Analyse de marché - Immobilier commercial volume 11 - numéro 1

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ANALYSE DE MARCHÉ

CONCURRENCE MONDIALE ET VIRAGE NUMÉRIQUE :

LE COMMERCE DE DÉTAIL À LA RECHERCHE DE LA CROISSANCE

Benoit Beauchemin Expert invité

Le commerce de détail est une composante centrale de notre économie. En 2017, les ventes au détail se sont élevées à 120 G$ au Québec. Avec ses 480 000 travailleurs, ce secteur représente 12 % des emplois dans la province. Alors que les efforts de renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) se poursuivent, les détaillants tentent de faire valoir l’importance des enjeux qui s’y affrontent, notamment sur le plan fiscal. Au cœur de leurs préoccupations, mentionnons les pressions subies par le Canada visant à augmenter le seuil en dessous duquel les produits achetés en ligne à l’extérieur du pays sont exemptés de taxes et de frais de douane. Washington demande à ce que ce seuil soit relevé de 20 $ à 800 $. Léopold Turgeon, PDG du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), s’est récemment exprimé ainsi à ce sujet : « Ce serait totalement inéquitable envers nos détaillants qui sont tenus de payer des droits de douanes, lorsqu’appli­ cables, et de prélever les taxes. Si cela se concrétisait, des milliers de commerçants seraient fragilisés, voire même fermeraient leur commerce, surtout les PME1. »

Diplômé des HEC, Benoit Beauchemin cumule 20 années d’expérience en recherche et analyse concurrentielle et stratégique. Il est consultant en analyse de marché et en intelligence d'affaires.

Selon une étude effectuée pour le compte du CQCD, 86 % des produits achetés sur Internet ont une valeur inférieure à 200 $. On estime que l’élimination du seuil de 20 $ se traduirait par une perte de 700 M$ à 1,6 G$ de taxes et de frais de douane, pour les gouvernements. Il s’agit, pour les entreprises de détail, d’assurer leur compétitivité au chapitre des prix. En effet, les entreprises américaines et mexicaines doivent être soumises aux mêmes règles fiscales lorsqu’elles pénètrent le marché canadien par Internet. Soulignons que l’Australie a abaissé son seuil d’exemption à 0 $, afin d’assurer la compétitivité de ses détaillants. Cette tendance est également celle que suivent plusieurs pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).

GETTY IMAGES PAR ATANAS BEZOV

VIGUEUR ET TOURMENTE DU COMMERCE DE DÉTAIL C’est justement le commerce en ligne qui explique en partie les difficultés de grands détaillants depuis quelques années. L’exemple le plus frappant est celui de Sears Canada qui annonçait, l’automne dernier, la fermeture définitive et la liquidation de ses 130 magasins employant 12 000 travailleurs. Le commerce en ligne contribue à accroître la pression concur­ rentielle sur les détaillants. Le virage numérique du commerce de détail représente à la fois une menace concurrentielle et une occasion de croissance en offrant un plus grand accès aux divers marchés. Certains s’en tirent mieux que d’autres, et plusieurs données nous révèlent la vigueur récente du commerce de détail.

1. Conseil québécois du commerce de détail (2018, 23 janvier). Ronde de négociation de l’ALÉNA à Montréal. Les détaillants du Québec inquiets. Repéré à http://cqcd.org/data/Communications/PDF/fr-CA/259_180123-Comm_ALÉNA_CQCD_23jan.pdf

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ANALYSE DE MARCHÉ

GETTY IMAGES PAR RCLASSENLAYOUTS

Au Canada, les ventes au détail ont augmenté pour un troisième mois consécutif en novembre 2017, en hausse de 0,2 % pour s’établir à 50,1 G$. Statistique Canada révélait que les ventes au détail ont augmenté dans cinq provinces (Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse, Québec, Ontario et Manitoba) en novembre2. Les données de décembre ne sont pas encore disponibles. Les ventes accrues dans les stations-service (en grande partie en raison des prix plus élevés à la pompe), les magasins d’appareils électroniques et ménagers, ainsi que dans les magasins de marchandises diverses ont contrebalancé les ventes plus faibles des concessionnaires d’automobiles neuves. Les ventes des magasins de vêtements et d’accessoires vestimentaires ont augmenté de 3,0 %. Elles ont également été plus élevées dans les magasins de vêtements (+2,2 %), les magasins de chaussures (+7,4 %), ainsi que dans les bijouteries et magasins de bagages et de maroquinerie (+4,0 %). Il s’agit de la cinquième hausse en six mois en ce qui concerne les magasins de vêtements. Fait intéressant, le Québec a enregistré la croissance la plus forte en dollars au Canada (+0,9 %). Les ventes au détail dans la région métropolitaine de Montréal ont augmenté de 1,2 %. Cette proportion est plus élevée que dans les deux autres régions métropolitaines où les ventes au détail mensuelles sont réper­toriées, soit Toronto, où elles ont augmenté de 0,8 %, et Vancouver, où elles ont diminué de 0,1 %. Au total, les ventes au détail ont augmenté dans la région de Montréal, passant de 4,723 G$ en octobre à 4,779 G$ en novembre. Cela a contribué à faire grimper les ventes

au détail de 1,2 % au Québec, soit le taux de croissance le plus élevé parmi les cinq provinces. Les ventes à l’échelle québécoise ont atteint 10,679 G$ en novembre 2017. Les ventes au détail du commerce électronique ont atteint 1,8 G$ en novembre, ce qui repré­sente 3,5 % du total du commerce de détail, leur proportion la plus élevée de toutes les ventes au détail en 2017. Depuis 2016, le commerce au détail électronique a augmenté de 25,5 %, tandis que le total des ventes au détail non désaisonnalisées a progressé de 7,4 %. Le dynamisme du commerce de détail est égale­ment perceptible aux États-Unis. Les ventes y ont progressé en décembre 2017, alors que les données du mois de novembre ont été révisées en forte hausse, selon les statistiques du département du Commerce américain. L’indice des ventes des détaillants et des restaurants affiche une hausse de 0,4 %, un peu en dessous des prévisions des analystes (+0,5 %). Sur une période d’un an, les ventes au détail aux États-Unis ont globalement représenté 495,4 G$, soit une progression de 5,4 %. Ces données sont certes encourageantes. Toutefois, la croissance soutenue du commerce de détail sur une longue période dépend certainement de la bonne performance de l’économie et de l’évolution du pouvoir d’achat des consommateurs. Dans le contexte de la mondialisation des marchés, la mise en place de règles fiscales adéquates de même que l’intégration du commerce de détail à l’économie numérique sont également des gages de succès et de pérennité.

2. Statistique Canada (2018). Commerce de détail, novembre 2017. Repéré à http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/180125/dq180125a-fra.htm

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