Immobilier commercial volume 11 - numéro 5 - Perspectives

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QUÉBEC

PERSPECTIVES BRUNO TURCOTTE, B.A.A., É.A.

Vice-président, Immobilier et ressources matérielles La Capitale, Groupe financier

MICHELLE LAURENDEAU

Gestionnaire en immobilier, Coordonnatrice de secteur / Région de Québec Boardwalk REIT

NORMAND HUDON

Architecte associé Coarchitecture

MIGUEL DUARTE E SOUSA, ing. PA LEED

Président-directeur général Ambioner

FRONT COMMUN CONTRE LA RÈGLE DU PLUS BAS SOUMISSIONNAIRE PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE LEDUC

JBC MÉDIA PAR ROXANE PAQUET

Nos chroniqueurs de Québec ont porté leur regard sur la politique provinciale en ajoutant leur voix au mécontentement des ingénieurs et des architectes quant au projet déposé en juin par le gouvernement du Québec, sur la règle d’octroi des marchés publics au plus bas soumissionnaire. Si le ministre Poëti a annoncé fin août vouloir ouvrir le dialogue, nos experts ont souhaité rappeler les risques d’une telle décision et ses conséquences directes sur la société québécoise. Le 27 juin dernier, le gouvernement du Québec déposait son projet de loi sur l’attribution des contrats publics dans la construction immobilière et de routes, dite « au plus bas soumissionnaire » (qui se fait à l’heure actuelle sur la base des compétences et non sur le prix). L’annonce a aussitôt provoqué une fronde chez les ingénieurs et les architectes qui y voient les risques que l’adoption de cette loi ferait courir en matière de qualité des travaux et de gestion de l’argent public. TIRER DES LEÇONS DE LA   COMMISSION CHARBONNEAU Au premier rang des enjeux de cette loi soulevés par nos professionnels figure la volonté d’éviter de répéter les erreurs du passé et de retomber dans les mêmes travers. 40

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« Tant au privé qu’au public, cette règle est souvent utilisée comme norme de bonne gestion, mais en pratique, ce n’est pas aussi simple, explique Bruno Turcotte, vice-président, Immobilier et ressources matérielles à La Capitale. À la base, l’objectif est d’obtenir des services professionnels de qualité qui vont permettre d’avoir un bâtiment qui satisfait aux besoins énoncés avec une qualité de construction qui respecte les objectifs d’entretien et de durabilité du propriétaire. On doit revenir à la commission Charbonneau et à ses recommandations pour voir les problématiques que cette règle peut occasionner. » Et de citer le texte même de la Commission pour appuyer son propos : « Lorsque les soumissionnaires savent que le contrat sera octroyé selon la règle du plus bas soumissionnaire conforme, ils peuvent élaborer un stratagème de collusion selon lequel


ils n’ont qu’à s’entendre sur le prix des soumissions pour décider du résultat de l’appel d’offres. La prévisibilité du processus d’octroi facilite la corruption et la collusion, dans la mesure où elle assure les partenaires du pacte de corruption ou de collusion de l’efficacité de leurs manœuvres frauduleuses1. » Pour nos chroniqueurs, une telle loi ouvrirait de nouveau la porte à des dérives. DE LA FAUSSE BONNE GESTION DE L’ARGENT PUBLIC Selon Normand Hudon, associé et architecte chez Coarchitecture, le projet est même dénué de sens écono­m iquement, puisque les économies réalisées seraient minimes comparées aux coûts supplémentaires engendrés à long terme. « Ce qui est surprenant, c’est que le gouvernement semble croire qu’il fera des économies réelles de cette façon. Il a été démontré que le coût des services professionnels complets d’architectes et d’ingénieurs représente généralement moins de 10 % de celui des travaux qui, eux, constituent moins de 10 % des coûts d’exploitation sur une période de 30 ans, le tout en valeur actualisée nette. En appliquant la règle du plus bas soumissionnaire, on s’attaque à environ 1 % du coût global d’un bâtiment, excluant celui du terrain », souligne-t-il. D’autant que l’expertise développée par les meilleurs professionnels a des répercussions économiques et sociales qui exigent selon lui d’avoir une vision à long terme. « Les architectes et les ingénieurs les plus compétents ont la capacité de diminuer les coûts de construction

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et d’exploitation d’un montant supérieur à celui de leurs honoraires à condition qu’on leur donne le temps d’étudier un projet, d’y réfléchir et de développer des solutions répondant le mieux aux enjeux de ce projet. Les professionnels de la construction ont aussi la capacité d’embellir et d’améliorer la performance de la ville à chacune de leurs interventions, engendrant ainsi

1. Source : extrait du rapport de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, novembre 2015. https://www.ceic.gouv.qc.ca/la-commission/rapport-final.html

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des retombées positives sur la qualité de vie des gens, la réputation des promoteurs, la valeur des actifs et produisant même des retombées touristiques », insiste l’architecte. « AU DIABLE LA QUALITÉ ! » De plus, aux yeux de nos chroniqueurs, cette modification de la loi entraînerait une baisse de la qualité de construction contraire aux objectifs de développement durable, d’urbani­ sation intelligente et de qualité de vie des citoyens. « Acheter du sable ou de la gravelle du plus bas soumissionnaire est une gestion saine. C’est facile et mesurable. Mais comment mesure-t-on la compétence des professionnels qui conçoivent les plans et devis pour une route ? Il y a des impondérables qui influencent le résultat final et qui, parfois, sont des conditions de vie ou de mort, comme ce fut le cas les dernières années. Combien facture-t-on pour le respect des délais et des budgets ? Combien vaut le temps des citoyens qui sont moins longtemps pris dans la construction d’une route ? Quel est le prix lorsque nous sommes perfor­ mants ? Lorsque nous sommes dans une situation de pénurie de main-d’œuvre, il me semble que la qualité et les compétences sont des incontournables. Pourquoi mettre un peu plus d’effort pour être plus performants, si le prochain contrat est donné au plus bas soumissionnaire ? Au diable la qualité ! », s’insurge Michelle Laurendeau, gestionnaire en immobilier chez Boardwalk REIT.


QUÉBEC

Pour appuyer ce plaidoyer, M. Turcotte cite de nouveau les recommandations de la commission Charbonneau « qu’il ne serait pas logique de mettre de côté » : « L’adoption de règles d’adjudication reposant sur une pondération plus variée des critères qualité et prix aurait aussi pour avantage d’inciter les donneurs d’ouvrage publics et les soumissionnaires potentiels à se préoccuper davantage de la qualité des infrastructures dont ils ont la charge, que ce soit en matière de conception, de surveillance ou de construction. Actuellement, le recours presque exclusif à la formule dite " du plus bas soumissionnaire conforme "dans les contrats de construction incite les entreprises à réduire autant que possible leurs coûts, le plus souvent au détriment de la qualité et de l’innovation. » LE PRIX DE LA COMPÉTENCE Si tous les professionnels de la conception de bâtiments s’opposent à ce projet de loi, c’est aussi parce qu’il dévalorise à leurs yeux leurs compétences et nivellerait par le bas, les obligeant à remettre en cause le cœur de leurs métiers et des objectifs poursuivis collectivement. C’est ce que nous démontre Miguel Duarte e Sousa, ingénieur et PDG d’Ambioner : « L’évolution des normes

et règlements, les attentes élevées des usagers des bâtiments en ce qui a trait au confort thermique, la pression pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et les coûts énergétiques, les exigences liées aux certifications environnementales et l’évolution très rapide des équipements et des systèmes nécessitent des connaissances ainsi qu’une constante ouverture à l’apprentissage. De nos jours, des automates de plus en plus complexes contrôlent les nombreux équipements de chauffage, de refroidissement, de ventilation, de protection incendie, d’eau chaude domestique et d’éclairage, sans parler de tous les nouveaux systèmes de domotique intégrés. Dans un contexte aussi exigeant, tous les professionnels du bâtiment doivent consacrer beaucoup plus de temps à la conception, à la mise en plans, sans oublier la surveillance des travaux. Chaque nouveau bâtiment constitue un prototype unique, et chaque projet est unique. On doit se donner les moyens d’atteindre les objectifs que j’ai mentionnés plus haut. » Aux yeux de professionnels en conception d’édifice, cette loi serait en somme un non-sens, contradictoire avec toutes les leçons de saine gestion et d’urbanisation intelligente.

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