Chapitre 11 : Emma capitule... enfin! Mary-Margaret et David ne pouvaient porter aucune conclusion hâtive quant aux explications d'Emma sur le début de soirée passée chez Regina. Cependant, Blanche tentait de voir la situation sous un nouvel angle : — Quoi que nous en disons, nous devrions peut-être nous en tenir aux faits. — Le seul fait indéniable, fit Emma, c'est que Regina s'est réveillée plus folle qu'elle ne l'était avant. — Tu es dure avec elle, dit Blanche. Tu oublies qu'elle t'a sauvé la vie, qu'elle s'est interposée entre Cora et toi et qu'elle ne laissera personne faire du mal à Henry. — Blanche a raison, intervint David Emma se trouva perturbée d'entendre ses parents prendre le parti de Regina, même s'ils avaient raison. — Alors vous la défendez maintenant ? — Sans parler de la défendre, nous admettons que tu ne serais peut-être pas auprès de nous sans elle, expliqua David. Nous ne pouvons l'accuser de t'avoir sauvé ! — Peut-être devrais-tu considérer que Regina pourrait devenir un atout contre Cora, ajouta Blanche après en avoir si longuement parlé avec David. — Ok... En clair, vous me demandez de me servir d'elle ? questionna Emma. — Pas exactement, intervint Blanche. Ne nous fais pas dire ce que nous ne pensons pas. Mais tu pourrais faire preuve
d'un peu plus d'indulgence à son égard, lui laisser une chance de nous montrer qu'elle peut être de notre côté. Emma était déboussolée. Un sourire nerveux dessina ses lèvres. — Mais je ne peux pas accepter ses avances, conclut-elle le rouge aux joues. Blanche rectifia, les yeux grands ouverts, aussi gênée que sa fille : — Mais... Mais non ! Non non ! Il n'a jamais été question de cela. Emma se remerciait de s'être abstenue d'énoncer ce qui s'était passé dans la cuisine et l'avis de sa mère la perdait davantage dans les décisions qu'elle devait prendre. Au fond d'elle, Emma entendait encore résonner les paroles de Gold : "Vous ne pouvez admettre de grandes vérités s'il vous est plus simple de croire en de petits mensonges ! ". Alors Emma redoutait de croire en la possibilité que Regina soit sincère, qu'elle fasse des efforts pour être meilleure. Henry lui faisait confiance, pourquoi n'y parvenait-elle pas ? Pourquoi était-elle constamment sur la défensive ? Que craignait-elle si elle laissait à Regina le bénéfice du doute ? Plus celle-ci faisait des efforts, plus Emma était dure à son égard. Mais plus que tout, ce qui s'était passé dans la cuisine, ce qu'elle avait ressenti sur l'approche de Regina lui avait, sans aucun doute, flanqué la peur de sa vie. Emma savait réagir à un coup de poing, à un sort capable de l'expédier contre un arbre. Mais le regard brun de Regina, l'attention qu'elle lui avait portée, Emma n'était pas armée pour affronter cela... A huit heures vingt, Regina se gara sur le parking de l'école d'Henry et l'embrassa avant qu'il ne rejoigne le bâtiment. Elle s'apprêta à redémarrer mais entendit frapper à sa
2
fenêtre. Mary-Margaret se tenait debout et lui faisait signe. Elle baissa la fenêtre dans un mécanisme automatique. — Que voulez-vous mademoiselle Blanchard ? demanda-telle sèchement. Blanche se moquait éperdument du ton que pouvait prendre Regina à son égard. Elle connaissait si bien les raisons de sa méchanceté qu'elle était davantage compatissante que rancunière. — Je n'ai pas eu l'occasion de vous remercier pour avoir sauvé Emma. Je tenais à le faire, vous n'étiez pas obligée de vous opposer à Cora et vous l'avez fait. Regina la toisa et reporta son regard en face d'elle, hautaine. — J'ai fait ce que je devais faire, répondit-elle avec une évidence déconcertante. — Quoi qu'il en soit, j'ai une dette envers vous... Regina ne répondit pas sur l'instant et ne prit pas la peine de regarder Blanche Neige malgré son ton cordial. Ce fut quand elle s'éloigna que Regina sortit finalement de sa voiture en réalisant cette "dette" qui pourrait jouer à son avantage. Elle l'interpella : — Mademoiselle Blanchard ? La concernée se tourna et vit la Reine approcher, toujours aussi élégante et froide dans un pantalon tailleur noir hors de prix sur lequel tombait une veste assorti. — Vous dites avoir une dette envers moi, répéta Regina dont l'information n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde. — Dans la mesure de mes moyens, oui, répondit Blanche.
3
Regina prit une courte pause, mesurant le sérieux de l'offre de sa meilleure ennemie. — Alors parlez à Emma. Dites-lui que j'ai changé, dites-lui... Elle hésita un instant et reprit, plus calme : — Dites-lui que je ne lui veux aucun mal et que seul son bonheur et celui d'Henry m'importent. De tels mots semblaient surréalistes des lèvres de la Reine. Celle-ci avait l'air franc et Blanche constatait cette étincelle nouvelle de sincérité dans son regard. David ne la croirait pas quand elle le lui raconterait. Cette même Reine qui avait voulu les tuer, tuer l'enfant qu'elle avait eu avec Charmant, lui promettait aujourd'hui de protéger sa descendance... — Je lui dirai, dit-elle enfin. Vous pouvez compter sur moi. Regina se sentit mal à l'aise, peu habituée à ce genre de conversation. Sans rien ajouter et ne pas dévoiler ses faiblesses elle retourna vers sa voiture et reprit la route. Si Blanche Neige s'engageait à parler à Emma et parvenait à la convaincre de ses bonnes intentions, alors ce serait à Regina de lui être redevable. Emma s'arrêta net dans le commissariat quand elle trouva Regina assise sur le bureau, les jambes croisées sous sa jupe, l'un de ses talons haut frôlant à peine le parquet du sol. Elle préféra faire abstraction à sa tenue aguicheuse et avança vers l'office tout en ôtant son bonnet et son écharpe grise qu'elle y posa. — Qu'est-ce que vous faites là ? demanda-t-elle aussitôt. Regina ne l'avait pas quittée des yeux dès son entrée dans les lieux. Emma avait-elle seulement conscience de la façon dont elle la regardait à chaque fois qu'elles se voyaient ? Elle lui tendit un gobelet chaud.
4
— Je t'ai apporté un café. Emma le prit, bien que son expression se voulait toujours accusatrice. — Merci... Mais est-ce que ça serait trop vous demander d'arrêter de me tutoyer ?! Regina décroisa les jambes et se leva, face à Emma qu'elle dominait à peine un peu du haut de ses talons. De nouveau, elle retrouvait avec elle cette proximité ambigüe qui la consolait de tant de distance imposée depuis son réveil à l'hôpital. — Pourquoi j'arrêterais ? demanda Regina sans la quitter des yeux. Qu'est-ce qui te gêne tant dans le fait que je te dise "tu". Emma ne pouvait s'empêcher de soutenir son regard comme si Regina la défiait de le faire et, à nouveau si proches, les fragrances de ses parfums féminins lui parvenaient, contrastant dans leur douceur l'image qu'elle s'efforçait d'avoir de la grande Méchante Reine. — C'est familier ! accusa-t-elle. — N'est-ce pas ce que nous sommes pour Henry ? Une famille ? Regina se consolait d'un constat agréable, Emma ne se reculait pas pour l'instant. Sa voix se baissa, plus douce : — S'il te plaît, garde tes "vous" pour Gold ou les autres habitants de Storybrooke. Elle se pencha à son oreille et effleura le bout de ses lèvres sur son lobe : — Mais pas pour moi...
5
Cette fois, Emma avait perçu une douce et troublante sensation chaude s'emparer d'elle, diffuse et intense à la fois mais elle réalisa trop tard que Regina s'était reculée et partait déjà en la plantant là sans rien ajouter. Elle se reprit, le gobelet de café entre les mains. Que venait-il de se passer pour qu'elle perde à ce point le fil de ses pensées ? D'un pas pressé, elle quitta la pièce et rattrapa Regina qui s'apprêtait à sortir : — Hé ! Attendez. Regina se tourna, sa main maintenant la porte ouverte par le chambranle. — Je ne te répondrai plus tant que tu ne me diras pas "tu". Et en la voyant partir, Emma n'eut d'autre choix que d'obéir : — Regina ! Attendez bon sang ! Elle se reprit : — Ok, attend ! Elle descendit les quelques marches menant au porche en constatant que la Reine la regardait à nouveau et l'écoutait. Elle avoua : — Je suis prête à poursuivre la trêve d'Henry... Mais à mes conditions. — Tes conditions ? s'étonna Regina. Et quelles sont-elles. En réalité, Emma y avait réfléchi un longue partie de la nuit, notamment à cause de la conversation partagée avec ses parents la veille. Si effectivement Regina pouvait les aider, elle se devait de faire des efforts de son côté. Quoi qu'il lui en coûtait, le but unique de cette trêve était de sauver les
6
habitants de Storybrooke face à Cora. Elle n'était pas là pour y trouver son intérêt ! — Vous... Non... Tu m'aides à retrouver Cora, à connaître ses plans, à la renvoyer d'où elle vient et... — Qu'est-ce que j'y gagne hormis une courte accalmie dans ta mauvaise humeur à mon égard ? l'interrompit Regina d'un air provocant qui lui fit se demander si elle ne le faisait pas exprès pour l'énerver à nouveau. — Et bien... Ma gratitude et ma reconnaissance éternelle, répondit Emma avec un ton évident. Regina laissa s'exprimer un petit rire mêlé d'amusement et d'ironie. Elle ne répondit pas et sortit finalement pour marcher vers sa Mercedes. Emma courut à sa suite après que Regina se fusse installée derrière le volant et la fit baisser la vitre : — Très bien, qu'est-ce que tu veux ? demanda Emma. Regina la regarda d'un air tout aussi évident que le sien : — Un dîner. Sans mauvais jeu de mot, Regina remettait ça sur la table, se disait Emma. — Quand ? — Ce soir, sept heures. Un tête à tête rien que toi et moi. Emma n'en revenait pas : — Pourquoi tu y tiens tant ? — J'ai mes raisons. Emma devait se raisonner. Un dîner n'avait rien de si terrible qu'elle voulait s'en convaincre, même avec la 7
Méchante Reine. Regina ne lui demandait pas de se jeter du haut de l'horloge de Storybrooke ou de tuer quelqu'un ! — C'est d'accord. Sept heures, je serai chez toi. — Parfais Miss Swan. A ce soir... Emma se redressa et vit la Mercedes de Regina s'éloigner sur l'avenue principale. La Reine avait gagné, encore... Emma avait plié en acceptant ce rendez-vous. Un "rendezvous", avec Regina Mills se répétait-elle intérieurement.
Chapitre 12 : reddition Plus Emma voulait se hâter pour en terminer avec ce foutu dîner, plus elle prenait du temps pour s'habiller. Le sort qui touchait Regina l'avait-il affectée aussi ? Etait-ce contagieux ou était-elle seulement victime d'une très mauvaise blague ? En y songeant, elle s'énervait davantage. Si, par hasard, Regina s'amusait à la faire tourner en rond pour mieux l'humilier et gagner à la fin, jamais la Reine ne s'en remettrait ! Emma le jurait sur tous les Dieux auxquels elle ne croyait pas vraiment. Agacée, elle ôta le dernier jeans essayé dans des gestes brusques et le jeta sur le lit où s'entassaient une pile de vêtements. Pourquoi même réfléchir un seul instant à la tenue ? Ce dîner n'avait aucune sorte d'importance et sa présence autour de la table ne s'expliquerait que par la volonté de sauver les habitants de Storybrooke. Après tout, n'était-ce pas le rôle de la Sauveuse ? Blanche entra dans la pièce et remarqua quelques une de ses affaires entassées parmi celle de sa fille. — Mais... Que... Qu'est-ce que tu fais ? 8
Emma sursauta un peu devant son armoire. Sa mère ne pouvait pas moins bien tomber ! — Le tri, répondit-elle aussi sec. Elle ramassa les quelques habits sur le sol et poursuivit : — Je fais du tri... Dans mon armoire. Parce que jamais, elle n'avouerait chercher une maudite tenue pour ce dîner invraisemblable. Elle posa la boule de linge sur le lit avec le reste et repoussa ses cheveux blonds en arrière avant de tourner les yeux vers sa mère. — Je range... Ca m'aide à réfléchir. Mais Blanche ne fut pas dupe. Elle savait discerner les vaines tentatives de sa fille lorsqu'elle voulait dissimuler une chose importante. — Ca t'aide à réfléchir ? la questionna-t-elle, dubitative, et tu réfléchis à quoi ? Ses mains sur ses hanches, Emma leva les sourcils dans un air volontairement neutre et évident : — A Cora... A ce qu'on va devoir faire pour la trouver et la renvoyer chez elle. Bras croisés, Blanche l'observa un instant, toujours en proie à des doutes et des interrogations au sujet de sa fille. Elle se rappelait ses propres mots au sujet de Regina, ses arguments en faveur de la Reine et de cette situation dans laquelle elle se trouvait. — Est-ce que tu es sûre que c'est tout ce qui te tracasse ? — Absolument, répondit Emma sans vaciller, Cora reste ma priorité numéro un.
9
Ses derniers mots sonnaient davantage comme une justification à une remarque non formulée qu'à une simple réponse rassurante. Nullement crédule, Blanche n'y fit aucune allusion cependant et conclut : — Bien... Mais si tu veux en discuter, tu sais que nous sommes là... Sans autre explication, Blanche quitta la pièce et laissa sa fille seule au milieu de son soi-disant rangement. Finalement, debout devant la maison aux façades blanches immaculées de Regina, elle se décida à sonner. Vêtue d'un jeans noir, d'une simple chemise et d'une veste, sa tenue ne différait pas des autres jours et Regina comprendrait que ce dîner en tête à tête n'avait donc aucun fondement raisonnable. Regina ouvrit enfin et son regard se posa aussitôt sur Emma qu'elle détailla de la tête au pied. Elle n'était pas dupe de son air déjà faussement accusateur, détaché qui, malgré les tensions, continuait de la charmer. Pour l'occasion elle avait revêtu une longue robe noire dont le tissu, fendu sur sa cuisse, laissait entrevoir une jambe fine et élancée. — Tu es en retard Miss Swan... Comme d'habitude, se disait-elle intérieurement. Elle s'écarta pour la laisser entrer, mesurant que ce dîner était pour elle l'une des rares opportunités, voire la seule qu'elle aurait pour prouver à la Sauveuse que leur relation n'était pas fondée que sur certaines ambigüités. — Whisky sec ? suggéra-t-elle. — Ouais, je sens que je vais en avoir besoin. Regina sourit de toute la mauvaise foi dont Emma faisait preuve. Elle la contourna :
10
— Suis-moi, j'ai préparé l'apéritif au bar du salon. Emma la suivit. Devant elle, Regina jouait avec ses nerfs et elle le constatait à travers son déhanchement accentué dans sa robe trop moulante. Tellement moulante que ses yeux pouvaient entrapercevoir la courbe de ses fesses. Mais à quoi pensait-elle, bon sang ?! Regina était vraiment la pire des garces ! Voilà ce qu'était la Méchante Reine, mais les habitants de Storybrooke n'avaient pas vu ce côté-là qu'elle découvrait. Arrivée dans le salon embaumé de mille senteurs agréables de bonne cuisine, Emma demeura debout et ramena les mains dans ses poches pour démontrer son détachement. Elle prit le verre de whisky tendu par la Reine et en profita pour éclaircir deux ou trois choses plutôt que de se laisser piéger par de misérables suggestions perverses provoquées par le décolleté de la Reine. — Que les choses soient claires, commença-t-elle, je suis venue, uniquement pour faire plaisir à Henry... Parce que je ne vois pas ce qu'on aurait à se raconter vous et moi. Emma soutint le regard de la Reine qui ne dit rien et attendit encore une quelconque remarque qui ne vint pas ! Pourquoi Regina ne prenait-elle pas la peine de lui répondre ?! Quand elle comprit, son expression transparut un agacement évident et elle brisa donc ce silence volontaire : — TOI et moi ! reformula-t-elle pour rendre la parole à Regina. Ca vous va, comme ça ?! Mais sur ce nouveau vouvoiement, elle s'agaça davantage et s'emballa : — Non, mais c'est ridicule... On se croirait dans une cours de récréation et même Henry a passé l'âge de ce genre de jeu.
11
A aucun moment, Regina ne l'avait quittée des yeux autant que son léger sourire était gravé sur ses lèvres. Elle discernait autant de colère que de nervosité chez la Sauveuse, s'amusait de la voir s'emporter alors qu'elle-même demeurait calme et posée malgré son anxiété de la voir à nouveau quitter leur demeure. Emma se perdait seule dans ce petit jeu de tutoiement et de vouvoiement adorable. Il n'y avait pourtant rien de compliqué à lui dire "tu". Emma était d'ailleurs la seule personne à qui elle autorisait cette familiarité. Elle but une gorgée de son whisky glace et le reposa sur le bar d'angle du salon. — Je ne joue pas, dit-elle. Est-ce si inconcevable à tes yeux que nos rapports puissent dépasser les simples limites de l'amitié ? — Nous ne sommes pas amies ! répéta Emma avec conviction. — Que voudrais-tu ? se défendit Regina l'air naturellement plus dur. Que je réponde à tes sarcasmes ? Que je sois avec toi la Méchante Reine comme je le suis avec tout un chacun ? Que je complote contre toi pour t'empêcher de voir Henry ? Que veux-tu Emma Swan ? Emma fut prise de cours sur la série de questions. Revenaient alors les paroles de Blanche. Des paroles légitimes et logiques puisque en effet, Regina ne harcelait plus les habitants et qu'elle ne lui faisait aucun mal à proprement parlé. Et plus Emma réalisait s'emporter pour aucune raison valable, plus elle s'énervait. Elle but une longue gorgée de whisky afin de détendre ses muscles crispés, d'éclaircir ses idées. — Je veux que vous... Elle s'arrêta, prit une inspiration exaspérée et reprit :
12
— Que tu redeviennes la Regina d'avant ! Celle qui complotait, qui me jetait des reproches chaque fois qu'on se parlait ! Ca serait plus simple ! Et pour une fois, elle disait toute la vérité et rien que la vérité. — Au lieu de ça, vous êtes... commença-t-elle en la désignant de la main, l'expression désarçonnée. Elle se reprit pourtant : — Tu es... Gentille ! Ses sourcils se froncèrent dans une expression cette fois plus accusatrice : — Et tu m'as appelée Chérie ! Bon sang, tu passes du "je vais vous tuer" à "dîne avec moi en tête à tête, chérie" ! Comment tu veux que je réagisse ?! Regina fronça brièvement les sourcils et justifia : — Même quand j'étais la Méchante Reine, jamais je ne t'aurais tuée voyons ! Regina s'approcha d'Emma comme si leur proximité accentuerait la portée franche de ses propos. — Est-ce réellement ce que tu veux ? Est-ce là le seul moyen qu'il me reste pour que tu reviennes vers moi ? Emma gardait un air déboussolé et confus. Sur l'approche de Regina, sur ses paroles, elle dut l'interrompre et fit un pas en arrière : — Non... Parce que les paroles de sa mère ne cessaient de se répéter dans sa tête. Pousser Regina à redevenir ce qu'elle était serait trop risqué pour tout le monde, y compris Henry. Et celui-ci 13
avait déjà remarqué les changements notables de la Reine, ses efforts créés par son monde imaginaire qu'Henry ignorait. — Non, abdiqua-t-elle, c'est pas... C'est pas vraiment ce que je veux... Même si ça m'arrangerait et que ça éclaircirait au moins nos rapports. Devait-elle alors lui expliquer le sort qui la touchait ? Ce monde imaginaire qu'elle avait amené avec elle en sortant de son coma magique ? L'autre solution suggérée par ses parents lui semblait inconcevable, impossible, bien trop risquée... Elle respira profondément et osa tout de même demander : — Qu'est-ce que tu crois exactement ? Devant l'hésitation visible de Regina, elle reformula : — Je veux dire... Qu'est-ce que... Mais les mots avaient des difficultés à sortir et à aborder un sujet qui la touchait trop personnellement. — Qu'est-ce que tu crois que je suis ?... Pour toi... Qu'est-ce que... Elle détourna les yeux, de toute évidence, mal à l'aise : — Qu'est-ce que je suis censée faire ? Une fois encore, Regina l'avait observée, mesurant combien les choses étaient différentes de ce qu'elles étaient avant qu'elle ne se réveille à l'hôpital. Emma avançait, Emma reculait, Emma la laissait faire, Emma la stoppait... Selon Regina, la vraie question n'était pas ce qu'Emma était censée faire, mais ce qu'Emma voulait réellement. Emprise par tant d'hésitation et de confusion, la Reine ne savait plus comment s'y prendre. Peut-être que répondre à ses questions aussi honnêtement que possible lui ferait voir la 14
vérité en face... Elle détourna les yeux un moment, servit son verre de whisky et expliqua : — Tu n'es rien censée faire... Comment le pourrais-tu sans avoir le souvenir de ce que nous vivions ? J'ai bien peur que cette tâche me revienne. Elle but une gorgée et releva ses prunelles brunes dans celles de la Sauveuse. — Il y a encore quelques jours, toi, Henry et moi formions une famille, Emma. Nous vivions ici... Tout allait pour le mieux hormis peut-être le fait que nos parents n'acceptaient pas de nous voir ensemble. Cela, Emma le comprenait aisément. Elle-même avait déjà du mal à accepter ce que Regina venait de lui raconter, même si cette réalité n'était qu'une illusion sortit tout droit de sa tête de Reine. Elle but une autre longue gorgée de son whisky, le regard empreint de doutes et d'incertitudes. De toute évidence, Regina disait la vérité, sa vérité plus exactement. Son expression reflétait autant de sincérité que de nostalgie et cela aussi, Emma le remarquait, ce ne manquait pas de la troubler. Regina la mettait à la place de la Méchante avec son comportement gentil et tendre. Tendre ! Ce mot n'aurait jamais pu être associé à la Reine en d'autres circonstances et quelques jours plus tôt. L'alcool avait au moins le mérite de ralentir le rythme de ses réflexions insensées. Encore une fois, tout reposait donc sur ses pauvres épaules d'humaine. Parce que tout le monde s'évertuait à l'appeler la Sauveuse, chose qu'elle n'était pas. Si elle ramenait Regina à la vraie réalité de force, alors tout le monde en souffrirait, mais si elle jouait le jeu, alors... Son air esquissa une grimace mal à l'aise. Elle but une autre gorgée et détourna les yeux. — Ensemble, répéta-t-elle à voix basse, davantage pour ellemême que pour Regina.
15
Elle avala une autre gorgée de whisky et finit le verre d'une traite. Le regard peu enthousiaste sur Regina, elle demanda : — Et quand tu dis ensemble... Tu veux dire... Dans le même salon, là, comme maintenant ? Ou... Dans la même chambre ? Regina avait frissonné sur la tournure de la discussion et répondit d'un regard plus brillant : — Entre autre chose... Mais aussi dans le même lit... Emma faillit avaler de travers et toussa une ou deux fois pour faire passer la dernière goutte de whisky du bon côté de sa gorge. Cette fois, elle se resservit elle-même le verre. Des images de ce "même lit" circulaient maintenant dans sa tête et la rendaient plus nerveuse qu'elle ne l'était déjà. Pourquoi diable se mettait-elle dans un tel état ? Son corps, lui aussi, semblait lui jouer des tours et s'échauffait à l'idée d'un "même lit". Ou était-ce l'alcool tout simplement ? Bref... Elle devait retrouver son calme. — D'accord... se dit-elle pour se donner du courage. D'accord... Alors... Moi... Je dors dans le même lit... Avec vous... Elle se rattrapa sans tarder : — Toi !... Avec toi... Elle but une autre gorgée et détourna les yeux avant de commenter : — Tu m'étonnes que nos parents ne sont pas d'accord ! Regina la vit remplir son verre à nouveau, comprenant combien cette vérité troublait Emma qui cherchait un échappatoire à travers les verres l'alcool qu'elle ingurgitait. En cette seconde, elle aurait souhaité être dans sa tête blonde pour connaître le fil de ses pensées, réflexions et 16
analogies. Elle le sentait, Emma avait peur, émanait le même déni qui, dans ses souvenirs, avait rendu le début de leur relation si complexe. Regina devait-elle repasser par là pour conquérir à nouveau le coeur de sa Sauveuse ? Si seulement elle avait eu le choix... Car Regina avait cherché dans tous les livres de magie à sa disposition, dont celui que Rumplestilskin lui avait donné des années auparavant, sans trouver de sort de désillusion. Alors peut-être Regina devaitelle sauver Emma à son tour ? Car si elle assumait son rôle de Méchante Reine avec les autres habitants de la ville, Emma avait su voir en elle ce que Cora avait mis toute son énergie à détruire, autant d'amour que de douceur envers Emma. D'une main hésitante, elle lui prit son verre qu'elle posa sur le comptoir et dit d'une voix plus basse : — Tu ne devrais pas boire autant... Son regard remonta dans le sien le temps d'un court silence et elle ajouta : — Et sache que je me moque éperdument de ce que pense ma chère mère ou la tienne... Je ne veux ni le pouvoir, ni le pardon de quiconque. Je n'aspire qu'à une chose, que toi et Henry reveniez dans ma vie comme avant, que nous fondions à nouveau une vraie famille... Regina voyait le trouble d'Emma s'accentuer et son silence, son regard si perdu faisaient renaître toute sa nervosité. Elle fut pourtant assez audacieuse pour remonter sa main contre la joue d'Emma, sa paume retrouvant la douceur de sa peau d'une caresse de son pouce. — Votre absence m'est insupportable, dit-elle dans un murmure. Vous me manquez terriblement. Tu me manques terriblement Emma Swan... Emma demeura figée, paralysée par les gestes et les paroles bien trop troublantes de la Reine. Etait-elle en train de rêver ? L'alcool embrouillait ses réactions, les rendait lentes et 17
confuses. La température de son corps ne cessait de grimper, mais peut-être étaient-ce les effets de l'alcool ? Le regard de Regina devenait hypnotique et l'empêchait d'émettre la moindre objection. Elle jeta un coup d'œil sur le verre que Regina tenait et s'interrogea. Le frisson qui l'avait traversée sous la main baladeuse de la Reine éveillait des soupçons en dépit de son ébriété. Son recul restait tenace et sa méfiance, ancrée en elle. — Est-ce que... commença-t-elle, la voix plus basse, est-ce que t'as mis quelque chose... Dans mon verre ? Regina le savait : Le déni devenait la seconde nature du shérif qui s'efforçait même de croire que les émotions qu'elle ressentait n'étaient pas naturelles. Cependant, elle ne souhaitait pas gâcher cette soirée en sa compagnie, la première depuis son réveil. Elle reposa le verre et répondit en toute simplicité : — Pourquoi te droguerais-je pour obtenir tes faveurs au lieu d'utiliser un simple sort si je le souhaitais ? Mais sans attendre de réponse, elle lui présenta la table dressée dans le salon et deux bougies tamisèrent l'ambiance de la pièce par sa seule volonté. — Si tu as faim, nous pouvons passer à table, manger te fera du bien. Veux-tu que j'aille chercher le rôti ? Emma acquiesça, à moitié absente, confuse et troublée. L'alcool y était sûrement pour quelque chose, mais le comportement de Regina, sa façon de la toucher, de la regarder la perturbait davantage encore. Tout était la faute de la Reine de toute façon. Elle la vit s'éloigner vers la cuisine, la suivit des yeux... Des yeux qui s'égarèrent une fois de plus sur les courbes élancées de Regina. Emma secoua la tête et ôta sa veste. La température devenait même insoutenable. Ce dîner serait bien plus difficile à affronter qu'elle ne l'aurait pensé. Mais elle admettait que les senteurs 18
de rôti braisé, d'épices et de sauce lui ouvraient l'appétit. Elle s'approcha de la table parfaitement dressée, adéquate pour un tête à tête amoureux. Amoureux ? Et plus elle observait les couverts, les bougies, les serviettes pliées sur le côté des assiettes, plus elle devenait nerveuse. Elle prit la bouteille de vin et scruta l'étiquette. Ses sourcils se levèrent de surprise. Le vin venait de France et devait valoir quelques centaines de dollars au moins à en croire l'appellation. Quand elle entendit les talons de Regina claquer contre le carrelage, elle reposa la bouteille et tourna les yeux vers elle pour la voir approcher et installer le plat fumant et délicieusement odorant sur la table. Emma ramena ses mains sur ses flancs, puis les glissa dans les poches arrière de son jeans. Où les mettre était la bonne question en cette seconde. Elle se sentait comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Le moindre mouvement lui serait peut-être fatal d'une manière ou d'une autre. Elle s'assit sur la demande de Regina et se retrouva donc face à elle. Elle ne cessait de se rappeler les propos de sa mère, de rester indulgente envers la Reine et de jouer son jeu... Mais les règles se basaient uniquement sur le monde imaginaire de Regina... Elle prit la parole, harcelée par des questions au sujet de ce couple qu'elle était censé former avec la Reine. — Si toi... Toi et moi, on est... Ensemble... Mais qu'avant, on était comme maintenant... Je veux dire, qu'on ne s'entendait pas. Comment on a pu... Elle chercha le mot, en trouva une foule en y réfléchissant bien, mais aucun ne parvenait à franchir ses lèvres mal à l'aise. — ... se rapprocher ? finit-elle par demander. Regina ne put réfréner un petit sourire sur les souvenirs nés de cette dernière question. Elle prit soin de servir Emma qui semblait se radoucir malgré ses inquiétudes. Elle releva sur elle un regard à la fois malicieux et joueur :
19
— Dois-je te répondre en détail ? Emma fronça les sourcils sur cette question inutile. Y avaitil en plus des détails à donner ? Elle n'osait imaginer, mais sa curiosité et l'alcool aidant la fit répondre : — Tout dépend les détails... L'expression de Regina transparut tout son amusement, le reflet dans ses yeux noirs plus séducteurs que jamais. — Tu es plutôt insatiable et très demandeuse quand nous… — Stop ! l'interrompit Emma sans tarder. Sa tête venait d'être assaillie par une foule d'images. Trop d'idées lui traversaient l'esprit en cette seconde et envisageaient la suite de la phrase. Emma devait se forçait à garder son sang froid, mais comment le pourrait-elle ? L'alcool, le regard de Regina, sa voix lorsqu'elle lui parlait, accentuaient son trouble. Tout était de la faute de Regina. Elle but une gorgée de vin et reprit : — Je veux juste savoir ce qui m'a fait passer de froide à... Elle réfléchit un instant, peu certaine. — « Insatiable » ! Regina avait très bien compris qu'Emma voulait connaître les prémices de leur approche, la façon dont elles avaient franchi le cap de la haine à l'amour. Elle goûta son plat, apprécia les saveurs sur son palais et reprit son sérieux. — C'est arrivé après que nous ayons arrêté ma mère quand elle a tenté de détruire Storybrooke pour nous renvoyer d'où nous venions. Elle avait découvert la pierre magique permettant la destruction de la ville et avait enclenché son compte à rebours. Pour te sauver et sauver Henry je t'ai dit
20
de fuir la ville, le temps pour moi de canaliser l'énergie de la pierre. Un petit sourire dessina ses lèvres. — Mais tu es restée. Ta magie et la mienne ont suffi à stopper le processus, à sauver Henry et les habitants de Storybrooke… Le soir même, tu es venue me voir, on a discuté et tu m'as embrassée… Emma demeurait perplexe et ses sourcils froncés le prouvaient. Son regard sur la Reine, elle tentait d'imaginer son récit, d'y associer des images. Ses souvenirs n'étaient pas les mêmes. Ils s'éloignaient de la réalité de Regina... Elle but une autre gorgée. Peut-être l'alcool calmerait l'afflux de pensées, de suggestions en tout genre. Son esprit fonctionnait en mode autonome et lui présentait des possibilités inconcevables, des éventualités impossibles à assumer. L'alcool avait lâché la bride raisonnable et laissait libre cours aux élucubrations... Le vin, associé au whisky aidait à assimiler, écouter, envisager et imaginer... Il était le fruit de tous les dangers et Emma le savait au fond d'elle. Comment s'en défaire ? Le cercle vicieux était plus vicieux que son nom... L'alcool l'apaisait mais la poussait vers un chemin périlleux, allant à l'encontre de ses valeurs, de ses croyances. Etait-ce la magie ? Le monde imaginaire de Regina, ce monde tout entier dans lequel elle était tombée depuis son arrivée ici ? Autrefois, elle avait pensé que rien n'arrivait par hasard, que tout était pensé, que tout évènement avait un fondement. Mais elle ne voulait plus le croire désormais... Avec la magie, tout devenait trop confus et certain à la fois. — Je t'ai embrassée... répéta-t-elle pour essayer de le croire. Elle secoua la tête et garda un regard incrédule sur Regina : — Je t'ai embrassée ? Comme ça ?
21
Elle jeta un œil sur son assiette que Regina avait remplie de bon rôti, mais son esprit ne voulait pas se défaire de ses interrogations. Elle poussa quelques haricots verts du bout de sa fourchette et reprit : — Et après ? Elle releva les yeux sur elle. — Tu ne t'es même pas demandée pourquoi je faisais ça ? Tu ne t'es posée aucune question ? Si j'étais folle ou si j'étais sous l'influence de la magie ou je ne sais pas, moi... Tu t'es laissée faire ? Quelques frissons avaient parcouru le corps de Regina en songeant aux jours suivants. Cependant, Emma Swan n'était sûrement pas prête à en entendre le récit. Dire qu'elle s'était « laissée faire » était un doux euphémisme car dans ses souvenirs, Regina avait fait bien plus que répondre à ce baiser dont le rappel lui brûlait les lèvres et ravivait tous ses désirs à l'égard de la Sauveuse. Regina comprenait qu'Emma tentait vainement de trouver des excuses à un comportement inenvisageable et répréhensible. — Pourquoi t'aurais-je repoussée ? dit-elle en seule réponse aux nombreuses questions d'Emma. Pour Emma, l'évidence était telle que Regina aurait pu répondre à sa propre question. — Parce que tu es la Méchante Reine ! Parce que tu n'es pas censée te laisser faire... Dans ses multiples suggestions, Emma fronça les sourcils en réfléchissant à ce fameux baiser et poursuivit : — Parce que je suis une femme et que toutes les femmes n'aiment pas les femmes... Parce que tu es contre l'amour, le bonheur et la joie... Tu es la méchante et moi, la gentille.
22
Dans les histoires, la Méchante Reine ne se laisse pas embrasser par le gentil Prince. Emma s'arrêta dans son élan et secoua la tête pour refuser ses propres analogies. Renier la sensation que pouvait procurer un baiser avec Regina. Elle piqua ses haricots vers du bout de sa fourchette dans un geste agacé et reprit encore : — Après blanche-neige, le chaperon rouge et Cendrillon, c'est quoi ? Romeo et Juliette version Storybrooke ? Elle leva les yeux sur Regina. — J'ai juste du mal à croire qu'avec ton caractère et ta cruauté, tu aies pu... ... Me désirer ? Cette suite échauffa l'esprit déjà dérangé d'Emma. Une fois de plus, les mots ne parvenaient pas à franchir ses lèvres. — ... Me laisser faire... Ces emportements de la part d'Emma n'avaient rien de réjouissant, mais la Méchante Reine en question n'en tiendrait pas rigueur. Elle avait eu l'habitude d'obtenir ce qu'elle voulait, peu importaient les barrières qu'on lui imposait. Elle but quelques gorgées de vin rouge, reposa son verre et répondit : — N'est-ce pas ce que Henry appelle un "happy ending" miss Swan ? Emma eut un sourire nerveux sur ce rappel de la part de Regina. En effet, Henry était sûrement le plus grand optimiste de la terre. Il croyait à des fins heureuses en dépit d'une réalité bien plus sombre que ses contes de fée. Le problème était que le "happy ending" en question impliquait d'être en couple avec Regina, d'être ensemble dans le "même lit". Ce nouveau rappel lui échauffa les joues. Elle 23
s'en agaçait, se voyait réagir et tomber dans le piège de Regina. Mais effectivement, la Méchante Reine n'étant plus si méchante serait une fin heureuse comme celles qu'Henry affectionnait. Elle mâcha sa bouchée de rôti, la tête pleine de pensées aussi déroutantes qu'inimaginables et fronça les sourcils sur l'une d'entre elles. Sa méfiance envers Regina demeurait tapie au fond de son cerveau, comme un vieux réflexe. Elle tentait d'assembler les morceaux de ce puzzle que l'histoire de la Reine représentait. — Et pourquoi tu m'appelles Miss Swan, si toi et moi, on est... Ensemble ? Regina eut un petit sourire malicieux sur cette autre question. — Certaines habitudes demeurent… Emma se demandait quel genre d'habitudes, Regina et elle pouvaient avoir dans la tête de Regina. En dehors de se jeter des remarques, des reproches, des accusations ou des regards de mépris, elle n'en avait aucune avec la Reine. En réalité, plus Regina lui parlait, plus sa curiosité était piquée. C'était aussi cela qui l'agaçait. Se voir ainsi intriguée par le monde imaginaire de Regina. — Alors on se dispute toujours autant ? Ca, c'est plus facile à croire. Des disputes dont Regina gardait le souvenir, surtout quand certaines amenaient à des réconciliations délicieuses. Elle posa sa serviette sur le côté et répondit : — Je n'ai jamais dis que notre relation était simple… Elle se leva : — Je vais chercher le dessert.
24
Une fois de plus, le regard d'Emma s'attarda sur la silhouette de Regina qui s'éloignait vers la cuisine. Elle poussa un profond soupir et se força à reprendre ses esprits. L'alcool bridait ses vaines tentatives de raisonnement. Elle but pourtant une autre gorgée de vin. Le repas était bon, même très bon, mais elle ne l'admettrait jamais devant la Reine. Si relation il y avait, il était certain qu'elle devait être très compliquée. Quand Regina revint, elle demanda sans tarder sur une autre de ses pensées : — Et tu t'amuses toujours à menacer les habitants de Storybrooke ou tuer de pauvres gens pendant que j'ai le dos tourné ? Comment ça se passe de ce côté ? Regina posa la tarte aux pommes sur la table. Elle n'appréciait qu'à moitié ces autres questions, peu importait ce qu'elle faisait. Elle servit les deux assiettes et se rassit à sa place. — Je te rappelle que je n'ai jamais tué personne, s'enquit-elle de préciser. Je blesse, je menace et j'endors, je te l'accorde. Mais je ne tue personne. Emma avait remarqué l'embarras que ses questions provoquaient à Regina. Une nouvelle découverte sur la Reine qui n'avait jamais semblé ainsi dérangée jusque là. Regina allait même jusqu'à se justifier. Plus le temps passait, plus Emma réalisait la sincérité dans ses regards sur elle, ses réponses. Henry avait raison de répéter que la cuisine de sa mère brune était excellente. Emma en avait un aperçu très clair en goûtant la tarte. Regina marquait encore un point avec sa réponse. — Tu vois ? C'est là où j'ai du mal à croire qu'on soit ensemble...
25
Bien sûr, la vérité ne plaisait pas à Miss Swan, se disait Regina. Elle goûta sa tarte, son regard sur la blonde. Que pouvait-elle répondre à cela de toute façon ? Emma contredisait ou contre-argumentait chacune de ses réponses. Elle répondit avec autant d'évidence : — Tu ne croyais pas plus en la magie… Henry avait raison de répéter que la cuisine de sa mère brune était excellente. Emma en avait un aperçu très clair en goûtant la tarte. Regina marquait encore un point avec sa réponse. — Alors selon toi, j'aurais oublié que j'étais avec toi ? Ou on est tous devenus amnésiques et tu es la seule à ne pas avoir été touchée ? Regina détourna les yeux. Bien sûr, Miss Swan lui rappelait une évidence qu'elle ne pouvait nier. Elle fronça les sourcils : — Je ne sais pas. Emma ne comprenait pas comment le sort qui touchait Regina fonctionnait. Mais au moins, celle-ci semblait ne plus en vouloir à la terre entière et menacer chaque personne autour d'elle. En plus, Emma voyait maintenant l'expression désorientée de la Reine. Une émotion étrange venant d'elle, mais bien réelle en cette seconde. Après un cours silence, Regina jugea préférable d'inverser les tendances de leurs conversations et tenta dans un sourire : — Nous pourrions aller faire du cheval demain avec Henry ? Mais elle se reprit : — Ou autre chose si tu préfères. 26
Emma eut un instant d'hésitation. D'abord le dîner, puis cette sortie proposée par Regina. Henry serait sûrement heureux de passer du temps avec elles, mais Emma n'avait pas pour habitude de passer le sien en compagnie de la Méchante Reine. — Je sais pas... répondit-elle, perturbée... Je suis jamais montée à cheval. — Je pourrais t'apprendre, répondit Regina avec un air plus enthousiaste. Emma leva les sourcils devant un tel engouement de la part de la Reine. Etre témoin de pareils changements dans son comportement la perdait davantage. Un sourire étira ses lèvres mais il fut nerveux et dérouté. — Je sais pas si c'est une bonne idée... Mais si tu veux qu'Henry t'accompagne, je te l'amènerai. Le regard de Regina transparut sa déception bien qu'elle ne dut plus s'étonner de tout le recul de la part d'Emma. Que devait-elle dire, que devait-elle faire pour gagner sa confiance, lui ôter ses a priori ? Car si Emma disait vrai, personne ne croyait en elle, sa vie considérée comme une illusion. Dans un sens, les actes signifiaient plus que les mots, Regina le savait. Le dialogue n'était donc plus une priorité. — Bien, si tu n'y vois pas d'inconvénient et s'il le souhaite, nous irons en balade tous les deux. Emma acquiesça d'un signe de tête. Laisser Henry aller avec Regina pour cette balade à cheval était déjà un premier pas, un premier effort. Si sa mère avait raison, alors Regina ne chercherait plus à blesser quiconque en ville si elle mettait de l'eau dans son vin. Maintenant, le silence retombait et son malaise revenait. — C'était très bon... tenta-t-elle, le dîner... 27
Elle posa la serviette sur la table et se leva. — Il va falloir que je rentre... L'alcool lui faisait tourner la tête et elle préférait encore se réfugier chez elle. Au moins, elle aurait le temps et assez de solitude pour réfléchir à ce moment avec Regina. Celle-ci se leva à contrecœur, mesurant que dans les prochaines secondes, Emma s'éloignerait d'elle… encore. Elle la vit enfiler sa veste et la raccompagna jusqu'à la porte. — Je suis heureuse que tu sois venue… Emma fit passer ses cheveux blonds par dessus le col de sa veste et se tourna vers Regina. Elle tenta un sourire en dépit de son malaise qu'elle savait visible. La main sur la poignée, elle ouvrit la porte. — J'avais dit que je viendrais, répondit-elle. Alors... Je t'amènerai Henry demain matin, vers neuf heures... Regina la vit passer le palier, se retrouver en haut des marches de sa demeure, un éloignement trop soudain qui lui fendit le cœur. Comment pouvait-elle se résigner à la laisser partir ainsi, une énième fois, sans savoir quand elle la reverrait ? Les actes pensait-elle… Les actes signifiaient plus que toutes les paroles. Alors sans un mot, la Reine ramena ses mains sur les joues d'Emma et ses lèvres vinrent effleurer les siennes dans un doux baiser qu'elle appuya. La perception de ce contact, de cette saveur retrouvée soulagea un bref instant le manque de la Sauveuse auprès d'elle. Elle se recula, son regard brun plus pétillant que jamais dans les prunelles bleues du shérif. — Fais attention à toi en rentrant, fit-elle d'une voix plus basse. Emma demeurait paralysée, clouée au sol sur le porche d'entrée. Regina venait de l'embrasser et tout son corps 28
s'était réchauffé subitement. Pourquoi avait-il aussitôt réagi ? Les parfums de la Reine lui semblaient bien trop agréables et enjôleurs autant que le regard qu'elle lui offrait en cet instant. Le trouble grandissait et Emma se retrouvait de plus en plus démunie. Elle savait répondre à une attaque ou une agression de la part de Regina, mais comment répondre à un baiser ? Plus qu'un problème, une très mauvaise augure était qu'elle avait aimé. Et plus elle refoulait cette vérité au plus profond d'elle, plus forte elle revenait. Le sort qui touchait Regina était-il contagieux ? Elle détourna les yeux, craignant d'être bien trop affectée et dévala les marches avant de s'éloigner d'un pas fuyant. Parce que plus vite elle rejoindrait son appartement et ses repères, plus vite elle retrouvait le contrôle des choses. Regina referma la porte, consciente qu'Emma venait littéralement de s'enfuir. Mais elle retenait cette brève étincelle dans son regard. Il n'y avait pas eu de remarque piquante, de reproche, de réaction accusatrice. Mais la reverrait-elle ou venait-elle de faire une erreur ?
Chapitre 13 : Sorties en famille La chaleur, le souffle, l'obscurité à peine tamisée par la lune formaient un tout incontrôlable. Plus de pensée, plus de réflexions, seulement des émotions, du plaisir passionné. Une folie pure et agréable l'envahissait et Emma devenait spectatrice des évènements. Un regard revenait, croisait le sien, brun pétillant, hypnotique. Des lèvres s'emparaient des siennes dans de doux baisers tendres et langoureux à la fois. Elles venaient, attisaient son désir et repartaient ensuite. Mutines, elles se plaisaient à se poser à quelques endroits sensibles de son corps, quelques recoins dénudés. Une voix sensuelle et chaude accompagnait ses soupirs, glissait au creux de son oreille. Le velouté d'une peau féminine 29
caressait ses mains, comblaient ses paumes, occupaient ses doigts vagabonds. Sa tête tournait encore. L'alcool avait pourtant disparu, tout comme ses doutes et son recul. Pourquoi se livrer ainsi ? Le plaisir, les frissons, l'intensité de l'étreinte bridaient la moindre tentative d'évasion. Fuir ? Il n'en était plus question désormais. Dépendante, elle devenait de cette femme dans ses bras, tout contre elle. Fiévreuse, elle succombait à chacun de ses mots susurrés, à chacune de ses caresses. Le mal prenait alors la forme d'une femme irrésistible, au regard pénétrant et se morphait en un moment de pur bonheur. N'existait alors qu'un seul et même camp : ce lit dans lequel l'amour seul s'exprimait à travers leurs gestes. Un sursaut l'arracha à son rêve et Emma se redressa sur son lit. Sa chambre plongée dans le silence soudain ne dissimulait personne d'autre qu'elle seule. Ses sourcils froncés, elle tourna les yeux sur le côté, ramena sa main dans ses cheveux humidifiés par la transpiration. Qu'avaitelle fait ? Regina hantait ses nuits maintenant, ses rêves érotiques... Sa respiration anarchique en était témoin. Son corps subissait encore les derniers assauts de cette invasion nocturne. Perdait-elle la raison ? Elle repoussa le drap, se leva et rejoignit la salle de bains. Devant le lavabo, elle ramena ses paumes sous l'eau et rafraîchit son visage. Dans le miroir, devant elle, elle croisa son regard absent, absorbé par celui gravé dans sa tête. — C'est qu'un rêve, fit-elle à voix basse. Juste un mauvais rêve... Mais elle sursauta quand elle entendit près d'elle : — Salut. Mary Margaret venait d'entrer dans la salle de bains. Celle-ci lui sourit et récupéra sa brosse à dent et son dentifrice : — Ta soirée avec Neil s'est bien passée ? 30
Emma avait dû donner un motif lors de son absence de la veille puisque ses parents avaient gardé Henry. La seule excuse logique qui lui était venue avait été un dîner avec Neil, son ex petit-ami, ce dernier désireux de s'investir dans la vie d'Henry. — Pas trop mal, abrégea-t-elle. Emma détestait le mensonge, mais comment pouvait-elle avouer à sa mère qu'elle avait passé sa soirée avec Regina. — Alors Neil et toi vous pensez à vous remettre ensemble ? — Non, répondit aussitôt Emma. — Je pensais que toi et lui vous… — Il n'y a pas de lui et moi, coupa-t-elle. Et Mary Margaret constatait sa fille contrariée. — Désolée… — Je vais faire le café, abrégea Emma. Car pour éviter les questions le mieux était encore d'éviter qu'on les lui pose. Elle arriva dans le salon et, comme chaque matin, trouva Henry devant la télévision. Elle enclencha la cafetière, l'esprit préoccupé par sa soirée avec Regina, par leurs discussions qu'elle se repassait en mémoire. Comment Regina pouvait-elle être si convaincue de cette relation ? Même si des évènements de son « monde imaginaire » coïncidaient avec la réalité, d'autres étaient littéralement inventés, comme cette histoire de pierre, de magie, destinée à détruire Storybrooke… Son téléphone sonna, l'arracha à ses réflexions et elle s'empressa de répondre : — Oui ?
31
# Est-ce que mademoiselle Swan et notre fils viendraient me rejoindre chez Granny pour un bon petit déjeuner ? Emma sentit tout son malaise revenir sur la voix de Regina à l'autre bout du téléphone. Elle se pinça les lèvres, les humidifia et jeta un œil sur Henry assis sur le canapé. Maintenant, des images de son rêve revenaient et ne l'aidaient pas. — Regina ? fit-elle, troublée. Vous savez... Elle s'arrêta. Ses habitudes revenaient en dépit de sa nuit mouvementée. — Tu sais quelle heure il est ? J'aurais pu être encore en train de dormir. Aussitôt, Henry s'approcha après avoir entendu le prénom de sa mère. — C'est maman ? Il se passe quelque chose ? — Non, il ne se passe rien, lui répondit Emma aussi sec. — Alors pourquoi elle appelle ? demanda Henry logiquement. Emma s'agaça sur l'insistance de son fils qui interrompait sa communication avec Regina. Elle se trouvait dans l'obligation de répondre à Henry et ne pouvait décemment pas raconter un autre mensonge. Elle souffla et finit par lui avouer : — Elle veut savoir si tu veux prendre le petit-déjeuner avec elle, chez Granny. Le large sourire qui se dessina sur les lèvres du petit garçon répondit à lui seul à la proposition. Emma aurait dû s'en douter...
32
# L'invitation est pour lui et toi, rappela Regina qui avait entendu ce court échange. Malgré ses réflexions, Emma dût répondre. — C'est d'accord mais je viens de me lever alors… # Dans une heure, l'interrompit Regina. Je suis encore au lit. Pourquoi Regina avait-elle dû parler de lit ?! Maintenant, les images de son rêve affluaient à un rythme insensé et lui rappelait les émotions ressenties. — Alors à tout à l'heure, préféra-t-elle couper court. Elle raccrocha, l'oreille brûlée par les innombrables suggestions que la voix de Regina dans son lit lui évoquait. — Super ! s'écria Henry, enchanté, on va aller déjeuner avec maman chez Granny ! Je vais me doucher ! Il disparut dans les escaliers et croisa Mary-Margaret qui descendait. Celle-ci le suivit d'un regard perplexe qu'elle reporta sur sa fille avant de demander : — Quelle mouche l'a piqué ? — Sa mère, répondit Emma sans mentir cette fois. Mary-Margaret contourna le comptoir, de plus en plus intriguée et se servit une tasse de café. — Il va passer la journée avec Regina ? l'interrogea-t-elle, étonnée. — Non, elle nous a invité à prendre le petit-déjeuner chez Granny. Un silence s'installa une ou deux secondes pour peser la réponse intéressante d'Emma.
33
— Et tu as accepté ? questionna Mary-Margaret. — Oui, maugréa Emma avant de s'éloigner vers les escaliers. Ca fait plaisir à Henry. Sans aucune autre explication, Emma s'échappa au premier étage, laissant Mary-Margaret de plus en plus dubitative. Assise à l'une des tables du petit restaurant, Regina attendait, patiente. Sa nuit avait été agitée malgré son teint frais matinal. Elle avait mal dormi puisqu'Emma avait hanté chacun de ses rêves, chacune de ses pensées, jusqu'à ouvrir les yeux, incapable de ne pas l'appeler. Si Regina devait user de son fils pour voir la Sauveuse, elle n'hésiterait pas puisque les voir ensemble la réjouissait tout autant. Plusieurs habitants, habitués de Storybrooke avaient défilé chez Granny, certains lui lançant des regards craintifs, d'autres, accusateurs. Rien d'inhabituel selon la Méchante Reine qu'elle représentait. Regina se fichait bien de ce que pouvait penser les habitants de Storybrooke. Sa froideur n'avait d'égal que sa grandeur de Reine quand il n'était pas question des gens qu'elle aime, et Regina n'aimait personne, exceptées Henry et Emma. Quand la clochette de la porte tinta et que Regina les vit apparaître, elle se leva, un sourire rayonnant aux lèvres autant que son regard reprenait une étincelle que personne n'aurait pu jamais soupçonner. Toujours élégante, elle avait revêtu un tailleur fait sur mesure et préférait les jupes depuis quelques semaines, ses talons hauts mettant en valeur ses longues jambes. Elle se pencha pour étreindre Henry qui vint aussitôt la voir : — Je suis content que tu aies appelé. — Et je suis contente qu'Emma ait répondu. Elle lança vers celle-ci un regard tendre et se redressa avant de lui demander : 34
— Tu vas bien ? Emma pouvait mesurer à travers le regard d'Henry tout l'espoir qu'il nourrissait de les voir s'entendre. Mais faire face à Regina, croiser son regard après sa nuit passée à rêver d'elle la troublait plus que jamais. Des sensations chaudes réapparaissaient et envahissaient son ventre. — Ca va, fit-elle en s'asseyant sur la banquette. Henry la rejoignit, tout comme Regina face à eux et Henry demanda aussitôt, excité : — Alors on va passer la journée ensemble ? Regina ne put que regarder Emma sur cette question posée. — Ce serait avec grand plaisir, encouragea-t-elle. Mais il faut voir ça avec ta mère. Henry se tourna aussitôt vers Emma : — Maman ! Allé dit oui, ça serait super, on n'a jamais passé du temps tous les trois. Pas dans ses souvenirs, se disait Regina en se rappelant de la proposition faite à Emma la veille. Peut-être son fils aurait-il plus de chance de la convaincre. Emma songeait qu'Henry lui mettait la pression et bien sûr, si elle refusait, elle passerait cette fois, pour la méchante, songea Emma. Regina usait de son charme, de son statut de mère pour la faire plier, annihiler le moindre rejet de sa part. — Alors juste quelques heures, répondit-elle, j'ai pas que ça à faire, Henry. Granny vint remplir les tasses de café et prit leur commande avant de s'éloigner.
35
— On pourrait aller se balader en forêt, proposa Henry sans connaître la proposition de sa mère brune auprès de son autre mère. Regina but quelques gorgées. Elle profitait de cet instant anodin avec son fils et celle qui, dans ses certitudes, n'était autre que son amante. — C'est une bonne idée, acquiesça-t-elle en regardant Emma. Une silhouette familière apparut alors quand la porte s'ouvrit. Le pas claudiquant, Monsieur Gold leur lança un regard avant de se diriger vers le comptoir. Emma ne perdit pas de temps et se leva pour le rejoindre sans prendre le temps de répondre : — Je reviens. Regina la vit partir mais reporta son attention sur Henry. Elle lui sourit, glissant sa main dans ses cheveux bruns et soyeux : — Je pourrais même préparer un panier pour que nous piqueniquions ensemble si tu veux… Henry sourit et demanda : — C'était avec toi qu'elle dînait hier soir, pas vrai ? Regina sourit sur la question perspicace de son fils. — En effet. — Je le savais, dit-il enjoué. Elle était de mauvaise humeur ce matin et elle a dit à grand-mère qu'elle avait dîné avec Neal. Le mensonge était un vilain défaut pensait Regina en jetant un coup d'œil vers la silhouette attirante du shérif. Quels
36
reproches était-elle encore allée faire à Gold, se demandait Regina. Elle regarda son fils et dit plus bas. — Ne la contrarie pas avec cela… — Je sais, fit Henry, j'ai bien compris que les grandes personnes mentaient parfois ! ajouta-t-il en référence à son grand-père. Plus loin devant le comptoir, Emma fixait Gold avec un regard noir et accusateur. Celui-ci répondit à un énième reproche : — Je n'y suis pour rien, ma chère. Combien de fois faudra-til vous répéter que la magie a toujours un prix ? — Sauf que dans ce cas précis, je ne me suis pas servie de magie ! Emma baissa lâcha un soupir avant de baisser d'un ton pour ne pas se faire entendre. — Tout ça est ridicule, Gold. Et quand Regina se remettra de ses... De ses obsessions magiques, tout le monde en pâtira, vous y compris ! Monsieur Gold prit le paquet de beignets que Granny lui tendit et se tourna vers la Sauveuse, un sourire narquois aux lèvres. Il avait parfaitement compris de quel genre d'obsessions souffrait la Reine et quel type d'émotions la Sauveuse endurait. — Avez-vous déjà pensé qu'il ne s'agissait pas de malédiction ou de sort d'amnésie ? Ne vous sentez-vous pas étrange ces derniers temps lorsque vous êtes en compagnie de notre chère Regina ? Emma fronça les sourcils. Gold lisait-il dans son esprit ? L'espionnait-il ? Usait-il d'un de ses sorts pour pénétrer ses pensées ? 37
— De quoi parlez-vous ? Qu'est-ce que vous avez fait sur moi ? demanda-t-elle d'un ton menaçant. Gold ricana, nullement effrayé par le ton de son interlocutrice. — Nul besoin de magie pour vous et Regina... Mais il semblerait que je sois le seul ici à le savoir. Sur ces mots, il s'éloigna vers la sortie tandis qu'Emma demeurait dans le flou le plus total. Discuter avec Gold avait été une très mauvaise idée. Maintenant, elle se perdait à vouloir comprendre ses énigmes. Des paroles évasives destinées à la troubler davantage. Elle lança un coup d'œil vers la table. Henry riait de bon cœur, Regina lui souriait tendrement. Combien de fois l'avait-elle vue ainsi sourire avant qu'elle ne rentre à l'hôpital ? Quasiment jamais, pensait Emma. Elle revint à la table et vit Regina se lever : — Je retourne chez nous préparer le pique-nique, annonçat-elle à Emma. Vous pouvez me rejoindre dans une heure si vous voulez… Emma ne sut quoi répondre et Regina ne lui laissa pas le temps de répliquer de toute façon. Elle la suivit des yeux, son sac à la main, ses parfums embaumant la moitié de la salle du restaurant. Il était évident que Madame le Maire dégageait une féminité et un charisme redoutable, songeait Emma, quoi qu'en furent leurs discordes passées. Pourquoi Emma le remarquait-elle ? Là était toute la question. Mieux valait reporter les yeux sur son fils qui, de toute évidence, se réjouissait à l'idée de passer cette journée avec elles. — C'est trop cool que t'aies accepté, maman ! Et tu as vu ? Même maman a l'air contente. Emma but une gorgée de café et répondit, bien forcée :
38
— J'ai vu, mon chéri. Mais poussée par sa curiosité, elle demanda sans tarder : — Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? Henry croqua dans un de ses pancakes qu'il mangea avec plaisir et prit le temps de la réflexion avant de répondre. Devait-il éviter de parler du dîner entre ses mères la veille ? Après tout, sa maman blonde avait menti à tous. — Je sais que maman et toi, vous étiez ensemble hier soir, finit-il par confesser, vainqueur et malicieux. Mais avant qu'Emma ne s'emballe contre Regina en l'accusant d'avoir raconté cela à leur fils, ce dernier rectifia : — Et ce n'est pas elle qui me l'a dit. Je savais que tu avais accepté son invitation. Et je suis content ! Emma le voyait. Elle lisait sur les traits de son petit garçon que sa joie débordait. Maintenant, elle se retrouvait prise au piège entre deux émotions, deux choix. Si elle persistait à contrer Regina, Henry finirait par lui tourner le dos et lui reprocher de ne faire aucun effort. Mais si elle ne la contrait pas ? Alors elle risquait un autre rapprochement, un autre baiser... A cette seule idée, elle en frissonna et s'agaça aussitôt. — Ne te réjouis pas trop vite, Henry, commença-t-elle, Regina pourrait très bien nous préparer un de ses tours pour parvenir à je ne sais quelle fin... — Non, contredit Henry avec ferveur et conviction, maman ne prépare rien. Elle veut juste passer du temps avec nous... Je crois vraiment qu'elle veut qu'on forme une famille. Parce qu'Henry songeait à la potion que Gold lui avait donnée et qui n'avait pas fonctionné. Peut-être son vœu avait-il été exaucé finalement ? Peut-être que son espoir était 39
plus puissant que toutes les rancœurs et les tensions qui régnaient entre ses mères ?
Chapitre 14 : Juste un baiser L'après-midi était doux, de saison. Il faisait une vingtaine de degrés sous les arbres de la forêt de Storybrooke. Comme convenu, Regina avait préparé un panier bien fourni, installé une grande couverture au bord de la rivière. Les rayons chauds du soleil perçaient à travers les feuillages du printemps tandis qu'elle préparait le déjeuner. Salade, crudités et fromages variés feraient un bon repas décontracté pour un après-midi en famille, se disait-elle. Plus loin, elle voyait Henry qui montrait à sa mère blonde les capacités de sa voiture télécommandées sur le terrain détrempés et couvert de feuilles. Ce moment, qui aurait pu paraître des plus anodins pour Emma, ne l'était pas pour Regina. Elle espérait secrètement qu'Emma en vienne à se rappeler de leur passé commun mais elle persistait à tout faire pour se rapprocher d'elle. De son côté, toujours troublée, Emma gardait ses distances, profitant des demandes d'attention d'Henry pour prétexter d'éviter d'éventuelles discussions. Sa courte entrevue avec Gold avait eu le mérite de l'énerver davantage. Personne ne pouvait l'aider car elle ne pouvait se confier à personne… Mary-Margaret ou David seraient sûrement outrés de connaître son rêve de la nuit passée. Sans parler de Ruby et encore moins de Neal qui la prendraient pour une folle. Qui, dans cette ville, pourrait admettre l'inadmissible de toute façon ? Elle jetait quelques regards furtifs vers Regina qui avait entrouvert sa chemise cintrée. Sous les rayons du soleil, son regard brun ressortait davantage... Bon sang, voilà qu'elle devenait obsédée au point de remarquer le contraste de ses prunelles sous le soleil. Elle glissa une main dans les 40
cheveux de son fils, lui sourit en guise de réponse à un de ses commentaires au sujet de sa voiture. Elle perdait la notion des réalités et craignait d'avoir été affectée par le sort de Cora. Quelle raison expliquerait tant de troubles sinon ? — Chéri ? Emma se tourna vers Regina en même temps que le faisait son fils. Elle réalisa alors que Regina venait d'appeler Henry et non elle ! Elle secoua la tête, espérant ne pas avoir été repérée par la Reine et rejoignit Henry et Regina sur la couverture. — Qu'est-ce que tu as fait à manger, maman ? demanda Henry, les yeux gourmands. Bien sûr, Regina avait remarqué le sursaut d'Emma sur son appel et songeait qu'un commentaire n'aiderait pas à la rendre plus à l'aise. Elle la vit approcher tandis qu'elle tendait à leur fils une assiette de Chili Con Carne. — Ton plat préféré, répondit-elle. Elle releva ses yeux bruns sur Emma. Ses cheveux blonds ondulaient sur ses épaules, ses bras nus, tandis que les rayons du soleil faisaient ressortir la couleur bleu de ses yeux toujours aussi accusateurs. Regina restait sous le charme et lui demanda : — Tu en veux, Miss Swan ? Emma prit l'assiette tendue par Regina. Ses plats, quels qu'ils furent étaient excellents de toute façon. Et sur ce point, une fois de plus, Henry avait raison. Mais elle se garderait bien de le lui dire. — Merci, répondit-elle. Emma s'agenouilla sur le tapis, près de son fils. Ce piquenique la rendait plus mal à l'aise que le dîner la veille. Peut41
être parce qu'il n'y avait d'alcool et que son fils les accompagnait. Henry tenait tant à ce qu'elles s'entendent bien qu'il guettait sûrement le moindre de ses mots. Et Henry constatait ce silence entre ses mères, mais remarquait aussi leurs nombreux regards partagés et plus si méprisants qu'autrefois. L'espoir était à nouveau permis. Gold avait eu raison de le pousser à croire. — Je suis content qu'on soit enfin tous les trois, annonça-til pour débuter la conversation. Comme une vraie famille... Il tenait à ce que ses mères sachent ses pensées et surtout son avis. Après tout, il était aussi concerné dans cette histoire puisqu'il était leur fils. — On devrait faire ça plus souvent, ajouta-t-il en jetant un regard sur Emma. Celle-ci soupira en silence. Henry mettait les pieds dans le plat et y barbotait en plus. Elle le savait avide de réunions de famille de ce style, mais avait-il conscience de ce qui se jouait entre elle et Regina ? Il n'avait qu'onze ans, bien sûr, il n'avait pas la moindre idée que pouvait avoir ce rêve érotique dans sa tête. A peine croisait-elle le regard de Regina qu'elle se sentait enflammée ? La Reine l'allumait-elle ? Emma gardait les sourcils froncés dans ses réflexions, encore en conflit avec elle-même. — Maman ? fit Henry à son attention Il attendait son avis et Regina aussi par la même occasion. Sa fourchette au-dessus de son assiette, elle répondit : — C'est vrai que... C'est pas mauvais. — Non, maman, pas le plat, rectifia Henry insistant. Emma savait parfaitement qu'elle avait donné une réponse déviée. Mais son fils avait la fâcheuse manie d'être aussi borné qu'elle quand il voulait quelque chose. 42
— Ouais, ouais... On verra. Henry souffla son mécontentement. — Non, tu dis toujours ça quand je te demande quelque chose et que tu ne veux pas me dire non. Mais au final, on le fait jamais. Regina était totalement consciente que les interventions de leur fils n'étaient pas anodines. Elle gardait un léger sourire, parfois amusé, parfois attendri. Henry était son seul et unique complice, son soutien pour ramener Emma vers elle. Il était aussi seul à croire qu'elle n'inventait rien concernant leur vie d'antan et que la magie de sa mère était seule responsable de l'état d'Emma et du reste de la ville. Et pourquoi accepterait-elle d'être la seule atteinte quand il était plus simple d'accuser les autres et de ne pas remettre en question ses convictions ? — Tu sais que ta mère est très occupée, reprit Regina à l'attention d'Henry. Elle regarda Emma : — Quand la mienne sera mise hors d'état de nuire, nous pourrons envisager d'autres balades tous les trois. Aux traits mécontents d'Emma, Regina devina que sa remarque lui déplaisait. Elle mangea quelques bouchées de Chili et expliqua à ses nombreuses réflexions : — Peut-être que pour y parvenir, devrais-tu envisager d'apprendre la magie, Miss Swan. Emma n'avait pas aimé l'espoir que Regina avait fait naître chez son fils en parlant de balades à trois. Mais sa remarque au sujet de Cora n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Elle venait d'avoir la preuve des hypothèses de Mary-Margaret et David. Regina serait-elle prête à éloigner Cora définitivement ? 43
— Parce que vous... répondit-elle avant de se corriger, parce que tu serais prête à m'aider à renvoyer Cora là d'où elle vient ? La mine de Regina se fit à la fois plus dure et évidente : — Puisqu'elle s'obstine à vouloir vous faire du mal, je n'ai pas vraiment d'autre choix. Henry intervint : — Ca serait super si vous faisiez de la magie ensemble ! Emma garda les yeux sur Regina. Ce sort qui la touchait avait un bon côté et elle devait l'admettre. Regina était donc capable de repousser sa propre mère pour le bien de leur fils et le sien... — Ok, accepta-t-elle avant de rajouter tout de même. Mais pas de mauvais tour. Je t'ai toujours à l'œil. — Génial ! s'exclama Henry, heureux. Regina ne put réfréner un léger sourire. Emma était réfractaire à la magie, ce qui ne l'étonnait pas puisque la « sienne » l'était tout autant. Cependant, Regina avait vu de quoi Emma était capable et sa puissance égalait la sienne malgré son manque d'expérience et de conscience de la magie. Elle récupéra un petit pot maison de mousse au chocolat et en tendit un à Henry avant d'en ouvrir un sous le regard d'Emma qui semblait la surveiller. Son fils, gourmand, ne prêtait pas vraiment d'attention aux regards qu'elles s'échangeaient et ce fut plus provocante que Regina amena une cuillère à ses lèvres avant de demander à Emma : — Je te donnerai ta première leçon demain si tu veux… Ou quand tu voudras, que tu auras un moment. Emma venait de suivre le chemin de cette maudite cuillère entre les lèvres pulpeuses de Regina. Une vague de chaleur 44
l'avait submergée et ramené avec elle, des souvenirs de sa nuit ! Regina faisait-elle exprès ? Sa magie noire opérait déjà. Elle détourna les yeux, le feu aux joues et termina son assiette qu'elle avait oubliée de manger... Emma en perdrait bientôt la raison. — C'est pas urgent non plus, commenta-t-elle. Et si tu es si pressée d'en finir avec ta mère, alors tu peux aussi nous aider à chercher une solution pour la trouver et la renvoyer chez elle. Regina détourna les yeux un moment, dans ses pensées. Depuis sa sortie de l'hôpital elle avait tenté d'invoquer Cora afin d'exiger une conversation, se confronter à elle une bonne fois pour toute, en vain. — Je ne suis pas sûre qu'elle soit en vie… Elle les releva sur Emma : — Quand elle a jeté le sort contre toi, je l'ai contré en lui renvoyant l'un des miens. Soit elle est blessée, soit elle est… L'explication de Regina resta en suspend, son expression laissant transparaître autant d'incertitude que de peine. Emma comprit l'éventualité que Cora pouvait être morte, chose tout à fait possible puisque la Reine de Cœur ne s'était guère manifestée depuis plusieurs jours. Emma se dit alors que cette conversation avait le mérite de la ramener à l'essentiel, aux raisons de sa présence ici avec Regina. — Comment le savoir ? demanda la Sauveuse. — Je ne le peux, répondit Regina. A moins d'user de magie, et je ne parle pas de magie blanche ou basique mais de magie noire. Henry n'avait pas manqué une miette de la conversation entre ses deux mères. Il ne put s'empêcher d'intervenir :
45
— Alors il faut le faire ! — Henry ! intervint Emma. Tu ne devrais même pas écouter notre conversation. — Ta mère a raison, fit Regina. — Oui, mais… — Pas de « mais » reprit la Reine. Si tu as fini de manger, tu peux retourner jouer, mais ne t'éloigne pas. Henry fronça les sourcils, lançant un coup d'œil à ses mères respectives avant de comprendre qu'aucune d'elles ne le laisseraient se mêler de cette « opération ». Il se leva et s'éloigna tandis qu'Emma avait eu le temps de réfléchir à l'intervention de son fils autant qu'aux explications de la Reine. Si celle-ci s'était engagée à ne plus faire de magie, le cas de Cora – plus que particulier – pouvait être considéré comme à part. — Je ne pensais pas dire ça un jour mais Henry a raison, reprit-elle. Si la magie noire nous aide, il faudra en faire... Un très léger sourire s'afficha aux coins des lèvres de Regina qui finissait sa mousse au chocolat, son regard brillant sur la Sauveuse. — Alors Miss Swan n'aurait aucun scrupule à utiliser la magie selon son bon plaisir ? taquina-t-elle. Elle rit à sa propre analogie et ajouta : — Tu ferais une grande Reine digne de mon Royaume au pays enchanté. Les histoires de « Reines », surtout de ce genre de Reines, n'existaient pas dans les contes pour enfants, pensait Emma qui s'agaçait de ce type de commentaire inutile ! Surtout que Regina, en tant que Méchante Reine, avait dérobé le dit 46
Royaume à ses parents. Elle préféra ignorer la dernière remarque de Regina et défendit : — Il y a des cas d'urgence ! Cora en est un. — Je le sais, concéda Regina. Emma soutint un instant le regard de la Reine et demanda : — Alors tu vas le faire ? — Est-ce réellement ce que tu voudrais ? Que j'utilise la magie après avoir promis à notre fils de ne plus le faire pour lui prouver que je suis capable de devenir une bonne personne ? renvoya Regina d'un regard plein de défi. — Quelle différence ? fit Emma. Que tu m'apprennes à faire de la magie ou que tu en fasses, ça change quoi ? — La magie blanche est altruiste. La magie noire est une magie personnelle, destinée à des fins égoïstes. — Je ne vois pas ce qu'il y a d'égoïste à vouloir aider les habitants de Storybrooke à se débarrasser de Cora ! — Ma magie est à mon service et à celui de ma famille ! expliqua la Reine sans détour. — C'est pas uniquement pour toi ou pour Henry que tu dois le faire, reprit Emma. C'est pour tout le monde. — Je n'ai aucune raison de les aider ! — Et ta soi-disant rédemption ? — Toi, Henry et notre bébé, êtes ma rédemption, conclut Regina d'un ton franc et direct. Emma faillit avaler sa gorgée d'eau de travers en entendant les mots "notre bébé". Son cerveau fonctionna à cent à l'heure pour lui rappeler cet élément que sa mémoire s'était 47
efforcée d'oublier après que sa mère lui ait expliqué sa rencontre avec Regina. Elle fixa la Reine qui la regardait d'un air dubitatif, attendant sûrement une réponse. Le sien fut plus incertain, même compatissant en songeant à ce monde imaginaire dans lequel Regina vivait actuellement. Elle reposa la bouteille, se pinça les lèvres et répondit en cherchant ses mots : — Tu sais... On ne sait pas si tu es vraiment... Enceinte. Parce que ce bébé ne pouvait théoriquement pas exister, même au milieu d'une ville peuplée de Blanche-Neige, de Prince Charmant, de la Méchante Reine, des Sept Nains et tous leurs compagnons, songeait Emma. Malgré le recul de celle qu'elle considérait toujours comme sa compagne, Regina ne perdit pas de son aplomb. Personne ne pourrait remettre en question ses certitudes et ce bébé en était une indéniable. Cet enfant, Regina le sentait au creux de son ventre et si lui existait, alors tous ses souvenirs étaient réels, perdus quelque part entre son passé, son présent et son futur à cause de la magie. — Je suis enceinte que tu l'acceptes ou non, répondit-elle à Emma. Et pour te le prouver il nous suffira de nous rendre à l'hôpital pour un examen. Quand bien même Regina était enceinte, songeait Emma, ce bébé pouvait être de n'importe qui ! — Ca ne veut pas dire que c'est le… le nôtre, comme tu dis ! Regina aurait pu se vexer sur ces paroles mais au final, les réactions d'Emma confirmaient ce déni incessant dans lequel la Sauveuse se complaisait depuis que le sort de Cora l'avait percutée, la séparant d'Emma depuis tous ces jours. — Je ne suis pas stupide Miss Swan, reprit Regina sur un ton assuré. Je sais comment se conçoivent les enfants ! 48
— Précisément, s'agaça Emma. Avec un homme et une femme. — La magie s'exprime parfois là où on ne l'attend pas, s'enquit la Reine. De toute façon, Regina voulait avoir le dernier mot, s'agaçait Emma. Il ne servait à rien d'argumenter… — On le fera cet examen, conclut-elle. Malgré les emportements du Shérif, Regina restait calme et terminait sa deuxième mousse au chocolat. Car si elle ne passait pas son temps à rappeler à Emma qu'elle était enceinte, elle devait bel et bien assouvir ses envies diverses, du moins, celles en rapport avec la nourriture. Elle lança un coup d'œil à Henry qui continuait de jouer avec sa voiture télécommandée au milieu des arbres et reporta ses yeux sur Emma. Son regard brun devenait noisette sous les rayons du soleil et se baladait impunément sur la silhouette d'Emma qui venait d'ôter son blouson pour rester bras nus. Regina subissait une véritable torture en s'efforçant de rester distante, de garder ses mains loin de la peau veloutée de la Sauveuse, ses lèvres réclamant inlassablement le contact des siennes. Elle reprit son sourire et proposa : — Prête pour ton premier cours de magie, Miss Swan ? Emma fut prise au dépourvu. — Quoi ? Maintenant ? Ici ? Le sourire de Regina refléta autant d'amusement que d'impatience : — Préfères-tu que nous rentrions chez moi ? — Non, répondit Emma aussi sec… — C'est ce que je pensais, fit Regina en se redressant. 49
Emma la vit s'approcher d'elle, à genoux et d'un mouvement de sa main, une bougie éteinte apparut sur la couverture. — Tu vas l'allumer, dit Regina. Emma leva les sourcils et prit un sourire ironique. — Et je fais ça comment ? — Un peu de concentration devrait suffire… Si tu parviens à te concentrer, taquina-t-elle. Le regard d'Emma se fit accusateur, encore. — Hey ! Je ne vois pas pourquoi j'y arriverais pas. — C'est ce que je voulais entendre, confia Regina. Emma s'agaçait. Que sous-entendait cette remarque de la part de la Reine « si elle parvenait à se concentrer » ? Regina avait-elle la prétention de penser qu'elle avait le pouvoir de la déconcentrer ? Emma regarda la bougie sans croire vraiment qu'elle serait capable d'un tel miracle… et effectivement, rien ne se passa. — Ca marche pas, s'énerva-t-elle. Regina ne l'avait pas quittée des yeux, amusée, charmée par les réactions enfantines et impatientes qu'Emma pouvait parfois adopter. La mère de leur fils était égale à elle-même, râleuse pour son plus grand plaisir. Regina replia ses jambes sous sa jupe tandis qu'Emma restait assise en tailleur et affichait une mine agacée. Sans attendre son autorisation, elle prit sa main entre les siennes dans un doux frisson réconfortant. Son regard brun trouva ses prunelles bleues qu'elle constatait effrayées, perdues par ce chaste contact entre elles, un contact qui se voulait sans équivoque quant aux sentiments éprouvés par la Reine à l'égard d'Emma.
50
— Tu dois fermer ton esprit mon ange, expliqua Regina d'une voix tendre. Tu dois faire abstraction à tes préoccupations pour ne songer qu'à cet instant et à cette bougie. Le "mon ange" l'avait déjà perdue. Et le regard de Regina planté dans le sien n'aidait pas à la concentration. Cet instant s'était arrêté entre le précédent et celui qui suivrait. Etait-elle en train de râler ? De longs frissons la parcoururent. Regina la troublait bel et bien. Des images de son rêve resurgirent rapidement, éveillèrent une chaleur intérieure et vibrante. Ses yeux tombèrent sur les lèvres pulpeuses, assombries par le rouge que la Reine y mettait. Quelques sensations lui revenaient alors... La mèche de la bougie étincela et une flamme vacillante naquit à son bout. Emma ne prêta aucune attention au phénomène, rendue confuse par les émotions que Regina provoquait. Comme brûlée, elle ôta sa main des siennes et reprit un peu de lucidité. L'alcool ne pouvait être blâmé cette fois et elle le savait. — Tu t'amuses à faire de la magie sur moi ! l'accusa-t-elle. Regina frissonnait de toutes les sensations vibrantes qu'Emma Swan était capable de faire naître en un simple contact. Son léger sourire persistait sur les réactions amusantes de la blonde qui cherchait encore et toujours des explications à tout ce qu'elle pouvait ressentir : — Et à quel genre de magie fais-tu allusion ? Emma fronça les sourcils sur cette question inutile. En y réfléchissant davantage, elle ne trouva d'ailleurs aucune réponse correcte. Une fois de plus, elle se sentit piégée par la Reine. — Noire ! lança-t-elle sans plus de précision. T'es en train de me manipuler comme t'as l'habitude de faire avec tout le monde ! 51
Parce qu'elle ne pouvait croire que les sensations chaudes qui l'envahissaient étaient naturelles. Comment pouvait-elle être attirée par la Reine ? Devant elle, elle perdait ses moyens et ne pensait plus qu'à ces maudites images oniriques. Regina détourna les yeux un instant et piocha une pomme dans son panier. Son appétit était au beau fixe mais elle devait néanmoins veiller à sa ligne. Elle nettoya la peau rouge du fruit et expliqua : — Si je devais user de magie sur toi Miss Swan, un simple filtre d'amour suffirait à te ramener dans notre lit. Son regard plus malicieux retourna dans celui du Shérif et elle conclut : — … notamment pour assouvir autre chose que ma gourmandise. Cette fois, ce fut au tour d'Emma de détourner les yeux. Elle n'avait plus que cela à faire en sentant le feu lui brûler les joues sur cette remarque. Regina la provoquait ouvertement et s'amusait à intensifier ce trouble insupportable. Elle se redressa afin de se donner plus de contenance et rassembla les assiettes. — Mais tu ne le feras pas, rétorqua-t-elle, sous pression, parce qu'au fond de toi, tu sais très bien qu'on n'est pas compatible. Regina se redressa à son tour tandis qu'Emma se penchait vers le panier pour y ranger la vaisselle. Et ce fut plus fort qu'elle : La Reine stoppa de sa main le bras d'Emma en pleine action. Leur visage se retrouvèrent alors à quelques centimètres l'un de l'autre créant une subite tension si grisante et familière aux yeux de Regina. A travers les prunelles bleues de la Sauveuse transparaissaient de si nombreux paradoxes. Emma refusait d'admettre les 52
évidences qui les frappaient, les poussaient l'une vers l'autre. Sa main remonta alors lentement sur son bras dénudé et arriva à l'orée de son cou puis sur sa mâchoire. — Tu n'as pas idée à quel point nous le sommes, réponditelle… A quel point nous l'étions avant tout ça. Son pouce esquissa une légère caresse sur la joue d'Emma, son regard appréciant la lenteur de son geste autant qu'elle s'imprégnait de la douceur de sa peau veloutée. Son pouce atteignit alors ses lèvres qu'elle caressa avec autant d'envie que de langueur. — Tu me manques… Une fois de plus, Regina reprenait le dessus sur Emma. Ses gestes, sa voix, son regard, sa manière de la toucher l'électrisaient toute entière, l'affectaient jusqu'à la moindre cellule de son corps. Un autre instant suspendu entre deux, sur le bord de ses lèvres qui semblaient appeler les siennes. La Reine se révélait encore plus redoutable qu'Emma n'aurait pu le soupçonner. Près d'elles, la bougie s'alluma une nouvelle fois et la flamme dansa en dépit de la légère brise humide que la rivière amenait sur elles. Emma sentait le souffle chaud de Regina caresser sa joue, effleurer sa peau déjà brûlée. La tension était à couper au couteau. Comment lutter ? Le visage de Regina approcha encore et ses lèvres rencontrèrent les siennes devenues avides. Le baiser fut d'abord prudent, lent avant de devenir plus profond. Emma fut victime d'une onde de choc imperceptible mais qui la secoua de part en part. Une sorte de libération attendue et repoussée à la fois. Les lèvres de Regina avaient un goût sucrées et des parfums attirants. Elles suscitaient tant d'idées que sa tête se mit à tourner d'une seconde à l'autre. Elle en oublia alors la réalité, son entêtement, sa lutte incessante envers tout ce que représentait la Reine. Et plus les secondes s'écoulaient, plus elle en désirait davantage. Plus qu'une torture, un véritable supplice. Du bout de sa langue,
53
elle frôla ses lèvres et put les savourer et capta le léger soupir que Regina laissa s'évader. Le cœur battant, Regina rompit pourtant ce délicieux contact et sonda le regard d'Emma. Elle venait d'avoir sa réponse qui, plus que tout, lui prouvait qu'elle était dans le vrai, que ses souvenirs concernant sa vie avec la Sauveuse et leur fils étaient bel et bien réels. Qu'il était doux de retrouver un peu de réconfort auprès de son amante, se disait-elle. Mais plus que tout, et Regina le réalisa, ce baiser était tout aussi significatif. Il devait rétablir l'ordre des choses avant que la magie ne les sépare car un baiser d'amour brisait les mauvais sorts. — Tu te souviens maintenant ? demanda-t-elle d'un regard plein d'espoir. Mais un témoin venait d'assister à la scène et, les yeux grands ouverts, Henry ne cessait d'observer ses deux mères. Son voeu avait fonctionné à la perfection et jamais il n'aurait pu soupçonner pareil impact. Il hésitait entre discrétion pour ne pas les déranger et excitation tant il voulait hurler sa joie. Une minute s'était peut-être écoulée depuis la rupture soudaine du baiser. Emma n'avait pas bougé et gardait ses yeux dans ceux pénétrant de la Reine. Elle les détourna enfin vers Henry qu'elle avait aperçu du coin de l'œil et demanda : — Henry, tant que tu es là, tu vas nous aider à ranger... Elle enfila sa veste et ajouta : — Je dois retourner au bureau, je vais être en retard. Emma reposa ses yeux sur la Reine qui n'avait pas bougé d'un millimètre et son regard se fit aussi accusateur que malicieux.
54
— Quant à toi, tu perds rien pour attendre... Elle se pencha sur elle, s'approcha sans la quitter du regard. — Je sais aussi faire la méchante, ajouta-t-elle à voix basse avant de poser un autre baiser sur ses lèvres. Elle se recula, lui adressa un clin d'œil et se releva en voyant Henry immobile, l'air éberlué. — Henry ! lui lança-t-elle, plus fermement, qu'est-ce que je t'ai demandé ? Henry dut s'y reprendre à deux fois avant de réagir, sous le coup de l'attitude de sa maman blonde. — Oui ! Désolé… Il aida ses mères, les regardant à tour de rôle, perplexe, incertain. Que s'était-il passé entre le moment où ils étaient arrivés et celui où il était parti jouer plus loin ? Quoi qu'il en fut, il était heureux de voir les sourires égayer les expressions de ses deux mères. Il était évident pour lui que le sort avait fonctionné. Le panier rangé, la couverture sur le bras, Regina rejoignit sa voiture garée plus loin à l'ombre des arbres. Emma posa la glacière dans le coffre tandis qu'Henry s'asseyait à l'arrière de la Mercedes en attendant ses deux mères. Avant qu'Emma ne s'éloigne, Regina la retint. Sa main glissa sur sa hanche puis descendit capturer sa ceinture. — Un instant, Miss Swan… Emma se retrouva poussée contre le coffre, la Reine toujours agrippée à elle et son regard brun plus perplexe que jamais sondant ses prunelles bleues. Car Regina ne savait plus très bien ce qu'il venait de se passer. La Sauveuse n'avait pas répondu à sa question et ce baiser offert ne signifiait pas qu'Emma se souvenait… 55
— Dis-le moi, fit Regina… Dis-moi si tu te rappelles… Emma reprit un petit sourire aussi vainqueur que charmé. La Reine attendait quelque chose de sa part et elle appréciait cet instant précis où elle détenait la clé... — Tu veux savoir de quoi je me rappelle ? L'expression attentive et incertaine de Regina répondit à sa question purement rhétorique. — Que je dois te faire payer ce dossier que tu as fait faire sur moi... Et crois-moi, tu vas devoir t'accrocher et quand je dis ça, je dis littéralement "t'accrocher". Elle ramena une main au col de la chemise de Regina qu'elle ajusta autour de son cou. Du bout de ses doigts, elle effleura sa peau et les glissa entre les pans ouverts. Son regard suivit son geste, pétillant et sa lèvre partit entre ses dents. — Mais t'as de la chance, Henry est là... Regina avait tremblé tant les doigts d'Emma venaient de faire naître de doux frissons. Son regard plus brillant que jamais ne l'avait pas quittée. Elle la retrouvait, sa Sauveuse au tempérament franc, joueur et arrogant. Elle ne savait dire si elle avait de la chance car, chose certaine, le défi qu'Emma lui lançait ravivait en elle un désir vif et brûlant. — Je ne suis pas femme à me laisser menacer Miss Swan. D'un geste, elle fit apparaître une paire de menottes dans sa main droite qu'elle tendit au shérif du bout de son index : — Mais selon tes projets, tu auras peut-être besoin de ça. Elle laissa Emma s'en saisir et s'éloigna vers la porte conducteur de la Mercedes. Emma la suivit des yeux, les menottes dans sa main. Son sourire restait sur ses lèvres, provocant. Avec Regina, le jeu du chat et de la souris ne 56
trouvait jamais de fin, ni de vainqueur, ni de perdant d'ailleurs puisque l'une ou l'autre finissait toujours par trouver satisfaction. Elle approcha de la vitre conducteur que la Reine fit descendre et s'accouda au rebord. Elle jeta un œil sur Henry qu'elle trouvait aussi excité qu'une puce et étrangement muet. — On se retrouve à la maison, fit-elle et sois sage avec maman. Elle reposa les yeux sur la brune. Des yeux qui s'attardèrent sur ses cuisses laissées à découvert par une de ses jupes tailleur. La Reine abusait de son côté dark autant qu'elle en usait sur toutes les personnes de la ville. — Toi aussi, lança-t-elle à Regina, sois sage et n'oublie pas que je t'ai à l'œil et que c'est moi le shérif de cette ville... Regina démarra, encore frissonnante de tous ces échanges avec la Sauveuse. Même si Emma ne répondait pas, elle adoptait le comportement de la femme qui lui avait fait l'enfant qu'elle portait. Mais son Emma était si joueuse qu'elle ne devait être étonnée. Elle s'éloigna à travers le chemin de terre de la forêt menant à la départementale en direction de Storybrooke. Henry se hâta de demander : — Alors ça y est, toi et Emma c'est redevenu comme avant ? Regina esquissa un léger sourire : — Je ne suis sûre de rien, mais c'est en bonne voie. Henry resta perplexe et demanda : — Alors pourquoi moi je ne me souviens pas si votre baiser a levé le sort ? Regina fronça les sourcils sur cette question qui soulevait alors tant d'évidences. Si son fils ne se souvenait pas, Emma 57
faisait-elle semblant ? Se jouait-elle d'elle ? Elle s'efforça de chasser cette angoisse soudaine de son esprit. Elle l'avait vue dans ses yeux, l'avait senti à travers le baiser ou les assauts d'Emma. Miss Swan ne pouvait simuler ce genre d'émotion, personne ne le pouvait… A suivre
58