QUÉBEC SALUBRITÉ N U M É R O 4 2 • O CTO B RE 2019
LES INFECTIONS BACTÉRIENNES ET LEUR LIEN AVEC LE NETTOYAGE
À LA HAUTEUR DE LA TÂCHE Par ROBERT KRAVITZ
Un article publié le 13 juillet 2019 dans le New York Times faisait état d’un rapport alarmant sur le nettoyage et sur la santé. Intitulé « Urinary Tract Infections Affect Millions. The Cures Are Faltering », l’article de Matt Richtel, lauréat du prix Pulitzer, révélait que les cas d’infection des voies urinaires qui touchent des millions de personnes chaque année sont de plus en plus difficiles à traiter, car les traitements sont de moins en moins efficaces. Cependant, cela ne traduit qu’une partie de la vérité. La vraie question concerne le fait que ces infections ont toujours été très difficiles à traiter. Ce qui constituait « un traitement simple et rapide aux antibiotiques » entraîne souvent de nos jours des « cas de maladies graves et d’hospitalisation », lit-on dans l’article de Matt Richtel. Il y soulève le cas d’une femme de 38 ans qui dit avoir subi plusieurs infections des voies urinaires au fil des ans qui se sont résorbées en quelques jours à l’aide d’antibiotiques. Dernièrement, toutefois, elle a dû essayer plusieurs médicaments différents en quelques jours espérant en trouver un qui soit vraiment efficace.
Ces deux exemples démontrent à quel point les infections bactériennes deviennent résistantes à de nombreux types d’antibiotiques utilisés couramment – les antibiotiques qui sont historiquement très efficaces. Ce problème prend tellement plus d’ampleur dans la région de New York que ses services de santé ont créé une application qui donne aux médecins et au personnel infirmier un accès à une base de données sur différents types d’infection des voies urinaires et des médicaments auxquels elles résistent. Cet outil aide à mettre un terme à plusieurs tentatives visant à trouver un médicament qui fonctionne. Il faut ajouter une chose : on ne peut s’attendre à voir de nouveaux antibiotiques faire leur apparition dans un avenir rapproché. « Big Pharma a carrément démissionné sur les antibiotiques », selon un article publié le 18 août 2017 dans le magazine Forbes : « Ce n’est pas que les risques soient trop élevés ; c’est plutôt que les résultats
Dans un autre cas soulevé par le Globe and Mail, une femme de Toronto qui a subi cinq infections des voies urinaires au cours de sa vie doit maintenant prendre divers antibiotiques jusqu’à ce qu’elle en trouve un qui fonctionne. Selon l’article, « l’infection ne cesse de revenir. On dirait que c’est la même infection qui revient d’une fois à l’autre, [ce qui est] très inquiétant ». Selon certains experts, cela serait plus qu’inquiétant. « C’est fou ! C’est ahurissant ! » affirme Lance Price, directeur du Antibiotic Resistance Action Centre (Centre d’intervention contre la résistance aux antibiotiques) de l’Université George-Washington.
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sont trop décevants. » Autrement dit, tout le temps et toute la recherche normalement nécessaires à la mise en marché d’un nouvel antibiotique ne rapportent pas assez.
LE LIEN AVEC LE NETTOYAGE Si de plus en plus d’infections deviennent résistantes aux médicaments et si les pharmaceutiques se montrent maintenant réticentes à lancer de nouveaux antibiotiques, quelles sont les options ? En réalité, la solution la plus importante et la plus efficace pourrait se trouver au sein de l’industrie du nettoyage et de l’entretien sanitaire. Bien que les nettoyants les plus efficaces ne puissent influer sur le nombre de cas d’infection des voies urinaires, plusieurs
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maladies bactériennes les plus fréquentes que contractent tant les enfants que les adultes sont le résultat de contacts avec des surfaces contaminées, suivis d’un contact avec les yeux, la bouche ou le nez, ou découlent de la consommation tardive d’aliments. Ce qui complique le problème, c’est qu’une personne peut toucher une surface contaminée, puis toucher d’autres surfaces, voire d’autres personnes. Il s’agit de l’une des formes de contaminations croisées les plus courantes. La façon d’aider à prévenir le problème réside donc dans l’utilisation de méthodes, d’outils et de produits de nettoyage plus efficaces. Comme pour les antibiotiques, les professionnels canadiens du nettoyage doivent bien comprendre le but des numéros d’identification de médicament
(DIN) et ce qu’il faut considérer dans le choix d’un désinfectant. Dans la plupart des cas, il faudra faire usage de désinfectants à large spectre parce qu’il est difficile de déterminer le type d’agents pathogènes qui se trouvent sur les surfaces. Les travailleurs de l’entretien sanitaire doivent donc être informés des fondements de l’utilisation des désinfectants. • N’utiliser des désinfectants que lorsque c’est nécessaire. Certains agents pathogènes augmentent leur résistance aux désinfectants, tout comme dans le cas des antibiotiques mentionnés ci-dessus. La limitation de leur utilisation aidera à ralentir ou à prévenir le développement de leur résistance. • Nettoyer les surfaces d’abord, avant de les désinfecter. Souvent négligée, la première étape élimine des surfaces les saletés qui entravent l’efficacité des désinfectants. • Après avoir appliqué le désinfectant, laisser aux produits chimiques le temps de s’imprégner sur la surface. Pour ce faire, la meilleure technique consiste à appliquer le désinfectant sur plusieurs surfaces ou appareils sanitaires dans une première étape, puis d’essuyer le tout. Si le désinfectant a séché, il faut en rajouter. • À mesure que le désinfectant est utilisé, le liage des composés d’ammonium quaternaire peut devenir problématique. Cela se produit lorsque des composés d’ammonium quaternaires, qui confèrent le pouvoir désinfectant du produit, sont absorbés par le chiffon de nettoyage. Les antibiotiques perdent de leur efficacité lorsque le phénomène se produit. Pour le prévenir, certaines précautions s’imposent : vaporiser la surface à nettoyer plutôt que d’en appliquer sur le chiffon ; ne pas tremper les chiffons de nettoyage dans un seau contenant une solution d’eau et de désinfectant ; changer fréquemment le chiffon de nettoyage.
TROUVER LES AGENTS PATHOGÈNES • Dans la plupart des cas, lorsque le personnel possède la formation appropriée et utilise des solutions et des produits de nettoyage efficaces, l’aspect nettoyage est résolu. L’industrie canadienne du nettoyage profes sionnel aide ainsi à prévenir la propagation des maladies. • Toutefois, le principal enjeu consiste à déterminer le type d’agents pathogènes en présence. Traditionnellement, c’est comme si l’on donnait des coups d’épée dans l’eau, selon Brad Evans, PDG d’OptiSolve, un outil d’évaluation des surfaces qui découvre rapidement les agents pathogènes qui se cachent sur les surfaces : « Ne pas savoir constitue un problème majeur. » • Une recherche effectuée par un étudiant de premier cycle de l’Université du Wisconsin illustre ce point. L’équipe de chercheurs a étudié des endroits d’une école où les différents types d’agents pathogènes étaient les plus susceptibles de se retrouver. Ils ont aussi testé des surfaces comme les éviers de salles de toilettes, des portes et des laissez-passer donnés aux étudiants, aux parents, aux enseignants et aux visiteurs de l’établissement. Ils s’attendaient à ce que les laissez-passer soient contaminés, et leurs doutes concernaient le type de contaminants et leur quantité. Il s’est avéré que le nombre de contaminants était très élevé. L’étude a ainsi révélé la présence de plus de 18 000 unités formatrices de colonies (UFC) de bactéries sur les laissez-passer, les éviers et les portes, dont plusieurs représentaient une menace potentielle pour la santé. « L’utilisation de systèmes de surveillance des ATP (adénosine triphosphate) constitue l’une des plus importantes avancées des dernières années dans l’étude de la situation et la découverte des agents pathogènes, affirme M. Evans. Nous savons toutefois que ces systèmes présentent des inconvénients. »
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Brad Evans a souligné que les travailleurs de l’entretien sanitaire utilisent régulièrement des ATP pour tester les surfaces susceptibles de porter des agents pathogènes. Comme il l’indique, « des agents pathogènes peuvent toutefois se trouver à quelques centimètres de ces surfaces et risquent de passer inaperçus ». Qui plus est, des études indiquent qu’il se peut que l’on doive lutter contre les ATP dans diverses procédures de nettoyage et de renettoyage, notamment dans l’utilisation de l’appareil, sur la façon dont on utilise les tampons dont on a besoin pour tester les surfaces et selon d’autres facteurs. « Les outils d’évaluation des surfaces dotés de la technologie d’imagerie ont été conçus pour brosser un tableau plus large des endroits où logent les agents pathogènes et de leur quantité, affirme M. Evans. Une fois que l’on sait où ils se trouvent, on peut alors les éradiquer à l’aide de produits efficaces tout en assurant la santé des gens et des installations. » L’expression Cleaning for Health (Pour un environnement sain) est apparue il y a plus de 20 ans dans le livre intitulé Protecting the Built Environment: Cleaning for Health de Michael A. Berry, un scientifique de l’Université de la Caroline du Nord. Cette expression est devenue, depuis lors, le leitmotiv de l’industrie du nettoyage professionnel. De nos jours, alors que le problème des maladies résistantes aux antibiotiques s’intensifie, elle prend encore plus son sens. Heureusement, les nouvelles technologies, les nouveaux produits de nettoyage efficaces et les méthodes de nettoyage améliorées contribuent à faire en sorte que l’industrie se montre à la hauteur de la tâche.
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- Robert Kravitz est un contributeur assidu de l’industrie du nettoyage professionnel.