49e PARALLÈLE Nord-Sud volume 3 - numéro 2

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Volume 3 • No 2 Printemps 2015

Le magazine du développement des ressources naturelles RENCONTRE EXCLUSIVE

ENTREVUE

Ministre Blanchette : Enjeux et perspectives de l’industrie minière

Pierre Corbeil

TERRES RARES

Effervescence dans le club sélect des minéraux Convention poste-publication numéro 42105518

Maire de Val-d’Or

Chroniques FRANÇOISE BERTRAND

YVES-THOMAS DORVAL

ÉRIC TÉTRAULT

Un processus clair et défini

Le secteur minier comme contributeur à la prospérité

Les terres rares : la montée d’une valeur stratégique


LE PLAN NORD,

CRÉATEUR DE RICHESSES ET DE PROSPÉRITÉ POUR TOUTES LES RÉGIONS DU QUÉBEC Le territoire du Plan Nord représente 1,2 million de kilomètres carrés, soit 72 % de la superficie du Québec. Il renferme un vaste potentiel : ■ minier, avec des réserves de fer, d’or, de zinc, de cuivre, de nickel, de graphite, de phosphate, de diamant, de lithium, de vanadium et de terres rares; ■ forestier, avec 53 % des forêts exploitables au Québec; ■ énergétique, avec une des plus importantes productions hydroélectriques au monde. Pour soutenir le développement de ce potentiel, le gouvernement du Québec a : ■ ■ ■

doté le Fonds du Plan Nord d’un financement récurrent (63 millions de dollars en 2013-2014); créé le Fonds Capital Mines Hydrocarbures, dont 500 millions de dollars sont réservés au territoire du Plan Nord; financé la création de l’Institut nordique du Québec à hauteur de 3 millions de dollars.

© Mine Raglan

Le Plan Nord engendrera des investissements publics et privés de 50 milliards de dollars d’ici à 2035.

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L’AVENIR MOT DES MINIER ÉDITEURS DU QUÉBEC

Le début d’un nouveau cycle

L’ Stéphane Dion Éditeur

Christophe Leduc Éditeur délégué et rédacteur en chef

importance du secteur minier pour l’économie du Québec n’est plus à démontrer. La chute du prix du fer et ses conséquences directes sur l’économie régionale et provinciale nous montrent que quand le secteur minier s’enrhume, c’est tout le Québec qui éternue. Après le boom minier de 2010, nombre de projets ont fleuri. Mais qui dit nouveau prix dit nouvelle donne. Ainsi, comme le soulignait Dany Pelletier de la Caisse de dépôt et placement du Québec à la conférence Objectif Nord d’octobre 2014 : en raison des nouvelles exigences des investisseurs, les projets seront triés sur le volet. L’une des pistes à suivre pour rassurer les investisseurs est bien sûr la réduction des délais entre exploration et mise en exploitation et donc retour sur investissement. L’autre sera forcément la recherche de l’optimisation des coûts et de la productivité. Les solutions sont en grande partie à inventer ou en train de l’être dans les laboratoires des entreprises et des instituts. La recherche de nouveaux marchés et de nouvelles filières est aussi une solution à moyen et à long terme. Votre magazine s’est d’ailleurs penché sur le cas des terres rares. Ce marché longtemps vampirisé par la Chine apparaît comme une avenue prometteuse pour le Québec. Si la province est riche de certains de ces minerais, elle doit aussi compétitionner avec l’Europe et les États-Unis. Il ne s’agit pas seulement de trouver les bons filons, mais aussi les bons procédés de séparation. Les rendre rentables et propres est un impératif et une équation que nombre de chercheurs et d’ingénieurs cherchent à résoudre. Certains ont des résultats encourageants et les projets de mines de terres rares semblent de plus en plus concrets. Tout au long de nos pages, nos chroniqueurs et rédacteurs vous éclaireront sur les tenants et les aboutissants de ce marché en devenir. Qu’il s’agisse de terres rares ou d’autres minerais, les investissements sont lancés. Les régions et les villes sont prêtes : elles rivalisent d’idées et de mesures pour favoriser leur développement économique en s’appuyant sur le secteur minier. C’est ce que vous verrez dans nos articles consacrés à la ville de Val-d’Or. À l’heure où le Plan Nord s’enclenche pour définir ce que sera le développement de l’économie québécoise des 25 ans à venir, l’industrie minière semble commencer un nouveau cycle. Elle doit se tourner vers l’innovation ainsi que, dans une certaine mesure, se réinventer pour demeurer le fer de lance de cet ambitieux projet et atteindre les objectifs de développement durable attendus non seulement par le gouvernement, mais aussi par la population. Bonne lecture et bon début de printemps!

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Une source d’information inspirante, crédible et complète pour saisir les opportunités d’affaires et les occasions d’emploi qu’offre le développement des ressources naturelles du Québec.

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Abonnement : 1 an ( 4 numéros) 18 $ 2 ans ( 8 numéros) 30 $ Le magazine du développement des ressources naturelles 4 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

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SOMMAIRE Photos : Rencontre exclusive - Renaud Philippe, Ressources - DigitalGlobe, Régions - Courtoisie Ville de Val-d’Or, Les résidus miniers - Courtoisie SDE région de Thetford (CLD),

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Ressources Notre société technologique et le contexte géopolitique ont fait des éléments de terres rares un enjeu stratégique de l’économie mondiale. Découvrez les raisons d’une telle frénésie et où se situe le Québec dans la course aux terres rares.

Rencontre exclusive

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Quelques jours après la sortie du rapport de l’Institut Fraser, M. Blanchette a rencontré 49e Parallèle pour une entrevue exclusive. Le ministre délégué aux Mines a alors évoqué les enjeux que traverse le secteur minier québécois, ainsi que les perspectives qui s’offrent à lui.

Terres rares : des métaux prisés aux enjeux stratégiques Effervescence dans le club sélect des minéraux

Régions L’industrie minière fait partie de l’ADN de bon nombre de régions et villes du nord québécois. L’exemple de Val d’Or est révélateur des actions prises par nos villes nordiques pour séduire les minières et solidifier leur tissu socio-économique.

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Entrevue avec Pierre Corbeil, maire de Val-d’Or Les bons filons d’une ville en veine

Les résidus miniers : problème à gérer ou ressource à exploiter ?

Le Centre de transit minier nordique de Val-d’Or Une longueur d’avance sur la piste du Grand Nord

Éditeur Stéphane Dion, président Paradigme Éditions publiques inc. editeur@49eparallele.com Éditeur délégué et rédacteur en chef Christophe Leduc

Photos en couverture : Luc Blanchette – Renaud Philippe Pierre Corbeil – courtoisie Ville de Val-d’Or Piolet sur carottes de forage – courtoisie Arianne Phosphate (Jean-François Desgagné)

Collaborateurs Danielle De Garie, Dave Laveau Éric Tétrault, Francine Bordeleau, Françoise Bertrand, Gaston Déry, Jean-François Samray, Jean-François Gauthier Jean-Yves Poitras, Nadine St Louis, Robert Marquis, Sophie-Anne Soumis, Stéphanie Thibault,Valérie Fillion, Yves-Thomas Dorval Révision linguistique Bla bla rédaction

Dans un contexte économique et environnemental sous tension, les minières doivent innover pour valoriser leurs résidus miniers et en extraire des richesses jusque-là délaissées.

Designers graphiques Marie-Noëlle Laprise et Kim Dumont Paradigme Éditions publiques inc. Impression Impart Litho Distribution Groupe ETR Messageries Dynamiques Abonnement abonnements@49eparallele.com 1 an ( 4 numéros ) 18 $ 2 ans ( 8 numéros ) 30 $ Prix du numéro en kiosque : 6,95 $ + taxes Publicité Paradigme Éditions publiques inc. Tél. : 418 523-0523 publicite@49eparallele.com

Nous joindre Paradigme Éditions publiques inc. 633, rue Saint-Joseph Est, bureau 401 Québec ( Québec) G1K 3C1 Téléphone : 418 523-0523 Sans frais : 1 855 523-7772 49eparallele.com Droits de reproduction et droits d’auteur

La reproduction des textes est autorisée pour autant que la source soit mentionnée. Toute reproduction doit préciser le nom ainsi que le numéro de la publication. Les opinions émises dans le magazine ne reflètent pas nécessairement celles de la société éditrice. L’éditeur ne se tient pas responsable du contenu des publicités de ses annonceurs, ni d’une erreur d’impression. La responsabilité d’obtenir les droits d’utilisation et d’en payer les coûts est assumée par les annonceurs et les collaborateurs.

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Voici le « selfie » de plus de 150 entreprises expertes dans le monde minier ! Val-d’Or vit au rythme de l’industrie !

jean-yves.poitras@ville.valdor.qc.ca


CARTE

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Mines actives 84°

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Or, argent, cuivre, zinc 8- Mouska (Iamgold) 9- LaRonde (Agnico-Eagle)

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Zinc, cuivre, or, argent 10- Langlois (Nyrstar Canada) 11- Persévérance (Xstrata)

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Nickel, cuivre, EGP, cobalt 16- Raglan (Xstrata)

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Niobium 17- Niobec (Iamgold)

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Minéraux non métalliques Feldspath 18- Othmer (Dentsply) Graphite 19- Lac-des-Îles (Timcal) Mica 20- Lac Letondal (Produits Mica Suzorite)

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Silice 22- Petit-Lac-Malbaie (Silicium Québec) 23- Saint-Canut (Unimin Canada) 24- Saint-Rémi-d'Amherst (S. M. Gerdin)

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Minéraux métalliques Or 1- Beaufor (Richmont) 2- Canadian Malartic (Osisko) 3- Casa Berardi (Aurizon) 4- Francoeur (Richmont) 5- Kiena (Wesdome) 6- Lac Herbin (Alexis) 7- Lapa (Agnico-Eagle)

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Carte: courtoisie Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles

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Réalisation Ministère des Ressources naturelles Direction de l'information géologique du Québec

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Note : Le présent document n'a aucune portée légale. © Gouvernement du Québec, octobre 2012

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RENCONTRE EXCLUSIVE

ENTREVUE AVEC LE MINISTRE BLANCHETTE

Un secteur en mutation Par Christophe Leduc

Quelques jours après la sortie du rapport d’enquête de l’Institut Fraser auprès des dirigeants de l’industrie minière, M. Blanchette a reçu 49e Parallèle pour une entrevue exclusive. Le ministre délégué aux Mines a alors évoqué les enjeux que traverse le secteur minier québécois, ainsi que les perspectives qui s’offrent à lui. Il en ressort que ce secteur, locomotive du Plan Nord, semble en période de mutation et devra savoir s’adapter aux nouvelles réalités. C’est d’autant plus vrai que le gouvernement veut faire du Québec « un modèle de développement sur la planète » et que les exigences qui en découlent devront mener les minières vers les meilleures pratiques, notamment environnementales.

Confiance et productivité Ces derniers mois, l’industrie minière a souvent été synonyme de mauvaises nouvelles. Le cas de la mine du lac Bloom en est l’exemple parfait. Mais quelques frémissements paraissent indiquer que le pire est passé. « D’abord, il faut dire que si le fer ne va pas bien, d’autres métaux se portent bien, comme l’or ou le nickel », lance d’emblée le ministre. « Il y a déjà une reprise aux États-Unis, explique-t-il. Quand l’Europe et les États-Unis auront repris leur croissance, automatiquement, toute l’industrie manufacturière asiatique va reprendre. Et le cycle haussier reprendra avec… » 8 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

En investissant à la fois dans les infrastructures et dans les projets miniers, le gouvernement espère créer un appel d’air de capitaux vers la province et ainsi relancer la machine minière : « Nous avons investi dans des projets de terres rares, de graphite, de diamants, d’apatite, etc. », souligne Luc Blanchette. Depuis septembre 2014, le premier ministre Philippe Couillard et tous ses ministres ont exprimé la volonté de mettre en place un environnement d’affaires « stable et prévisible ». La sortie du rapport de l’Institut Fraser donne espoir et confiance au ministre : « À l’indicateur d’attractivité des investissements, le Québec est classé 6e sur 122 juridictions dans le monde. » Remontée du 21e rang, la province semble à nouveau attractive. Mais il reste encore beaucoup à faire. « Nous allons travailler à la simplification administrative – à ne pas confondre avec l’allégement réglementaire –, car il faut améliorer les délais pour les entreprises », affirme M. Blanchette.


Sur le plan de la compétitivité, les exigences sécuritaires, sociales et environnementales du Québec pour atteindre l’objectif de développement durable du Nord font qu’il apparaît illusoire de vouloir rivaliser avec des pays comme l’Indonésie. Le cycle baissier force néanmoins les entreprises à optimiser leurs pratiques. « La baisse des prix du fer oblige les compagnies à améliorer leur productivité et à baisser leurs coûts de transport », insiste le ministre. Il leur faut trouver l’équilibre nécessaire quant à l’impact social et environnemental. Chaque projet vient avec une série de problématiques à résoudre et de pratiques à affiner.

Photo : Renaud Philippe

L’avenir est à la diversification et à l’innovation L’annonce de l’investissement de deniers provinciaux dans le projet de Minéraux rares Quest à Bécancour montre que le gouvernement parie que l’avenir est à la diversification minière et à la mise en place d’une gestion intégrée du secteur. Les terres rares sont notamment, sur ces deux plans, une opportunité que les dirigeants québécois souhaitent saisir. « Le projet Quest dans lequel le gouvernement a investi serait la première usine de séparation d’Amérique du Nord », indique Luc Blanchette. Quatre projets de mines de terres rares sont en cours d’évaluation dans la province et pourraient entrer en exploitation d’ici 2018-2019. Le Québec se placerait alors habilement sur ce marché stratégique jusqu’ici monopolisé par la Chine. L’idéal, pour la province, serait de développer les réseaux économiques entiers (manufacturiers et équipementiers inclus), pas seulement l’extraction, ce qui permettrait la création de nombreux emplois. « Il y a une volonté de développer une filière lithium, et aussi une filière graphite. […] Énormément de petites et moyennes entreprises pourraient en profiter. Ce qui est intéressant, c’est que ce sont des emplois de très haute qualité », précise le ministre avant d’ajouter : « Je rêve également d’une filière hydrométallurgique. » Pour réussir ce développement, on devra aussi intégrer l’innovation à l’équation. Car il faut trouver des solutions dans des domaines aussi divers que l’exploration, la séparation et l’affinage des métaux, l’efficacité énergétique, la productivité ou le recyclage des résidus miniers. « Tout le monde est conscient que nous devons être plus performants en termes de recyclage et plus efficients en termes d’affinage des métaux », insiste M. Blanchette. La volonté est claire : amener, dans un futur proche, le Québec vers l’excellence minière, y compris en fait de développement durable et de respect de l’environnement. Et pour cela, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles souhaite faire flèche de tout bois et mettre tout le monde à contribution : entreprises privées, centres de formation, communautés, centres de recherche, etc. « Il y aura un chantier sur l’acceptabilité sociale. Les chercheurs et les experts, entre autres, seront mis à contribution pour faire un état des lieux et échanger pour savoir jusqu’où aller », explique M. Blanchette. Des consultations sont également en cours dans des domaines comme le respect de l’environnement et la valorisation des résidus

miniers. « On veut faire les choses bien, affirme le ministre, et cela passe par des consultations de tous les acteurs. » Les défis à relever sont donc nombreux. Et les consultations devront aboutir à des compromis efficaces.

La formation de la relève Avec 30 % des travailleurs du secteur sur le point de partir à la retraite, la formation de la relève apparaît comme un autre enjeu crucial du secteur pour les années à venir. Dans ce contexte, la formation se révèle un autre chantier pour le gouvernement. Un million de dollars sont prévus dans le Plan Nord pour la formation de la main-d’œuvre, notamment autochtone. « On veut développer la technologie, mais aussi la main-d’œuvre », explique le ministre. En effet, il est important que les résultats de la recherche soient directement accessibles et profitables tant aux entreprises qu’aux travailleurs. Pour cela, le gouvernement doit favoriser les échanges privé-public. « On a des usines très avant-gardistes dans les domaines de la productivité, de l’économie d’énergie, du respect de l’environnement, explique M. Blanchette. On souhaite donc qu’il y ait plus de concertation entre l’industrie et les centres de recherche. » Les formules de formation comprenant des stages en entreprise sont donc une option à privilégier pour permettre à la main-d’œuvre d’être au fait des dernières technologies et méthodes de travail. Il sera alors plus facile de pourvoir les postes créés par les nouveaux marchés et les nouvelles filières. Ainsi, loin de se laisser abattre par les mauvaises nouvelles de la fin 2014, le ministre Luc Blanchette affiche une confiance qu’il espère communicative. En tout cas, il a le regard tourné vers l’avenir et vers les perspectives qui se profilent en parallèle du Plan Nord. Engagé dans un nouveau cycle, le secteur minier a besoin d’être accompagné dans ce tournant décisif pour lui et pour le Plan Nord. En menant des consultations avec un maximum d’intervenants, le Ministère souhaite définir les contours du tableau qui se dessine, pour garder le Québec dans le dessus du panier des producteurs miniers. La confiance devra alors s’allier à la finesse d’analyse et au sens du bon compromis pour maintenir l’industrie minière sur les rails. //

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ENTREPRENDRE

Un processus clair et défini pour l’acceptabilité sociale des projets miniers

Françoise Bertrand, O.C., C.Q. Présidente-directrice générale Fédération des chambres de commerce du Québec ( FCCQ )

L’industrie minière fait face à de nombreux défis. En plus de ceux liés à l’exploration et à l’extraction des ressources minérales dans un contexte économique difficile, les compagnies doivent composer avec les enjeux environnementaux, communautaires et sociaux de leurs projets.

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En novembre dernier, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et ministre responsable du Plan Nord a lancé un chantier portant sur l’acceptabilité sociale des projets liés à l’exploitation des ressources naturelles. L’exercice se veut une réflexion et un état des lieux sur la question qui doit mener, à la fin de l’année 2015, au dépôt d’un document d’orientations ministérielles pour assurer une meilleure conciliation des usages du territoire public.

Une notion à définir Si on parle beaucoup d’acceptabilité sociale, l’expression spécifique est pourtant absente de la législation québécoise et les critères qui la définissent ne sont toujours pas clairement établis. C’est pourquoi la notion est au cœur des préoccupations de l’industrie minière, ainsi que de celles des communautés à proximité de ces projets. Mais même en l’absence de politique gouvernementale, de nombreuses entreprises minières, qui œuvrent déjà sous de fortes pressions d’autorégulation environnementale


et sociale, ont mis en place des pratiques favorisant l’acceptabilité sociale de leurs projets. Sur une base purement volontaire, elles ont élaboré des processus basés sur l’ouverture, la transparence et l’inclusion de toutes les parties prenantes. Si pour certaines entreprises ces efforts ont mené à la réalisation harmonieuse de projets, force est de constater que toutes n’ont pas obtenu le même résultat. De nombreux projets sont mis sur la glace ou carrément tués dans l’œuf. Tant le gouvernement que la population ont pourtant avantage à ce que ces projets se réalisent, car ils généreront de la richesse pour tout le Québec. Lors de son annonce, le ministre Arcand a insisté sur l’importance économique pour le Québec de développer son territoire. Le ministre rejoint une position que la FCCQ défend depuis des années, soit l’importance de développer nos ressources de façon responsable. Le gouvernement doit livrer un message clair selon lequel le Québec est ouvert aux investissements dans nos richesses naturelles.

Poser la bonne équation Nous savons que le cycle baissier du prix des métaux devrait se poursuivre en 2015. Pour que les sociétés minières québécoises soient en mesure d’en absorber les impacts, le gouvernement doit accompagner le secteur dans la recherche de l’acceptabilité sociale. Une réflexion sur l’acceptabilité sociale doit toutefois se conjuguer à une réflexion sur notre façon de faire du développement économique. Cela passe par une meilleure connaissance des aspects économiques des projets. Il nous apparaît fondamental que le gouvernement et la population aient accès à des informations neutres et objectives sur la nature des projets d’exploitation des ressources naturelles, ainsi que sur les retombées positives du fait de les réaliser et les conséquences de ne pas y donner suite. Actuellement, l’analyse économique fait cruellement défaut et cela contribue à alimenter la tendance de l’opinion publique à opposer les intérêts sociaux et les intérêts économiques, alors que le bien commun demande que les deux travaillent de concert. À l’heure où les citoyens ont accès à une information instantanée et souvent parcellaire, ce manque de connaissances objectives mène trop souvent à un immobilisme social et contribue à une image négative du secteur minier. Le gouvernement n’a pas à prendre fait et cause pour les promoteurs, mais il a la responsabilité d’accompagner les projets. La seule façon d’y arriver, à notre avis, consiste à mettre en place un processus ordonné. C’est là que réside l’intérêt de faire de l’acceptabilité sociale un concept défini, clair, documenté et connu de tous. //

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L’ESPACE CULTUREL

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INDUSTRIE MINIÈRE

L’ ACCÈS AU TERRITOIRE

Photos : Courtoisie Association de l’exploration minière du Québec, Minéraux Rares Quest Ltée

Pierre angulaire du développement minier Dans l’industrie minière, les projets s’échelonnent selon plusieurs phases de développement. Située en amont des phases d’études et d’obtention des permis, de construction, d’exploitation et de restauration, l’exploration occupe une place stratégique dans le développement minier.

L’exploration, fer de lance du développement minier L’exploration minière est pour le secteur minier ce qu’est la recherche-développement pour l’entreprise manufacturière. Elle permet de découvrir le potentiel minéral du sous-sol québécois, dont nous ne connaissons actuellement que 15 %. Elle représente aujourd’hui près de 3000 emplois relevant d’une multitude de corps de métier et se caractérise par son nombre élevé de sociétés d’exploration et de fournisseurs de biens et services. C’est la phase la plus risquée de l’activité minière : les investissements, bien que relativement modestes en comparaison de ceux requis pour construire un complexe minier, y sont à haut risque. Les entreprises d’exploration se financent essentiellement sur les marchés boursiers nationaux et internationaux, ou par l’établissement d’ententes de participation avec de grandes sociétés minières.

Valérie Fillion Directrice générale Association de l’exploration minière du Québec

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INDUSTRIE MINIÈRE

Sans exploration, il ne peut y avoir de développement d’une filière minérale québécoise, une industrie qui contribue tous les ans pour plus de sept milliards de dollars au produit intérieur brut du Québec et qui exporte annuellement pour plus de huit milliards de dollars. Dans le contexte actuel où le Québec a un urgent besoin de créer de la richesse afin de préserver les acquis de notre collectivité, le développement d’une industrie minière respectueuse des principes du développement durable représente un moteur essentiel.

Attirer l’investissement L’année 2014 a été particulièrement désastreuse pour l’industrie dans son ensemble. Les cycles économiques difficiles ont forcé les petites et moyennes entreprises d’exploration québécoises à ralentir leurs projets, et les plus grandes entreprises ont dû sabrer leurs programmes d’exploration. Alors que le Québec se classait premier en 2009-2010 pour son environnement d’affaires équilibré, il est glissé en 2014 au 21e rang sur 121 juridictions. Ce coup dur porté à notre réputation à l’international découle de l’incertitude liée à la gestion publique de notre régime minier.

Notre industrie est aux prises avec des enjeux critiques : une réglementation lourde dont l’application est inégale, des ajustements attendus au cadre fiscal, l’aspect idéologique des audiences du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement sur la filière uranifère, les coûts liés à la fiscalité pour les entreprises ainsi que l’incertitude concernant la protection du territoire et les contraintes à l’exploration minière. Certes, une nouvelle loi a été adoptée en décembre 2013, mais l’industrie attend toujours les règlements qui en définiront le cadre d’application.

Le potentiel du Nord québécois Le développement de ce vaste territoire qu’est le Nord québécois constitue une opportunité inégalée d’assurer un développement économique bénéfique pour nos collectivités dans une perspective de développement durable.

Les six principales phases du développement d’un projet minier Prospection D’une durée moyenne de 4 à 10 ans, cette phase consiste à identifier des zones minéralisées par la recherche d’indices au sol et l’analyse de données.

Exploration D’une durée de 2 à 5 ans, cette étape comprend des activités de forage, de modélisation, de caractérisation biophysique, etc.

Études et permis D’une durée de 2 à 5 ans, c’est l’étape de l’évaluation du gisement, de la conduite des études de faisabilité, de l’ingénierie et de l’obtention des permis.

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Construction D’une durée de 2 ou 3 ans, cette phase consiste dans la construction du complexe minier ainsi que les infrastructures afférentes.

Exploitation D’une durée approximative de 7 à 30 ans, c’est l’étape de l’entrée en production, la seule qui génère des revenus.

Réhabilitation et suivi D’une durée moyenne de 7 à 20 ans, cette phase correspond à la mise en œuvre du plan de restauration, à la suite de la fermeture de la mine.


Le Plan Nord offre un immense potentiel, mais des efforts considérables seront nécessaires, et cela, à très long terme, pour localiser les zones d’intérêt. À la différence des inventaires de biodiversité, le repérage du potentiel minéral exige davantage que des études menées simplement en surface. Nous savons actuellement que 20 % du territoire du Plan Nord sera désigné en tant qu’aires protégées, ce qui représente une superficie de 240 000 km². À titre comparatif, nos études internes nous indiquent que l’ensemble des mines actives au Québec couvrent au total 90 km². De manière réaliste, 10 nouveaux gisements pourraient être exploité en sol québécois dans les 25 prochaines années, pour une valeur estimée à 54 milliards de dollars (en supposant une période d’exploitation de 20 ans pour chacun). C’est une importante contribution à l’économie québécoise, réalisée sur moins de 0,03 % du territoire.

Actuellement, le souhait du gouvernement est de doter 50 % du territoire du Plan Nord de mécanismes de protection divers, et ce, avant 2030, ce qui apparaît incongru dans une perspective de développement durable équilibré. Comment peut-on croire que quelques années suffiront à identifier le potentiel minéral des 1 200 000 km2 du Plan Nord, alors qu’après plus de 100 ans d’activités minières en Abitibi, région de 65 000 km2, il s’y produit encore de spectaculaires découvertes? Il est illusoire de penser que le potentiel minéral d’un si vaste territoire puisse être défini au cours d’une aussi courte période. La mise en valeur des ressources minérales du Québec passe indubitablement par l’établissement d’un équilibre entre la prospérité et l’efficacité économiques, le progrès social et la protection de l’environnement; il n’y a pas d’opposition entre la recherche et l’exploitation des ressources minérales et une protection adéquate du territoire. //

La filière minérale se rassemble à Montréal, soyez-y!

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CONNEXIONS LES TERRES RARES

La montée d’une valeur stratégique Le Québec dispose de terres rares. Ces minerais sont utilisés dans la plupart des technologies de la fabrication avancée et sont l’objet d’une demande en forte croissance : environ 10 % par année. Ce chiffre ne dit pas tout sur l’opportunité d’exploiter cette ressource : l’enjeu ne se mesure pas en dollars, mais dans la capacité de sécuriser les approvisionnements d’une matière hautement stratégique.

Éric Tétrault Président Manufacturiers et exportateurs du Québec ( MEQ)

L’enjeu : « Si tu veux des terres rares, installe ton usine sur mon territoire » De manière presque prévisible, considérant son quasi-monopole sur le marché des terres rares, la Chine a imposé en 2006 des quotas d’exportations sur cette ressource particulièrement stratégique pour le secteur manufacturier. Cela a mené à une flambée des prix de ces minéraux. Condamnée par l’Organisation mondiale du commerce en 2014 pour cette pratique jugée non conforme aux règles de commerce international, la Chine a opté en janvier 2015 pour un régime de licences, en partie pour freiner la production illégale. La stratégie chinoise s’explique également par l’épuisement prévu de la ressource d’ici deux à trois décennies. Globalement, et même si le marché des terres rares s’est depuis calmé, les risques d’un accès restreint à la ressource restent élevés. Devant les craintes d’un approvisionnement limité, les investissements dans l’exploration et l’exploitation des terres rares suscitent actuellement un nouvel engouement, notamment aux États-Unis, en Europe et en Australie, où les potentiels sont importants. L’enjeu est de taille : que ce soit pour la fabrication, en général, ou pour le développement des technologies vertes, en particulier, l’industrie ne pourra pas se passer de terres rares. La classe moyenne montante des pays en développement non plus.

La suggestion : « Si tu veux des terres rares, sécurise tes approvisionnements » Même si les marchés ne le montrent pas encore de manière frappante, les pressions sur l’offre de terres rares devraient s’accentuer dans l’avenir. D’ailleurs, la plupart des économies dotées de gisements potentiels s’affairent à les exploiter. Au Québec, plusieurs projets sont en cours, la province disposant d’un potentiel vraisemblablement intéressant, notamment en néodyme, un des éléments dont on craint le plus la raréfaction au cours des 15 prochaines années. Au-delà de l’extraction, le Québec doit s’intéresser davantage à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. La complexité de la séparation des éléments de terres rares est tous les jours mieux maîtrisée grâce à des efforts constants en recherche et développement. Par ailleurs, l’entrepreneuriat minier doit être encouragé, la flexibilité des petites et moyennes entreprises étant un avantage particulier dans la gestion des risques inhérents aux activités d’exploration minière. Cela est encore plus vrai dans le cas des terres rares, du fait de la dispersion caractéristique de leurs sources. Enfin, leur récupération et leur recyclage généreraient très certainement des opportunités si les meilleures pratiques d’affaires et l’audace de quelques visionnaires étaient rassemblées. Parmi tous les enjeux touchant l’avenir industriel du Québec, celui des terres rares en est assurément un pour lequel il nous faut un plan de match. //

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RESSOURCES TERRES RARES

Des métaux prisés aux enjeux stratégiques

Photo : DigitalGlobe

Essentiels aux technologies vertes et dans un nombre grandissant de secteurs économiques, les éléments de terres rares (ÉTR) soulèvent des enjeux stratégiques de taille. Difficiles à extraire de façon rentable, complexes à purifier, les ÉTR proviennent principalement de la Chine, dont l’industrie utilise une part de plus en plus grande de la production. Exploitation de nouveaux gisements, recyclage, recherche de matériaux de remplacement, toutes les avenues sont explorées pour éviter une crise liée à cette ressource cruciale. Par Stéphanie Thibault Sur l’image satellite, Bayan Obo ressemble à un personnage dessiné par un enfant, ses deux immenses cratères faisant office d’yeux. Cette mine à ciel ouvert de la Mongolie intérieure, en Chine, est la première productrice mondiale d’ÉTR, métaux très prisés pour leurs propriétés magnétiques et spectroscopiques. Depuis quelques années, on cherche à concurrencer le géant chinois afin de stabiliser l’approvisionnement en ÉTR. Mais l’exploitation de ces éléments est semée d’embûches. À l’ère des technologies mobiles, des écrans plats et des technologies vertes, les propriétés des ÉTR sont extrêmement utiles, notamment pour la production des aimants très puissants placés au cœur des turbines des éoliennes et des disques durs des ordinateurs. On trouve les ÉTR dans les ampoules DEL, les lasers, les piles rechargeables ou encore les moteurs électriques. La liste de leurs applications s’allonge… alors que le doute plane quant à leur disponibilité future. En effet, la Chine favorisant son industrie intérieure, les tonnages d’ÉTR qu’elle exporte diminuent. Et bien que les terres rares ne soient pas géologiquement rares, les sites où leur concentration est suffisante pour l’exploitation ne sont pas légion. À l’heure actuelle, même si de nombreux gisements potentiels ont été trouvés au Canada, aucune extraction n’est faite.

Stéphanie Thibault Conseillère en communication Institut national de la recherche scientifique (INRS)

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RESSOURCES

De forts tonnages d’ÉTR au Québec Marc Richer-Laflèche, géochimiste et professeur à l’INRS, s’intéresse à l’exploration minière. Il explique qu’on tire la plus grande portion des ÉTR des carbonatites : « Ce sont des roches magmatiques alcalines qu’on trouve en bordure de certaines structures de faille, comme dans le rift du Saguenay, mais aussi à Oka. » Il ajoute que le Québec est choyé en ce qui a trait aux réserves de terres rares : en plus de ces formations de carbonatite, la province recèle, dans la région de Kipawa au Témiscamingue, de grandes quantités de ces métaux qui sont associées à un complexe intrusif syénitique. Au moment de la découverte des terres rares, on croyait avoir affaire à un seul métal, et pour cause : les éléments de cette famille sont non seulement très similaires, mais en plus, ils se présentent toujours sous forme de mélange. Et puisque ces métaux réagissent de façon quasi identique, les chimistes ont peiné à mettre au point des procédés pour les séparer. Chaque gisement étant unique, les procédés doivent être adaptés aux propriétés de chacun. Cette expertise est aujourd’hui détenue presque uniquement par les Chinois. « Il faudra se réapproprier toute la métallurgie des terres rares pour développer cette filière », admet Mario Bergeron, professeur spécialisé dans la chimie des minéraux à l’INRS. « Les universités ont un rôle à jouer pour développer des procédés plus propres, plus simples et permettant de concurrencer le marché chinois. » M. Bergeron parle en connaissance de cause, son équipe ayant participé à la conception d’un procédé pour simplifier l’extraction des ÉTR d’un gîte québécois en collaboration avec la Société Iamgold. Le gîte de Saint-Honoré, près de la rivière Saguenay, est voisin d’une mine de niobium et appartient à la compagnie Magris Resources depuis peu. Près de huit millions de tonnes d’oxydes de terres rares y sont présentes, un tonnage considérable. À titre comparatif, les mines de Bayan Obo renferment environ 40 millions de tonnes de ces minéraux.

que nous avons mise au point change la donne. Le thorium peut dorénavant être séparé efficacement et entreposé de façon sécuritaire. » C’est qu’on envisage d’utiliser le thorium comme combustible pour une prochaine génération de réacteurs nucléaires plus sécuritaires que ceux actuellement en activité. Considéré par certains comme la source d’énergie du futur, le thorium qui accompagne les ÉTR dans les gisements pourrait éventuellement devenir un sous-produit rentable, au lieu de représenter un déchet nuisible.

Écosystèmes sous surveillance Il n’en demeure pas moins que les activités minières produisent des résidus et perturbent le milieu. « En ce qui concerne la toxicité des ÉTR, on part pratiquement de zéro », affirme Claude Fortin, spécialiste de la biogéochimie des métaux et professeur à l’INRS, qui participe à une étude écotoxicologique sur les terres rares, un projet de recherche financé notamment par Environnement Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Fonds de recherche du Québec. « À l’heure actuelle, nous vérifions les concentrations à partir desquelles les ÉTR ont un effet toxique sur les algues. D’autres chercheurs du projet analysent les petits crustacés. On travaille à la base de l’écosystème. »

Le thorium, problème ou opportunité? Les formations alcalines de Saint-Honoré, de Bayan Obo ou de Mountain Pass aux États-Unis ne sont pas uniquement riches en ÉTR. Le thorium y est présent en bonnes quantités, ce qui représente un problème pour l’exploitation minière. En effet, le thorium est radioactif et le procédé d’extraction des ÉTR concentre cet élément dans les rejets miniers. « En raison de la présence de ce métal, les résidus miniers de Bayan Obo sont considérés comme des déchets nucléaires, souligne Mario Bergeron. Sans modification des procédés d’extraction, nous ferions face au même problème. La méthode de traitement Marc Richer-Laflèche Géochimiste et professeur à l’INRS

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L’intention est non seulement de fournir des informations sur les seuils d’exposition, mais également d’identifier des espèces sentinelles pour suivre les effets de l’exploitation d’un site. « Ces données nous donneront les outils nécessaires pour cibler les interventions et, dans une certaine mesure, pour mieux planifier les opérations d’exploitation », conclut le professeur Fortin. Mario Bergeron Professeur spécialisé dans la chimie des minéraux à l’INRS

Photos : Christian Fleury

Claude Fortin Spécialiste de la biogéochimie des métaux et professeur à l’INRS

D’autres solutions pour assurer l’approvisionnement Le potentiel québécois pour la production d’ÉTR est bien réel, mais de grands efforts devront être consentis pour exploiter les gîtes de façon responsable. D’autres stratégies sont donc à considérer pour assurer l’approvisionnement à court et à moyen terme. À titre d’exemple, plusieurs pays, dont la France, la Belgique et le Japon, ont lancé des projets de recyclage des ÉTR, remettant sur le marché une quantité non négligeable de terres rares. Du côté des laboratoires de recherche, certaines équipes cherchent à remplacer les ÉTR par d’autres éléments dans les applications technologiques. D’autres explorent des façons de réduire la quantité de métaux nécessaires pour remplir leurs fonctions. Heureusement, ce ne sont pas toutes les applications qui requièrent de grandes quantités d’ÉTR, comme en témoigne le chimiste Fiorenzo Vetrone, professeur à l’INRS : « Mon laboratoire assemble des nanoparticules qui tirent profit des propriétés spectroscopiques des terres rares, explique-t-il. Elles nous permettent d’utiliser une nanoparticule pour remplir plusieurs fonctions dans les applications biomédicales. Par exemple, nous pouvons utiliser les nanoparticules pour visualiser une cellule, puis les stimuler pour qu’elles relâchent un médicament… ou tuent la cellule. » Le tout assisté de lasers, d’ordinateurs et d’une foule de technologies qui reposent aussi sur ces quelques éléments stratégiques. Incontournables, les terres rares? Elles ont certainement contribué à faire de notre époque ce qu’elle est. La demande pour ces éléments croît à un moment où les connaissances scientifiques et techniques sont en mesure de réduire les impacts environnementaux de leur exploitation. Car les cicatrices de Bayan Obo ne se limitent pas à la croûte terrestre : elles s’étendent aux rivières, à l’écosystème ainsi qu’à des villages entiers. Un portrait dont les leçons inspireront le Québec dans la voie du développement responsable. //

Fiorenzo Vetrone Professeur à l’INRS

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RESSOURCES

TERRES RARES

Effervescence dans le club sélect des minéraux Les minières occidentales sont lancées dans une course à la production des terres rares, qui comptent parmi les métaux les plus convoités de la planète. Une frénésie à laquelle le Québec n’échappe pas.

Largement méconnus, les éléments de terres rares (ÉTR), au nombre de 17, sont pourtant devenus, depuis leurs premières utilisations de masse au début des années 1970, omniprésents dans notre quotidien. Et sont appelés à l’être encore davantage en raison de notre mode de vie résolument technologique. Leurs propriétés physiques et chimiques exceptionnelles, qui permettent des gains de durabilité, de vitesse, de luminosité, ont fait des ÉTR les métaux technologiques chouchous. Grâce à eux, les écrans tactiles toujours plus plats, les téléphones intelligents toujours plus miniaturisés et multifonctionnels sont aussi toujours plus performants. Les énergies vertes, l’aéronautique, l’électronique, les technologies biomédicales, l’industrie militaire sont friandes d’ÉTR. Ces métaux, abondants dans l’écorce terrestre malgré ce que laisse croire leur appellation, s’utilisent à dose homéopathique. Denys Laplante, ingénieur au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN), les compare aux fines herbes en cuisine, incorporées « en petites quantités afin de relever la saveur d’un mets ». De fait, les ÉTR sont des mélioratifs, des rehausseurs de performance et de fonctionnalités.

Un marché stratégique Associés aux secteurs de pointe, les ÉTR sont des métaux hautement stratégiques. Mais cumulent des irritants de taille : peu souvent trouvés à des concentrations commercialement rentables, ils viennent en mélange dans un même minerai, sont difficiles à isoler, et leur extraction comporte des risques de rejets radioactifs. « En Chine, les terres rares tuent des villages », titrait ainsi le journal Le Monde dans son édition du 19 septembre 2012. 20 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

En somme, comme le résume M. Laplante, « les projets de mines de terres rares sont coûteux et comportent beaucoup d’embûches ». L’Occident a du reste progressivement abandonné la production des ÉTR. Résultat : en 2010, la Chine, qui détenait 97 % du marché, resserrait les quotas aux exportations qu’elle avait commencé à imposer vers 2005. L’Union européenne, les États-Unis et le Japon ont porté plainte à l’Organisation mondiale du commerce en mars 2012, et obtenu gain de cause en 2014. Cette victoire ne changera pas la donne à court terme, mais la crise provoquée par les pratiques commerciales chinoises a sonné le réveil et conduit à la relance des projets en Occident. Cinquante-six sont en cours au Canada, dont quatre au Québec. Mais aucun des 56 n’en est au stade de la production. De l’exploration à la production, il y a loin, on le sait, et c’est encore plus vrai pour les ÉTR. « La difficulté réside dans la séparation des éléments. Les terres rares dites “lourdes” [par opposition aux “légères”] peuvent nécessiter jusqu’à une centaine d’étapes. Le nœud, c’est la mise au point d’une technologie de séparation efficiente », insiste Denys Laplante. La technologie courante, « par solvant », ne répond pas aux normes environnementales actuelles et coûte cher.

Photo : Thorium extrait des sels de terres rares — Courtoisie INRS

Par Francine Bordeleau


Tableau périodique Éléments de terres rares :

Procédés novateurs Simon Britt, président et chef de la direction de GéoMégA, une junior établie à Saint-Lambert, le confirme : « La séparation des éléments de terres rares, c’est l’aspect clé. » L’objectif est d’obtenir le plus haut niveau de pureté possible pour un ÉTR donné. GéoMégA a démarré en 2011 le projet de Montviel, site d’une mine de néodyme et de niobium localisé à environ 100 km au nord de Lebel-sur-Quévillon. En parallèle, la société a mis au point, après des années de recherche-développement et avec l’apport de Polytechnique, sa technologie de séparation basée sur l’électrophorèse à circulation libre. Grosso modo, cette méthode consiste à séparer les ÉTR au niveau ionique à l’aide d’un courant électrique. « Il s’agit d’un procédé de séparation physique, et au moyen duquel est utilisée la mobilité électrophorétique des ions des terres rares », résume M. Britt. Cette technologie décrite comme « unique au monde » a l’insigne avantage de ne requérir aucun solvant, assure le président de GéoMégA. C’est par la bande qu’Orbite Aluminae a quant à elle investi le marché des ÉTR. Orbite, établie à Saint-Laurent, se consacre d’abord à la production d’alumine, comme le dit son nom. La minière cherchait une solution de rechange au mode usuel d’extraction de l’alumine (le procédé Bayer, mis au point vers 1890), source d’une forte émission de déchets toxiques : les boues rouges qui, à cause d’une extraction sous-optimale, contiennent quantité de matières de valeur, comme l’alumine bien sûr, le titane et des ÉTR. La récupération de ces matières est beaucoup plus élevée avec le procédé conçu au Centre de développement technologique d’Orbite, à Laval. « La production de terres rares est une résultante de notre procédé », dit le président et chef de la direction Glenn R. Kelly, et s’inscrit dans le volet « monétisation des déchets » (ou valorisation

des déchets), LE grand créneau d’innovation d’Orbite. « En plus d’être rentable économiquement, notre procédé offre un bénéfice environnemental », affirme M. Kelly. Si tout va comme prévu, Orbite pourrait produire du scandium sur une base commerciale en 2017 ou 2018 à partir de son usine de Cap-Chat, en Gaspésie. GéoMégA envisage une production commerciale de néodyme autour de 2020.

Des lendemains qui chantent? Certains ÉTR sont plus stratégiques et convoités que d’autres. Le néodyme en fait partie, avec l’europium, le terbium, le dysprosium et l’yttrium. Ces métaux sont considérés comme « critiques » en raison d’une offre faible et d’une demande croissante. Ainsi, en ce qui concerne le néodyme, utilisé dans la fabrication des aimants surpuissants essentiels aux éoliennes et aux véhicules électriques, notamment, on peut prévoir une croissance de la demande de 8 à 10 % pour les prochaines années, estime Simon Britt. Le scandium ne devrait pas être en reste car il est très utilisé, lui, en alliage avec l’aluminium, afin de le rendre à la fois plus fort et plus léger. La Russie est actuellement le plus gros producteur mondial de scandium. 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015 ∙ 21


RESSOUCES

À GéoMégA et Orbite s’additionnent Matabec Explorations, propriétaire d’un site yttriumzirconium-niobium-tantale au lac Kipawa dans le Témiscamingue, et Quest Rare Minerals, propriétaire d’une mine d’yttrium à Strange Lake (nord-est du Québec). Est-ce à dire que le Québec est une terre promise de terres rares? « Le Québec est très bien placé en termes de disponibilité et de réserves en ÉTR et a la capacité de se démarquer de la Chine », croit en tout cas M. Britt. Mais l’exploitation du créneau des ÉTR, encore au stade embryonnaire ici, « demandera une concertation des milieux de la recherche, du gouvernement et de l’industrie », souligne M. Kelly. Selon Denys Laplante, le MERN suit les projets québécois de près. Prometteurs, oui, ils ne pourront cependant pas se réaliser sans partenariats, estime l’ingénieur. Cela n’empêche pas de rêver à une filière ÉTR pour le Québec, de l’exploration à la transformation de produits finis. //

Les applications des ÉTR Les ÉTR ont des applications extrêmement variées, à la fois banales et sophistiquées. En voici des exemples :

• Additifs et alliages métalliques

• Raffinage du pétrole • Fabrication du plastique • Polissage du verre,

des pierres précieuses, des céramiques et des pièces électroniques

• Ampoules et lampes fluorescentes • Piles rechargeables

FILTRES ET TRAITEMENT D’AIR ET GAZ Pionners de la technologie en traitement d’air et de gaz depuis 1949 au Canada.

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• Aimants permanents

(pour moteurs électriques, éoliennes, ordinateurs…)

• Catalyseurs

et supraconducteurs

• Fibre optique • Lasers et radars • Baladeurs numériques • Lentilles

(caméras numériques, microscopes, jumelles).


DÉFI EMPLOI

Le secteur minier comme contributeur à la prospérité Le Conseil du patronat du Québec vient de lancer la campagne PROSPÉRITÉ. QUÉBEC, POUR TOUS ET AVEC TOUS. Cette campagne vise à conserver, voire améliorer, le niveau et la qualité de vie des Québécois par une plus grande prospérité. La performance économique du Québec est inférieure sous plusieurs aspects à celle d’États similaires, particulièrement en Amérique du Nord. De plus, le Québec doit affronter plusieurs enjeux, notamment le vieillissement démographique accéléré, la dette la plus élevée au Canada ainsi qu’une intensité entrepreneuriale et une productivité plus faibles. Or, heureusement, le Québec possède des atouts extraordinaires, parmi lesquels sa situation géographique, ses ressources humaines scolarisées et ses ressources naturelles abondantes. Le secteur minier constitue ainsi un acteur important dans cette quête de prospérité et un stimulateur d’activité économique sur lequel il faut miser aussi bien dans les centres urbains qu’en région. Son apport ne se traduit pas uniquement par les redevances qui peuvent être payées, mais comprend également les emplois directs et indirects que l’industrie crée ou contribue à maintenir, les investissements qu’elle effectue en immobilisations, sa participation à la vitalité économique et au développement des régions, ainsi que les possibilités d’innovation et d’expertise – entre autres technologiques – qu’elle offre à la société.

Yves-Thomas Dorval Président Conseil du patronat du Québec

Le Québec demeure, somme toute, un petit acteur dans un marché mondial concurrentiel où le capital est limité et mobile. En outre, toute politique minière doit tenir compte des spécificités structurelles du secteur minier québécois, telles que la nature des gisements, le climat nordique plus difficile et l’éloignement des marchés. Les règles en vigueur devraient ainsi faire en sorte que la province soit susceptible d’attirer des investissements et des emplois dans le secteur minier, au profit d’une plus grande prospérité.

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DÉFI EMPLOI

SERVICES OFFERTS Nul besoin de dire que des conditions économiques et réglementaires favorables devraient être créées par le gouvernement pour assurer le développement du secteur dans le respect et avec l’implication des communautés, et dans le respect de l’environnement. Certains changements ont eu lieu récemment dans la continuité du mouvement pour l’encadrement du développement minier. Les redevances ont augmenté, mais par ailleurs, le projet de loi 11, instituant la Société du Plan Nord, a déjà été adopté. Le projet de loi 28, actuellement en consultation parlementaire, prévoit, entre autres, le transfert à Revenu Québec des responsabilités relatives à l’application de la Loi sur l’impôt minier. À la condition que son administration fiscale soit faite de façon appropriée, ce transfert pourrait simplifier les procédures administratives et réglementaires. Par ailleurs, l’accès à des infrastructures, avec un partage de coûts équitable entre les différentes parties prenantes et idéalement prévisible, est une composante essentielle de la réussite du développement du Nord. Une certaine flexibilité en matière de délimitation des aires protégées, qui permettrait une bonne acquisition des connaissances géoscientifiques du territoire, est aussi souhaitée. Par ailleurs, si l’acceptabilité sociale est une condition nécessaire à la réalisation d’un projet, le point d’interrogation concerne les conditions d’obtention de cette acceptation. Fait intéressant, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles a récemment lancé une consultation sur la question. L’acceptation ou la nonacceptation d’un projet résulte d’une combinaison de facteurs explicatifs. Parmi eux, on compte les attributs du projet lui-même, mais aussi l’étendue et la qualité de l’information à la disposition des parties prenantes, les ressources consacrées à son appui ou à son opposition par ses partisans et ses adversaires ainsi que les modalités du processus régissant son étude. Permettre une saine recherche dialectique, tenant compte de toutes les considérations – économiques, environnementales et sociales – s’avère nécessaire. Un forum comme Minalliance, le fonds de communication de la filière minérale québécoise, peut également jouer un rôle de premier plan à cet égard. //

Arpentage pour travaux de parcs aériens Arpentage pour travaux de lignes Arpentage minier Arpentage pour travaux en genie-civil Arpentage pour travaux de bâtiments Arpentage en espace clos et en hauteur Arpentage de precision Bathymétrie Calculs volumétriques Conception de chemin forestier Estimation Relevé topographique Surveillance de chantier Téléguidage de machinerie

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FORMATION

Assurer une relève dans l’industrie minière pour devenir plus concurrentiel

Photos : Courtoisie INMQ

La technologie se développant à un rythme effréné, il est impératif d’adopter dès maintenant une stratégie pour préparer une relève compétente et qualifiée, capable d’assurer à long terme le caractère concurrentiel de l’industrie minière du Québec. En faisant le choix de soutenir les futurs diplômés des trois ordres d’enseignement par des stages en entreprise, même dans une conjoncture économique difficile, l’industrie minière offrirait aux élèves et aux étudiants une preuve concrète de son efficience, de sa compétitivité et de son souci de l’avenir. Par Robert Marquis Au cours des prochains mois, une nouvelle étude sera diffusée pour présenter les besoins de main-d’œuvre du secteur minier. Cette analyse fera suite à l’Estimation des besoins de maind’œuvre du secteur minier au Québec 2012-2021, élaborée en 2012 par le Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie des mines et Emploi-Québec, qui évaluait à plus de 15 000 les emplois à pourvoir d’ici 2016. Même s’il est difficile de préciser le nombre exact de postes à pourvoir, il demeure que plusieurs emplois seront disponibles sur le marché du travail pour la relève. Les professions du domaine minier pour lesquelles les besoins seront les plus grands nécessiteront des travailleurs diplômés

Robert Marquis Président-directeur général Institut national des mines du Québec

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FORMATION

Des avantages et bénéfices partagés de la formation professionnelle, collégiale et universitaire. Considérant que l’industrie minière est en constante évolution technologique, les entreprises du domaine minier doivent demeurer compétitives à l’échelle internationale, et c’est nécessairement par une équipe de travailleurs qualifiés et compétents qu’elles y parviendront.

Partenaires du développement des compétences des travailleurs qualifiés Depuis déjà 25 ans, les établissements d’enseignement du Québec offrent une formation de qualité en proposant aux futurs diplômés des stages en alternance travail-études. Instaurée initialement pour faciliter l’insertion socioprofessionnelle des jeunes du secondaire, l’alternance travail-études s’est développée dans les années 1990, dans les programmes de formation postsecondaire. Cette façon de faire consolide la formation reçue en classe et les compétences acquises par les étudiants, grâce au savoir pratique que permet le travail en entreprise. Il s’agit ainsi de stages menant à l’obtention du diplôme et favorisant également le transfert de connaissances entre les milieux de l’éducation et du travail. Les programmes de formation professionnelle propres au secteur des mines qui offrent l’alternance travail-études comprennent au moins deux stages en entreprise, habituellement intégrés au temps de formation et non rémunérés. Par exemple, les programmes d’études Forage et dynamitage et Conduite de machines de traitement de minerai, élaborés par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, exigent de réaliser deux semaines de stage en entreprise. Quant aux formations collégiales et universitaires, leurs stages peuvent durer de 12 à 15 semaines. De plus, les stages effectués durant la deuxième moitié de certains programmes universitaires sont reconnus par l’Ordre des ingénieurs du Québec et donnent droit à des crédits d’expérience de travail.

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En plongeant les futurs diplômés dans la réalité quotidienne de l’entreprise, les établissements d’enseignement voient dans la formation donnée en alternance travail-études une façon de préparer la relève au marché du travail. En effet, les stages consolident les compétences acquises en classe et permettent aux étudiants de s’adapter progressivement à la réalité du marché du travail, un univers bien différent du milieu scolaire. Les entreprises disposent souvent de nouvelles technologies bien avant les établissements d’enseignement. Lors de leurs stages, les futurs diplômés ont donc la chance d’être exposés rapidement à ces outils, logiciels et appareils spécialisés – un contexte favorable à leur formation. Pendant les stages en entreprise, les équipes de ressources humaines sont en mesure de repérer les talents et de constater la progression des étudiants dans un contexte réel de travail, en plus d’évaluer la qualité de la formation offerte dans les établissements d’enseignement. Il s’agit d’une stratégie de recrutement de la main-d’œuvre profitable et efficace. Au cours des prochaines années, les diplômés les plus recherchés dans le secteur minier seront, selon l’estimation des besoins réalisée en 2012, principalement issus des ordres d’enseignement professionnel et collégial. Ces formations comportent majoritairement des stages en entreprise. Évidemment, l’implication des entreprises dans l’accueil de stagiaires est essentielle à la réussite de ce mode de formation. Pour Johnny Gauthier, conseiller d’orientation et responsable du Service de placement en alternance travail-études au Cégep de Chicoutimi, le défi est de convaincre les entreprises de l’importance d’accueillir des stagiaires. « Il faut comprendre que les stages sont rémunérés au collégial. Il s’agit parfois d’un frein, mais nous tentons de démontrer tout l’intérêt pour l’entreprise de recevoir des étudiants et peut-être même leurs futurs travailleurs », souligne M. Gauthier. Un contrat de stage est notamment signé entre l’étudiant, l’employeur et l’établissement d’enseignement pour démontrer le sérieux de la démarche. Afin de constituer une relève qualifiée et efficace qui permettra aux entreprises minières d’être compétitives, les futurs travailleurs doivent non seulement développer des compétences en corrélation avec les besoins de l’industrie, mais aussi avec les technologies de pointe utilisées. Les stages en entreprise figurent parmi les options les plus prometteuses. En contexte économique plus difficile, il importe encore davantage de miser sur la formation, cela pour qu’une fois la relance économique réalisée, les jeunes diplômés puissent déjà prendre part au succès de l’industrie minière. //


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Forage de surface Capacité de 1500 à 1800 mètres Partout au Canada Spécialisation en terrain difficile RÉFÉRENCES INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC (2014) Mines en chiffres, Québec, L’Institut, 12 p. MAZALON, Élisabeth et Carol LANDRY (1998) « L’alternance au Québec, une idée ancienne pour de nouvelles pratiques de formation », Nouveaux Cahiers de la recherche en éducation, vol. 5, no 1, p. 93-116. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC (1995) L’alternance en formation professionnelle et technique : cadre de référence, 2e éd., Québec, Le Ministère, Direction générale de la formation professionnelle et technique, 23 p.

Formation en santé et sécurité Engagement responsable en environnement

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC (2001) Alternance travail-études en formation professionnelle et technique : cadre de référence, 3e éd., Québec, Le Ministère, Secteur de la formation professionnelle et technique et Direction de la formation continue et du soutien, 35 p.

Photo : Courtoisie INMQ

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT (2006) Alternance travail-études en formation professionnelle et technique, Québec, Le Ministère, 32 p. ORDRE DES INGÉNIEURS DU QUÉBEC (2011) Les stages durant les études en génie, [En ligne]. [http://www.oiq.qc.ca/fr/jeSuis/membre/ juniorat/experienceGenie/Pages/stages.aspx] (Consulté le 15 janvier 2015). SIMARD, Régis (2012) Estimation des besoins de main-d’œuvre du secteur minier au Québec 2012-2021, Montréal, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 47 p.

multidrilling.ca 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015 ∙ 27


FORMATION

La formation de la main-d’œuvre de l’industrie minière Former une nouvelle main-d’œuvre et répondre aux besoins de formation continue des entreprises minières représente le principal objectif du Centre de formation professionnelle Val-d’Or (CFP Val-d’Or) de la Commission scolaire de l’Or-et-des-Bois (CSOB). Il a formé près de 1600 travailleurs et travailleuses au cours de l’année scolaire 2013-2014. Par Sophie-Anne Soumis

Les programmes miniers Depuis plus de 35 ans, le CFP Val-d’Or forme de la main-d’œuvre minière pour la région de l’Abitibi-Témiscamingue, le Québec et plusieurs pays à travers le monde. Forage au diamant, Forage et dynamitage, Extraction du minerai et Conduite de machines de traitement du minerai sont les quatre programmes d’études menant au diplôme d’études professionnelles (DEP) offerts au Centre national des mines. Des enseignants venant directement du secteur minier, pleinement conscients des réalités du métier, transmettent leurs connaissances aux élèves de ces programmes. Les formations sont réalisées dans un contexte réel de production. Le Centre national des mines, créé en 1992, possède depuis 2005 une usine-école à échelle réduite pleinement fonctionnelle pour donner le programme Conduite de machines de traitement du minerai. 28 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

Sophie-Anne Soumis Coordonnatrice Service aux entreprises Centre national des mines


Le service aux entreprises du Centre national des mines Le Service aux entreprises du Centre national des mines met au point et réalise une multitude de formations pour répondre aux besoins particuliers des entreprises et du marché du travail. Également soucieux de servir les communautés autochtones, il est très actif et se déplace là où les besoins se trouvent.

Formations sur mesure Les formations sur mesure sont nombreuses : coaching de superviseurs et accompagnement de travailleurs miniers, formation générale et spécifique en santé et sécurité, formation sur les équipements de levage, consultation, élaboration de contenus, conception d’évaluations théoriques et pratiques, formation sur des équipements spécialisés. Le Service aux entreprises compte sur une équipe d’enseignants et de conseillers pédagogiques chevronnés qui cumulent d’impressionnantes années d’expérience, autant à l’échelle locale qu’internationale.

Photos : Courtoisie Centre de formation professionnelle Val-d’Or

Formation des formateurs Le Service aux entreprises se distingue également par son offre de formation pour les formateurs. Dans le souci de procurer de la flexibilité aux entreprises, il collabore avec l’Institut national des mines du Québec pour offrir cette formation à distance. Pour les candidats, les objectifs sont les suivants : prendre conscience de leurs forces et de leurs défis comme formateur, réaliser l’importance d’une bonne communication, s’approprier la notion de compétence, connaître et mettre en pratique les étapes d’une bonne planification pédagogique, maîtriser certains outils pédagogiques et éléments essentiels favorisant l’apprentissage.

Formations à l’international Le savoir-faire qu’a acquis le Service aux entreprises dans le secteur minier lui permet aussi de répondre à des besoins de formation à l’étranger. De la formation en arpentage et topographie, en santé et sécurité ou en gestion de données dans le traitement du minerai jusqu’à la formation des formateurs, à l’analyse

de besoins et plus encore, le Service aux entreprises a fait briller son expertise un peu partout : au Burkina Faso, en Arabie saoudite,

en Guinée, au Mali, à Madagascar, au Maroc, au Mozambique et au Sénégal. L’approche par compétences et le suivi de la formation constituent sa force. Plusieurs nouveaux projets internationaux sont présentement en préparation.

Formation modulaire La CSOB, par l’entremise du Centre national des mines, est res-ponsable de la gestion du programme Formation modulaire du travailleur minier (FMTM) à l’échelle de la province. Ce programme a été mis en place, dans les années 1990, pour uniformiser et structurer la formation offerte aux travailleurs miniers des mines souterraines du Québec. Son but est d’abaisser la fréquence et la gravité des accidents dans les mines souterraines québécoises. La CSOB est chargée d’accréditer les travailleurs et de réaliser le suivi des formations données par les formateurs en entreprise. Les modules de formation FMTM sont élaborés de façon paritaire par des représentants de l’Association minière du Québec, des syndicats et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, en collaboration avec des représentants du Centre national des mines et d’autres intervenants des mines souterraines. Certains modules sont donnés en salle de classe alors que d’autres nécessitent l’accès à une mine souterraine. Au terme de la formation, une attestation est délivrée par la CSOB, seul organisme autorisé à le faire selon les règles établies dans le Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines.

49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015 ∙ 29


FORMATION

2012-2013

Faits saillants

666 personnes

En janvier 2015, le Centre national des mines a reçu • 440 nouvelles demandes d’admission pour l’ensemble

2013-2014 630 personnes

de ses quatre programmes miniers menant au DEP. Deux nouveaux modules FMTM feront leur arrivée • très prochainement. Il s’agit des modules 11 et 12, qui concernent l’opération des machines d’extraction et la réglementation qui s’y rattache. en 2005, l’usine-école en traitement du minerai • aInaugurée été construite au coût d’environ six millions de dollars. gouvernement du Québec investit 10 millions dans • laLeréalisation en deux phases du projet d’agrandissement du CFP Val-d’Or. Les travaux débuteront en mai 2015. //

Usine de traitement du minerai du CFP Val-d’Or

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30 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

Pictogramme : Flaticons / Photo : Courtoisie Centre de formation professionnelle Val-d’Or

Nombre de personnes formées par le Service aux entreprises


RÉGIONS ENTREVUE ¹AVEC¹ PIERRE ¹CORBEIL, MAIRE ¹DE VAL-D’OR

Les bons filons d’une ville en veine

Photos : Courtoisie Ville de Val-d’Or

Aujourd’hui âgée de 80 ans pile, forte de 33 000 habitants et 33e municipalité en importance au Québec, Val-d’Or, l’Abitibienne baptisée à partir des mines qui l’ont mise au monde, est somme toute encore jeune. « Jeune, résiliente et prospère », dit son maire Pierre Corbeil.

En arpentant la 3e Avenue, principale artère commerciale du centre-ville, on croise la rue d’Ukraine et, un peu plus loin, à l’angle des boulevards Lamaque et Armand-Gilbert (anciennement Sigma), l’église Saint-Nicolas. Le temple orthodoxe érigé en 1954 à l’intention de la communauté ukrainienne témoigne bien du caractère cosmopolite que l’exploitation des mines aurifères devait conférer à Val-d’Or, reconnue comme le Pierre Corbeil Klondike du Nord-Ouest québéMaire de Val-d’Or cois, dès sa fondation en 1935. Ce multiculturalisme précoce, qu’a même relevé l’écrivaine franco-manitobaine Gabrielle Roy lors de son passage dans la ville en 1945, démontre à l’envi que « le secteur minier est un monde sans frontières », comme se plaît à le dire Pierre Corbeil.

Par Francine Bordeleau

Ministre libéral des Ressources naturelles et de la Faune de 2005 à 2007 et député d’Abitibi-Est pendant huit ans, M. Corbeil a été élu maire de Val-d’Or en novembre 2013, alors que s’amorçait le présent cycle baissier du prix des métaux. Mais à l’en croire, ce contexte déprimé n’a pas trop malmené l’économie locale. « C’est que les bases de notre activité industrielle s’élargissent tout de même au fil des cycles, de fois en fois », affirme-t-il.

Porte d’entrée et carrefour La relance du Plan Nord, qui aura pour effet de remettre en scène — et en selle, espèrent sans doute d’aucuns — l’activité minière nordique, ne peut que sourire à Pierre Corbeil. « Val-d’Or constitue une plaque tournante : située tout juste au sud du Nord, elle est une porte d’entrée donnant sur le Nord, et le Nord fait partie intégrante de Val-d’Or. Elle est aussi un tremplin 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015 ∙ 31


pour l’exploration et l’exploitation, ainsi qu’un carrefour routier, ferroviaire et aérien. » Par ailleurs, d’ajouter M. Corbeil, « le Québec s’appauvrirait s’il ne prenait pas conscience du potentiel d’une région qui compose les deux tiers de tout son territoire ». Cette double vocation de porte d’entrée et de carrefour s’est en quelque sorte cristallisée par l’implantation, en 2009, du Centre de transit minier nordique (agrandi en 2012 au coût de sept millions de dollars), un projet qui aura mis deux décennies à se concrétiser et dont la Corporation de développement industriel et commercial de la région de Val-d’Or était l’un des instigateurs. Le Centre était inauguré un an après qu’eurent été esquissés les premiers paramètres du futur Plan Nord, mais la Reine de la vallée de l’or avait déjà une tradition bien établie de communication avec le Grand Nord. On y pratiquait le mode de travail FIFO ( fly-in/fly-out ) avant la lettre, et la ville acheminait aussi de la nourriture aux communautés autochtones nordiques. Point névralgique des infrastructures de transport, donc, Vald’Or est également un carrefour d’expertise minière, pourrait-on ajouter, et Pierre Corbeil se fait fort d’en rappeler l’étendue. À l’extraction minérale se greffent ici l’exploration, la recherche, la formation spécialisée (aux ordres d’enseignement secondaire, collégial et universitaire), la géologie, le droit, le génie, la fourniture de biens et d’équipements, la présence de sièges sociaux… Bref, l’entièreté du spectre est couverte localement. « Le pôle minier à Val-d’Or, c’est au bas mot une bonne centaine d’entreprises à même d’offrir, ensemble, une expertise diversifiée et solide », insiste le maire. Cela est connu, et reconnu, bien par-delà les frontières du Québec et du Canada. Il faut dire que de grandes minières explorent et exploitent le sous-sol de l’Abitibi-Témiscamingue depuis près d’un siècle. Des partenariats se sont instaurés au nom de l’expertise, de sorte que les Agnico Eagle et Integra Gold de ce monde font volontiers affaire avec les gens d’ici pour leurs projets hors Québec. Les mines aurifères d’Agnico Eagle au Nunavut, au Mexique et en Finlande, justement, en sont un bel exemple.

Dynamisme et qualité de vie Val-d’Or n’est certes pas à l’abri des soubresauts et des contrecoups. Ainsi, QMX Gold prévoyait cesser l’exploitation de sa mine Lac Herbin en 2014, laquelle était cependant toujours en activité au premier trimestre de 2015. En septembre dernier, Integra Gold faisait quant à elle l’acquisition des anciens sites Sigma et Lamaque dans le but d’y exploiter une mine souterraine. La production pourrait commencer dès 2016, soit un an ou deux plus tôt que prévu, et entraîner la création de 150 à 175 emplois. L’actuel optimisme de Pierre Corbeil est donc sans doute justifié. L’industrie forestière, autre secteur économique d’importance à Val-d’Or, traverse pour sa part des temps précaires et est plus fragile. L’annonce d’un investissement de 53 millions de dollars pour la modernisation des installations d’Uniboard, en février de cette année, laisse toutefois entrevoir des signes encourageants de reprise.

32 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

« Val-d’Or est une ville stratégique pour les investisseurs miniers », réitère M. Corbeil, tant en raison de la ressource que, pour ainsi dire, d’une culture de valeur ajoutée qui s’est mise en place ici. « Innovation », « spécialisation », « recherche et développement » sont devenus des maîtres mots à Val-d’Or, et très certainement des facteurs attractifs. Son maire parle aussi qualité de vie : selon lui, la proximité avec la nature, le dialogue avec les nations autochtones (algonquine et crie), l’aménagement d’infrastructures adéquates, le rôle de soutien et d’accompagnement que peut jouer l’administration municipale en matière de développement économique valent de l’or, au même titre que les gisements. « Val-d’Or n’a pas beaucoup d’histoire, mais elle a beaucoup d’avenir », lance un maire qui, pour « sa » ville, n’est en mal ni de slogans ni d’ambition. Faire en sorte que celle-ci « rayonne au Québec et ailleurs dans le monde » et « être à l’affût de tout projet » dont pourraient bénéficier les Valdoriens sont dans ses visées immédiates. Sans oublier l’appel entêtant du Nord, tant le Nord, avec ou sans plan, coule de source dans les veines de Val-d’Or. //

Photo : Courtoisie Ville de Val-d’Or

RÉGIONS


Photo : Courtoisie Ville de Val-d’Or

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RÉGIONS LE CENTRE DE TRANSIT MINIER NORDIQUE DE VAL-D’OR

Une longueur d’avance sur la piste du Grand Nord

La Corporation de développement industriel et commercial de Val-d’Or a proposé en 2008 de développer les infrastructures requises pour faciliter la circulation des personnes et des marchandises transitant vers le Nord.

Quatre ans auront suffi au Centre de transit minier nordique (CTMN) de Val-d’Or pour devenir le plus grand complexe aéroportuaire intégré destiné à l’industrie minière au pays. Le nom de Val-d’Or est fort évocateur, et il serait difficile de ne pas l’associer au secteur minier… L’expertise de la ville est reconnue, de même que la grappe de services spécialisés qu’elle est en mesure d’offrir. Par souci de s’adapter aux défis socioéconomiques des régions éloignées, Val-d’Or a trouvé le moyen de soutenir la croissance des fournisseurs de biens et de services associés aux mines, d’attirer et de retenir des personnes hautement qualifiées et de stimuler la création de petites et moyennes entreprises en ajoutant le CTMN aux multiples services existants. Situé sur un terrain adjacent à l’aéroport de Val-d’Or, le CTMN se définit comme un service d’entreposage et de transit aéroportuaire. Il a été créé pour répondre aux besoins particuliers des minières qui utilisent le transport aérien, suivant la méthode dite du fly-in/fly-out, afin de déplacer les ouvriers jusqu’au site minier pour une période de travail déterminée, puis de les ramener pour une période de repos.

Développement rapide L’aide financière des différents ordres de gouvernement a permis le développement progressif du projet, démarré en 2008, et a généré au total 16 millions de dollars en investissements publics et 34 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

Par Danielle De Garie privés. Un bâtiment moderne comprenant des bureaux, une zone d’embarquement exclusif pour les entreprises minières et un entrepôt de 929 m2 pour l’entreposage et la manutention de cargos a été construit, et un stationnement privé annexé aux installations aéroportuaires existantes a été aménagé. Il va sans dire que la multitude de fonctions réunies sous un même toit simplifie grandement les processus de supervision du flux de marchandises, de sécurité et de gestion des ressources humaines, ce qui constitue un précieux avantage. À peine deux ans après l’inauguration, le taux d’occupation des bureaux avait atteint 90 % : un agrandissement est devenu nécessaire. L’offre comprend désormais 20 000 pi2 supplémentaires, dont 13 000 pi2 destinés à des bureaux locatifs, quatre salles de conférence et deux salles d’embarquement, l’une de 100 et l’autre de 150 passagers.


Photos : Courtoisie Corporation de développement industriel et ocmmercial de la région de Val-d’Or

De plus, des travaux de modernisation et d’agrandissement ont été apportés à l’aérogare afin de combiner des activités et de répondre au nombre grandissant de passagers. Depuis juillet 2014, un important élargissement du tablier principal face à l’aérogare permet le stationnement simultané de quatre Boeing 737 et de plusieurs aéronefs plus petits. L’aéroport possède l’une des plus longues pistes au Québec après celles des aéroports Montréal-Mirabel et Montréal-Trudeau. Nous voilà bien loin du terrain défriché en 1950 pour servir de piste d’atterrissage!

Porte d’entrée du Grand Nord Installer un centre de transit minier nordique à même l’aéroport régional a bien sûr amélioré le service de transport aérien pour la population et les entreprises régionales. Mais pas seulement. En constituant un lien important entre les principales agglomérations du sud de la province et les communautés du Nord-duQuébec et du Nunavut, le CTMN consolide d’autant la réputation de porte d’entrée du Grand Nord québécois de l’aérogare. Val-d’Or rayonne ainsi vers Montréal, Québec, Nemaska, Waskaganish, Eastmain, Wemindji, Chisasibi, Whapmagoostui et Chibougamau, et les minières affrètent des vols nolisés en direction de Salluit, Meadowbank et Rankin Inlet.

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Les locaux locatifs regroupent désormais différents services spécialisés destinés à l’ensemble de l’industrie minière. Même si Val-d’Or a beaucoup plus à offrir qu’une filière complète dans le secteur minier et forestier, l’accessibilité de celle-ci par voie aérienne faisait évidemment partie de ses enjeux majeurs. La convivialité du transit que procure le CTMN constitue un argument de poids pour attirer de nouveaux arrivants. Ouvrant désormais une invitante porte d’accès aux richesses valdoriennes, le centre présente le caractère distinctif de Vald’Or, valorise son image de marque et facilite son rayonnement. //

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49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015 ∙ 35


RÉGIONS

Val-d’Or est dans l’action !

Ville de services à l’industrie et aux communautés nordiques, Val-d’Or a toujours gardé son regard bien aligné au nord, même si elle est présente un peu partout. Elle a été un acteur lors de l’implantation de la ligne de défense du NORAD, des projets de la Baie-James, de l’affirmation des communautés cries de la Baie-James, des divers volets du programme Aliments-poste desservant le Moyen Nord et le Grand Nord, québécois et canadien. Le nom Val-d’Or est connu et reconnu au nord du 49e parallèle. La ville est déjà partenaire de plusieurs projets nordiques.

L’exploration minière n’a plus de secrets pour les entreprises du parc industriel de Val-d’Or, et cela fait leur réputation. L’expertise valdorienne est gardée à l’avant-scène de tout le processus d’étalonnage des futurs sites miniers et de survie des sites actuels. L’offre valdorienne s’échelonne à toutes les étapes des processus propres à l’industrie. L’expertise logistique acquise au fil des ans place Val-d’Or comme point de convergence du transport routier transcanadien et nordique, du transport aérien de toute provenance et du transport ferroviaire, réducteur de gaz à effet de serre. La logistique nordique est stratégique et particulière au territoire, l’industrie minière le sait bien.

Expérience et expertise Val-d’Or n’en est pas à ses premières expériences avec l’industrie minière émergente. Par ses entreprises, elle rayonne un peu partout sur la planète. Vous trouverez « du valdorien » en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Europe, en Europe de l’Ouest, sur le continent africain, en Asie, et… dans toutes les provinces et territoires canadiens, « coast to coast… to coast », comme certains se plaisent à le dire, la dernière côte étant celle de l’Arctique canadien, qui devient stratégique avec le réchauffement de la planète. La relation étroite qu’entretient Val-d’Or avec l’industrie minière, qui est étendue géographiquement, a fait que des Valdoriens imprègnent de leur expertise la planète entière. Et Val-d’Or ne vise pas moins que de fournir biens et services à tous ces territoires où elle laisse son empreinte. La communauté valdorienne n’a pas peur des défis et elle le démontre bien par son parc industriel de plus de 150 entreprises et ses installations aéroportuaires de classe mondiale. 36 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

Jean-Yves Poitras Commissaire industriel Corporation de développement industriel et commercial de la région de Val-d’Or

Photos : Courtoisie Corporation de développement industriel et ocmmercial de la région de Val-d’Or

Val-d’Or tire ses origines de la terre, de la forêt et du Nord. En effet, cette ville située à 500 km au nord-ouest de Montréal a toujours été dans l’action et compte bien y demeurer. Par Jean-Yves Poitras


Photos : Courtoisie Corporation de développement industriel et ocmmercial de la région de Val-d’Or

Un tissu socioéconomique fort La « toile » d’affaires valdorienne est tissée d’une fibre entrepreneuriale innée dont les nœuds sont issus de bases solides et compétentes. Elle est l’illustration parfaite d’une communauté qui vise à jouer un rôle de premier plan dans son avenir individuel et collectif. L’innovation garde ses leaders industriels aux premières loges de la course à la réussite technologique. Val-d’Or démontre concrètement une qualité de vie enviable. L’offre commerciale est appréciable, les loisirs sont variés, la diversité des infrastructures publiques permet à tous de s’épanouir dans un environnement sain et sécuritaire. La proximité des gens combat l’anonymat et fait que chacun se sent « quelqu’un », un citoyen à part entière. La photo de famille valdorienne transcende cet état d’esprit. Nos organismes sont dynamiques et ouverts au renouveau. Ils donnent le goût de s’impliquer. Voilà, tous les outils sont là, les acteurs maîtrisent leur rôle, Val-d’Or exerce la fonction qui lui est reconnue, soit celle de partenaire de choix d’une industrie minière mondialisée toujours en mouvement. Val-d’Or est également une terre d’accueil privilégiée pour toute entreprise qui veut y réussir. La culture minière y est omniprésente, c’est le sang qui coule dans les veines de toute une population qui est née, qui a grandi et qui va vieillir fière de ses origines. Val-d’Or se veut un tremplin exceptionnel pour la réalisation de projets nordiques. C’est sa façon de participer à son avenir collectif. Pour elle, être dans l’action commence par s’outiller pour mieux aider et passe ensuite par un rôle d’acteur qui soutient l’industrie. Être dans l’action, c’est reconnaître le caractère aidant et non envahissant d’un positionnement visionnaire. //

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DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le secteur minier vers un développement viable : avons-nous d’autres choix? Gaston Déry Spécialiste du développement durable et lauréat du Phénix de l’environnement du Québec

J’ai maintes fois écrit que nous sommes forts dans les domaines environnementaux et sociaux, mais pour un véritable développement durable, les Québécois doivent aussi faire preuve de force dans le développement de leur économie. Il ne faut pas négliger un aspect au profit de l’autre. Le développement durable doit atteindre un équilibre entre la croissance économique, le respect de notre environnement et un contexte social profitable pour tous. 38 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

Le Québec vit des moments d’incertitude économique et, pour remédier à cette situation, trois choix se dressent globalement devant nos dirigeants : réduire les dépenses publiques, accroître la charge fiscale des citoyens et des entreprises ou encore augmenter les revenus. Depuis que le gouvernement Couillard gère le Québec, il a fait preuve de détermination dans la gestion des finances publiques et il devrait semble-t-il atteindre l’équilibre budgétaire dans un avenir rapproché. Cependant, le fardeau fiscal des Québécois a atteint une limite, ceux-ci étant parmi les plus lourdement taxés en Amérique du Nord. Les imposer davantage n’est pas souhaitable. Pour assurer l’essor du Québec, on doit donc nécessairement s’orienter vers le développement de nos richesses naturelles, qui contribuera directement au produit intérieur brut. Le 3 février 2015, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, prononçait une allocution (« Ensemble, on fait avancer le Québec sur la voie de la prospérité ») devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il présentait le Plan Nord comme un projet majeur sur lequel est fondée sa politique de développement économique, par la mise en valeur de l’immense potentiel du Nord québécois, et il précisait que les retombées du Plan Nord concernent l’ensemble du Québec. Rappelons que le Québec est caractérisé par des industries associées aux richesses naturelles, notamment maritimes, forestières, métallurgiques et, bien entendu, minières.


Une industrie minière renouvelée Au cours des dernières années, le secteur minier a été fortement critiqué comme citoyen corporatif et par rapport au respect des communautés avoisinantes et de l’environnement. Il se limitait à respecter les normes applicables, sans plus, et une réelle approche en développement durable s’avérait pratiquement inexistante. La population met en question les pratiques de cette industrie et exige désormais de nouvelles façons de faire. Les grandes entreprises du secteur minier sont majoritairement des sociétés cotées en bourses, et plusieurs investisseurs exigent maintenant une approche en responsabilité sociale au même titre qu’une « L’ Association minière du Québec (AMQ) performance des rendements financiers. Un virage s’imposait. affirme que la majorité des grandes entreprises L’Association minière du Québec (AMQ) minières se sont dotées de personnel en charge affirme que la majorité des grandes entreprises minières se sont dotées de du développement durable et, plus récemment, personnel en charge du développement durable et, plus récemment, de spéciade spécialistes associés à la responsabilité listes associés à la responsabilité sociétale d’entreprise, afin d’élaborer des sociétale d’entreprise, afin d’élaborer des politiques respectueuses de l’environnepolitiques respectueuses de l’environnement ment et des populations. Elle prône que l’industrie minière a et des populations. » adapté ses façons de faire aux réalités et préoccupations des citoyens, autant sur les plans économique, social qu’environnemental, au moyen de forums permettant aux gestionnaires de l’industrie d’échanger sur les meilleures pratiques et d’initiatives visant à maintenir ouvert le canal de communication avec les communautés locales, les parties prenantes et les décideurs régionaux.

Quelques actions concrètes Ainsi, plusieurs mesures ont été mises en place pour répondre à diverses exigences : réduction de la consommation d’eau et des émissions atmosphériques, érection de murs coupe-son, installation de dômes pour minimiser les poussières, ajustement des heures d’opération pour tenir compte de la qualité de vie des populations avoisinantes et processus de participation publique. L’AMQ a adopté en juin 2014 l’initiative Vers le développement minier durable, proposée à l’ensemble de ses membres. Grâce à un suivi constant, ce programme assurera que ces entreprises adoptent concrètement les meilleures pratiques, notamment en matière environnementale, sociale et économique. Mais pour que l’industrie minière regagne la confiance du public, fortement malmenée au cours des dernières années, elle devra aussi se doter à court terme d’une réelle stratégie de développement durable et démontrer qu’il est possible d’exploiter nos richesses minières de façon viable. L’industrie minière n’a d’autres choix que de prouver par des gestes concrets qu’elle est désormais une industrie renouvelée. //

49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015 ∙ 39


INDUSTRIE MINIÈRE

LES RÉSIDUS MINIERS

Problème à gérer ou ressource à exploiter ? L’exemple de Thetford Mines

En effet, la région doit composer avec des quantités substantielles de résidus de serpentine entassés dans les environs de la ville de Thetford Mines1. La valeur réelle de ces résidus est au cœur d’un débat. D’une part, les propriétaires des sites ne paient pas de taxes sur la valeur foncière de leurs dunes et d’autre part, ils escomptent de futurs profits sur les richesses minérales qu’elles contiennent : magnésium, silice, nickel, etc. C’est un dossier pour le moins épineux; sitôt que l’amiante est en cause, tout peut prendre des proportions démesurées. Pour le Groupe des douze associés2, ces résidus ne doivent pas être considérés comme un passif, mais bien comme un actif majeur pour le développement de la région. Le Groupe déplore qu’encore aujourd’hui, seulement quelques entreprises exploitent ces ressources « naturelles » à des fins de transformation industrielle. Selon ses membres, le gouvernement doit s’impliquer pour assurer de façon urgente une valorisation commerciale et industrielle responsable des résidus de chrysotile.

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Par Jean-François Gauthier

Photos : Courtoisie SDE région de Thetford (CLD) & Jean-François Morissette

La valorisation des résidus miniers est un enjeu environnemental et économique majeur pour plusieurs régions du Québec. Dans celle de Thetford Mines, le dossier prend des proportions particulièrement importantes.


Photos : Courtoisie SDE région de Thetford (CLD) & Jean-François Morissette

Ces résidus ne doivent pas être considérés comme un passif, mais bien comme un actif majeur pour le développement de la région.

Il est clair que la teneur en magnésium des résidus suscite un intérêt grandissant3. Comme aucune disposition légale n’empêche la spéculation, plusieurs reprochent aux propriétaires des terrains de bloquer le développement économique de la région en « s’assoyant » sur la ressource en attendant que les avancées technologiques leur permettent de la vendre à fort prix. Dans un contexte où le Québec doit faire face à des enjeux majeurs à l’égard de la remise en état des sites miniers, il pourrait être opportun d’envisager des bonifications à la Loi sur les mines qui baliseraient la valorisation et encourageraient son essor sur tout le territoire québécois. L’exploitation efficace et responsable de nos ressources naturelles est une des clés de la vitalité économique de nos régions, et elle ne doit pas se limiter aux seuls territoires nordiques ciblés par le Plan Nord. La région de Thetford Mines a une très longue histoire d’exploitation minière, jalonnée de succès mais aussi d’échecs retentissants. Nous devons collectivement prendre acte des erreurs du passé et nous donner les moyens de mettre à profit ce capital pour les générations à venir. //

1

Entre 350 et 500 millions de tonnes selon les évaluations.

2

Le Groupe des douze associés est un regroupement d’entrepreneurs majeurs de la région de Thetford Mines qui fait de la valorisation des résidus miniers une priorité de travail.

3

Les résidus de serpentine ont une teneur moyenne en magnésium métallique de 23,3 %. Selon Alliance Magnésium (http:// alliancemagnesium.com/fr/le-magnesium/materiau-avenir), « le magnésium est 33 % plus léger que l’aluminium, 60 % plus léger que le titane, et 75 % plus léger que l’acier. Pourtant, pour de nombreuses applications, il est plus fort par unité de volume que chacun de ces trois métaux structuraux ».

À propos La production des rejets est inévitable, • c’est une conséquence de la production

minière, une partie intégrante des processus d’extraction et de traitement du minerai.

Plusieurs millions de tonnes de résidus • de concentrateur et de stériles miniers

sont produits annuellement au Québec.

Les résidus sont entreposés dans des • aires d’accumulation totalisant plus de 13 000 hectares au Québec.

2013, le Règlement modifiant • leEnRèglement sur les attestations

d’assainissement en milieu industriel a été adopté :

• Entrée en vigueur du règlement le 1er janvier 2014 ;

• Taxation des rejets entreposés dans une aire d’accumulation;

• Non-taxation des rejets valorisés.

disposition légale n’encadre • laAucune mise en valeur des résidus miniers.

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INDUSTRIE MINIÈRE

DÉVELOPPEMENT ¹MINIER ¹AU ¹LAC ¹À ¹PAUL

À la conquête de l’or vert…

Le 15 septembre dernier, le gouvernement du Québec annonçait un investissement de 2 millions de dollars dans le développement d’une mine d’apatite (minerai de phosphate) au lac à Paul, à 200 km au nord de Saguenay. Il entendait par là lancer un message clair aux investisseurs pour qu’ils comprennent le soutien du gouvernement du Québec au projet de développement minier et qu’ils y prennent part.

La compagnie Arianne Phosphate, de Chicoutimi, entend développer une mine à ciel ouvert qui devrait être en activité en 2017, ainsi qu’une usine de traitement du minerai et un système de transport vers un port en eau profonde de la rivière Saguenay.

Photo : Courtoisie Arianne Phosphate (Jean-François Desgagné)

L’or vert Le phosphore (P2O5) est présent dans chacune de nos cellules, dans nos os, dans notre ADN… Sans lui, les végétaux ne peuvent se développer; une menace pour le cycle de vie. Nous en sommes complètement dépendants. Son utilisation dans les engrais, en combinaison avec l’azote et le potassium, a multiplié par 10 le rendement des exploitations agricoles industrielles, permettant d’alimenter 150 personnes plutôt que 4 en culture traditionnelle. C’est 87 % de la production mondiale de phosphore qui est destinée à l’agriculture, alors que le reste sert comme additif alimentaire et dans l’industrie (retardateurs de flammes, détergents, traitement de l’eau). Majoritairement extrait au Maroc, en Chine et aux États-Unis, le minerai utilisé en agriculture provient de roches phosphatées, une ressource non renouvelable vieille de plusieurs dizaines de millions d’années. On estime qu’un pic de production sera atteint dans les années 2030-2040, marquant l’entrée dans une période où la demande en phosphore dépassera l’offre. À l’heure actuelle,

Par Danielle De Garie

la demande augmente de 4 à 6 millions de tonnes par année et, d’après Jean-Sébastien David, chef de l’exploitation de la compagnie minière, avec la fermeture à court terme de deux mines en Amérique du Nord, le déficit en concentré sera de l’ordre de 4,5 millions de tonnes annuellement!

Le phosphate du lac à Paul Le gisement, l’un des plus importants au pays, est composé de plusieurs dépôts de roches ignées, contient peu de contaminants (contrairement aux roches sédimentaires, qui peuvent renfermer des métaux lourds ou de l’uranium) et présente des teneurs en P2O5 variant entre 6,9 % (472 millions de tonnes) et 38,6 % (78 millions de tonnes), cette dernière teneur étant propice à la commercialisation. En octobre 2013, on estimait en conséquence à 75,7 millions de tonnes le volume de concentré « vendable ». La production annuelle étant évaluée à 3 millions de tonnes, la durée de vie du site serait de plus de 25 ans.

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Le gisement présente également un fort potentiel de croissance : la zone est ouverte en profondeur, et les programmes d’exploration et de forage réalisés au cours des trois dernières années ont permis de découvrir six autres secteurs minéralisés à proximité, dont les ressources n’ont pas été estimées.

Il est prévu que le terminal maritime accueille en moyenne un bateau par semaine, et ce, toute l’année. Plusieurs scénarios de transport du concentré au sud de la route 172 à Saint-Fulgence et à Sainte-Rose-du-Nord ont été étudiés afin d’assurer la sécurité sur la route régionale.

La mine

Le projet, évalué à 1,276 milliard de dollars, constitue le plus gros investissement minier depuis 10 ans dans la région du Saguenay– Lac-Saint-Jean. Des études indépendantes anticipent que le projet minier Lac à Paul générera des retombées économiques régionales de plus de 12,5 milliards de dollars durant les 25 premières années. La phase de construction créerait 2250 emplois, à pourvoir par la main-d’œuvre régionale, et 475 emplois spécialisés (administrateurs, mineurs et opérateurs), au salaire moyen de 100 000 $ annuellement, sans compter les emplois indirects.

Le site se trouve dans un milieu où les infrastructures sont fortement développées, grâce à l’aluminerie et à l’exploitation forestière. Il sera alimenté par Hydro-Québec par l’intermédiaire du réseau électrique de Rio Tinto Alcan, à partir de la centrale de la Chute-des-Passes, située à environ 30 km du projet. Les camions emprunteront les routes forestières existantes, qui devront être mises à niveau pour accueillir le transport lourd. L’équipe d’Arianne travaille à optimiser le tracé dans le but d’éloigner la route, lorsque c’est possible, des secteurs de villégiature à proximité. D’abord exploité par forage, dynamitage, chargement et transport à l’aide de pelles et de camions, le minerai de phosphate sera par la suite concassé, broyé et flotté en vue de produire le concentré qui sera acheminé jusqu’au port, sur la rive nord de la rivière Saguenay.

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Les retombées

Photos : Courtoisie Arianne Phosphate (Jean-François Desgagné)

INDUSTRIE MINIÈRE


Photos : Courtoisie Arianne Phosphate (Jean-François Desgagné)

En plus d’accroître le revenu moyen des travailleurs de la région, ce développement diversifiera l’économie régionale des secteurs traditionnels, favorisera l’implantation d’une nouvelle grappe de sous-traitants miniers, attirera de nouveaux résidents possédant des expertises particulières et profitera également aux établissements d’enseignement. L’entreprise Arianne Phosphate, aussi propriétaire de la Pourvoirie du Lac-Paul, où sont prévues les installations de la mine, a entrepris une démarche inédite avec le Laboratoire de recherche sur la non-acceptabilité sociale (LARENAS) de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), afin de bien comprendre les effets de l’exploitation du site en étudiant les aspects liés aux émotions et au lien symbolique à la nature. Elle a choisi ainsi de relever le défi de la cohabitation, de l’utilisation multiple et du partage du territoire. Cela lui a valu le prix e3 Plus de l’Association de l’exploration minière du Québec, visant à souligner son haut degré de responsabilité environnementale et sociale. //

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ÉNERGIE

Les énergies renouvelables, des solutions pour un monde en évolution Jean-François Samray Président-directeur général Association québécoise de la production d’énergie renouvelable ( AQPER)

L’ouverture d’une mine est l’aboutissement d’un très long processus technique, financier et réglementaire. Outre la quantité et la qualité du minerai d’un gisement, plusieurs facteurs influeront sur la rentabilité future d’un projet. Parmi ceux-ci, les infrastructures de transport et l’énergie figurent en tête de liste. Vital au fonctionnement des équipements ainsi qu’à la sécurité des mineurs, l’approvisionnement électrique peut s’avérer un véritable défi pour les sites non desservis par le réseau d’Hydro-Québec. Les énergies renouvelables peuvent-elles se substituer aux génératrices diesel? Voyons comment les développements technologiques favorisent une production d’énergie plus verte à moindre coût.

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L’approvisionnement électrique de projets miniers non raccordés au réseau n’est pas de tout repos. À la charge générée par les équipements au site d’extraction et de concentration s’ajoutent celles des bâtiments administratifs et des logements du personnel. La gestion d’un tel miniréseau électrique peut s’avérer complexe, d’autant plus que les mineurs travaillant dans les galeries ne peuvent se passer d’une alimentation d’air. C’est pourquoi la solution la plus facile serait le raccordement au réseau d’Hydro-Québec. Or, cela n’est pas toujours possible, compte tenu des coûts de construction de lignes de transport par rapport à la durée de vie du projet. L’autoproduction devient alors l’alternative de choix. Traditionnellement, l’installation de groupes électrogènes alimentés au diesel était la norme. Le combustible était disponible, transportable et facile à entreposer.

Le réchauffement climatique change la donne Le réchauffement climatique vécu dans le Nord-du-Québec apporte un changement de paradigme. La durée d’utilisation des routes de glace est réduite et les conditions de circulation y sont resserrées pour en garantir la sécurité1. Sachant que les coûts d’exploitation d’une mine nordique se résument aux dépenses en diesel et aux salaires2, la réduction des frais énergétiques aura un impact positif sur la compétitivité et la rentabilité des sites de production minière.


De nouvelles obligations L’instauration du marché du carbone QuébecCalifornie le 1er janvier 2014 est un autre élément pouvant avoir une influence sur le modèle traditionnel de production d’électricité en site isolé. Toute installation produisant annuellement plus de 25 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) devra acquérir des droits d’émission afin de compenser les GES générés par son activité. Comme la quantité de droits en circulation est appelée à baisser de 1 à 2 % annuellement, le prix du carbone augmentera au cours des années à venir. Depuis le 1er janvier 2015, les distributeurs de combustibles fossiles sont eux aussi assujettis au système. Puisque ces nouvelles obligations s’ajoutent à un coût de production d’électricité pouvant facilement dépasser les 0,30 $/kWh, il n’est pas étonnant que les sociétés minières soient à la recherche d’alternatives.

Des avancées technologiques importantes À l’instar des autres secteurs industriels, la recherche et développement a eu une incidence considérable sur la compétitivité de plusieurs technologies vertes. Pour le secteur éolien, la puissance des turbines est passée de 0,05 MW en 1985 à 7,5 MW en 2007. L’industrie s’affaire aujourd’hui à développer un modèle 10 MW pour la production en mer3. Cet accroissement de la capacité de production a considérablement réduit le coût de production du kWh. Une récente étude publiée par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables des Nations Unies (IRENA) constate que l’éolien est à présent concurrentiel avec bon nombre de centrales thermiques classiques4 reliées au réseau continental (0,06 $/kWh). Il existe maintenant un éventail de modèles d’éoliennes permettant aux minières d’adapter leur alimentation électrique à la diversité des sites, des charges et des capacités d’entretien. Les transformations apportées par les manufacturiers ont également repoussé la limite nordique d’installation, ce qui fait qu’on trouve à présent des éoliennes sur des sites de production minière

dans les Territoires du Nord-Ouest (mine Diavik) et au Nunavik (mine Raglan). Par souci de sécurité, et pour une transition harmonieuse entre les génératrices diesel et une alimentation toute renouvelable, la plupart des sites passeront par une phase de couplage éolien-diesel ou gaz naturel-éolien.

Le stockage, une grande avancée Pour être en mesure de répondre en tout temps à la demande électrique du site minier, il faut emmagasiner l’énergie excédentaire produite par fort vent afin de la libérer lorsqu’Éole décide de prendre une pause. Les nouvelles technologies de stockage d’énergie (roue d’inertie, batteries ou production d’hydrogène) parent à la variabilité de la production éolienne. Les fabricants de logiciels, d’équipements et d’appareillages ont également innové afin de gérer les nouvelles configurations.

Une multitude de solutions L’éolien n’est pas l’unique solution qui s’offre aux minières. Les filières de production d’énergie renouvelable proposent plusieurs choix permettant à l’industrie de s’adapter aux restrictions imposées par les sites. La cogénération à la biomasse, par exemple, génère chaleur et électricité et favorise la consolidation des activités forestières. Les hydroliennes transforment l’écoulement de l’eau en énergie électrique sans avoir recours à la construction d’ouvrages de génie civils sur le lit et les berges de cours d’eau. Leur nombre peut en outre être modulé en fonction des besoins du site minier pour s’adapter aux phases d’installation et de production. En s’alliant l’expertise des professionnels du secteur des énergies renouvelables du Québec, les producteurs miniers pourraient choisir la plus avantageuse parmi la panoplie de solutions de production d’énergie propre. Le remplacement de leurs génératrices diesel étant maintenant économiquement rentable, ils réduiraient d’un coup leur bilan carbone et les risques environnementaux liés au transport et à l’entreposage des produits pétroliers. Dans ce monde en évolution, et dans le contexte du Plan Nord, les compagnies minières sortiraient gagnantes si elles s’appuyaient sur les énergies renouvelables. //

http://www.biv.com/article/2013/7/infrastructure-challenges-hobble-miners-in-canadas/, http://www.climatechangebusiness.com/Climate_Change_and_the_Mining_Industry 2 http://business.financialpost.com/2014/07/19/in-quebec-the-energy-future-of-the-north-is-blowing-in-the-wind/?__lsa=12cd-b4ca 3 http://www.power-technology.com/features/featurethe-worlds-biggest-wind-turbines-4154395/ 4 http://www.irena.org/DocumentDownloads/Publications/IRENA_RE_Power_Costs_2014_report.pdf 1

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Quand la nordicité et le tourisme s’unissent

En plus de jouer un rôle de catalyseur dans la valorisation de la culture et de l’histoire autochtones au sein de nos communautés, le tourisme autochtone est une activité socioéconomique de première importance. Et les populations nordiques du Québec n’échappent pas au besoin de développer une industrie touristique séductrice et unique pour se distinguer et attirer une clientèle en quête de nouvelles expériences. Par Dave Laveau L’intérêt grandissant et la vive curiosité des touristes pour les régions nordiques et polaires sont bien réels. Le réchauffement planétaire, ajouté au potentiel attractif de ces destinations uniques, laisse présager une hausse des visiteurs dans les régions arctiques au cours des années à venir. En 2011, le gouvernement québécois lançait d’ailleurs la Stratégie touristique québécoise au nord du 49e parallèle : cultures et espaces à découvrir pour développer de nouveaux produits et attraits et stimuler la croissance des entreprises touristiques des régions touchées.

Le tourisme nordique : diversité et distinction

Mieux connu sous le nom de Grand Nord québécois, le Nunavik bénéficie d’un univers féerique : l’immensité du territoire, l’abondance de la biodiversité et la qualité des ressources naturelles sont les fondements de son activité touristique grandissante. Bien que ce territoire couvre à lui seul les deux tiers du Québec, il accueille une clientèle de niche. Son offre d’exception et de proximité

Dave Laveau Directeur général Tourisme Autochtone Québec

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PLAN NORD

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avec les habitants ajoute pourtant à la diversité de l’industrie touristique québécoise : croisières nordiques au décor majestueux, safaris-photos à la rencontre du règne animal, notamment des ours polaires, des grands troupeaux de caribous et des nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs, séjours de pêche de calibre mondial, nuitées en igloo... Quand on parle de tourisme nordique, on ne peut passer sous silence les imposants parcs nationaux, les spectacles d’aurores boréales, les mille possibilités d’aventure et d’évasion en plein air, les pourvoiries réputées pour leur chasse miraculeuse et leur pêche dans des lacs et rivières poissonneux, l’abondance de faune et de flore inexplorées, etc. Toutes ces expériences vraies et brutes, dans un climat parfois rigoureux, sont choisies par une clientèle attirée par la chaleur des contacts avec les habitants et les véritables échanges interculturels qui sont au centre de ces voyages hors du commun. En 2010, ils étaient quelque 300 000 visiteurs recensés à avoir vécu ces expériences inoubliables dans toutes les régions nordiques du Québec, contribuant ainsi à l’économie du Québec dans son ensemble, le ministère du Tourisme estimant que 80 % de chaque dollar dépensé au nord du 49e parallèle profite aussi au reste de la province.

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Mais le tourisme nordique ne compte pas que le Nunavik et les Inuits. Il englobe également les régions touristiques situées en partie au nord du 49e parallèle : la Côte-Nord (Manicouagan et Duplessis), le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Baie-James Eeyou Istchee. Rassemblées, ces quatre grandes régions représentent 55 % des communautés autochtones au Québec, donnée non négligeable pour assurer un développement touristique de qualité où l’authenticité et l’inusité font souvent office de valeurs premières recherchées.

Les enjeux de ce tourisme de niche

Photos : Éric Duchesneau & Courtoisie Tourisme Autochtone Québec

Bien que les destinations nordiques tendent à se démocratiser, il demeure qu’elles viennent parfois avec leur lot de complexité, et ce, pour plusieurs raisons. Plus au sud, l’accessibilité aux régions nordiques est facilitée par une voie terrestre praticable. Mais quand on parle du Nunavik, plus isolé et situé à quelque 1500 km de Montréal, aucune route ni voie ferrée ne le relie au reste de la province. Le transport aérien est donc essentiel, mais coûteux. Quant au transport maritime, il est utile aux habitants de ces régions, pour l’approvisionnement de produits de nécessité, et il fait vivre la région aux touristes à bord. Le tourisme nordique doit également faire avec des conditions climatiques instables et difficiles qui déterminent souvent l’horaire des déplacements et des itinéraires au jour le jour. Il lui faut aussi composer avec les effets des changements climatiques sur les activités

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Photo : Prod Le Camp

PLAN NORD

traditionnelles de pêche, de chasse, de cueillette et d’élevage et, éventuellement, sur les infrastructures touristiques. Le manque de main-d’œuvre formée et expérimentée et le minime intérêt de la population pour une culture entrepreneuriale viennent en outre ralentir le développement du tourisme, qui reste encore faiblement développé malgré un intérêt grandissant pour les destinations remarquées. Dans son Rapport sur les tendances et les possibilités touristiques au Nunavik : mise à jour quinquennale 2007-2012, l’Administration régionale Kativik soutient par ailleurs que les plans de développement économique énoncés dans le Plan Nord (du gouvernement du Québec) pourraient créer de la concurrence sur le plan des ressources humaines et avoir des impacts sur l’environnement.

Le Nunavik et les autres régions nordiques de la province peuvent d’abord et avant tout être fiers des progrès importants qu’ils ont faits dans les dernières années pour se positionner comme destination nordique par excellence. Certes, des destinations telles que l’Islande, la Norvège ou le reste du Nord canadien ont su tirer plus rapidement parti de l’intérêt grandissant envers le tourisme arctique, mais le Québec peut par contre compter sur une culture autochtone authentique forte qui le fait se démarquer davantage. //

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L’ ART ORIGINEL DU GRAND NORD

Une relation étroite avec les ressources naturelles Lorsque l’on évoque le Nord, espace mythique du territoire québécois, on songe aux vastes espaces, au froid constant, à ce désert blanc si éloigné, inaccessible pour la majorité d’entre nous. Sa nature a pourtant offert à ses habitants les ressources nécessaires pour leur subsistance quotidienne, mais aussi pour leur nourriture spirituelle : l’art. Par Nadine St-Louis Le nord du 49e parallèle, là où s’arrête la route, est un lieu que les mots ne peuvent décrire, car la vie y était bien avant la parole des hommes. Elle y est encore omniprésente, avec ses images singulières, son langage propre : le silence sans fin des forêts et des toundras, la musique de la course effrénée des troupeaux de caribous, le ballet des aurores boréales et des banquises majestueuses.

Un art né du territoire Le Nord recèle aussi la valeur inestimable de ses caractères distinctifs : sa nature, ses richesses, mais aussi la culture et le terroir de ceux qui, les premiers, ont choisi d’y rester, de vivre de cette terre et de ses bienfaits. Les Cris, les Inuits, les Innus et les Naskapis y ont forgé leur existence depuis des millénaires. Ils y ont créé un art né du territoire, aux formes, techniques et matériaux uniques, où les animaux et scènes de chasse, de cueillette et du quotidien sont omniprésents et étroitement liés à leur survivance. Les représentations, les couleurs utilisées reflètent ce regard qui leur est propre et qu’ils dépeignent avec fidélité. Ils ont créé à même les matériaux propres à leur culture et leur mode de vie : pierres, minéraux, végétaux, épines, ossements, peaux des animaux sacrifiés, avec respect, pour leur survie. Ils en ont fait des objets sacrés (sculptures, masques, bijoux, costumes rituels), des outils (ulus, harpons), des repères pour se retrouver sur ce vaste territoire (inukshuks), des vêtements (mocassins, tuniques, pantalons). Cuir, plumes, fourrure, griffes et dents d’animaux sont leurs matières premières, la base de leurs pratiques courantes comme de leurs apparats. 56 ∙ 49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015

Nadine St-Louis Directrice générale Productions Feux Sacrés

Selon la vision autochtone, l’environnement est à l’origine de la vie, un maître qui a permis la survie, l’histoire et les traditions des peuples. Cette vision a fait naître des contes et légendes d’une profonde richesse, un enseignement inestimable que transmettent les arts visuels et l’art oral. La terre est pour les Autochtones unw patrimoine vital, culturel et artistique, profondément lié à la vie de l’homme. Les histoires racontées par les Inuits sont – telle la légende de Sedna, déesse de la mer, mère de toutes les créatures marines – à la fois divertissements, récits historiques ou


Photos : Nadine St-Louis — Nadya Kwandibens Red Works Photography, Peinture de l’artiste Ulaayu Pilurtuut — Courtoisie Production Feux Sacrés

leçons de vie. Dans l’une de ses œuvres, Ulaayu Pilurtuut raconte d’ailleurs l’origine de la vie issue de la mère terre : Sedna procurait aux Inuits nourriture, peaux et combustible. Cette symbolique du lien à la terre, cette interrelation entre l’homme et son environnement embrasse les concepts de l’équilibre et de l’interdépendance liés aux cycles de la nature. Dans la culture autochtone, la nature relève du sacré, puisqu’elle est la vie même. Ses enseignements placent cette vérité au cœur des pensées et des actions humaines. Cette compréhension du monde façonne la vision selon laquelle l’humain, l’animal, le végétal et le minéral ont une égale valeur et existent dans un continuum d’énergie. Elle inscrit l’art autochtone contemporain dans une perspective interdisciplinaire, sinon multidisciplinaire.

Les artistes d’aujourd’hui : des symboles séculaires et des techniques actuelles Les œuvres de Tanya Mesher Jones illustrent les aurores boréales dans un mélange éloquent d’acrylique et de matière scintillante aux teintes vives, reflétant la majesté des couleurs et de l’esprit des ancêtres, vision symbolique du territoire et de la spiritualité autochtone. Ernest Dominique et Renée Condo utilisent le bronze dans des sculptures traditionnellement faites de pierre, d’os ou de bois. Eruoma Awashish intègre un métal noble, la feuille d’or, dans ses toiles. Les artistes façonnent désormais l’argent, peu utilisé par leurs ancêtres, pour en faire des bijoux, dont certains sont illustrés de symboles autochtones. Les pierres de couleur, issues de la cosmologie amérindienne, y sont fréquemment insérées. En fait, la pierre, omniprésente dans le Grand Nord, est l’élément choisi pour de nombreuses œuvres inuites.

Artiste : Ulaayu Pilurtuut

49e // Vol. 3 Nº 2 ∙ Printemps 2015 ∙ 57


Certains symboles anciens demeurent très présents. L’inukshuk, montage de pierres représentatif du passage des anciens, est encore utilisé comme point de repère par les chasseurs qui reviennent d’un long parcours de chasse. Ce monument iconique représentant la nation inuite demeure une inspiration pour les sculpteurs et peintres inuits.

Une vitrine pour l’art autochtone En 2011-2012, j’ai été productrice et commissaire de l’exposition 11 nations, qui rassemblait des artistes des Premières Nations du Québec. Ce rendez-vous a permis aux créateurs de différentes communautés et disciplines d’être présentés à Montréal, plaque tournante nationale et internationale. Ainsi rendues accessibles, les œuvres ont été vues par plus de 30 000 personnes. Devant l’intérêt suscité par l’exposition, il devenait essentiel d’établir à Montréal un lieu permanent offrant une visibilité aux artistes autochtones des régions éloignées ou isolés dans les métropoles en créant un espace reflétant leur vision du monde. En ce début de 21e siècle, l’évolution de la culture autochtone dans une perspective durable et son intégration au paysage culturel d’ici deviennent un pivot de la mise en valeur de sa richesse et de son potentiel de rayonnement. Le renouveau, la vitalité de l’art autochtone actuel méritent une présence sur le marché de l’art majeur. Cette culture, ses symboles, leurs significations, ainsi que ses techniques uniques, tant millénaires qu’actuelles, sont encore méconnues et trop peu documentées. C’est pourquoi les Productions Feux Sacrés ont créé une première entreprise culturelle d’économie sociale à Montréal, selon les principes d’un commerce équitable. Cette vitrine consacrée à l’art autochtone sera à la fois vecteur d’intégration sociale et d’identité. Elle contribuera au développement artistique et économique des créateurs d’aujourd’hui. L’Espace culturel Ashukan (« le pont ») accueillera le public dès avril 2015, à la place Jacques-Cartier. Les visiteurs d’ici et d’ailleurs, sensibilisés aux multiples racines qui ont créé notre culture, pourront ainsi apprivoiser, saisir et apprécier les richesses de l’art autochtone d’ici. //

Sculptures : Geta Etorolopiaq

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Photos : Courtoisie Production Feux Sacrés

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