Family chap 15 a 20

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Chapitre 15 : La Reine et son coeur En milieu d'après-midi, Regina déposa Henry à l'appartement de sa mère blonde. La casserole jaune de sa Sauveuse n'étant pas garée devant l'immeuble, elle s'abstint de raccompagner leur fils à la porte afin de ne pas croiser Blanche et son fichu Prince Charmant, ou pour ainsi dire, ses « beaux parents ». Néanmoins, elle ne rentra pas chez elle où siégeait également la Mairie de Storybrooke. Elle préféra faire un détour au commissariat car, malgré le peu d'activité en ville depuis plusieurs semaines, elle savait qu'Emma Swan devait y gérer quelques dossiers ou plaintes de routine. Elle entra dans le bureau, sans la trouver bien que sa voiture fut garée devant l'entrée. Sans aucune gêne, elle s'assit sur le bureau, et récupéra une pile de documents posés sur le côté afin d'en lire le contenu. A première vu, le shérif Swan ne croulait pas sous le poids de son travail. Et ce fut quand elle la vit enfin entrer, un gobelet à la main, qu'elle devina que son amante avait fait un détour chez Granny, sans doute en manque de caféine. Alors elle reposa les documents sur le côté et croisa les jambes. Bien sûr, sa jupe tailleur courte pouvait laisser entrevoir à Emma de jolis bas maintenus par des jarretelles. — Je viens déposer une plainte, Miss Swan… Emma s'était arrêtée devant la porte, le regard sur madame le Maire impunément installée sur son bureau. D'une main, elle referma derrière elle et tourna le loquet sans la quitter des yeux. — Je ne t'ai pas encore maltraitée, attends au moins que je te passe les menottes... Après, tu pourras te plaindre.


Regina n'en croyait pas ses yeux et ses oreilles. Emma la provoquait comme elle avait l'habitude de le faire dans ses souvenirs. Comment ne pouvait-elle pas être « sa » Emma, songeait la Reine. Elle la vit approcher, poser près d'elle ses clefs de voiture et le gobelet de café. Regina ne put s'empêcher de réitérer ce qu'elle avait fait dans la forêt : Sa main agrippa sa ceinture où se trouvait son insigne de Shérif mais cette fois, elle ramena la blonde entre ses cuisses afin de la bloquer contre elle. Elle sondait son regard défiant audessus du sien, frissonnait de ce rapprochement plus éloquent à l'abri des regards. — C'est justement pour ça que je viens me plaindre. Regina se montrait décidément irrésistible, mais elle la savait capable de tout, songea Emma. Celle-ci baissa les yeux sur les cuisses à peine couvertes par ses bas. La chaleur dans le commissariat grimpait seconde après seconde et la responsable n'était autre que la Reine. Tout était de sa faute, tout depuis le début, lui incombait... Du bout de ses doigts, elle dessina le contour des bas, s'arrêta sur l'attache des porte-jarretelles. D'autres frissons coururent le long de sa colonne vertébrale. Ils les défirent d'un geste subtil. Son regard remonta dans le sien, défiant et libertin. — Tu crois m'avoir en me prenant comme ça, Majesté ? On ne m'achète pas, moi... La Reine succombait au charme de sa Sauveuse et son regard brillant la trahissait chaque seconde un peu plus. Plus que de chauds frissons, Regina brûlait à nouveau sur les approches et les assauts d'Emma. Tous ces jours à attendre, à croire qu'elle pourrait reconquérir sa belle n'avaient pas été vains, songeait Regina. Emma devant elle, elle se redressa et enlaça son bras autour de son cou, collant son corps contre le sien et ramenant sa main à l'orée de son cou. Appuyée contre le bureau, elle remonta sensuellement sa jambe contre celle d'Emma qu'elle ne quittait pas des yeux. Regina le savait, dans le bureau du Shérif, personne ne viendrait les 2


interrompre puisqu'elle n'avait pas manqué de constater qu'Emma avait verrouillé la porte. Alors elle ne put s'empêcher de revenir chercher ses lèvres, de les gouter à nouveau, d'abord dans un baiser hésitant puis plus appuyé et impatient. Sa respiration rapide, entrecoupée de doux soupirs, trahissait déjà ses intentions et elle susurra entre ses lèvres et dans un souffle chaud : — Et si je te dis… que j'ai terriblement envie de toi… Regina prenait les choses en main, cette fois et Emma l'entendait à travers ses soupirs. Son corps s'enflammait sous ses initiatives dignes d'une Méchante Reine pleine d'arrogance. Provocante ? Le mot était faible. Provoquée, il l'était davantage encore... Emma brûlait sur les lèvres conquérantes de Regina. Son coeur en manquait quelques rebonds pourtant nécessaires et vitaux. Le coeur, c'était bien la cible privilégiée de Regina qui jouait à les réduire en cendres au creux de sa main. Comment résister ? — Sale petite garce ! Le baiser fut brusquement rompu par cette voix et Emma s'écarta de Regina pour tourner les yeux vers Cora qui venait d'apparaître dans le bureau. De toute évidence, la Reine de Coeur était de mauvaise humeur et son regard noir posé sur le Shérif le confirmait. Dans un geste du bras et aussi sec que l'était sa voix, Cora plongea sa main dans la poitrine d'Emma qui fut aussitôt paralysée. — Tu vas me le payer ! cracha Cora, furieuse après avoir été témoin de cette scène dégoûtante. Elle retira sa main d'un geste vif et posa ses yeux méprisants sur le coeur d'Emma qui battait dans sa paume. — Ose te mettre en travers de mon chemin et je la tue, menaça-t-elle à l'attention de sa fille.

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Regina s'était figée dès l'apparition de sa mère et demeurait paralysée par la peur. Son regard partait d'Emma à sa mère, de sa mère à Emma qui se tenait la poitrine, le regard marqué de douleur sur son propre cœur qui battait dans la main maléfique de Cora. Ce fut un regard implorant qu'elle releva sur celle-ci : — Mère, je t'en prie, ne fais pas ça… L'histoire ne pouvait se répéter, songeait-elle. Sa mère avait tué Daniel, elle ne pouvait permettre à présent qu'elle tue Emma. — Je ferai tout ce que tu veux, mais ne la tue pas. Elle est la mère d'Henry ! — Tout ce que je veux ?! Tu t'es interposée entre elle et moi ? Tu as manqué de me tuer ! Je voulais te sauver, te donner l'opportunité de redevenir la digne fille de ta mère, d'être enfin une Reine puissante aux yeux de tous. Regina tremblait désormais. Elle redoutait le pire, connaissait suffisamment sa mère pour la savoir capable d'écraser le cœur d'Emma dans sa paume et le réduire en poussière. Elle devait se reprendre, réfléchir, trouver une issue à ce qui se passait mais sa peur, ses émotions trahissaient ses sentiments. Une main contre sa poitrine, Emma percevait la douleur lancinante circulait en elle au même rythme que son sang parcourait ses veines. Elle avait entendu les suppliques de Regina, prenait conscience du sérieux de son état. Mais si ses suppositions étaient justes, alors le risque valait la peine. Après tout, Cora s'était enfin montrée. Du haut de son grade de Reine Mère, sa fierté n'avait d'égal que son orgueil. Et jamais, Cora ne pourrait accepter une relation amoureuse entre elle et sa digne fille Regina. Cela, elle l'avait bien compris...

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— Tuez-moi, fit-elle d'une voix tremblante de peine, et vous la tuerez... Elle aussi... Cora fronça les sourcils sur les mots de cette effrontée d'humaine ! Et dire que tous s'évertuaient à l'appeler la Sauveuse ! L'air hautain et méprisant, elle serra le coeur dans sa main et ce ne fut pas qu'un cri qu'elle extirpa mais deux. Avec surprise, elle regarda sa fille qui venait de ramener une main contre sa poitrine. Comment était-ce possible ? Son expression changea. Plus confuse, mais tout aussi furieuse, elle s'écria : — Regina ! Mais Regina semblait aussi affectée qu'Emma l'était. Elle défit l'emprise de ses doigts autour du coeur, prise au dépourvu. Malgré la douleur, Emma esquissa un sourire vainqueur à l'attention de Cora : — Tuez-moi... répéta-t-elle, provocante, et vous ferez... Le bonheur... De tous en tuant votre fille... — Comment... ? s'interrogea Cora, déboussolée, comment est-ce possible ? — Votre fille... a changé on dirait... Elle a retrouvé un coeur... Dans un dernier effort, un geste plus risqué mais audacieux, Emma se saisit de la main de Cora qui tenait toujours son coeur et la lui serra de force. Elle hurla, mais fit hurler Regina près d'elle... C'en fut trop pour Cora qui, prise au piège, replongea sa main dans la poitrine d'Emma plutôt que de voir sa fille mourir. Emma retrouva subitement un souffle qu'elle avait perdu, une force qui l'avait abandonnée lorsque son coeur avait quitté sa place. Elle toussa pour maîtriser l'afflux soudain d'oxygène qui arrivait dans ses poumons. Du revers de son poing, elle frappa Cora au visage et la repoussa sans tarder. 5


Toute sorcière qu'elle était, elle restait vulnérable, tout comme sa fille. Emma jeta d'ailleurs un regard à Regina qui demeurait muette. Acculée contre le mur, Cora gardait un air démuni, abasourdi par la tournure des évènements. Emma reporta ses yeux sur elle et la menaça : — Maintenant, vous savez jusqu'où je suis prête à aller pour vous rayer de nos vies ! Quittez cette ville ou c'est le coeur de votre fille que finira en poussière ! Cora regarda sa fille une dernière fois et disparut dans un nuage violet. Regina n'arrivait à croire ce qui venait de se passer et ne parvenait pas non plus à le comprendre. Elle vit Emma approcher, les traits tirés par la douleur vive qu'elle avait subie et demanda d'une voix éreintée : — Co… Comment as-tu fait ? Emma lui tendit la main, l'expression redevenue sérieuse, beaucoup moins joueuse qu'elle ne l'avait été quelques courtes minutes plus tôt. Elle l'aida à se redresser. — La bougie s'est allumée quand on s'est rapprochée... répondit-elle. Il semblerait que la magie opère à ton contact... J'ai supposé que toute cette histoire de couple était vraie, du moins pour toi, et que tu avais finalement un coeur et malgré tout le mal que je me donne à le nier, je crois qu'on est lié... S'il y a bien une personne qui ne supporterait pas de nous voir toutes les deux, c'est bien ta mère... Alors, j'ai suivi ton exemple... Je t'ai manipulée et ça a marché. Elle frotta ses mains, reprit ses clefs et ajouta : — C'était quitte ou double... Maintenant, tu vas me suivre à l'hôpital, j'aimerais qu'on règle ce problème de bébé une bonne fois pour toute. Regina venait de froncer les sourcils et tentait d'assimiler ce qu'Emma était en train de lui dire. « Je t'ai manipulée… » Ces mots se répétaient dans son esprit encore embrumé par 6


le face à face avec sa mère. Le sérieux d'Emma, son ton plus froid et sa distance soudaine corroboraient ses paroles… Elle l'avait manipulée, comment cela pouvait-il possible. — Tu as… Tu as fait semblant ? osa-t-elle demander d'un regard incertain. Emma l'entraîna à l'extérieur du commissariat, décidée à résoudre cette histoire, à éclaircir la situation dans laquelle elles se retrouvaient toutes les deux. Regina n'en avait pas conscience, mais en souffrait tout autant puisque jamais la vraie Méchante Reine n'aurait accepté pareille humiliation. Pourtant et c'était le plus étrange, Emma la croyait sans l'ombre d'un doute, avait balayé les derniers nuages avec son dernier et ultime test devant sa mère. Elle craignait presque de répondre à la question en croisant le regard confus de Regina. — Je devais savoir... Elle ouvrit la portière à Regina, puis la rejoignit dans sa voiture jaune avant de démarrer. Elle jeta un autre regard vers elle, désolée. Oui, désolée, elle l'était. Des émotions avaient circulé entre elles, lui avaient donné cette folle idée. Elle l'avait senti et c'était devenu évident, comme un éclair de génie, une réponse à toutes ses questions. Magie ou simples signes du destin, les faits restaient indéniables. — Je suis désolée, finit-elle par lui avouer sincèrement. Regina détourna les yeux, ne prêtant même plus d'attention au simple fait d'être assise dans la vieille voiture ô combien inconfortable du shérif. Elle s'était fourvoyée du début à la fin, avait cru à l'incroyable, à sa possible rédemption, mais alors si elle avait tort, Emma avait raison et ce qu'elle croyait de sa vie, de son couple, de sa famille n'existait pas réellement… Elle était seule victime de la magie, d'un sort odieux qu'on lui avait jeté pour mieux la détruire, la manipuler. Elle regarda Emma un court instant, mesurant 7


que la blonde avait été la seule personne depuis des années incalculables à qui elle avait osé donner sa confiance. Emma l'avait trahie… — Je t'aimais, dit Regina d'une voix meurtrie et le regard empli de larmes… Et sans un mot de plus, elle disparut dans un nuage violet avant qu'Emma ait atteint l'hôpital de Storybrooke. Elle freina brusquement au milieu de la route, provocant quelques coups de klaxon derrière elle. Son regard sur la place vide, elle prit le temps de réfléchir aux conséquences. — Merde ! Et ce mot, lui aussi, était faible... Elle prit son portable dans la poche de sa veste et numérota aussitôt. Le risque qu'elle avait pris se révèlerait peut-être trop grand... — David ? # Emma ? Qu'est-ce qui se passe ? Par où commencer ? Emma n'avait mis personne au courant de son plan. Elle n'avait pas souhaité entendre de conseils, ni de recommandations ou d'objection, avait préféré agir seule. Mais maintenant, elle craignait le retour de bâton. Dans un crissement de pneus, elle fit demi-tour et reprit la direction de maison du Maire. — J'ai... J'ai joué le jeu... Et je me suis débarrassée de Cora, mais... Je crois que Regina ne l'a pas très bien pris. # Elle s'est rangée du côté de sa mère ? — Non... fit-elle, mal à l'aise. Regina croyait vraiment qu'on était ensemble et... Et je crois que je lui ai brisé le coeur.

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Même pour elle, ces mots semblaient surréalistes associés à la Reine. D'ailleurs, David eut un silence d'hésitation avant de lui répondre : # C'est un sort, voyons. Et tout le monde sait que Regina n'a pas de coeur. — Je crois que si au contraire. Elle a disparu et je vais voir si elle est chez elle... # Attends, j'arrive... — Non, ordonna Emma sans hésiter, j'y vais seule, ça vaut mieux.

Chapitre 16 : Dure réalité Toutes les évidences étaient là, sous ses yeux… Ni photo, ni vêtement, ni aucun de ses souvenirs n'occupaient la maison de Regina Mills dont la colère égalait sa peine et son déni. Souffrir, encore, après toutes ces années, après avoir fait le deuil de Daniel… comment pouvait-elle l'accepter ? Elle s'était juré de ne plus sombrer, de ne plus ressentir tant de noirceur, tant de douleur. Regina se tenait debout, devant le bar, un verre de Whisky à la main, la bouteille posée devant elle, son regard humide dans le vide. Au fond d'elle, elle ressassait ses souvenirs, ses émotions si destructrices et toute sa faiblesse… Car sa mère, aussi vile soit-elle, l'avait toujours tenue en garde contre l'Amour. L'amour rendait les gens faibles, dépendants, prisonniers de sentiments qui les enchaînaient à d'autres individus. Regina s'en voulait… Chaque gorgée d'alcool s'écoulant dans sa gorge lui donnait l'illusion de la libérer, mais il n'en était rien. L'alcool accentuait sa peine, son profond désarroi car après tout le mal que la Méchante 9


Reine avait fait aux habitants de Storybrooke, son tour était venu de souffrir, de payer ses dettes… Mais peut-être existait-il une solution à toute cette peine ? Peut-être pouvait-elle elle-même mettre un terme à son malheur ? Dans un geste insensé, Regina enfonça sa main dans sa propre poitrine et en sortit ce bien si précieux qu'elle avait tant de fois arraché à ses ennemis. Son propre cœur était là, sous ses yeux emplis de larmes, dans sa paume. Il l'avait trahie, cruel. L'avait abandonnée quand elle avait eu le plus besoin de lui. Chacun de ses battements était une véritable torture et, même s'il n'était plus aussi noir qu'auparavant, Regina ne supportait plus de le sentir se tordre sous les effets de son chagrin. La porte s'ouvrit brusquement et laissa Emma entrer. Celleci aperçut Regina de dos et fit quelques pas dans le salon, prudente. Une Reine désespérée telle que Regina était une Reine plus dangereuse encore qu'elle ne l'avait été par le passé. Mais Emma se savait fautive cette fois et devait donc réparer parce que pour une fois, elle était la Méchante de l'histoire. — Regina, fit-elle à voix basse pour briser le silence. Elle s'arrêta net quand la Reine se retourna vers elle, son propre coeur dans la main et leva la main en signe de reddition. Par où commencer ? Les larmes qui baignaient ses yeux bruns lui faisaient mal au coeur... Jamais elle ne l'avait vue aussi désemparée et s'en retrouvait plus troublée que jamais. — Remets ce coeur à sa place... Parce que si ce lien de leur cœur avait fonctionné avec Cora alors il fonctionnerait très bien dans l'autre sens, songeait Emma. Regina lui lança un regard et, malgré toute sa bonne volonté, il lui fut impossible de le rendre aussi méprisant

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qu'il l'avait été autrefois. Elle répondit, immobile, les yeux baissés sur cet organe si précieux. — Ma propre mère, murmura-t-elle, se l'était arrachée pour ne ressentir ni peine, ni amour… Ces mots ne firent qu'accentuer le mal être d'Emma devant Regina. Après ce que la Reine avait été prête à faire pour elle, elle culpabilisait de constater autant de chagrin. Quels mots devait-elle choisir ? Jamais, elle n'aurait pu soupçonner en arriver là avec Regina. Les ennemies devenaient alors indissociables et aucune d'elle ne supporterait d'être éloignées... Mais Emma ne s'était pas préparée à parler, à fouiller au fond d'elle pour trouver le courage et l'admission nécessaires à cet instant. — Regina, commença-t-elle d'une voix résignée, je... J'ai ressenti quelque chose... Le regard imbibé de larmes, Regina la fixa, attentive. Emma savait qu'elle avait obtenu toute son attention et la pression grimpait... — Je... Je ne sais pas quel genre de souvenirs, t'as dans la tête et j'ai aucune idée de ce qu'on vit ensemble pour toi... Mais j'ai senti quelque chose... Les mots venaient, saccadés, extirpés du plus profond de son être et brûlaient sa gorge asséchée par l'émotion. Elle craignait pour sa propre vie à cause de ce coeur dans la main de Regina. Mais autre chose de plus effrayant se tramait à l'arrière de sa tête, derrière chacun de ses aveux... — J'avais... J'avais envie de le faire... Emma dut prendre quelques secondes pour trier ses pensées, prendre conscience de ce qu'elle était en train de confesser. Et un fichu rire nerveux sortit de sa gorge en y réfléchissant.

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— Putain... J'y crois pas... Elle prit une inspiration et releva les yeux sur la Reine. — T'as réussi, Regina. T'as réussi... J'ai eu envie. J'ai pas eu besoin de me forcer... Et j'aurais pas pu poser mes mains sur toi, s'il n'y avait eu aucune attirance. Je l'avoue maintenant, je le dis... Et pas seulement parce que ton coeur est lié au mien. Mais parce que je crois que tu peux réellement aimer. Regina ne l'avait pas quitté des yeux, observant chacune de ses réactions à chacune de ses paroles. Pouvait-elle croire cette fois en ces mots ? Pouvait-elle avoir confiance ? Mais si tout ceci n'était que le fruit de son imagination, où était la vérité ? Etait-elle réellement capable d'aimer comme le disait Emma ou ceci n'était-il que le résultat d'un sort ? Seules les émotions étaient réelles car son cœur, ainsi dans sa main, n'avait jamais paru à la fois si fragile et douloureux. D'un pas hésitant, elle s'approcha d'Emma et prit doucement sa main avant de glisser son cœur dans sa paume. Ce geste empreint de symbole, elle répondit : — Il est à toi… Emma baissa les yeux sur l'organe chaud et palpitant dans sa main. Les mots de Regina révélaient plus qu'elle ne l'aurait espéré. Depuis ces dernières heures, elle avait eu l'occasion de mesurer les sentiments de la Reine, mais celle-ci lui confiait sa vie toute entière par ce geste. En une seule empoignade, elle pouvait la tuer, la réduire à néant et libérer le fardeau de tout un village, de tout un monde... Le voulaitelle seulement ? Elle releva les yeux sur Regina devant elle. — Remets-le à sa place... Elles demeurèrent sans bouger un instant, leur regard planté l'un dans l'autre jusqu'à ce que Regina ne s'exécute et retrouve son coeur dans sa poitrine. Mais tout restait à faire, 12


ou à refaire pour la Reine. Le silence retombait entre elles. Un silence lourd et assourdissant à la fois. Emma se rappelait de chacun de ses mots, de ses confessions. — Ecoute, commença-t-elle, je... Mais elle fut interrompue par une profonde vibration, un tremblement qui secoua toute la maison. Aussitôt, elle agrippa le bras de Regina pour se maintenir debout tandis que les bibelots tombaient des meubles dans la pièce. — Qu'est-ce qui se passe ? demanda Emma. Et Regina pensait comprendre… . . Dans les tunnels de l'ancienne mine, Cora scruta la pierre dans les airs devant elle. Un gros diamant qui flottait tout seul, renfermait tant de choses, tant de puissance. Si sa propre fille ne voulait entendre raison, si elle ne pouvait tuer cette Sauveuse et tous ses amis, alors tout le monde périrait et rien ne subsisterait qu'elle. Sa fille restait tellement prévisible, tellement naïve. Regina aurait eu beaucoup à apprendre auprès d'elle et elle aurait sûrement été une très grande Reine si seulement, elle l'avait écoutée. Mais l'Amour l'avait affectée, contaminée jusqu'au coeur, jusqu'à se laisser enchaîner à celui de cette vulgaire bonne femme aux cheveux blonds. La terre pouvait trembler, les murs s'effriter, le sol se dérober, engloutir chaque être encore vivant de cette ville factice. L'espoir n'avait plus sa place en ce monde, la magie non plus. D'un geste de la main, elle disparut dans un nuage de fumée violette, laissant le diamant dégager sa puissance autour de lui, annihiler ce qu'il protégeait jusqu'alors. .

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. La nature reprenait ses droits, mètres après mètres. Les premiers bâtiments aux abords de la ville disparaissaient peu à peu sous les feuillages, les plantes de la forêt qui l'entourait. Les habitants couraient dans tous les sens, en quête d'un abri, paniqués. D'où venait cette nouvelle malédiction ? Les racines rampaient le long des trottoirs, grimpaient contre les façades des premiers magasins de l'avenue. La route se fissurait en plusieurs parties et déjà, des pilonnes électriques s'écrasaient contre les toits des maisons. De grosses gerbes d'étincelles éclaboussaient les pauvres malheureux aux alentours. . . Les deux jeunes femmes étaient sorties de la maison. Témoins des phénomènes au bout de la rue, elles étaient montées dans la voiture d'Emma pour rejoindre Henry chez Blanche et Charmant. Emma tourna les yeux vers Regina dans un réflexe. Si la Reine ne se trouvait pas derrière ce spectacle terrifiant, elle devait au moins en connaître la raison. — Qu'est-ce qui se passe ?! Regina gardait une expression confuse et déroutée. Dans le rétroviseur, elle observait la nature, la forêt toute entière reprendre la ville, la faire disparaître. Mais elle savait, elle savait pertinemment ce qui était en train d'arriver. — Ma mère... fit-elle. Ma mère a trouvé la pierre... — Quoi ? questionna Emma, agacée et tendue, quelle pierre ? Regina revivait ses souvenirs, revivait plusieurs scènes de sa mémoire même si quelques détails divergeaient. 14


— Quand je suis arrivée à Storybrooke, j'ai mis en place un système d'autodestruction à travers une pierre unique, une améthyste qui me permettrait d'annihiler la ville, de la rayer de la carte… Ma mère a dû le trouver. Emma arrêta la voiture devant chez elle, trouva ses parents et son fils sur le parking près du quatre-quatre de Charmant. — Vous avez-vu ? s'affola Blanche… Toute la ville est en train de se détruire. Henry vint aussitôt trouver les bras de sa mère brune pendant qu'Emma répétait à Blanche et Charmant les explications de la Reine. — Comment on l'arrête ? demanda David. — Vous ne pouvez pas, répondit Regina. — Il doit forcément y avoir une solution, intervint Emma. Il faut trouver la pierre. Où est-elle ? — Elle était dans la grotte sous la bibliothèque protégée par une créature de notre monde, mais ma mère a dû s'en débarrasser... — Comment va-t-on la retrouver ? — La seule manière de l'activer sans moi, c'est avec une des pioches de vos nains, répondit Regina en désignant Blanche. — La Mine ! lança Charmant en grimpant dans son quatrequatre. Toute la famille, Regina y compris monta dans le véhicule pour rouler à vive allure vers l'ancienne Mine. Assise près d'Henry qui s'était mis entre elle et Emma, Regina précisa : — Vous ne pourrez d'autodestruction.

pas

stopper

le

processus

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— C'est toi qui as créé cette sécurité, tu peux l'annuler, expliqua Emma en toute logique. Regina jeta un regard vers Emma. Leur confrontation plus tôt dans la journée était temporairement balayée par l'urgence de la situation. Sa mère n'aurait pas pu abandonner ainsi, sans créer l'apocalypse... — Elle n'est pas censée être annulée une fois activée. Son but était de détruire la moindre preuve de l'existence de Storybrooke et de ses habitants au cas où le monde extérieur aurait été informé de notre existence. Emma fronça les sourcils sur cette explication donnée par Regina et une conclusion malheureuse et logique lui vint à l'esprit : — Alors tu comptais tuer tout le monde en cas de fuite ? demanda-t-elle, tendue. Pourquoi je ne suis pas étonnée ? Regina se savait coupable mais se défendit : — C'était il y a des années. Tu n'étais même pas née ! — Et quand comptais-tu nous informer qu'une pierre pouvait détruire la ville toute entière si quelqu'un comme ta mère pouvait s'en servir ? Regina se tendait sur les nouvelles accusations d'Emma qui reprenait ses habitudes. Mais cela ne différait pas trop de la vie de couple qu'elle gardait en tête malgré les évènements. Emma et elle se disputaient régulièrement. — Tu ne m'en as pas laissé l'occasion, rétorqua-t-elle aussi accusatrice. Mais avant d'enchaîner une quelconque attaque de la part de l'une ou de l'autre, Henry les interrompit en posant une main sur leur cuisse respective.

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— Arrêtez ! C'est pas le moment de vous disputer ! Charmant pila devant l'entrée des Mines tandis que lui et sa femme avaient été témoin de cette étrange dispute entre leur fille et la Reine. Etrange parce qu'elle avait eu une consonance plus conjugale que rivale. Tout le monde descendit et se précipita vers les tunnels. Sous la terre, le sol semblait vibrer plus fort et le phénomène semblait s'intensifier. Ils longèrent les rails en suivant Regina et s'arrêtèrent après quelques dizaines de mètres devant une pierre qui flottait dans les airs. — La voici, fit Regina. Ma mère doit déjà être loin… — Comment on l'arrête ? s'affola Blanche. — Si on ne l'arrête pas, on va tous mourir, c'est ça ? demanda Henry de plus en plus inquiet. Cette seule idée fut insupportable à Regina dont l'impression de déjà-vu persistait grâce à ses souvenirs. Ce moment, cette peur ancrée en elle, lui était familière. Regina l'avait déjà vécu et si tout se tenait, elle savait désormais ce qu'il était convenu de faire… — Non, vous ne mourrez pas, s'enquit-elle. Elle s'approcha du joyau magique, une améthyste d'une grande valeur et dont les reflets bleus illuminaient la mine. Elle y imposa ses mains, capta ainsi l'énergie destructrice qui bientôt anéantirait la ville. Mais devait-elle dire à Emma quoi faire ? Sa Emma qui l'avait trahie en se servant d'elle pour retrouver sa mère ? Peut-être devait-elle laisser à la Sauveuse son libre arbitre, cesser de croire qu'elle était sa Emma. — Vous devez partir, toi et Henry, fit-elle… Partez… Je peux contenir l'énergie… Mais je ne pourrai pas tenir longtemps…

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Sur cette dernière réplique, Emma fronça les sourcils. Que devait-elle comprendre au juste ? Elle n'avait pas poussé Regina à remettre son propre coeur dans sa poitrine pour maintenant la laisser se détruire avec cette pierre de malheur. Henry contre elle, elle le regarda : — Eloigne-toi... Elle approcha de Regina, face à elle et lui répondit aussi sec : — Tu rêves si tu penses que je vais t'obéir... Elle l'imita, leva les mains autour de la pierre comme le faisait Regina et se sentit aussitôt aimantée par la puissance de la pierre. Le nuage de lumière bleutée et turquoise prit une couleur jaune-vert étincelante. Son corps vacilla et trembla tant l'énergie devenait intense. Elle leva les yeux sur Regina devant elle et la vit aussi secouée qu'elle, subir les assauts indistincts de cette magie destructrice. Et si c'était la fin ? Elle jeta un œil vers Henry dans les bras de ses parents. Il ne pouvait en être ainsi... Trop de choses restaient à régler. Sa vie avait pris un tournant extraordinaire depuis sa rencontre avec son fils et ces derniers jours avaient été pour le moins riches en émotions. Des émotions ressenties auprès de sa pire ennemie, la seule personne qu'elle avait pourtant détestée plus que quiconque. Son regard repartit sur Regina dont les traits crispés révélaient la force de ses efforts, sa résistance affaiblie seconde après seconde. Elle devait tenir. Personne ne mourrait aujourd'hui et la Reine vivrait aussi... Emma serra les dents sur une autre vibration plus agressive que la précédente. A nouveau, elle sentait quelque chose circuler, le même choc électrique que celui qu'elle avait connu avec Regina lors de ce pique-nique. Une sensation à la fois grisante et incontrôlable. Un long frémissement parcourait ses veines au même rythme que son sang palpitant. Le plafond s'effrita alors, le sol trembla et l'inquiétude de Regina se fit plus grande. Elle regarda Charmant : 18


— Sortez… Emmener Henry avec vous… Henry voulut s'approcher de ses mères : — Non, on reste avec vous ! Mais le ton de Regina se fit plus ferme à l'attention du Prince et de son ancienne belle-fille. — Emmenez-le David ! Blanche autant que son amant, comprenaient cette demande même si laisser leur propre fille leur était douloureux. Le plafond de la mine menaçait de s'effondrer chaque seconde un peu plus. Alors David prit Henry de force, ce dernier se débattant dans ses bras, et Blanche le suivit à travers la galerie de la mine. Désormais seule avec Emma, Regina s'efforçait de contenir l'énergie grandissante créée par la pierre. Emma l'avait rejointe, lui donnant davantage de courage, d'espoir, de réussir une nouvelle fois à empêcher la destruction de Storybrooke. L'aide de la Sauveuse était symbolique à ses yeux, plus précieuse que jamais et Regina pouvait sentir circuler son énergie et l'intensité de sa puissance à travers la pierre. Alors peut-être leur avenir n'était-il pas perdu, peut-être certaines choses se produiraient à nouveau. Peut-être Emma finirait-elle par comprendre leur lien si spécial et intense. Son regard croisa le sien quand toutes les deux perçurent la magie de la pierre s'affaiblir mais résister, continuer d'absorber la magie de Storybrooke pour que la nature reprenne ses droits. Alors Regina prit la main d'Emma dans une dernière tentative. Ses doigts glissèrent entre les siens, les serrèrent doucement dans des frissons familiers qui ne firent que nourrir davantage leur volonté et leur conviction d'être capables de s'en sortir. — Ensemble, pour Henry, fit Regina d'une voix éreintée… — Pour Henry, répéta Emma… 19


Regina faiblissait mais pouvait sentir leur puissance respective ne faire plus qu'une contre la magie quasiinébranlable de la pierre. Alors celle-ci s'illumina soudainement d'une lueur blanche, vive, éclatante et la pierre sembla s'éteindre d'un coup, comme une ampoule, avant de tomber vulgairement sur le sol sablonneux de la mine. Le silence revint autour d'elles autant que le sol s'arrêta de trembler. Leurs mains toujours jointes, leur souffle plus court témoignaient des efforts qu'elles venaient de fournir pour arrêter cette bombe magique et éviter la destruction de Storybrooke. Elles avaient réussi, ensemble, elles avaient déjoué le plan de Cora. Elles avaient sauvé Henry, sauvé la ville et ses habitants. Elles se regardèrent alors, un léger sourire de soulagement aux lèvres. Regina sentit malgré elle la main d'Emma quitter la sienne : — Allons voir comment va Henry. Regina acquiesça et la suivit jusqu'à la sortie de la mine avant de voir Henry se précipiter dans les bras d'Emma. — Vous avez réussi ! fit-il. — Parce que t'en doutais ? taquina Emma en lui ébouriffant les cheveux. Regina s'avança, le pas toujours gracieux malgré la poussière et la sueur sur son visage. Ses mains dans les poches de sa veste noire, elle demeurait élégante en toutes circonstances, même après avoir sauvé une ville entière. Sans se soucier de son allure, elle croisa les regards heureux de Charmant et Blanche mais devina leur rancune et leurs accusations à son égard. Tous avaient failli périr à cause d'elle et Regina en assumait l'entière responsabilité. — J'espère qu'il n'y aura pas d'autre surprise de ce genre, lança David en la regardant. 20


Regina ne perdit pas de son aplomb et de son ironie : — S'il y en avait, croyez bien que je ne vous le dirais pas David. Henry vint étreindre sa maman brune. — Tu nous as sauvés… Il regarda sa mère blonde et rectifia : — Vous nous avez sauvés toutes les deux ! Regina lança un coup d'œil à Emma et croisa son regard plus complice qu'il ne l'avait été jusqu'alors. Certes, ce qu'elles venaient d'accomplir ensemble était un grand pas dans leur relation même si ce moment appartenait d'une certaine façon à ses souvenirs. Cependant, si ce combat était gagné, Regina ne le considérait pas comme une victoire car elle n'oubliait pas et n'oublierait jamais les paroles d'Emma qui s'était servie d'elle, de ses sentiments profonds pour atteindre sa mère. Même si Emma était venue la trouver, lui avait avoué une « certaine attirance » à son égard, cette vie dans laquelle elle s'était réveillée n'était pas celle de ses souvenirs et ne le serait probablement jamais. Un sort avait été jeté à son encontre, un seul, qui lui avait sans doute permis de voir l'avenir sous une forme étrange afin qu'elle soit capable de sauver son fils, Emma et Storybrooke… Mais qu'arriverait-il maintenant ? La Reine ne connaissait malheureusement pas l'avenir… — On devrait rentrer voir les autres, dit Blanche, leur expliquer ce qu'il vient de se passer… — Bonne idée, fit David. Ils se dirigèrent vers le quatre-quatre et Emma vers sa voiture jaune avec Henry avant de réaliser que Regina ne les suivait pas. Elle s'arrêta, la regarda un instant et demanda :

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— Tu ne viens pas ? Regina ne savait plus si elle devait se joindre à eux… La seule chose qui était certaine à ses yeux, qui le serait aux regards de tous, était qu'elle était la Méchante Reine et les habitants de Storybrooke l'accuseraient une nouvelle fois des événements même si elle avait empêché le pire. Mais plus que tout, Regina songeait à sa mère, à ce qu'elle avait failli provoquer avec la pierre. — J'ai une affaire importante à régler, répondit-elle Elle esquissa un tendre sourire à Emma et reprit : — Nous nous verrons sans doute plus tard, Miss Swan. Emma ne comprit pas ces paroles mais ne manqua pas de remarquer le sourire de Regina, la tendresse de son regard à travers ses prunelles brunes. Elle y capta également toute sa peine, son désarroi. Malgré elle, Emma devait pourtant partir. Son fils l'attendait, ses parents et tous les quatre devaient retourner en ville pour évaluer les dégâts et rassurer les habitants de Storybrooke. — Ok, on se voit plus tard alors. Regina acquiesça et la vit monter dans sa voiture jaune avant de s'éloigner. Malgré sa fatigue, elle se téléporta dans son temple magique dissimulé dans le cimetière de la ville, dernier vestige ramené de son royaume au Pays Enchanté. Dans ce lieu secret, Regina avait gardé des centaines et des centaines de cœurs ayant appartenu à ses victimes ou à celles de sa mère. Elle se dirigea vers l'un des coffres qu'elle ouvrit afin d'en sortir un cœur particulièrement sombre et noir. Dans sa paume battit alors le cœur de sa mère, un cœur mis à l'abri dans ce coffre depuis tant d'années pour protéger Cora de toutes les émotions les plus méprisables et honteuses… comme l'Amour. Sa mère avait-elle eu raison de s'arracher son propre cœur, se demandait la Reine. Mais 22


Regina avait déjà sa réponse car sa mère ne l'avait jamais vraiment aimée et seuls son intérêt et son orgueil s'étaient exprimés à travers elle dans chacune de ses actions. Si l'idée de s'arracher à nouveau le cœur continuait de la traverser pour ne plus souffrir de l'absence d'Emma, elle ne pourrait imposer pareille décision égoïste à Henry. Regina aimait son fils et malgré tous ses actes abjects destinés à la rendre toujours plus puissante, elle ne ferait rien qui puisse le rendre un jour malheureux comme elle l'avait été. Alors elle souffrirait certainement plus qu'elle avait souffert après la mort de Daniel et son rôle aujourd'hui, en cette seconde, était d'éloigner sa propre mère de sa vie pour que puissent s'épanouir son fils et la femme qu'elle aime. Des larmes roulèrent sur ses joues avant que ses doigts ne se referment sur le cœur de Cora. Ce dernier tenta vainement de battre entre ses doigts fragilisés par sa peine, puis il céda, s'effrita et se transforma en une poussière épaisse qui s'envola dans la crypte. Regina sut à cet instant que jamais, elle ne se pardonnerait d'avoir tué sa propre mère.

Chapitre 17 : Le retour de Regina Mills Les jours et semaines suivantes, le calme revint dans la petite ville du Maine à Storybrooke. Chaque habitant reprenait ses habitudes, ses occupations quotidiennes. La végétation apocalyptique s'était retirée, les dégâts sur les routes et immeubles continuaient d'être réparés et tout semblait allait pour le mieux dans la meilleure des villes de la côte Est du pays. La normalité reprenait ses droits sur la magie et plus rien ne laissait soupçonner que Storybrooke avait été secouée par l'orgueil de la Reine de Cœur… La plupart des habitants reprenaient le sourire, leur joie de vivre car tous avaient constaté la disparition de Regina Mills.

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Pour chacun, la Sauveuse les avait sauvés, mais Emma Swan n'y était pour rien… Un pas claudiquant se fit entendre dans les marches du commissariat et Emma releva ses yeux sur une silhouette familière. — Bonjour Miss Swan. La concernée releva ses yeux d'un des nombreux dossiers qu'elle avait volés dans le bureau de Regina. Des cernes marquaient son visage, témoignaient un manque évident de sommeil ces derniers jours. — Qu'est-ce que vous voulez Gold ? Ce dernier évalua les lieux, comme s'il les visitait pour la première fois et regarda la Sauveuse, ses mains posées l'une sur l'autre sur le dessus de sa canne. — Ca fait bientôt un mois que Storybrooke se retrouve sans Maire pour assurer la gestion et le bon fonctionnement de notre petite ville. — Regina va revenir ! s'enquit Emma avant de baisser ses yeux sur le dossier, ne donnant aucun crédit au rappel de Gold. — Oui, c'est ce que vous voulez faire entendre à tout un chacun, ma chère, répliqua-t-il. Mais il va falloir vous rendre à l'évidence. Regina Mills ne reviendra pas. Personne ne sait où elle est, pas même vous. Peut-être même est-elle morte depuis longtemps. Emma s'énerva et se leva, les mains sur la table : — Elle n'est pas morte ! — Comment pouvez-vous le savoir ? défia-t-il. — Je le sais, c'est tout. 24


— Il me semble que votre jugement est faussé par la relation que vous entreteniez avec Mademoiselle Mills. — Qu'est-ce que ça veut dire ? s'énerva Emma. — Oh, vous le savez très bien, très chère. Mais votre vie privée ne m'intéresse pas. Il fit quelques pas dans le bureau et continua : — Le fait est que légalement parlant, une ville de cet Etat ne peut rester sans Maire plus de trente jours consécutifs. Je tenais donc à vous prévenir que j'ai l'ambition de reprendre les rênes de Storybrooke, conclut-il d'un sourire ironique. — Parce que vous croyez que les habitants de Storybrooke vont vous élire ou voter pour Rumplestilskin ? — Ils voteront pour celui à qui ils payent des loyers que je suis en mesure de réviser si je deviens Maire. Et tout le monde sait ici que je n'ai qu'une parole ! — Les habitants de Storybrooke choisiront quelqu'un d'autre mais certainement pas vous. — Encore faudrait-il qu'une tierce personne ose se présenter contre moi, répliqua Gold. Et même si Regina revenait par le plus grand des miracles, le mal qu'elle a fait à tous ces gens, y compris vous et votre famille, ne jouera pas en sa faveur. Personne ne se plaint de sa disparition et je suis sûre que vous n'avez jamais eu si peu de travail en tant que Shérif depuis votre arrivée à Storybrooke. Gold avait raison sur chaque point énoncé et Emma le savait. Elle le vit s'éloigner vers la porte : — Sur ce, passez une bonne journée et embrassez mon petit fils de ma part quand vous le verrez.

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Emma fulmina en le voyant quitter le commissariat. Elle détestait Gold et elle détestait encore plus Regina d'avoir disparu sans prévenir et de la mettre dans pareille situation. Depuis les événements de la mine, elle n'avait plus eu de nouvelles, elle avait fouillé la Mairie, la crypte, le cimetière, la forêt, en vain. Regina avait disparu, personne ne l'avait vue et tout le monde s'en réjouissait. Sauf Emma et à qui pouvait-elle l'avouer ? La Sauveuse était inquiète, plus qu'elle ne l'aurait dû autant qu'Henry qui, chaque jour, lui demandait des nouvelles de sa maman brune. Emma ne savait plus. Elle avait soulevé toutes les hypothèses sur sa disparition, avait même songé à la possibilité que Regina eut quitté la ville afin d'oublier qui elle était… Afin de tuer la Méchante Reine en ne gardant que Regina Mills. Mais Emma connaissait sans doute trop l'attachement de Regina pour Henry pour la croire capable de fuir ainsi ses responsabilités de mère et de faire du mal à son fils. Quelque chose lui avait sans doute échappé mais quoi ? Où devait-elle chercher ? Où Regina Mills pouvait-elle bien se cacher depuis tout ce temps ? Et surtout pourquoi ? Réalisant l'heure tardive, elle finit par prendre son sac en bandoulière et quitta le commissariat. Elle devait aller chercher Henry à l'école pour lui expliquer que ses recherches n'aboutissaient toujours pas. . . Une demi-heure plus tard, elle rentrait chez elle avec Henry tandis qu'une bonne odeur de poulet fermier parfumait la cuisine et la salle à manger. Mary Margaret approcha, un torchon dans les mains : — Salut, les enfants. — Salut… dit Emma en posant son sac. 26


Au ton de sa fille, Mary Margaret devina que cette journée n'avait donné aucun résultat dans les recherches. Elle demanda tout de même : — Tu as passé une bonne journée ? Emma sortit une bière du réfrigérateur et s'assit à la table de la salle à manger tandis qu'Henry sortait ses affaires de cours sur son bureau plus loin. — Certainement pas pire qu'hier et moins pire que demain, s'agaça-t-elle. J'ai épluché tous ses dossiers, elle en avait sur chaque habitant de Storybrooke, de la profession exercée à leur rôle dans votre monde. Graham l'avait certainement aidée à les constituer mais ça ne m'apporte rien et je ne sais même pas ce que je cherche ! Elle but quelques gorgées de sa bière et Mary Margaret s'assit près d'elle, le regard compatissant. Elle tenta d'une voix basse : — Je sais que tu ne veux pas l'entendre, mais peut être devrais-tu envisager qu'elle soit… — Morte ? répéta Emma d'une voix égale en songeant aux paroles de Gold. Elle sourit, plus nerveuse, son regard dans le vide en songeant à ce lien inexplicable qui la connectait à Regina. — Non, reprit-elle. Je le saurais. — Qu'elle soit partie, corrigea Mary Margaret. Tu dois envisager qu'elle a peut-être fui la ville. Regina savait que la ligne à la frontière de Storybrooke pouvait effacer nos souvenirs d'avant. Ne penses-tu pas qu'elle aurait voulu oublier qui elle était ? Oublier qui elle était, se répétait Emma. Elle y avait pensé, y songeait encore. Si la Reine avait passé la fameuse ligne, elle 27


effacerait sa mémoire, sa magie, mais Regina Mills, en tant que Maire de Storybrooke et mère adoptive d'Henry resterait bien en vie. — Elle n'aurait pas disparu, conclut Emma à ses pensées. Regina Mills n'abandonnerait pas son fils ! — Nos souvenirs sont responsables de nos regrets et de nos douleurs, reprit Mary Margaret. Ils font de nous ce que nous sommes aujourd'hui. En voulant devenir meilleure elle aurait pu prendre cette décision. — Elle ne l'a pas fait, dit Emma avec conviction. J'en suis sûre. Mary Margaret constatait sa fille très affectée par la disparition de Regina et savait que les demandes d'Henry la concernant n'étaient pas seulement la cause de tant d'acharnement à la retrouver. Sa fille lui mentait, elle le sentait mais n'osait la bousculer pour l'instant. Mary Margaret songeait aussi qu'un autre point des plus importants devait être abordé. — Je sais que ce n'est peut-être pas le moment mais j'ai dit à David que je te parlerai de nos projets, reprit Mary Margaret. Emma fronça les sourcils : — De quels projets tu parles ? — Ceux de retourner chez nous. Emma se tendit sur ce rappel. Elle avait oublié cette histoire de haricots magiques plantés dans le champ invisible à la sortie de la ville. Mary Margaret poursuivit : — Nous avons suffisamment de haricots pour pouvoir créer un portail magique et permettre à tout le monde de rentrer. 28


Emma se leva, agitée, et lança un coup d'œil vers Henry qui faisait ses devoirs et n'écoutait pas leur conversation. Une main nerveuse passa dans ses cheveux en comprenant les projets de ses parents. — Bien sûr, se dit-elle à même. Vous voulez retourner chez vous. — Chez nous, corrigea Blanche. C'est le monde auquel nous appartenons, c'est le monde auquel tu appartiens toi aussi. Emma regarda sa mère : — Et Henry ? — Il est ton fils, notre petit-fils, lui aussi appartient à notre monde. Emma ne pouvait envisager et accepter de partir. Elle secoua la tête en signe de dénégation mais son téléphone sonna au même instant. Elle le récupéra et répondit : — Oui ? # Miss Swan. Ici le docteur Whale… Elle resta un instant perplexe. Jamais Whale ne l'appelait. — Je vous écoute… # Et bien, c'est un peu délicat je dois dire… En réalité c'est aussi une histoire plutôt incroyable, même pour moi et… Sa façon de tourner autour du pot agaça Emma : — Et quoi docteur ? # Madame le Maire m'a chargé de vous contacter. Emma fronça aussitôt les sourcils : — Où est-elle ? 29


# Et bien, avant tout sachez que ce que je m'apprête à vous dire va vous paraître très étrange… — Whale ! Abrégez bordel ! # Regina est à l'hôpital depuis plusieurs semaines… Elle m'avait obligé à ne prévenir personne, même pas vous. Elle m'a menacé et comme vous le savez, je suis tenu au secret professionnel et je ne pouvais… Emma l'interrompit, exaspérée : — Vous allez me dire ce qui se passe ? # Regina est enceinte, annonça-t-il enfin… Il parait que vous étiez au courant puisqu'il s'agirait également de… de votre bébé. D'après elle en tout cas ! Elle est à terme et l'accouchement est prévu dans les prochaines heures. Elle souhaite vous voir, elle souhaite que vous soyez présente et c'est assez urgent étant donné que… qu'elle a perdu les eaux. Emma s'était figée après les premiers mots du docteur Whale. Le regard dans le vide, l'oreille collée à l'écouteur de son téléphone, son expression transparut autant de stupeur que de confusion. Venait-elle de rêver les paroles du docteur ? Après la scène dans les tunnels de la mine, après le départ soudain de la Reine, cette histoire de bébé avait disparu de ses pensées pour ne laisser place qu'au besoin de la retrouver. Elle cligna des paupières, déboussolée. # Miss Swan ? Elle sortit de sa torpeur sur son nom, mais rien n'était résolu et tout se troublait à nouveau. — Oui, je... J'arrive. C'était tous les mots qui avaient su sortir de sa gorge nouée par trop de questions. Elle raccrocha sans attendre la 30


moindre réponse et reprit sa veste avant de se hâter vers la porte. — Qu'est-ce qui se passe ? demanda Mary-Margaret, inquiète. — Une urgence, répondit Emma, je reviens. Elle quitta l'appartement précipitamment, poussée par sa curiosité, une envie, un besoin de savoir, de voir Regina. Ce bébé ne pouvait exister et même si elles s'étaient liées d'une manière ou d'une autre, même si leur relation avait sûrement franchi un cap, ce bébé dépassait l'entendement. . . Les portes de l'hôpital franchies, le docteur Whale l'accueillit aussitôt. Il l'avait attendue de pied ferme après leur brève conversation téléphonique. De toute évidence, Emma Swan semblait aussi perturbée qu'il ne l'était. — Regina est dans une chambre à l'écart, dans l'aile Ouest de l'hôpital. — Je vous suis, répondit Emma sans hésiter. Elle lui emboîta le pas, monta dans un des ascenseurs pour grimper au dernier étage et atteindre le service maternité. — Je dois vous dire que je suis moi-même étonné par le phénomène, expliqua Whale en l'entraînant dans le couloir. Emma le suivait à pas pressés, à moitié attentive. Ils passèrent le comptoir d'accueil, empruntèrent un autre couloir, bifurquèrent sur la gauche. Au bout de ce nouveau corridor, elle aperçut deux infirmières se hâter vers une porte. La pression grimpait à nouveau et Emma se

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demandait si Regina ne s'amusait pas avec ses nerfs pour se venger... — C'est ici, fit le docteur Whale en indiquant une porte entrouverte. Emma le suivit à l'intérieur et vit d'abord plusieurs sagesfemmes s'affairer autour d'un lit, au centre de la pièce. Du matériel, des instruments médicaux attendaient sagement sur de petites tables. Son pas devint plus prudent, soudain plus lent. Une infirmière s'écarta du lit et les yeux d'Emma se posèrent sur le profil de Regina. Un souffle se perdit entre deux autres, étouffé. Elle s'arrêta net à un mètre du lit et prit le temps de l'observer. La bosse sous le drap qui la couvrait indiquait clairement un ventre rond, mais elle n'osait le croire, ne pouvait l'assimiler. Quand Regina tourna la tête vers elle et qu'elle croisa son regard brun, son trouble s'accentua et elle se sentit perdre le contrôle. Que faire ? Maintenant, elle se trouvait dans la pièce, là, dans la chambre de Regina. — Emma... La voix de Regina lui parvint et confirma la réalité des évènements. Elle approcha de quelques derniers pas, effarée et sous le choc. — Regina, fut-elle seulement capable de prononcer. Son regard partit sur le reste de son corps couvert par le drap, sur les infirmières qui se chargeaient de veiller sur son état. Elle sentit les doigts de la Reine glisser sur sa main, la lui serrer et reporta ses yeux sur elle. Mais la pression autour de sa main fut plus puissante et Emma vit Regina balancer sa tête en arrière dans un râle de douleur. — Le travail a commencé, lança le docteur Whale en prenant place au bout du lit. — Quoi ? demanda Emma, perdue. 32


Elle ne savait quoi faire, oubliait jusqu'à son propre accouchement. — Le bébé arrive, expliqua le docteur Whale, concentré. Poussez, Regina. Emma n'en revenait pas. Elle se trouvait plantée là, près du lit de Regina qui accouchait réellement, la main broyée par la sienne. De toute évidence, la Reine croulait sous la souffrance des contractions. Elle ne s'était pas préparée à assister à un tel évènement, encore moins à y participer... Elle garda donc sa main dans celle de la Reine et la vit se décontracter après une contraction. Essoufflée, Regina transpirait toute l'eau de son corps. Instinctivement, Emma approcha un peu plus et ramena sa main libre sur son front humide. Par réflexe, elle se mettait à sa place et se rappelait aisément ses difficultés lors de la naissance de Henry. Les questions attendraient la fin de l'accouchement même si elles se bousculaient dans sa tête. — Continuez, Regina, encouragea Whale… Poussez, vous y êtes presque ! Mais Regina n'en pouvait plus. Son regard retournait désespérément vers Emma en quête de réconfort, sa Emma qui lui avait tant manqué ces dernières semaines, qui était venue la trouver pour qu'elles mettent ensemble leur bébé au monde. La Reine savait qu'elle lui devait tant d'explications, mais elle-même ne comprenait pas comment sa grossesse s'était ainsi accélérée. Ce phénomène dépassait le docteur Whale et tout ce qui était humainement possible dans ce monde. D'autres contractions l'arrachèrent à ses réflexions et sa main se serra à celle de sa Sauveuse. Elle sentait sa main caresser son front. Ses yeux se fermaient parfois sur la douleur avant de se rouvrir dans les prunelles bleues d'Emma Swan. Après de longues, très longues et

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insoutenables minutes, le bébé fut enfin libéré et un petit cri résonna dans la pièce. Regina, épuisée, les lèvres entrouvertes et le corps suintant se relâcha doucement sur son lit. Sans lâcher sa main, Emma releva son visage, prudente, vers ce bébé dont les pleurs se calmaient doucement. Les infirmières l'enroulèrent dans plusieurs serviettes blanches et l'une d'entre elles vint entre Emma et Regina pour amener l'enfant à sa mère. — Vous venez de mettre au monde une adorable petite fille, dit la sage-femme. A peine redressée sur son lit, Regina accueillit le bambin contre elle. Ses yeux humides exprimaient un panel d'émotions rares que seule une mère ayant mis au monde son bébé, pouvait comprendre. Et Emma comprenait autant qu'elle pouvait ressentir, partagé cet instant de bonheur, de plénitude et de joie malgré sa confusion omniprésente. Emma gardait en elle ce souvenir impérissable du jour où elle avait accouché d'Henry, seule dans une chambre de la prison où on l'avait enfermée. Elle avait dû se séparer de lui malgré sa volonté et grâce au ciel, à la providence ou à un quelconque destin, elle avait retrouvé son fils. Elle pouvait imaginer et comprendre le bonheur de Regina, captait dans son regard brun cette étincelle de joie et ce reflet plein d'amour posé sur cet enfant… leur enfant ? Regina releva son regard de leur petite fille sur la Sauveuse et lui sourit tendrement : — Elle a tes yeux, Miss Swan. Une remarque qui troubla aussitôt Emma désormais témoin que ce bébé existait. Comment pouvait-elle l'assimiler, comment pouvait-elle croire que cette petite fille était sienne ? Emma Swan avait 28 ans et savait pertinemment comment on faisait des bébés ! Mais à Storybrooke, tout était possible

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et cela, elle l'avait appris à ses dépends. Confuse, troublée, elle lâcha la main de Regina : — Je… Je dois parler à Whale, je reviens… Regina acquiesça d'un petit signe de tête. Elle était sans doute trop fatiguée et émotionnellement fragilisée pour constater le recul et les angoisses d'Emma. Elle regardait sa petite fille, son enfant d'un œil si plein de joie, d'espoir. Regina Mills qui avait rêvé d'être mère, d'avoir son bébé, était enfin maman. Cet enfant était la rédemption qu'elle avait attendue. Emma entraîna le docteur Whale hors de la chambre : — C'est quoi ce délire ? Vous allez m'expliquer ce qui se passe ? — J'aimerais bien, se défendit Whale. — Quand est-ce qu'elle est rentrée à l'hôpital ? interrogea Emma. — Le soir qui a suivi le tremblement de terre à Storybrooke. Les traits tirés, Emma gardait les sourcils froncés, incrédule, perdue dans toutes ses réflexions. Elle avait visité toute la ville après être restée sans nouvelle de Regina. Et comme une idiote, elle n'avait pas songé une seule seconde à venir à l'hôpital ! — Merde, pensa-t-elle à haute voix. — Mais rassurez-vous, poursuivit Whale, le bébé semble en bonne santé et tout à fait normal vu les circonstances. Nous allons faire des examens supplémentaires bien entendu car cette grossesse… — Des examens ? l'interrompit Emma à ses pensées… Vous pouvez faire un test de… de paternité ? 35


Le docteur Whale resta perplexe : — Je ne suis même pas sûr qu'il y ait un père, répondit-il. — On sait tous les deux comment on fait des bébés, s'agaça Emma. Vous êtes médecin, vous le savez mieux que moi. — En effet, mais nous parlons de Regina Mills et elle dit à qui veut l'entendre que ce bébé est également le vôtre. — Je suis une femme. — Et j'en suis tout à fait conscient, répondit le docteur Whale. Emma se mit à rire, nerveusement bien entendu. Sa main passa dans ses cheveux blonds et elle commenta : — C'est à dormir debout toute cette histoire ! — Si vous voulez, une prise de sang pourra confirmer si cet enfant est… hum… de vous. Emma fronça les sourcils, toujours perturbée de partager une telle conversation en plein milieu de ce couloir d'hôpital sur sa « paternité ». Mais avait-elle le choix de refuser cette demande ? Elle se retrouvait sur le fait accompli après que Regina l'eut pourtant prévenue de sa grossesse, et cette petite fille était née sans qu'elle n'ait toutes ses réponses. — Ouais, faites ça, répondit-elle… — Bien, je vais demander à une infirmière de s'occuper de vous. — Quand est-ce que j'aurai les résultats ? — Demain au plus tard, répondit Whale. Emma acquiesça, troublée, ahurie de se retrouver dans cette situation. Elle avait refusé de croire Regina et les 36


événements l'avaient amenée à comprendre que la Reine vivait effectivement dans une sorte d'illusion, mais ce bébé existait bel et bien… Comment Regina avait-elle fait ?

Chapitre 18 : Accepter les faits. Regina contemplait son adorable petite fille qui la détaillait de ses grands yeux bleus. Ses réflexions incessantes des dernières semaines venaient d'être balayées par ce petit être si fragile qu'elle chérissait déjà plus que tout au monde. Bien sûr, elle songeait à Henry qui était son fils, se demandait comment ce dernier accueillerait la venue de sa petite sœur. Car ce bébé chamboulait sa vie et Regina pensait déjà à tous les changements qui surviendraient dans les prochains jours. Enfermée dans cet hôpital depuis des semaines, elle n'avait rien eu le temps de préparer. Elle devrait faire aménager une jolie chambre de Princesse pour sa petite Majesté adorable. Contrairement au reste de sa maison colorée de nuances de gris, blanc et noir, elle choisirait des couleurs chaudes. Du rose, du rouge, du orange, des dégradés de pastel… Son regard se releva sur Emma qui revenait à son chevet et dont elle voyait le trouble à travers ses traits tirés. Mais elle savait comment faire renaître son beau sourire : — Miss Swan, tenta-t-elle d'une voix éreintée… Tu veux prendre notre fille ? Le notre fille chamboula complètement Emma. Elle n'aurait sans doute jamais osé le demander mais puisque Regina le proposait, elle n'allait pas refuser. — Ouais, je veux bien. Regina se redressa à peine pour la poser dans les bras de sa Sauveuse et elle se rallongea en les regardant. Ce tableau offert à ses yeux valait toutes les fortunes, tous les trésors 37


du monde. Devant elle, Emma n'osait plus bouger et examinait ce bambin dont le duvet blond sur la tête rappelait sa longue chevelure dorée. Se pouvait-il vraiment que cet enfant soit le sien ? Et si oui, comment aurait-il pu naître ? Quel genre de magie pouvait créer la vie ? Emma pensait avoir la réponse en se souvenant des paroles de Regina. La magie blanche, destinée à faire le bien sans désir égoïste, le pouvait-elle ? Emma savait que Regina avait été prête à sacrifier sa vie dans la mine pour les sauver. Alors était-ce une forme de récompense ? Pourtant, Regina lui avait dit être enceinte bien avant que Cora ne déclenche la pierre. Emma s'y perdait, ne comprenait plus rien, absorbée par le regard fasciné de cette petite fille adorable dans ses bras. Elle sentit la main de Regina se poser sur sa cuisse et l'entendit : — C'est notre Princesse… Emma devait déjà prendre le temps d'intégrer ce nouvel élément dans sa vie. Plus elle observait ce petit bébé dans ses bras, plus elle sentait la vérité s'en dégager... Et si Regina disait vrai ? Si cette petite fille adorable, tout contre elle était aussi la sienne ? Cette question ne cessait de la harceler et à y songer davantage, une réponse positive ne la dérangerait en aucune façon. Onze ans plus tôt, elle n'avait même pas voulu prendre Henry dans ses bras juste après sa naissance. La peur, les regrets et le chagrin de l'abandon tapissaient ses souvenirs de la venue au monde de son fils. Mais dans cette chambre, assise sur le lit près de Regina, l'idée d'avoir une fille, un deuxième enfant ravivait une émotion étouffée onze ans plus tôt. Une seconde chance s'offrait peut-être à elle et elle finissait alors par espérer que la Reine n'eut pas menti... Sa main quitta sa place sous le bébé niché au creux de son bras et du bout de son index, elle caressa sa joue à la peau douce, telle de la soie. Ses yeux se mirent à pétiller dans sa contemplation active et un léger sourire étira ses lèvres en voyant le bébé réagir et tourner la tête pour accentuer le contact. 38


— Elle est magnifique, commenta Emma sous le charme du bébé. Emma tourna les yeux vers Regina dont le regard tendre ne cessait de la troubler. Certes, elle se rappelait parfaitement ses propres confessions quelques semaines plus tôt, les émotions éprouvées pendant leur pique-nique. Mais l'assimiler complètement, l'intégrer comme une évidence restait difficile. Quelques retenues et réserves demeuraient, certainement dues à une méfiance viscérale. — Est-ce que tu lui as trouvé un prénom ? demanda-t-elle. L'heure n'était pas aux accusations ou aux reproches avec ce très beau bébé dans ses bras. De toute façon, Emma n'avait pas envie de provoquer une nouvelle querelle avec Regina. Du moins, pas à cet instant. Et la Reine était soulagée de constater le calme actuel d'Emma, son sourire devant leur fille. Depuis très longtemps, elle n'avait plus senti cette sensation de plénitude, de bonheur sans aucun nuage à l'horizon. Aucune émotion négative ne parasitait ce moment et c'en devenait étourdissant. Elle se doutait bien que, plus tard, elle devrait affronter l'interrogatoire de sa Sauveuse, mais ne voulait y songer en cette seconde. Seule leur petite fille comptait dans les bras d'Emma. — Que dis-tu de Sara ? proposa-t-elle, le regard brillant sur Emma. Le sourire d'Emma demeura sur ses lèvres et elle prit le temps de réfléchir à ce prénom. Son regard se reporta sur le bébé toujours contre elle et elle lui demanda : — Et toi ? Qu'est-ce que tu penses de Sara ? Est-ce que t'aimes Sara ?

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Pour seule réponse à, Emma reçut un silence, un léger mouvement de main de la part du bébé. Celui-ci préférait de loin se laissait bercer... — Ok, reprit Emma en se redressant. Alors, Sara, tu vas aller dans les bras de maman... Avec prudence et attention, Emma déposa le bébé dans les bras accueillants de Regina. Une fois fait, elle prit le temps d'observer la mère et la fille, une scène touchante et inattendue. Pleine d'émotions, d'amour et d'affection. Autant de termes qui furent autrefois inappropriés pour la Méchante Reine. Comment pouvait-elle engager une conversation avec Regina dans de telles circonstances ? Comment exigeait d'elle des réponses ou explications en la voyant ainsi après son accouchement. Et Emma ressentait le besoin de se confier, de parler à ses parents de ce qui venait d'arriver. Car le bébé était né, restait à savoir qui était le deuxième « parent ». Elle se leva… — Je vais aller voir Henry, tenta-t-elle. Regina la regarda, son bébé, sa petite fille dans ses bras. — D'accord… J'aimerais le voir, fit-elle. J'aimerais qu'il rencontre sa petite sœur. — J'en ai pas pour longtemps… Elle quitta la pièce, déboussolée, réfléchissant d'ores et déjà à la façon d'annoncer à David et Mary Margaret que l'enfant de Regina Mills était né ! . . Blanche et David restèrent muets. Même Henry qu'elle avait tenu à mettre au courant était sans voix.

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— C'est un coup de Gold, tenta David. — On ne sait pas si son pouvoir peut atteindre de tel extrême, lui répondit Blanche. — J'aimerais la voir, intervint Henry. J'aimerais voir aussi ma mère… — On va y aller, répondit Emma, mais en fin de journée. Le docteur Whale doit examiner le bébé avant la sortie de Regina. — C'est insensé, rappela David. Sa grossesse n'était même pas visible la dernière fois qu'on l'a vue à la mine il y a un mois. Comment elle a pu mettre au monde cet enfant ? — Je crois qu'on aimerait tous avoir la réponse, dit Mary Margaret. — Gold doit certainement être au courant de quelque chose, pensa David. Emma le pensait également mais Gold n'était pas sa priorité aujourd'hui même si elle ne tarderait pas à lui rendre une petite visite. . . A l'hôpital, Regina avait quitté son lit, fait sa toilette et avait un peu marché dans sa chambre afin de se dégourdir les jambes, Sara dans ses bras. Les femmes sages avaient nettoyé sa fille qu'elle ne quittait plus des yeux, en admiration devant un tel miracle. Une question se répétait alors dans son esprit : Comment elle, Regina Mills, considérée comme la Méchante Reine, avait pu donner naissance à une si jolie petite poupée ? Elle s'impatientait de retourner chez elle, de revoir Henry, de lui présenter sa sœur. Puis viendrait certainement le moment des 41


explications avec Emma et la Reine ne cessait d'y réfléchir. Elle le savait, elle n'avait aucune excuse de ne pas l'avoir prévenue de son hospitalisation. Mais la vérité était qu'elle avait craint les réactions de sa Sauveuse. En quelques jours, son ventre s'était déformé et Regina avait craint pour sa vie et celle de son bébé jusqu'à ce que le docteur Whale ne lui assure que tous les deux étaient en bonne santé. Alors Regina n'avait pu se résoudre à mettre au monde Sara sans la présence d'Emma à ses côtés. Tout ce qui lui arrivait depuis la mine était totalement nouveau, surtout avec ce bébé, sa petite fille qui redonnait à Regina l'espoir qu'Emma et elle finiraient par se retrouver pour former une vraie famille. La porte s'ouvrit alors sur Henry et Emma, et Regina afficha aussitôt un sourire tendre en voyant son fils approcher : — Henry, fit-elle. Je te présente Sara, ta petite sœur. Le jeune garçon était stupéfait, lançait des coups d'œil incertains vers Emma debout près de lui, les mains dans les poches. — Alors c'est vrai ! fit-il, toi et maman vous avez… — Hé ! l'interrompit Emma. On ne sait pas avec certitude ce qu'il en est. Et t'es grand, tu devrais savoir comment on fait des bébés ! — Je le sais, se défendit Henry, mais vous faites de la magie alors… — Alors arrête de trop réfléchir, l'interrompit Emma. Regina nota ce nouveau recul de la part de sa Sauveuse mais elle s'abstint de toute réflexion pour ne pas nourrir cette fausse polémique. Depuis tout ce temps enfermée dans cette chambre d'hôpital, elle avait tenté d'inverser les rôles, de se mettre à la place d'Emma des années auparavant quand toutes les deux se détestaient cordialement. Mais déjà 42


auparavant, Regina avait eu conscience de l'ambigüité de leur relation, de leur façon constante de se chercher, de se provoquer l'une et l'autre pour la garde d'Henry. Certains regards ne trompaient pas selon Regina et celle-ci était une femme d'expérience contrairement à sa Sauveuse. Le docteur Whale entra dans la chambre, des documents en main : — Vous allez pouvoir sortir Madame le Maire. Dois-je appeler un taxi ou… — Je la raccompagne, l'interrompit Emma. Une intervention qui rassura Regina et contenta Henry qui demanda à sa maman brune : — Je peux prendre Sara ? — Bien sûr, répondit la Reine. Regina se redressa et amena sa fille dans les bras d'Henry dont le regard s'illumina. De son côté, le docteur Whale tendit plusieurs feuillets à la Reine. — Vous devez signer ici et là… Mais si je peux me permettre, vous devriez rester une journée de plus. — Ne vous permettez pas, lança Regina froidement. J'ai assez perdu de temps dans votre clinique, je rentre chez moi ! Le docteur Whale préféra s'adresser au Shérif : — S'il y a le moindre problème, revenez me voir. — On le fera.

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Regina signa, sans remercier Whale qu'elle considérait de toute façon à son service. Ce dernier l'aida à enfiler sa veste noire quand elle se leva et Regina en sortit les clefs de sa Mercedes garée pendant tout ce temps dans le parking souterrain de l'hôpital. Elle les tendit à Emma : — Peux-tu conduire ? Je garderai Sara dans mes bras. — Conduire ta voiture ? s'étonna le Shérif. Afin de ne pas vexer Emma sur l'état de sa pitoyable casserole jaune, Regina argumenta : — Elle est plus spacieuse pour nous quatre et surtout pour le bébé. Emma fronça les sourcils mais admit que Regina avait raison. — Ok, je viendrai récupérer ma voiture plus tard. Regina approcha d'Henry et reprit Sara : — Tu pourras la porter une fois rentrés chez nous. — Ok, fit Henry. Tous les quatre sortirent de la chambre, quittèrent les couloirs de l'hôpital pour rejoindre le parking en sous-sol. Emma se rappelait avoir fouillé toute la ville pour retrouver cette foutue voiture restée ici tout ce temps. Henry monta à l'arrière et regarda ses deux mères s'installer à l'avant. Il ne pouvait s'empêcher de penser au sort de Gold. N'étaient-ils pas comme une vraie famille en cet instant, lui, ses deux mères et sa petite sœur ? .

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. Quelques minutes plus tard, ils entraient dans la maison de Madame le Maire tandis que Regina tenait dans ses bras sa petite Sara profondément endormie. Debout devant l'entrée, Emma ne savait plus si elle devait rester ou partir et, la voyant hésitante, Regina n'attendit pas pour proposer : — J'aimerais que vous restiez, toi et Henry… Emma justifia sans attendre : — Tu vas avoir besoin d'aide de toute façon. Regina esquissa un léger sourire charmé : — Est-ce un « oui », Miss Swan ? — C'est un « oui », grommela Emma. Henry se réjouit : — Alors on va passer la soirée tous les quatre ? — On aide ta mère à s'occuper de Sara, rectifia Emma dans une tentative de détachement. Elle sortit son portable et numérota : — D'ailleurs, je dois prévenir David et Mary-Margaret. Regina ne pouvait être plus heureuse. Elle se dirigea vers les escaliers. — Je vais coucher Sara, je reviens. Tu m'accompagnes Henry ? — Oui ! Emma les vit monter, raccrocha et rejoignit l'étage de la demeure qu'elle n'avait jamais entièrement visitée. Elle approcha d'une des pièces éclairées et fut surprise de 45


découvrir une chambre d'enfant, une chambre peinte de bleu, de violet, une chambre de petit garçon. — Tu vas lui laisser mon ancienne chambre ? demanda Henry. — Non, fit Regina. C'est temporaire, le temps de lui aménager la sienne. Emma venait donc de comprendre que cette pièce était l'ancienne chambre de son fils. Pourquoi Regina avait-elle gardé cette chambre intacte ? Personne ne faisait cela… Les photos conservées sur une commode en témoignaient. Cette pièce était celle de son fils des années plus tôt. Elle prit un cadre, reconnut le visage d'Henry et entendit Regina près d'elle : — J'ai de nombreux albums et d'autres photos si tu en veux. Le regard d'Emma exprimait autant de nostalgie, de regrets que de culpabilité. Elle reposa le cadre sans répondre. Cette chambre était un rappel du passé, de l'instant où elle avait abandonné son fils. Ce passé la rattrapait d'une façon bien étrange, pensait-elle. Elle se reprit afin de ne rien laisser transparaitre et regarda Regina : — Je devrais sortir… pour acheter ce qu'il faut pour le bébé. Regina lança un coup d'œil vers Henry qui regardait sa petite sœur. Elle le reporta sur Emma : — Un paquet de couches suffira, dit-elle. J'ai le nécessaire dans la salle de bains. Et demain nous pourrons regarder ensemble comment nous aménagerons sa chambre. « Nous ». Regina ne parlait qu'en employant des « nous » constatait Emma qui ne parvenait pourtant pas à assimiler cette « famille » que la Méchante Reine voulait former.

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— Ok, fit-elle pour couper court. Alors j'y vais. Henry je reviens. — Je sais, répondit ce dernier comme une évidence. Regina vit Emma sortir mais la suivit dans le couloir. — Attends, Miss Swan. Emma s'arrêta et leur regard se sondèrent un instant, Regina percevant ce besoin indicible de retrouver un peu de proximité avec sa Sauveuse. — Je suis heureuse que tu sois venue et que tu restes ce soir. Emma s'efforçait de rester aussi neutre que possible : — Ouais… De rien. Regina la vit descendre les escaliers et retourna dans la chambre. Elle ouvrit le tiroir de la commode où se trouvaient d'anciens vêtements d'Henry mais elle en sortit deux babyphones qu'elle alluma pour vérifier leur fonctionnement. Malgré les années, les appareils étaient en état et lui permettraient d'entendre Sara depuis le rez-dechaussée. — Henry ? — Oui maman ? — Je descends faire le dîner, tu viens ou tu restes avec Sara ? — Je reste un peu avec elle. — Bien, je reviens dans quelques minutes. Elle rejoignit donc la cuisine mais depuis toutes ces semaines, la nourriture au réfrigérateur était périmée. Seule dans la pièce, elle pouvait se permettre de faire un peu de 47


magie. Elle fit donc disparaître les mets avariés qui furent aussitôt remplacés par autant de viandes, de poissons et de légumes frais qui lui permettraient de préparer un bon repas pour son fils et sa Sauveuse. Après quelques minutes, la porte s'ouvrit sur Emma qui revenait, un paquet de couches sous le bras. La blonde avait encore du mal à croire ce qui se passait depuis le milieu de la journée. Rien n'aurait pu prédire qu'elle viendrait ce soir chez Regina Mills, une boite de couches dans les bras… et pourtant, elle était bien là et, une nouvelle fois, des parfums de cuisine embaumaient les lieux et lui ouvraient l'appétit. Elle vit alors la table de la salle à manger dressée de trois assiettes, de beaux couverts, des verres, une bouteille de vin rouge déjà ouverte. Regina revint près de la table et y posa deux dessous de plat. — J'ai les couches, lança Emma en lui montrant son achat. Regina s'approcha et s'en saisit, amusée par cette image tout à fait charmante. — Merci Miss Swan. Nous allons pouvoir habiller notre petite Princesse pour la nuit. — Où est Henry ? demanda Emma en la suivant vers les escaliers. — Avec sa sœur, répondit simplement la Reine. Emma le constata en rentrant dans la chambre. Regina s'adressa à lui : — Henry, tu vas te doucher et te changer mon chéri, le temps que ta mère et moi nous occupions de Sara et nous passons à table dans un quart d'heure. — Ok, fit Henry.

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Il sortit de la chambre et Regina prit leur fille dans ses bras avant de l'allonger sur la table à langer dont elle s'était si souvent servi pour Henry jusqu'à l'âge de deux ans. — Miss Swan ? appela-t-elle. Tu veux changer Sara ? Emma n'avait pas manqué une seule seconde de cette scène. Mais changer un bébé la rendit soudainement nerveuse. Elle ne l'avait jamais fait. Que penserait Regina si elle s'y prenait mal ? Elle ne voulait pas être ce genre de mauvaise mère dont Regina l'avait souvent taxée. — Non, tu peux le faire, tenta-t-elle l'air de rien. Regina comprit que sa Sauveuse était gênée et n'insista pas. Elle nettoya donc Sara, la changea avant de la prendre dans ses bras. Elle s'assit alors dans un canapé placé face au petit lit et Emma la vit déboutonner son chemisier avant que Regina ne l'ouvre sur sa poitrine. Emma réalisa que la Reine n'avait même pas mis de soutien-gorge et ses joues s'empourprèrent littéralement devant pareil constat. Regina se préparait à allaiter Sara et malgré elle, malgré tout le côté maternel de cette scène, elle percevait une gêne inhabituelle l'envahir. La Sauveuse tenta de se reprendre, de se focaliser sur Sara. — Approche, fit Regina d'une voix basse. Viens t'asseoir près de moi. Emma réalisa que sa bouche était sèche quand elle eut quelques difficultés à déglutir. Elle s'approcha néanmoins et effaça le dernier mètre qui la séparait de la Reine et sa Princesse. Elle s'assit enfin à côté de Regina et sentit sa main saisir la sienne et la serrer doucement. Emma se sentit désarmée par ses frissons mais aussi par Regina qui, avec ce bébé, garantissait plus de retenue de sa part. Emma ne pouvait décemment pas accuser Regina ou se laisser aller à une quelconque agressivité face à cette adorable petite fille.

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Regina la détailla un instant, capta son regard troublé sur leurs mains jointes et tenta : — J'aurais voulu te prévenir plus tôt, avoua-t-elle. Emma fronça les sourcils et regarda Regina. Au fond d'elle, elle lui en voulait d'avoir disparu et puisqu'elle abordait le sujet : — Alors pourquoi ne pas l'avoir fait ? — J'avais peur, se défendit Regina. Tu ne voulais pas me croire quand je t'ai parlé de ma grossesse, tu m'avais trahie en te servant de moi pour atteindre ma mère. — Alors tu t'es dit que disparaître de la circulation réglerait nos problèmes ? — Je portais notre enfant, tu n'étais pas prête à l'accepter, j'avais besoin de réfléchir, de savoir où j'en étais. Emma se leva, plus nerveuse et frotta ses mains moites contre son jeans. Rien ne prouvait que Sara était sa fille même si au fond d'elle, elle espérait que ce fut le cas. Quoi qu'il en était Whale lui confirmerait ses doutes dès le lendemain. — Ok… Je t'ai dit que je regrettais pour ta mère… Et pour ce qui est du… Du reste, j'ai besoin de temps. Regina l'avait suivie des yeux et les baissa sur Sara qui s'était endormie contre elle. Elle se releva avec douceur pour ne pas la réveiller, le chemisier toujours ouvert sur sa poitrine. Elle installa Sara dans le petit lit d'Henry. Elle se tourna vers Emma sans percevoir la moindre gêne d'être à moitié dénudée devant elle. Elle referma les pans de son chemisier et les boutonna un à un sans la quitter des yeux.

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— S'il y a bien une chose que tu m'as apprise Miss Swan, c'est de prendre mon mal en patience… Quelle ironie pour une Méchante Reine, n'est-ce pas ? Les yeux d'Emma avaient depuis quelques secondes quittées ceux de la Reine. Irrésistiblement attirés par les pans ouverts, ils suivaient maintenant le chemin des doigts de Regina autour des boutons. Sa tâche accomplie, elle dut les relever sur son visage et se concentrer sur sa dernière réplique. Regina jouait-elle avec ses nerfs ? Ce bébé, puis sa présence dans sa maison et enfin, son rhabillage après cette scène plus qu'inattendue... — Ouais, fit-elle seulement, à court de répartie. Mais ses paumes restaient désespérément moites et elle les frotta à nouveau à son jeans avant d'enfouir ses mains dans les poches de sa veste. Elle jeta un œil sur la petite fille qui dormait à poings fermés, telle un ange tombé du ciel. Et l'expression n'était pas tout à fait fausse puisque Sara était née par magie, venue au monde par un miracle inexplicable. — Comment tu peux savoir que c'est moi ? l'interrogea-telle, brûlée par ses trop nombreuses questions. Comment tu sais que... — Que tu es le père ? termina Regina, un petit sourire taquin aux lèvres. Aussitôt, Emma se renfrogna. La provocation de la Reine avait eu son effet. — Je suis une femme, je te rappelle ! sentit-elle le besoin de préciser, vexée. Et deux femmes ne font pas d'enfant, ni dans ce monde, ni dans le vôtre jusqu'à preuve du contraire. Regina leva les sourcils et répliqua aussitôt : — Et bien, tu l'as maintenant... La preuve.

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Emma s'agaça et souffla, exaspérée. Regina voulait toujours obtenir le dernier mot, quel que soit le sujet. Elle détourna les yeux et passa une main dans ses cheveux avant d'enchaîner : — Non, j'ai aucune preuve ! Rien ne me prouve que je suis aussi la mère... Regina ne quittait pas Emma des yeux, prise entre l'envie de poursuivre cette petite querelle et le désir d'approcher sa Sauveuse et de retrouver le goût de ses lèvres. — Tu l'auras quand tu auras vu les résultats de l'examen que tu as demandé à Whale, affirma-t-elle, loin d'être dupe. Emma fronça les sourcils. Regina avait dû l'entendre et s'amusait maintenant à lui jeter cette information à la figure, comme un point marqué dans cette joute à laquelle elles participaient. Quoi répondre à cela ? Heureusement, l'arrivée de Henry dans la pièce calma l'ambiance électrique. Enveloppé dans son pyjama, il approcha du lit de Sara, toujours aussi enthousiasmé par sa présence. Il glissa ses doigts délicatement sur son front et tourna les yeux vers ses mères. — On pourrait décorer sa chambre dès demain ? J'ai pas école... Et on pourrait aller lui acheter un lit et des jouets... — On verra ça demain, lui répondit Emma, pour le moment, Sara a besoin de dormir alors on va la laisser tranquille. Henry se résigna et suivit ses mères hors de la chambre avant que tous les trois ne descendent au rez-de-chaussée puis rejoignent la table de la salle à manger. Regina s'éloigna vers la cuisine et revint avec un plat qu'elle posa et découvrit : — Chevreuil aux myrtilles et aux cèpes, annonça-t-elle.

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— Super, fit Henry ! C'est l'un de mes plats préférés. Emma regarda Regina la servir. Encore une fois, la Reine n'avait pas lésiné sur le plat en l'invitant à dîner et la Sauveuse réalisait que ce genre de dîner devenait un peu trop répétitif pour deux grandes ennemies se disputant sans arrêt la garde de leur fils. Regina se rassit en bout de table, Emma d'un côté, Henry de l'autre, et servit à sa Sauveuse le vin rouge qu'elle avait choisi pour l'occasion de leur dîner en famille. — J'ai eu le temps de réfléchir pendant mon absence, fit-elle enfin. Emma voyait Henry se régaler du plat de Regina et devait admettre que le chevreuil, ainsi cuisiné, était un véritable délice. Un mélange sucré-salé tout à fait adéquate pour qualifier la Reine. — Je veux bien le croire, lança-t-elle d'un petit ton ironique. Regina ne se formalisa pas et expliqua : — Puisqu'Henry est bientôt en vacances, nous pourrions quitter la ville tous les quatre, avec Sara. Emma ne s'était pas attendue à ce genre de proposition. Cependant, elle songea à un détail loin d'être anodin et rappela : — Que fais-tu de la malédiction ? — Gold a su la contourner pour aller chercher son fils, répondit Regina. Il me dira comment sortir. Nous pourrions même envisager de partir définitivement. Henry manqua d'avaler de travers. Jamais il n'aurait cru sa mère capable d'une telle proposition. — Tu veux quitter Storybrooke maman ? 53


Regina lança un regard à Emma qu'elle voyait toute aussi stupéfaite par sa remarque. Elle essuya ses lèvres, but quelques gorgées de vin et répondit : — N'est-ce pas le souhait de tout le monde dans cette ville ? De voir disparaître la Méchante Reine ? Miss Swan ? Je suis certaine que mon absence a réjoui la plupart des habitants de Storybrooke. Y'a-t-il eu la moindre déposition pour prévenir de ma disparition ? Ce fut plus fort qu'elle et Emma s'énerva : — Je t'ai cherchée je te signale ! Henry était inquiet ! J'étais inquiète ! La Reine frissonna sur cette dernière remarque confessée, par sa faute, par Emma. Elle ne pouvait dissimuler son petit sourire ravi et son regard malicieux. Henry intervint en voyant le ton monter : — Mais tu es là maintenant, c'est tout ce qui compte. Emma s'efforça de se calmer pour ne pas envenimer la soirée et inquiéter Henry. Regina avait ce pouvoir sur elle, de la faire sortir de ses gonds. Elle se rappela d'une chose importante et expliqua : — Gold est passé me voir ce matin. Il veut le poste de Maire de Storybrooke. — Il ne l'aura pas, répondit Regina. — Tu oublies que dans notre monde, les gens ont le droit de voter, c'est ce qu'on appelle plus communément une Démocratie. Regina répondit aussi sec : — Je suis la Méchante Reine, je te rappelle, Storybrooke est ma ville et le restera tant que j'y habiterai. 54


— Elle ne l'est plus depuis que le sort est levé et que tout le monde ici a retrouvé ses esprits. Henry intervint et tenta : — Pourquoi on ne leur dirait pas qu'à vous deux vous avez arrêté Cora et sauver Storybrooke ? Emma grommela : — Parce que je ne sais toujours pas si Cora est encore en vie. Regina détourna les yeux sur cette remarque de la part de sa Sauveuse. Durant toutes ces semaines, elle avait songé à sa mère, à ce que celle-ci aurait pensé sur le fait d'être grandmère d'une si belle petite fille. — Ma mère est morte, dit-elle enfin. Emma fronça les sourcils et la regarda : — Comment tu le sais ? Regina la regarda : — Je l'ai tuée… Un lourd silence retomba dans la salle à manger. Emma ne s'était pas attendue à ça. Elle savait que Regina ne mentait pas et elle en perdait à nouveau sa répartie. Que pouvait-elle redire à pareille annonce ? Tuer un membre de sa propre famille était un fait inenvisageable en son sens, un sacrifice impossible à faire et pourtant Regina l'avait fait. Etait-ce cela « l'affaire importante à régler » dont elle lui avait parlé à la mine avant de ne plus la revoir ? — Je suis désolée, tenta-t-elle. Que pouvait-elle dire d'autre en pareilles circonstances ? Elle qui avait songé que Cora rôdait encore en ville et 55


préparait un mauvais coup, Regina lui annonçait avoir définitivement « réglé » le problème. Un autre qu'elle n'aurait pas à résoudre, pensait Emma. Elle vit la Reine se lever, débarrasser les assiettes et annoncer. — Je vais chercher le dessert. Emma regarda son fils et lui fit d'un petit signe de tête : — Henry… Le jeune garçon comprit par ce seul mot qu'Emma lui signifiait de se lever pour aider sa mère. Il obéit et suivit Regina jusqu'à la cuisine. Dès qu'ils furent seuls il en profita pour demander : — Maman ? Regina sortit du four une tarte aux pommes qui embauma la pièce de senteurs sucrées et appétissantes. — Oui mon chéri ? — Tu crois qu'Emma va venir vivre ici avec toi ? Qu'on va pouvoir vivre ensemble ? Cette pensée était grisante dans l'esprit de Regina. Pour elle, cette supposition n'en était pas une car cette réalité faisait toujours partie de son passée, de ses souvenirs profondément ancrés dans sa mémoire. Son Emma n'était pas si différente de celle qui l'attendait dans la salle à manger, de ce fait, Regina prenait réellement son mal en patience pour la « toucher » là où sa Sauveuse était la plus sensible. — J'y travaille, répondit-elle en lui tendant des petites assiettes à dessert. Henry les prit et la suivit dans la salle à manger. Sa mère blonde était toujours assise et reposait son verre de vin. 56


Regina coupa la tarte et servit les parts dans chaque assiette avant de reprendre place près d'Emma. Elle la détailla, profita de cet instant anodin où elle se sentait simplement bien avec sa Sauveuse et son fils. — Comment vont tes parents, Miss Swan ? demanda-t-elle. Emma ne s'était pas attendue à cette question. Elle ne put s'empêcher de demander : — Ca t'intéresse vraiment ? — Non, répliqua Regina d'un ton franc. Mais ils sont importants pour toi, alors ils le sont pour moi. Emma était décontenancée et ne parvenait pas à cerner cette nouvelle Reine si étrangement attentive et froide à la fois. — Ils vont bien, finit-elle par répondre. Et malgré elle, Emma repensa à la discussion tenue avec Mary-Margaret sur leur souhait de « rentrer chez eux », de retourner dans leur monde. Devait-elle en parler à Regina qui serait tout autant concernée par un tel départ si Blanche et David utilisaient les haricots pour partir ? Elle hésitait, ne parvenait pas à se libérer totalement de cette méfiance ancrée en elle. — Comment va ton père ? demanda Regina à son fils. — Il va bien, mais je crois qu'il pense que maman et lui vont se remettre ensemble. Regina fronça les sourcils sur cette réponse inconvenante et reporta ses yeux bruns sur Emma qui ne contredisait pas ces mots. Bien sûr, il avait dû se passer de nombreuses choses pendant son absence, se disait la Reine. Le docteur Whale avait été incapable de lui dire en détail le cours des évènements en ville et la Reine avait de nombreuses semaines à rattraper. Si la plupart des habitants ne 57


l'intéressait guère, le fils de Gold, Baelfire avait toute son attention en tant que père d'Henry et ancien amant de sa Sauveuse. Regina n'admettrait jamais en être jalouse bien que son intérêt pour cette question la trahissait déjà. — Est-ce que tu as encore des sentiments pour Neil, Miss Swan ? demanda la Reine de façon directe. Emma n'aimait pas ce sujet de conversation, encore moins cette question. Le visage rembrunit, elle répondit aussi sec et spontanément : — Ca ne te regarde pas. Mais elle vit sur les traits de la Reine, une émotion toute aussi nouvelle que les autres. Elle l'avait blessée. Et même si les traits de Regina demeuraient presque illisibles, son regard la trahissait et reflétait autant de confusion que de peine. — Neil et moi, c'est fini depuis longtemps, reprit Emma agacée pour adoucir sa première réponse. Mais de toute évidence, cette réponse ne satisfaisait pas la Reine qui ne semblait pas plus rassurée. D'ailleurs, le silence qui suivit fut lourd et significatif à la fois. Henry se permit encore d'intervenir. Loin d'être crédule, il savait les enjeux de cette conversation. — Emma, reprit Henry, ce que maman veut savoir, c'est... — Henry ! le stoppa Emma, le regard réprobateur. — C'est pas grave, tenta Regina avec un sourire forcé. Pour cela aussi, je suppose qu'il me faudra prendre mon mal en patience. La Reine se leva, posa sa serviette près de son assiette et s'excusa : — Je vais chercher de l'eau. 58


Elle s'éloigna sous les yeux de Henry et d'Emma qui lâcha un profond soupir, à la fois agacée et confuse. Plus le temps passait, plus elle semblait prendre le rôle de la Méchante ! D'ailleurs, son fils le lui fit aussitôt comprendre : — Maman ! Je crois qu'elle veut vraiment qu'on soit tous les quatre ensemble ! Pourquoi tu ne lui dis pas que tu n'aimes plus papa ? En plus, je t'ai entendue le dire à papa la semaine dernière ! — Parce que ça ne te regarde pas, gamin ! argumenta Emma avec évidence. Tu n'as que onze ans et c'est pas une conversation pour enfant ! Henry leva les sourcils, dépassé par la mauvaise foi de sa mère. — Alors quand ça t'arrange, je redeviens un enfant. Et si, ça me regarde puisque je suis votre fils ! — Et tu es aussi celui de Neil, rappela Emma. Cette fois, Henry se leva à son tour. Mais quand il voulut s'éloigner, il fut interpellé par la voix radoucie d'Emma. — Henry, excuse-moi... Il s'arrêta et posa les yeux sur sa mère blonde. — Tu devrais aller la voir et lui dire ça à elle... Emma fronça les sourcils pour révéler son désaccord, peu encline à s'excuser auprès de la Reine ! Mais le regard insistant et réprobateur de son fils la poussa à se lever. — Très bien. J'y vais. Emma aperçut une étincelle de satisfaction dans les prunelles de son fils et secoua la tête. Elle se dirigea vers la cuisine de la Reine et trouva celle-ci devant le lavabo, dos à elle. Maintenant, quoi dire ? De toute évidence, son fils avait 59


raison, encore une fois, songeait-elle. Mais l'avouer et l'admettre étaient deux choses compliquées pour elle. Elle s'appuya contre le chambranle et hésita entre croiser les bras ou enfouir les mains dans ses poches. Pourquoi devenaitelle si nerveuse ? — Y'a rien entre Neal et moi, fit-elle pour briser le silence. Regina avait eu besoin d'être seule un instant pour se reprendre et les mots d'Emma venaient soulager ses doutes et ses craintes. Elle se tourna, faisant mine d'essuyer ses mains sur un torchon puis s'offrit quelques secondes de plus pour détailler sa Sauveuse. Bien sûr, la Reine était jalouse, habituée à l'exclusivité de ses serviteurs ou à leur crainte. Personne ne la défiait jamais et Emma Swan n'avait cessé de le faire depuis son arrivée à Storybrooke. — Et entre nous ? osa-t-elle demander sans la quitter des yeux. Regina exagérait, songea Emma. La Reine profitait de ce moment seule à seule, de son approche pour lui soutirer plus d'aveux encore. Elle finit par croiser les bras et détourna un instant les yeux, peu à l'aise. L'idée même de sentir ce lien entre elle et Regina échauffait son corps, créait des images suggestives. Les semaines passées loin de Regina n'avaient pas effacé le rêve érotique qu'elle avait fait... D'ailleurs, d'autres avaient suivi entre temps. — Je t'ai déjà dit ce que je pensais, répondit Emma en reportant les yeux sur la Reine. Avant d'aller à la mine, je t'ai parlé... De certaines choses. Elle laissa une seconde ou deux passer avant de reprendre : — Mais comment il faudrait que je réagisse ? D'abord, tu me sors qu'on est en couple et qu'on vit ensemble... Ensuite, tu me dis que t'es enceinte, puis tu t'enlèves le coeur parce que je t'ai utilisée... Ok, ça, on en a déjà parlé, c'était ma 60


faute, mais après, tu disparais sans même me prévenir, tu nous laisses Henry et moi sans aucune nouvelle et des semaines après, Whale m'appelle pour me dire que tu vas accoucher ! Et maintenant, je me retrouve chez toi avec Henry et un bébé qui dort à l'étage et qui, d'après toi, serait le mien ! J'ai déjà du mal à gérer mes parents qui ont le même âge que moi... Au fil des explications et de l'emportement d'Emma, Regina s'était rapprochée pas à pas jusqu'à se retrouver face à elle. Elle finit par esquisser un léger sourire, ce dernier marqué d'une satisfaction certaine, et glissa sa main dans celle d'Emma avant de l'entraîner vers le salon… — Viens, dit-elle simplement… Emma suivit sans trop comprendre tandis que Regina l'amenait vers les escaliers. Elle la vit, d'un geste, faire disparaître tout ce qui se trouvait sur la table du salon et monta à sa suite, sa main toujours dans la sienne, jusqu'à revenir dans la chambre de Sara. Regina la lâcha finalement et vint prendre Sara dans ses bras avant de revenir vers Emma : — Que dirais-tu de passer notre première nuit avec notre fille ? Emma afficha une mine plus perplexe et incertaine qu'elle ne l'avait fait en suivant la Reine. — Est-ce que t'as entendu ce que je viens de te dire ? Regina avait parfaitement entendu autant qu'elle était consciente que sa relation avec sa Sauveuse n'était pas celle qu'elle avait connue dans son passé. Si Emma était dans le déni de leur relation, la Reine réalisait l'être tout autant. Sauf qu'au contraire d'Emma, elle refusait d'accepter que le shérif n'était plus celle de ses souvenirs.

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— J'ai entendu, dit-elle… Je sais que tu n'es pas mon Emma, que tu n'as rien à voir avec celle qui chaque jour venait me voir avec des fleurs dans mon bureau, m'apportait mon café au lit le matin ou me réveillait en me faisant l'amour… Mais pourtant, cette petite fille est là, notre Sara existe, alors pourquoi ne pourrions-nous pas être comme je te voyais avant ? Pourquoi n'aurais-je pas l'espoir de retrouver ma Miss Swan qui voulait ce bébé autant que moi ? Emma allait devenir folle. Regina lui ferait perdre la raison, Emma en était certaine maintenant. Entre changement radicale de comportement, tendresse et histoires d'amour et de bébé, Emma ne savait plus quoi penser. Chacune des paroles prononcées par la Reine avait été imagée... Et Dieu savait qu'Emma aurait préféré ne pas imaginer le "faire l'amour à chaque réveil"... Parce que son corps devenait telles des montagnes Russes, secoué par de terribles montées de chaleur, enivré par d'effroyables tournis... Elle détourna les yeux, ramena une main à son front et ses doigts finirent par repousser ses cheveux blonds. Elle avait tellement de réponses aux dernières questions de Regina. Mais celle-ci se débrouillait pour semer le doute, attiser une culpabilité infondée, créer l'incertitude au fond d'elle. Etaitelle sous le coup d'un sort qui lui avait fait oublier ces habitudes étranges avec Regina ? Etait-elle l'Emma dont elle parlait. Devenait-elle schizophrène au point de ne pas se rappeler de ses propres agissements. Regina semblait tellement sincère et même son regard normalement habité par la haine et la destruction, devenait aussi tendre et nostalgique qu'amoureux lorsqu'il croisait le sien. Même Henry n'avait eu aucune difficulté à croire l'histoire de leur couple, de leur vie commune. Il acceptait l'existence de Sara aussi facilement qu'il assimilait l'amour qui les liait toutes les deux. Elle releva les yeux sur Regina, l'examina avec attention, Sara dans ses bras. Et rien ne changeait. La Méchante Reine ne reprenait pas ses airs mauvais de sorcière terrifiante. Peut-être aurait-il été plus simple de s'en 62


tenir à la haine cordiale ? L'aimer lui paraissait tellement invraisemblable... Se battre contre un sentiment positif résumait finalement toute sa vie. D'abord l'abandon d'un amour maternel envers Henry et maintenant, la lutte contre celui qui rôdait au fond de son être. Et si elle changeait d'avis ? Et si elle baissait les armes ? Dans ce monde, tout était possible et Sara en était une preuve. La Reine préparaitelle un autre coup ? Complotait-elle pour la rayer définitivement du paysage et régner en dictateur absolu sur les habitants de Storybrooke ? Comment savoir ? Même son fabuleux instinct la quittait désormais, la confiance infaillible en son talent inné la laissait démunie, désarmée. Que devaitelle choisir ? Elle secoua la tête dans ses réflexions transformées en véritable torture mentale. — J'ai besoin de temps... Elle contourna la Reine, quitta la pièce à la hâte et dévala les escaliers pour fuir cette maison de malheur. Henry resterait avec sa mère ce soir, cette nuit, au moins jusqu'au lendemain... Elle cherchait désespérément de l'air, de l'espace, un peu de vide dans sa tête. Et qui pouvait l'aider ? Personne ne comprendrait la confusion qui noircissait ses pensées, les brouillait. Personne n'accepterait qu'elle eut le moindre doute sur un amour possible envers la Reine. Quel genre de personne cela faisait d'elle, alors ?

Chapitre 19 : Par une belle journée… Le soleil brillait sur Storybrooke en cette belle journée. Rares étaient les fois où le ciel était si bleu et dégagé et il ne l'avait pas été depuis de longues semaines. Ce changement notable réjouissait les habitants de la ville qui n'hésitaient pas à sortir de chez eux pour en profiter.

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Oui, cette journée s'annonçait magnifique et le temps était tout à fait égal à l'humeur de la Méchante Reine qui, malgré sa légère dispute avec le shérif, avait décidé de se lever tôt ce matin pour sortir avec sa petite fille et son fils Henry en promenade. Tous l'avaient vue, la Reine disparue, habillée de façon toujours élégante et marchant derrière un landau de luxe à travers la rue principale de Storybrooke. Personne ne savait où la Reine avait été durant tout ce temps mais son retour ne passait pas inaperçu. Elle s'était d'abord arrêtée à la boutique de Rebecca Brings pour acheter de nombreux vêtements de nourrisson, puis à la boutique de madame Mason pour acheter quelques légumes frais, et enfin chez Ted Littleton afin de remplacer son mixeur usé. Oui, Regina Mills s'était affichée à Storybrooke avec sa petite fille dont personne ne savait rien, ni d'où elle venait, ni qui était le père. Et la seule chose dont tous pouvaient se réjouir en attendant de savoir ce que la Méchante Reine préparait, était ce beau temps revenu en même temps que sa Majesté. Après avoir raccroché le téléphone Ruby la vit entrer chez Granny. Elle avait parlé à Rebecca Brings qui l'avait informée du retour de la Reine, puis elle avait appelé MaryMargaret, sa meilleure amie, pour la prévenir à son tour. Elle s'approcha d'une des tables, ne pouvant s'empêcher de jeter un coup d'œil sur la petite fille. — Je vous sers quoi Madame le Maire ? — Un café. — Et toi Henry ? — Un chocolat et des pancakes ! — C'est noté. Chez Granny, le silence était revenu en voyant la Reine et ses deux enfants s'installer. Car oui, la Reine était vivante. Quelques murmures résonnaient, des regards curieux les 64


dévisageaient. Regina n'avait que faire des trois quarts de ces gens et elle n'était venue ici qu'en sachant pertinemment qu'Emma Swan y viendrait prendre son café à dix heures précise, ce qui arriva. Quand sa Sauveuse franchit le seuil de la porte, Regina adopta une attitude plus détachée, son regard sur le journal de Storybrooke. Car si Miss Swan s'éloignait d'elle à chacune de ses approches, alors peut-être reviendrait-elle vers elle si elle cessait de l'approcher. Emma avait vu la Reine assise à une table. Elle avait un mal de tête carabiné ce matin après avoir bu du whisky jusqu'à plus soif la veille. L'alcool avait été son seul ami. Elle lui avait confié tous ses doutes, toutes ses pensées intimes et il les avait acceptées avec plaisir, lui laissant quelques séquelles au réveil. Aussitôt, Henry s'approcha, tout sourire. — Salut maman ! Tu aurais dû être là ce matin, on est allé acheter plein de trucs pour Sara ! Emma lâcha un soupir devant l'enthousiasme débordant de son fils. Il ne cessait de se réjouir de cette nouvelle famille qu'ils formaient à quatre. Elle tenta un sourire et glissa sa main dans les cheveux bruns de Henry. — J'avais des choses à faire... Elle lança un regard à Regina qui ne lui accordait pas l'ombre d'une attention. Elle en fut étonnée, voire même agacée. Un jour, la Reine lui demandait de passer la nuit avec elle, le lendemain, elle l'ignorait. — Je te sers un café comme d'habitude ? lui demanda Ruby. — Double, répondit Emma en présentant deux doigts tendus. — Oh, réagit Ruby, la nuit a été courte...

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— Sans commentaire, répondit Emma. — Tu viens t'asseoir avec nous ? l'interrogea Henry. A nouveau, Emma jeta un œil sur Regina qui ne daignait pas lui offrir un seul regard, trop préoccupée par sa princesse dans le berceau. Et plus elle constatait ce comportement distant, plus elle rageait intérieurement. Décidément, la Reine jouait avec ses nerfs, elle en était certaine. Son téléphone sonna dans sa poche et elle répondit d'abord à son fils : — Non, je te laisse profiter de Regina et de ta petite soeur... Je dois répondre. Elle désigna le téléphone à la fin de sa phrase et décrocha en posant un regard désolé sur Henry. — Oui ? # C'est le docteur Whale, miss Swan. La pression grimpa en réalisant qu'il détenait sûrement les résultats du test de la veille. — Alors ? Vous avez les résultats ? Un silence s'ensuivit tandis que Ruby déposait le grand gobelet devant Emma. — Voici ton double. Mais Emma n'entendit pas les mots de Ruby, bien trop préoccupée par ceux qui suivraient de la part du docteur Whale. # Aussi étrange que cela puisse paraître, tout correspond... — Quoi tout correspond ? demanda Emma, sur les nerfs, qu'est-ce qui correspond ?

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# Votre sang et celui du bébé... Vous êtes bien... la génitrice, si je puis dire... Sur ces mots, Emma se figea, le regard dans le vide. Ca ne pouvait être vrai. Toute cette histoire n'était qu'une vaste blague et elle se réveillerait sûrement dans les prochaines secondes. Mais plus le temps passait, plus il confirmait cette réalité difficile à concevoir. — C'est pas possible, fit-elle, il doit forcément y avoir une erreur... J'arrive ! Elle raccrocha, tendue et prit le gobelet dans sa main. Entre temps, Henry avait rejoint Regina, conscient que sa maman blonde restait préoccupée par la situation actuelle. Emma se détourna et heurta une personne dans son empressement. — Hé, salut, fit Neil en lui souriant. — C'est pas le moment, rétorqua Emma, dépassée par les évènements. Sans un mot de plus, elle quitta le café et se hâta vers sa voiture pour rejoindre l'hôpital. Tous se liguaient contre elle. Le docteur devait comploter, complice de la Reine et jouait aussi avec ses nerfs. Il était simple de falsifier des tests, de lui faire croire n'importe quoi. A peine Emma fut-elle sortie que Gold entra dans le café restaurant sans manquer de constater lui aussi le retour de la Reine. Il s'approcha de la table : — Miss Mills, je me suis laissé dire que vous étiez de retour. Il remarqua la présence du nourrisson dont Belle lui avait parlé après un appel de Ruby. — Quelle adorable petite fille. Comment s'appelle-t-elle ? Regina se tendit et le fusilla du regard : 67


— Ce ne sont pas vos oignons. — Je crains que chaque événement affairant à cette ville soit mes oignons d'une façon ou d'une autre Majesté. — Mêlez-vous de ma vie, je me mêlerai de la votre Gold. — Vous me menacez ? — Je n'hésiterai pas à bien pire si vous me cherchez. Gold le savait. Il lança un coup d'œil à Henry avant de s'éloigner. Plus protectrice que jamais, Regina ne laisserait personne s'intéresser à son enfant. Si Gold avait vu en elle une Reine manipulable pour faire d'elle la Méchante Reine, elle deviendrait une Reine Impitoyable envers quiconque s'attaquerait à sa famille. . . . Emma déboula dans le bureau du docteur Whale sans même frapper, déjà persuadée d'un complot. Sur son entrée fracassante, le docteur Whale se leva de son fauteuil et contourna son bureau. — Vous avez truqué les résultats, l'accusa-t-elle sans hésiter. — Pardon ? Non, je vous assure, répondit Whale en toute sincérité. Les résultats sont là... Il désigna des documents qu'il prit pour les lui tendre. — Ils sont écrits noir sur blanc et il n'y a aucun doute possible. Emma se saisit des papiers d'un geste brusque et les parcourut d'un œil sombre. Mais tout cela ne signifiait que 68


des mots, des résultats médicaux, des chiffres inscrits sur une feuille. — Je ne peux pas croire que ce bébé vienne de moi ! Le docteur Whale leva les sourcils, convaincu du contraire par les résultats irréfutables de la science. — Aussi improbable que ça puisse paraître, c'est pourtant le cas. A bout de nerfs, Emma prit le docteur par le col et le secoua d'un air menaçant. — C'est encore une de vos manipulations ! — Mademoiselle Swan, s'écria le docteur, apeuré par la violence du Shérif. Pourquoi vous mentirais-je ? Emma serra les dents, le regard méprisant sur le docteur. Elle finit par le lâcher, consciente de son emportement dû à un trop plein d'émotions bousculées. Elle reporta les yeux sur les documents, les lut avec plus d'attention. Tout était écrit noir sur blanc comme l'avait dit Whale. Elle était le père de cette petite fille. — Je ne saurais expliquer ce miracle, commenta le docteur en rajustant sa cravate. Mais la science n'a rien à voir avec la magie et elle ne ment jamais. Emma secoua la tête en signe de refus catégorique. Elle s'évertuait à nier l'évidence, elle le savait. — Mais deux femmes ne font pas d'enfant ! Et je n'ai rien fait avec Regina ! Cette dernière réplique avait sonné comme autant de justifications nécessaires. Elle jugeait bon de rappeler son innocence, comme si on la jugerait pour tous ses faux-pas, ses dernières faiblesses, ses pensées inavouées... 69


— Il ne s'est rien passé entre elle et moi ! Le docteur Whale la fixa, confus et incertain. Il ne savait quoi dire sur les affirmations du Shérif. Aucune accusation n'avait été formulée pourtant. — Je n'ai pas dit le contraire. Mais cette petite fille est bien la vôtre. Emma passa une main dans ses cheveux, le regard dans le vide. — C'est lui, pensa-t-elle à haute voix. Sans un mot de plus, elle quitta la pièce aussi vite qu'elle y était entrée. Les documents en main, elle devait trouver une réponse, une raison, la source de toute cette histoire abracadabrante. Rien ne pouvait expliquer son lien de sang avec Sara, hormis la magie. Et si la Reine n'était pas responsable de ce sortilège, alors quelqu'un d'autre aussi puissant qu'elle, l'était forcément. . . Emma entra aussi précipitamment dans le magasin de Gold qu'elle ne l'avait fait dans le bureau du docteur Whale et trouva son propriétaire derrière son comptoir. — C'est forcément vous ! Tout ça c'est votre faute ! — J'assume sans mal les faits qu'on me reproche quand j'en suis l'instigateur, encore faudrait-il que vous me disiez quelle est ma faute très chère. — Ce bébé ! Cette petite fille ! s'emballa Emma. Deux femmes ne font pas d'enfant ensemble, et je n'ai jamais couché avec Regina.

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Rumplestilskin eut ce petit rire agaçant qui signifiait qu'il avait des réponses qu'il se plaisait à dissimuler par pur sadisme. Emma se pencha par-dessus le comptoir et le saisit par le col : — Ca vous fait rire ? Gold ne vacilla pas et se recula avant de rajuster le pan de son vêtement. — En effet, toute cette situation est décidément pleine d'ironie, voyez-vous… La magie, ma chère, la magie est tout autour de nous, en chacun de nous. Je n'ai aucunement besoin de faire un sort et aucune mauvaise intention à votre encontre bien que l'idée de voir notre Majesté aux prises avec tous ces petits soucis sentimentaux est fort plaisant. Le fait est qu'elle nous a débarrassés de Cora et de ce fait, devrait être récompensée pour service rendu à notre petite communauté. Quoi qu'il en soit, je me répète, je ne suis pas responsable de vos petits tracas. — Qui est responsable alors ?! Gold garda son sourire. — La seule personne que vous ne soupçonneriez pas. — QUI !? s'énerva Emma. — Réfléchissez un peu, très chère. Qui, dans cette ville détient au fond de lui assez d'espoir et de foi en la magie ? Qui pourrait faire le vœu incroyable de voir ses deux mères réunies pour le meilleur et pour le pire ? Sur cette explication évasive, Emma serra les poings. Bien sûr, la réponse était toute trouvée, mais Henry ne pouvait être responsable de toute cette histoire. — Vous allez jusqu'à accuser votre petit-fils, Gold ?! Vous êtes aussi pitoyable que je le pensais ! 71


De nouveau, Rumplestilskin émit un petit ricanement fort désagréable aux oreilles du Shérif. — Accuser ? Qui parle d'accusation ? N'est-ce pas plutôt une heureuse nouvelle que l'arrivée d'un bébé ? Vous devriez vous réjouir autant que mon petit-fils. Vous êtes la seule ici à porter des accusations. Il fit quelques pas boiteux vers une de ses étagères pour y ranger un livre et reprit : — Regardez-vous, miss Swan... Il se retourna vers elle, plus sérieux et la désigna : — Vous seriez prête à souhaiter le retour de notre Méchante Reine sans scrupule plutôt que d'affronter son amour... Qui de nous deux doit être accusé, croyez-vous ? Mais ces paroles évidentes, pleines de bon sens ne firent qu'accentuer la rage d'Emma qui refusait de s'y soumettre. Gold avait raison, mais ses mots étaient comme une lame dans son propre coeur. Elle ne pouvait blâmer Henry pour son vœu innocent, alors qui pouvait-elle accuser désormais ? Il était plus simple de se battre contre de méchants... Sa mâchoire la faisait souffrir à force de crispation, de frustration et de tension. . . Arrivée au commissariat où elle était seule, elle claqua la porte de son bureau derrière elle et s'appuya contre le rebord. Essoufflée par le rythme de ses songes, l'afflux de réflexions, elle ne parvenait plus à trouver d'ordre... Ses principes, jusque là, avaient été clairs, nets et simples. Elle avait aimé une fois, en avait voulu à Neil pour son départ soudain, puis s'était résignée. Elle avait réussi à outrepasser ses regrets au sujet de la naissance de Henry, de son 72


adoption. Puis elle avait fait sa vie du mieux qu'elle avait pu en suivant son instinct. Mais tout déraillait à présent. Rien n'avait plus sa place dans sa tête. Son coeur ne savait dans quelle direction se tourner. Elle prit la bouteille de whisky, remplit son verre et le but d'un trait... Mais l'alcool n'aidait pas, bien au contraire. Ca aussi, elle le savait. Et de rage, elle jeta le verre contre le mur, malheureux geste conduit par son besoin d'évacuer. Les évènements, les faits la rapprochaient toujours plus de Regina. Même loin d'elle, même disparue pendant des semaines, la Reine occupait ses pensées, sa tête, ses rêves et ses nuits agitées... Elle mettait toute son énergie à la repousser, à l'oublier, la détester, mais sa tête et son corps ne suivaient plus. Ils jouaient contre elle désormais, refusaient de se soumettre à ses tentatives d'arrangements raisonnables. Qu'est-ce qui l'était après tout ça ? Plus elle combattait ces images gravées par ses trop nombreux rêves, plus elle faiblissait. — Emma ? Elle fit volte face, surprise et posa ses yeux confus sur MaryMargaret. Quoi dire ? Elle se sentait comme une petite fille prise en flagrant délit après une bêtise. L'expression de sa mère reflétait toute son inquiétude. Mary-Margaret s'approcha, attentive et posa une main sur son épaule. — Emma... Est-ce que ça va ? Emma n'avait plus la force de faire semblant. Mais abdiquer devant sa mère, ennemie jurée de la Reine, serait considéré comme haute trahison. Elle-même se voyait comme une traitresse à ses propres valeurs. — Je... Je suis juste un peu fatiguée, balbutia-t-elle. Mary-Margaret n'en crut rien. Depuis des jours, des semaines, Emma évitait une quelconque discussion, fuyait même l'appartement lorsqu'elle et David étaient présents.

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— Assieds-toi, conseilla-t-elle en l'entraînant vers le fauteuil. Je vois bien que quelque chose te préoccupe et j'aimerais que tu me parles... Emma prit place dans le fauteuil et s'accouda à ses genoux avant de glisser ses mains dans ses cheveux. Par où commencer ? Le bébé qu'elle avait fait à Regina ? Les sentiments maudits qu'elle éprouvait à son égard ? Pire encore, les nombreux rêves de ses dernières nuits où elle faisait l'amour avec la Reine ? Il ne s'agissait pas d'un conte de fée même si elle se trouvait en présence de BlancheNeige. Rien n'avait même l'apparence d'une histoire pour enfant dans sa tête. Tout était classé X dans tous les sens du terme. Emma releva les yeux sur sa mère et prit le temps de l'observer. Mary-Margaret incarnait réellement BlancheNeige dans toute son innocence et son positivisme exceptionnel. — Est-ce que c'est le retour de Regina qui t'inquiète ? demanda Mary-Margaret. Oui et non... La réponse paraissait si vaste dans la tête d'Emma. Celle-ci détourna les yeux dans le vide et croisa les mains devant elle, accoudée. — Emma, j'aimerais vraiment que tu me dises ce qui ne va pas... Emma souhaitait aussi se confier, vider son estomac, son esprit, évacuer toutes ses émotions et les faire sortir. — Regina croit toujours que nous sommes en couple, avoua-t-elle sans risque. Et j'imagine que tu dois savoir qu'elle a eu un bébé... Mary-Margaret demeurait attentive aux paroles de sa fille qui, pour une fois, acceptait de discuter. — Je le sais, oui. Ruby me l'a dit. Est-ce que tu sais d'où vient ce bébé ? 74


Emma ne put qu'acquiescer de la tête en songeant aux résultats des tests. Elle espérait maintenant que toutes les dernières nouvelles n'avaient pas circulé en ville. — C'est le sien, répondit-elle simplement. J'ai assisté à son accouchement avant hier... Mary-Margaret comprenait maintenant le départ soudain de sa fille l'autre jour. Mais elle n'en restait pas moins confuse sur la naissance de ce bébé. Jamais, elle n'aurait pu croire qu'un jour, Regina mettrait au monde un enfant, une fille. Tout le monde se demandait maintenant d'où elle venait, qui était le père. — Est-ce que tu as parlé à Regina ? l'interrogea-t-elle. Est-ce qu'elle t'a dit pourquoi elle avait disparu et comment elle avait pu tomber enceinte ? Autant de questions auxquelles Emma se sentait incapable de répondre. Emma secoua la tête, refusant toute confession. Mary-Margaret comprit que sa fille souhaitait mettre de l'ordre dans cette affaire étrange, mais qu'elle dissimulait aussi des informations importantes. — Tu devrais essayer de prendre un peu de recul, lui conseilla-t-elle sur un ton attentionné. Tout le monde préfère voir Regina occupée à pouponner qu'à menacer tous les gens de la ville... Même si les mots "pouponner" et "Regina" dans la même phrase est quelque chose de très étrange. Mary-Margaret reposa une main tendre sur l'épaule de sa fille et tenta un sourire : — Henry semble heureux de savoir que sa mère est revenue, que vous essayez de vous entendre... C'est tout ce qui compte pour l'instant.

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Mais Sara existait maintenant, en plus d'Henry et Emma ne perdait pas de vue ce fait devenu indéniable. Si elle persistait à garder ses distances avec la Reine, alors elle se montrerait aussi impitoyable qu'elle en refusant de s'occuper de sa fille. Malgré ses réflexions déroutantes, elle tenta un sourire pour rassurer sa mère, lui montrer qu'elle l'avait entendue. — Tu as raison... Je te remercie, Mary-Margaret. Sur ces mots, Blanche comprit qu'il était temps pour elle de laisser sa fille seule. Elle se leva à contre coeur. Elle ne voulait pas forcer Emma à approfondir la discussion et risquer de la heurter d'une manière ou d'une autre. — Si tu as besoin, on est là, tu le sais, lui rappela-t-elle. Emma acquiesça d'un signe de tête et la vit sortir de la pièce. De nouveau seule, elle lâcha un long soupir, reprit des traits plus soucieux. . . Regina était rentrée chez elle et Henry l'avait aidée à porter ses achats dans la cuisine. A l'étage, dans la chambre de Sara, deux des nains avaient entrepris les travaux commandés par la Reine, dont Leroy qui s'occupait de peindre les murs d'un rose pâle pendant qu'Anton montait les meubles. Depuis la cuisine où elle préparait le déjeuner, Regina les entendait discuter depuis le babyphone sans que ces derniers ne la soupçonnent : # C'est forcément l'ancien Shérif, Graham, expliqua Leroy à Anton, il parait qu'elle couchait avec lui, c'est Emma qui me l'a dit. Et va savoir, elle aurait peut-être même pu coucher avec d'autres hommes de la ville et leur jeter un sort pour qu'ils oublient l'avoir fait. # Il était blond ? demanda Anton. 76


# Non, mais elle aurait pu changer la couleur de ses cheveux pour nous induire en erreur. # Oui, ça doit être ça… Regina secouait la tête sur ces élucubrations. Elle aurait pu monter, leur jeter effectivement un sort pour oser croire à de tels mensonges, mais elle n'avait pas à se justifier et ne perdrait pas son temps avec les nains. Sa Princesse dans son landau près d'elle, attendait patiemment que son biberon lui soit servi. Si la Reine appréciait d'allaiter Sara, Whale lui avait conseillé de lui donner un biberon par jour pour l'habituer à la sensation de la tétine entre ses petites lèvres adorables. Tout en préparant le biberon, ses pensées retournaient vers Emma qui n'avait pas daigné venir lui parler ce matin. Il lui avait été difficile de rester de marbre, de prétendre que cette totale indifférence ne lui faisait rien. Car ne pas contempler sa Sauveuse, même un court instant, avait été un supplice. Depuis la veille, Emma lui manquait terriblement et ses rêves, trop courts, n'étaient qu'une maigre consolation quand elle se réveillait seule dans leur grand lit. Sara semblait combler un peu ce manque, autant qu'Henry qui était égal à lui-même, mais Emma était irremplaçable autant que la chaleur de son corps contre le sien quand elle s'endormait le soir ou se réveillait le matin. # Encore heureux qu'elle ne sache pas pour les haricots, continua Leroy. Regina fronça les sourcils sur ces mots et récupéra le baby phone, plus attentive : # Si Blanche a parlé à la Sauveuse, on peut espérer partir bientôt et retourner dans notre monde. La Reine pourra bien rester là à croupir dans sa ville, la Forêt Enchantée pourra se passer d'elle et de sa descendance. Les yeux de Regina virèrent au noir sur ces mots, mais avant que sa colère ne l'emporte, elle entendit la voix d'Emma : 77


— J'allais t'en parler... Emma avait eu le temps d'entendre les dernières paroles des nains à l'étage. Elle avait décidé de quitter son bureau au commissariat pour retrouver Regina chez elle. Cependant, la Reine n'arrivait à croire ce qu'elle venait d'entendre et malgré ces mots, elle s'emporta : — M'en parler ? répéta-t-elle. Et quand ? Au moment de quitter Storybrooke ? Quand devez-vous partir ? Et où est ce champ de haricots. Elle sut qui lui donnerait ses réponses et se dirigea vers les escaliers. — Je vais les faire parler ! Aussitôt, Emma saisit son bras pour l'arrêter et la tourner vers elle. — Tu ne feras parler personne ! ordonna-t-elle sur un ton plus sec. Le regard de la Reine était empli de colère et de rancœur. Emma reconnaissait bien Regina à travers cette réaction, mais cette fois, la Reine n'était pas responsable... Elle se calma un peu et reprit : — J'ai rien décidé... Et Henry n'est même pas au courant. Alors, calme-toi. Regina regarda cette main fermée sur son bras. Jamais elle n'aurait autorisé quiconque à la toucher en pareille circonstance et sa colère ne faiblissait pas pour autant. — Que je me calme alors que la ville entière complote contre moi et notre fille ? J'ai sauvé ces gens, j'ai tué ma mère pour que leur misérable existence soit épargnées… Et c'est ainsi que je suis remerciée ? Je n'attendrai pas que toi et

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tes parents décidiez de m'enlever mon fils pour agir Miss Swan ! Elle se dégagea de l'emprise d'Emma et marcha d'un pas pressé vers les escaliers menant à l'étage. La Sauveuse dut courir derrière elle pour la rattraper dans les escaliers et lui barrer la route. Il n'était pas question de laisser la Reine s'en prendre aux nains qui n'étaient responsables de rien. — Regina ! la stoppa-t-elle. Elle prit une seconde et demanda d'une voix plus basse: — S'il te plaît... Regina s'était arrêtée, mais Emma sentait qu'elle devait parler encore, faire des efforts plus poussés. — J'aimerais qu'on parle... Mais pas dans les escaliers. — Sois concise, je n'ai pas de temps à perdre, répliqua Regina d'un ton plus froid. Emma serra les dents sur le ton condescendant que Regina prenait avec elle. Il ne lui en fallait pas beaucoup pour s'énerver. — T'as pas entendu ce que je t'ai dit ?! Je compte pas partir ! Et c'est pas ce foutu départ qui me préoccupe le plus pour le moment. Alors, tu descends et je te parlerai. Regina lança un regard vers l'étage où résonnaient quelques coups de marteau. Elle se résigna à descendre les marches, droite et fit face à Emma en croisant les bras. — Il semble que nous n'ayons pas les mêmes priorités, fit la Reine. — Non, en effet, rétorqua Emma, maintenant agacée.

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Une fois la Reine se montrait gentille et attentionnée, l'heure suivante, elle se présentait comme la pire des garces ! Emma prit un instant pour se calmer, adoucir son humeur parce qu'elle devait aborder un sujet plus que délicat qu'elle avait déjà du mal à assimiler. — Comment tu as fait ? Sur le regard interrogateur de Regina, elle précisa : — Comment tu as fait pour que Sara soit ma fille ? Parce qu'apparemment, c'est bien ma fille, alors par quel miracle t'es arrivée à accoucher de ma fille ? Regina leva les sourcils. Elle ne s'était pas attendue à cette question qui la détournait complètement de ce problème de haricots magiques destinés à quitter ce monde. Ses traits s'adoucirent avant qu'elle ne réponde d'un air évident : — Nous avons fait l'amour… Mais en voyant la mine incrédule d'Emma elle précisa à contre cœur et d'un petit air accusateur : — Du moins, mon Emma et moi avons fait l'amour et je suppose que notre magie a fait le reste. Emma roula des yeux sur ces mots qui échauffaient encore son corps ! Bon sang, elle ne s'en sortirait jamais. Regina ne cesserait jamais d'attiser cette maudite attirance au fond d'elle. Elle se gratta le front et contourna la Reine pour rejoindre la cuisine. — J'aurais dû m'en douter ! Suis-je bête, se moqua-t-elle d'un ton narquois. Mon autre moi s'est glissée dans ta chambre et t'a fait ce bébé ! Parce que deux femmes peuvent le faire, bien sûr ! Elle entendit les gazouillis enfantins de Sara et se calma aussitôt. Elle n'avait pas fait attention au landau de Sara et 80


s'en approcha. Voir Sara ainsi, après avoir eu la confirmation de son lien avec elle la troublait plus que jamais. Regina l'avait suivie tandis que le calme revenait dans la pièce. Emma devant le landau, comment lui ferait-elle comprendre qu'elle n'inventait rien ? Que ses souvenirs, sa réalité étaient sa vérité malgré tout ce que les autres pouvaient en penser. Dans le dos d'Emma, à quelques centimètres, son regard parcourut son profil, sa longue chevelure blonde tombant sur ses épaules. Pourquoi tout était-il si compliqué, se demandait Regina. Pourquoi fallait-il qu'elle continue de payer le mal qu'elle avait fait après avoir fait son possible pour faire le bien ? Elle tentait de se calmer et les gazouillis de Sara atténuaient sa nervosité, sa colère d'avoir appris ce qui se tramait. Elle osa remonter sa main sur les cheveux blonds d'Emma qu'elle repoussa doucement en arrière pour mieux détailler son profil et tenta d'une voix plus calme : — On en avait discuté, confia-t-elle. On était d'accord… Tu voulais ce bébé autant que moi… Regina vit le visage d'Emma se tourner vers le sien comme pour sonder son regard et savoir si elle disait la vérité ou si elle lui mentait. Mais à aucun moment Regina ne lui avait menti. Son regard ne put s'empêcher de parcourir les traits du shérif, aussi durs soient-ils, juste pour s'imprégner de sa beauté, du doux reflet de ses prunelles bleues. Car Regina ne pouvait savoir quand elle reverrait Emma si elle décidait de partir après cette nouvelle dispute. Elle glissa sa main sur la sienne, traça de son doigt la courbe de son annulaire où, autrefois, se trouvait un anneau symbolique de leur union. — On s'aimait, finit-elle par confesser. Elle remonta son regard dans celui d'Emma et reprit :

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— Et même si ce n'est plus réciproque, je suis heureuse que Sara soit là pour témoigner que notre vie a existé. Et ses frissons revenaient hanter Emma, la harceler sous le passage des doigts de Regina sur sa peau. La regarder lui brûlait la rétine et accentuait des sensations devenues plus fortes chaque jour passé. Que pouvait bien être cette autre Emma dont Regina parlait sans arrêt ? Quel pouvoir avaitelle pour surmonter ses sentiments et les vivre pleinement ? Elle détourna le regard, de crainte de se laisser bercer. Après tout, elle avait à faire à la Reine, à celle qui avait manipulé bon nombre de personnes... Elle espérait ne pas en faire partie, mais savait qu'il n'en était rien. Rien n'était la faute de Regina, rien ne lui incombait, pas même les sensations au creux de son ventre et cette envie incessante de poser ses mains sur elle. Elle avait eu le temps de réfléchir, de creuser, de fouiller en elle à la recherche de réponses. Regina loin d'elle, ce même désir était revenu, ces mêmes rêves torrides. Et chaque nuit, ils étaient devenus plus enflammés, plus osés, plus explicites. Chaque réveil avait été marqué de sueurs froides, d'un souffle écourte, encore imbibé de plaisir. Elle finit par se pencher au dessus du landau pour prendre Sara dans ses bras. Ses parfums de bébé apaisaient ses maux, écartaient ses songes désordonnés, innocentaient ses pensées enfiévrées. Regina prenait la forme d'un fruit défendu. Ironie risible pour l'ennemie de celle qui devait tendre la pomme... Pourtant, elle la prenait nuit après nuit, l'acceptait et y mordait goulument pour y trouver le soulagement des sens, de tant de frustrations. Au petit matin, tout revenait réel et le bien repartait à la conquête du mal. Parce que c'était ainsi que l'histoire fonctionnait normalement. Nulle part n'était écrit que la Sauveuse s'abandonnait dans les bras de la Méchante Reine... Et pour l'instant, leur petite princesse était le moindre des réconforts, un être innocent pour une personne en quête d'un pardon quelconque. Mais qu'y avait-il à pardonner ?

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Elle ferma les yeux un instant en serrant Sara dans ses bras, puisant la force nécessaire pour balayer ses tourments. Ce bébé était sa fille. Aucun doute sur cette question au moins. Sara n'avait pas à payer sa lâcheté, son manque de courage ou son désir de s'accrocher à tout prix à ses valeurs. Regina près d'elle ne dit plus un mot et regarda cette scène qui avait le mérite de la réconforter, d'apaiser ses sens et ses craintes. Si tout pouvait-être aussi simple que ce moment, se disait-elle. Elle osa se rapprocher un peu plus, suffisamment d'Emma et du bébé pour pouvoir respirer les parfums de sa Sauveuse restés inchangés. Le revers de ses doigts vint effleurer la joue de Sara qui gardait ses yeux bleus ouvert sur le visage de sa maman blonde. Regina croisa le regard d'Emma et ne put réfréner un tendre sourire avant de remonter sa main à sa tempe pour repousser une mèche blonde derrière son oreille. — Je suis désolée, Miss Swan, tenta-t-elle. Désolée de ne pas être celle que tu souhaiterais que je sois. Jamais, Emma n'aurait pu imaginer Regina s'excuser sur ce qu'elle était... Mais là n'était pas le problème ou plutôt si parce que si Regina n'était pas celle qu'elle était, alors peutêtre ne ressentirait-elle pas autant d'émotions. Parce que c'était tout ce que représentait Regina qui accentuait ses envies. Ne disait-on pas que les contraires s'attiraient ? Regina était le feu et Emma était la glace. Emma était le Yin, Regina le Yang. L'un ne vivait pas sans l'autre et le monde ne tournait pas sans ce tout... Emma eut un sourire nerveux en songeant à tout ça... Elle jeta un œil sur son adorable petite fille qui découvrait à peine le monde et regarda la Reine. — Qu'est-ce que mon autre moi fait encore ? demanda-telle, curieuse. Regina reprit un sourire plus enjoué sur cette question. 83


— Tu veux dire, chez nous ? — Ou ailleurs, répondit Emma. Cette question était vaste, pensait Regina mais si Emma la posait, alors elle prendrait le temps de répondre. Elle se recula vers la gazinière et y posa une casserole d'eau qu'elle fit chauffer. — En réalité, vous êtes très semblables, confia Regina qui sortait deux tasses à thé et des petits gâteaux sablés. Hormis le fait que nous vivons ensemble depuis plusieurs mois. Regina lança un coup d'œil à Emma qu'elle avait vue s'asseoir sur un tabouret devant la table de la cuisine, Sara toujours dans ses bras. Elle poursuivit sur un thème plus délicat, pensa-t-elle. — Tu as demandé ma main… Et j'ai dit oui… Tes parents n'ont que moyennement apprécié. Autant que ma mère. Emma gardait les sourcils froncés, en proie à quelques difficultés... Elle avait posé la question, elle devait maintenant assumer. Mais parler mariage avec Regina dépassait tout ce à quoi elle s'était attendue. — Est-ce que c'est vrai ou c'est un truc que tu viens d'inventer ? Le regard de Regina répondit à lui tout seul. — Crois-tu que je me risquerais à de telles inventions ? Emma jeta un œil sur Sara qui, à elle toute seule, représentait déjà un élément difficile à croire. Et pourtant... — Veux-tu que je continue ou préfères-tu que je m'arrête là ? lui demanda la Reine, parfaitement consciente des doutes de sa Sauveuse. Celle-ci hésita un instant et répondit : 84


— On va s'arrêter là, je crois... Parce que les réponses de Regina au sujet de son "autre" la laissaient amère. — Alors, j'imagine que tu vis un vrai cauchemar avec moi si l'autre était si... Elle ne trouvait même pas les mots parce qu'elle restait incapable de concevoir toutes ces choses que son "autre" faisait avec la Reine. — Si quoi ? l'interrogea Regina en s'approchant d'elle. — Différente je dirais, répondit Emma largement dans le vrai. La Reine esquissa un léger sourire charmé devant sa Sauveuse qui semblait donner de plus en plus de crédit à son histoire, ses souvenirs bien réels. — Je te l'ai dit, vous n'êtes pas si différentes, contredit-elle. Seules les circonstances le sont. — Quelles circonstances ? Qu'est-ce qui a pu nous rapprocher à ce point ? Au fond d'elle, Emma avait déjà toutes les réponses à ses propres questions. Elle les sentait vibrer en elle, forcer le passage pour fuir ses lèvres et la pousser à prononcer des mots inconcevables. La proximité de Regina devant elle la rendait nerveuse, la troublait sans l'avoir même frôlée... — Tu as dû réaliser que nous étions plus que des ennemies, répondit Regina sans quitter son petit sourire. Emma ricana tout aussi nerveusement et détourna les yeux. Cela, elle l'avait déjà réalisé, mais jamais elle ne le confierait à la Reine. Ses réflexions reprirent bon train et son

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expression se fit plus songeuse. Son regard sur Sara, celle-ci continuait de la fixer de ses beaux yeux bleus. — Ce serait plus simple si ce sort m'avait aussi touchée, confia-t-elle à voix basse. Regina ne savait dire si la situation aurait été plus simple dans ce cas précis. Elle récupéra la casserole d'eau chaude et la versa dans la théière avant de revenir vers la table et de l'y poser. Des parfums de verveine et de camomille s'élevaient dans la pièce, apaisant les humeurs de chacune. Elle s'assit près d'Emma, réconfortée par ce tableau idyllique de sa Sauveuse tenant leur petite fille dans ses bras. — Ou peut-être serait-ce plus simple encore s'il ne m'avait pas touché, se risqua Regina. Emma n'était même plus capable d'en juger car la Gentille Reine qui remplaçait la Méchante avait remis en question tout son équilibre habituel. Avec l'ancienne Regina, Emma avait su comment se comporter : Quelques répliques piquantes, ironiques ou sarcastiques avaient suffit à les départager. Jusqu'alors, Emma avait été la gentille de l'histoire, tandis que la nouvelle Regina chamboulait tout son fonctionnement même si elle restait la Méchante Reine aux yeux des autres habitants de Storybrooke. Regina leur servit le thé et entendit derrière Emma : — Madame le Maire ? On a terminé… Leroy et Anton se tenaient devant l'entrée de la cuisine, rappelant aussi à Regina ce qu'elle avait entendu depuis le babyphone. Elle se leva et Emma ne manqua pas de constater son expression plus fermée, tel un masque froid qu'elle ne réservait qu'à ceux étrangers à sa famille. — J'espère pour vous que tout est en place, répliqua-t-elle d'un ton sec.

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— La peinture est encore fraiche, expliqua Leroy de son air renfrogné. Alors attendez une journée ou deux avant d'utiliser la chambre et laissez aérer. — Vous pouvez disposer, lança-t-elle pour leur commander de partir. Leroy secoua la tête sur ton toujours condescendant de la Reine. Il lança un coup d'œil vers Emma et ce bébé, lui fit un signe de main et quitta la maison en voyant Regina leur tenir la porte qu'elle ferma derrière eux. La Reine n'aimait pas accueillir des étrangers chez elle, surtout si ceux-ci complotaient dans son dos. Elle rejoignit Emma dans la cuisine avant de reprendre place près d'elle et de leur fille. Cependant, son air était plus soucieux en songeant aux haricots magiques et aux plans de ses ennemis. — Je tiens à te prévenir, Miss Swan, je ne compte pas rester sagement chez moi en attendant que tes parents ou que d'autres habitants de Storybrooke ouvrent un portail vers notre monde. Elle se tourna vers sa tasse et ajouta : — S'ils t'enlevaient à moi… Je ne répondrai plus de rien. Regina exprimait de nombreux paradoxes, songeait Emma. Elle était à la fois menaçante et touchante dans ses réactions. Mais pour Emma, partir de Storybrooke, du Maine, de cette planète, était inenvisageable. Ce monde était le sien ! Sérieusement, que ferait-elle dans une Forêt Enchantée entouré de Nains, de Cendrillon, de fées ou autres créatures magiques sorties tout droit des contes des frères Grimm ? — Pour la énième fois, je ne compte pas partir Regina ! rappela-t-elle. La Reine examina sa Sauveuse. Peu importait le nombre de fois où Emma lui répéterait ses projets, elle était décidée à 87


retrouver ce champ de Haricots afin de le détruire. A une pensée totalement opposée à leur sujet de conversation, elle se leva, s'éloigna vers le salon et revint avec son sac à main noir Dior qu'elle fouilla un instant avant d'en sortir son téléphone portable. Elle y pianota et le releva devant elle avant qu'un flash n'illumine la pièce. Emma comprit que la Reine venait de la prendre en photo avec Sara, un constat totalement troublant qui la décontenança. — Vous êtes adorables, dit Regina en vérifiant l'image qu'elle paramétra en fond d'écran. Mes deux princesses… Car Regina savait qu'Emma Swan, en tant que fille de Blanche, était la descendante directe de feu son ancien mari le Roi. Elle rangea l'appareil dans son sac et revint sur le sujet de ses préoccupations. — J'irai voir ta mère, conclut-elle finalement. Nous parlerons ! L'expression d'Emma refléta son désaccord le plus total. — Non, tu n'iras pas parler avec ma mère. Qu'est-ce que tu voudrais lui dire ? Parce que Blanche et David ne savaient rien, songeait Emma. Elle avait mis tant d'effort, de résistance à leur dissimuler le fond de ses pensées qu'elle ne laisserait pas la Reine tout gâcher. Regina comprit le recul catégorique de sa Sauveuse qui devait subir les assauts de son déni. Pourtant, elle la voyait faiblir peu à peu, sentait que leur petite fille dans ses bras agissait tel un remède à la distance imposée par Emma. — Je n'irai pas la provoquer, rassura Regina. Disons que je suis prête à faire des concessions pour que notre famille reste unie.

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Malgré l'effort évident que la Reine ferait en allant voir Blanche, Emma ne trouvait pas cette idée très réjouissante. Bien au contraire... Blanche et David ne pouvaient être informés de son lien avec la Reine. Jamais, ils n'accepteraient un quelconque rapprochement entre elles. Ils s'imagineraient certainement des choses à son sujet, formuleraient des conclusions hâtives sur des sentiments amoureux, des désirs cachés ou des espérances enfouies... Le pire était sûrement qu'ils auraient raison... Une lueur de crainte transparut dans le regard d'Emma qui répondit : — Non... Pour l'instant, je préfère que vous gardiez vos distances, ma mère et toi...

Chapitre 20 : Autorisation parentale Blanche s'était assise sur le tabouret devant le comptoir. David près d'elle, gardait ses yeux sur Gold, abasourdi. Comment tout cela était-il arrivé ? Telle était la question qui dominait toutes les autres. — C'est pas vrai... répéta Blanche pour la énième fois. — Le docteur Whale pourra vous le confirmer si vous le lui demandez, suggéra Gold ses deux mains sur le pommeau de sa canne. Mais vous savez que je n'invente rien. David n'en croyait pas ses yeux et tentait vainement de trouver une solution, premier réflexe du Prince devant chaque problème. — Comment s'y est-elle prise ? Emma n'aurait jamais... Son expression transparut autant d'incompréhension que de confusion en formulant une suite silencieuse à sa phrase.

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— Henry, répondit Gold en devinant la question de David. Il semblerait que mon petit-fils ait quelques prédispositions insoupçonnées... — Je ne vois pas ce que Henry aurait pu faire et vous avez dit vous-même que votre potion n'en était pas une, objecta Blanche. — En effet, mais il a souhaité l'impossible, très chère... Et la puissance de ses croyances, de ses espoirs a fait le reste. Avant que les parents de la Sauveuse ne formulent une autre question, un autre commentaire, il reprit : — Quoiqu'il en soit, vous êtes prévenus. L'adorable bébé de notre Méchante Reine vient aussi de votre fille. Sur ces derniers mots percutants, Gold fit demi-tour et quitta l'appartement du couple Charmant. David et Blanche restaient sous le choc, effarés par une telle nouvelle. — Nous devons faire quelque chose ! lança David. — Quoi ? demanda Blanche. Que veux-tu que nous fassions ? Ce bébé n'est responsable de rien et Emma... Elle s'arrêta au milieu de sa réplique en songeant à leur fille. Maintenant, elle comprenait le désarroi qu'elle avait lu dans ses yeux, le comportement fuyant de ces dernières semaines. — Mon Dieu, Emma... — Cette histoire va trop loin, affirma David en enfilant sa veste. Mais avant qu'il ne se précipite hors de l'appartement sous le coup du choc, Blanche le stoppa, sa main autour de son bras. — Attends. Qu'est-ce que tu vas faire ?

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— Rendre visite à la Reine ! Elle est derrière toute cette histoire, j'en suis sûr. Blanche secoua la tête, prise dans ses doutes. — Non, calma-t-elle malgré ses nombreuses interrogations, nous ne pouvons rien affirmer. Tu as entendu ce que Gold a dit... — Tu ne crois quand même pas tout ce que Gold a dit ? Blanche prit un instant pour répondre à cette question légitime de la part de son époux. — Pourquoi nous aurait-il menti ? renvoya-t-elle. Ce qu'il aime, c'est semer la discorde et manipuler tout le monde... C'est ce qu'il vient de faire encore une fois. Et il n'a eu besoin que de nous dire la vérité... — Quelle vérité ?! Il affirme que Henry serait le responsable de cette histoire ! Comment un garçon de onze ans qui formule simplement des souhaits provoquerait un rapprochement aussi... Intime entre la Reine et Emma ? Blanche fronça les sourcils sur ce bref résumé dépeint par son amant. Elle avait aussi du mal à imaginer sa fille proche de la Reine. — Justement, fit-elle, qui, plus que Henry, souhaiterait voir ses deux mères réunies et former une famille ? Encore une fois, sa femme rappelait des faits indéniables, formulait d'excellents arguments, songeait David, plus que troublé. — Pourquoi ne pas avoir souhaité plutôt le rapprochement entre Neil et Emma ? Neil est son vrai père et il le sait maintenant...

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Blanche ne détenait pas toutes les réponses et le regrettait à cet instant précis. Peut-être alors aurait-elle pu remédier à ce nouveau problème. — Parce que Henry ne considère peut-être pas Neil comme son père... Parce qu'il a vécu toutes ces années auprès de Regina... Blanche avait raison. David le savait, mais ne pouvait rester là avec la tête pleine de confusion, d'hypothèses et d'incertitudes. — Blanche... Un bébé est venu au monde. La Reine a accouché d'un enfant dont le sang est celui de notre fille. On ne peut pas rester à l'écart de ça ! — Et que voudrais-tu qu'on fasse ? demanda-t-elle. — Si ce bébé est aussi celui d'Emma, nous devons le lui reprendre. Blanche n'était pas d'accord avec David et se rappelait d'une chose qui l'avait tant troublée avant la disparition de Regina. — Elle est venue me voir, expliqua-t-elle. Regina… Elle est venue me voir un matin à l'école pour me demander de parler à Emma en sa faveur… David fronça les sourcils : — Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ? — Je pensais à une lubie de la part de la Reine, expliqua Blanche. — Que te demandait-elle de lui dire ? — Elle voulait que je lui fasse comprendre qu'elle ne voulait que le bien d'Henry et le sien. — Et tu lui as parlé ? 92


— Non, j'ai préféré oublier toute cette histoire. Des clefs se firent entendre dans la serrure de l'appartement et la porte s'ouvrit sur Emma et Henry qui revenaient. — Salut, fit Emma en posant sa veste sur le porte-manteau. Les Charmants savaient que l'heure était venue de parler à leur fille. Blanche approcha : — Henry, tu peux nous laisser une minute, on doit parler avec Emma. — Je vais me doucher, fit-il en souriant. Mais Emma n'aimait pas ce genre d'accueil de la part de ses parents et redoutait le pire. Elle jeta un œil sur son fils qui montait à l'étage et regarda ses parents qui semblaient préoccupés. Elle préféra jouer les indifférentes et s'approcha du comptoir sur lequel elle déposa ses clefs. — Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle. Blanche se permit de commencer sans l'avoir quittée des yeux. — Gold est venu nous voir tout à l'heure... Emma se tendit aussitôt sur cette annonce qui n'augurait rien de bon. — Il nous a parlé du bébé de Regina, poursuivit Blanche en essayant d'adopter un ton calme et neutre. Plus sa mère parlait, moins Emma se sentait à l'aise. Les regards que ses parents lui portaient en cet instant précis révélaient bien plus que n'importe quels mots. Elle imaginait déjà la conversation qu'ils avaient eue avec Gold. Celui-ci n'avait pu s'empêcher de tout révéler dans le but de créer le chaos.

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— Pourquoi ne nous avoir rien dit ? demanda David, incapable de rester muet. Emma fronça les sourcils. Entendait-elle d'accusation dans la voix de son père ?

un

brin

— Quoi ? Qu'est-ce que j'aurais dû vous dire ? — Ce bébé, répondit David, il est aussi le tien, Emma ! Cette fois, c'en fut trop et Emma s'emporta. — Je le sais, figure-toi ! Je viens de l'apprendre moi aussi ! Confuse, Blanche demanda : — Mais... Qu'est-ce qui s'est passé ? Est-ce que toi et... Regina... Mais avant que sa mère ne finisse la phrase évidente, Emma la coupa net et s'insurgea : — Non ! Il n'y a pas de moi et Regina ! Elle secoua la tête, ahurie, dépassée par le sujet de la conversation qu'elle avait avec ses parents. Elle passa ses mains dans ses cheveux, nerveuse. — J'y crois pas ! C'est quoi ? Un interrogatoire ? Je vous rappelle que c'est vous qui m'avez demandé de ménager Regina, de jouer le jeu pour éviter qu'elle redevienne la Méchante Reine ! Mary Margaret était confuse mais restait tout à fait calme devant l'emportement de sa fille qu'elle constatait tendue. — Nous sommes simplement inquiets pour toi. Nous ne savions pas si Gold nous mentait alors nous devions t'en parler pour avoir le fin mot de l'histoire. — Ben vous l'avez, répliqua Emma. 94


— Ce n'est pas si simple, reprit David. Si cet enfant est vraiment le tien, tu ne peux pas le laisser à Regina. Mary-Margaret s'adressa à son amant, en désaccord avec cette remarque : — S'il est aussi celui de Regina, nous ne pouvons le lui enlever, elle est aussi sa mère. Mais David argumenta : — Par sa faute, nous n'avons pu élever notre fille qui a aujourd'hui vingt huit ans, Blanche. Notre fille qui, à cause de la Reine, n'a pu élever son fils qui en a onze. Il serait juste que cet enfant revienne à Emma. Emma demeurait ahurie par la petite discussion que ses parents avaient devant elle. Ils parlaient de l'avenir de Sara comme s'ils régissaient son monde ! — Hey ! les interrompit-elle sèchement. Il est hors de question d'enlever Sara à Regina ! Blanche et David tournèrent leurs yeux vers leur fille, confus et incertains. Emma semblait si prompte à laisser le bébé aux mains de la Méchante qu'ils en restaient troublés. — Mais c'est aussi le tien, rappela Blanche qui tentait d'apaiser les tensions. — Justement ! rétorqua Emma. C'est à moi d'en décider! — Mais Emma, insista David, on sait tous de quoi la Reine est capable. As-tu déjà songé au fait qu'elle pourrait te l'enlever ? En faire une parfaite petite Reine au service du mal ? L'expression d'Emma refléta une grimace peu convaincue.

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— Regina a changé, répondit-elle spontanément. Aussi étrange que ça puisse paraître, elle aime sa fille autant qu'elle aime Henry et elle m'aime aussi... Mais ces derniers mots eurent pour seul effet de perturber ses parents. David secoua la tête, refusant de croire à ça. — Emma, chérie... reprit Blanche, confuse, nous parlons de Regina Mills, de celle qui voulait te tuer autant qu'elle voulait détruire tous les habitants de cette ville. Il y a quelques semaines à peine, tu refusais même de la croiser. Blanche craignait que Regina n'eut manipulé sa fille. Après tout, la Méchante Reine ne portait pas ce surnom par hasard... Elle l'avait tant de fois affrontée que la méfiance devait rester le mot d'ordre à son sujet. — Et tu étais celle qui me disait d'être indulgente ! lança Emma. Je l'ai été ! Et Regina a changé, je l'ai vue ! Emma ne se rendait même pas compte qu'elle prenait la défense de la Reine devant ses propres parents. — Personne ne lui prendra son bébé ! rappela Emma, hors d'elle. David n'en revenait pas de voir sa fille ainsi, aussi influencée par la Reine. — Non mais tu t'entends ?! — David, intervint Blanche pour le calmer. S'il te plaît... Mais son amant bouillonnait de colère envers la Reine. Plus il discutait avec Emma, plus il voyait son ascendant derrière chacun de ses mots. — Comment a-t-elle pu te faire changer d'avis à ce point ? l'interrogea David.

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Les questions incessantes de ses parents, leurs reproches ne faisaient qu'accentuer les tensions et la nervosité d'Emma. Elle regarda sa mère qui ne disait rien après la question de David. Qu'insinuaient-ils au juste ? — Ca suffit ! lâcha-t-elle pour couper court, on arrête là avant que je dise des trucs que je pourrais regretter. Elle grimpa les escaliers à la hâte pour rejoindre son fils à l'étage. Tout ce qu'elle espérait pour l'instant était que Henry n'eut pas entendu cette discussion. Au rez-de-chaussée, Blanche et le Prince demeuraient sans voix, sous le coup de cette dispute entre eux et leur fille. — Je peux pas ! reprit David en marchant vers la porte. Blanche n'eut pas le temps de l'arrêter. La porte se referma derrière son époux qui, elle le savait, se dirigeait tout droit vers la demeure de la Reine. . . La Reine en question n'était pas chez elle. Sara allongée dans son siège bébé installé près d'elle, elle arpentait les rues éloignées de Storybrooke en quête d'un lieu isolé, parfait pour cultiver des haricots magiques. Son objectif était simple : trouver ce maudit champs et le détruire. Elle ralentit devant un terrain large, déboisé et aperçut sur la route des traces de pneus qui indiquaient qu'un camion l'avait traversée. Seule indice étrange, les traces n'étaient pas continues sur le terrain. Regina s'arrêta sur le bas côté de la route et coupa le moteur en regardant sa fille. — Je reviens ma Princesse. Regina quitta la Mercedes et ajusta son chemisier blanc. Ce lieu « sentait » la magie à plein nez. Elle eut simplement à 97


faire quelques pas à travers le champ pour trouver les plants de haricots par dizaines. Les deux nains avaient donc dit vrai. Blanche Neige et son fichu Prince préparaient leur départ pour le pays enchanté. De colère, elle fit naître une boule de feu dans sa paume et lança la sphère magique sur un premier plan qui s'enflamma. De quel droit osaient-ils décider de l'avenir d'Emma et de son fils ? De quel droit l'éloigneraient-ils d'elle ? Regina était hors d'elle, déversant sur chaque plantation de haricots magiques toute sa colère. — Arrêtez, entendit-elle soudain. Regina se tourna alors et son sang se glaça en voyant David se tenir devant le champ, sa petite fille dans ses bras. — Je vous préviens, vous faites encore brûler un seul de ces plants… Il saisit un haricot mûr qui pendait à l'un des arbres et regarda Regina : — J'envoie votre fille dans l'autre monde. Mais des pneus crissèrent sur la route et David et Regina détournèrent leurs yeux vers la voiture jaune qui venait de déraper au milieu de la route. Emma en sortit précipitamment. Blanche l'avait prévenue du départ soudain de David et elle n'avait pas attendu pour le suivre... — David ! s'écria Emma en courant vers eux, dans le champ. Arrête ! Parce qu'elle avait deviné ses intentions en voyant Sara dans son bras et sa main autour d'un haricot. — Emma, répondit David, je n'ai pas l'intention de faire du mal à ce bébé, tu le sais, mais je ne peux pas le laisser aux mains de cette sorcière !

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Avant que Regina ne réponde et n'envenime la situation déjà catastrophique, Emma intervint. — Alors lâche ce haricot ! ordonna Emma sur un ton ferme. Elle n'en revenait pas de ce que son père était prêt à faire pour enlever Sara et l'éloigner de Regina. Elle fit quelques pas vers lui. — Donne-moi Sara... David guettait surtout Regina à quelques mètres devant lui. Il finit par lâcher le haricot, mais resserra son étreinte autour du bébé. — Regarde ce qu'elle a fait aux plants de haricots ! fit-il à Emma. Tu crois toujours qu'elle a changé ? Une boule de feu en suspension au dessus de sa paume, Regina ne le quittait pas des yeux. L'arrivée d'Emma venait d'amoindrir sa peur que le Prince n'ouvre un portail et que sa petite fille y tombe. Elle menaça de son regard noir : — Donnez ma fille à Emma où je vous jure que ce n'est pas sur ce champ que je déverserai ma colère ! — Nous y voila, Regina, reprit David… Ca vous fait quoi de vous sentir impuissante en songeant que la vie de votre enfant est entre les mains d'un autre ? Regina serra les dents bien qu'elle ne sut quoi répondre au Prince. Elle savait ses torts depuis longtemps, n'avait plus à s'en justifier. Sara se mit alors à pleurer à force de cris autour d'elle et Regina en sentit son cœur se serrer. La boule de feu s'éteignit dans sa main et elle abdiqua : — Laissez-la… Je vous en prie David.

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David fut décontenancé par l'étrange réaction de la Reine. Etait-il seulement possible qu'Emma eut raison ? Il ne le croyait pas, ne le pouvait après tout ce qu'il avait enduré à cause de la Méchante Reine. — David, insista Emma, les poings serrés. Il jeta un œil sur sa fille qui approchait et défit son emprise autour du bébé pour le lui tendre. Sara ne cessait de pleurer maintenant et Emma la ramena contre elle pour tenter de la calmer. — Tu sais que nous ne pouvons pas lui faire confiance, rappela David à l'attention d'Emma. Mais Emma lui lança un regard accusateur pour seule réponse. L'instant ne se prêtait pas à une discussion et elle préférait se rassurer en sentant Sara s'apaiser dans ses bras. — Elle n'a eu aucun scrupule à nous séparer quand tu es née, continua David. — Rentre à la maison, lui demanda Emma refusant de discuter avec lui au milieu de ce champ. David lança un regard méprisant vers la Reine et obéit. Regina Mills ne perdait rien pour attendre... Il aurait le fin mot de toute cette histoire impossible à croire. Dès qu'il fut éloigné, Regina s'approcha rapidement d'Emma pour s'assurer que sa fille n'ait rien. Ce fut par cette proximité qu'Emma s'aperçut que le regard brun de la Reine était baigné de larmes. Elle lui tendit sa fille, constatant son sourire tendre et rassuré revenu : — Ma petite princesse, dit la Reine… Je suis désolée, maman ne te laissera plus jamais… Emma se retrouva plus affectée par les larmes de Regina qu'elle ne l'aurait souhaité. Quelques secondes plus tôt, tout 100


avait failli basculer et cette fois, son père était le responsable. Que penser ? Où étaient les deux camps autrefois bien distincts du bien et du mal ? — Tu devrais rentrer avec elle, conseilla Emma d'un ton plus attentionné. Sa fille serrée contre elle, Regina releva son regard sur sa Sauveuse : — Merci Em'… Merci d'être intervenue… Emma fut étonnée par le surnom que Regina lui donnait pour la première fois. Jamais, personne ne l'avait appelée ainsi et cela ne faisait que renforcer davantage ce lien avec elle qu'elle s'évertuait à repousser. — Je t'en prie, répondit-elle, troublée. Elle la suivit jusqu'à la route, ne cessant de penser à ce qui aurait pu arriver si elle n'était pas arrivée. Elle avait eu raison de taire ses émotions bouleversées à ses parents, de leur dissimuler ses doutes... Elle observa Regina installer Sara dans son siège auto et croisa le regard de la Reine. Celle-ci avait baissé les armes devant son père, refoulé son orgueil et sa fierté pour sauver sa fille... Leur fille... A suivre…

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