Chapitre 7 : Sort et contre-sort David et Mary-Margaret rejoignirent l'hôpital dès qu'ils eurent le message d'Emma laissé sur leur répondeur. Ils avaient confié Henry à Ruby le temps de savoir ce qui s'était passé et pourquoi Emma avait paru si confuse. — Emma... Tout va bien ? Tu n'es pas blessée ? interrogea Blanche. Blessée, Emma ne l'était pas. Déboussolée et perdue étaient les mots justes. — Je vais bien, tenta-t-elle... Mais Regina est... Elle est dans le coma... — Quoi ? s'enquit David... Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Emma ne savait plus vraiment quoi dire à ses parents. Quand elle s'était rendue compte que Regina était inconsciente, le pouls presque imperceptible, elle avait appelé les urgences qui étaient venues chercher Regina pour la conduire ici. — C'est ma faute, tenta-t-elle d'une voix fatiguée. Ses yeux étaient cernés, sa mine plus pâle que jamais. — Je suis rentrée chez elle... Hier soir... J'ai fouillé le bureau, je cherchais Cora... Mais c'est Cora qui m'a trouvée... Elle... Elle a lancé une boule magique... Et Regina s'est interposée... David autant que Mary-Margaret étaient perdus face aux propos décousus de leur fille. Emma se rassit, le regard dans le vide, l'esprit troublé et les yeux humides : — Qu'est-ce que je vais dire à Henry si elle meurt ?
David et Mary-Margaret se lancèrent un regard, comprenant l'état dans lequel Emma pouvait être. Mary-Margaret s'assit près d'elle, saisit sa main entre les siennes en signe de réconfort. — Ce n'est pas ta faute... — C'est entièrement ma faute, fit Emma désemparée. C'est moi qui devrais être dans cette chambre d'hôpital. — Grâce au ciel, tu ne l'es pas, s'enquit Blanche. Le docteur Whale approcha enfin et Emma se leva sans attendre : — Comment va-t-elle ? — Son état est stable, répondit-il, mais je ne sais pas si elle va se réveiller. Si la magie de Cora l'a mise dans cet état, les dommages causés sont au-delà de mes compétences. Un lourd silence s'installa et Emma demanda : — Est-ce que je peux la voir ? — Bien sûr, allez-y... Emma lança un regard à ses parents et entra dans la chambre. Voir Regina, la Méchante Reine, si vulnérable allongée dans ce lit d'hôpital, semblait lui faire voir les choses différemment. Et Emma se perdait, manquait de discernement. Regina lui avait dit la vérité mais Emma avait voulu croire que la Reine était incapable de bonté. Peut-être avait-il été plus facile de voir le mal où il n'était pas. Peutêtre craignait-elle tellement Cora qu'elle n'avait trouvé d'autre moyen de la combattre que d'accuser Regina ? Emma s'assit près d'elle, son regard sur les traits de la Reine. Elle n'y voyait plus sa méchanceté, son mépris et, ainsi inconsciente, Regina semblait plus fragile que jamais elle ne pourrait l'être. Alors Emma se demanda ce qu'elle dirait à 2
Henry si sa mère ne se réveillait pas ? Surtout, comment pourrait-elle remercier Regina de s'être interposée entre Cora et elle si elle demeurait dans le coma ? Emma pensa alors que la magie était responsable de son inconscience, peut-être la magie pourrait-elle finalement la réveiller ? Quelques minutes plus tard, elle entra dans la boutique de Gold. — Rumplestilskin, appela-t-elle. Ce dernier sortit de l'arrière boutique. — Inutile de crier ma chère, je ne suis pas sourd. — Donnez-moi quelque chose pour réveiller Regina ! — Serait-ce un ordre qui grince à mes oreilles ? — Votre prix sera le mien, fit Emma d'un ton résolu. — Qu'aurais-je à gagner de voir Regina se réveiller ? — J'en conclus que vous êtes au courant de ce qui s'est passé, comprit Emma. — Storybrooke est une très petite ville, très chère. Les nouvelles vont vite. Gold était de loin pire que Regina, songeait Emma. Il était plus vicieux, perfide et le plus égoïste de tous. — On sait tous les deux que vous détestez Cora plus que Regina et Regina est la seule à pouvoir arrêter sa mère. — Excellentes déductions ! concéda Gold. Mais Cora n'a aucune chance de s'en prendre à nous si sa fille ne l'aide pas. Donc il est préférable pour le bien de la ville que Regina reste où elle est... Maintenant excusez-moi, j'ai du travail...
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Gold retourna dans l'arrière boutique laissant Emma Swan désemparée. Si Gold refusait de l'aider, qui le pourrait ? Elle quitta le magasin sans un mot. Elle devait retourner à l'hôpital près de Regina et réfléchir à ce qu'elle dirait à Henry ce soir quand elle irait le chercher à l'école. La nuit était tombée sur la petite ville de Storybrooke et Emma n'avait pu se résigner à quitter l'hôpital pour rester au chevet de Regina. David l'avait accompagnée chercher Henry en fin d'après-midi et Emma avait avoué à son fils ce qui s'était réellement passé chez sa maman brune. Henry n'avait voulu la croire avant de s'effondrer dans ses bras. Le souvenir de ses larmes lui brûlant les joues continuait de lui enserrer la gorge. Assise dans le fauteuil au coin de la chambre, Emma restait accoudée sur ses genoux, gardait ses yeux sur la Reine inconsciente. Ni la Fée, ni Gold, ni personne ne viendrait l'aider ou peut-être son dernier espoir n'était-il autre que Cora ? Comment une mère digne de ce nom pouvait-elle laisser son enfant dans le coma, à la limite de la mort ? Ce fut quand elle manqua de s'endormir d'épuisement qu'un murmure résonna : — Emma... La Sauveuse se redressa vivement, cherchant autour d'elle un témoin qui aurait pu confirmer ce qu'elle venait d'entendre. Avait-elle rêvé ou Regina venait-elle bien de parler, de prononcer son nom ? Elle se releva, approcha du lit et constata ses traits tirés, tendus, comme si la Reine était sous l'emprise d'un mauvais rêve ou en train de se battre contre quelque chose. Son front était en sueur, sa peau moite et son corps secoué par de légers tremblements. — Emma... entendit-elle à nouveau.
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La concernée ne comprenait plus rien. Pourquoi Regina l'appelait-elle dans ce cauchemar ? Peut-être rêvait-elle qu'elle était sur le point de la tuer, de lui voler Henry, ce qui expliquait cette soudaine agitation. Au fil des minutes, Regina sembla pourtant retrouver son calme, s'apaiser à nouveau et ses traits se détendre. Emma ne sut si elle allait mieux mais préférait la voir ainsi que tourmentée par un "elle" maléfique dans un mauvais rêve. Son téléphone vibra dans sa poche et elle se recula pour répondre tout en passant sa main dans ses cheveux blonds : — Oui ? # Emma, c'est moi... Il faut que tu viennes, je crois que... Je crois qu'Henry a fait une terrible bêtise. Emma redouta alors le pire. Si Mary-Margaret l'appelait en la sachant préoccupée par l'état de Regina, alors effectivement, ce que son fils avait fait devait être grave. — J'arrive tout de suite. Elle raccrocha, lança un dernier coup d'œil vers Regina et quitta la chambre. Quelques minutes plus tard, Emma était chez elle, figée, ahurie par l'annonce de ses parents. Henry était allé voir Gold pour utiliser un sort sur elle et Regina. Mary-Margaret tenta de calmer sa fille en s'interposant entre elle et Henry qui demeurait prostré sur le canapé du salon : — Il ne pensait pas faire mal, il voulait vous rapprocher, faire cesser vos disputes, ça partait d'un bon sentiment... Emma se dégagea de l'emprise de sa mère et arriva devant Henry. — Je te faisais confiance et toi tu es allé voir Gold dans mon dos et en toute connaissance de cause. 5
Henry regarda sa mère, les larmes aux yeux. — Je suis désolé. — Désolé ? Je te pensais plus malin que ça ! Gold ne fait de cadeau à personne, comment as-tu pu lui faire confiance ? David intervint : — Emma calmes-toi. J'ai appelé Gold et j'ai eu Belle, elle m'a dit que Gold lui avait seulement fait croire que la fiole contenait un sort, en aucun cas il ne comptait laisser une potion à son petit-fils. Et je le crois car Henry est aussi le fils de Baelfire. Il ne compromettrait jamais ses chances de retrouver son enfant. Emma mesurait que son père pouvait avoir raison mais elle n'en demeurait pas moins inquiète et en colère contre Henry. — Toi, on reparlera de ta punition plus tard. Elle regarda sa mère : — Je retourne à l'hôpital, appelez-moi s'il y du nouveau et interdiction de télé jusqu'à nouvel ordre. Une idée venait de la traverser après cette rapide discussion qui n'avait fait que nourrir sa contrariété et ses inquiétudes. Avant de rejoindre l'hôpital, elle resta dans sa voiture jaune et composa le numéro de Gold avant d'entendre la voix de Belle : # Oui ? — C'est Emma, passe-moi Rumplestilskin. # Un instant... Et quelques secondes plus tard, son interlocuteur se fit entendre : 6
# J'ai horreur qu'on me dérange le soir chez moi Miss Swan. J'espère que vous avez une excellente raison de le faire. — En effet, répondit Emma sur un ton sec. Soit vous m'aidez à réveiller Regina, soit je dis à Neal que vous avez incité son fils à faire de la magie dans notre dos ! Je suis sûre que ça compromettra vos chances de regagner sa confiance pour les dix ou vingt années à venir. Un silence s'installa. Emma savait qu'elle avait les cartes en main à présent. # Bien. Vous avez gagné Miss Swan. Venez à la boutique, je vous y attends. Emma raccrocha, satisfaite d'obtenir ce qu'elle voulait et se mit en route vers la boutique de Gold. L'instant d'après, ce dernier posait devant elle une potion et, l'air grave, insista sur un point : — Je vous la donne et nous serons quittes, vous ne parlerez pas à Baelfire de notre petit différend, est-ce bien clair ? De nature méfiante, Emma ne lui faisait pas confiance pour autant. — Et à quoi je dois m'attendre avec cet élixir ? — Ca, je n'en sais pas plus que vous. Je suis le maître de la magie, pas de ses conséquences sur son emploi. — Vous foutez pas de moi Gold, dites-moi à quoi je dois m'attendre. — Je ne vais pas vous inventer une petite histoire pour vous faire plaisir, je vous l'ai dit, je vous le répète, je n'en sais rien ! Je ne sais pas non plus de quoi souffre Regina. La seule garantie que je vous donne est que cette potion la
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ramènera parmi nous ! Contentez vous d'enduire sa peau sur son visage et la magie fera le reste ! — Vous avez intérêt à ce que ça fonctionne ! menaça la blonde à bout de nerf. — Sinon quoi ? Vous allez venir me voir avec papa et maman ? Emma le fusilla du regard et quitta la boutique. Si effectivement les choses se passaient mal, elle perdrait réellement patience et n'hésiterait pas à parler à Neal de l'erreur de son père. Dès qu'elle fut de retour dans la chambre de Regina, Emma s'assura d'être toujours seule et s'approcha du lit de la Reine. De nouveau, ses traits étaient tirés, l'expression de son visage exprimait un combat intérieur qu'Emma ne pouvait imaginer. Sans attendre, elle suivit les conseils de Gold, prête à en découdre avec lui si cette potion ne fonctionnait pas. La fiole en main, elle se saisit d'un petit mouchoir pour appliquer l'élixir sur le visage moite de Regina. Trop de magie circulait ces derniers jours, pensait-elle. D'abord Henry en avait peut-être utilisé avec elle et Regina - quoi qu'en dise David et Belle. Elle avait voulu s'en servir pour retrouver Cora et elle s'en servait à présent pour réparer ce qui s'était passé la veille suite à un sortilège de cette dernière. A présent, Emma priait intérieurement pour que Regina ouvre les yeux et qu'elle ait ce problème de moins à gérer. La potion humidifiait son visage mâte, ses traits brun. Le liquide rosée brillait un court instant avant de disparaître à travers les pores de sa peau. Quand le tube fut vide, Emma le jeta et retourna s'asseoir. Dans combien de temps prendrait-il effet ? Elle s'endormit sans imaginer une seconde ce qui l'attendrait à son réveil...
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Chapitre 8 : Monde imaginaire Des notes de piano résonnaient en fond dans l'esprit de la Reine qui revenait peu à peu à elle, sortait d'un rêve étrange ou plutôt d'un long cauchemar dont elle n'avait pu s'extirper jusqu'alors. Puis le silence se fit total en marquant son réveil... Ses yeux ouverts, ses paupières semblaient lourdes, sa respiration encore profonde et une légère douleur provenait de sa poitrine. Elle réalisa qu'elle était dans une chambre d'hôpital et un sentiment d'angoisse la saisit avant que son regard ne trouve celui d'Emma près d'elle et ne la rassure. Un sourire perdu dessina ses lèvres. — Qu'est-ce que... Qu'est-ce que je fais ici ? Sa voix était à peine éraillée par les longues heures restée inconsciente. Emma s'était levée dès les premiers mouvements d'éveil de la Reine. La constater réveillée venait d'ôter un soudain poids de ses épaules, provoquer un soulagement considérable. Elle devait maintenant expliquer à Regina ce qui s'était passé mais par où devait-elle commencer en sachant que Regina était ici par sa faute ? — Vous êtes tombée inconsciente quand... Quand votre mère a tenté de me tuer... Le regard de Regina transparut d'abord toute son inquiétude face à ces mots. — Ma mère ? répéta-t-elle. Et des images revenaient sous formes de flashs, des rappels de ce qui s'était passé chez elle avant qu'elle ne tombe inconsciente, frappé par la magie de sa mère. 9
Elle voulut se redresser, s'asseoir, mais la pointe qu'elle ressentit au niveau de sa poitrine se fit plus vive et elle y ramena sa main. La douleur était comparable à une brûlure aigüe, persistante dont elle ignorait la source. Le docteur Whale rentra à cet instant, stupéfait de voir la Reine réveillée et assise sur son lit. — Regina !? Il regarda Emma : — Depuis combien de temps est-elle réveillée ? Vous auriez pu venir me chercher ! Emma n'apprécia guère ce ton condescendant et répondit : — Hey ! Je ne suis pas sous vos ordres et elle vient tout juste d'ouvrir les yeux. — Nous devons faire des examens, fit-il. Je vais chercher une infirmière, je reviens. Vous Regina, restez tranquille ! Il s'éloigna et Emma vit Regina se rallonger dans une grimace de douleur. Elle n'avait désormais plus rien à faire ici et le docteur Whale prendrait la relève. — Vous êtes réveillée alors je vais vous laisser vous remettre... Appelez-moi quand vous serez sortie si vous voulez reparler de ce qui s'est passé. Regina ne comprit pas un traitre mot des paroles d'Emma, ni ce vouvoiement qu'elle réalisait. Elle l'interpella quand elle la vit s'éloigner. — Emma mais... Attends... Où vas-tu ? Emma s'arrêta, perplexe, les sourcils levés et se tourna vers Regina. — Travailler, répondit-elle avec évidence.
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— Mais... Je pensais que tu resterais avec moi... Et où est Henry ? Emma devait-elle chercher à comprendre ce qui était en train de se passer ? Son instinct lui soufflait que "oui" bien que sa fatigue lui ordonnait de partir. — Je comptais aller le prévenir que vous êtes réveillée. Il sera content de venir vous voir après ses cours. Elle voulut à nouveau s'éloigner, arriva à hauteur de la porte mais... — Emma, chérie... je t'en prie, attends. Cette fois elle se figea net. Avait-elle seulement bien entendu ces mots, la façon dont Regina venait de l'appeler ? Les sourcils froncés, elle se tourna pour la regarder et constata son expression désemparée. Il se passait réellement quelque chose qui la dépassait complètement. Le docteur Whale entre, la poussant à reculer quand l'infirmière qui suivit poussa un chariot dans la chambre. — Bien, on va vous faire une prise de sang et vérifier vos blessures. Emma approcha et demanda : — Docteur Whale... Est-ce possible que Regina puisse avoir une sorte de perte de mémoire, d'amnésie passagère ? — Tout est possible à Storybrooke mademoiselle Swan, répondit le docteur Whale avec évidence. Vous devriez le savoir ! — Ouais, j'aurais dû me douter que vous diriez ça ! Je vais prévenir mes parents qu'elle est réveillée, tachez de la garder ici en attendant.
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En plus de constater le comportement distant d'Emma à son égard, Regina les entendait maintenant parler d'elle comme si elle était absente ou comme si elle était une autre. Elle s'adressa à la blonde : — Emma, qu'est-ce qui se passe ? Tu me fais peur ! C'est quoi ces questions au docteur Whale ? Pourquoi tu as l'air de m'en vouloir ? Qu'est-ce que j'ai fait et de quoi parlezvous ? — Vous ne vous souvenez vraiment de rien ? s'inquiéta Emma. Vous savez au moins qui vous êtes ? — Bien entendu, répondit Regina avec évidence. Je suis la Reine ! Et j'exige de rentrer chez nous et voir notre fils ! Cette fois, Emma croisa le regard incertain du docteur Whale qui venait de comprendre la portée de sa question précédente au sujet de l'amnésie. Il pouvait être alors possible que la Reine souffre d'une amnésie. Mary-Margaret et David n'en revenaient pas. — C'est peut-être un mal pour un bien, tenta ce dernier. — Encore faudrait-il qu'elle ait oublié qu'elle est la Méchante Reine, fit Emma. — Tu as pu lui parler ? demanda Blanche. Tu as essayé de voir ce dont elle se souvenait ? — Pas vraiment, j'ai arrêté de vouloir lui parler quand elle a commencé à m'appeler "Chérie" Ses parents eurent l'air surpris et incertains. Ils pouvaient l'être autant qu'elle l'était. — Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? souleva David. Pourquoi t'appellerait-elle comme ça ?
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— Si seulement je le savais, s'agaça Emma. Certainement le prix à payer de Gold. Il commence à me taper sur les nerfs celui là ! Blanche ne comprit pas : — Qu'est-ce Gold a à voir la dedans ? Emma ne voulait pas justifier ses décisions mais dut expliquer à ses parents : — Cora a mis sa fille dans le coma par la magie, j'ai pensé que seule la magie le ferait sortir du coma. Et la preuve ça a fonctionné donc aucun regret à ce niveau là ! — Il faut parler à Gold, lança David. Emma réfléchit un instant : — J'ai une meilleure idée. Il va nous accompagner à l'hôpital et nous dire ce qu'il y a lieu de faire. — Et pour Henry ? demanda Blanche. Emma culpabilisa. Avec tout ça, elle avait oublié qu'elle devrait en référer à son fils. — Je lui expliquerai en temps et en heure. Sur les menaces et le chantage de mademoiselle Swan, Gold se retrouva contraint de les rejoindre à l'hôpital où se trouvait Regina. Belle était donc restée à la boutique pour accueillir les clients lors de sa courte absence. Il arriva dans le hall d'un pas claudiquant, s'aidant de sa canne pour marcher. — Vous savez, miss Swan, prévint-il, à force de jouer avec le feu, vous allez finir par vous brûler. Et je suis le feu en question.
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— Je ne joue pas, Gold alors arrêtez de nous faire perdre notre temps ! On a un problème avec votre sort. Gold sourit, sincèrement amusé : — Vous êtes tous aussi drôles les uns que les autres. Vous vous évertuez à vouloir faire de la magie en sachant pertinemment comment ça finit. J'ai beau vous prévenir que la magie est dangereuse, vous êtes prêt à tout pour vous en servir en pensant qu'elle sera la solution à vos problèmes ! Il constata la mine fermée et déterminée d'Emma Swan qui, par son vulgaire chantage à l'encontre de Baelfire, se permettait de l'utiliser comme une marionnette. — Bien, reprit-il plus sérieux. Allons voir ce qu'il en est ! Emma ouvrit la porte et entra la première, suivit de Gold, Mary-Margaret et David. Tous étaient méfiants et Emma ne manqua pas de remarquer le regard noir que Regina posa respectivement sur Gold et ses parents. — D'où l'expression mieux vaut être seule que mal accompagné, lança Regina plus à elle-même. Elle accusa Emma : — Que font-ils ici et où est Henry ? Gold constata très vite un léger changement dans l'aura magique de Regina mais rien ne semblait expliquer toutes les inquiétudes de Miss Swan. — Il viendra vous voir après, répondit David. Regina lui lança un rapide coup d'œil avant de reporter son attention sur Emma dans un regard plus doux : — Je m'attendais au moins à un bouquet de fleurs quand tu reviendrais.
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— Vous voyez ! s'enquit Emma en prenant ses parents et Gold à témoins. Des fleurs ! Elle pensait que j'allais lui amener des fleurs... Quelqu'un peut m'expliquer à quoi ça rime ? Gold l'interrompit : — Tout cela n'a rien d'une amnésie. — Et c'est quoi dans ce cas ? accusa Emma. Un nouveau jeu destiné à me rendre folle ? — J'exige des explications, Emma ! intervint Regina de plus en plus déboussolée par son attitude. Gold regarda Regina avec plus d'intensité, captant à travers son expression troublée toute sa sincérité. — Ca n'a rien d'un jeu, conclut-il... Il regarda Emma : — J'aimerais vous parler, en privé. Emma fit signe à ses parents qu'elle acceptait. Elle ouvrit la porte de la chambre et Gold sortit dans le couloir avec elle. Emma croisa les bras : — Je vous écoute. — Vous m'avez dit que Regina vous avait attaquée dans son bureau, c'est exact ? — Exact, répondit Emma. — Mais Regina s'est interposée pour vous protéger et de ce fait, a absorbé le sort que vous a lancé Cora. — Toujours exact.
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— Mon sort, expliqua-t-il d'un air réfléchi, celui que vous avez utilisé pour la réveiller, l'a extirpée d'un profond sommeil et pour faire court, Regina n'est pas totalement consciente d'être revenue parmi nous. — Qu'est-ce que vous racontez ? Vous voyez bien qu'elle est parfaitement réveillée ? — Oui, elle l'est. A nos yeux, mais pas aux siens. — Qu'est-ce que ça veut dire ? s'agaça Emma. — Vous avez ramené avec elle le monde imaginaire dans lequel elle était plongé lors de son coma magique. Emma fronça les sourcils sur cette explication plus claire qui, pourtant, ne l'était pas tant que ça et accentuait ses inquiétudes. — Un monde imaginaire ? répéta-t-elle. — Un monde dont elle connait seule l'histoire et les personnages principaux et dont, apparemment, vous faites partie. Emma resta stoïque un court instant. — En résumé, elle est cinglée, bonne à enfermer, c'est ça que vous êtes en train de me dire ? — Aucunement très chère. Ayez un peu l'esprit ouvert et mettez-vous en situation. Vous, vos parents, Henry, moi y compris, avons tous notre petit jardin secret, nos fantasmes, nos rêves et nos cauchemars, du plus simples au plus inavouables. Nous vivons partiellement à travers nos rêves ou notre psyché des désirs ou des craintes qui nous sont propres, qui nous appartiennent à nous seuls. Des non-dits que nous ne révélerons sans doute jamais. C'est une partie du jardin secret de Regina qui a été extirpé de son coma quand la magie a exercé ses droits. 16
— Et comment on fait pour régler le problème ? demanda Emma. — Malheureusement, je n'en ai pas la moindre idée. Tâchez déjà de voir quel rôle vous avez dans la réalité qu'est la sienne. — Mais est-ce que la femme allongée dans ce lit est toujours Regina Mills ? — Plus que jamais. Regina Mills avec sa magie, ses sarcasmes et toutes les qualités que nous lui chérissons. Reine, elle est, Reine elle restera. Seuls ses souvenirs, ce qu'elle croit être, divergent en certains points de notre réalité. N'avez-vous pas remarqué les regards méprisants qu'elle a posé sur moi et vos parents quand nous sommes rentrés. — C'est bien la seule chose qui m'ait rassurée quand je suis revenue, commenta Emma. — Preuve qu'elle est la Reine, conclut Gold. Sur ce, vous n'avez plus besoin de moi et je suis attendu ! Gold s'éloigna mais Emma l'interpella : — Gold, attendez ! Ce dernier se retourna et Emma reprit : — A propos d'Henry... La potion que vous lui avez donné, est-ce qu'elle était magique ? Gold sourit légèrement, ses mains sur le haut de sa canne. — Ma chère, je n'ai qu'une chose à vous répondre. Vous ne pouvez admettre de grandes vérités quand il vous est plus simple de croire en de petits mensonges ! Il tourna les talons et cette fois, Emma ne le retint pas. Elle devait enregistrer, analyser et comprendre tout ce qu'il 17
venait de lui dire. Le sort de Gold pour réveiller Regina avait donc fonctionné, avec comme conséquence de ramener à travers Regina ce "monde imaginaire" qui faisait partie de son moi profond et de ses pensées intimes. Emma se retrouva plus incertaine en se rappelant du regard de Regina, de sa façon de lui parler dans la chambre. Mais elle devait y retourner et tirer tout ça au clair... Dans la chambre, le regard plus froid de Regina était revenu dès le départ d'Emma. Elle n'avait aucune raison d'être agréable avec Blanche et Charmant qu'elle détestait au plus haut point. Emma entra et Blanche demanda : — Où est Gold ? — Il est parti, répondit Emma. Elle s'approcha de ses parents et dit tout bas : — Vous feriez mieux d'y aller, je dois parler à Regina. David et Mary-Margaret se lancèrent un regard hésitant et Emma insista : — Vous en faites pas, ca va aller. — D'accord, répondit Mary-Margaret, mais tiens nous au courant, Henry est toujours inquiet. — Je vous appelle. Ses parents sortirent enfin, Emma fermant la porte de la chambre derrière eux. Elle revint sur ses pas, frotta ses mains sur son jeans en faisant quelques va-et-vient devant le lit de Regina. — Vas-tu enfin me dire ce qui se passe ? reprit celle-ci, heureuse de se retrouver enfin seule avec la blonde. Que vas-tu m'annoncer ?
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Emma soupira doucement pour évacuer son stress et sa fatigue. — Rien, répondit Emma. Je réfléchis là ! Après un instant, elle reprit : — Commençons par le commencement, tenta-t-elle. Vous vous souvenez de ce qui s'est passé hier soir ? Les réflexions de Regina ne cessaient plus. Il était évident que tout ce qui se passait depuis son réveil était à l'inverse de la logique - de sa logique. Surtout et avant tout, le comportement d'Emma à son égard la perdait. Que pouvaitelle faire, pour l'instant clouée à ce lit d'hôpital, si ce n'était répondre à ses questions ? — Nous étions à la maison quand ma mère est arrivée, répondit-elle calmement. Bras croisés, Emma la regarda fixement, cherchant une faille, une explication et un peu de bon sens entre ce que lui avait dit Gold et les réponses de Regina. — Et avant cela que faisions-nous ? Regina soupira en silence et roula des yeux — Nous nous disputions... pour changer. Emma n'avait pas bougé. Son regard sondait les réactions de la Reine qui, jusque là, lui racontait effectivement les faits tels qu'elle-même les avait vécus. En résumé, Gold avait raison, Regina était la Reine. Et dans ce cas, elle devait creuser pour mettre à jour les différences "rapportées" du pays imaginaire de Regina. — Nous nous disputions à quel sujet ? interrogea-t-elle encore. Regina s'agaça : 19
— Bon sang, Emma ! Je ne suis pas amnésique... — Répondez ! dit-elle froidement. La Reine sursauta sur ce ton plus agressif. Elle demeurait à la fois perplexe et peinée des réactions d'Emma. Elle continua de répondre : — Tu avais trouvé dans mon bureau le dossier que j'ai fait faire sur toi. Emma se souvenait de ce foutu dossier qui ne faisait qu'accentuer sa colère. Oui, elle était responsable du fait que Regina soit dans ce lit, mais si Regina n'avait pas passé son temps à comploter contre elle, jamais elle n'en serait venue à de pareils extrêmes, dont celui de rentrer chez elle par effraction. — Parlons-en de ce dossier ! Regina détourna le regard sur sa main qui repassait le drap bleu qui recouvrait ses jambes. Que pouvait-elle dire en se sachant en tort. — J'avais demandé à Graham de se renseigner sur toi quand tu es arrivée en ville. — Pourquoi ? demanda Emma Mais le docteur Whale entra à cet instant et les interrompit. — Bien, vos résultats ne présentent aucune anomalie. Vous allez pouvoir sortir... Regina voulut se redresser mais le docteur Whale reprit : — Cependant... — Cependant quoi ? s'énerva la Reine.
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— Vos brûlures ne sont pas anodines, reprit Whale. Vous devrez les soigner pour éviter tout risque d'infection, je suis très sérieux. — Je le ferai. Il lui tendit un document : — Voici une prescription pour vos antibiotiques. Prenez-les c'est aussi très important. Regina saisit le document. — Et n'hésitez pas à revenir ou à m'appeler si vous vous sentez mal. Il s'adressa à Emma : — Est-ce que vous comptez la ramener chez elle ou devons-nous appeler un taxi ? Emma réalisait qu'elle devrait en plus baby-sitter la Reine. — Je m'en occupe ! — Bien... Regina, reprit-il à la Reine. Bon rétablissement. Le docteur Whale quitta la chambre et Regina s'assit difficilement sur le rebord du lit. Emma la constatait fébrile, comprenait les recommandations de Whale. Elle s'agaça de son élan de "bonté" et contourna le lit : — Ok, je vais vous aider, fit-elle. Restez assise, où sont vos affaires ? Regina releva sur Emma un regard empreint d'incertitudes sur le ton avec lequel elle s'adressait à elle. Elle resta malgré tout assise sur le lit et répondit : — Dans le placard...
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Emma l'ouvrit, trouva la jupe noire de la Reine, ses bottes hautes, son chemisier blanc puis ses sous-vêtements. Quand elle se tourna pour les donner à Regina, elle s'arrêta net, son regard sur le corps dénudé qui se tenait à un mètre d'elle. Des émotions paradoxales la saisirent en constatant les brûlures dont Whale avait parlées un instant plus tôt. Des brûlures qu'Emma n'avait pas vues sous la blouse de Regina, des blessures importantes qui lui rappelaient que la Reine l'avait protégée et qu'à aucun moment, depuis son réveil, ne lui avait reproché de l'avoir fait ou avait émis l'idée d'un regret. Oui, le corps de Regina était meurtri, révélait la violence du choc de la boule magique lancée par Cora. Des blessures qui souillaient ses formes souples, féminines et voluptueuses. Regina ne l'avait pas quittée du regard, loin d'être gênée d'avoir ôté sa blouse devant Emma et de constater celui qu'elle posait sur elle. Elle se leva malgré sa fébrilité et se retrouva debout, toujours nue devant la blonde. L'attention soudaine qu'Emma lui portait la toucha, lui donna le sentiment étrange qu'Emma la regardait ainsi pour la première fois. Enfin, elle captait le reflet de son inquiétude à travers ses prunelles bleues, un soupçon que tout n'était pas tout à fait comme avant. Elle récupéra ses sous-vêtements d'un geste lent et vit le regard d'Emma remonter dans le sien dans un sursaut. — Je vais vous laisser... vous changer ! ponctua-t-elle l'air soudainement confus. — Tu peux rester, répondit simplement Regina. Emma se tourna, les sourcils froncés, réalisant que de toute façon elle ne pouvait partir car Whale lui avait chargé de ramener Regina chez elle. — Oui, je reste... Mais je vous attends... Elle se dirigea vers la porte. 22
— Dans le couloir. Regina comprit qu'Emma fuyait littéralement la chambre et sa nudité. Mais que Diable se passait-il depuis son réveil ? Plus Regina reprenait ses esprits, plus elle savait que quelque chose s'était passé. Quelle magie leurs mères respectives avaient-elles voulu utiliser encore pour les éloigner l'une de l'autre ?
Chapitre 9 : Heureux évènement Le regard d'Emma demeurait absent tandis que ni elle, ni Regina n'avaient prononcé un seul mot depuis leur départ de l'hôpital. Assise dans l'horrible caisson métallique jaune servant de voiture à Emma, Regina avait bien lancé quelques regards interrogateurs vers celle-ci en la constatant silencieuse. Elle avait attendu que la Sauveuse lui parle, en vain. Emma se gara devant l'imposante villa de Regina et sortit de sa voiture pour aller ouvrir la portière à la Reine encore affaiblie. Elle lui tendit la canne prêtée par l'hôpital et commenta en la voyant sortir de sa coccinelle: — Comme ça, vous pourrez dire que vous êtes la version féminine de Gold ! Regina fronça les sourcils : — Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, Miss Swan, répondit Regina comme elle le faisait d'habitude quand Emma se moquait d'elle ou l'agaçait. Emma sourit, trouvant justement sa comparaison amusante. Elle préférait le sarcasme aux insultes avec la Méchante Reine et si Regina semblait poursuivre la "trêve" de 23
l'anniversaire d'Henry d'une manière qui la dépassait totalement, Emma, elle, ne trouvait d'autre moyen de converser pour le moment. — L'essentiel c'est que moi je le vois, répondit-elle. Regina marcha d'un pas lent, peu assuré vers les portes de sa résidence et Emma s'arrêta sur le palier : — Vous êtes chez vous, j'ai fait ce que je devais faire alors je vous laisse ! Je dirai à Henry de vous appeler et je vous l'amène samedi prochain. Regina ne comprit pas ce départ précipité, pas plus que les mots d'Emma : — Comment ça samedi prochain ? Il n'est pas à la maison ? Et où vas-tu ? Ce dont Gold lui avait parlé se manifestait à nouveau, s'agaçait Emma sur ce tutoiement et les questions de Regina. Elle leva les sourcils : — Ok, écoutez... Je n'ai pas très bien compris ce qui vous arrive ni ce que je dois faire pour que les choses reviennent à la normale, mais j'ai assez perdu de temps et j'imagine qu'un petit tour chez vous vous aidera à vous remettre les pendules à l'heure. Sur ce, bonne nuit ! Emma partit d'un pas pressé et Regina se résigna à la regarder s'éloigner, désemparée par ce départ soudain. Elle ouvrit les portes de sa demeure, y entra, constata le silence troublant, angoissant qui y régnait. Ce qui se passait depuis son réveil était si étrange, si irrationnel. Elle avait l'impression désagréable d'avoir fait un bond dans le temps, des années dans le passé, quand Emma et elle n'avaient eu de cesse de se faire la guerre et de se disputer Henry. Quel sort sa mère avait-elle donc jeté pour qu'Emma soit si distante avec elle ? 24
Le pas fébrile, elle rejoignit son bureau et trouva le résultat de son affrontement avec sa mère. Les photos qu'Emma avait découvertes dans son dossier confidentiel étaient encore sur le bureau. Elle retourna dans le salon, le pied de sa canne résonnant à chaque pas et constata que tout était à sa place. Tout si ce n'étaient finalement les cadres photos d'Emma, d'Henry et d'elle qui avaient tous disparu. Un sort, cela ne pouvait être qu'un sort, tentait-elle de se rassurer. Ce qui signifiait que cette situation n'était pas définitive, irréversible ! Elle s'assit sur le canapé, épuisée, ôta ses bottines et tenta de réfléchir au sortilège qui s'abattait sur elle. Henry avait finalement trouvé le sommeil la veille quand ses grands-parents lui avaient dit que sa mère allait mieux, qu'elle sortirait de l'hôpital dans la soirée. Puis il s'était levé de bonne heure et avait trouvé Emma déjà debout, préparant les pancakes pour le petit-déjeuner. Quand il s'approcha de la table pour s'asseoir il remarqua aussitôt que David et Mary-Margaret s'arrêtèrent de parler. Sa maman blonde vint poser un baiser sur son front et demanda : — Bien dormi ? Henry acquiesça, mal réveillé et récupéra un pancake dans l'assiette qu'Emma venait de poser : — Oui... Comment va ma mère ? demanda-t-il aussitôt. Emma lança un coup d'œil à ses parents qui étaient conscients de la situation étrange dans laquelle elle se trouvait. — Elle va bien, dit-elle. Et elle ne mentait pas vraiment. Médicalement parlant, le docteur Whale avait dit que tout allait bien. — Alors c'est vrai ? fit Henry. Elle t'a protégée contre Cora quand tu étais dans son bureau. 25
Emma s'agaça auprès de ses parents : — Vous lui avez vraiment tout raconté à ce que je vois ! — Tu nous as dit de le rassurer, se défendit Blanche. On a suivi tes directives. — Je suis content qu'elle l'ait fait, intervint Henry. Ca prouve qu'elle veut vraiment changer et faire le bien. Son fils n'avait pas tort mais Emma ne l'admettrait pas avec autant d'enthousiasme. Même si les gens changeaient, même si elle était la preuve vivante qu'une "mauvaise" personne pouvait revenir sur de "mauvaises" décisions, elle avait du mal à assimiler que la Méchante Reine puisse devenir la "Gentille Reine". — Je suis contente aussi, avoua-t-elle. Car quoi qu'elle pouvait dire, Regina lui avait effectivement sauvé la vie. — Est-ce qu'on pourra aller la voir après l'école ? demanda Henry Emma ne pouvait pas refuser cette requête de la part de son fils, empêcher Henry de voir sa mère adoptive, même si elle craignait que les réactions de Regina la mettent mal à l'aise. — Oui, si tu veux. — Super, se réjouit Henry ! Il termina son petit déjeuner, se leva et s'éloigna vers la salle de bains pour se doucher. — Tu as réussi à dormir ? demanda Mary-Margaret à sa fille qu'elle voyait encore tendue. — J'imagine que j'ai dormi puisque je ne me souviens plus du moment où j'ai fermé les yeux. Vu qu'il faisait jour quand 26
je les ai ouverts, j'ai sans doute dormi, termina-t-elle dans une longue tirade inutile. Preuve pour Mary-Margaret que sa fille était vraiment tendue et ce, dès le matin. — Tu devrais rester te reposer aujourd'hui, conseilla David. Je peux te remplacer au commissariat. Emma se servit une énième tasse de café. — Non, on doit toujours trouver Cora. Elle a failli m'avoir l'autre soir, elle ne manquera pas son coup la deuxième fois ! Ce fut une main tendue que Regina posa sur la place vide à côté de la sienne dans le lit. Elle se redressa, déboussolée, se rappela que les évènements de la veille s'étaient réellement produits. La mine soudainement abattue, elle quitta son lit, habillée d'une nuisette de satin pourpre comme seule tenue. Devant elle se profila alors son reflet à travers le grand miroir de sa garde robe. Les affaires d'Emma n'y étaient plus. Tout ce qui pouvait lui rappeler leur vie de couple, de près ou de loin, avait disparu. Regina était seule, Emma n'était plus avec elle et un sentiment mêlé de colère et d'amertume s'insinuait dans chaque cellule de son être. Elle ignorait les blessures infligées à son corps par le sort de sa mère. La douleur était là, persistante, mais celle subie par l'absence d'Emma était bien plus insupportable. Elle saisit un peignoir, s'y enveloppa et quitta la pièce pour rejoindre le salon. Ce même silence perdurait, lourd, symbolique, oppressant. D'un geste de la main, elle enclencha le tourne disque posé sur le grand meuble du salon et résonna alors un concerto pour piano de Chopin. La musique avait le mérite de la détendre et de calmer ses craintes provoquées par cette soudaine solitude. L'absence d'Emma était si pesante qu'elle en avait oublié ce sentiment d'abandon ressenti quand elle était seule. D'un claquement 27
de doigts, une tasse de café apparut sur la table et elle s'assit avant de la prendre, de s'enfoncer dans le sofa en réfléchissant à ce qu'il conviendrait de faire aujourd'hui. Elle devait voir son fils, elle devait voir Emma, peu lui importait ce que cette dernière pensait avoir oublié d'elles et peu importaient ses parents ou les autres habitants de Storybrooke. Quand la sonnerie de son école retentit à midi, Henry eut la bonne surprise de trouver sa maman brune dans le couloir devant la porte de sa classe. Tandis que les autres élèves s'éloignaient en courant, il s'approcha de sa mère, réjoui : — Maman ! Tu es venue me voir ?! Regina lui sourit tendrement et se baissa pour l'enlacer. — Bonjour mon chéri, comment tu vas ? Henry l'étreignit aussi et se recula : — Je vais bien, je suis content que tu sois venue, j'étais inquiet ! On devait venir te voir ce soir avec maman après l'école mais c'est encore mieux si on se voit maintenant en plus de ce soir. Quand Regina se redressa, Henry remarqua la canne sur laquelle elle se tenait mais ne fit aucune remarque. MaryMargaret sortit de sa classe avec quelques documents en main, surprise de voir Regina : — Madame le Maire... Je ne savais pas que vous deviez venir prendre Henry. — Et oui, que voulez-vous, je suis pleine de surprise. Elle s'adressa à son fils : — Tu peux aller m'attendre dans la voiture, je dois m'entretenir avec mademoiselle Blanchard. 28
— Ok, fit Henry... Il s'éloigna sous le regard protecteur de Madame le Maire qui le reporta sur Blanche, aussitôt accusateur : — Qu'avez-vous dit ou fait à Emma pour qu'elle soit si distante et odieuse avec moi ? Mary-Margaret ne comprit pas. — Je ne sais pas de quoi vous parlez, Regina. Je ne lui ai rien fait... Pourquoi lui ferais-je quoi que ce soit d'ailleurs ? — Vous le savez très bien ! Vous ne supportez pas qu'elle et moi vivions ensemble et que je puisse porter son enfant ! Les yeux de Mary-Margaret s'écarquillèrent sur ces mots qu'elle n'aurait jamais pu croire entendre un jour de la part de la Reine. Malgré elle, en constatant le sérieux de Regina elle ramena sa main devant ses lèvres où se profilait un sourire plus nerveux que moqueur. Regina se tendit : — Cela vous fait rire ? lança-t-elle. Rira bien qui rira le dernier mademoiselle Blanchard. Emma est à moi, autant qu'Henry est notre fils ! Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour récupérer ce qui m'appartient et vous savez que je ne plaisante pas ! Elle s'éloigna d'un pas qui se voulait résolu malgré sa fatigue toujours causée par la douleur de ses brûlures. Blanche la suivit des yeux, stupéfaite. Elle n'avait su quoi répondre et qu'aurait-elle pu répondre d'ailleurs ? Un enfant ? Regina pensait sincèrement être enceinte d'Emma ? Cela dépassait tout ce qu'elle avait pu voir dans la Forêt Enchantée ou même à Storybrooke. Sa fille n'avait alors peut-être pas tort. Regina avait perdu la raison en ramenant ses indicibles secrets de son inconscient dans sa vie réelle. Elle devait la prévenir de toute urgence.
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David tentait de garder son sérieux, mais n'y parvenait pas. Mary-Margaret était venue les voir au commissariat leur rendre compte de son face à face avec Regina. Tous les deux avaient ri de bon coeur, mais Emma ne semblait pas apprécier cette mauvaise plaisanterie. Vers une heure et demie, Mary-Margaret était retournée en classe pour ses cours de l'après-midi et, assise près de David, Emma fouillait les rues des yeux en cherchant un indice sur une demeure qui aurait pu accueillir Cora. Elle lança un regard à son père et le vit sourire tout seul à ses pensées : — Tu as fini, lança-t-elle agacée à son père. — Je ne dis rien, se défendit-il. — Tu le penses assez fort pour me mettre mal à l'aise. — Emma, avoue que c'est tout de même la chose la plus incroyable que Regina Mills n'ait jamais inventée. Il lança un coup d'œil à sa fille qui restait bras croisés, la mine résolument fermée. — Mieux vaut en rire tu ne crois pas ? reprit-il. — Je ne vois pas vraiment pas ce qu'il y a de drôle. — Le seul fait qu'elle pense qu'elle et toi vous... — Hé ! l'interrompit-elle. Je ne veux pas en entendre parler, est-ce que c'est clair ? — Très bien, je ne dis plus rien, se défendit David. — Ouais, t'as pas intérêt !
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Chapitre 10 : Ce qui est évident pour l'une... Assise dans son bureau, Regina regardait une à une les photos d'Emma que celle-ci avait découvertes dans son dossier. A défaut de l'avoir près d'elle, elle tentait de se réconforter avec ces images volées puisqu'on lui avait dérobé les souvenirs d'une vie entière. Seule la chambre d'Henry était toujours là avec ses jouets et ses livres. Mais tout le reste n'était plus, comme si sa vie avec Emma n'avait jamais existé, balayée par un sort dont elle ignorait tout. Devenait-elle folle ? Avait-elle perdu l'esprit comme Emma ne se privait pas de le lui faire croire ? Elle entendit frapper et reprit un peu de courage en sachant qu'Emma arrivait avec Henry. Elle s'empressa d'aller ouvrir et tenta un léger sourire : — Salut vous deux. Emma ne se ferait pas à ce sourire et ce regard si différent que Regina posait sur elle. Ses mains dans les poches, elle expliqua : — Il peut passer la nuit chez vous, si vous voulez. J'irai le chercher demain après l'école. Regina n'allait pas encore la laisser partir. — Je suis sûre qu'Henry sera ravi que tu restes un peu et je comptais lui offrir son dernier cadeau. Henry fut le premier à réagir : — Oh oui, reste Emma ! On va faire une petite fête tous les trois.
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Garder les sourcils froncés devenait de plus en plus naturel chez Emma en présence de Regina. Celle-ci utilisait Henry pour la faire rester et elle ne pouvait donc refuser. — Ok, mais je ne reste pas trois heures Henry, tu sais que j'ai des choses à faire. — Deux heures et demi alors, plaisanta Henry. Emma entra tandis que Regina fermait la porte derrière elle et profitait de la vue sur la silhouette de la blonde habillée d'un petit jeans moulant et d'un pullover cintré. Emma se tourna vers elle, l'obligeant à sortir de sa contemplation. — J'espère que votre mère ne va pas encore apparaître à l'improviste pour tenter de me tuer. Regina la rassura : — Ma mère ne peut plus entrer. J'ai installé des barrières de protection magique. Elle passa devant la blonde : — Whisky sec, je présume ? Emma leva un sourcil : — Vous présumez bien... — Fais comme chez toi. Je reviens... Emma fit quelques pas dans le salon. Regina avait-elle vraiment fait un sort contre sa mère ? Si tel était le cas, cela signifiait qu'elle refaisait de la magie, mais pour l'instant, elle ne ferait aucun commentaire sur ce sujet. Elle s'assit dans le fauteuil, Henry dans le canapé qui lui dit tout bas et d'un air secret : — Tu vois, je te l'avais dit, qu'elle était plus gentille que d'habitude. 32
Emma le savait déjà, mais comment expliquer à son fils que cet état ne serait pas définitif ? Rien ne l'était avec la magie, pas plus avec Regina. Et Emma ne voulait pas qu'Henry soit déçu quand les choses reprendraient leur place et leur état d'origine. Regina revint, un plateau en main qu'elle posa sur la table basse. Elle servit un verre de jus de pomme à Henry : — Tiens mon chéri, et n'abuse pas des cookies, tu n'auras plus faim quand on passera à table. Elle regarda Emma et lui tendit son whisky sec. — Miss Swan... Emma le saisit. — Merci. La Sauveuse remarquait une chose étrange. Regina semblait parfois sincère, parfois joueuse, parfois provocante dans sa façon de s'adresser à elle et de la regarder. Henry demanda très vite : — Alors, il est où mon cadeau ? Regina se leva : — Je vais te le chercher. Emma la suivit des yeux en la voyant s'éloigner vers son bureau. Qu'avait-il de si spécial ce cadeau après tout ce que la Reine avait déjà offert à leur fils ? Et Emma eut très vite sa réponse quand elle vit Regina approcher avec un panier dans lequel se tenaient deux chatons blancs aux poils longs et aux yeux d'un bleu azur. — DES CHATS ! s'écria Henry.
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Regina était ravie de le voir si enthousiaste. Naturelle, elle s'assit sur l'accoudoir du fauteuil où se trouvait Emma et lui sourit : — Ca fait des mois qu'il m'en réclame. Emma le savait et jamais elle ne se serait attendue à ce que Regina accepte d'offrir à leur fils un animal, même deux animaux de compagnie. — Ils sont trop mignons, s'enthousiasma Henry les yeux brillants. Il regarda sa mère blonde. — T'as vu ça maman ? Ils jouent ensemble ! Emma lui sourit, incertaine et releva son regard vers Regina : — Je croyais que vous étiez allergique aux chats ? — Je le suis, répondit-elle simplement. J'ai demandé au docteur Whale de me faire une piqûre anti-allergène, ce qu'il a fait ce matin. Emma était décontenancée par ce moment et Regina le constatait dans ses yeux bleus et accusateurs qu'elle connaissait si bien. La Reine s'accommodait pourtant de leur condition qui la forçait à reconquérir Emma dans l'attente de trouver une explication ainsi qu'un remède efficace à leur situation. Elle se leva : — Je vais nous chercher des amuse-gueules pour l'apéritif. Emma la vit s'éloigner et, voyant Henry occupé avec ses chatons, se leva pour rejoindre Regina dans la cuisine. Elle se cala dos au plan de travail, bras croisés et accusa sans attendre : — Vous avez menacé ma mère aujourd'hui ! 34
Regina soupira doucement, préparant sur un deuxième plateau plusieurs bols d'amuse-gueules. — En effet. Je lui ai dit de se tenir à l'écart de notre relation. Emma pensa rêver. Leur "relation"... Regina croyait-elle sincèrement qu'une telle aberration existait entre elles ? — Je ne sais pas dans quel monde vous vivez, mais dans celui où nous sommes je ne suis pas... Un court silence s'installa. Regina se tourna alors vers Emma, son regard fixé dans ses yeux bleus qui ne cessaient de la défier : — Tu n'es pas quoi ? répéta-t-elle. — Nous n'avons aucune relation Regina ! Tout ça c'est dans votre tête ! Une serviette en main et le regard franc, Regina vint à sa hauteur sans la quitter des yeux, assez près pour être en mesure de respirer les effluves sucrés qu'Emma dégageait. Regina la sentait, cette tension grisante qui les avait rapprochée des années auparavant, cette magie impossible à reproduire, si palpable, si puissante et pourtant si fragile. Sans un mot, ses doigts audacieux remontèrent aux cheveux d'Emma, les lissèrent lentement et se saisirent d'une mèche qu'elle coinça derrière son oreille. A aucun instant, Regina n'avait rompu le contact visuel, mesurant combien ce simple contact troublait la mère de son fils. Non, Emma se trompait, Regina ne rêvait pas cet instant, elle pouvait le voir à travers les réactions d'Emma. Par dessus tout, Emma ne s'était pas reculée, ne l'avait pas arrêtée, preuve irréfutable que la magie ne pouvait totalement rompre la force de leurs sentiments. — Dans ma tête ? répéta-t-elle d'une voix plus basse.
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Emma s'était tendue face à cette approche troublante. Le regard brun de Regina l'avait transpercée de part en part et son geste, aussi inattendu soit-il avait provoqué bien pire. Ici, seules, loin de ses parents, d'Henry qui était pourtant dans la pièce voisine, il lui était plus difficile de s'opposer à ce qu'elle ressentait, de nier les sentiments mêlés de colère et de confusion que Regina faisait naître. Car la confusion avait de loin pris le pas sur le reste en cette seconde. Henry entra : — Qu'est-ce que vous faites ? Emma tenta de se ressaisir, comme prise sur le fait. Elle se recula comme elle put de la proximité de Regina. Une main nerveuse passa dans ses cheveux dorés et elle répondit à son fils : — On discutait... Et on disait que je devais y aller... — Mais on vient à peine d'arriver, argumenta Henry d'un air triste. — Oui, mais je suis le shérif et en tant que telle je... Emma s'agaçait de constater le regard vainqueur de Regina qui lui signifiait qu'elle fuyait cet instant en prétextant de lamentables excuses. — ... je me dois d'être disponible... Regina n'avait pas bougé, se régalait de la nervosité évidente d'Emma, une nervosité qu'elle était sûre d'avoir déclenchée dans son approche tendre à son égard. Elle ne pouvait qu'en sourire, charmée. — Dans ce cas Miss Swan... On se voit demain ? — Pourquoi demain ? s'emballa Emma sur la défensive. — Je t'invite à dîner... 36
— Je refuse, répliqua Emma. — J'insiste... — Un dîner en tête à tête ? comprit soudainement Henry. — C'est hors de question, s'enquit Emma. — Je cuisinerai, répondit Regina sans quitter la blonde des yeux. Le regard du petit brun transparut tout l'espoir que la fiole de Gold lui avait donné quand il avait fait le souhait que ses mamans et lui forment une vraie famille. Que dirait Emma ? — Je vais y réfléchir, répondit Emma pour abréger en croisant le regard insistant d'Henry. Car Emma perdait pied. Quel était ce jeu pervers auquel Regina s'adonnait devant leur fils ? Elle regarda Regina : — Vous me raccompagnez ? — Bien sûr... Regina lança un tendre sourire à son fils et suivit Emma jusqu'à l'entrée de sa demeure. Une fois sur le palier, Emma sortit de ses gonds d'une voix basse pour ne pas alerter Henry : — Mais qu'est-ce qui vous prend ? Je peux savoir à quoi vous jouez ? — Je ne joue pas, répondit Regina d'un air très sérieux. — Vous m'invitez à dîner ? Et puis quoi encore ? Vous voulez aussi qu'on aille au cinéma ? Regina ne parvenait pas à garder toute sa contenance et son assurance face à tant de rejet et d'ironie dans le ton d'Emma.
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Malgré le court instant intime qu'elles venaient d'avoir dans la cuisine, Emma reculait... Encore. — J'ai besoin que nous passions du temps ensemble, tentat-elle avec franchise. — Ne vous foutez pas de moi ! s'emballa Emma. Il n'y a pas de "nous" ! On n'est pas amies ! Emma s'éloigna et quitta le jardin avant de monter dans sa voiture et de disparaître au coin d'une rue. Regina ferma la porte derrière elle et trouva Henry à sa hauteur quand elle se retourna : — Qu'est-ce qui se passe avec Emma ? demanda-t-il. — Si seulement je le savais, répondit Regina. Henry la vit repartir vers le salon, la mine fermée, le regard triste, comme il l'avait souvent vue ces derniers jours. Que pouvait-il faire pour la réconforter ? Maintenant que sa maman brune faisait tout pour être gentille, sa maman blonde s'en prenait à elle. Il avança d'un pas hésitant et vit des larmes couler sur son profil. — Maman ? interpella-t-il inquiet. Regina tenta de se reprendre. Effaça ses larmes du revers de sa main et força un sourire : — Oui mon chéri ? En onze ans, Henry n'avait pas le souvenir d'avoir vu sa mère pleurer. Il vint s'asseoir près d'elle. — Tu veux bien me dire ce qui se passe ? Regina le pouvait-elle ? Devait-elle dire à son fils que la vie telle qu'elle était aujourd'hui n'était pas la réalité ? Du haut de ses onze ans, Henry avait su faire preuve de maturité, de perspicacité et de bon sens. Regina n'oubliait pas non plus 38
qu'Emma faisait partie de sa vie grâce à lui. Peut-être lui devait-elle bien quelques explications...
A suivre
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