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Bernard
POLIQUIN
TRAVAILLER POUR CHANGER LES CHOSES PAR JOHANNE LANDRY, JOURNALISTE
Un retour sur les 30 dernières années met en évidence les deux fils conducteurs de sa carrière : l’immobilier commercial d’abord, puis ses dispositions à être un agent de transformation. Rencontre avec Bernard Poliquin, vice-président principal, Bureaux, Québec, chez Ivanhoé Cambridge.
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ernard Poliquin a fait le saut en immobilier commercial parce qu’il aime la vitalité qui se dégage des centres-villes et que les grands édifices exercent une fascination sur lui. Alors qu’il travaillait en recherche et développement chez Dupont Canada, il a eu à conclure une transaction immobilière en tant que client à la recherche d’un local. Ce fut le déclic à l’origine d’un cheminement professionnel marqué par une progression rapide. UN PARCOURS ÉDIFIANT Agent, puis directeur de la location chez Propriétés Trizec, entreprise propriétaire de la Place Ville Marie (PVM) (c’était en 1992) et mandataire de la gestion du 1000, rue De La Gauchetière (alors propriété de BCE), il est promu directeur général de cet édifice quelques années plus tard quand BCE en rapatrie la gestion. Il devient par la suite vice-président de la gestion des actifs immobiliers de Bell Canada, par l’intermédiaire de sa filiale Gestion immobilière Nexacor. Lorsque Nexacor est vendue à Profac, Bernard Poliquin participe à la création du bureau québécois pour Services immobiliers commerciaux JLL et accède à la présidence canadienne de 2006 à 2008, avant de déménager en Australie pour diriger le bureau de Sydney. Survient la crise économique, qui entraîne beaucoup de changements pour Bernard Poliquin, dont un retour à Montréal. Après un passage comme président d’Avison Young Québec, il entre au Mouvement Desjardins comme
vice-président, immobilier corporatif et gestion immo bilière pour le Canada. Durant cette période, il vivra l’acquisition de la division canadienne de State Farm et la construction d’un nouveau siège social à Lévis. En 2015, il répondra à un appel de la haute direction d’Ivanhoé Cambridge qui lui offre la vice-présidence principale des immeubles de bureaux du Québec, parmi lesquels la PVM et le 1000, rue De La Gauchetière (deux édifices qu’il connaît bien) ; ainsi que le Centre de com merce mondial, l’Édifice Jacques-Parizeau et la Maison Manuvie, récemment inaugurée le 27 novembre. Parmi ses objectifs figure également une participation à la réalisation du Projet Nouveau-Centre (dont PVM est le cœur), un investissement global de 1 milliard de dollars d’Ivanhoé Cambridge pour le centre-ville de Montréal, une occasion qu’il ne pouvait pas laisser passer. « Elle marque la convergence de mon cheminement de carrière, de mon expérience et mes expertises, que je peux mettre au service de quelque chose de grandiose pour Montréal, un déploiement d’envergure qui va marquer le centre-ville », confie-t-il. Inaugurée il y a 55 ans, la PVM est l’édifice phare de la métropole, qui a mené au déplacement du quartier des affaires du Vieux-Montréal vers le centre-ville en 1962, rappelle Bernard Poliquin. PETITE HISTOIRE DE LA GRANDE PLACE C’est le Canadien National qui est à l’origine de PVM pour créer un pôle économique autour de la gare Centrale. À l’endroit où s’élève aujourd’hui l’édifice se trouvait une agglomération de voies ferrées à ciel ouvert. Il y a d’ailleurs toujours des trains et des rails sous la PVM qui vont de la gare Centrale vers le tunnel qui traverse le mont Royal, ainsi que des ateliers de réparation de trains, raconte Bernard Poliquin.
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Mais au moment de promouvoir cette réalisation pour Montréal, personne au Canada ne pouvait mener un projet aussi avant-gardiste. C’est donc au promoteur américain William Zeckendorf que le CN confie cette tâche, et ce dernier s’adjoint les services de deux jeunes architectes : Ieoh Ming Pei (à qui l’on doit la pyramide du Louvre) et Henry N. Cobb. Ce dernier, maintenant âgé de 91 ans, a participé à la réflexion pour redévelopper PVM et en faire évoluer l’intention d’origine, celle d’être un lieu de rassemblement, une grande place publique, civique et culturelle. LE PROJET NOUVEAU-CENTRE Sur la table à dessin depuis maintenant trois ans, le Projet Nouveau-Centre, déjà amorcé avec la rénovation de l’hôtel Fairmont Le Reine Elizabeth et l’ouverture de la Maison Manuvie, se poursuivra au début 2018 par la revitalisation de l’esplanade de PVM. L’objectif d’Ivanhoé Cambridge avec cet investissement de 200 M$ : rehausser l’expérience urbaine au cœur du centre-ville.
« Nous voulons que PVM demeure le point d’ancrage du centre-ville de Montréal et nous le ferons en répondant aux besoins de notre clientèle pour les 25 prochaines années », explique Bernard Poliquin. Ainsi, nous verrons bientôt apparaître sur l’esplanade un pavillon de verre qui marquera le point de départ du réseau souterrain (dont PVM a autrefois été l’instigatrice) et donnera accès à une offre commerciale renouvelée et jumelée à une programmation culturelle. « Nous aspirons à ce que l’endroit soit vivant et fréquenté aussi les soirs et les fins de semaine et qu’il retrouve sa vocation de grande place urbaine avec des îlots de verdure, des aires de repos et de rencontre, qu’il soit un lieu de rendez-vous. L’aménagement extérieur et intérieur sera accueillant et bien entendu aussi adapté pour la saison froide », ajoute M. Poliquin. La revitalisation de l’aire de restauration et l’élargissement de l’offre en ce domaine, ainsi que le déménagement de la succursale commerciale de la Banque Royale de la mezzanine du 1, Place Ville Marie vers les niveaux de la rue et de la promenade souterraine dans un espace de 40 000 pi2, entraîneront un mouvement dont Ivanhoé Cambridge entend profiter pour revoir le positionnement commercial de PVM afin qu’il soit mieux adapté à sa clientèle, annonce Bernard Poliquin, mentionnant que quelque 10 000 travailleurs fréquentent quotidiennement le lieu. « Ces gens ont besoin de se restaurer, de se ressourcer, de faire des emplettes, de rapporter des repas préparés à la maison; nous voulons répondre à tous ces besoins », poursuit-il. La venue de nouveaux locataires tels que WeWork et Sid Lee à PVM provoque également une réflexion sur l’offre commerciale, étant donné le profil plus jeune de cette clientèle. Suivra la rénovation du Centre Eaton, dont la fin des travaux est prévue pour 2020.
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« Les stratégies d’affaires sont souvent extrêmement porteuses sur papier, mais les faire arriver sur le terrain, concrétiser une nouvelle vision, un changement de culture demande énormément d’efforts, d’engagement et de détermination. » – Bernard Poliquin
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« Ce que nous réalisons à Montréal fera notre fierté et servira de laboratoire à ce qu’Ivanhoé Cambridge peut faire partout dans le monde avec ses propriétés iconiques situées dans les grands centres-villes », expose Bernard Poliquin. UN AGENT DE TRANSFORMATION Au-delà des édifices dont il a géré la location, l’exploitation et les projets de construction tout au long de sa carrière, Bernard Poliquin se voit comme un agent de transformation. « Les stratégies d’affaires sont souvent extrême ment porteuses sur papier, mais les faire arriver sur le terrain, concrétiser une nouvelle vision, un changement de culture demande énormément d’efforts, d’engagement et de détermination. C’est une de mes forces, et j’y mets beaucoup d’énergie », confie le gestionnaire qui rappelle que les entreprises les plus performantes sont celles qui réussissent à créer un esprit d’équipe, un sentiment d’appartenance et de la mobilisation. Et par mobilisation, il entend le plaisir et la fierté de réaliser des projets. « C’est un trait de ma personnalité, poursuit-il. J’ai besoin de créer des environ nements où les gens sont appelés à réaliser des projets et à générer des résultats significatifs pour l’entreprise. » « C’est davantage un art qu’une science. Être à l’écoute et intuitif, faire preuve d’empathie sans jamais perdre de vue les objectifs d’affaires. Mettre 12
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ensemble les forces vives de chacun pour atteindre quelque chose de plus grand que soi », fait valoir M. Poliquin. De son mentor, il retient plusieurs leçons, mais la principale est que l’on choisit qui l’on est dans l’adversité. « Nous choisissons comment nous recevons la réalité, élabore-t-il. Devant un stress important, par exemple, choisir de demeurer ouvert et positif plutôt que de sombrer dans le négatif. » CONTINUER DE CHANGER LES CHOSES Avec le recul, Bernard Poliquin constate que tous les postes qu’il a occupés nécessitaient un changement organisationnel, opérationnel ou de culture d’entreprise avec un objectif d’amélioration de la performance. « C’est ma contribution. J’ai été particulièrement fier lorsqu’un ex-collègue en Australie m’a écrit récemment pour me remercier de l’avoir transféré à la tête d’un bureau en difficulté. C’était ardu pour lui d’accepter ce défi à l’époque. Il me mentionnait dans sa note que c’était la meilleure chose que j’avais pu faire pour lui person nellement, sa carrière et également sa famille. Il était tout simplement la bonne personne pour remplir cette mission. » Quand le Projet Nouveau-Centre sera terminé, Bernard Poliquin sait qu’il y en aura d’autres. Plusieurs autres. « J’ai encore des choses à appren dre, à partager et à réaliser au cours des prochaines années. Mon ambition est de faire une différence », conclut-il.
LE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER EST AU CŒUR DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE Vice-président principal, Bureaux, Québec, chez Ivanhoé Cambridge, Bernard Poliquin a été président du conseil d’administration de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU) de 2014 à 2016. « Cette expérience m’a apporté un sentiment d’accomplissement. La certitude que le temps que je consacre à ma carrière n’est pas seulement un travail, mais aussi l’occasion d’influencer des décisions, de promouvoir des projets qui auront un impact sur la ville, sur l’économie, sur la croissance des investissements en immobilier et sur le dynamisme de Montréal », confie-t-il. UNE ÉTUDE ÉCONOMIQUE SUR LES LOYERS L’étude sur l’évolution des taux de loyer dans les édifices de catégorie A du centre-ville au cours des 20 dernières années, réalisée par l’économiste Mario Lefebvre – alors PDG de l’IDU et aujourd’hui vice-président, Recherche, Marchés immobiliers mondiaux, chez Ivanhoé Cambridge – est une initiative menée au cours de son mandat dont il se montre particulièrement fier.
marché des investissements immobiliers. Il est important de soutenir cette tendance. » LA NOMINATION D’ANDRÉ BOISCLAIR C’est également durant le mandat à la présidence du conseil d’administration de l’IDU de Bernard Poliquin qu’André Boisclair a été nommé présidentdirecteur général de l’organisme. « Il était le candidat le plus rigoureux et le plus sérieux parmi ceux que nous avons rencontrés. Il avait lu et analysé tous les dossiers de l’IDU. Nous étions quatre personnes au comité de sélection et nous avons tous été impressionnés par sa préparation », souligne-t-il, ajoutant que depuis son entrée en poste en juin 2016, André Boisclair a réalisé un excellent travail, notamment en donnant une meilleure visibilité à l’Institut. « Le développement immobilier est au cœur du développement économique, et André Boisclair, par son parcours professionnel et ses qualités personnelles, nous a permis de poursuivre notre évolution », commente Bernard Poliquin.
« Durant des années, toute discussion à ce sujet demeurait dans une zone grise et ne s’appuyait que sur des impressions, et non sur des faits validés par des experts. L’étude réalisée par l’IDU, rigoureuse et basée sur des informations fournies par le Groupe Altus, a démontré, preuves à l’appui, que depuis 1990, les taux de loyer n’avaient connu que très peu de croissance, sauf celle qu’ont entraînée les augmentations de taxes foncières et des frais d’exploitation des édifices », souligne Bernard Poliquin.
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BERNARD POLIQUIN ET UNE PARTIE DES MEMBRES DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’IDU AU PRINTEMPS 2015
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Qu’est-ce que cette étude a changé ? « Nous avons maintenant des arguments rationnels et basés sur une étude réalisée par un économiste de renom. Nous pouvons dorénavant discuter avec les autorités gouvernementales de l’impact des projets immobiliers faisant appel à des subventions ou à des congés de taxes à la location. Ces initiatives ont eu un effet sur le marché. Aujourd’hui, nous sortons de cette longue période. Il y a une progression des loyers et une évolution dans l’attractivité du
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