Volume 5 – Numéro 1
Une championne
de la construction
Innovations et perspectives d’avenir en construction commerciale et industrielle
Marie-Claude Houle Présidente et chef de la direction d’EBC inc.
PP 41614528
La protection incendie au Québec
Quand les risques deviennent porteurs d’innovation Par Michel De Smet, journaliste
Réalisé en collaboration de la Corporation des maîtres entrepreneurs en installations contre l’incendie, ce dossier met l’accent, en première partie, sur les plus récentes innovations en matière de protection incendie. Dans une seconde partie, des catastrophes comme celle de L’ I sle-Verte montrent à la fois la nécessité d’améliorer la sécurité incendie et la formation pour les pompiers.
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Dossier
protection incendie
Système d’extinction en action au pourtour d’un transformateur électrique
Ces systèmes traditionnels sont concurrencés aujourd’hui par des appareils qui font peu appel à l’eau, voire pas du tout, comme agent extincteur, mais qui utilisent plutôt du gaz, de la mousse ou de la poudre. « Les ventes associées à ces techniques, qui accaparent aujourd’hui de 15 à 20 % du marché, ont connu une progression remarquable, estime Marc Demers. Leur croissance a été particulièrement considérable ces cinq dernières années. Comme il s’agit de systèmes plutôt complexes, j’aurais tendance à dire que plus la taille de nos entreprises dans notre secteur est importante, plus la part de leurs revenus attribuables à ce type de systèmes est grande. »
JBC MÉDIA PAR DENIS BERNIER
Marc Demers, directeur des opérations chez Tyco Feu et Sécurité Intégrée, auparavant SimplexGrinnell, évalue à plus de 80 % la proportion de systèmes de protection incendie au Canada qui utilisent exclusivement l’eau comme agent extincteur. Leur fonctionnement se résume généralement à un réseau de tuyauterie ; dès que l’eau se met à couler en abondance, un dispositif électronique installé à l’entrée du bâtiment détecte cet appel d’eau et envoie un signal à un panneau de contrôle qui sonne l’alarme dans l’immeuble et, le plus souvent, relaie cette information vers une centrale de pompiers. Marc Demers Directeur des opérations Tyco Feu et Sécurité Intégrée
Le choix de ne pas recourir à l’eau pour circonscrire un incendie s’explique aisément dans la mesure où il permet de garder intacts des biens qui seraient lourdement endommagés par le déversement d’eau nécessaire à éteindre le feu. Ces systèmes répondent à des besoins pour certains secteurs de l’activité économique qui doivent composer avec des risques spéciaux. « Il faut toutefois comprendre que l’utilisation de gaz inertes – donc non inflammables – qui ont pour effet de réduire rapidement la quantité d’oxygène dans un local fermé, permettant ainsi d’éteindre le début d’incendie, protégera la partie la plus névralgique du bâtiment, comme une salle d’ordinateurs. Le reste de la construction devra de toute manière être protégé par un système de gicleurs traditionnel », explique Gilles Carrier, copropriétaire de PGA Experts inc., une firme de consultants pour la protection incendie.
Gilles carrier Copropriétaire PGA Experts inc.
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Celui-ci fait remarquer que ces systèmes sont toutefois onéreux et que leur installation se justifie lorsqu’il s’agit de protéger l’intégrité de biens de grande valeur comme des salles informatiques, d’archives ou encore des musées. Pour Marc Demers, la croissance actuelle pour ce genre de solution anti-incendie s’explique par la forte demande de protection pour des centres de stockage de données liés au développement rapide du phénomène de l’infonuagique (cloud computing). Selon lui, la recherche dans ce domaine est particulièrement dynamique. Le défi consiste en particulier à développer des gammes de gaz toujours plus efficaces tout en étant inoffensifs pour l’environnement et la santé humaine. Il suffit de se rappeler que certains de ces gaz, tel l’halon, sont aujourd’hui interdits en raison des CFC qu’ils contiennent et des dégâts qu’ils occasionnent à la couche d’ozone. Par ailleurs, puisque ces gaz agissent en raréfiant l’oxygène contenu dans le milieu ambiant, les fabricants se doivent de régler les bons dosages pour ne pas abaisser le taux d’oxygène au point de mettre en péril la santé des personnes se trouvant sur les lieux. Selon Marc Demers, il existe cependant des options efficaces et plus économiques que le recours aux gaz inertes, par exemple les systèmes de brumisation. La formule consiste à pulvériser de l’eau en quantité relativement faible, mais sous forte pression, créant une sorte de brume qui abaisse rapidement la température ambiante. Elle est mieux connue sous les noms commerciaux de VortexMD et de High-FogMD, deux produits ayant des modes d’action similaires. « Cette technique demande toutefois des installations, principalement des tubes et des buses, en quantité importante. Ce qui pourrait en faire une option inesthétique aux yeux des architectes si ces équipements ne sont pas dissimulés dans des plafonds suspendus. Cette méthode demeure toutefois un choix intéressant pour des bâtiments industriels », note Gilles Carrier. 12
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Tête de gicleur
Tête de gicleur pratiquement invisible installée dans un local commercial (voir la flèche rouge)
Autres substituts à l’eau La mousse comme agent d’extinction constitue quant à elle une solution particulièrement indiquée pour protéger des hangars d’avions et tous les lieux de stockage de substances inflammables comme les hydrocarbures et les alcools industriels. La mousse agit en enveloppant rapidement toute la hauteur du stockage et éteint le feu en le privant d’air. Finalement, l’utilisation de la poudre est en général réservée à de petits systèmes particuliers liés surtout à la restauration. Il s’agit d’un petit réservoir contenant de la poudre sous pression placé à proximité immédiate d’une hotte de cuisine commerciale. Si un feu se déclenche, le gicleur libère aussitôt la poudre sur les appareils de cuisson tout en stoppant l’alimentation en gaz ou en électricité. La préoccupation sans cesse grandissante pour les risques spéciaux a aussi dynamisé l’innovation au chapitre des détecteurs de fumée. À preuve, la popularité actuelle des systèmes à préaction. Mieux connus sous le nom commercial de VESDAMD (Very Early Smoke Detector Apparatus), ces derniers agissent en deux temps. Ils fonctionnent en mode continu en aspirant l’air et en l’analysant. Si une anomalie est décelée, un signal est automatiquement envoyé, ce qui déclenche un avertissement précoce de présence de fumée. Par ailleurs, Maurice Lareau fait remarquer que les systèmes qui répondent aux besoins des risques spéciaux présentent également un intérêt environnemental indéniable : « Aujourd’hui, grâce à ces types de procédés, il est possible de réduire considérablement la quantité d’eau nécessaire pour éteindre l’incendie. Par conséquent, une fois le feu éteint, il y aura moins d’eaux usées à traiter sur les lieux du sinistre pour rétablir un environnement sain. » Celui-ci souligne également que les systèmes qui ont recours à un agent extincteur autre que l’eau peuvent s’avérer la seule solution viable pour protéger des actifs situés en régions éloignées où la ressource en eau, qualitativement et quantitativement, est pauvre. Il suffit de penser aux zones nordiques confrontées au pergélisol, un sol dont il est presque impossible d’extraire l’eau.
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L’actualité peut parfois être porteuse du pire et du meilleur. Le rapport du coroner Cyrille Delâge, rendu public le 12 février dernier, ravive le souvenir des événements tragiques survenus le 23 janvier 2014 à la Résidence du Havre, une habitation pour personnes âgées, à L’Isle-Verte, qui a entraîné la mort de 32 personnes.
dernier, à peine quelques jours après le dépôt du rapport, Québec annonçait par la voix de son ministre du Travail, Sam Hamad, qu’il rendrait obligatoire, au cours des cinq prochaines années, l’installation de gicleurs dans les résidences privées pour aînés déjà construites. Seuls les bâtiments d’un étage abritant huit logements et les résidences unifamiliales logeant un maximum de neuf personnes en seront exemptés. Rappelons que présentement le Code national du bâtiment exige que toutes les nouvelles constructions pour les personnes vulnérables soient équipées de gicleurs. En ce qui concerne les immeubles construits avant 1997, il n’existe aucune obligation relative à l’installation de gicleurs. Or, c’est précisément dans la partie la plus ancienne de la Résidence du Havre, construite avant cette date, que les résidants sont décédés. istock par TheImageArea
Toutefois, le rapport contient des pistes de solution qui sont de nature à bonifier considérablement la sécurité incendie au Québec. Très rapidement, le 17 février
« C’est notre dossier prioritaire. On accueille évidemment avec grande satisfaction la volonté gouvernementale d’aller de l’avant à ce chapitre », déclare
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dossier d’actualité
Maurice Lareau Président de la Corporation des maîtres entrepreneurs en installations contre l’incendie Directeur des opérations Protection Incendie Viking inc.
Maurice Lareau, président de la Corporation des maîtres entrepreneurs en installations contre l’incendie (CMEICI) et directeur des opérations chez Protection Incendie Viking inc.
AU SERVICE DE NOTRE INDUSTRIE DEPUIS PLUS DE 25 ANS 1935, boulevard Lionel-Bertrand Boisbriand (Québec) J7H 1N8
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protection incendie
Coup de pouce
à la formation des pompiers Le rapport Delâge souligne par ailleurs des lacunes dans la formation des pompiers qui sont intervenus sur les lieux du sinistre. Mentionnons que la province compte quelque 23 000 pompiers. De ce nombre, 17 800 sont des pompiers volontaires ou à temps partiel. Tous, peu importe leur statut, sont soumis à la Loi sur la sécurité incendie.
« La densité de population dans les grandes agglomérations fait en sorte que certains types d’intervention sont plus complexes. Toutefois, les risques encourus demeurent presque identiques, que l’on soit pompier à temps plein, à temps partiel ou volontaire », explique Jacques Proteau, directeur général de l’École nationale des pompiers du Québec (ENPQ). Cet établissement est le seul dans la province à pouvoir valider les formations de tous les pompiers. Dans ce cas également, les choses commencent à bouger. À la mi-décembre 2014, la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a annoncé la mise sur pied d’un programme de 19,5 M$ étendu sur cinq ans pour la formation des pompiers volontaires et à temps partiel. Cette nouvelle est reçue avec enthousiasme par Gilles La Madeleine, directeur général de l’Association des chefs de services d’incendie du Québec (ACSIQ). « Cette enveloppe budgétaire devrait donner un bon coup de pouce aux pompiers volontaires et à temps partiel qui sont souvent accaparés par leur fonction professionnelle quotidienne, ce qui leur laisse peu de temps
gilles la madeleine Directeur général Association des chefs de services d’incendie du Québec
Division de Vipond Inc
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École mobile de formation pour les mécaniciens en protection-incendie
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Licence RBQ : 8104-4927-00
disponible pour les activités de formation », note-t-il. Par ailleurs, le rapport Delâge incite les autorités en milieu urbain et rural à procéder au regroupement de leurs services de sécurité incendie en vue d’une action simultanée sous une même direction. Or, quelques jours avant le dépôt du rapport, Champions de la construction interrogeait Gilles La Madeleine sur les leçons qu’il tirait de la tragédie de L’Isle-Verte : « Il faudrait que les services incendie se regroupent, déclarait-il. Cela leur donnerait une force de frappe importante et immédiate pour combattre le feu. » Voilà donc le souhait du directeur général de l’ACSIQ exaucé. Du moins sur papier, car, comme le souligne Maurice Lareau, un rapport de coroner ne devient réalité que si la volonté politique d’y donner suite se manifeste. Nous vous invitons à lire notre reportage sur l’évolution de la protection incendie au Québec, dans la section 125 ans d’architecture et de construction au Québec, p. 12.
Téléphone : 514 695-7070 Télécopieur : 514 695-0311 26A, boulevard Hymus Pointe-Claire (Québec) H9R 1C9 info@protectionincendieroberts.ca