Chapitre 27 : Loin de Storybrooke
Une heure plus tard, la famille Swan-Mills avait repris la route, Emma au volant et Sara à l’arrière avec Henry qui feuilletait son livre. L’histoire n’avait pas avancé, constataitil. Etait-ce parce qu’ils avaient quitté Storybrooke ? Henry ne voyait pas d’autres explications. Peut-être la magie du livre n’opérait plus en dehors de la ville, un peu comme l’annihilation des personnalités des personnages de contes quand ils passaient la frontière. Il referma le lourd bouquin qu’il garda contre lui en tournant la tête vers la route. Ils continuaient de traverser le Maine et ses immenses forêts et Henry se rappelait de son premier voyage sur cette route qu’il avait empruntée pour retrouver Emma à Boston. Il n’aurait pu imaginer qu’un an plus tard, il y retournerait avec ses deux mères et une petite sœur. Assise derrière le volant, Emma réfléchissait et se remerciait d’avoir gardé son appartement. Seulement, elle y retournait accompagnée de Henry, de Sara et surtout de la Reine. Plus la route défilait en direction de Boston, plus elle réalisait ouvrir la porte de sa vie privée à Regina. Certes, sa Majesté l'ensorcelait et abusait de ses charmes pour renouveler des étreintes charnelles, mais là, il était question de son passé, de sa vie personnelle.
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Deux heures de route avaient suffi pour rejoindre Boston et son centre-ville où dominaient les plus hautes tours de la ville. Regina gardait ses yeux tournés vers la vitre, tentait d'apercevoir le toit des bâtiments. Entre klaxons, sirènes de police et gaz d'échappement, cette ville différait complètement de Storybrooke. Bien sûr, Regina avait pu se faire une idée des grandes villes par Internet ou la télévision, mais s'y trouver au beau milieu l'angoissait un peu. Il s'agissait d'un territoire inconnu, inexploré sur lequel elle n'avait aucun contrôle. Tous ces gens à l'extérieur, sur les trottoirs n'avaient pas la moindre idée de l'existence de la magie. Emma gara la voiture dans un parking en sous-sol. — On y est, fit-elle en ouvrant la porte. Regina suivit, comme Henry et quitta le véhicule avant de prendre Sara dans ses bras à l'arrière. — Et où sommes-nous exactement ? demanda la Reine. — Chez moi. Henry se rappelait de la grande ville qu'il avait traversée tout seul dans le but de ramener sa mère biologique. Et il avait eu raison, se disait-il. Maintenant, ils y revenaient en famille, lui, sa maman, Emma et sa petite soeur. Qu'y avait-il pour l'instant de plus grisant ? Parce qu'il croyait aux fins heureuses et demeurait optimiste sur les problèmes entre Emma et ses grands-parents. Ils grimpèrent dans un ascenseur, Emma, nerveuse et arrivèrent au trente-et-unième étage, le dernier. Cela faisait plus d'un an qu'Emma n'avait pas remis les pieds dans son appartement y accueillir la Méchante Reine et sa famille
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avait été loin de faire partie de ses plans en le quittant. Arrivés devant la porte, elle fouilla sa poche et en sortit ses clefs avant de déverrouiller et de faire entrer tout le monde. Sara dans ses bras, Regina fit quelques pas et entra dans un salon dont les murs étaient entièrement vitrés. La vue donnait un panorama impressionnant sur la ville entière. Sa surprise fut lisible sur ses traits et elle commenta aussitôt : — Miss Swan... Je ne m'attendais pas à ça. Emma jeta les clefs sur le comptoir qui séparait la cuisine du salon. — Pourquoi ? répondit-elle d'un ton ironique. Tu pensais que mon appart ressemblerait à la chambre du motel ? Regina esquissa un sourire en s'approchant des vitres et jeta un œil sur le vide en dessous de ses pieds. Elle se tourna et détailla sa Sauveuse. — Tu sais ce qu'on dit des gens qui aiment vivre en hauteur ? Emma se méfiait déjà de la réponse et prit les nombreuses enveloppes que la concierge avait dû lui amasser au fil des semaines. — Qu'ils aiment avoir une belle vue ? — Qu'ils ont un attrait tout particulier pour la domination, expliqua Regina avec un sourire malicieux. Emma ne releva que ses yeux sur la Reine qui put y lire autant d'accusations que de reproches. Bien sûr, Regina continuait ses provocations avec ses insinuations autour de jeux sexuels...
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— Il n'y a rien dans le frigo, annonça Henry devant le réfrigérateur ouvert. — Ca fait plus d'un an que je suis partie, normal qu'il y ait rien dans le frigo. Emma parcourut les enveloppes, les factures de téléphone, de câble et d'internet. Elle attrapa le combiné au coin du comptoir et vérifia la tonalité toujours présente. Au moins, ils ne seraient pas complètement démunis, même s'ils se trouvaient en manque de nourriture. Regina visitait les lieux d’un pas lent, son regard examinant chaque indice présent dans l’antre de sa Sauveuse. Dans ses souvenirs, et depuis leur départ de Storybrooke, les différences se creusaient entre la Emma de ses souvenirs et sa nouvelle Sauveuse. Le décor était sobre. Très peu de décoration ornait les murs ou les meubles. Dans un coin se trouvait un bureau, dans l’autre un canapé et un écran de télévision. Regina comprenait qu’Emma avait eu les moyens de bien vivre mais ne s’était contentée que du minimum. En réalité, cet appartement manquait cruellement de chaleur, telles les demeures de jeunes hommes célibataires. — Si je peux me permettre… Emma interrompit Regina et lui baissa la main. — Non je ne te permets pas, c’est chez moi et je n’ai aucune envie que tu refasses la déco ! Regina sourit à sa Sauveuse qui, semblait-il, commençait à la connaître et devinait ses intentions. Henry s’était assis sur le canapé et demanda : — Alors on fait quoi maintenant ? 4
— J’en sais rien, répliqua Emma. La Sauveuse était penchée sur sa penderie où se trouvaient plusieurs vestes, manteaux, laissés avant son départ. — Je peux au moins remplir le réfrigérateur Miss Swan, intervint Regina. — Non. J’ai dit, pas de magie ! On n’est plus à Storybrooke dorénavant alors on fera selon mes règles ! Regina constatait sa Sauveuse toujours aussi tendue malgré leur arrivée dans son appartement. Après avoir également constaté que le réfrigérateur était aussi vide que les placards, elle trouva préférable de ressortir pour acheter le nécessaire de cuisine. Contre la volonté d’Emma, elle fit apparaître le berceau de Sara dans lequel elle l’allongea avant de marcher vers la porte. — Dans ce cas, je vais au marché. Emma se redressa : — Hey ! Non, tu ne vas nulle part sans moi. — Pourquoi ? — Je n’ai pas confiance en toi ! répliqua Emma avec évidence. — Miss Swan, je ne vais pas rester ici à attendre que tu nous ramènes des pizzas ou je ne sais quel genre de nourriture calorique et dégoûtante. Je peux au moins cuisiner, non ? — Dehors, ce n’est pas Storybrooke. — J’avais remarqué merci !
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— Ce qui veut dire que tu n’es pas chez toi et que personne ne te connait. — Je n’ai guère besoin de connaître les gens pour faire mes achats. Agacée par Emma, Regina quitta l’appartement et referma derrière elle. — Merde ! Mais c’est pas vrai ! s’énerva la Sauveuse. Avant qu’elle ne la suive, Henry prévint : — Elle va revenir. Emma le regarda : — Comment tu le sais ? — Maman n’a pas le sens de l’orientation. Emma leva les sourcils et quelques secondes après la réponse de son fils, la porte se rouvrit effectivement sur la Reine. — Miss Swan, tu pourrais au moins m’accompagner. Emma esquissa un sourire vainqueur. — Pour ce midi, ce sera pizza, un point c’est tout. Regina la vit s’éloigner vers une pièce et se résigna à poser son sac à main sur une grande commode près de l’entrée. Elle découvrit la chambre d’Emma, presque aussi spartiate que la chambre du motel où elle avait dormi, en moins décorée et sans aucun doute plus propre. Emma posa sur son lit des draps propres. — Pour ce soir, commenta-t-elle. 6
Elle en posa d’autres. — Et pour Henry, il dormira dans le canapé. Ce fut plus fort qu’elle, Regina s’approcha du matelas et s’y assit pour tester sa rigidité. — Le mien est beaucoup plus confortable. — Désolée, Majesté, mais mon lit me convient, répliqua Emma. Regina n’avait pas totalement fini sa visite. Le regard plus concerné, elle approcha d’une commode où se trouvait un cadre photo retourné. Tandis qu’Emma avait le dos tourné, elle le saisit et vit enfin l’image. Sa Sauveuse posait avec une autre jeune femme, brune, les cheveux longs, semblant plus vieille qu’elle. — Qui est-ce ? demanda-t-elle soudainement inquiète. Penchée sur son armoire où elle triait de vieux vêtements, Emma ne comprit pas la question jusqu’à se tourner vers Regina et la voir tenir une photo qui lui remémora de trop nombreux souvenirs. Elle contourna le lit et la lui arracha littéralement des mains avant de mettre le cadre dans un tiroir qu’elle ferma d’un geste sec. — C’est personne ! Regina n’avait pas besoin d’explication pour comprendre que cette jeune femme avait compté pour sa Sauveuse. Mais devait-elle se rassurer de sa réaction ou oserait-elle poser d’autres questions ? Regina était de nature bien trop curieuse pour se contenter de cette réponse : — L’as-tu aimée ?
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Emma soupira doucement. Avoir ce genre de discussion avec Regina Mills faisait naître des sentiments tout aussi étranges que ceux ressentis à son réveil près d’elle. — Ouais, avoua-t-elle. Regina ne dit rien, un court instant avant qu’Emma ne précise. — Mais c’était avant ! Elle se redressa et s’emballa : — Elle m’a menti pendant des mois puis elle m’a trompée alors je l’ai quittée. Regina perçut une rancune rare dans le ton de la voix de sa Sauveuse. Sans réellement savoir pourquoi, elle lui répondit : — Je ne te mentirai jamais, Miss Swan. Pas plus que je ne te tromperai. Emma fut troublée par ces mots, par cette réponse qu’elle n’avait pas attendue de la Reine. Elle retourna vers son armoire, ne sachant quoi répondre. Elle ne l’admettrait pas, mais elle espérait que Regina tiendrait parole. L’idée qu’elle fasse avec d’autres ce qu’elle faisait avec elle la dérangeait par-dessus tout alors qu’elle ne s’était jamais mise en situation auparavant. Du coin de l’œil, elle la vit quitter la chambre et l’interpella. — Regina ? Cette dernière se retourna : — Miss Swan ?
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— C’est ok pour… pour le frigo, si tu veux cuisiner, t’as qu’à faire apparaître ce que tu veux. Regina lui sourit tendrement et quitta la chambre. Dans le salon, Henry avait trouvé la télécommande de la télévision et regardait donc les dessins animés très différents de ceux captés à Storybrooke. Du coin de l’œil, il vit sa maman brune ajouter des rideaux, un tapis, changer la couleur des murs, faire apparaître une jolie table ronde qu’elle dressa d’une nappe et de trois assiettes avant de passer derrière le comptoir de la cuisine. Il se leva et grimpa sur un tabouret : — Alors ? Qu’est-ce qu’on va manger ? — De quoi as-tu envie mon chéri ? Henry réfléchit un instant. — La soupe de champignons que tu as faite la semaine dernière. Regina fit donc apparaître un mixeur, une casserole, des champignons frais, une bouteille de lait, une boîte de crème fraiche et différentes herbes telles que de la coriandre, du thym, du clou de girofle… Quelques minutes suffirent pour que les pièces de l’appartement d’Emma Swan s’emplissent de bonnes senteurs de cuisine. Emma quitta sa chambre et constata aussitôt les changements apportés par la Reine malgré ses recommandations. Elle lui accordait de faire un peu de magie, Regina redécorait carrément son appartement !
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— Regina ! appella-t-elle. — Miss Swan ? répondit Regina en sortant de la cuisine, un tablier autour du cou et de la taille. Emma leva un sourcil sur la tenue de la Reine en désaccord total avec l’image qu’elle donnait d’elle habituellement. Devait-elle l’accuser à nouveau ou éviter une nouvelle dispute ? — Je vais me doucher, annonça-t-elle finalement. Regina ne put retenir un léger sourire : — Bonne douche… Deux mots qui troublèrent la Sauveuse en lui rappelant leur écart de la veille dans la salle de bains du motel. Quelques frissons de désir la parcoururent et elle s’éloigna en chassant de son esprit les images suggestives de leurs étreintes. Emma devrait bientôt répondre à plusieurs questions maintenant qu’elle était à Boston avec Henry, Sara et Regina. Devait-elle rester ici ? Comment appréhenderait-elle les prochains jours ? Et surtout, que ferait-elle avec la Reine qui continuait de croire en leur couple ? Une fois le repas terminé, Regina retourna dans la chambre. Au fond de la pièce se trouvait un tas de vêtements triés par sa Sauveuse devant le placard ouvert. Elle supposait qu’Emma avait fait de la place dans son armoire pour lui en laisser un peu. Regina décida de remeubler la chambre tant qu’elle était ici. Elle fit apparaître un petit lit pour Sara, une table à langer puis une tringle à vêtements où une série de tailleurs et ensembles hors de prix se pendirent d’euxmêmes. Elle regarda le lit un instant. Emma lui en voudrait de le changer, alors Regina se résigna à le laisser tel quel. Si
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le lit était plus petit que le sien, elle aurait une bonne excuse pour se coller à elle en dormant. — Dans quelle langue est-ce que je dois te le dire ? entenditelle derrière elle. Regina sourit en voyant Emma revenir dans la chambre, une serviette autour de la taille et une autre autour du cou. Cette tenue plus suggestive eut le mérite d’échauffer ses sens. — De ne pas faire de magie ? demanda Regina d’un air totalement innocent. — Ouais, fais celle qui comprend pas ! Tu dois perdre cette habitude, s’agaça Emma qui marchait vers une commode. Regina la vit en sortir un pantalon et une débardeur. Elle s’approcha dans le dos de sa Sauveuse et la regarda à travers le reflet du miroir fixé au meuble. — La magie fait partie de moi, Miss Swan. C’est dans ma nature d’en user et d’en abuser. Elle glissa ses mains sur les épaules dénudées de sa douce amante dans un long frisson qui électrisa ses sens. — Et on ne change pas sa véritable nature, dit-elle d’une voix plus basse. Emma savait parfaitement décoder ce genre de remarque de la part de la Reine. Cet assaut ajouté à ces mots accusaient son laisser-aller à l’égard de Regina. Elle se tourna vers elle. — Crois-moi, tu n’as pas la moindre idée de ma véritable nature !
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Regina la suivit des yeux, la vit repartir vers la salle de bains et marcha dans ses pas avant de se retrouver derrière la porte puisque sa Sauveuse s’était tout bonnement enfermée. — Je ne demande qu’à la découvrir Miss Swan. Je pensais pourtant en avoir eu un petit aperçu chez moi… Puis au commissariat… Sans oublier le motel. De l’autre côté de la porte, Emma s’énervait. Regina la provoquait et elle en venait à regretter de l’avoir emmenée avec elle jusqu’à Boston. Comment parviendrait-elle à garder son sang froid si elle vivait avec elle dans son appartement ? Et pourquoi réagissait-elle au quart de tour ? Elle rouvrit et rétorqua : — Inutile de me le rappeler ! Et ça n'arrivera plus de toute façon. Elle passa devant Regina et rejoignit le salon où se trouvaient Henry et Sara. Elle croyait en ce qu’elle venait de dire, du moins pour les prochaines heures et seulement si Regina arrêtait de l’allumer comme elle le faisait. Au moins, en présence des enfants, Emma se rassurait de conserver des pensées plus chastes et prudes, peu importait sa nature ! Regina passa derrière le comptoir et récupéra ses plats. — A tables, mes anges… Le dîner est prêt. Henry nota cette remarque qui, il le savait, ne lui était pas seulement destinée. Il prit place autour de la table et vit Emma s’asseoir près de lui, le landau de Sara toujours près de sa mère brune. Regina servit les assiettes. — Nous pourrions visiter Boston, Miss Swan, lança-t-elle comme idée afin de détendre sa Sauveuse de la tension sexuelle qu’elle avait créée. 12
— Y’a pas grand-chose à voir, résuma Emma. — Alors nous pourrions nous balader avec les enfants. N’est-ce pas ce que font les familles quand elles partent en vacances ? Henry se réjouit d’entendre Regina énoncer ces idées. — Il y a de chouettes parcs, dit-il. J’ai même vu une rivière et des gens faire de l’aviron dessus. Emma devait réfléchir car ils étaient tous les quatre ici seulement parce qu’elle avait décidé de fuir Storybrooke, de prendre ses distances avec la ville, ses habitants et ses parents. Seulement, maintenant loin d’eux, son inquiétude revenait en se demandant s’ils allaient bien. — On verra. J’ai des choses à faire. — Quel genre de choses, Miss Swan ? demanda Regina. — Des coups de fil à passer. Après on sortira si vous voulez. — Super ! se réjouit Henry. Emma entendit son téléphone sonner et se leva pour décrocher : — Ouais ? # J’ai cru comprendre que vous aviez quitté la ville, très chère. Emma reconnut sans mal la voix de Gold à l’autre bout de la ligne. — Quelle perspicacité, se moqua-t-elle.
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# Oui, vous avez finement joué, je dois avouer. Me voler mon filtre pour en donner à Regina. Je ne m’attendais pas à cela de vous. Pourquoi ne pas simplement vous tirer une balle dans le pied ?! — Qu’est-ce que vous voulez ? # Revoir mon petit fils. Son père l’attend, ses grandsparents également. Vous n’aviez pas le droit de partir ainsi Mademoiselle Swan. — Henry est mon fils, et avec l’accord de sa mère adoptive qui a légalement tous les doits, j’ai aucun compte à vous rendre. # Vous ne vous rendez pas compte des risques que vous prenez, des dangers que vous faites prendre à l’ensemble des habitants de Storybrooke. Je suis sûr que Regina a déjà utilisé ses pouvoirs depuis votre départ. Combien de temps faudra-t-il pour que quelqu’un s’en rende compte ? Regina est plus dangereuse en dehors de Storybrooke qu’à l’intérieur. Vous devez la ramener et revenir avec Henry. Emma s’agaçait. Gold était doué pour faire passer des vérités à travers quelques mensonges. Sans le voir, il lui était impossible de faire la différence entre le faux du vrai. — Je ferai ce que j’ai à faire… Elle raccrocha sans le saluer. Elle était venue jusqu’ici pour avoir un peu de temps et elle ne laisserait pas Gold lui dicter sa conduite. A table Regina avait plus ou moins suivi la conversation, pensant d'abord à un appel de Blanche avant de comprendre qu'il s'agissait de Gold. Quand Emma revint sans y faire allusion, elle jugea préférable de ne pas 14
l'interroger. Sa Sauveuse était bien trop tendue et nerveuse et avait besoin de repos. Elle ramena sa main sur la sienne dans un geste doux et effleura son pouce sur le revers. — Tu devrais prendre un peu de temps pour te reposer cet après-midi. Nous pourrons toujours sortir demain ou en fin de journée. Elle regarda son fils : — Henry et moi regarderons ces dessins animés dont ils me parlent tout le temps, d'un certain Disney. Emma dut s'arracher au trouble que Regina ne cessait de nourrir. Son pouce sur sa main esquissait de légères caresses attentionnées et la déconcentrait complètement. Dans ce genre de moment, Regina se montrait si douce et prévenante qu'un vent de sérénité soufflait sur elle... Mais rien de tout ça ne trouvait de logique et sa petite voix au fond d'elle continuait de lui murmurer que Regina Mills demeurait la Méchante Reine. — Tu sais ? commença-t-elle à l'attention de sa Majesté, dans ces dessins animés, la Méchante Reine perd tout le temps, je préfère te prévenir au cas où... Regina aurait pu se vexer de ce genre de remarque mais n'en fit rien. Au contraire, un petit sourire dessinait ses lèvres en constatant qu'Emma tentait de la provoquer. Malgré tout, sa main restait sagement sous la sienne possessive. — Il y a une chose que tu ne sais pas sur le "Méchante" de la "Méchante Reine", Miss Swan. Ta mère en est seule responsable.
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— C'est sûr que le terme "Tueuse en série" ne doit pas être très parlant pour vous dans la Forêt Enchantée, railla Emma. — Blanche-Neige est la première à m'avoir fait mal. Je n'ai fait que rendre ce qu'on m'a donné. Oeil pour oeil, dent pour dent. — A ce niveau là, c'est un dentier complet parce que tu t'en es quand même donnée à coeur joie pour tuer des tas de gens ! — Mon coeur était devenu corrompu et noir, Miss Swan. Je n'ai pas tué depuis que je te connais ! — C'est vrai, approuva Henry. Emma s'agaçait encore et l'intervention de son fils ne lui facilitait pas la tâche. — Et toi, tu n'es pas censé prendre part au débat ! fit-elle à Henry. Regina se servit un peu de vin et en versa dans le verre de sa Sauveuse. — Ces contes ne sont qu'un pâle reflet de la réalité. Emma ne pouvait qu'acquiescer à ces mots, mais elle ne le dirait pas devant la Reine. Etre d'accord avec elle signifiait une reddition totale et elle n'était pas prête à lui céder du terrain. Mais une fois de plus, Henry intervint tout en mangeant : — D'ailleurs, dans les dessins animés, la Méchante Reine n'a jamais d'enfant avec le Prince ou la Princesse...
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Regina ne put réfréner un petit rire qu'elle cacha derrière sa main en voyant Emma fusillait leur fils du regard. Elle ajouta à son intention : — Miss Swan, où est passé ton humour ? Emma serrait les dents. Pourquoi Henry s'amusait-il à remettre certaines choses sur la table ? Bien sûr, Regina se réjouissait et ne cessait de se régaler de ces petites remarques en sa faveur. — Il s'est perdu en route, faut croire... Regina devinait que les taquineries étaient inutiles et ne feraient qu'accentuer la mauvaise humeur de sa Sauveuse. Elle regarda Henry. — Et si tu allais regarder la télé, je te rejoins après avoir rangé. Henry s'essuya les lèvres et se leva, comprenant que ses mères voulaient être seules. — Ok... Regina attendit qu'il se soit éloigné et regarda Emma qui terminait son assiette. — Y'a-t-il quoi que ce soit que je puisse faire pour adoucir ton humeur ? Pourquoi fallait-il que la Reine lui pose ce genre de question ? La réponse qui venait de traverser la tête d'Emma suggérait maintes choses des plus sensuelles aux plus libertines ! Etait-elle à ce point obsédée par sa Majesté pour envisager un rapprochement intime à la moindre
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ouverture ? Le pire était sûrement de réaliser que ses tensions venaient de ses propres analogies et non de Regina. — J'en sais rien, fit-elle en essayant de calmer sa nervosité. Et plus elle s'évertuait à brider son imagination devenue débordante, plus elle était harcelée par des envies de toutes sortes. Après trois étreintes, son cerveau ne voulait se débarrasser du plaisir connu et son corps lui rappelait les émotions ressenties. Regina préféra ne pas insister et se leva pour débarrasser. — Je m'en occupe. Vas te reposer, je reste avec les enfants. Emma la suivit des yeux pour la voir ranger les couverts dans le lave-vaisselle. Elle prit quand même les siens pour faire de même et rejoignit le berceau de Sara qui dormait paisiblement. La petite princesse ne se faisait que très rarement entendre et ne pleurait que très peu. L'observer permettait à Emma de calmer ses tensions, d'adoucir les angles de ses pensées, le rythme effréné de ses analogies. Du bout des doigts, elle effleura son front à la peau veloutée, aussi douce que la soie. Elle vit Regina approcher et entendit sa voix basse : — Tu veux que je l'amène dans la chambre avec toi ? — Non, il faut la laisser dormir. Regina croisa son regard et la vit s'éloigner vers la chambre où elle disparut. D'un geste de la main, elle débarrassa le reste de la table. Henry était absorbé par son programme télé, Sara dormait profondément. Regina s'approcha des grandes baies vitrées dominant la ville en contrebas. Emma avait beau le nier, toutes les deux se ressemblaient plus que sa Sauveuse ne l'accepterait jamais. Mêmes leurs différences
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les rapprochaient autant que leurs deux enfants. Regina était bien tentée de rejoindre Emma, de retrouver un moment d'intimité dans ses bras. Mais elle voulait lui montrer que leur relation n'était pas seulement basée sur le sexe, la passion, leurs pulsions respectives et bel et bien sur la compréhension, le soutien, la générosité, la patience et surtout l'amour avec un grand "A". Elle finit par rejoindre Henry sur le canapé mais ne prêta pas attention au dessin animé qu'il regardait en cette fin d'après-midi. Elle aussi était épuisée par les événements des derniers jours et elle ne tarda pas à s'assoupir près de son fils. Quelques heures plus tard, quand Emma se réveilla, la nuit était tombée et le silence régnait dans son appartement. Elle rejoignit le salon et trouva Henry endormi dans un canapé, la Reine dans l'autre. Elle hésita un instant, les yeux posés sur le visage assoupi et paisible de Regina. Ils s'attardèrent sur ses traits envoûtants, son maquillage léger mais attirant. Elle alla prendre deux couvertures dans son armoire et revint pour en étendre une sur son fils. La deuxième entre ses mains, elle la posa délicatement sur le corps de la Reine, mais celle-ci ouvrit les paupières et la surprit en flagrant délit d'attention. Un tendre sourire dessina ses lèvres : — Miss Swan... Emma s'était figée, prise sur le fait. Pourquoi Regina s'étaitelle réveillée ? — Je voulais pas te réveiller, répondit-elle spontanément. Regina jeta un œil sur l'étoffe que sa Sauveuse avait posée sur elle. — Une couverture... Délicate attention.
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— Ouais, fit Emma en se redressant, nerveuse. La Sauveuse détourna les yeux, frotta ses mains contre son pantalon de toile tandis que Regina ne disait rien. Elle contourna le canapé, fit quelques pas vers la chambre, mais s'arrêta, harcelée par une pensée agaçante. Elle fit demi-tour, retourna sur ses pas, puis s'arrêta à nouveau. — Tu... Tu vas dormir sur le canapé ? demanda-t-elle, troublée. Comment Regina ne pouvait-elle pas être charmée ? L'attitude, la nervosité mêlé d'agacement de la part de sa Sauveuse lui révélaient qu'elle venait à elle, lentement mais sûrement. Elle se leva sans un mot, délaissa la couverture derrière elle pour suivre Emma jusqu'à la chambre ou elle poussa la porte sans la fermer totalement. Sa Sauveuse retournait sous les draps chauds de son lit et Regina frissonnait déjà à l'idée de la rejoindre. Préalablement déchaussée de ses talons hauts, elle se contenta de faire glisser son pantalon le long de ses jambes, ôta sa chemise et défit un à un ses sous-vêtements. Il n'y avait là aucune intention de sa part, la Reine dormirait simplement nue. Elle se glissa près d'Emma, son regard pétillant sur son profil froid et l'entendit aussitôt : — Fallait vraiment te mettre nue ? Regina s'accouda, consciente que son amante refoulée l'avait observé en secret du coin de l'oeil. — Faut-il vraiment que tu restes habillée ? Un rire nerveux s'échappa des lèvres d'Emma. Celle-ci bouillonnait au fond d'elle et son corps devait réchauffer le lit tout entier. L'effeuillage de la Reine n'était pas passé
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inaperçu et maintenant, Emma ne trouverait plus le sommeil. — Tu le fais exprès... Regina se mordit le coin de sa lèvre et se rapprocha un peu plus de son amante. Si sa Sauveuse faisait mine de l'ignorer dans l'espoir de garder le contrôle, la Reine ne comptait pas garder ses distances. Elle lui repoussa quelques mèches blondes pour mieux détailler son visage. — Si je voulais le faire exprès, je ne me contenterais pas de m'allonger près de toi, Miss Swan... Et en bonne joueuse, je t'épargnerai les détails de ce que je pourrais faire si mon seul but était de te faire perdre ton sang froid. Mais Emma le perdait déjà. Dès l'instant où la Reine agissait ainsi près d'elle, elle se sentait faiblir seconde après seconde. Le temps des accusations, des raisonnements sains était révolu, le cap franchi à trois reprises. Elle finit quand même pas détourner les yeux vers elle et répondit : — Même si tu dis rien, tu sais quand même que quand tu t'approches ou que tu te déshabilles comme tu le fais, ça finit toujours mal ! — Mal ? répéta Regina en souriant. Je pensais que tu aimais entendre mes soupirs de plaisir... Cette fois, ç'en fut trop et Emma la coupa net : — Stop ! C'est mal, ouais ! On n'est pas supposé s'envoyer en l'air toutes les deux et je suis pas supposée succomber à chaque fois ! Sur ces paroles, elle préféra tourner le dos à la Reine. Son corps brûlait déjà par tous les pores... 21
— T'es en train de me corrompre ! Regina demeurait sous le charme, littéralement. Emma ne se rendait pas compte de son pouvoir de séduction sur elle en agissant ainsi avec parfois des attitudes de petite fille. Elle vint se blottir dans le dos de sa Sauveuse, glissa sa main le long de son bras, juste pour profiter de la chaleur et de la douceur de sa peau sous sa paume. — Alors plus de sexe, Miss Swan ? Tes désirs sont des ordres tu sais... Emma serra les dents pour réfréner un grognement. De plaisir ou de colère, elle ne savait même plus décrire ses propres réactions. Une fois de plus, sa Majesté usait de ses pouvoirs de femme fatale et cette main sur son bras imprimait une traînée de lave derrière elle. Elle avala difficilement, mit toute son énergie pour songer à tout autre chose qu'à Regina collée nue contre elle. Elle ferma les yeux dans l'espoir d'imaginer une terrible créature repoussante. Mais les baisers que la Reine déposaient dans son cou furent de trop. Elle rouvrit les yeux et se défendit : — C'est ce que t'appelles pas de sexe ? Regina se berçait de cet instant. Même si Emma l'accusait, elle sentait ses frissons sous sa main, ses soubresauts contre son corps. Pour une fois, depuis son réveil, elles échangeaient, se disputaient un peu, certes, mais communiquaient à leur façon. Et surtout, Regina pouvait la câliner sans qu'elles ne se laissent dévorer par leur passion respective. Elle redressa son visage au dessus de celui d'Emma, retraça du revers de ses doigts la descente de sa mâchoire.
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— Si ce que je fais est du "sexe" comment définis-tu ce qui s'est passé hier soir ? Mais Emma s'enflammait secondes après secondes et les attentions de sa Majesté derrière elle n'estompaient guère ses réactions. Le pire était sûrement la mauvaise foi dont Regina faisait preuve. Si elle ne désirait aucun rapprochement intime, alors elle aurait gardé ses vêtements ou au moins enfilé une nuisette. — Tout est du sexe avec toi, rétorqua-t-elle, tu transpires le sexe dès que tu m'approches et tu le fais encore ! Regina se mit à rire sur ces nouvelles accusations de la part de sa Sauveuse. Emma n'assumait d'aucune façon leurs rapprochements et la Reine devait donc encore endosser le rôle de la Méchante qui, elle le savait, lui seyait à merveille de toute façon. Elle se pencha sur sa joue et y posa un doux baiser. — Alors je vais te laisser dormir, Miss Swan... Emma sentit un vent glacial souffler dans son dos après l'éloignement soudain de la Reine. Elle rajusta le drap sur son épaule, toujours de dos à sa Majesté, mais trouvait désagréable cette impression de vide. D'ailleurs, c'était ce qu'elle avait senti avant d'arriver au salon pour trouver Regina sur le canapé. Mais l'avouer serait se rendre, énoncer une confession bien trop personnelle, un pécher plus mortel encore que ces trois étreintes avec elle. Elle jeta un bref regard en arrière, la vit de son côté du lit et tut un soupir. Un silence tomba dans la pièce, mais un silence assourdissant où Emma n'entendait plus que ses pensées... Des songes tournés vers Regina, sa nudité, ses caresses, ses lèvres sur sa peau. Emma deviendrait folle à vivre auprès d'elle, mais pourquoi Diable revenait-elle vers elle ? 23
Pourquoi ne l'avait-elle pas laissée dormir dans le salon ? Tout était de sa faute maintenant, mais cela, il était hors de question de l'assumer ! — Bordel ! s'énerva-t-elle en se tournant, alors tu m'allumes et tu te recules ?! Tu sais comment on appelle les femmes qui font ça chez moi ?! Le regard de Regina brillait en constatant l'agacement de sa Sauveuse. Celle-ci voulait, ne voulait plus, la repoussait, venait la chercher. — Je ne t'allume pas. Avoir envie d'attentions ou d'être dans tes bras ne signifie pas atteindre l'orgasme à chaque fois, Miss Swan. Même si j'avoue sans mal que tu détiens un rare talent à me faire jouir. Les yeux d'Emma s'agrandirent spontanément sur ces dernières paroles. Elle répondit de la même manière : — Tu vois ? Tu le fais encore ! Tu m'allumes, je te dis ! Tu fais en sorte de te la jouer gentille et seulement attentionnée, mais tu me rappelles des trucs qu'on a fait, du genre sous la douche... Et maintenant, je pense plus qu'à ça ! Regina se mordit le coin de sa lèvre, le regard plus coquin sur la façon détournée dont Emma lui avouait avoir envie d'elle. — Tu es une obsédée Miss Swan. Cette fois, la coupe était pleine ! Emma se redressa et se leva en répondant d'un ton sec : — Je vais sur le canapé !
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Mais Regina ne comptait pas laisser partir sa Sauveuse. Elle quitta le lit, nue et s'interposa entre Emma et la porte menant au salon. — Certainement pas. Emma était paralysée. Devant le fait accompli ou plutôt le corps dénudé de la Reine, que pouvait-elle faire ? Regina jouait avec ses nerfs. — Et surtout, ne me dis pas un truc du genre "faudra me passer sur le corps" ! Regina ramena ses mains sur le haut du débardeur d'Emma pour la pousser à reculer vers le matelas. Même si elle était plus petite que sa Sauveuse, ses arguments - ou plutôt ses formes féminines - avaient plus de poids que l'air autoritaire de son amante. Emma se retrouva bientôt contre le pied de son lit où Regina la força à s'asseoir avant de venir sur elle. — Je préfère passer sur le tien... Il était trop tard pour Emma. Regina gagnait cette nouvelle bataille sur elle. Comment pouvait-elle combattre, réfréner davantage le désir que Regina avait fait naître. A force de torture, la reddition était son dernier recours avant de succomber à la propre chaleur de son corps. Emma devait la consumer, répondre à ses désirs. Alors quand les lèvres de Regina trouvèrent les siennes, Emma ne put que répondre au baiser, laisser à ses mains la liberté de se poser sur les formes féminines et aguicheuses de sa Reine. Après tout, Emma n'était qu'un de ses sujets, asservie à ses pulsions, ses plus bas instincts, car quand sa Reine la voulait, quel autre choix avait-elle de la combler de ses attentions ?
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* * *
Regina se réveilla en sursaut tandis que la nuit demeurait sur Boston. A travers les rideaux de la chambre, une fine lueur provenant de la ville éclairait la pièce. Regina avait fait l'un de ces horribles cauchemars répétitifs depuis qu'elle avait tué Cora. Sa mère revenait d'outre-tombe et tuait Emma comme elle avait tué Daniel. Ces horribles images perduraient dans l'esprit de la Reine, lui donnant l'impression d'asphyxier à chaque inspiration. Elle regarda Emma endormie près d'elle. Malgré la veille où sa Sauveuse lui avait encore fait l'amour, Regina angoissait. Elle n'était plus dans son élément loin de Storybrooke. Ici, elle n'avait plus de repère hormis Emma et leurs enfants. Elle tentait de se rassurer, se répétant qu'il lui faudrait un peu de temps d'adaptation, mais ces maudites images de sa mère écrasant dans sa paume le coeur de sa bien-aimée la dévoraient. Sans un bruit, elle quitta le lit et marcha vers la salle de bains. Elle ne pourrait se rendormir dans l'immédiat et devait prendre un peu de recul. Avant qu'elle n'entre dans la pièce, un murmure grave résonna : — Regina... La Reine fronça les sourcils tandis qu'un vent glacial semblait se soulever du sol. Elle revint vers la chambre où Emma n'avait pas bougé, prit soin de refermer la porte mais entendit à nouveau : — Regina... Troublée, dérangée par le son masculin de cette voix comme revenue du passé, la Reine resta immobile un court
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instant. Etait-il possible qu'elle ne soit pas réveillée ? Qu'elle fasse un autre cauchemar ? — Regina, appela la voix derrière elle. Alors la Reine se tourna vers le couloir menant au salon et fit face à un visage, une silhouette fantomatique tout droit revenue de son plus lourd passé. Devant elle se tenait telle une ombre lumineuse la silhouette de son propre père, mort de sa main plus de onze ans auparavant. Paralysée, les traits de Regina reflétèrent un mélange de peur, d'incertitude et d'inquiétude. — Papa ? fit-elle... — Oui, c'est moi, répondit-il. Regina était terrorisée, son dos contre le mur, son regard perdu sur cet homme qu'elle avait tant aimé, tué pour se maudire elle-même d'avoir écouté l'appel de la vengeance au lieu de préserver le seul être qui ne l'avait jamais autant comprise. Submergée par l'angoisse, la culpabilité, ses yeux bruns s'embuèrent de larmes qui finirent par tomber sur ses joues. — Papa, répéta-t-elle... Si tu savais comme je regrette... La silhouette spectrale était habillée telle que Regina l'avait toujours connue avant de venir dans ce monde. Le fantôme de son père était venu jusqu'à elle, avait traversé les dimensions et ses traits restaient inchangés. — Je sais, fit-il... Je t'ai depuis longtemps pardonné... Regina ne savait si ces mots devaient la soulager ou accentuer sa peine et ses regrets.
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— Mais je suis ici pour te prévenir d'un grand danger, dit Henry. Une chose terrible est sur le point d'arriver. Emprise par sa peur, Regina demanda : — Quelle chose, père ? — La Malédiction, ma fille, le Sort Noir réclame son dû et il viendra bientôt le chercher... Regina ne comprit pas ces paroles : — Mais... J'ai déjà payé le prix, tenta-t-elle dans ses sanglots. Je t'ai tué... Je vis avec ce que j'ai fait depuis toutes ces années père. — Non... Non... Ma vie n'était pas le prix à payer pour le Sort Noir. Mais ton bonheur l'était. Regina tremblait. L'apparition de son père après toutes ces années faisait ressurgir des émotions enfouies au plus profond d'elle, des émotions dévastatrices qu'Emma avait su canaliser. — Je... Je ne comprends pas, tenta Regina. — Tu dois renoncer au bonheur, dit son père, tu dois renoncer à ta fin heureuse. Tu dois te résoudre à la solitude, à payer le prix de ton orgueil et celui de ta vengeance. Si tu n'y renonces pas, le Sort Noir viendra prendre son dû et t'enlèvera ce qu'il te reste de plus cher. Le sang de Regina se glaça. Ce qu'elle avait de plus cher n'était autre que ses propres enfants et Emma, ses trois seules raisons de vivre. Y renoncer, comment le pourraitelle ?
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— Ils... Ils sont tout ce que j'ai, tenta-t-elle. Jamais je ne pourrai vivre sans eux... — Tu le devras, dit Henry... Mets un terme à ton bonheur si tu veux les sauver du Sort Noir... Ou ils mourront. Regina ne put répondre car le fantôme de son père s'évapora sous ses yeux. Les larmes brûlant ses joues, elle s'enferma dans la salle de bains, sous le choc, bouleversée. Elle redoutait désormais le pire. Elle avait pensé avoir payé le prix du Sort Noir mais la magie réclamait son dû plus de onze ans après. Briser la vie de toutes ces personnes à Storybrooke n'avait pas eu comme seule exigence la mort de son père. Son bonheur si incroyable et vrai soit-il, devait être le prix.
* * *
Les rayons du soleil atteignaient le bout du lit et Emma dormait encore à poings fermés. La porte s'ouvrit sur Henry qui s'approcha, la mine confuse. Il grimpa sur le lit près de sa mère et posa une main sur son épaule. — Emma ? Mais il fallut une deuxième tentative pour sortir Emma de son sommeil. — Emma ? Celle-ci se détourna vers la voix de son fils et grommela un peu avant d'ouvrir les paupières. — Ouais ? 29
— Où est maman ? demanda-t-il sans détour. Cette fois, Emma fronça les sourcils et se réveilla complètement sur cette question étrange. Elle fouilla la pièce des yeux, se rappelant parfaitement son étreinte avec la Reine, puis sa nuit à ses côtés. — Je sais pas... Elle se redressa en gardant le drap sur sa poitrine et glissa une main dans ses cheveux pour les peigner à la hâte. — Elle est pas de l'autre côté ? — Non, Sara s'est réveillée et je crois qu'elle a besoin de manger... Emma fixa son fils sans vraiment le regarder. Pourquoi Regina était-elle partie ? Où était-elle partie ? Elle se glissa dos à son fils et enfila son pantalon et son débardeur avant de se lever. — Elle t'a rien dit ? — Non, je viens de me réveiller, répondit Henry, inquiet. Emma le suivit dans le salon tandis que Sara commençait à pleurer en demande de nourriture. Peut-être Regina étaitelle partie faire des courses ? Non, la Reine aurait usé de sa magie... Plus le temps passait, plus Emma s'inquiétait. Elle fouilla les lieux en quête d'un mot, d'une courte lettre qui aurait pu expliquer son absence soudaine. Rien ne traînait et Sara pleurait toujours. Sans sa mère pour l'allaiter, elle devrait lui donner à manger. Mais elle ne s'était jamais occupée d'un bébé jusque là. — Sara a besoin de manger, fit-elle.
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Elle la prit dans ses bras, tenta de la bercer doucement. — Chhhh, ma petite princesse... Tout va bien... On va te donner à manger. Elle saisit son portable d'une main et numérota pour appeler la Reine, mais la ligne sonna tout de suite occupée. Elle regarda son fils tout aussi confus qu'elle. — Trouve-moi du lait et un biberon, lui demanda-t-elle, ta mère a dû prévoir tout ça hier quand elle a rempli le frigo et changer tout mon appart... Sans hésiter, Henry obéit et sortit la bouteille de lait avant de trouver un petit biberon au milieu de la vaisselle propre. — Comment on fait ? Emma s'approcha de lui, Sara dans ses bras. — J'en sais rien... J'imagine qu'on met le lait dans le biberon et qu'on le fait chauffer au micro-ondes... Henry s'exécuta puisque Emma avait les bras occupés par sa petite soeur. Pendant ce temps, Emma renouvela l'appel et la ligne sonna encore occupée. — Putain ! Qu'est-ce qu'elle fait ?! Cette absence, ce départ soudain ne ressemblaient pas à la Regina qu'elle avait connue jusque là. Jamais, elle n'aurait laissé ses enfants ainsi sans la prévenir, sans laisser le moindre mot.
* * *
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Les mains sur le volant en cuir de sa Mercedes, Regina avait fui l'appartement de sa Sauveuse et la ville de Boston... Elle n'avait pu prendre le risque de vérifier les paroles de son père. Elle avait pris le vêtement sur lequel Emma avait versé la potion de Gold, une simple écharpe enroulée à son cou qui serait son seul lien, son seul souvenir lié à sa Sauveuse. La magie fonctionnait en dehors de Storybrooke et si le Sort Noir réclamait son dû, alors Regina ne risquerait pas la vie d'Emma et de leurs enfants. Retourner à Storybrooke et prétendre que tout ça n'avait pas existé était son dernier recours, son dernier salut pour sauver la vie de ses amours les plus chers. Des larmes continuaient de couler sur ses joues mais bientôt, la frontière de la ville franchie, elle devrait porter son masque de dureté, de Méchante Reine, et prétendre que ces derniers jours avec Emma, Sara, Henry n'étaient jamais arrivés. Regina sentait son coeur se serrer dans sa poitrine, aussi fort que le jour où sa mère avait tué Daniel. Même dans la mort, Cora continuait de la faire souffrir car tous ses choix, toutes les décisions qu'elle avait prises pour se venger, Regina les avait prises par sa faute. Son malheur était mérité, se répétait-elle, le prix à payer pour avoir sacrifié son père, pour avoir enfermé les habitants de Storybrooke dans cette prison dimensionnelle. La fin heureuse qu'elle avait espérée en guise de rédemption n'arriverait jamais. Blanche-Neige gagnerait... Encore. Regina n'avait su accepter de se rendre, avait voulu à tout prix se venger, jusqu'à la venue d'Emma Swan où tous ses projets avaient été remis en question. Mais sans elle, sans ses enfants, que deviendrait-elle ? Quel autre choix avait-elle que celui de redevenir la Méchante Reine ? N'était-ce pas le seul rôle qu'on lui avait attribué ? N'était-ce pas ainsi que tous les habitants de Storybrooke la voyaient ? Malgré ses tentatives de rédemption, aucun d'eux, hormis Emma, 32
n'avait souhaité lui donner sa chance. Grâce au ciel, son seul ami, son père était venu d'entre les morts, l'avait prévenue du pire que Regina ne permettrait jamais. Elle passa alors la frontière magique et après quelques minutes de route, se dressèrent les habitations et commerces au centre de Storybrooke. Comme elle l'avait lu dans le journal, Gold avait tout rebâti comme si la tempête n'avait jamais touché la ville. Elle vit Ruby qui la suivit des yeux. Anton, accompagné d'un autre des sept nains. Puis s'arrêta devant sa maison où même son magnifique pommier semblait ne pas avoir souffert des intempéries. Ici, le cours des choses devait reprendre comme Regina les avait laissées de longs, très longs mois avant sa rencontre avec Emma. Trouverait-elle seulement la force de prétendre que rien ne s'était passé pour le bien de sa Sauveuse ?
* * *
Henry avait vu sa mère braquer une autre voiture sous ses yeux. Elle avait installé le siège de Sara à l'arrière puis tous les trois avaient repris la route pour Storybrooke. Lui-même était troublé par le comportement de sa mère adoptive et il n'osait plus faire de commentaire en voyant Emma si en colère. Rien n'expliquait le départ de Regina, il le savait et son livre n'avait donné aucune réponse à toutes ses interrogations. A l'arrière, sa petite soeur avait enfin cessé de pleurer et dormait, mais pour combien de temps ? Derrière le volant, Emma ne cessait de réfléchir à la situation. Forcée de retourner à Storybrooke, elle fulminait à l'égard de Regina. Pourquoi était-elle partie ? Ce 33
comportement ne correspondait en rien à ce qu'elle avait vu de la Reine auprès de leurs enfants. Mais au fond d'elle, Emma se sentait aussi trahie, presque humiliée parce qu'elle avait été faible au point d'en oublier le terme "Méchante" dans "Méchante Reine". Même Henry ne pouvait expliquer ce départ et de toute évidence, Regina était revenue aux sources... Toujours la même interrogation se répétait inlassablement : Pourquoi ? Elle se rappelait pourtant le temps où, même cruelle et sans scrupule, Regina s'était battue pour garder Henry auprès d'elle et lui enlever son droit de le voir. Alors pourquoi l'abandonner maintenant ? Tout cela n'avait aucun sens. Envisager l'hypothèse d'une autre Regina venue d'un autre monde s'avérait très peu plausible aussi. Si l'ancienne Regina avait repris sa place alors elle aurait amené Henry avec elle. Une fois de plus, aucune raison ne se présentait clairement dans l'esprit de la Sauveuse. Mais une fois de retour à Storybrooke, elle obtiendrait ses réponses, peu importaient les moyens.
* * *
Tout était à sa place dans la demeure de la Reine, tel qu'elle l'avait laissée avant la tempête. Un sort de "réparation" avait suffi à Gold pour remettre la ville en état, sans faire de cas par cas. Debout devant le lit de Sara, sa douleur demeurait, intacte, proportionnelle au poids de l'absence de son amante et de ses enfants. Mais tout devait disparaître. Tout ce qu'elle avait tant de mal à reconstruire devait être balayé pour éloigner Emma de sa vie. Car Regina le savait, Emma reviendrait et elle devrait prétendre que tout ce qui s'était passé n'existait plus, n'avait jamais existé. Jamais Regina
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n'avait eu pareille décision à prendre. Jamais elle n'aurait pu songer souffrir plus qu'elle n'avait souffert après la mort de Daniel. Elle entendit sonner au rez-de-chaussée et son coeur s'affola un instant en songeant qu'Emma arrivait peut-être de Boston. Mais connaissant sa Sauveuse, celle-ci n'aurait jamais pris la peine de frapper. D'un pas las, elle descendit les escaliers, tenta de se reprendre et ses traits se durcirent avant d'ouvrir la porte. — Madame le Maire, fit Gold en souriant. J'ai ouï dire que vous étiez de retour en ville. Il fit mine de regarder par-dessus son épaule. — Mademoiselle Swan n'est pas avec vous ? Regina répondit aussi sec : — Pourquoi Diable Miss Swan serait-elle chez moi ?! Gold la détailla un court instant, un petit sourire aux coins de ses lèvres. — Il se dit que vous et elle... — Il n'y a pas de moi et elle, Gold. Je ne sais pas où est Miss Swan et je n'ai aucune envie de savoir où elle est ! Maintenant, si vous n'avez rien d'autre à me demander, j'ai du travail. — Passez une bonne journée, répondit Gold. Regina le vit s'éloigner et referma la porte avant de se tourner dos à elle. Gold savait-il pour son père ? Quand bien même, cela ne changeait rien. A bout de force, submergée par sa peine, elle se laissa glisser le long de la 35
porte. De chaudes larmes revenaient sur son visage marqué par la peine. Parviendrait-elle seulement à garder autant d'aplomb face à l'amour de sa vie ?
* * *
Justement, l'amour de sa vie venait de se garer derrière la Mercedes de Regina, dans l'allée privée. Sa voiture était là, signe que la Reine était de retour chez elle. Que faisait Regina ? A quoi jouait-elle ? Tout aussi surpris et incertain, Henry gardait les yeux sur la grande maison blanche de sa maman. — Elle est revenue, commenta-t-il. — Ouais, c'est ce que je vois, fit Emma entre ses dents. Reste là avec ta petite soeur, je vais voir ce qui se passe. — Je veux venir, plaida Henry. — Non ! répondit Emma avec fermeté. On sait jamais et j'ai besoin de toi pour veiller sur ta soeur. Elle lui lança un regard déterminé pour appuyer ses paroles et quitta le quatre-quatre qu'elle avait volé. Elle s'approcha de la porte d'entrée, hésita. Devait-elle frapper ou non ? Pourquoi le faire puisque Regina n'avait même pas daigné la prévenir de son départ. Elle poussa la porte sans demander de permission et appela : — Regina Mills ?
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* * *
Dans sa chambre, Regina tremblait de tout son long. Emma était arrivée et la Reine devrait, dans les prochaines secondes, affronter son regard accusateur et ses paroles piquantes. Dans un sens, Regina priait pour qu'Emma soit la plus vindicative possible, pour qu'elle lui facilite la tâche. Alors Regina se répétait les paroles de son père " Mets un terme à ton bonheur si tu veux les sauver du Sort Noir... Ou ils mourront." La Reine le savait, il était plus insupportable de vivre avec l'idée d'avoir définitivement perdu un être aimé, que de se faire détester par ce dernier. Si Emma la détestait, alors elle vivrait... Telle était la condition à son malheur pour être épargné par le Sort Noir. Vêtue d'un pantalon tailleur noir et d'un chemisier de soie assorti, elle se redressa et quitta la chambre pour descendre les marches jusqu'au rez-de-chaussée. Regina avait su, par le passé, se montrer odieuse avec tout un chacun, ce genre de chose ne pouvait pas s'oublier. — Miss Swan, fit-t-elle d'un ton froid. Que faites-vous chez moi ?! Emma la fixa un instant, le temps d'attendre une quelconque suite qui expliquerait la blague qu'elle était en train de vivre. Mais les traits durcis et sans pitié de la Reine ne prévoyaient rien de bon, d'autant qu'elle reprenait le vouvoiement. — J'espère que t'es en train de me faire une mauvaise blague, là...
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Regina s'approcha. Elle s'efforçait de songer à ses anciennes rancœurs à l'égard d'Emma, à toutes les fois où elles s'étaient confrontées avec véhémence et sans pitié. — De quel droit me tutoyez-vous et qui vous a permis de rentrer chez moi sans y être invitée !? Emma ne bougea pas d'un pouce. Regina ne lui avait jamais fait peur, mais son nouveau comportement la dérangeait plus qu'elle ne l'aurait souhaité. Passer du "j'ai envie de toi" au "de quel droit me tutoyez-vous ?" lui créait un sentiment étrange. Quelque chose lui disait pourtant que ces mots n'étaient qu'une façade. Le regard de la Reine semblait balancer entre haine désespérée et détresse. — Ok, fit-elle, on va se la jouer comme ça... Et si t'as perdu la mémoire, je serai heureuse de te la rafraîchir. Emma n'avait aucune idée de ce qui touchait Regina en cet instant, mais elle savait qu'il ne s'agissait pas d'une autre Méchante Reine. Regina était bel et bien celle avec qui elle avait partagé son lit la nuit dernière. — Tu veux savoir ce qui me donne tous ces droits ? Elle écarta le col de sa veste en cuir et présenta le côté de son cou marqué d'une tâche rougeâtre. — Tu veux savoir d'où ça vient, ça ? Regina perdit toute contenance sur le rappel de leur étreinte de la veille. Jamais elle ne parviendrait à être crédible si Emma exigeait d'elle qu'elle soit telle qu'elle avait été. Elle avait cru possible que sa Sauveuse s'arrange de son changement soudain de personnalité, de son retour à son côté plus obscur. Elle devait se ressaisir, songer aux menaces qui pesaient sur Emma et les enfants. 38
— Je ne sais absolument pas de quoi vous parlez ! accusa-telle d'un regard se voulant noir. Elle contourna Emma et lui tint la porte : — Sortez de chez moi ou je n'hésiterai pas à vous y forcer Miss Swan ! Mais Emma fit seulement volte-face pour reposer ses yeux sur Regina. — Alors vas-y, provoqua-t-elle en écartant les bras, forcemoi. Mais je préférais encore le côté "je me déshabille pour parvenir à mes fins", c'était plus vicieux, je trouve... Là, on retombe dans le "je te hais, tu me hais, on se fait la guéguerre". Moi, ça me pose pas de problème, mais Henry risque de t'en vouloir et Sara va grandir en détestant sa mère... Parce que j'imagine que ça aussi, tu l'as oublié. Que t'as accouché d'une fille il y a à peine une semaine. Regina serra les dents. Elle perdait pied face à Emma. Son coeur lui criait de lui dire la vérité, sa tête lui rappelait que sa famille était en danger par sa faute. Tandis que ses larmes lui montaient, elle n'eut d'autre choix que d'user de magie pour faire comprendre à sa Sauveuse que la "Méchante Reine" ne plaisantait pas. D'un geste de la main, une force invisible repoussa Emma en arrière, celle-ci quittant le sol pour atterrir quatre mètres plus loin sur l'allée du jardin. — Je n'ai pas de fille, hors de ma vue ! La porte claqua aussi soudainement. Emma se releva péniblement, assommée par l'impact de sa chute sur l'allée. Aussitôt, Henry sortit de la voiture et courut vers elle, affolé.
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— Emma ! Il l'aida à se relever, abasourdi par le résultat de la visite d'Emma à sa mère. — Qu'est-ce qui s'est passé ? Mais Emma gardait les yeux braqués sur la porte close. Regina pleurait et elle n'avait pas rêvé. Quelque chose la poussait donc à agir ainsi, à reprendre ses faux airs de Méchante. Sa colère revenait en songeant à cette idée. Qu'est-ce qui avait poussé Regina à fuir, à renier ses enfants ? Elle se dirigea vers sa voiture, ouvrit la porte arrière et prit Sara dans ses bras. — Reste là pour l'instant, demanda-t-elle à Henry fermement. Tout va bien... Je vais arranger ça. Mais Henry se retrouvait angoissé et perdu à la fois. Pourquoi sa mère redevenait-elle méchante ? — Pourquoi elle t'a fait ça ? — La magie, répondit seulement Emma. Reste où tu es. Elle s'éloigna vers la porte d'entrée, Sara dans ses bras et, cette fois, ne prit même pas la peine de tourner la poignée. Poussée par une colère sourde, trop longtemps refoulée, son pied cogna contre le bois et la porte s'ouvrit dans un violent fracas. — Ok, Majesté ! Je veux bien jouer ! Regina fit volte face, le regard rougi par ses larmes. Emma revenait. Comment aurait-elle pu en attendre moins de sa part en la connaissant si obstinée ? Sara dans les bras de sa Sauveuse, la Reine se sentait maintenant désarmée.
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— Miss Swan, tenta d'elle d'une voix éraillée... Tu ne peux pas rester... Toi et les enfants... Vous devez vous éloigner de moi ! Emma avait gagné. Mais cette seule réplique la troublait et la déboussolait. De quoi Regina parlait-elle ? — J'aurais dû m'éloigner de toi depuis longtemps déjà et je l'ai pas fait, alors pourquoi je devrais le faire maintenant ? Regina perdait pied. Pouvait-elle seulement se confier à Emma ? Devait-elle prendre le risque qu'elle refuse de la croire ? Sa Sauveuse avait déjà sauvé Storybrooke, pourraitelle la sauver elle et leurs enfants ? Ses tremblements trahissaient ses émotions tandis que toutes ses pensées devenaient aussi confuses les unes que les autres. — Le Sort Noir, tenta la Reine... Il réclame son dû... Il me prendra tout ce à quoi je tiens, Miss Swan... Je suis désolée... Sur ces mots, Regina disparut en une fumée violette qui s'évapora dans l'air tandis que Sara se remettait à pleurer. Emma soupira sur ce départ soudain. Regina lui répondait mais disparaissait. D'où sortait cette histoire de Sort Noir et de dû ? Elle retourna dehors et vit Henry qui l'attendait sagement. Dès qu'elle apparut, il s'approcha et demanda : — Alors ? — Regina a parlé du Sort Noir... Apparemment, il réclame son dû et, ça doit être pour ça qu'elle s'est éloignée de nous... Henry fronça les sourcils sur la vague explication d'Emma et courut vers la voiture pour fouiller dans son sac et en sortir le livre de Contes. Il l'ouvrit sur les dernières pages, celles 41
qui parlaient de Sara et put constater que d'autres pages avaient été rédigées. — Emma ! l'appela-t-il, l'histoire continue ! Emme se rapprocha de son fils qui s'asseyait de côté à l'arrière de la voiture, le livre ouvert sur ses genoux. — Qu'est-ce que ça dit ? lui demanda-t-elle, curieuse. Henry prit le temps de parcourir le récit parsemé de quelques illustrations. Au fil de sa lecture, ses traits se fermaient et son visage reflétait autant de sérieux que de mécontentement. Il releva les yeux sur Emma et annonça : — C'est Gold ! — Quoi ? — C'est Gold ! Il a pris la forme du père de maman et lui a dit que si elle ne s'éloignait pas de nous, on mourrait tous les trois, toi, Sara et moi. Qu'à cause du Sort Noir qu'elle a utilisé, elle devrait payer si elle trouvait le bonheur. Emma afficha une mine dubitative, peu certaine. — Et alors ? — Et alors, c'est pas vrai ! assura Henry, fin connaisseur des histoires de Storybrooke. Le Sort Noir ne demande qu'une chose à sacrifier et maman l'a déjà fait en tuant son père ! Gold s'est juste arrangé pour lui faire croire qu'il revenait en fantôme pour la prévenir. Il veut nous séparer.
* * *
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Regina s'était refugiée dans son caveau, devant le gisant de son défunt père. Elle avait mal, si mal... D'avoir revu Emma avec Sara accentuait ses craintes les plus profondes. — Je n'y arriverai jamais, père, appela-t-elle... Je les aime, comprenez-vous ? Ils sont toute ma vie, comment pourraisje leur faire du mal et prétendre que je les déteste ? Mais il n'y eut aucune réponse et Regina s'effondra en larmes sur le marbre froid du tombeau.
* * *
Mary Margaret patientait depuis trois jours. David tentait de la rassurer car tous les deux avaient remis leur avenir entre les mains du seul homme en qui justement, il n'aurait jamais eu confiance. David se précipita vers la porte quand il entendit frapper. Gold se tenait devant eux, sa main sur sa canne : — Vous avez des nouvelles de notre fille ? — Elle est de retour à Storybrooke, dit Gold. Mary Margaret approcha sans attendre : — Où est-elle ? Comment va-t-elle ? — Ca, je ne peux pas vous le dire, je ne lui ai pas personnellement parlé. Je peux cependant vous affirmer qu'elle est revenue il y a moins d'une heure avec Henry et sa fille Sara. D'après Baelfire, elle est directement allée chez 43
Regina et, comme je vous l'avais promis, la Reine l'a accueillie avec ses talents que nous connaissons tous. — Alors l'envoutement est passé ? demanda David. — Je ne peux vous l'assurer avec certitude. Quoi qu'il en soit, elle viendra vous trouver et aura besoin de tout le soutien que vous pourrez lui donner.
* * *
Mais Emma n'était ni chez Granny, ni chez ses parents. Prise par la colère et ses ressentiments, elle avait conduit jusqu'au magasin du seul responsable : Gold. La cloche tinta lorsqu'elle franchit le seuil, Sara dans ses bras et Henry près d'elle. Personne ne se trouvait derrière le comptoir mais elle approcha tout de même. Belle fit son apparition après avoir entendu quelqu'un entrer et fut décontenancée en voyant Emma. Elle n'eut pas le temps de poser la moindre question que la Sauveuse demanda : — Où est-il ? Belle cligna des paupières, prise sur le fait. Elle avait eu vent des agissements de Rumple et en demeurait confuse et incertaine. Elle lui avait d'ailleurs fait part de ses doutes. — Il n'est pas ici, Emma. Emma l'observa un instant et sut qu'elle lui disait la vérité.
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— Alors quand il reviendra, tu lui diras que ça n'a pas marché... Que son plan n'a fait que me prouver que Regina valait beaucoup plus que lui, que toutes les personnes qui se disent être mes amis ! Et j'espère pour lui qu'on se croisera pas ! Sur ces derniers mots, Emma fit demi-tour pour marcher vers la porte, mais Belle contourna le comptoir et l'interpella : — Emma ? La Sauveuse reporta les yeux sur Belle, tout comme Henry près d'elle. — Il ne l'a pas fait contre toi... Mais dans ton intérêt, pour que Henry retrouve son père et que vous puissiez... — Quoi ? la coupa Emma, les traits durcis. La Sauveuse s'approcha de Belle et poursuivit : — Qu'on puisse quoi ? Qu'on vive ensemble comme une famille ? Est-ce qu'il s'est aussi demandé si je le voulais ?! Est-ce qu'on m'a demandé mon avis, celui de Henry ?! Tu devrais le comprendre mieux que les autres ! T'es bien avec Rumplestilskin, non ? Et personne n'est venu foutre votre vie en l'air sous prétexte que la bonne personne n'était pas celle avec qui tu étais ! Sans plus rien ajouter, elle quitta le magasin avec Henry et Sara. Tous les trois retournèrent dans la voiture et Henry demanda aussitôt : — Où est-ce qu'on va maintenant ? Il faut trouver maman... Emma prit le temps de réfléchir avant de démarrer.
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— Je sais, mais j'ai aucun moyen de savoir où elle est. A ce moment là, quelqu'un frappa à sa vitre et quand elle tourna les yeux vers Neil, son expression transparut toute son exaspération. Par politesse, elle ouvrit la fenêtre et l'interrogea : — Qu'est-ce que tu veux ? Neil avait enfin réussi à atteindre Emma avant qu'elle ne s'en aille encore. Il sourit à Henry. — Salut, Henry. Puis répondit à Emma : — Tes parents m'ont dit que tu étais rentrée. — Les nouvelles vont vite à ce que je vois, commenta Emma sarcastique. — J'aimerais qu'on discute toi et moi. — J'ai rien à te dire, Neil, affirma Emma sans hésiter. — Je crois que si au contraire, insista Neil, tout ce qui se passe n'est pas normal... Et tu le sais. Une main en suspend sur le volant, Emma gardait des yeux incrédules sur son ancien amant. — Qu'est-ce qui est pas normal ? Que j'ai une petite fille avec Regina, qu'elle abandonne Henry, son fils adoptif et Sara sa fille pour nous sauver de ce qu'elle croit être un grand malheur ou que mes parents, mon ancien petit-ami se fassent manipuler par une crapule telle que Gold ?! Je croyais que ton père et toi aviez de gros problèmes de communication ! 46
— C'est le cas, fit Neil et je suis loin de lui avoir pardonné. Ce n'est pas pour lui que je suis encore à Storybrooke aujourd'hui Emma. C'est pour toi et Henry! — Et alors ? C'est bien, mais qu'est-ce que tu veux que je te dise ?! On s'est tout dit à New-York, je ne retournerai pas avec toi. — Emma... Regina est... — Non, stop ! l'interrompit Emma, agacée d'entendre ce prénom dans toutes les bouches. Regina n'est rien. Elle est même pas là et vous continuez à l'accuser de tout. C'est pas de sa faute si je n'ai plus de sentiment pour toi, Neil ! Va falloir que tu t'y fasses ! Elle referma sa fenêtre et s'éloigna. Derrière, Sara se remettait à pleurer et si Emma ne trouvait pas bientôt une solution, la folie aurait raison d'elle. — T'y as été peut-être un peu fort, commenta Henry. Emma tourna les yeux vers son fils qui créa des incertitudes en elle. — Tu voudrais que je lui mente ? — Non, bien sûr que non... Mais peut-être que tu aurais pu discuter avec lui. Emma prit un inspiration dans l'espoir de recentrer ses réflexions, de garder un sang froid qu'elle perdait au fil des minutes. — Discuter de quoi, Henry ? Tu veux que Neil et moi, on se remette ensemble et qu'on forme une famille tous les trois ? Et Sara ?
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Henry fronça les sourcils sur ces questions. Emma le poussait à imaginer chacune des hypothèses énoncées et aucune ne faisait partie de ses désirs. Même s'il se retrouvait de plus en plus confus, il répondit : — Mais... Je sais pas... Tu n'es presque jamais sympa avec maman et même si elle fait tout pour te montrer qu'elle t'aime, tu ne fais que lui reprocher tous ses mauvais côtés. Emma détourna les yeux sur l'énoncé de ces faits justes et véridiques. Sortis de la bouche de son fils, ils l'affectaient plus que de raison justement parce que son comportement envers la Reine ne trouvait aucune raison valable. Comment admettre et confesser des sentiments contre lesquels elle se battait depuis des semaines ? — C'est compliqué, fit-elle pour seule explication. — Non, ça l'est pas... Soit tu aimes être avec maman, soit tu n'aimes pas, mais si tu l'aimes pas alors pourquoi tu t'es disputée avec grand-père et grand-mère pour la défendre ? Pourquoi tu es revenue la chercher ? C'était justement tout cela qui rendait l'histoire compliquée, songea Emma. — Regina a toujours été la Méchante Reine, pendant des décennies, commença-t-elle, et toi aussi, tu as pu le voir... C'est pas parce qu'elle devient gentille tout à coup que je dois l'être aussi et oublier ce qu'elle est. — Mais pourquoi tu devrais penser à ce qu'elle a fait avant ? Tout le monde a droit à une seconde chance, c'est toi qui l'as dit ! Emma lâcha un profond soupir sur ses propres mots répétés par Henry. 48
— Et depuis quand t'es devenu aussi malin, toi ? interrogeat-elle dans l'espoir de décontracter l'ambiance. — Je suis un grand frère maintenant, répondit-il avec le sourire, alors je dois essayer de réfléchir.
* * *
La nuit était tombée quand Regina réapparut chez elle. Ses yeux rougis par la fatigue, ses larmes, il lui fallut quelques secondes pour réaliser que sa maison n'était pas aussi inoccupée qu'elle l'avait laissée ce matin. Sur la table du salon était encore posée une bouteille d'eau, du pain et un verre de whisky accompagné d'une bouteille à moitié vidée de son contenu. Emma était là, la Reine en était sûre mais cette pensée venait soudain de ramener ce sentiment douloureux d'espoir mêlé d'incertitude. D'un pas prudent, elle gravit une à une les marches menant à l'étage. Pourquoi sa Sauveuse était-elle revenue après tout ce qui s'était passé ? Ne comprenait-elle pas le danger de vouloir rester près d'elle ? Elle poussa la porte de la chambre de son fils et le vit endormi paisiblement dans son lit. Elle avait trahi Henry en partant sans aucune explication. Mais avec tout son optimisme, Henry aurait voulu la convaincre de combattre le Sort Noir, chose impossible. Elle referma et d'un pas à la fois hésitant et effrayé, elle poussa la porte de sa propre chambre avant d'y découvrir la silhouette de sa bien-aimée. Emma aussi s'était endormie, habillée, une bouteille de whisky posée sur la commode. La Reine aurait donné son Royaume pour passer une dernière nuit à ses côtés. Mais Emma et leurs enfants étaient 49
aujourd'hui ce qu'elle avait de plus cher à perdre. Elle referma, se recula et osa rejoindre la chambre de Sara. Sa petite fille lui manquait tellement. Comment pourrait-elle un jour lui pardonner de l'avoir abandonnée ? Qui saurait lui expliquer son sacrifice ? Elle approcha du landau et vit ses grands yeux ouverts tournés vers elle. Regina en sentit son coeur serrer. Il lui semblait impossible de repartir sans prendre sa fille dans ses bras, sans la prendre contre elle peut-être une toute dernière fois. Elle se pencha et n'attendit pas pour poser ses lèvres sur sa peau joufflue et parfumée. — Maman s'est bien occupée de toi, mon ange, murmura-telle avec tendresse. Sara commençait pourtant à s'agiter et Regina devinait que sa petite fille avait faim. Peut-être alors pouvait-elle l'allaiter juste une dernière fois, s'imprégner de cet instant privilégié avec sa fille ? Elle s'assit dans le fauteuil et défit les boutons de son chemisier. Les petits pleurs de Sara stoppèrent dès l'instant où sa mère lui donna le sein... Dans le couloir, Emma ne bougeait pas et restait attentive. Son sommeil n'avait jamais été lourd, héritage de prisonnière sûrement. Elle avait donc entendu sa porte s'ouvrir avant de comprendre que Regina jouait les voleuses dans sa propre demeure. Ce qu'elle avait pensé plus tôt dans la journée se confirmait à présent. Henry avait eu raison : Gold l'avait encore manipulée pour lui faire croire que le Sort Noir reprendrait sa vie, le moindre moment de bonheur. Comment lui faire retrouver la raison ? Le seul comportement d'Emma contredisait ce qu'elle montrait devant la Reine. Henry avait encore eu raison : savoir que Regina s'éloignerait d'elle à tout jamais lui était inconcevable. On lui avait donné une Reine impitoyable capable de sentiments et de tendresse et on la lui reprenait 50
maintenant. C'était comme offrir un gâteau au chocolat à un enfant pour mieux le lui reprendre avant qu'il n'en profite. Après réflexions, elle ne pouvait rester là à ne rien faire. Elle apparut à l'entrée de la chambre et se dévoila. Appuyée contre le chambranle, elle croisa les bras et brisa le silence : — T'as jamais eu de fille, pas vrai ? Regina sentit son coeur réagir avant même qu'elle ne relève ses yeux sur Emma. Sa Sauveuse l'avait donc entendue... peut-être même attendue. Elle ne savait quoi répondre, prise sur le fait, coupable de ne pas avoir tenu sa promesse faite à Boston de ne jamais trahir Emma, de ne jamais lui mentir. Mais comment pourrait-elle lui faire comprendre que sa décision n'avait été prise que par amour et non pour répondre à ses propres besoins ? — Je ne pensais pas te trouver là avec les enfants en revenant, Miss Swan. Emma esquissa un léger sourire de satisfaction sur ces paroles qui impliquaient un lâcher prise de la part de la Reine. — Et je pensais pas que tu te ferais avoir si facilement par Gold, répliqua Emma en s'approchant. Toute cette histoire de Sort Noir, c'est des conneries inventées par Gold. Il s'est fait passer pour ton père pour qu'il ait toutes les chances d'arriver à ses fins. Tout ce qu'il veut, c'est me remettre avec Neil et gagner une autre de vos petites guerres entre vous. Sans avoir quitté sa place, Sara toujours en plein "repas", Regina n'avait pas quitté sa Sauveuse du regard. Tout était si confus dans son esprit qu'elle avait du mal à comprendre ces paroles, ces explications venues de nulle part.
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— Comment sais-tu que j'ai vu mon père ? — C'est écrit dans le livre d'Henry, répondit Emma sans hésiter. L'histoire autour de Sara a continué de s'écrire. Emma ne lui mentirait pas. Regina le savait. Cependant, il lui fallut quelques secondes pour comprendre la logique des événements, le rapport entre Gold, la vision de son père, Neil, puis Emma qui était de son côté. Elle regarda sa fille un court instant et releva son regard brun sur sa Sauveuse. Etait-ce vrai ? Gold s'était-il réellement joué d'elle ? — Alors... Alors toi et les enfants n'allez pas mourir ? Emma leva les sourcils et s'appuya contre le petit lit de sa princesse sans avoir quitté la Reine et Sara des yeux. Elle taisait bien sûr ce désir latent et incessant au fond d'elle. — Je crois pas non, répondit-elle sur un petit air convaincu. Regina se leva doucement et approcha du lit avant de rallonger Sara qui s'était rendormie. Cruel était l'espoir que ces mots faisaient naître. Mais ne pas croire en ces faits ne prouvaient guère qu'ils n'arriveraient pas. Elle releva ses yeux marqués de tristesse sur le visage de sa Sauveuse. — Rien ne prouve que tu dis vrai. La magie a toujours un prix. — Tu plaisantes, là ? rétorqua Emma. Tu jettes une malédiction sur tout un royaume pour le mettre à tes pieds et t'es même pas capable de savoir si cette malédiction a un prix ou non ? — Je me fichais bien des conséquences quand j'ai fait le sort, Miss Swan. Je ne savais pas que...
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Regina détourna le regard, comme si son aveu lui serait fatal, mais elle termina : — Que je tomberais amoureuse de toi. Emma se retrouva muette devant ces derniers mots. Regina venait de la faire réagir plus qu'elle ne l'aurait souhaité. Ce satané corps s'emballait et s'échauffait à la moindre parole plus haute qu'une autre. Pourquoi fallait-il que la Reine use de grands mots à chaque fois ?! Maintenant, elle perdait sa réparti, sa détermination et ne paraissait plus si convaincue ! Toute cette histoire était pourtant si évidente à comprendre que la supercherie se voyait comme le nez au milieu de la figure ! Elle vit Regina quitter la pièce sans un mot de plus. — Je rêve ou elle se barre, là ? Un commentaire plus tard et Emma se précipitait à la suite de la Reine dans les escaliers. Avant qu'elle n'ouvre la porte, elle lui saisit le bras et la força à se tourner vers elle. A présent, cette situation devait prendre fin. — Tu vas pas te tirer comme ça après m'avoir balancé un truc pareil ! T'as entendu ce que j'ai dit ou t'es devenue sourde aussi ? Regina ne savait plus. Que pouvait-elle répondre à sa Sauveuse ? L'avoir devant elle, si proche, sans pouvoir la toucher était pire qu'un supplice de Tantale. De quel droit prendrait-elle le risque de défier le Sort Noir si son père disait vrai ? La Reine n'avait aucune certitude que Gold n'ait pas fait en sorte que la malédiction ne se retourne contre elle. Elle voulut se retourner pour ouvrir mais du plat de sa main, Emma referma brutalement, la poussa contre la porte et plaqua ses lèvres contre les siennes. Regina sentit le corps de sa Sauveuse se presser contre le sien, son coeur meurtri 53
réanimé par ce baiser qu'elle n'avait pas osé quémander. La Reine ne pouvait s'y refuser. Elle devait y répondre, juste un peu, juste quelques secondes pour s'imprégner des parfums de sa Sauveuse... — Miss Swan, je t'en prie... susurra-t-elle dans un soupir. Son corps répondait aux assauts d'Emma tandis que sa main avait rejoint sa joue pour approfondir leur baiser. Une voix résonnait alors en écho dans sa tête, lui rappelait que son bonheur assassinerait son amante si elle s'y abandonnait. Elle rompit le baiser, sa main résignée sur le torse d'Emma pour la faire reculer. — Attends... On ne peut pas... Je... Je t'aime comme je n'aimerai jamais personne mais... On ne peut pas... Emma n'accepterait jamais ce genre de réponse inutile qui n'impliquait que perte de temps. Maintenant, Regina se refusait après tout ce qu'elle lui avait fait subir. Il était hors de question qu'elle rentre dans le jeu de Gold. Ses gestes signifiaient un désir indéniable à l'encontre de ses mots. Elle renouvela le baiser, le rendit plus profond, plus passionné. Sa langue trouva la sienne, la força à reconnaître son erreur, ses vaines tentatives de rejet. Si Regina avait mené les ébats jusque là, Emma devait lui rendre ses faveurs au moins pour cette fois. Et le soupir qu'elle capta entre ses lèvres en fut une réponse incontestable. Regina se résoudrait, accepterait l'évidence. Rien ne pourrait les atteindre, personne ne saurait les éloigner. Emma le savait mieux que quiconque après avoir essayé à maintes reprises. Même elle n'avait su garder ses distances... Et plus le baiser se poursuivait, plus Regina baissait les armes. Elle le rompit, essoufflée, largement échauffée par l'intensité du contact. Son regard brillant se riva dans le sien. Leur visage à quelques
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centimètres à peine l'un de l'autre, leur souffle s'épousait comme leur corps le ferait bientôt. — Oh si on peut... Le regard déterminé, brûlant de désir, les mains d'Emma déchirèrent les pans de son chemisier et les boutons furent projetés sur le sol. Ses lèvres partirent à la redécouverte de sa gorge aux mille parfums. Si Regina se refusait, Emma ébranlerait ses profondes croyances comme sa Majesté l'avait fait avec elle. Elle la ferait plier, la pousserait à abdiquer. Sa tête basculée contre la porte, Regina ne pouvait plus raisonner. Les assauts d'Emma, ses lèvres gourmandes, ses mains conquérantes auraient bientôt raison du dernier soupçon de lucidité. — Miss Swan, murmura-t-elle encore dans un soupir... Mais plus elle voulait l'arrêter, plus elle sentait sa Sauveuse avide, désireuse de consumer la fièvre qui naissait de leur nouveau rapprochement. Dieu que Regina aimait son amante et la désirait... Son visage se redressa vers le sien et leurs lèvres se scellèrent dans un nouveau baiser brûlant... — Si tu savais, fit-elle à Emma... — Dis-le... susurra la Sauveuse dans le baiser, dis que t'as envie de moi. — J'ai toujours envie de toi, Miss Swan... abdiqua Regina entre deux soupirs. Dans un mouvement, elle sentit les mains d'Emma la soulever et ses jambes enlacèrent sa taille tandis que sa Sauveuse la portait vers le salon. A nouveau, la passion les 55
embrasait et Regina ne répondait plus d'elle. Sans quitter ses lèvres, Emma l'allongea sur le canapé tout en se glissant entre les jambes de sa Reine dont elle sentait les doigts creuser sa chair dans son dos. Entre ses mains, contre ses lèvres, Emma oubliait tout le reste. L'espace d'un moment, nul n'existait, pas même Gold et ses histoires, Neil et sa jalousie, ses parents et leurs rancœurs envers la Reine. Regina pliait à chacun de ses soupirs, chacun de ses soubresauts provoqués par ses assauts. Sur le canapé, plongées dans l'obscurité du salon, leur corps se cherchait, se collait et les vêtements tombaient un à un. Seules barrières à leur pudeur, les sous-vêtements servaient de derniers remparts à leur intimité. Mais ce soir, les barrières s'effondraient, les retenues disparaissaient et seul restait le désir profond de l'autre. Les doigts d'Emma brisèrent le soutien-gorge de sa Majesté entre ses seins et les libérèrent de leur étau. Regina se cambra contre ses lèvres chaudes et décidément audacieuses. Un profond soupir força le passage de sa gorge et sa main s'agrippa à ses cheveux dorés. — Emma... Jamais, Emma ne s'était montrée si entreprenante et décidée dans une étreinte, mais plus elle avançait, plus le plaisir s'intensifiait jusqu'à devenir incontrôlable.
* * *
A l'extérieur, au dessus de leur tête envahie par les émotions, l'ivresse de leur attirance respective, le ciel se
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déchirait. Il se débattait contre un phénomène inconnu, un éclair si puissant qu'il fissurait le voile nocturne. Le paysage extérieur se mouvait sur lui-même, ondulait, laissait les étoiles filantes s'échouer à toute vitesse les unes après les autres.
* * *
— Miss Swan... supplia Regina dans un soupir non retenu. Ce Miss Swan avait sonné aussi bouleversé qu'étourdi. Sa Sauveuse prouvait bien plus qu'une simple détermination. Installée au creux de ses cuisses, elle confirmait son envie de la plus délicieuse des façons. Sa langue mutine, libertine et joueuse lui infligeait la pire des tortures. Quelle personne l'avait ainsi possédée ? Seule, Emma était capable de pareil affront, mais quel exquis supplice que sentir l'incandescence de son souffle entre ses cuisses ? Et plus Emma s'évertuait à lui donner ce plaisir, plus sa tête lui tournait. A bout de souffle, ses lèvres restaient entrouvertes en quête d'oxygène. Son visage luisait de transpiration tandis que ses doigts se refermaient dans sa chevelure dorée à chacun de ses nouveaux assauts. La mort pourrait bien frapper à sa porte, elle attendrait sagement sur le palier, la fin de cette étreinte inoubliable. Et si le dû prenait la forme de cet ébat savoureux, alors elle paierait le prix qu'il faudrait...
Fin de la première partie
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