques épis de maïs... L’expérience a été très dure. En sortant de l’hôpital il m’a été conseillé de consulter à Sainte Anne... Hélas, le mal était fait, j’étais devenu végétarien. Voilà comment je me suis recyclé dans la culture potagère et surtout, grande innovation, afin de conserver mes amis chasseurs et l’esprit festif des agapes, j’ai ouvert un domaine de chasse aux fruits et légumes... Le principe de ce sport, nouveau et dans l’air du temps, est simple. Dans un jardin clos poussent toutes sortes de légumes. Les chasseurs, équipés de fusils à bouchons ou à flèches ventouses, visent à leur gré concombres, pommes, salades, tomates, artichauts comme ils le feraient avec des lièvres, perdrix, ou des jolies petites cailles... Or comme les légumes, pauvres choux, sont immobiles, pour donner un intérêt à la chose il faut y mettre un peu de difficulté. Donc, les tireurs, eux, sont positionnés sur des tapis roulants à vitesse aléatoire.
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Essayez de dégommer, avec un bouchon, une courgette de 10 cm cachée sous des feuilles larges comme un exemplaire déplié de La France Agricole, tout en étant secoué sur un tapis roulant... C’est autrement plus technique et difficile que d’attendre, confortablement assis dans un fauteuil de toile à l’orée du bois, que des rabatteurs à trompe de chasse vous envoient un cochon de 150 kg à abattre avec un fusil à lunette !
Photo Stéphane Issaurat [ 51 ]
LAURENT VERNAISON Pour les fraises ou les cerises, la technique est différente et se rapproche du piégeage et de la pêche : avec une canne de deux mètres équipée d’un collet, il faut attraper les fruits un par un. Il est possible aussi de faire cueillir les fruits par des chats de chasse, que j’ai spécialement dressés à grimper aux arbres et à détacher les poires ou les pommes qu’un chasseur, au pied de l’arbre, doit attraper avec son panier avant qu’elles ne touchent le sol. C’est aussi sportif que la pelote Basque ! Ça plait beaucoup. Quand aux pommes de terre, carottes, et tout ce qui pousse sous terre, c’est une chasse au furet, mais sans furet. On le remplace par une bêche, maniée avec force et endurance. Il y a assez peu d’amateurs. Enfin, à l’automne, s’ouvre la chasse au gros. Ce sont les potirons, les courges, les pâtissons ou même les coloquinthes aux couleurs chamarrées, comme celles d’un coq faisan, et qui décorent si bien les tables de la Toussaint. Les chasseurs excités par l’esprit de challenge espèrent tous ramener à leurs enfants, pour Halloween, la plus grosse citrouille. Mais c’est assez dangereux, les tapis roulent plus vite à cette occasion et la nuit tombe rapidement, on a vu des accidents, des chasseurs intrépides ayant été écrasés par des légumes de taille démesurée. Quel plaisir pourtant, en fin de journée, que de voir, étalés aux pieds des tireurs exténués, leurs tableaux de chasse, véritables œuvres végétariennes dans le style d’Arcimboldo. Grâce à mon jardin de vénerie, La souffrance animale a disparue, les taxidermistes se sont recyclés dans la création de trophées potagers qui, accrochés au dessus des cheminées, apportent cette note colorée chatoyante qui réjouit tant les ménagères. Si vous êtes intéressé, venez participer au prochain safari d’initiation, sous l’égide de Saint Fiacre, patron des maraîchers. Au programme sont prévues une traque du concombre et une découverte du piégeage de la tomate cerise, les armes et les munitions sont fournies. Le port de sabots, salopettes et chapeaux de paille est vivement conseillé. Une participation aux travaux du jardin (bêchage, arrosage) est demandée en règlement des frais, mais un pantagruélique festin végétarien vous sera servi à l’issue du safari, jus de pomme à volonté...
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FRED CHAPOTAT Permaculture La permaculture est un concept systémique et global qui vise à créer des écosystèmes. L’inspiration vient de la nature et de son fonctionnement (qui se nomme aussi biomimétisme ou écomimétisme) et de la tradition. La permaculture prend en considération la biodiversité de chaque système. À l’origine c’est un concept agricole inspiré par le modèle d’agriculture naturelle de l’agriculteur japonais Masanobu Fukuoka (1913-2008). Ce concept a été théorisé dans les années 1970 par les Australiens Bill Mollison (biologiste) et David Holmgren (essayiste). Le terme "permaculture" signifiait initialement "culture permanente" (de l’anglais "permanent agriculture") ; puis avec le temps il a été étendu pour signifier "culture de ce qui est permanent dans le sens (sociologique) de pérenne ou viable". En effet, les aspects sociaux font partie intégrante d’un système véritablement durable. Cette dernière signification est toutefois sujette à polémique. Avec ce sens étendu, la permaculture forme des individus à une éthique ainsi qu’à un ensemble de principes. L’objectif étant de permettre à ces individus de concevoir leur propre environnement, et ainsi de créer des habitats humains plus autonomes, durables et résilients, en s’inspirant des fonctionnements naturels dans le milieu où le "design" se construit. L’idée est d’atteindre une société moins dépendante des systèmes industriels de production et de distribution (identifiés par Bill Mollison comme le fondement de la destruction systématique des écosystèmes). La permaculture utilise entre autres des notions d’écologie, de paysage, d’agriculture biologique, d’agroécologie, de biomimétisme, d’éthique, de philosophie et de pédologie. La permaculture invite à mettre ces aspects théoriques en relation avec les observations réalisées sur le terrain de façon harmonieuse. Sources : Wikipédia
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FRÉDÉRIC ADAM Je vais au verger Je vais au verger Étendre mon linge Entre l’olivier et le figuier J’ai tendu une corde Je m’assure de sa tension Pour que les draps que j’y laisse Ne touchent terre Le cerisier est là C’est le même que celui Qui abritait en mon enfance Ma gourmandise, mes avidités Et derrière moi Un peu au dessus La pergola Loge et le bougainvillier Et la vigne en ébullition Quelques rosiers grimpants aussi L’abricotier a donné deux fois cette année Il doit être épuisé Je le prends dans les bras Caresse son écorce, câline ses branches Lui dit à l’oreille Des mots tendres, un peu pastel Je le veille Chaque jour qui passe Je m’accroupis près de lui Lui infusant un peu de ma vie Pour qu’il tienne une saison encore Au moins, ou plus
J’ai posé ma corbeille de vêtements humides Près du tronc noueux du vieux figuier À son pied des guêpes avides Dévorent les figues blettes Tombées d’impatience Machinalement je pose Les pinces pour que Le mistral n’emporte rien Et de la tête je salue Le plaqueminier Et le mimosa en sommeil Février est encore loin Le prunier en revanche Fait feu de tout bois Les reines-claudes seront Au rendez-vous cette année Une cabane est perchée Dans l’antique laurier Elle y est depuis des lustres Et chaque année s’agrémente De nouvelles dépendances Chaque arbre à son nom Ils sont nôtres Et chacun de nous Est lié à l’un ou à l’autre Sauf pour ma pomme Ou ma poignée de nèfles Car je suis l’un d’eux.
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J’ATTENDS LE NUMÉRO 59 SPÉCIAL FRUITS ET LÉGUMES
Photo Stéphane Issaurat
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FRÉDÉRIC ADAM Parmi les herbes folles Parmi les herbes folles Et les simples S’éparpillent cancans et bagouts Ces salades laissées en plan Et montées en graine En folle endive Il faut biner, sarcler Chaque parole De ses aléas, de ses fausses avoines Remettre à gauche La droite tige des échalas Sur laquelle en grappes À défaut d’échalote Les mots légumineux Se tournesolent Verts de rage ou rouges de confusion C’est selon Le maraîcher est un grammairien Qui décline et conjugue En son potager Les fines peaux des aulxs Les pleurs de l’oignon Et le bâton de la carotte
S’il regarde le ciel C’est pour en sublimer la terre Et la terre pour en remercier le ciel Il sait faire parler Les subtiles variances Des incidences et les approches La syntaxe complexe et tirée au cordeau Des langues vertes et vernaculaires Les saisons auxquelles il s’astreint Sont les refrains d’une chanson Qu’il murmure à l’oreille Des têtes de choux Et s’il donne tout son temps Pour des radis Ces prunes d’ici-bas Ce n’est nullement En pure perte À la soupe des lendemains Il verse Ses amendements Comme une fumure Sur l’avidité des emblaves futures.
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Photo Stéphane Issaurat
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RAOUL HARIVOIE Logos-rallye Test, kiwi, plafond, entendre, surnaturel. Le fruitotest est clair : j’ai mangé du kiwi ! Suffisamment en plus pour repeindre un plafond Ma peau brune et poilue contient de nombreux Oui Surnaturels - j’entends crier partout mon nom
Rutabaga, réservation, corps, étaler, incroyable. Dans un documentaire qui retrace mon amitié incroyable avec mon cuisinier, je montre ma maison, j’étale mes richesses. On apprend par exemple que j’ai acheté la semaine dernière un lot de 666 graines de rutabaga violet ! (Mon épouse est inquiète, ma nouvelle passion pour les légumes devient envahissante. J’ai annulé toutes les réservations pour nos duplicatas de voyages de noces, maintenant je veux juste regarder pousser les plantes sur mon corps.)
Mots-valises Fruizélégume : Qui fait preuve de zèle dans la consommation de fruits et légumes.
« Ma sœur est très fruizélégume : elle a un carnet à spirales sur lequel elle note tous les radis, fraises, courgettes... qu’elle mange. Le soir, avant de se coucher, elle nous lit des extraits. »
Tondeuzigzagazon : Machine à couper le gazon munie de couteaux rotatifs ou de lames
hélicoïdales et avançant en faisant des zigzags. « Mon voisin a emprunté ma tondeuzigzagazon pour dessiner mon visage dans son jardin. C’est visible uniquement avec un drone, mais les images sont magnifiques ! »
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Photo Stéphane Issaurat
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JEAN-MARC COUVÉ Ni minéral, ni animal Fruité, fructueux, fruitier, fructivore... On cueille le fruit d’un travail – usufruit ? Fruit confit ou déconfit – n’est pas fruit, fleur… qui veut. Le fruit de l’abricotier est-il de la fibre écolo, se demande le sage nutritionniste ? L’abri côtier préserve-t-il de la chute des pommes, voire de cheveux, répond Isaac Newton, absorbé par quelques travaux pratiques, en attendant la théorie : pesante heure… Il fait chaud. C’est bientôt l’été. Les fruits mûrissent encore, déjà cueillis, dans la corbeille. Comme il existe des « bruits sourds », on dénombre quelques « fruits lourds », raisins, poires, melons ; de toutes sortes et de toutes formes ; les arbres croulent sous le poids de l’âge. Les fruits sains attendent de mûrir. Les seins mûrs se détendent, pas pour rire. Il y a, parmi ceux-ci, quelques légumes égarés. La tomate a-t-elle rang de légume ? La patate douce ou la betterave à sucre n’ont-t-elles pas en réserve autant de suc, de sucre, que nombre de fruits ? Il fait une chaleur écrasante. Une banane, également écrasée, se lamente : enrobée d’une épaisse peau, sorte de burkini, elle donnerait chair – même blette – pour avoir le droit d’enfiler… tenue plus légère. Elle, piquée de taches noires, taches de vieillesse, aimerait retrouver la peau de pêche et le teint vert de sa jeunesse. Une banane, bouche bée, épluchée, échangerait sans hésiter son « b » initial contre un « as » final. Eh, banane, à quoi bon te rêver anan…as ? Situation piquante, s’il en fut ! On y flaire un brin de mépris. Un peu comme celui qu’on prête à quelque état « végétatif ».
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D’un côté, survalorisée en bourse, on trouve la « grosse légume ». Et à l’autre extrémité de l’échiquier, réputé/e « en fin de vie », est qualifié/e pitoyablement tel/le de « légume ». Haro sur le concombre, que conque ombre ! Sus à la courge (où cours-je ?), au navet, à la pomme, pauvre pomme – à terre ou en l’air ! Je vous donne, ici, en vrac, et là, en pesant chaque mot, sur ma Roberval, et même s’il le faut, en traçant chaque ligne au cordeau, le fruit de ma réflexion. Vais à la pêche. En mer étale. Où vais-je, état latent, l’âme innée râle, espèce d’âne annihilé ; à l’anis-pâle, au terme hâle, inhale ; couvé – j’étale ma science – oxyde en tas l’est talée, là ; nie… mal. Animal, vais-je étale. Et jet-thèse, anime : oh !
Jean-Marc Couvé (mai-juin/2020)
Photo Stéphane Issaurat [ 73 ]
KARINE SAUTEL
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THIERRY FAGGIANELLI Tutti frutti ou les fruits de ma réflexion Il serait bon de rétablir la vérité sur les fruits et légumes. Même si les campagnes de prévention publique préconisent une consommation d’au moins 5 par jour, il est bon de les distinguer. Selon « Wikimonami », le fruit est issu du pistil des fleurs et contient des graines ou des noyaux. Le légume n’est, lui, qu’une sorte de fruit : la gousse d’une légumineuse, la partie consommable d’une plante potagère. D’où la question primesautière : faut-il épiler le maillot pardon le noyau avant de le planter, au printemps ? Faut-il différencier les deux et établir une hiérarchie ? On parle pour désigner une personne fortunée à la situation bien établie, de grosse légume, rarement de gros fruit. La ségrégation s’arrête là. Avec l’appli « Freefruit » vous pourrez, en plus des vitamines, posséder quelques rudiments de culture après la pesée. Ainsi lorsque vous ferez admirer votre bronzage sur vos bras de mer, vous ne risquerez plus de passer pour des bulots, eu égard à votre conversation limitée. Vous profiterez du supermarché pour briller. Avec vous, je passe le scan sur l’étiquette et je vous lis la légende qui s’inscrira au-dessus du poids de vos emplettes vitaminées.
Tomate
Ce sont des légumes-fruits. Leur surface est lisse, brillante. Au XVIIIe siècle, accompagné d’un certain fromage de bufflon, elles annonçaient la venue d’un génie. Tomates, Mozart est là !
Photo Stéphane Issaurat
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Abricot
Moins prise de tête que les légumes ou les fleurs ; les pensées, les soucis par exemple. L’abricot a un côté « sensuel » limite érotique si l’on ferme les yeux en l’auscultant. S’il n’est pas hâlé et duveteux comme celui du Roussillon, il est talé.
Fruits de la passion
En plus d’être possessif, ce passionné est fragile. Il n’est pas rare qu’il finisse piétiné après une dispute, écrasé dans un verre à cocktail.
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THIERRY FAGGIANELLI Physalis
Attention ! Sa pointe aigrelette en bouche souligne l’amertume de sa condition d’amoureux courtois mais éconduit car encagé.
Gingembre
Sorte d’«afruidisiaque ». Ce qui l’élève au rang de la corne du rhinocéros qui lui aussi a une peau très épaisse et une corne soi-disant très dure.
Bonne poire, bonne pomme
« Ô rage, ô déesse poire, ô williams ennemie… » rares sont les fruits qui atteignent ce niveau dramaturgique en vers. On parle de pomme de la discorde mais c’est bien à l’ « Api hour » que l’on se réconcilie. Autour d’une pinte de bon sentiment et de houblon. Brune, blonde ou rousse. Rien n’est tout noir, rien n’est houblon.
Photo Stéphane Issaurat [ 82 ]
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Golden
Un grand musicien allemand n’était pas insensible à ses charmes. En ouverture de la septième de Beethoven, une de ses plus craquantes symphonies, ne scandait-il pas pomme, pomme, pomme avec un gravité que lui enviait Newton ?
Carotte
Ne revenons pas sur les paradis perdus par cette pauvre pomme d’Adam, le mec d’Eve, pas celui des fromages de Hollande (Dave). Adam manquait de discernement. Il portait des cheveux courges. Court et rouges. Il était poil-de-carotte, ces légumes à fans qui, à la différence du viril Kiwi, sont imberbes et donnent les fesses roses.
Concombre
Evitez de passer pour un con-combre. Celui-ci est une cucurbitacée à tendance légumière non-céphalopode. La plupart d’entre eux se déplacent en bande pour garder l’anonymat dans les manifs d’agriculteurs peu raisonnés. Si ça tourne tzatzíki, prévoir la ciboulette.
Avocat
Pensez à le provisionner. Pour sa suavité, la facilité de sa consommation. Oubliez son cholestérol. Les amateurs de guacamole le savent : quand on aime, on ne compte pas les calories ni les gouttes d’angustura ni les mexicains qui dansent dans le bol.
Noisette
Sur le plan botanique strict, la noisette est un fruit à coques qui correspond à un akène doté d’un péricarpe ligneux appelé nucule. Souvenez-vous, les noisettes de beurre ne sont pas pondues par des vaches.
Aubergine, courgette
La mode aujourd’hui est à l’auber-jean délavée et trouée, surtout chez l’ado. A éviter en cas de ratatouille sur les réseaux sociaux.
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THIERRY FAGGIANELLI Fraise
Les personnes âgées ne sucrent pas les « phrases » mais les fraises. Des gariguettes, des charlottes ou des gourmandines qu’elles arrosent l’été de sucre glacé. Et parfois d’un trait de guignolet kirch.
Rouge fruit
Les groseilles poussent sur les rives d’un « Long Fleuve Tranquille ». Les cassis sont rares puisqu’on ne les trouve plus que sur les dos d’ânes. Ils comptent pour des prunes qui sont, on le sait, les fruits du radarier, cet arbre de métal rectangulaire sur lequel on a tous flashé un jour.
La pêche
Si un ami bordelais vous demande si vous aimez les pêches, répondez : « De vigne. » Il prendra un air brugnon et ne voudra pas continuer la conversation. Madame, la pêche aime les dessous chics. Comme vous. Pour attirer la chantilly, les soirs de fête, elle n’hésite pas : elle Melba.
Banana, banana
Fabriquez un appeau pour imiter le cri de la banane pendant la période des amours. Ainsi, grâce à cet appeau de banane, vous pourrez sans chuter, vous mettre au régime d’été.
Arti-chaud
C’est l’ancêtre de l’effeuillage car il faut de la patience pour arriver aux poils… Un fois cet obstacle passé, son cœur délicieusement tendre est à prendre.
Haricot
Légume fruit. Les parents haricots ne font pas de discrimination entre le masculin et le féminin… Ils tapissent la chambre de leurs enfants en vert, qu’ils soient filles ou garçons.
Pamplemousse
Fruit juteux à souhait cultivé en verger. Le nom Pomelos vient de l’épagneul sans flair d’un propriétaire qui ne ramenait jamais l’os que son maître exaspéré lui lançait. (voir paume l’os).
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Photo Stéphane Issaurat
Cerise
Il y a une tradition culturelle du fruit. Dans le monde entier. Prenons la griotte du Mali. D’après les romans de Nestor Burlat, elle a favorisé la transmission orale et médiatisé la crise d’appendicite dès que fasciné par l’histoire, le public oubliait d’en recracher les noyaux. Voilà. J’espère que vous téléchargerez Freefruit. Cette appli ne pèse rien comparée aux marchandises sur la balance. Bonnes vacances à tous et joyeux légumes !
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OLIVIER ISSAURAT Le haricot géant Version rimée
Faut se méfier des haricots géants Jamais on ne sait où ils nous mènent Chez Flonflon le gai turlupin Ou bien chez Lulu la joyeuse Il grandit, il grandit Jusqu’à devenir géant Il faut le tenir fermement Pour ne pas tomber n’importe où Chez Rosie la douce Ou bien chez Gontran Le monte en l’air Le voici qui dépasse les cieux Il pénètre les nuages La vitesse s’accroît et s’accroît encore Toujours il faut s’agripper Si l’on ne veut chuter Chez la Goulue du quartier latin Ou bien chez Valentin le bout en train Encore et encore il s’étire Monte et monte jusqu’au soleil Dépasse la galaxie d’Andromède Pour se perdre au fin fond d’un trou noir Dans lequel on ne trouve rien Rien de rien, sinon un trou tout noir.
Des haricots géants, faut se méfier Jamais où ils nous mènent, pouvons-nous se fier Chez Flonflon le plus hardi turlupin Ou bien chez Lulu la joyeuse rupin Il grandit, il grandit Jusqu’à devenir rapidement géant Il faut donc s’y agripper fermement Pour ne pas dégringoler n’importe où Chez Rosie la douce des doudous Il grandit, le bandit Le voici qui s’élance dans les cieux Il pénètre dans les nuages radieux Pas tomber chez Gontran le monte en l’air Lorsque la vitesse s’accroît dans l’éther Toujours il faut tenir Si l’on ne veut, dans le quartier latin Finir chez Valentin le bout en train Ou bien encore échoir chez la Goulue Pendant qu’le haricot fonce tout fou Il s’étire, il s’étire Monte jusqu’au soleil, ce bel éphèbe Dépasse la galaxie d’Andromède Pour se perdre là, au fin fond d’un trou noir Où s’y se trouve un très très bel éteignoir.
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Photo Stéphane Issaurat
J’ATTENDS LE NUMÉRO 59 SPÉCIAL FRUITS ET LÉGUMES
Elle aimait les citrons Elle aimait donc les citrons Et sa première préoccupation Au lever du jour Croquer un citron à pleines dents Elle arrachait la pulpe avec la peau Et n’en faisait qu’une bouchée Les pépins, le ziste et le zeste Tout y passait Un infarctus qui, lui aussi, Passait par-là, ne fit qu’une bouchée De la demoiselle aux citrons Depuis, elle repose au cimetière de Menton Où se déroule la fête des citrons
Version rimée
Elle aimait donc que les citrons Et sa première occupation Dès le lever, Croquer citron à pleines dents Qu’elle appréciait avidement Même en été La pulpe, la peau, une fois ôtées N’en faisait plus qu’une bouchée Les fins pépins, Le Ziste, le zeste, tout y passait Jamais rien, la belle ne laissait Mais à la fin Un infarctus, qui lui aussi, Passait par-là, d’une bouchée fit de la d’moiselle Elle est au cimetière de Menton Où se déroule fête des citrons [ 87 ]
OLIVIER ISSAURAT La pomme
Les groseilles et les myrtilles
Qui est le crétin qui a fait de la pomme Un fruit défendu ? Pourquoi qu’on a pas interdit le raisin Avec sa feuille pour cacher les zizis ? Hein, Je vous l’demande ! La pomme y a rien de plus délicieux Et quand on la croque c’est jamais Eve qui la tend Pour moi, c’est Mahmoud le maraîcher Avec ses grosses mains poilues Alors si y a du vice là-dessous C’est bien une idée de Chrétien D’ailleurs, quand ma mie Me tend une pomme, rarement On se retrouve, nus comme des vers Adam Sous la couette à faire des galipettes Sinon, des pommes de chez Mahmoud, J’en achèterais des kilos et des kilos Je m’en gaverais à qui mieux mieux Et ma mie aurait le bidon tout rond Bien plus souvent
Les groseilles et les myrtilles Ça doit être que pour les filles Tout ça à cause de la rime Si l’on s’en tient à ce principe Les pastèques seraient que pour les mecs Et les melons que pour les cons Les olives tomberaient Uniquement dans des pognes Maldives Et les ananas à coup sûr Dans celles de parfaites nanas Les goyaves partiraient chez les Yougoslaves Et les radis iraient toujours Aux habitants de la Malaisie Heureusement que tout est faux Parce que sinon, pas de myrtilles Pour les ceusses de Marseille Ni plus encore de groseilles A Saint-Martin sur Tilles Pour ces derniers ; on s’en moque un peu Puisque ce pays, n’existe que pour la rime !
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Photo Stéphane Issaurat
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OLIVIER ISSAURAT La banane et le concombre Ce que j’aime le plus C’est la banane celle qui se dresse en l’air Parce qu’elle est toute cornue Vous me direz que ça dépend dans quel sens On la prend Mais quand même Le concombre c’est moins drôle C’est tout droit et tout triste Bien souvent faut le couper en tranche Mais quand on fait des rondelles La rectitude perd de son charme Tandis que la banane Il suffit de l’effeuiller En chantant « Quand la mer monte… » Puis à pleines lèvres la déguster Tranquillement Jusqu’à ce que le jus sucré et suave S’écoule paisiblement dans votre gorge Y a pas d’équivalence avec le concombre Le manger en entier C’est des coups à avoir des crampes d’estomac Imaginez qu’en plus il se cale dans votre gosier C’est l’asphyxie à coup sûr Voilà la raison clairement énoncée Qui fait que ce que j’aime le plus C’est la banane, un point c’est tout Photo Stéphane Issaurat
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LDRC
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