TERROIRS DU MONDE
Vins du
nectars variés
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Danube Terre fertile,
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TERROIRS DU MONDE
France, Italie, Espagne… Voilà quelques pays apparaissant comme une évidence lorsqu’on parle de viticulture en Europe. Pourtant, d’autres moins connus n’en sont pas moins méritants. L’Autriche, la Hongrie et la Croatie possèdent un patrimoine viticole méritant d’être mis en lumière. Longeons le Danube à la rencontre de ces terroirs.
Histoire
On connait par le Capitulaire de Villis, document rédigé sous le règne de Charlemagne, certaines règles viticoles des années 800 : l’interdiction de fouler le raisin aux pieds pour éviter d’éventuels problèmes d’hygiène et l’obligation de conserver le vin en fût en font partie. Le monarque fit également sélectionner les meilleurs cépages afin de créer ce qu’on pourrait assimiler à une appellation. Cela sera appliqué en Autriche. Très tôt, le pays entre donc dans une démarche qualitative dans sa production. La Croatie, elle aussi, se forge rapidement une réputation grâce à ses excellents vins. Rois et nobles se prêtent avec plaisir à la dégustation. Longtemps dans l’histoire, les vins autrichiens et hongrois seront mis en concurrence, les uns faisant
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Tout comme en France, l’Antiquité marque en Autriche les premiers pas de la consommation de vin. Toutefois, on pense que la vigne était cultivée avant l’invasion romaine des territoires. Des pépins de raisins datant de l’âge du bronze furent en effet retrouvés par les archéologues. À l’inverse, c’est grâce à l’intervention romaine que le vin fut introduit en Hongrie et les populations présentes furent encouragées à perpétuer la pratique de vinification. Quant à la Croatie, on sait que la vinification remonte bien avant les invasions romaines, puisqu’elle fait partie des berceaux de la viticulture mondiale. Le vin y a toujours été consommé.
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Village de Durnstein - Vallée de Wachau
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de l’ombre aux autres. Au XVIe siècle, les Hongrois subissant l’invasion des Huns, le vin autrichien atteint son apogée. Cependant, cette gloire sera par la suite atténuée, puisque le pays devra lui aussi affronter de nombreux avatars : invasions turques, lourds impôts, guerre de 30 ans… Autant d’éléments orientant les esprits vers d’autres préoccupations que celles de la vigne. Au XIXe siècle, le commerce du vin croate est saboté par les règles imposées par l’empire austro-hongrois. Ce dernier favorise en effet les importations de vin italien. Cependant, alors que ses voisins hongrois et autrichiens subiront de plein fouet la grande crise du phylloxéra, la Croatie bénéficiera d’un répit de quelques années. Cela n’empêchera pas la catastrophe de causer de très grands dégâts. Une grande partie de la population vivant du travail des vignes fuira pour trouver d’autres activités. Un exode conséquent en résultera. Aujourd’hui, l’Autriche fait le choix de ne produire que des vins de qualité : exit les vins de soif. Il faut dire que les vignerons autrichiens ne déméritent pas. Les vins hongrois sont également réputés pour leur excellence. Depuis dix ans, la Croatie choisit de reconquérir la réputation de ses vins, sacrifiée par la politique de Tito. L’ère de la surproduction insipide est révolue. Les productions de ces régions sont donc souvent plus soignées que quantitatives, ce qui explique en partie la notoriété plutôt faible de ces vins à travers le monde.
Les vignes de la région de Wachau
En Autriche, le Grüner Veltliner est très employé dans la Wachau, où il représente environ 90% de la production. Ce cépage blanc donne des vins très minéraux aux touches d’agrumes, il est devenu un incontournable du fait des vins de garde complexes qu’il produit. On y trouve également le Riesling, qui donne lui aussi de très beaux résultats. Le Neubeurger, cépage national, est également présent. Quelques rouges se distinguent, bien qu’ils ne dépassent guère 6% de la production locale. Ainsi, citons le résistant Zweigelt, supportant gelées et maladies. Les vignes se développent sur un sol partagé entre sable, gravier, lœss et sédiments déposés par le fleuve. Un peu plus loin, en Hongrie, la région de Tokaj est marquée par un sol volcanique, qui donne cette typicité aux vins. On trouve dans le Tokaj, le Furmint : très ancien cépage blanc ayant été importé en Hongrie au XIIe siècle. Très qualitatif, il est également représentatif du vignoble. Le Hárslevelú, blanc lui aussi, est également très employé. Moins sucré et moins apte à développer la pourriture noble que le Furmint, il est en revanche plus parfumé. De l’ancienne activité volcanique de la région résulte un sol à la géologie variée. Les collines protègent les vignes du vent. Les conditions sont parfaites pour favoriser la pourriture noble. En Croatie, la Slavonie dispose quant à elle d’une étendue impressionnante de cépages autochtones. On rencontre
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Terroirs et cépages
Pourriture noble
le plus fréquemment la Grásevina, un cépage blanc. Son nom vient de « grasak » qui signifie « petit pois » en croate. Il développe une belle acidité ainsi que des arômes de fruits exotiques. Il peut être botrytisé*. Au niveau des rouges, le Frankovka est présent. Certains cépages français sont également employés, comme le Merlot, le Pinot noir ou le Cabernet Sauvignon. Une couche sablonneuse et glaiseuse recouvre des roches sédimentaires. *Vin réalisé à partir de raisins atteints de pourriture noble, un champignon qui permet la production de vins dits surmûris.
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Les régions viticoles Avec ses 2 875 km de long, le Danube serpente l’Europe depuis l’Allemagne jusqu’à la Mer Noire, ne traversant pas moins de dix pays sur son passage.
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Depuis des siècles, la vigne s’épanouit autour du fleuve, donnant naissance à une grande diversité de vins blancs et rouges. Une infinité de microclimats se dessinent, lesquels donnent de nombreuses possibilités quant aux vins. Une destination idéale pour découvrir des crus très différents.
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En Basse Autriche (Niederösterreich), l’emblématique Wachau est incontournable pour les œnophiles. Sa beauté et son élégance légendaires évoquent sans conteste le fameux air de Strauss, d’autant plus que le Danube traverse la région et offre à la vigne un microclimat intéressant. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO,
Vignoble de la région du Tokaj
cette région est réputée pour ses vins, principalement des blancs secs caractérisés par une belle acidité et une grande minéralité. Ils sont fins et très parfumés. La région se concentre sur des productions très qualitatives : la plupart des récoltes sont effectuées à la main. En continuant vers la Hongrie, suivons l’affluent du fleuve, la Tisza : c’est dans le Tokaj qu’il convient de s’arrêter. La région est classée au patrimoine mondial de l’humanité. On y produit des vins doux et liquoreux de très belle garde, appréciés dans le monde entier. Les vins se caractérisent notamment par une propension
particulière à développer le botrytis cinerea, plus connu sous le nom de pourriture noble. Cela permet aux raisins de développer une maturité particulière, et rend possible les vendanges tardives traditionnelles dans la région. On raconte que cette technique fit son apparition lorsque les guerriers hongrois revinrent tardivement de combat. Ils trouvèrent alors sur les raisins un champignon particulier et inconnu. Ils décidèrent de vendanger malgré tout et eurent la surprise de finalement goûter un vin plus que réussi. Ainsi, les Hongrois revendiquent l’origine de la vendange tardive. On appelle le raisin botrytisé « aszu ». Il est ajouté en proportion variable au vin. Notons également que les vins hongrois sont dotés d’une résistance exceptionnelle aux maladies cryptogamiques. La Croatie n’est pas moins intéressante : il suffit de suivre le fleuve pour atteindre la Slavonie. Cette région produit les vins blancs les plus réputés de Croatie. Cela s’explique par la grande fertilité des terres entourant le Danube. La Baranja, Kutjevo, Djakovo ou encore Erdut sont à découvrir pour leurs vignes. On trouve beaucoup de « Grasevina », vin empruntant le nom de son cépage. Il révèle des arômes d’agrumes et de fruits blancs. La Slavonie est également réputée pour ses magnifiques caves à visiter. Les vins du Danube sont donc d’une diversité exceptionnelle. Les caractéristiques sont innombrables et de très belles découvertes sont à faire le long du fleuve. C’est pourquoi les cavistes français commencent à s’intéresser à ces vins assez peu consommés en France.
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Laurence Delacroix
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