Article Olivier Touron - Journal à Part 9

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PORTRAITS D’ARTISTES

extraordinaire à Cognac. La personne qui tient ça a fait une sorte de jeu de l’oie végétal à but pédagogique.

© Olivier Touron

“Journaliste positif”

Tu pars donc surtout sur des sujets qui te tiennent vraiment à cœur, des choses que tu défends personnellement ? C’est comme ça qu’on fait le meilleur travail. Ces sujets, je les connais bien, je les comprends donc je m’investis plus. J’aime aussi travailler sur des choses qui me surprennent, dans lesquelles je ne suis pas forcément à l’aise, mais si j’ai à choisir, je fais des choses qui me plaisent. Certains sujets m’intéressent sans forcément me placer dans des zones de confort. Ça peut être dans des endroits compliqués où je ne suis pas toujours bien reçu. J’aime bien apporter ma contribution. Dans les journaux on est obligé de résumer. Moi ce que j’aime, c’est aller voir un peu plus loin.

Olivier Touron

Depuis 2000, Olivier Touron parcourt tantôt le monde, tantôt la région pour immortaliser de son appareil personnes, situations et modes de vie. Le photographe journaliste réalise de nombreux reportages pour différents journaux et magazines comme le Monde, Pèlerin ou Géo. Attiré par des sujets forts, de société, il aime porter un regard, offrir l’information, inviter à la réflexion. Son engagement, souvent palpable à travers ses reportages, laisse transparaître un tempérament militant et humaniste. Bien que passionné par la photo depuis toujours, c’est dans les mathématiques qu’il démarre sa formation. À l’occasion d’un travail d’étudiant, son attrait pour l’image se confirme et il s’initie au métier de photographe journaliste. Toujours prêt à se lancer de nouveaux défis, il est auteur de différents livres et exerce également la fonction d’enseignant en master de journalisme.

2011 - Île de Pâques. Des pêcheurs sortent en mer.

© Olivier Touron

Parle-nous de ta façon de travailler. Dans mes enquêtes, mon activité c’est d’aller à la rencontre des autres, les regarder vivre, raconter tout ça en images et les faire poser. Je travaille beaucoup dans le Nord-Pas-de-Calais mais aussi sur la France et dans le monde entier. Souvent, ce sont des photos qui racontent des initiatives. Par exemple, j’ai suivi le Château de l’Yeuze, en Charente : une table d’hôtes

On sent un fort engagement de ta part. D’où cela te vient-il ? De ma jeunesse. J’ai une famille militante, j’ai été élevé dans des valeurs de fraternité, de solidarité, d’ouverture aux autres. C’est ça qui m’anime. Dénoncer c’est bien, mais je préfère les gens qui trouvent des solutions. On appelle ça un journalisme positif. Avant d’être journaliste, je voulais être prof et au fond c’est la même chose : transmettre un savoir, une compétence pour que chacun soit informé. Ça ne change pas forcément la situation : le journaliste ou l’artiste, il provoque. Après, les gens font ce qu’ils veulent.

© Olivier Touron

2013 - Lesotho. Un retraité devant chez lui avec sa couverture-costume dans la région de Quithing près de la vallée du fleuve Orange qui alimente l’Afrique du Sud.

Pourquoi une telle passion pour la photo ? La dimension de l’image est universelle, elle donne accès à des émotions. Le texte peut aussi être très puissant, mais ça implique de bien parler la langue, c’est plus élitiste. La photo peut être vue par n’importe qui. On ne comprendra peut-être pas tout mais on sera capable d’analyser, d’interpréter, d’apprécier. Après, c’est le rôle de la légende, avec le contexte, d’amener une deuxième lecture plus orientée. Si en plus il y a #9 - LE JOURNAL À PART

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© Olivier Touron

2013 - Lesotho. Lac de retenue d’eau du barrage de Katse.

Quelle direction aimerais-tu donner à ton travail dans l’avenir ?

un texte qui accompagne, on peut revoir l’image une troisième fois. C’est ça qui est génial avec une photo : elle est riche !

J’aimerais lui donner plus de sens, travailler sur des choses plus longuement. Je développerai plus des collaborations dans la région avec des entreprises ou des entrepreneurs intéressés par ma façon de photographier. Sinon j’aimerais exporter plus mon travail à l’international. J’essaie aussi de développer l’association d’images fixes avec du son. Après une conférence là-dessus, j’ai été contacté par les réseaux de distribution d’énergie électrique. Ils m’ont demandé de faire un reportage pour leur entreprise sur une semaine autour de l’écologie.

Quels sont tes projets en cours ? Là je finis une séquence sur la Tunisie. J’ai aussi beaucoup travaillé en région sur des sujets de société. À côté je fais d’autres reportages plus légers : la découverte d’une région, du paysage, des reportages industriels, de la gastronomie avec des photos pour découvrir… Sinon, avec notre association de photographes, on est en train de mettre en place une application permettant de faire des feuilletons photographiques sur abonnement. On essaie de recréer une économie de l’image en allant directement au lecteur.

Quel est ton meilleur souvenir dans ton métier ? C’était en 2004, au Kurdistan. Je vois arriver une troupe de soldats kurdes qui portent un cercueil pour l’enterrer. C’est mon meilleur souvenir parce que j’avais commencé ce reportage en 1999 et on n’avait pas réussi à aller jusqu’au bout du projet. J’ai continué à essayer d’y aller. Et là, j’avais réussi. Cette série d’images est très importante pour moi. Je me suis dit que ça valait le coup d’être pugnace, de ne pas lâcher prise. Ça m’a permis de passer sereinement à autre chose. Ce n’était pas simple : photographier une inhumation, c’est toujours compliqué. Un très grand moment, particulièrement fort.

2015 - Écosse. Traversée des highlands avec le Belmond Royal Scotsman.

© Olivier Touron

Quel matériel utilises-tu ?

Après des années de carrière, quelles évolutions constates-tu par rapport à tes débuts ? Aujourd’hui, les gens connaissent mes compétences, je suis dans les différents réseaux et carnets d’adresses. Par contre il y a toujours autant de difficultés pour trouver des diffuseurs car on est assez nombreux. Il y a toujours un grand travail à faire pour mettre en avant ses réalisations. Il faut trouver de nouvelles idées.

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LE JOURNAL À PART - #9

Je suis ambassadeur Leica. Parfois j’explique les choses que j’ai faites avec le matériel de la marque, je parle des avantages que ça me donne dans mon travail. Quelle est ta devise ? « L’optimisme encourage l’audace d’avoir de l’espoir ». Il faut être positif pour oser espérer encore, ne pas être défaitiste. Continuer à voir le bon côté des choses tout en étant conscient.

www.oliviertouron.com Propos recueillis par Olivia Lecocq & Laurence Delacroix


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