GÉNÉRATION MONTANTE
ANTHONY ARQUIN
Avocat associé, Davies Ward Phillips & Vineberg
BRIGITTE DUPUIS
Directrice du développement des affaires, ENGIE Services
S’ADAPTER À DES DÉFIS GRANDISSANTS PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUELLE GRIL
PHOTO DE BRIGITTE DUPUIS, JBC MÉDIA PAR ROXANE PAQUET
Les entreprises et le secteur immobilier font face à des enjeux de plus en plus complexes et doivent s’adapter à un environnement changeant. Voici quatre exemples où la créativité a permis de tirer son épingle du jeu.
L
a densification des grands centres urbains comporte son lot de défis pour le secteur industriel qui se trouve souvent confiné dans des parcs voués à cette fin, remarque Brigitte Dupuis, directrice du développement des affaires chez ENGIE. Cette tendance, jumelée à l’augmentation du nombre d’entreprises dont le modèle d’affaires repose sur le commerce électronique et offrant des services de livraison rapide, crée de nouveaux besoins en matière d’infrastructures. Par ailleurs, à cause des frais de transport de plus en plus coûteux, il est également primordial de réduire le nombre de déplacements des camions de livraison. Pour répondre à ces changements socioéconomiques et améliorer l’optimisation des processus, les entrepôts à plusieurs étages constituent une piste de solution. La construction d’entrepôts de ce type est une tendance déjà bien présente en
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Asie. Même si elle est encore jeune en Amérique du Nord, quatre projets sont sur le point de voir le jour aux États-Unis. La construction du premier a été amorcée en avril 2017 par Prologis à Seattle : l’entrepôt Georgetown Crossroads, d’une superficie de près de 600 000 pi 2, doit ouvrir ses portes en octobre 2018. La compagnie cherchait une façon d’accroître l’efficacité de sa chaîne d’approvisionnement et de se rapprocher géographiquement de ses clients. Afin d’optimiser la gestion logistique des opérations, le bâtiment comporte trois étages, dont un de bureaux et deux d’entrepôts. Pour faciliter l’entreposage et la circulation des biens et des personnes, les plafonds offrent une hauteur libre de 28 et 24 pieds, et une rampe d’accès permettant de passer d’un étage à l’autre a aussi été installée. Le quai de livraison comporte 62 portes
et un espace de stationnement pouvant accueillir 130 camions sur trois étages. Un modèle inspirant qui fera certainement des petits un peu partout en Amérique du Nord au cours des prochaines années ! Pour sa part, Anthony Arquin, avocat associé chez Davies Ward Phillips & Vineberg, cite en exemple le centre automatisé de préparation de commandes d’Ocado, à Davis au RoyaumeUni. Situé à une centaine de kilomètres de Londres, ce centre déploie depuis un an une technologie novatrice. Fondée en 2000 par trois anciens employés de Goldman Sachs, l’entreprise britannique est devenue le deuxième joueur du commerce d’alimen tation en ligne en Grande-Bretagne grâce aux technologies développées par son équipe de 1 600 ingénieurs. Dans un entrepôt de 215 000 pi2, un millier de robots de la taille d’une machine à laver se frôlent à une vitesse de 14 km / h, s’affairant parmi les 45 000 produits répartis dans 250 000 casiers empilés les uns sur les autres. Trois cents employés rassemblent et livrent ensuite les commandes, tandis que les logiciels d’Ocado donnent des instructions aux livreurs et proposent même aux clients des listes de courses préétablies basées sur l’analyse de leurs habitudes de consommation.
Avec la croissance fulgurante du transport aérien, les aéroports affrontent des défis de taille. Ces besoins accrus génèrent aussi des occasions favorables pour les services de soutien, notamment en matière de cuisines de l’air. Ce secteur, où les marges de profit sont minces, est toutefois le théâtre d’une vive concurrence et doit continuellement trouver des moyens d’augmenter son efficacité. Pour y parvenir, on a transformé les modes d’opération et par conséquent les aires de travail, explique Alexi Lachambre, vice-président Développement et Inves tissements chez Aeroterm. Les cuisines à aire ouverte dans les entre pôts sont désormais chose du passé. Des installations modernes sont maintenant bâties dans des structures indépendantes et autoportantes appelées box in the box, que l’on pourrait traduire par « boîte dans la boîte ».
ALEXI LACHAMBRE Vice-président Développement et Investissements Aeroterm
Cette véritable « ruche » robotique automa tisée traite 70 000 commandes par semaine et permet à Ocado de les livrer à ses 645 000 clients dans l’heure suivant le passage de la commande. Alors que les sites industriels sont une denrée rare au Canada avec un taux de vacance de 3,9 % au pays et de 5,3 % au Québec1, les systèmes d’automatisation et d’intelligence artificielle d’avant-garde d’Ocado pourraient aider les détaillants à optimiser l’utilisation de leurs espaces. Ocado a d’ailleurs annoncé des partenariats d’envergure avec Sobeys au Canada, Kroger aux États-Unis, Casino en France et Morrisons au Royaume-Uni. L’entreprise construit actuellement un gigantesque entrepôt près de Londres où 4 500 robots traiteront 200 000 commandes par semaine. 1. Deuxième trimestre 2018, CBRE.
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Enfin, à l’heure où le développement durable doit être plus que jamais au cœur des préoccupations, certains projets écoresponsables se démarquent par leur originalité. Charles Duchesne, président de Residia – Développement immobilier, a visité le Danemark cet été afin de trouver des idées de design novateur et écologique pour son nouveau projet de condos Giantonio ; il souligne que l’Amager Ressource Center, à Copenhague, sort nettement du lot.
CHARLES DUCHESNE Président Residia – Développement immobilier
L’une des premières box in the box apparues au Canada a été conçue par Aeroterm à l’Aéroport international d’Edmonton. Le bâtiment, d’une hauteur libre de 24 pieds et d’une profondeur de 100 pieds, n’a aucune colonne intérieure, ce qui permet d’offrir un vaste espace dégagé. Dans l’entrepôt se trouve une imposante structure de plus de 11 000 pi2 d’une hauteur de plus de 15 pieds. Construite à partir de panneaux en métal isolé autoportants, elle comprend plusieurs pièces, chacune ayant son propre niveau de température et d’humidité qui varie selon sa fonction : lavage de vaisselle, cuisson, préparation d’aliments, réfrigération et congélation. Quoique très coûteuses, ces nouvelles structures sont beaucoup plus écoénergétiques et constituent assuré ment le futur de l’industrie.
De Rico Laflamme Cassidy Perreault T 418-780-2330 1 877-780-2330 F 418-781-0728 Édifice Delta II, 2875, boulevard Laurier, bureau 650 Québec (Québec) G1V 2M2
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Aussi surnommé CopenHill, cet énorme incinérateur est surplombé par une piste de ski de 500 mètres de long. Durant la belle saison, les visiteurs pourront profiter de sentiers de randonnée, d’aires de jeux pour enfants et du plus haut mur d’escalade au monde (88 mètres !). L’espace public récréatif sera ouvert dès l’automne 2018. L’idée de la firme Bjarke Ingels Group, l’agence derrière le projet, était de trouver une façon de se réapproprier le toit de ce vaste bâtiment, un espace qui demeure généralement inutilisé sur les constructions. Mais CopenHill est avant tout une centrale thermique qui traitera 400 000 tonnes de déchets par an et alimentera 160 000 foyers en eau chaude et 62 500 foyers en électricité. Avec ce projet hors du commun, Copenhague fait un pas de plus pour devenir la première capitale carboneutre au monde, l’objectif pour 2025. Du même coup, l’Amager Ressource Center permet de réaliser à quel point un projet immobilier peut aider à conscientiser les citoyens et à les faire se questionner sur la façon de réhabiliter les déchets qu’ils produisent. Pour notre part et à notre échelle, ajoute Charles Duchesne, nous avons nommé notre projet de condos locatifs Giantonio en hommage au maître tailleur qui y a exercé sa passion pendant un demi-siècle. Son histoire et celle de l’arrondissement Villeray constituent, selon lui, un bel exemple d’intégration d’immobilier industriel et commercial, dans un tissu urbain.