L’Australie TERROIRS DU MONDE
Un vignoble
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qui bouge !
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TERROIRS DU MONDE
Quittons les terroirs très anciens, où la vigne pousse depuis l’Antiquité. Place à la jeunesse, à la modernité ! Faisant fi de la tradition et se parant d’audace, l’Australie cherche l’efficacité et n’a pas peur d’expérimenter. Se classant aujourd’hui parmi les champions de l’exportation, ses efforts sont manifestement récompensés. Son vin est particulièrement répandu au Royaume-Uni, mais bien d’autres l’apprécient. En somme, un terroir d’avenir, qui se développe peu à peu et révèle un immense potentiel. Une destination idéale pour fuir l’hiver européen et profiter de l’été océanien.
Histoire L’Australie se positionne sur la fraîcheur et l’inventivité des vins du Nouveau Monde. À vrai dire, le vignoble australien est particulièrement récent. L’an 1788 constitue la naissance douloureuse du vin australien : pour la première fois, la vigne est introduite, sous l’impulsion du gouverneur Arthur Phillip, à l’aide de plants provenant du Brésil et du Cap de Bonne-Espérance. On tentera de distraire les prisonniers en leur donnant la responsabilité des ceps. Le résultat sera un cuisant échec. Il faudra attendre 1791 pour que la première culture fructueuse de vigne soit répertoriée. C’est néanmoins au XIXe siècle que le vin s’installe durablement sur le pays. À partir de 1820, les premiers vins australiens sont commercialisés grâce à la persévérance des passionnés. D’abord implantée en Nouvelle-Galle du Sud, la vigne s’étale peu à peu sur l’ensemble du continent. Très rapidement, le temps de l’exportation arrive : en 1822, Gregory Blaxland exporte 136 litres de son vin jusqu’en Angleterre, à Londres. Un succès immédiat récompensé par une médaille, appelant de nouveaux et nombreux échanges. Les crus australiens seront ainsi fréquemment médaillés à l’international, tendance qui ne s’est toujours pas inversée. James Busby entre alors dans l’histoire. Ayant appris
l’art de la viticulture grâce à un séjour en France, il souhaitait développer cette discipline en Australie. Il implanta pour la première fois la Syrah sur le continent, cépage qui aujourd’hui encore y est emblématique. En 1831, Busby retourne en Europe et n’importera pas moins de 650 cépages. Le voyage fut long, et bien des plants ne le supportèrent pas : à l’arrivée, seuls 362 pieds avaient survécu. Ils furent plantés dans les jardins de Sydney. Le très méticuleux travail de cet homme à l’épanouissement du vignoble australien lui vaut, aujourd’hui encore, le surnom de « père de la viticulture ». On assistera ensuite à une forte augmentation des exportations vers l’Angleterre. À l’image de nombreux autres vignobles à travers le monde, l’Australie ne fut guère épargnée par la grande épidémie de phylloxéra. On estime l’arrivée du ravageur aux alentours de 1870. Il n’est pas identifié immédiatement : la réaction sera trop tardive pour sauver les pieds malades. Les vignes provenant de pieds européens, les dégâts furent inévitables, ceux-ci ne pouvant se défendre contre l’insecte. Fait suffisamment rare pour être précisé, certaines régions furent épargnées. En vingt ans, une bonne partie de la vigne est décimée. Il faudra attendre un certain temps pour que la viticulture recouvre la santé. Le phylloxéra pose aujourd’hui encore problème aux vignerons, les #9 - LE JOURNAL À PART
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millésimes 2006 et 2009 peuvent en témoigner. Les régions dites préphylloxériques, c’est à dire qui n’ont pas connu les dégâts de l’insecte, sont particulièrement protégées afin de préserver le capital viticole exceptionnel que constituent les ceps anciens. Le XXe siècle est marqué par la production intensive, synonyme également d’exportations massives. Conséquence de l’après-guerre, on cherche à approvisionner l’Europe. Des prix très compétitifs furent pratiqués, trop pour les producteurs se refusant à tomber dans la surproduction. Des temps difficiles et des modes de production qu’aujourd’hui encore, les vignerons tentent de changer.
visites, car les vignobles sont vastes ! C’est au Sud que se trouve la plus grande zone viticole, produisant à elle seule environ 50% du vin national. Différents vignobles s’y dessinent. Le plus connu est sans doute celui de la Barossa Valley, une des premières régions viticoles ayant vu le jour en Australie. Elle produit de très grosses quantités, mais aussi d’excellents crus. On y trouve les plus anciens pieds de Grenache : un patrimoine que la France ne peut qu’envier.
Le cinquième continent fait partie des plus grands exportateurs viticoles mondiaux, confortablement installé à la quatrième place. Une menace pour l’hexagone ? Rien n’est moins sûr : la typologie de vin est fort différente, de même que les amateurs. Le vin australien ne nourrit pas les mêmes aspirations que son homologue français. En effet, la finesse et la complexité y sont bien moins recherchées. Un vin dynamique, fruité, facile à boire ; en un mot, accessible : voilà ce qu’on recherche. Il est d’ailleurs rare de trouver de vieux vins, car le breuvage est plutôt destiné à une consommation rapide, trois ans maximum après élevage. Le terroir n’est pas systématiquement mis en valeur, et l’on s’attache plutôt à proposer des vins de cépages. Un rapport au produit bien distinct de celui qu’on trouve sous nos latitudes. Les vins sont marqués par des saveurs plus tranchées : l’insipide, le fade y est impensable. Une philosophie plus contemporaine, moins traditionnelle. À l’image du pays, en somme. Ce leitmotiv du bon vin accessible fait le succès de l’Australie à l’étranger. Le Royaume-Uni, la Chine et les États-Unis en sont particulièrement demandeurs. Parfois accusé d’être trop standardisé, le vin australien n’a pas dit son dernier mot. Certains producteurs s’ouvrent à une approche plus traditionnelle et s’échinent à développer leur connaissance du terroir. Des efforts récompensés, puisque les œnologues sont de plus en plus nombreux à faire l’éloge des « aussie wines* ». Paradoxalement, bien que l’Australie soit l’un des terroirs les plus récents en matière de viticulture, elle accueille des pieds de vigne parmi les plus anciens au monde. En effet, certaines régions n’ayant pas subit les ravages du phylloxéra, d’anciens pieds perdurent et font partie du patrimoine culturel.
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Le vin « à l’Australienne »
Barossa Valley
N’oubliez pas de faire escale au Wine National Center d’Adelaïde. En plus de la manne d’informations que vous pourrez y glaner, vous vous verrez proposer des cours d’œnologie : idéal pour préparer une route des vins. Enfin, le bar sur place ne propose pas moins de 120 références de vins australiens. De quoi faire un tour du pays le temps de quelques verres. La Yarra Valley est connue pour la diversité de ses vins. Située à l’Est de Melbourne, ses microclimats lui permettent de produire des rouges mondialement reconnus, des blancs de grande qualité ainsi que des pétillants. Cette région s’enorgueillit également de ses ceps anciens, parfois centenaires.
L’Australie abrite donc de nombreux vignobles. Bonne nouvelle ! En matière d’œnotourisme, les Australiens sont en avance. Tout est pensé pour que vous puissiez tirer le meilleur du pays des kangourous. De nombreux tour-opérateurs proposent une route des vins d’Australie, pour se faire une idée de la gamme proposée. À moins de prévoir un long séjour, choisissez judicieusement vos
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Les régions viticoles
Yarra Valley * Aussie wines : vins australiens
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À l’occasion d’une visite, sachez que les bières et le cidre de la région sont réputés. Pour profiter au mieux de son séjour, l’idéal est de choisir parmi les nombreuses routes gastronomiques proposées pour savourer les gourmandises locales. © Shutterstock - Melinda Baker
Située en Nouvelle-Galles du Sud, la Hunter Valley fait partie des régions les plus anciennes et prestigieuses en matière de viticulture. Le Sémillon y est emblématique, bien que de nombreux vins y soient proposés. Visitez quelques « wineries », et goûtez au talent des artisans. La multitude de producteurs locaux vous permettra de goûter divers produits du terroir : huiles d’olive, pains au levain, fromages, chocolats et bien d’autres douceurs à accommoder avec les vins locaux. Pour une belle balade à travers la région, pensez à la montgolfière : une façon originale de profiter du paysage.
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Les cépages
Hunter Valley
Petite île à 240 kilomètres des côtes, la Tasmanie est réputée pour son calme et son faible peuplement. Le Chardonnay et le Pinot Noir s’y plaisent particulièrement grâce à des conditions climatiques fraîches et humides, notamment du fait de la proximité des vignes avec la mer. Un berceau idéal pour d’excellents vins pétillants, chez lesquels on trouve une belle acidité ainsi qu’une fraîcheur très appréciée. Depuis quelques années, l’accent est mis sur la qualité. Une région en plein essor, qui apprend peu à peu à exploiter au mieux un terroir prometteur. Si vous cherchez à fuir la foule, n’hésitez pas à visiter la Tasmanie : vous pourrez vous adonner à de nombreuses activités de montagne… avant de revenir déguster un délicieux verre de vin.
L’Australie cultive environ 130 cépages différents, presque tous issus d’imports européens. Les cépages français ont décidément la part belle : la Syrah est indéniablement le plus répandu, emblématique avec ses 45 000 hectares. On l’appelle souvent Shiraz. L’Australie est le deuxième producteur de Syrah derrière la France. Parmi les rouges, on trouve à sa suite le Cabernet Sauvignon, le Merlot, le Pinot Noir ainsi que le Grenache. Du côté des blancs, impossible d’omettre le Chardonnay, qui peuple en grande majorité le terroir australien. Dans une moindre mesure, le Sémillon, le Sauvignon Blanc et le Riesling conservent une place de choix. Ces dernières années, les vignerons se font curieux et tentent d’apprivoiser de nouveaux cépages en explorant les patrimoines de différents pays. Italie, Espagne, ou encore Autriche et Argentine partagent donc volontiers leurs vignes avec le cinquième continent. Le raisin ne peuplant pas naturellement les terres australiennes, aucun cépage autochtone n’est à recenser : l’intégralité des vignes est issue de pieds importés. Néanmoins, les Australiens réalisent des « cépages alternatifs » : de nouvelles espèces particulièrement adaptées au sol australien. Le Tarango, le Tyrian ou encore la Rubienne en font partie. Le vin australien a donc un avenir radieux devant lui, et son essor ne fait que commencer ! Avec des vins aussi variés que réputés, c’est une affaire à suivre pour les gourmets et voyageurs avides de nouveauté. À découvrir absolument ! Laurence Delacroix
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Tasmanie
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