Immobilier commercial volume 11 - numéro 4 - Transport et développement urbain

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TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT URBAIN

TRANSPORT COLLECTIF : QUELLES TECHNOLOGIES PRIVILÉGIER ?

Paul Lewis Expert invité

Paul Lewis est professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, dont il a été doyen de 2014 à 2018 ; il est également chercheur à l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement immobilier. Ses recherches portent principalement sur la mobilité, notamment celle des jeunes, de même que sur la planification et la gouvernance des services de transport.

Le gouvernement du Québec a rendu publique, en avril dernier, sa politique de mobilité durable, à l’horizon 2030, pour « transporter le Québec vers la modernité ». Cette politique, qui marque un tournant dans nos approches face à la mobilité, se démarque par la volonté de réduire la consommation de ressources et d’espace consacrés à la mobilité, tout en améliorant l’accessibilité pour tous. Ce qui signifie qu’il faudra offrir davantage de transport collectif structurant. Sur ce plan, il y a consensus au Québec. Les possibilités sont nombreuses. Mais quelle technologie de transport collectif doit-on privilégier ? Là, le consensus s’estompe rapidement. Chaque technologie a ses partisans et ses détracteurs. Dans les prochaines lignes, nous nous intéressons aux différentes technologies de transport collectif, ainsi qu’à leurs avantages respectifs. LES PRINCIPAUX MODES DE TRANSPORT COLLECTIF STRUCTURANT Nous pouvons distinguer deux grands ensembles de technologies de transport collectif structu­rant : les systèmes sur rail et les systèmes sur pneu. Ces deux familles présentent des avantages distincts et peuvent être considérées comme complémentaires. Dans la première famille, on trouve les métros, les tramways et les autres systèmes légers sur rail (SLR), qui tiennent un peu des uns et des autres. Dans la seconde figurent les systèmes d’autobus express, électriques ou non. L’exemple le plus connu de système rapide par bus (SRB) est probablement celui d’Ottawa, mis en place dès 1983, le Transitway. Une vingtaine d’années plus tard, de l’autre côté de la rivière des Outaouais, Gatineau a aussi mis

en place un système similaire, le Rapibus. Le SRB d’Ottawa utilise des autobus qui roulent à la fois sur voies réservées et en site propre, ce qui lui permet d’atteindre des vitesses élevées, comparables à celles qu’offrent les systèmes sur rail. Mais la capacité des SRB est moindre que celle de ces derniers, si bien qu’Ottawa a aussi choisi de développer un système de train léger, le O-Train ; la première ligne est en service, la seconde devrait l’être bientôt et sera en partie souterraine. Les systèmes sur rail sont généralement plus coûteux à construire que les SRB, surtout s’ils doivent rouler en mode souterrain, mais ils présentent beaucoup d’avantages, notamment un grand confort (les rails ne connaissent pas

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TRAMWAY, DANS LE CENTRE-VILLE DE TORONTO

les nids-de-poule…). Les tramways roulent au milieu de la circulation, parfois sur des voies partagées, comme c’est le cas à Toronto. Ils peuvent aussi rouler sur des voies qui leur sont exclusives, pour permettre d’atteindre de plus grandes vitesses, afin d’en améliorer l’attractivité en comparaison de l’automobile. Les métros roulent en site propre, en mode souterrain, au niveau du sol ou en mode aérien. Sous terre, ils peuvent s’affranchir de la géographie du réseau routier. Ce n’est pas ainsi que le métro de Montréal a été conçu, mais c’est l’une des caractéristiques de la portion est du projet de ligne rose, afin de réduire les temps de déplacement pour les personnes qui habitent entre Montréal-Nord et le Plateau-Mont-Royal et qui se dirigent vers le centre-ville. L’IMPACT DES MODES DE TRANSPORT SUR LES VILLES Pour plusieurs, l’intérêt premier des modes structurants sur rail est ailleurs : dans l’impact sur la forme urbaine et sur le marché immobilier. Les stations de métro ou de SLR auraient le potentiel de générer de la densité, davantage que les systèmes par bus, même s’ils sont rapides, pour l’essentiel à cause d’un achalandage plus grand. C’est ce qu’on appelle l’argument des effets structurants. Mais les données empiriques colligées un peu partout sur la planète ne soutiennent pas ces prétentions. Il suffit pour s’en convaincre de voir ce qui s’est passé autour des stations de métro de Montréal. À proximité de certaines stations, même achalandées, il ne s’est rien passé, ou presque. Dans certains cas, il a fallu attendre des décennies avant qu’une quelconque activité survienne. Ailleurs, on a bien observé de nouvelles constructions, mais il n’est pas toujours possible de les attribuer à l’arrivée d’une nouvelle ligne de transport sur rail. Elles s’expliqueraient plutôt par la dynamique du marché immobilier, auquel contribue l’accessibilité en transport collectif ; mais ce dernier n’est jamais le seul facteur.

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Il y a toutefois une grande exception : le métro (et les lignes de trains et d’autobus express) a puissamment contribué au dynamisme du centre-ville ; il a notamment participé au succès de la ville intérieure. Mais les volumes de passagers qui se destinent au centre-ville et qui prennent le transport collectif sont conséquents, des conditions que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans la région métropolitaine. Le choix d’un mode de transport collectif n’est pas chose simple. Il doit d’abord se faire en fonction du bénéfice pour les usagers ; surtout, les nouveaux investissements doivent être conçus pour renforcer la logique de l’ensemble du réseau et la cohérence. C’est sur le long terme qu’il doit être évalué. Le moins cher n’est pas nécessairement le meilleur choix.

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