Titre : The Queen and the Big Bad Saviour Rating : K+ / M Pairing : Emma / Regina Genre : Drama / Angst / Romance / DeathCharacter Spoiler : Saison 3 Résumé : Henry s’apprête à donner son cœur à Peter Pan. Comment réagiraient la Sauveuse et la Reine si ce dernier venait à mourir ? * * *
Chapitre 1 : La vie n’est pas un conte de Fées !
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Regina n’en pouvait plus de ce « Pays Imaginaire ». Qui avait pu imaginer un tel endroit ? Trop humide, trop chaud, envahi d’insectes en tout genre, la Reine ne supportait plus de devoir dormir à même le sol, sans parler des animaux sauvages qu’ils croisaient… Regina n’était pas dans son élément depuis leur arrivée. Elle n’avait même pas eu le temps de se changer et ses pieds commençaient sérieusement à être douloureux à force de marcher dans cette jungle sans chaussures adaptées. Pour se réconforter, la Méchante Reine imaginait mettre la main sur ce sale gamin de Peter Pan pour lui arracher le cœur et le piétiner
jusqu’à ce que mort s’en suive. Il avait osé lui enlever son fils et méritait de ce fait les pires châtiments, notamment pour l’avoir obligée à porter les mêmes vêtements depuis tant de jours sans pouvoir se laver convenablement. La nuit était tombée sur le Pays Imaginaire et comme chaque soir, David et Crochet s’étaient occupés de chasser pendant que Blanche gardait le camp avec sa fille. Regina ne supportait pas les Charmant ni même le Capitaine, Gold ou Neil mais cette « collaboration » contre son gré était nécessaire pour sauver Henry. Pendant qu’Emma et Blanche discutaient près du feu qu’elle avait allumé parce qu’elle était la seule à faire de la magie, Gold étant sommé par son fils de ne plus en faire – la Reine s’était éloignée du campement pour récupérer du bois et trouver un peu de calme. Elle se demandait parfois si elle ne parviendrait pas à retrouver son fils plus rapidement que la plupart d’entre eux si elle le cherchait seule ou à la limite avec Emma Swan. — Regina ? entendit-elle derrière elle. Elle se tourna et vit la blonde approcher, repoussant à coups de sabre les feuilles de palmier sur son passage. Des branches mortes dans les bras, Regina garda ses yeux baissés vers le sol afin d’en ramasser d’autres. — Miss Swan… Vous venez m’aider ? Parce que je commence à être fatiguée d’être relayée aux corvées de ramassage sur cette île maudite ! J’ai des talents qui seraient bien plus utiles à chacun d’entre nous si on me laissait davantage de liberté ! Une fois de plus, Regina râlait et exprimait son mécontentement palpable. Emma finit par en sourire légèrement, habituée à ses commentaires après autant de jours à la côtoyer. Et comment l’en blâmer ? Regina faisait preuve de tempérance et de collaboration depuis qu’ils
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s’étaient réunis pour sauver Henry. Emma ne pouvait donc lui reprocher de se plaindre. Elle s’approcha et répondit : — Si on vous laissait libre de faire ce que vous vouliez, tout le monde serait mort à l’heure qu’il est… Regina approcha et tendit à Emma les branches devenues trop lourdes à porter. — Pas tout le monde, rassurez-vous, répondit-elle. Je vous épargnerais uniquement parce qu’Henry me le demanderait. Emma leva les sourcils en constatant qu’en plus, Regina la prenait pour un porteur. — Vous m’en voyez rassurée tout à coup… — Je plaisante Miss Swan… — Je le sais, Regina. J’ai fini par discerner le vrai du faux avec vous. Regina pinça un très léger sourire, réaction inhabituelle de sa part depuis la disparition d’Henry. Elle fouilla parmi les branchages tandis qu’Emma la suivait. — C’est tant mieux, répondit Regina, ça nous évitera de longues explications quand je vous ferai part de mes avis sur certaines choses que je n’apprécie pas depuis que nous sommes arrivés. Emma plissa les yeux sur cette longue remarque. Elle observa Regina, affairée au ramassage de feuillages pour le feu. Après quelques réflexions, elle pensa comprendre cette petite allusion et demanda : — Ca vous a pas plu, pas vrai ? Ce qui s’est passé entre Crochet et moi, ça vous reste en travers de la gorge… Fallait le dire que vous étiez capable d’attirance envers un être humain. 3
Regina se redressa, les sourcils froncés, le regard accusateur sur Miss Swan. Elle revint vers elle et posa abruptement les branches dans ses bras. — Vous n’êtes pas du tout mon genre. Aussitôt, Emma se sentit embarrassée et rectifia sans tarder : — Mais je… Je parlais pas de moi, là ! Regina leva les sourcils, prise par sa propre remarque. — Et bien Crochet encore moins ! Cette fois, Emma resta muette, les yeux sur Regina. Jamais, elle n’aurait cru la Reine à ce point ouverte, capable d’envisager une attirance pour une autre femme. Son expression révélait toute sa confusion tandis qu’elle imaginait bien malgré elle, ce qu’aurait pu être une éventuelle relation avec elle… Elle se mit à rougir tel un phare, submergée par une vague de chaleur venue tout droit du creux de son ventre. Perdait-elle la raison pour penser à ce genre de chose ?! A force de passer trop de temps près de la Méchante Reine, elle finissait par se perdre dans ses pensées ! Emma toujours derrière elle, Regina continua sa quête de bois sec pour le feu. Seulement, quand sa main écarta les feuilles d’un buisson, elle tomba nez-à-nez avec un serpent comparable à un boa plus effrayant que dangereux. Dans un réflexe, elle sursauta, se tourna si apeurée vers Emma qu’elle en perdit l’équilibre et se retint à elle. Celle-ci venait de lâcher les branches pour empêcher Regina de tomber dans son élan de panique. Par manque de chance, son pied se prit dans une liane et toutes les deux chutèrent sur le sol, Regina tombant littéralement sur elle.
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Celle-ci se redressa doucement en regardant Emma, incertaine et encore sous le coup de ses émotions après cette rencontre choquante. — Merci… Mais la Reine réalisa alors leur position particulière, leur visage à quelques centimètres l’un de l’autre en sentant les mains d’Emma Swan sur ses hanches. Et bien sûr, Emma songea à nouveau à ses réflexions quelques minutes plus tôt, cette attirance éventuelle dont Regina avait parlé. Dans cette position, sous son corps, elle se sentit démunie et beaucoup moins certaine. Pourquoi la détaillait-elle avec autant d’insistance d’ailleurs ? Pourquoi était-elle en train de réaliser à quel point Regina était belle ? … Dans une envie aussi soudaine qu’inattendue, elle redressa le visage et l’embrassa. Ses lèvres sur les siennes découvrirent alors des saveurs douces et exaltantes à la fois. Et plus elle les goûtait, plus elle en voulait… Ce baiser fut chaud, à peine humide et très excitant mais Regina se recula et le rompit après avoir réalisé qu’elle venait de répondre à la Sauveuse. Son regard accusateur devint alors confus car la Reine était consciente que ce baiser, provoqué par la Sauveuse, lui avait fait ressentir un soupçon de chaleur et de réconfort. Aussi court venait-il d’être, Regina l’avait apprécié à sa juste valeur malgré les conditions dans lesquelles Emma Swan venait de le lui donner. Mais la Sauveuse prit conscience de ce qu’elle venait de provoquer avec Regina. — C’est pas ce que vous croyez… tenta-t-elle. Regina n’en était pas si sûre après la courte conversation qu’elles venaient d’avoir. Elle se reprit malgré tout et se redressa en s’époussetant un peu. Emma Swan venait de l’embrasser, se répétait-elle.
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— Et si ce n’est pas ce que je crois, comment appelez-vous ce qu’il s’est passé quand les lèvres de Crochet ont touché les vôtres ? Emma fronça les sourcils en la détaillant. Elle aussi venait de se relever et frottait ses mains l’une contre l’autre pour se débarrasser de la terre. — C’était pour le remercier, répondit-elle. Là, c’était… Elle n’était pas sûre de savoir ce que ce baiser signifiait. Mais elle avait embrassé Regina ! — C’était une… Une sorte de… — D’expérience ? interrogea Regina. Emma leva les sourcils et ramena ses mains contre ses reins pour réfléchir. Elle ne supportait pas de se retrouver ainsi, aussi embarrassée surtout devant Regina ! — De pulsion, précisa-t-elle. Après tous ces jours à marcher dans cette jungle… C’est cette île… Et Peter Pan… Et vous ! Sur cette dernière accusation, elle l’avait désignée d’un geste de la main et Regina venait de lever les sourcils sur ce reproche. La Reine vit Emma ramasser les branches et l’aida. — Je préfèrerais encore que vous me disiez que je suis à votre goût plutôt que de trouver une excuse qui n’est pas valable. Emma la vit déposer d’autres branches dans ses bras et la prendre à nouveau pour un porteur. Son regard ne la quittait plus et l’observait. De toute évidence, Regina ne semblait pas offusquée, ni dégoûtée bien au contraire. Elle n’en fut que plus confuse et incertaine…
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— Justement… Ca fait des jours que vous vous baladez avec votre chemisier ouvert... Et vous me tombez littéralement dessus… Je m’étonne même que Crochet m’ait embrassée moi plutôt que vous… Regina s’arrêta dans son élan et regarda le Shérif. — Insinueriez-vous que je vous allume Miss Swan ? Emma leva les sourcils et prit une seconde d’hésitation. — Je suis pas en pierre ! Regina plissa les yeux en voyant l’air plus arrogant d’Emma qui la regardait de haut pour appuyer ce dernier propos. Elle finit par sourire sur les arguments très valables du Shérif. — Je trouvais aussi étonnant qu’une jeune femme comme vous, et ne le prenez pas mal, aux allures guerrières, puisse s’intéresser à des hommes comme Crochet ou Neil. Avouez que vous n’allez pas du tout ni avec l’un, ni avec l’autre. Emma gardait ses yeux sur Regina et se demandait finalement ce qu’elle avait pensé de ce baiser. Dans un sens, elle se rassurait de constater que la Reine n’en tenait pas rigueur et ne montait pas sur ses grands chevaux pour la traiter de tous les noms. — Vous êtes en train de me dire que j’ai des airs de garçon manqué, là ? Regina constata qu’elle venait de vexer le Shérif et en sourit, amusée. — Admettez que vous n’êtes pas un modèle de féminité avec votre… Tenue et votre épée dans le dos. Emma tut un grognement de mécontentement sur ces commentaires censés la décrire. Regina la constata tendue et reprit en lui tendant un autre paquet de branches. 7
— Je plaisante, Miss Swan. Inutile de me faire votre regard accusateur. — Non, vous plaisantez pas, là et je le sais… Mais je m’en fous, allez-y… Traitez-moi de ce que vous voulez, en attendant, je fais attention à ne rien suggérer, moi… L’expression de Regina ne fut nullement offusquée. — La suggestion n’existe que pour celui qui regarde. Emma leva les sourcils sur cette nouvelle expression sortie de nulle part. — Vous êtes tombée sur moi ! Et Regina répondit tout naturellement. — Vous m’avez embrassée ! Emma bougonna sur ce dernier rappel. Mais elle avait beau se répéter qu’elle avait embrassé Regina, elle ne parvenait pas à le regretter. — Et vous vous êtes laissée faire… Regina marcha vers la lisière du bois et écarta les branches en se tournant vers Emma : — Il faut croire que j’ai aimé… Cette fois, Emma se retrouva encore muette sur cette dernière annonce. Regina l’allumait encore ! Elles rejoignirent le campement où se trouvaient les autres et Emma déposa les branches près du feu, l’air mécontent. Crochet, David et Neil étaient revenus et un lapin était en train de cuire au-dessus du feu. Le Capitaine les regarda s’installer et demanda à Emma : — Tout va bien ? 8
Mais ce fut Regina qui répondit en essayant de rendre plus confortable le tronc où elle devait s’asseoir. — Comment voulez-vous que ça aille ? Ça va faire six nuits que je ne dors pas dans un vrai lit. — Avec un peu de chance, ce sera la dernière au Pays Imaginaire, dit Gold. Le camp de Pan n’est plus très loin. Emma ne disait rien et ruminait sa brève conversation avec Regina. Celle-ci avait eu le mérite de la sortir un peu de ses pensées incessantes au sujet de leur fils. Pour une fois, ses inquiétudes laissaient place à des questions sur ce baiser qu’elle avait donné à la Reine. David et Neil se chargèrent de préparer le gibier pour que tout le monde puisse manger. Une part de viande dans la main, Emma vit Crochet s’asseoir près d’elle et le prévint tout de suite : — C’est pas le moment de me tourner autour, Crochet. Le pirate esquissa un petit sourire, peu étonné par l’accueil chaleureux de la Sauveuse. — Je m’assois, je ne traîne pas. Regina l’avait vu faire du coin de l’œil tandis que les Charmant discutaient dans leur coin tout comme Baelfire et son père. Elle lança à l’attention du Capitaine : — Vous n’êtes pas son style, Crochet. Il me semblait pourtant vous l’avoir déjà dit. Sur cette remarque, Emma fronça les sourcils et tourna des yeux accusateurs vers la Reine. De quoi se mêlait-elle ? Comptait-elle aussi annoncer à tous qu’elle l’avait embrassée ?! — On vous a jamais appris à pas écouter les conversations des autres ? lui demanda-t-elle.
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Regina ne prêta pas d’attention à cette remarque et continua de manger en évitant de se salir. — Je suis la Méchante Reine, Miss Swan. Je peux donc me permettre un tas de choses que d’autres ne peuvent pas. Emma n’avait aucun besoin de dessin pour deviner toutes ces choses dont Regina parlait. Mais pour le baiser, c’était elle qui s’était permise et non pas la Reine ! Elle lui lança un regard mauvais et fier avant de le reporter sur son morceau de lapin. Crochet reprit à son attention : — Je connais une cascade non loin d’ici. L’eau y est chaude… Nous pourrions aller prendre un bain ? Emma le fixa du coin de l’œil et esquissa un petit sourire en songeant à la suite de cette proposition. Plus bas, elle répondit : — Et plus si affinité, c’est ça ? Regina se leva et prit les devants. — Merci pour cette précieuse information, j’avais justement besoin de prendre un bain. Miss Swan ? Vous m’accompagnez ? Emma lui fit les gros yeux pour lui indiquer qu’elles n’étaient pas seules et que tous pouvaient donc entendre ! Regina continuait de l’allumer et bien sûr, les effets se faisaient ressentir. Emma hésita pourtant, parce qu’au fond, quelque chose lui hurlait d’accepter… Bon sang, que lui arrivait-il ? Qu’est-ce que cette île était-elle en train de faire avec elle ? — Ok, répondit-elle en se levant. Le Capitaine se leva, tout sourire :
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— Puis-je vous escorter mesdames ? Je veillerai à ce qu’il ne vous arrive rien durant votre bain… Regina le regarda et répondit : — Je ne pense pas que David et Blanche apprécient que vous reluquiez leur fille. Crochet fut moins enthousiaste sur cette judicieuse remarque. David le regardait déjà d’un œil méfiant après avoir partagé un baiser avec Emma. — Bien… Dans ce cas, je vous laisse et je veillerai à ce que Neil ne s’approche pas de la cascade. Emma secoua la tête sur cette annonce de la part du Pirate. Elle suivit la Reine jusqu’à cette cascade dont Crochet venait de parler et l’accusa une fois loin du camp : — Vous auriez dû carrément leur dire que vous étiez tombée sur moi et qu’on s’était embrassé… Regina lui lança un coup d’œil, le sourire aux lèvres mais prenant soin de ne pas se prendre le talon dans une branche. Elle laissa Emma ouvrir la marche puisque celle-ci était équipée du sabre et coupait les feuilles encombrantes sur leur passage. — Vous avez l’esprit mal placé. Il n’y a aucun mal à ce que deux femmes prennent leur bain ensemble. Annoncez donc à vos parents que vous partez vous baigner avec le Capitaine, vous verrez leur réaction. Emma n’en avait aucun doute… David refuserait tout net de la savoir en compagnie de Crochet dans ce lac. Mais elle ne pouvait faire autrement que d’imaginer des choses dans ce même lac en compagnie de Regina. Sûrement parce que celle-ci ne cessait de flirter avec elle… Elles arrivèrent au pied de la cascade qui se jetait dans un petit lac. L’eau y était claire et une fumée planait au-dessus de la surface, indiquant 11
une température sûrement élevée. Emma s’accroupit et y plongea la main pour confirmer ses doutes. — L’eau est chaude… — Quand bien même aurait-elle été froide, dit Regina, nous aurions pu la réchauffer sans mal. En voyant le regard accusateur d’Emma la fusiller, elle précisa : — Avec la magie Miss Swan. Ce que vous avez l’esprit mal placé, ajouta-t-elle en défaisant le bouton de sa veste bleue. Emma se redressa, fulminant contre la Reine qui ne cessait de la provoquer sans arrêt. Elle ôta son débardeur après avoir enlevé l’épée dans son dos puis ses bottes et son jeans. Un bain était décidément une très bonne idée. Ainsi, son corps pourrait peut-être se laver un peu de ces derniers jours de marche et de chasse aux garçons perdus. Elle plongea sans hésiter et refit surface tandis que la Reine en était encore aux boutons de son chemisier. — Vous avez peur de froisser vos beaux vêtements ? Regina prenait surtout soin de ne pas les laisser n’importe où à la portée d’insectes en tout genre. Elle posa sa veste sur une feuille de palmier, puis son chemisier et son pantalon avant de se tourner vers Emma. — Ce ne sont plus que de vulgaires morceaux de tissu tant cette île les a abimés. Elle glissa sa main dans son dos et dégrafa son soutiengorge sans la moindre gêne avant de le poser avec les autres vêtements. — Oh bordel, bredouilla Emma qui détourna les yeux.
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Parce que la Sauveuse venait d’être victime d’une violente bouffée de chaleur. Jamais, elle n’aurait pu s’attendre à ce que la Reine se déshabille à ce point. Regina avait entendu ce murmure spontané de la part de la Sauveuse et esquissa un sourire tandis qu’elle enlevait sa culotte de dentelle. — Miss Swan, je ne vous pensais pas si pudique. Mais Emma ouvrit davantage les yeux en la voyant tout enlever. Son regard tourné vers l’opposé, elle répliqua d’un ton défensif : — On n’avait pas parlé d’un bain de minuit, Regina ! — Il n’est pas minuit, répondit la Reine en se glissant enfin dans l’eau. Mais vous devriez essayer, c’est nettement plus confortable de se baigner nue que de sentir vos vêtements vous coller à la peau. Certes, mais maintenant, Emma n’osait plus poser ses yeux sur la Reine au risque de se faire surprendre ! Parce que bien sûr, comme le disait Regina, son esprit était mal placé et ne songeait plus qu’à renouveler un baiser, voire plus si affinité comme elle avait rétorqué à Crochet. Regina s’approcha d’elle et la contourna. — Vous savez que c’est très impoli de tourner le dos à son interlocuteur quand celui-ci vous parle ? — Vous savez que ça se fait pas de se déshabiller sans prévenir ? Regina s’amusait finalement de voir la gêne d’Emma Swan qui n’osait plus la regarder.
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— Je vous pensais moins farouche que cela. Vous m’avez embrassée et vous n’osez même pas me regarder parce que je suis nue. Auriez-vous peur du grand méchant loup ? Emma esquissa un sourire nerveux sur cette question. — De la Méchante Reine, vous voulez dire ? Non, j’ai pas peur de vous… Mais vous arrêtez pas de m’allumer depuis tout à l’heure, comment vous voulez que je réagisse ? Regina était décidément charmée. Elle préférait de loin ce petit jeu de séduction/accusation avec Miss Swan que leurs perpétuels conflits. — Vous aviez raison tout à l’heure. Ce baiser entre vous et Crochet m’est resté en travers de la gorge. En réalité j’ai toujours pensé qu’au-delà de nos petits différends il y avait autre chose de plus… Comment dire… Ambigu. Emma avait finalement tourné les yeux sur Regina pour assimiler ses paroles qu’elle admettait véridiques. Elle ne nierait pas l’ambiguïté de leur relation depuis plus d’une année, depuis son arrivée à Storybrooke. Henry avait tellement œuvré pour les rapprocher qu’elles avaient nourri un lien étrange comme s’il s’était débrouillé pour faire d’eux trois, une famille recomposée. — Alors vous vous dites qu’en vous baignant complètement nue, l’ambiguïté sera définitivement dépassée… — Non, répondit Regina. J’aime simplement me baigner nue… Bien que le plaisir de vous voir rougir est aussi délectable ! Emma secoua la tête sur cette nouvelle provocation et lui envoya un peu d’eau en répondant : — Je rougis pas…
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La Reine ricana sur cette « attaque » plus enfantine. — Oh si vous rougissez. Vous avez rougi dès l’instant où je vous ai dit que vous n’étiez pas mon genre. Emma constatait à quel point Regina était observatrice : — D’ailleurs, c’est quoi votre genre ? demanda-t-elle, curieuse. Regina eut un petit sourire malicieux : — Je mentais quand je vous ai dit ça Miss Swan. Emma soupira sur cette réponse. Regina jouait avec ses nerfs et ses faiblesses. Pourquoi devait-elle en avoir d’ailleurs ? Pourquoi se sentait-elle si vulnérable devant elle ? Elle ne devrait même pas se sentir échauffée à chacune de ses provocations. Avant qu’elle ne réponde, elles furent interrompues par l’arrivée de Blanche-Neige qui les interpella : — La fée Clochette est arrivée et on doit aller à la grotte tout de suite. Sur cette annonce, les deux jeunes femmes se focalisèrent sur le but premier de leur venue sur cette île. — On arrive, répondit Emma qui revenait vers la rive. — On vous attend, fit Blanche avant de s’éloigner. Emma sortit de l’eau. Le moment des plaisanteries et du flirt était terminé. Elles devaient retrouver Henry rapidement avant que Peter Pan ne s’en prenne à lui.
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— Gold, Baelfire et Clochette sont partis devant, annonça David tandis qu’Emma et Regina revenaient. — Dans ce cas, il n’y a pas une seconde à perdre pour les rejoindre, dit Emma. — Je vous montre le chemin, fit Crochet. Suivez-moi… Tous armés d’épée, d’arc ou de sabre, ils suivirent le Capitaine qui semblait parfaitement connaître le chemin vers cette grotte. — C’est à une vingtaine de minutes de marche, annonça Crochet. Regina était derrière lui ainsi que David. Derrière eux, Blanche marchait à la hauteur de sa fille et expliqua : — Quand nous aurons sauvé Henry et que nous serons de retour chez nous, fais-moi penser à remercier Regina pour son aide. Je sais que je n’ai pas été très conviviale avec elle ces derniers jours et je suis aussi consciente qu’on lui doit beaucoup. — Je l’ai embrassée, annonça Emma, les sourcils froncés et le regard devant elle. Mary-Margaret fut incertaine de ces paroles et plus précisément, de cet aveu. Emma parlait-elle encore du Capitaine ? — Tu parles de Crochet ? — De Regina, corrigea Emma. Je ne sais pas ce qui m’a pris… C’est arrivé comme ça ! Blanche-Neige n’était ni stupéfaite, ni outrée mais perplexe. — Je pensais que tu la détestais, commenta-t-elle. — Je le pensais aussi, fit Emma. 16
Un silence suivit les dernières paroles de la Sauveuse. Blanche n’osait rien dire parce qu’elle ne savait comment réagir, ni quel type de questions lui poser sans lui donner l’impression de la mettre sous pression. — Et… Est-ce que Regina a mal réagi ? — Non, répondit Emma. On peut pas dire ça comme ça… Je dirais plutôt qu’elle a… Répondu. Blanche la regarda avec plus de surprise : — Tu veux dire qu’elle a… Répondu à ton baiser ? Emma lui lança un regard, peu étonnée de lire autant de surprise sur les traits de Blanche. — Ouais, répondit-elle. Je crois même qu’elle m’allume… Cette fois, Blanche-Neige était sans voix. Elle n’aurait pu imaginer que la Méchante Reine flirte avec sa fille et l’embrasse. Il se passait décidément des choses étranges depuis leur arrivée sur cette île. Crochet s’arrêta à la lisière de la forêt où elles le rejoignirent pour voir la grotte. — C’est ici. On devrait trouver une barque sur la plage pour gagner l’autre rive. Blanche-Neige préféra chasser cette discussion étrange de son esprit pour mieux se focaliser sur son petit-fils. Ils descendirent la falaise jusqu’à la petite plage où effectivement se trouvait une barque, telle que Crochet l’avait indiqué. Ils montèrent à bord et David saisit les rames pour aussitôt lancer la barque vers cet îlot étrange de roches en forme de crâne. Après quelques minutes, ils arrivèrent sur l’autre rive et Regina constata la main tendue d’Emma qui l’aida à quitter la barque instable. La Reine ne put s’empêcher un léger
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sourire sur cet élan de galanterie et Emma la coupa avant même qu’elle ne la taquine : — Pas de commentaire… — Ce n’était pas dans mon intention. Le regard plus déterminé, les deux mères suivirent Blanche, David et Crochet jusqu’à l’intérieur de la grotte. Clochette expliqua sans attendre : — Neil et Rumple sont montés, ils m’ont dit de les attendre ici. Mais Emma n’allait pas attendre. Sa paume fermée autour du manche de son épée, elle marcha aussitôt vers les escaliers de pierre qui montaient à travers un couloir obscur. Suivie de Regina, elle gravit les marches dans un pas déterminé jusqu’à atteindre le dernier étage. En haut, se trouvait un grand sablier entouré de crânes décoratifs en bronze. — Non ! Neil venait de crier après Henry pour l’arrêter avant qu’il ne poursuive dans son geste. Emma fut horrifiée en le voyant tenir son propre cœur dans sa paume. Près de lui, Peter Pan insistait sur l’importance d’être un héros et de ramener la magie au Pays Imaginaire. — Tu dois le faire, poursuivit Peter Pan, le regard rivé sur Henry. N’écoute pas tes parents. Tout ce qu’ils savent faire c’est mentir. C’est ce que font tous les adultes. Regina s’était figée, autant qu’Emma. — Henry ! l’interpella-t-elle. Regarde-nous mon chéri… Henry !
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Le jeune homme venait de voir arriver ses deux mères mais ne savait plus quoi décider. Peter Pan lui avait rappelé que tous les héros devaient faire des sacrifices pour sauver ceux qu’ils aimaient. Le poing serré autour du manche de son épée, Emma bouillonnait et tentait de calmer sa colère à l’encontre de Peter Pan. — Henry ! l’appela-t-elle pour le détourner de Peter Pan. Il te ment ! Si tu lui donnes ton cœur, ça ne ramènera pas la magie, ça ne fera que le rendre plus puissant, c’est tout… Henry regardait ses mères, puis Peter Pan, incertain, le cœur battant dans sa main. Peter Pan le fixait avec une telle assurance dans les yeux qu’il ne savait plus qui croire. — Je ne t’ai jamais laissé tomber, insista Peter Pan. Je ne t’ai jamais menti contrairement à eux, Henry. — Je sais, fit Henry… Regina et Emma virent Henry enfoncer son propre cœur dans la poitrine de Pan et leurs fils s’effondrer sur le sol la seconde suivante. Toutes les deux se figèrent d’horreur. Pan s’envola et Neil fut le premier à se précipiter sur le corps inerte d’Henry. Emma suivit à son tour tandis que Regina ne bougeait plus, pétrifiée, le regard sur cette scène qu’elle n’aurait pu imaginer même dans ses pires cauchemars. Elle n’entendait pas les cris de Neil, ni ceux d’Emma. Le temps semblait s’arrêter, tout comme son monde et tout ce pour quoi elle s’était battue jusqu’à maintenant. Seuls quelques mots prononcés par Emma lui parvinrent au loin, comme un écho assassin : — Il est… Il est mort…
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Chapitre 2 : Le poids du deuil
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Emma ne bougeait pas, le regard rivé sur ce cercueil qu’elle ne voyait plus. Quatre jours à chasser Peter Pan, à forcer Regina à une résurrection, à traquer la moindre solution qui aurait ramené Henry parmi eux. Et même Gold, le Ténébreux, pourtant plus puissant que quiconque, n’avait pu répondre à ses exigences. Une pluie fine tombait sur le cimetière où toute la ville s’était réunie pour pleurer la perte d’un être cher, d’un enfant que tous ici, avaient aimé. Il n’y avait plus de larmes, plus de sanglots étouffés, pas même un râle de chagrin retenu. Emma gardait ses mains jointes devant elle, immobile tandis que la fée bleue terminait son sermon. De retour à Storybrooke depuis la veille, la Sauveuse n’avait pas dormi, ni mangé. La ville des Contes de fée où chacun partait en quête d’une fin heureuse n’avait plus rien de magique. Le conte de la Sauveuse se terminait abruptement, tristement, sur un drame indélébile que nul ne saurait effacer. La mâchoire serrée depuis des jours maintenant, Emma n’avait plus envie de réfléchir, de chercher désormais. Bien sûr, elle n’était pas la seule à souffrir de cette perte et tout le monde autour de ce cercueil avait perdu un peu d’eux-mêmes en perdant Henry. Le regard toujours rivé sur le cercueil de son fils, elle le vit descendre au fond de ce trou creusé dans la terre. Il appartiendrait à un monde inaccessible, un monde où même les plus puissants héros des contes ne pouvaient aller… Alors elle tourna les talons, les cheveux trempés par la pluie et se dirigea vers sa 20
voiture jaune. Elle n’avait plus envie de parler, ne souhaitait plus discuter, ni négocier et encore moins quémander. Le temps de la féerie s’était écoulé, l’époque où l’espoir et l’optimisme comptaient encore avait pris fin. Arrivée à la hauteur de sa portière, quelqu’un l’interpella : — Tu t’en vas ? Emma tourna les yeux vers Regina dont les traits fatigués révélaient autant de peine que de souffrance morale. Son regard demeura sur elle un instant et la détailla sans vraiment la voir. Froid, il finit par se détourner sans qu’elle n’ait prononcé le moindre mot. Elle grimpa dans sa voiture et démarra pour prendre l’avenue principale de la ville. S’en allait-elle ? Storybrooke n’existait plus que dans ses souvenirs, des rappels maintenant trop douloureux pour être supportés jour après jour. Alors, elle n’avait plus sa place dans cette ville où rien ne la retenait désormais. Elle avait perdu son fils, son garçon qu’elle avait mis au monde, sa lumière au bout d’un tunnel sans fin, l’espoir d’une vie meilleure. Après avoir vu la coccinelle de la Sauveuse disparaître à l’angle du cimetière, Regina rejoignit sa Mercedes et s’assit derrière le volant sans démarrer. Son regard repartit vers l’endroit où son fils venait d’être enterré. On lui avait enlevé Daniel, elle avait tué son propre père et Blanche avait assassiné sa mère. Aujourd’hui, le destin lui arrachait Henry. Pour la Reine, la vie meilleure qu’elle avait tentée de se construire dans ce monde s’écroulait tel un château de cartes et plus rien ne pourrait jamais raviver la légère étincelle de lumière qui avait ranimé son cœur noir, meurtri par le deuil. Plus loin, Mary-Margaret monta près de David qui s’efforçait de retenir son profond chagrin. Elle ne pouvait sécher ses larmes. Elle avait perdu son petit-fils mais aussi sa fille qu’elle venait de voir partir. Comment la vie pouvaitelle être si cruelle envers eux. Ils avaient tout fait pour
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sauver Henry mais le père de Gold avait réussi là où ils avaient échoué. David démarra sans un mot en direction du centre-ville. Les funérailles passées, que feraient-ils maintenant que leur fille était partie ? — Peut-être devrions-nous réétudier l’idée de repartir dans la Forêt Enchantée, tenta-t-il. Blanche le regarda, les yeux emplis de larmes. — Tu as perdu l’esprit ? David ne savait plus… Peut-être effectivement l’avait-il perdu, peut-être cherchait-il simplement une échappatoire pour fuir la douleur qui les chevillait tous. Storybrooke était le berceau de trop de souvenirs et de trop de combats vains maintenant qu’Henry était mort. — On n’a plus rien à faire ici, fit-il. — Et Emma ?! — Emma est partie Blanche ! Elle ne reviendra pas ! Blanche ramena ses doigts sur ses lèvres, bouleversée par ces mots qui rendaient cette vérité si réelle. D’autres larmes roulèrent sur ses joues. — Non… Je ne veux pas croire qu’on ne reverra plus notre fille… Tu m’entends ? On a perdu Henry mais Emma est en vie elle ! — On est piégé ici, rappela David. On n’a aucun moyen de sortir de Storybrooke. Puis il réalisa une chose.
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— A moins bien sûr que ce soit finalement notre salut à tous de passer cette ligne maudite pour oublier qui nous sommes et être capables de reprendre notre vie. — Oublier Henry ? résuma Blanche-Neige. C’est ça ta solution ?! David réalisa la portée de ses propos et lança un regard désolé à sa compagne. Il posa sa main sur sa cuisse. — Pardonne-moi Blanche, je suis… Je suis tellement désolé. J’aimerais être à la hauteur mais… Je perds pied. Mary-Margaret ne répondit pas. Ce qu’elle ressentait était certainement la pire des douleurs qu’une mère puisse percevoir. Même si Emma n’était pas « morte », elle l’avait vue souffrir de la perte d’Henry, deuil qu’elle aurait voulu porter avec elle, mais Emma ne lui laissait pas la chance d’être présente, ni de rattraper toutes ces années perdues loin les uns des autres. Les fins heureuses d’Henry venaient de disparaître avec lui…
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Storybrooke dépérissait même si quelques habitants tentaient de poursuivre leur vie. Granny avait gardé le restaurant ouvert et Ruby faisait de son mieux pour assurer le service du matin et du midi. Mais quand la nuit tombait, alors Storybrooke ressemblait à une ville fantôme. Le commissariat, la Mairie et la boutique de Gold n’ouvraient plus. Car pour ce dernier, la perte d’Henry avait signifié des accusations incessantes de son fils. Son départ de Storybrooke avait suivi celui d’Emma Swan dès le 23
lendemain. Belle ne parvenait pas à le consoler tandis qu’il cherchait vainement un moyen de localiser Baelfire. Cependant conscient de la situation, comment parviendraitil à le ramener près de lui s’il le retrouvait ? Alors Gold se rappelait de la medium qu’il avait croisée des années auparavant. Cette dernière avait eu raison : Henry avait causé sa perte, une perte qu’il n’aurait imaginée aussi cruelle.
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Jamais Regina ne s’en remettrait. Les jours passaient et la Reine dépérissait. La douleur était trop vive, trop lancinante. Le manque, insoutenable. Chaque seconde dans cette ville, où qu’elle aille, lui rappelait son fils que rien, pas même la magie, lui rendrait. Alors elle s’enfermait dans la crypte où gisait son défunt père, seul lieu isolé de tout ce qui pouvait lui rappeler ses erreurs et ses manquements de mère auprès d’Henry. Dieu que les souvenirs étaient cruels quand la perte d’un être cher ravivait autant de regrets que de remords, des fautes que Regina ne se pardonnerait jamais. Elle qui avait toujours nié être la Méchante Reine culpabilisait maintenant d’avoir menti à son fils, de ne pas avoir assumé qui elle était pour mieux se faire pardonner ses actes. Ce pardon, elle ne l’obtiendrait jamais. Son cœur dans sa main, Regina aurait pu le détruire et faire cesser les maux qui la rongeaient depuis des semaines. Mais pour Henry, pour sa mémoire, elle ne le ferait pas. Peut-être était-il là le prix à payer pour la magie ou pour le Sort Noir, peut-être Rumplestiltskin lui avait-il menti en lui disant que le cœur d’un être cher devrait être sacrifié. Peut-être était-ce le cœur d’Henry qui avait payé ce dû destiné à assouvir sa vengeance… Regina n’aurait sans doute jamais les vraies réponses mais une chose, une seule devait être faite si elle devait un jour 24
mourir : elle devait venger son fils, retrouver Pan et lui reprendre le cœur de son petit garçon.
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David était inquiet. Mary-Margaret ne se nourrissait pas assez et sa perte de poids était significative. Il faisait la cuisine et s’occupait de leur appartement pour la décharger de ses contraintes qui, pourtant, lui auraient fait le plus grand bien de les accomplir. Assis près d’elle, il passa sa main dans ses cheveux bruns et tenta : — Tu devrais manger un peu… Si Emma revient et qu’elle te voit dans cet état là… Blanche se redressa, son regard marqué de colère dans celui de David : — Si Emma revient ? Si Emma revient ?! Tu ne cesses de me répéter ces mots mais elle n’est toujours pas là David. Elle ne reviendra pas. Elle n’a pas donné de nouvelles et n’a pas répondu à nos appels ! — Elle a besoin de temps. — Combien de temps encore ? Combien ? répliqua-t-elle. Un mois, un an, dix ans ? On ne se remet jamais de la perte d’un enfant, tu le sais ! David ne savait comment réconforter sa femme. Si lui souffrait de la mort d’Henry et du départ d’Emma, il avait l’impression que Blanche souffrait cent fois, mille fois plus que lui. Il entendit frapper à la porte et se leva : — Je reviens… 25
Blanche venait de se redresser, tremblante, comme si Emma se tenait / au cas où Emma se tiendrait derrière cette porte pour exaucer le vœu de son retour. Mais David ouvrit sur Regina et il constata alors combien la Reine avait changé en seulement quelques semaines. Ses traits fatigués, ses joues creusées et ses yeux cernés témoignaient d’une peine à laquelle personne, sans doute, n’avait songé. — Regina, fit-il… Blanche arriva sans attendre et ouvrit la porte. — Entrez, ne restez pas dehors… Regina entra, peu étonnée de constater l’état pitoyable dans lequel se trouvait Blanche et très comparable au sien malgré quelques efforts de maquillage. — Je venais prendre de vos nouvelles, tenta-t-elle. Henry aurait voulu que je le fasse. La voix de la Reine avait craqué sur ces mots, un changement de ton qui n’avait échappé ni à David, ni à Blanche-Neige. — On fait aller, tenta d’abréger David. Vous voulez vous asseoir ? Les mains enfouies dans ses manches, Mary-Margaret suivit Regina des yeux et s’assit avec elle autour de la table. — Avez-vous eu des nouvelles d’Emma ? demanda-t-elle aussitôt. — Non, répondit Regina. Un court silence s’installa. Depuis l’enterrement d’Henry, Blanche-Neige, David et la Méchante Reine ne s’étaient
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même pas croisés dans la rue pour la simple raison que les deux femmes ne sortaient presque jamais. — Je réfléchis à un moyen de retrouver Pan, tenta-t-elle. Mais pour cela, je vais avoir besoin de votre aide. Blanche-Neige fronça les sourcils : — Vous songez encore à vous venger ? Ça ne vous a donc pas suffi ce qu’il s’est passé au Pays Imaginaire ? Malgré ces accusations que Regina comprenait, elle répondit avec calme : — Le cœur de mon fils bat dans le corps de cet homme. Je ne peux l’accepter, je ne pourrais vivre avec cette idée Miss Blanchard. David intervint, la main sur la cuisse de sa compagne. — Je peux comprendre, dit-il. Qu’attendez-vous de nous ? Mais Mary-Margaret intervint encore : — Avant qu’on vous aide, c’est à vous de nous aider ! Aidez-nous à ramener Emma à Storybrooke. Regina la regarda : — Je comptais vous demander son adresse. — Elle n’habite plus à Boston, répondit Blanche-Neige qui s’était adoucie sur l’accord de la Reine. On a essayé de la retrouver avec l’aide d’un détective privé mais il ne sait pas où elle est. — Il me faut un objet qui lui ait appartenu. Blanche-Neige réfléchit un instant et se leva.
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— Attendez, elle a laissé quelque chose avant de partir, le seul bien que nous lui avions laissé quand elle était encore qu’un bébé. Après un moment, Blanche revint avec la couverture de bébé laissée par Emma, cette même couverture dans laquelle, vingt-neuf ans plus tôt, David et elle avaient dû abandonner leur fille dans l’arbre magique taillé par Geppetto. — Tenez, c’est une serviette brodée à son nom. Regina la prit, satisfaite. — Je vous remercie. — Quel est votre plan maintenant ? demanda David. — Aller chercher Emma car je pense qu’à nous deux, nous pourrions retrouver Pan. — Je refuse que vous l’entraîniez dans votre soif de vengeance, intervint Blanche. — C’est mal connaître votre fille que de croire qu’elle ne cherchera pas à se venger quand elle sera en état de le faire, répondit Regina. — Qu’est-ce qui vous fait penser que vous la connaissez mieux que moi ? demanda Mary-Margaret. — Nous avons toutes les deux perdues notre fils, rappela la Reine. Blanche-Neige se retrouva plus confuse sur cette réponse. Elle ne parvenait pas à rester calme et à garder son sangfroid quand il s’agissait de sa fille ou de son petit-fils. — Je sais trop bien où cela mène, dit Mary-Margaret. On a mal, on cherche un coupable et on pense qu’en le tuant on cessera de souffrir. 28
— Ce que vous appelez de la vengeance, Miss Blanchard, j’appelle ça de la justice. Henry mérite qu’on retrouve son cœur car si nous ne le faisons pas, d’autres petits garçons se verront le leur arracher. Les émotions de Blanche-Neige étaient contradictoires en raison de son état de fatigue et dépressif. — Je sais, concéda-t-elle en se levant. Elle passa ses mains dans ses cheveux noirs. — Je… Je ne veux pas perdre Emma alors que nous avons perdu Henry ? Pan est trop puissant… — Nul n’est invincible, répondit Regina. Si Pan est plein de ressources, votre fille et moi pouvons accomplir bien des miracles si nous unissons nos forces. Mais pour cela, je dois la retrouver… Blanche-Neige reporta son regard marqué de peine sur les traits de Regina. Jamais elle n’avait vu la Reine dans un tel état de faiblesse. Non pas qu’elle ne tenait pas debout, mais ses traits reflétaient la peine endurée ces dernières semaines. Blanche et David n’avaient pris aucune nouvelle, trop préoccupés par leur propre perte et leur propre chagrin dû à l’éloignement définitif d’Emma. — Je sais que vous vous étiez rapprochées à Neverland, avoua Blanche. Regina détourna les yeux un instant sur ce rappel, des souvenirs qu’elle n’avait pas oublié. — En effet… — Rapprochées dans quel sens ? interrogea David qui n’était plus certain des paroles de sa compagne.
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Mary-Margaret hésita à répondre à David. Ce qu’Emma lui avait confié était une confidence qu’elle avait préféré garder secrète. — Disons que nous avons pu discuter, intervint Regina sans rentrer dans les détails. Blanche reprit : — J’aimerais venir avec vous, pour aller la chercher et la ramener ici. — Je viens aussi, dit David avec évidence. — Laissez-moi déjà le temps de la trouver. Si nous devons sortir de Storybrooke, il me faudra réaliser plusieurs sorts qui nous permettrons de ne pas oublier qui nous sommes. — Bien, alors faites ce qu’il faut et dites-nous si nous pouvons faire quoi que ce soit.
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Regina ne savait plus. La couverture d’Emma ne lui avait pas permis de localiser la Sauveuse comme elle avait pensé le faire. Elle n’était dans aucun Etat, aucune ville, aucun pays, comme « hors de portée » de son radar magique. — Il doit forcément y avoir une explication, intervint Crochet que David avait tenu informé des plans de la Reine. Le Capitaine faisait les cent pas dans le bureau de la Mairie où Regina avait réorganisé la pièce pour ses recherches. — Il n’y en a qu’une, dit Regina. Emma n’est plus dans ce monde.
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— Alors où est-elle ? demanda Blanche. La seule idée qui venait à l’esprit de Regina était plus que folle tandis que tous la regardaient et attendaient sa réponse. — Je ne suis pas sûre, s’agaça-t-elle en les accusant du regard. — A quoi pensez-vous ? interrogea David. — Et bien si elle a eu la même idée que moi, elle a très bien pu trouver un moyen de repartir. — Dans le Pays Imaginaire ? s’affola Blanche. — Pas dans la Forêt Enchantée, ironisa Crochet. — Dans ce cas, c’est là-bas que nous irons ! dit aussitôt Mary-Margaret. — Attendez, attendez, les interpella David en réfléchissant à cette hypothèse. Comment aurait-elle pu rejoindre le Pays Imaginaire sans le bateau de Crochet, sans aucun pouvoir ? Parce que vous savez qu’elle ne fait pas de magie. — Vous sous-estimez la colère d’une mère qui a perdu son enfant, David, rappela Regina. Non seulement Emma a des pouvoirs, mais je lui ai appris à les utiliser quand nous étions à Neverland. Quant à savoir comment elle s’y est rendue, je suis sûre qu’elle aura trouvé un moyen. — Dans ce cas ne perdons pas davantage de temps, lança Crochet en marchant vers la porte. Je vais préparer le Jolly Roger. David regarda Regina : — Alors c’est décidé ? Nous y retournons ? — Pan a pris mon fils, je ne le laisserai pas prendre votre fille. 31
Mary-Margaret fut troublée par ces paroles autant qu’elle réalisait qu’elle et David accordaient leur entière confiance à la Méchante Reine pour retrouver Emma. Elle espérait maintenant qu’elle dirait vrai.
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Emma sortit enfin de l’eau et marcha sur la rive au sable sombre. La nuit était tombée sur l’île qu’elle retrouvait après des semaines d’absence. Mais il ne s’agissait plus de sauver Henry ou de jouer aux aventuriers. Elle sortit la lame du fourreau dans son dos et s’engouffra dans l’épais feuillage de la jungle. Le visage aux traits fermés, elle ne comptait plus le nombre d’heures où elle n’avait pas dormi, de jours où elle n’avait fait que ressasser, ruminer et bouillonner. Des émotions bien trop intenses pour être contenues, trop dévastatrices pour être calmées. Il n’y avait plus qu’une image dans sa tête, une seule : Henry et son cœur maintenant dans la poitrine de Peter Pan. Le corps de son fils mort allongé dans la grotte et l’envol de son bourreau. Le jeu avait changé désormais et les règles ne seraient plus jamais les mêmes. Dans des gestes secs et vifs, elle découpait les feuilles et les branches devant elle, faisant attention à ne pas s’écorcher avec quelques épines mortelles. Sa fatigue ne se faisait plus sentir depuis une semaine ou plus. Ses nerfs et ses émotions la maintenaient debout, assez forte pour tout endurer. Après seulement quelques minutes de marche, elle se trouva sur une place dénudée d’arbre, un endroit où ils avaient sûrement campé à en juger les cendres noires au centre. Elle s’arrêta et fit volte-face en voyant trois sbires de Peter Pan l’entourer. — A votre place, je fuirais, fit-elle sans vaciller.
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Ils étaient de retour sur cette île maudite, songeait Regina. Cette fois, elle avait prévu une tenue plus adaptée, un pantalon de randonnée et des chaussures de marche. Devant elle, Crochet ouvrait la marche tandis qu’ils empruntaient l’un des chemins où ils étaient passés lors de leur premier voyage à Neverland. Mais contrairement à la dernière fois, les mines étaient plus tirées et les visages amaigris. Cette île représentait en quelque sorte leur échec bien que cette fois, la Reine se refusait au doute. Elle avait perdu son fils, elle ferait en sorte que Blanche ne perde pas, elle aussi, son enfant, quitte à y laisser sa propre vie. N’étaitce pas ce que Gold lui avait dit ? Qu’il vaincrait Pan parce qu’il était prêt à mourir pour sauver Henry ? Regina n’avait plus rien à perdre et peut-être était-ce pour cette raison qu’elle parviendrait à ses fins. Après de longues minutes de marche, Blanche intervint : — Comment savoir si elle est là ? demanda-elle. La seconde suivante, Regina eut la réponse à la question de Mary-Margaret. — Elle est là, confirma-t-elle. Devant eux, gisaient trois corps d’enfants perdus. BlancheNeige manqua de vomir et se tourna vers David qui l’étreignit aussitôt. Le Prince voyait avec quelle colère les corps avaient été mutilés, les yeux d’un des jeunes garçons encore ouverts après sa mort. — Emma ne ferait jamais une chose pareille, lança-t-il à Regina. Elle n’en est pas capable ! La Reine le regarda : 33
— Imaginez qu’on ait arraché le cœur de votre fille que vous avez enterrée le mois dernier, David. De quoi seriezvous capable ? Regina se baissa sur le corps d’un des enfants qu’elle constata encore chaud. — Elle ne doit plus être loin. Crochet intervint : — C’est le chemin de l’île du Crane.
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Chapitre 3 : L’heure de la vengeance
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Arrivée à la lisière de la forêt, Emma parcourut le paysage des yeux. Une longue estafilade de sang barrant son œil gauche, elle demeurait immobile quelques secondes. Elle rangea son épée dans le fourreau dans son dos et prit un instant pour mesurer la hauteur de la falaise à ses pieds. De loin, elle reconnaissait la grotte, l’impressionnant rocher en forme de crâne, censé dissuader les visiteurs un peu trop curieux. Elle baissa les yeux sur l’océan en bas et sur les vagues qui s’échouaient contre les blocs de pierre polis par l’eau salée. La nuit étoilée, la lune pourtant factice dans le ciel, éclairait la surface en contre bas et illuminait à peine l’amas rocheux au loin. Elle descendit la falaise sans trop de difficultés et retrouva l’embarcation.
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Quelques minutes plus tard, elle foulait le sol sablonneux de l’entrée de la grotte. Les torches enflammées traçaient le chemin vers le sommet, jusqu’à la salle où son fils avait fermé les paupières pour la dernière fois. Elle gravit les marches sans tarder, l’expression sur son visage n’avait pas changé et ne révélait aucune des émotions qui circulaient en elle. Elle entra dans la salle au sablier. L’endroit n’avait pas changé, les petits crânes décoratifs restaient à leur place et formaient un coussin sur lequel reposait le sablier. Elle s’en approcha, prit un caillou au passage et le lança contre le verre. Oh elle savait bien qu’il ne se briserait pas aussi facilement. La naïveté ne faisait plus partie de son être, comme la compassion… Mais ce qu’elle attendait, ou plutôt celui qu’elle attendait, arriva par l’un des yeux du crâne. — Si tu es venue pour défaire ce qui a été fait, je te conseille de repartir d’où tu viens, annonça Peter Pan, un sourire narquois aux lèvres. Emma sortit l’épée de son fourreau, les yeux sur ce garçon qui n’avait rien d’un enfant innocent. — Quoi ? Tu veux te battre avec moi ? Il se moqua d’elle en ricanant et d’un geste de la main, fit disparaître son arme. — Je n’ai pas l’intention de me battre, répondit-elle enfin. Elle tendit la main devant elle, la paume vers le haut et fit apparaître une boule de feu sous le regard cette fois surpris de Peter Pan. — Oh… On dirait qu’on a appris quelques leçons entre temps. Emma jeta la boule enflammée sur lui mais Pan l’esquiva sans mal, malgré sa surprise. L’explosion de cette munition magique fit trembler le sol sous ses pieds.
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— Je suis devenu invulnérable et plus puissant que jamais, maintenant… Le cœur de ton fils qui bat dans ma poitrine m’a fait le plus grand bien. Ce rappel de Peter Pan ne fit qu’accroître la fureur sourde qui grondait au fond d’Emma. Celle-ci se rua sur lui et parvint à le frapper d’un coup de poing rapide. Ses mouvements aidés par quelques-unes de ses leçons étaient plus rapides et moins prévisibles. — Tu vas bientôt regretter de l’avoir tué ! Peter Pan ricana encore d’un air moqueur et intouchable. Il essuya le sang au coin de sa lèvre et répondit : — Tu perds ton temps. Toute la magie du monde ne pourrait me vaincre ici… Emma s’approcha du sablier. — Oh mais je sais, t’en fais pas… Elle posa ses paumes contre le verre et se concentra sans le quitter des yeux. Cette fois, le sol et les murs se mirent à trembler. Les petits crânes décoratifs se disloquèrent. L’expression de Peter Pan changea. — Qu’est-ce que tu fais ?! — Ce monde t’appartient et tu appartiens à ce monde, répondit-elle. Neverland ne sera bientôt plus qu’un cauchemar dans la tête des gosses et tu n’existeras plus. Peter Pan serra les dents en constatant que cette femme ne plaisantait pas et qu’il risquait sa fin. Les deux bras tendus, des éclairs de couleur jaune jaillirent de ses doigts et frappèrent Emma violemment. Celle-ci fut repoussée en arrière et cogna le mur dans son dos. — Crois-tu que je te laisserais faire ?! 36
Une boule de feu se forma au-dessus de sa main tandis qu’il approchait dangereusement. — Je suis immortel et la magie est en moi. Il voulut lui envoyer la boule pour la repousser encore, mais Emma la captura dans sa main qu’elle plaqua brusquement contre la vitre du Sablier. Ce dernier vacilla sous l’impact puissant et toute la grotte chancela. Peter Pan perdit l’équilibre et chuta sur le sol. Debout devant lui, Emma approcha à pas lents, le regard froid rivé sur lui. — Une fois ton monde détruit, tu crois que ta magie restera ? Elle posa un genou sur le sol près de lui. Il tenta encore de se défendre en voulant abattre un autre éclair sur elle, mais Emma fut trop rapide. Elle para son bras, le maintint contre le sol et colla sa paume contre sa poitrine. Le corps de Peter Pan fut pris de spasmes violents et il se mit à hurler : — Nonnn ! De la sueur perla de son front et quand Emma releva à peine sa main au-dessus de son torse, il put reprendre son souffle. — Non… Il plongea son regard dans le sien et enfonça sa main dans la poitrine d’Emma. — Je n’ai pas d’ombre, annonça-t-elle sans bouger, et plus de cœur… Elle plaqua encore sa main contre sa poitrine et le corps de Peter Pan se souleva à nouveau dans d’autres spasmes
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incontrôlables. Son hurlement se répercuta sur tous les murs de la grotte. Interpellés par les cris, Regina, Crochet, David et Blanche arrivèrent à cet instant. Blanche interpella sa fille : — Emma ! Mais Regina la retint, son regard stupéfait sur la Sauveuse qu’elle voyait maîtriser Pan. — Non ! Laissez-la ! Tous les quatre étaient figés, Regina davantage en constatant l’étendue soudaine des pouvoirs de la Sauveuse. Elle sentait son énergie envahir la grotte et parvenait à percevoir sa colère, sa haine et sa rage envers Pan. Cette même colère qu’elle avait un jour réveillée grâce à une simple mesquinerie qui lui avait permis d’allumer un feu. La mort, le deuil et la souffrance nés de ces émotions dévastatrices avait fait d’Emma ce que Regina voyait en cette seconde, une femme puissante habitée par un sentiment intense de vengeance. Malgré elle, malgré ce qu’il se passait sous ses yeux, la Reine se revoyait elle, de longues années auparavant après la mort de Daniel. Gold avait su trouver assez de peine et de détresse en elle pour lui inculquer les pires formes de magie. Un cri l’arracha de ses pensées et elle vit Crochet se précipiter sur l’ombre de Pan que celle-ci n’eut aucun mal à se défaire. Elle attrapa Emma par le dos pour la reculer de Pan qui se releva mais dans un geste, Regina intervint, avança et envoya une boule de feu en direction de l’ombre qui relâcha son emprise sur Emma. Celle-ci tourna les yeux vers Regina. Elle réalisait seulement à cet instant que ses parents, Crochet et la Reine l’avaient suivie. Le regard toujours aussi déterminé, elle saisit la main de Regina et plaqua son autre main contre le verre du Sablier. Avec la puissance de Regina, Emma parviendrait à ses fins. En effet, la grotte se remit à trembler et les murs 38
s’effritèrent autour d’eux. Les petits crânes détachés roulèrent dans un sens puis un autre. Encore à moitié sonné, Peter Pan se redressa et s’écria : — ARRÊTEZ ! On va tous mourir ! Regina ne s’était pas attendue à cet assaut et à ce retournement de la part de la Sauveuse. Sa main dans la sienne, elle sentait circuler une énergie intense, nouvelle et si bouillante que d’interminables frissons lui parcouraient le dos. Pan voulut se ruer sur elle mais d’un seul regard, Regina vit Emma le repousser. Jamais elle n’aurait cru cela possible. L’instant d’après, elle imita Emma et posa sa main sur le sablier magique. Les tremblements s’intensifièrent et le sol de craquela sous leurs pieds, creusant plusieurs crevasses dans la grotte. Blanche, David et Crochet s’approchèrent d’elles et Blanche les interpella : — Arrêtez ! Tout va s’effondrer… On doit partir ! David la prit par la main. — Elles savent ce qu’elles font, patience… Peter Pan tentait de se servir de ses pouvoirs, mais Emma avait dû l’envelopper dans une bulle hermétique à toute magie parce que rien ne fonctionnait. Il cria encore : — ARRETEZ ! VOUS ÊTES FOLLES ! Mais Emma n’avait nullement l’intention d’arrêter et la force qui la traversait faisait trembler ses membres. Son regard se tourna vers Regina et elle eut une seule pensée en dehors de ses projets. — Vas-t’en, dit-elle. Devant le silence et l’immobilisme de la Reine, elle insista : 39
— Regina ! Elle lui lâcha la main tandis que l’autre semblait aspirée par le verre, comme aimantée. Elle fouilla dans sa poche et en sortit un haricot qu’elle lança derrière elle. Aussitôt, le portail se forma dans leur dos. — Vas-t’en je te dis ! Mais les plans de Regina étaient tout autres. — Je suis venue pour Pan, fit-elle tandis que le verre du sablier commençait à se briser. Et pour récupérer le cœur de notre fils. — Si tu veux y arriver… Amène-le avec toi et partez ! Regina fronça les sourcils tandis que la poussière envahissait peu à peu la grotte et que le sable s’écoulait par les fissures du sablier. Blanche n’avait pas entendu cet ordre et heureusement, pensait-elle. — Non, moi je n’ai plus rien à Storybrooke… Vous y allez, je reste, vos parents vous attendent. Mais Emma perdit patience et serra les dents devant l’insistance et la ténacité de la Reine. Le regard déterminé sur elle, elle lui saisit la main. — Tu t’en vas ! Avant que Regina ne réponde, Emma prit les devant. D’un geste de la main, elle propulsa ses parents, puis Crochet dans le vortex et Regina sentit la même force invisible s’abattre sur elle et la projeter en arrière. De sa main, elle parvint de justesse à se rattraper à un rocher au bord du vortex qui tentait de l’aspirer. — Emma… Venez… Je ne vais pas tenir longtemps !
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Elle regarda derrière elle, ses cheveux décoiffés par le souffle magique, mais s’efforça de se retenir, maintenant ainsi le vortex ouvert. — EMMA ! Emma sentait la grotte imploser sur elle-même et prendre ce monde avec elle avant de l’éradiquer tout entier. Mais le cri de la Reine lui indiqua que le vortex demeurait ouvert. Elle décolla ses mains du verre qui continuait de se briser et avança péniblement vers Peter Pan. Celui-ci la fixa d’un air méprisant et furieux. — On va mourir tous les deux ! — C’est ce qu’on verra, répondit Emma vindicative. Elle le saisit par le col de son gilet et se jeta dans le vortex avant que le toit de la grotte de s’effondre complètement.
* * *
David aida Blanche à se relever et vit Crochet atterrir derrière eux. Les secondes lui semblèrent interminables avant de voir arriver Regina, puis Emma… Seulement, quand ils virent qu’un « invité » de dernière minute avait suivi, Crochet et David sortirent leur épée de leur fourreau avant de constater que le jeune Peter Pan était redevenu l’homme plus adulte que Gold leur avait décrit comme étant son père. Regina se releva, n’arrivant pas à croire qu’ils avaient réussi à revenir vivants et une nouvelle fois du Pays Imaginaire détruit grâce à la Sauveuse. Elle s’approcha de Pan qui tenta aussitôt de lui jeter des éclairs de ses paumes ouvertes mais rien ne se passa. 41
— Non, fit-il soudainement désemparé. Non… — Vous n’êtes plus l’enfant perdu, on dirait, dit Regina dont le regard était marqué de haine et de soif de vengeance. — Qu’est-ce qu’on va faire de lui maintenant ? demanda David. Blanche s’approcha de sa fille qu’elle n’avait pas revue depuis son départ après l’enterrement d’Henry. — Emma… Sa main se posa sur son épaule. — Si tu savais comme tu nous as manqué. Mais Emma n’écoutait pas les paroles réconfortantes de sa mère. Elle vit plutôt Peter Pan se redresser pour fuir devant la Reine. Il se mit alors à courir, mais Emma tendit la main vers lui et le stoppa à distance. Les pieds de l’homme quittèrent le bitume de l’avenue et Emma s’approcha sans baisser le bras. Le regard franc et froid planté dans le sien, elle le voyait maintenant trembler de peur. Regina n’avait pas quitté la Sauveuse des yeux. De retour à Storybrooke, en pleine lumière du jour, elle constatait son regard assombri, ses traits devenus pâles, fermés et son visage à moitié en sang marqué par le combat contre les enfants perdus. Elle la vit alors s’approcher de Pan qu’elle semblait maintenir en lévitation sans le moindre effort jusqu’à ce que la main d’Emma ne se plante dans la poitrine de l’homme et n’en sorte le cœur de leur fils. Blanche ramena sa main devant ses lèvres. — Mon dieu, Emma ! David et Crochet se tendirent devant cette scène et même Regina fut troublée par la violence de ce geste qu’elle-même 42
avait mis des mois à apprendre. Elle s’approcha d’Emma et baissa ses yeux sur le cœur d’Henry qui battait dans ses mains. Elle releva son regard dans le sien : — Ne l’écrasez pas… S’il y a une chance qu’on puisse le ramener, ce sera avec ce cœur. Emma gardait les yeux sur cet organe palpitant et chaud dans sa paume. Bien sûr, elle savait ce qu’il représentait, elle n’avait pas fait tout ça pour rien et n’était pas née de la dernière pluie. — Emma ! entendit-elle dans son dos. Gold avait approché après avoir entendu des bruits de fracas dans toute la ville. Tous les habitants avaient certainement dû être alertés d’ailleurs. Mais ce qui l’avait le plus secoué était sûrement cette puissance qu’il entendait gronder jusque dans ses tripes. En posant les yeux sur la Sauveuse, il n’osait croire que ce pouvoir émanait d’elle. Il sembla déboussolé en voyant son père devant Emma et non plus Peter Pan. — C’est pas le moment, Gold, intervint David avant que Gold ne fasse quoi que ce soit. Pan, effrayé, releva ses yeux sur Gold : — Fils… Aide-moi, je t’en prie… Mais Emma disparut à cet instant dans une fumée rouge sous le regard inquiet de Regina. Ce qu’elle venait de voir et ce qu’elle constatait chez la Sauveuse n’avait rien de rassurant, au contraire. — Où… Où est-elle allée ? demanda Blanche qui était sous le choc. Regina prit une courte pause et répondit :
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— Au seul endroit où elle pourra rendre son cœur à notre fils. Elle disparut à son tour dans une fumée violette…
* * *
… Et réapparut dans le cimetière près de la tombe d’Henry. Le cœur toujours battant dans une main, Emma fit un geste de l’autre et la terre se creusa devant elle avant que le cercueil d’Henry n’en sorte et se pose sur l’herbe fraîche. D’un autre geste, elle fit sauter les verrous du couvercle et l’ôta complètement. Son visage fut marqué par une grimace en voyant le corps de son fils ainsi abîmé après des semaines enfermé. Elle s’approcha et plongea son cœur dans sa poitrine, là où il aurait dû rester. Elle se remit alors à espérer de toutes ses forces. Son regard ne le quittait plus, scrutait chacun de ses traits, le moindre mouvement de cils. Mais quelque chose lui murmurait depuis le début de sa croisade que tout ne pouvait être résolu, que toute vie avait une fin même si elle était injuste et trop rapide… Pourquoi était-elle devenue si lucide ? Les yeux rouges, les larmes roulant sur ses joues, Regina s’approcha, incapable de reposer son regard sur la dépouille d’Henry. — Miss Swan… Ca… Ca ne fonctionnera pas… Elle glissa doucement sa main dans la sienne. — C’est trop tard… Henry est déjà loin… Emma n’avait pas besoin de mots pour le comprendre, mais la peine grandissait en elle, le chagrin devenait trop lourd à 44
porter. Trop de colère, de frustration, de haine se mêlaient à une sensation d’impuissance terrifiante. Son corps se refroidit, comme s’il n’avait plus la force de lutter, de se réchauffer avec d’agréables idées, de douces pensées réconfortantes. Il n’y avait alors plus que le mal, le vide et un immense silence en elle. Regina la recula doucement du cercueil qu’elle referma d’un geste de la main. Si une personne pouvait bien comprendre ce qu’Emma Swan ressentait c’était bien elle. Son regard sur ses traits, sans même prêter d’attention à Pan qui était toujours prisonnier de la magie d’Emma, elle se sentit le besoin de l’étreindre et perçut la réciprocité de la Sauveuse qui laissa sa tête basculer sur son épaule. Sa main partit alors dans ses cheveux dorés et Emma trembla contre elle, étouffant des sanglots que Regina devinait trop longtemps retenus. Il n’y avait rien, rien qu’elle puisse dire pour la réconforter, rien qu’Emma pouvait entendre en cette seconde. Si Regina avait souffert de la mort d’Henry et avait commencé son deuil des semaines plus tôt, Emma devait débuter le sien maintenant qu’elle comprenait qu’Henry ne reviendrait plus. Ses lèvres se posèrent sur son front et elle murmura malgré tout : — Je suis heureuse de vous revoir Miss Swan. Mais Emma n’écoutait plus, n’avait plus envie de le faire. Les cris en elle étaient assourdissants et résonnaient contre toutes les parois de son corps. Les parfums de Regina avaient au moins le mérite de lui rappeler la chaleur du foyer d’Henry, les bonnes odeurs de ses plats préférés, son sourire lorsqu’il les ingurgitait. La Méchante Reine devenait alors une complice, une épaule, une oreille, une compagne inespérée… Elle savait bien ce qu’elle venait de faire, mesurait l’ampleur de ses actes, mais aucun regret ne ramenait celle qu’elle avait été jusque-là. Les ténèbres l’avaient engloutie des semaines plus tôt et Regina lui offrait son premier moment de chaleur depuis longtemps. 45
— Je veux rentrer, murmura-t-elle d’une voix éraillée. Sa main glissant lentement dans les cheveux de la Sauveuse, Regina répondit : — Je vais vous ramener...
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Chapitre 4 : Quand la vie continue
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Regina avait raccompagné la Sauveuse auprès de ses parents puis était rentrée seule chez elle. Après sa journée, leur retour à Neverland, elle n’aurait pu songer être revenue à Storybrooke si vite et le soir même. Pan était mort, de la main d’Emma, mais leur revanche n’avait pas ramené Henry, pas plus que la mort de Cora n’avait ramené Daniel. Regina connaissait le coût de la vengeance pour avoir sombrée corps et âme dans la noirceur la plus totale. La douleur, la perte d’un être aimé pouvaient corrompre le cœur le plus pur. Constater qu’Emma s’y perdait à son tour peinait la Reine plus qu’elle n’aurait dû, peut-être parce qu’au fond d’elle, Henry continuait de vivre et lui soufflait ce qui était bien ou non. Son fils, leur fils, avait été, depuis onze ans, son point d’ancrage dans ce monde pour lui rappeler la différence entre le bien et le mal. Qui aurait désormais ce rôle ? Regina attendit le lendemain pour appeler chez les Charmant, mais David lui annonça qu’Emma se reposait. 46
Au premier appel se succéda un deuxième, puis un troisième, sans réponse puisque David refusait de la laisser parler à la Sauveuse. Regina décida donc de se déplacer à l’appartement de Blanche et David. Elle vit ce dernier lui ouvrir après avoir frappé. — Regina ? Qu’est-ce que vous faites là ? demanda-t-il. — Ne me dites pas qu’elle dort, accusa Regina. — Elle est épuisée, elle a besoin de repos, répondit le Prince. — Vous vous méprenez, ce dont elle a besoin c’est de me voir. Et j’ai besoin de la voir aussi, elle est tout ce qu’il me reste depuis la mort de mon fils alors ne m’obligez pas à forcer cette entrée. David prit une inspiration avant de répondre : — Regina, écoutez… Elle n’a rien mangé, ne veut pas dire un mot et… Mais la porte s’ouvrit plus grand sans qu’il n’eut fait quoi que ce soit. Aussitôt, David se tendit et renchérit à l’attention de la Reine : — C’est inutile d’utiliser votre magie, Regina ! Ca n’arrangera rien… Mais la Reine n’avait rien fait et vit Emma approcher dans le dos de son père, une veste sur les épaules. Elle le contourna et franchit le seuil. — C’est pas Regina qui a ouvert, fit-elle seulement. David regarda sa fille, désolé. — Emma, où vas-tu ? — Je sors un moment… 47
Emma lança un regard à Regina et enfouit ses mains dans les poches de sa veste avant de descendre les escaliers pour quitter la résidence. Elle avait besoin de prendre l’air, de respirer, de marcher. Ses envies devenaient difficiles à discerner parce qu’elle n’en avait aucune. Son ventre restait noué, ses émotions douloureuses et sa colère omniprésente. Plusieurs fois depuis son retour à Storybrooke la veille, elle avait songé à repartir, à quitter la ville, à fuir ce monde où tout avait commencé. Regina lui ouvrit la porte de sa voiture, puis referma quand elle fut assise, avant d’aller prendre place près d’elle derrière le volant. La Reine ne s’était pas attendue à cette réaction de la part de Miss Swan face à son père mais elle savait que passer un moment avec la Sauveuse leur ferait du bien à toutes les deux. Elle démarra sans réellement savoir quelle direction prendre et tenta : — Je sais que cela ne me regarde pas, mais vous devriez vous forcer à manger… Elle s’agaça de se sentir si gênée, si désorientée par cette conversation avec l’ancien Shérif. Regina avait eu besoin de dizaine d’années pour parvenir à être « maternelle » avec son propre fils. Elle n’était guère douée pour l’apitoiement ou ce type d’émotions mêlant empathie et compassion. — Je me suis forcée à me nourrir moi, reprit-elle plus sèchement, car Henry m’aurait dit de le faire ! Elle lança un coup d’œil à la Sauveuse qui ne semblait guère noter ses conseils. Emma gardait les mains dans ses poches, le menton enfoui dans son col. Le regard dans le vide, elle écoutait les paroles et les recommandations de Regina. Elle s’était d’ailleurs demandé chaque jour comment Regina pouvait ainsi tenir le coup. La Reine avait élevé Henry, avait vécu auprès de lui pendant onze ans et continuait de vivre sans lui… En 48
réalité, Regina le connaissait certainement mieux qu’elle, mais elle ne pouvait amoindrir son chagrin, combler ce vide qu’il avait laissé au fond d’elle. Regina n’était pas habituée à faire la conversation et étrangement, de constater l’état si abattu d’Emma la forçait à ne pas se laisser aller afin d’être capable de la réconforter comme elle aurait aimé qu’on le fasse après l’enterrement de leur fils. — Il faudra d’ailleurs m’expliquer une chose… Ces pouvoirs que vous avez eus en quoi ? Trois semaines et demie ?! Comment avez-vous fait ? Emma tourna les yeux vers la vitre et regarda le décor défiler à l’extérieur. Elle comprenait la curiosité de la Reine qui, normalement, était la seule avec Gold à posséder autant de pouvoirs. — Plus tard… Je te le dirai. Regina leva les sourcils. De toute évidence, Miss Swan n’était pas d’humeur à s’élancer dans de grandes explications théoriques de la magie. Elle constatait aussi ce tutoiement inhabituel et étrange depuis la veille qui impliquait, d’une certaine façon, un rapprochement « familier » entre elle et la Sauveuse. Regina réfléchit un instant à la destination qu’elle devait prendre. Chez Granny, il y aurait trop de monde, chez elle, il y avait trop de souvenirs d’Henry, le centre de Storybrooke était pratiquement désert alors il était préférable d’en sortir un peu. Elle prit la direction de la forêt et expliqua : — J’aimerais vous montrer un endroit où j’ai passé beaucoup de temps ces derniers jours. Elle lança un coup d’œil à la Sauveuse qui ne réagit pas. Regina ne s’en offusquerait pas, consciente de son état second, de son épuisement mental et physique. Au seul 49
souvenir de ce qu’Emma avait fait la veille contre Pan, à la magie déployée pendant leur affrontement, la Reine percevait une certaine fierté et un incroyable élan d’admiration. Rumplestiltskin leur avait dit à tous que de grands pouvoirs sommeillaient dans le cœur de la Sauveuse. Il avait fallu que ce dernier soit brisé, meurtri par la mort de leur fils pour réveiller leurs côtés les plus sombres. Après quelques minutes, elle ralentit la Mercedes et tourna sur un chemin de terre sillonnant entre les arbres. Ici, la route n’était plus bitumée et la végétation reprenait peu à peu ses droits sur la terre et les cailloux. Une centaine de mètres plus loin, Regina stoppa la voiture et ouvrit la portière. Elles purent aussitôt entendre s’écouler le flot d’une rivière non loin. Regina regarda la Sauveuse. — Nous venions souvent nous promener ici avec Henry. Emma n’avait pas dit le moindre mot depuis quelques minutes déjà et ne savait quoi prononcer d’ailleurs. Quoi dire ? Oui ? Non ? Je ne sais pas ? Son cerveau portait tellement de pensées à la fois que tout restait bloqué dans sa gorge, du plus petit avis à la simple réponse à une question anodine. Elle se sentait enfermée dans un chaos sans fin où les conversations de son entourage ne lui parvenaient qu’en bruit de fond. Le prénom d’Henry la faisait réagir, comme la peau après une piqure d’insecte désagréable. Toutes ses défenses semblaient mises en alerte et des émotions resurgir du fond de son être. Elle suivit Regina sans trop savoir pour quelle raison et sentit son bras venir s’enrouler au sien. — J’ai fait installer une aire de repos l’année dernière. Henry m’avait suggéré l’idée pour les sorties en famille et il espérait que nous y passerions du temps, vous, lui et moi… Emma gardait son menton enfoui dans son col, les mains dans les poches de sa veste. Regina parlait, se chargeait de leurs conversations et partageait avec elle quelques anecdotes. Sûrement parce que la Reine trouvait en ces 50
confessions, un peu de réconfort et un sentiment de légèreté à exprimer ce qu’elle avait au fond du cœur. Mais Emma tentait désespérément d’écarter la moindre émotion et de repousser toute sensation humaine. Elle avait récupéré son cœur en revenant dans ce monde et peut-être aurait-elle dû le laisser en dehors de son corps… Parce qu’à chaque sentiment perçu, c’était une lame qui s’enfonçait en elle. Et le brouhaha infernal dans sa tête ne voulait cesser. Des images d’Henry, de sa vie et de ses moments avec lui imposaient toujours la même fin. Son corps restait aussi inerte que froid, allongé sur le sol d’une grotte immonde n’appartenant même pas à la réalité telle que tous la connaissaient. Ses pieds s’arrêtèrent devant une rivière où Regina l’avait amenée. Parfois, la Reine continuait de lui parler, de lui rappeler sa présence. Mais le froid extérieur s’était insinué en elle, jusque dans ses os parce que rien ne parvenait plus à la réchauffer. Les minutes suivantes, elles s’assirent sur un tronc d’arbre mort et Emma fit apparaître une flasque dans sa main. Seule capable d’apaiser la tourmente, elle contenait la solution à son mutisme, à cette catatonie intérieure. Elle ramena le goulot à ses lèvres et en but une longue gorgée. Le whisky lui brûla la gorge, ranima les cellules de son corps passif, pris dans le chaos. L’alcool l’aiderait peut-être à se défaire de ses liens épineux qui s’enfonçaient dans sa chair à chaque fois qu’elle tentait d’échapper au chagrin. Regina la détailla un instant après l’avoir vue avaler plusieurs gorgées de whisky. Elle pouvait sentir les fragrances fortes de l’alcool émaner de la flasque. Bien sûr, elle ne jugerait pas Miss Swan. Elle aussi avait bu quelques fois lorsque la douleur avait été trop forte, trop envahissante. Alors l’alcool lui avait permis d’échapper un court instant au manque, à la souffrance incessante qui coulait dans chaque veine de son corps. Mais à chaque fois qu’elle prenait le « mauvais » chemin, alors le souvenir de son fils recadrait ses pensées et Regina s’était ressaisie pour ne pas sombrer dans cette 51
dépendance bien trop facile à prendre. Elle ôta un à un ses gants noirs en cuir et prit la main libre d’Emma qu’elle ramena entre les siennes plus chaudes. — Que diriez-vous si je vous faisais un bon dîner ce soir ? Ca me ferait plaisir de vous faire la cuisine. Emma sentit la chaleur soudaine des mains de Regina envahir sa main glacée par le froid. Elle tourna les yeux vers elle et la regarda un court instant. Même la plus simple des propositions prenait une ampleur énorme dans sa tête. Et chaque question la ramenait à Henry. La cuisine de la Reine avait été tant de fois vantée par son fils… Elle détourna les yeux. Parce qu’à chaque fois qu’elle réalisait son absence, sa perte définitive et irréparable, sa gorge se serrait et tout remontait… C’était un cercle sans fin qui ne cessait de tourner, l’emportant dans un tourbillon malsain d’émotions négatives. Elle but encore une longue gorgée de whisky dans l’espoir de dénouer sa gorge : — C’est gentil, répondit d’une voix éraillée. Mais je suis pas une bonne invitée et j’ai pas très faim. La Reine s’était attendue à ce refus de la part de la Sauveuse. Son regard se baissa un instant sur sa main écorchée par les affrontements que Miss Swan avait dû avoir contre les enfants perdus, Pan y compris. Les ongles étaient rongés jusqu’au sang, témoins de la nervosité de la mère de son fils. Regina repensa aussi au baiser qu’Emma lui avait donné à Neverland, un baiser auquel elle avait parfois songé durant son absence, un souvenir qui l’avait réconfortée. — Je vous invite uniquement pour ne pas rester seule, mentit-elle. Je n’ai plus eu de visite ni même de compagnie depuis… L’enterrement, songeait Regina. — … Depuis votre départ, dit-elle enfin. 52
Emma avait reporté les yeux sur la Reine. A force de contenir sa peine, elle en oubliait parfois celle de Regina qui avait aussi toutes les raisons du monde de souffrir. — D’accord, céda-t-elle, finalement. Mais j’ai toujours pas très faim… Regina tenta un léger sourire sur cette approbation. Elle n’avait pas menti en disant que personne n’était venu la voir, dans un sens, qui aurait voulu prendre des nouvelles de la « Méchante Reine » sans qui, rien ne serait arrivé. Car Regina avait conscience que le Sort Noir dont elle était responsable était la cause de tous les malheurs, y compris le sien. Elle chercha un peu de réconfort à travers la main d’Emma entre les siennes et ses doigts se mêlèrent doucement aux siens avant de les serrer. — Je sais que je vous l’ai dit hier et que c’est sans doute égoïste de ma part, reprit la Reine en relevant son regard brun sur les traits fatigués d’Emma, mais je suis heureuse que vous soyez revenue à Storybrooke. Emma la savait sincère dans ses paroles. Malgré la perte de son fils, elle gardait son talent inné à discerner le vrai du faux lorsque les gens lui parlaient. Regina avait besoin de réconfort, de compagnie, d’une épaule, sûrement plus qu’elle d’ailleurs… Mais comment la soutenir en se sachant aussi tourmentée ? Comment la ramener à la surface tandis qu’elle avait déjà sombré ?
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Quand Mary-Margaret rentra de l’école, David lui annonça aussitôt le départ d’Emma avec Regina. Blanche avait déjà eu de grandes difficultés à assumer son rôle d’institutrice à l’école de la ville en sachant sa fille en proie à son chagrin. 53
Mais David lui avait conseillé de s’y rendre et d’essayer de reprendre le cours de leur vie, ce qui impliquait aussi de travailler. Mary-Margaret ôta ses gants et son écharpe qu’elle posa sur le comptoir. — Au moins, elle est sortie, fit-elle toujours optimiste. Ca lui fera peut-être du bien. Mais David n’était pas d’accord avec sa femme. — Avec Regina, rappela-t-il. Elle est sortie avec la Reine ! Je ne pense pas qu’elle soit la mieux placée pour aider Emma. — Et moi je crois que si, au contraire, contredit MaryMargaret. David se retrouva confus devant sa partenaire qui ne semblait pas s’inquiéter du rapprochement entre Regina et leur fille. — Tu as vu ce qu’elle a fait à Neverland, reprit-il. Ces enfants qu’elle a tués… C’est à nous de l’aider et de lui rappeler qui elle est pour qu’elle ne sombre pas. Blanche comprenait les préoccupations de son mari qui se souciait du bien-être mental de leur fille. Un deuil pouvait faire basculer une vie d’un opposé à l’autre, tout bouleverser sur son passage pour ne laisser que des ruines et des regrets. — Regina nous a aidés quand nous voulions sauver Henry, expliqua-t-elle, elle nous a encore aidés quand nous voulions retrouver Emma et elle ne nous a pas trahis. Regina aussi a perdu son fils, elle est peut-être la mieux placée pour aider Emma en ce moment. Elle posa une main rassurante et attentionnée sur le bras de son époux et reprit :
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— Je sais que tu t’inquiètes pour elle, que tu as envie de la retrouver telle qu’elle était avant, mais… Elle prit une pause avant de prononcer la suite. Elle avait eu le temps de réfléchir depuis le retour d’Emma, pendant son absence qui l’avait meurtrie. — Mais il se pourrait qu’elle ne soit plus jamais la même avec ou sans Regina… David gardait ses yeux sur sa femme. Un regard confus et désemparé parce qu’il craignait que Blanche ait raison encore une fois. Emma avait perdu son fils et ne s’en remettrait peut-être jamais. Mais il songea à une chose qu’il n’avait pas oubliée malgré les évènements qui avaient suivi. — Qu’est-ce qu’il s’est passé sur cette île entre Regina et Emma, que tu n’as pas voulu me dire ? Blanche détourna les yeux, fautive. David exigeait des réponses et il était dans son droit. Mais elle le savait fragilisé, comme elle l’était, par l’état de leur fille, par la perte d’Henry. Elle lui sourit tendrement et ramena sa main sur sa joue. — Laisse-lui un peu de temps, chéri… Une fois de plus, Blanche ne répondait pas à sa question. Il n’insista pas pour l’instant parce qu’il lui faisait confiance et il espérait qu’elle ait encore raison. Il ramena sa main sur la sienne posée sur sa joue et l’enlaça avant de l’embrasser tendrement. Ce baiser le réchauffa un peu et il la serra dans ses bras pour atténuer ses craintes, ses incertitudes. — Je t’aime Blanche, confessa-t-il. Blanche esquissa un léger sourire dans les bras de son mari, la joue reposée contre son torse. Elle se laissa câliner parce qu’elle aussi en avait besoin.
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— Je t’aime aussi, chéri…
* * *
Chapitre 5 : Ce qu’Henry aurait souhaité…
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Regina n’avait rien dit en voyant Emma se diriger derrière le bar de la salle à manger et fouiller parmi les bouteilles de Whisky. Une fois encore, l’alcool permettait de « sentir » quelque chose au fond de soi quand plus rien ne touchait l’âme. Alors la Reine s’était contentée de cuisiner, d’embaumer le rez-de-chaussée des bons parfums de ses plats légendaires. Car depuis l’enterrement de leurs fils, Regina n’avait plus remis les pieds dans sa cuisine où demeuraient trop de souvenirs. Combien de tartes, de chaussons aux pommes, de desserts sucrés avait-elle préparé pour son petit garçon dans l’espoir de lui ramener le sourire quand il était obsédé par l’idée de retrouver sa mère naturelle ? Car bien sûr, Henry l’avait d’abord interrogée avant de voler la carte de crédit de Mary-Margaret pour fuguer de Storybrooke. Jamais la Reine ne lui avait donné de réponse et jamais elle ne se serait attendue à tant d’audace de la part d’Henry. Il tenait cela de sa mère, se disait-elle. Le repas prêt, elle dressa la table de la salle à manger où Emma s’était assise dans le canapé, un verre de Whisky en main, le regard dans le vide. Elle approcha et s’assit devant elle sur la table basse avant de lui prendre son verre des mains.
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— Je nous ai servi un très bon vin pour accompagner le tartare de saumon. En d’autres circonstances, Emma aurait sûrement apprécié ce plat délicieux que Regina avait préparé pour elle ou peutêtre pas d’ailleurs… Parce qu’avant, Regina et elle ne s’entendaient pas, n’avaient jamais vraiment su discuter. A présent, Regina semblait la seule à pouvoir comprendre, réellement compatir. Elle se glissa seulement sur le bord du canapé tandis que Regina restait devant elle, assise sur la table basse. Encore une fois, elle aurait voulu parler, lui répondre, au moins pour lui dire qu’elle sentait sa présence. Mais les mots virevoltaient dans sa tête, formaient des phrases possibles puis s’effaçaient avant même qu’ils n’aient franchi sa gorge. L’alcool avait pour mérite de ralentir le fil de ses réflexions effrénées, parasitées par l’envie permanente de hurler et de tout détruire. Elle la fixa un instant, prête à répondre, à prononcer quelque chose ou à la questionner, mais rien ne sortit. Alors elle la suivit jusqu’à la table, telle une somnambule bien éveillée, bien consciente de la réalité. Elle s’installa à sa place et posa les yeux sur le plat qui aurait dû la mettre en appétit. Son estomac se tordait déjà à l’idée d’accueillir la moindre bouchée. Il refusait tout compromis, n’acceptait rien d’autre que le feu d’un liquide alcoolisé. Assise près d’elle en bout de table, Regina servit leur verre de vin blanc. Les émotions qui émanaient étaient lourdes, marquées d’une souffrance intérieure tapie au fond de chacune d’elles. Dans le monde réel, cette douleur ne pouvait être matérialisée, contrôlée, palpable, mais elle était pourtant bien présente, vicieuse et lancinante. La Reine vit Emma boire plusieurs gorgées de vin, comme si seul le liquide était capable de franchir le fond de sa gorge enserrée. Pour cette raison, elle avait préparé un plat plus léger car Regina savait ce que son propre deuil continuait de lui infliger. Elle était restée des jours sans rien avaler si ce n’était de l’eau, puis peu à peu, elle s’était forcée à cuisiner 57
quelques soupes de légumes, de champignons ou de poissons. Ce repas, plus « solide », était le premier qu’elle prenait depuis des semaines. Elle tenta : — Je sais que la ville dépérit… J’ai reçu des dizaines de lettres de réclamation mais… Elle leva les épaules. — Je ne me sens plus vraiment capable de gérer la ville pour l’instant. Emma aurait voulu participer à la conversation. Au moins, Regina avait la force de poursuivre sa vie, de faire semblant. Elle, ne savait même plus où était la sienne. Qu’était-elle devenue ? Qui était-elle ? Elle n’accordait plus d’intérêt à quoique ce soit ou à qui que ce soit. Les gens pouvaient se plaindre, souffrir, subir des malheurs, il lui semblait que tout glissait sur elle sans plus l’affecter. Elle fixait le saumon au bout de sa fourchette et ne pensait à rien d’autre qu’aux vertiges apaisants créés par l’alcool. Elle reposa le couvert sans avoir goûté le tartare. Le silence régnait entre elles mais ni l’une ni l’autre ne se retrouvait seule. La présence de Regina occupait une petite partie de ses pensées et l’écartait d’une solitude dangereuse. — Comment tu fais ? parvint-elle enfin à lui demander. En voyant Regina incertaine, elle reformula : — Pour penser à tout ça… Aux gens, à la ville, à la cuisine… Pourquoi tu… Une vague de tristesse la traversa et elle dut s’arrêter pour contenir la douleur, les larmes qui, parfois, accompagnaient ces relents désagréables. Elle but d’autres gorgées de vin et poursuivit :
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— Tu détruis pas tout ? Tu mets pas fin à cette ville et à ces foutus contes de fée qui finissent toujours mal de toute façon ? Regina se tendit sur ces paroles. La Sauveuse semblait lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle repoussa un peu de tartare de sa fourchette dans son assiette. — J’y ai pensé, confessa la Reine… Elle regarda Emma tandis que son regard brun était désormais humide. Sa voix craqua malgré elle et quelques larmes roulèrent sur ses joues. — Mais Henry n’aurait pas voulu ça, termina-t-elle. Avant ce drame, Emma n’aurait certainement jamais pu soupçonner l’effet que les larmes de Regina avaient sur elle. Elles l’affectaient plus qu’elle ne l’aurait sûrement souhaité. Parce qu’elle comprenait mieux que personne la douleur qui devait l’envahir, elle compatissait. Son premier réflexe était de trouver une solution pour effacer ses larmes de ses joues, mais que pouvait-elle faire ? Elle avait détruit le Pays Imaginaire, tué Pan et rendu son cœur à Henry… Elle fouillait dans sa tête pour trouver des mots qui auraient pu la réconforter, mais rien ne lui venait. Alors, elle glissa sa main sur la sienne, seul geste assez adéquat et capable d’apaiser la peine de la Reine. Elle aurait pu effacer l’existence d’Henry de sa mémoire, mais ne pouvait s’y résoudre. Sa place dans ses souvenirs semblait si importante, nécessaire à sa survie. Regina tenta de se reprendre quand cette main réchauffa la sienne qu’elle serra doucement comme si la Sauveuse était la dernière personne à qui elle pouvait maintenant se raccrocher dans cette vie. Du revers de la droite, elle sécha ses larmes. Personne, jamais, ne l’avait vue pleurer, mais la Reine n’était pas parvenue à contenir sa peine malgré ses efforts. Elle tenta de se reprendre et se leva. 59
— Je… Je vais débarrasser… Je reviens dans un instant. Emma aurait pu faire disparaître les assiettes, les couverts et tout ce qui couvrait cette table, mais ces tâches quotidiennes semblaient aussi importantes pour Regina que ses rappels réguliers de leur fils. Elle la suivit des yeux jusqu’à la voir disparaître dans la cuisine. Même celle que tous appelaient la Méchante Reine ne parvenait à éradiquer la douleur et la peine. Quelle solution avait-elle ? Vivrait-elle ainsi jusqu’à la fin de sa vie ? Errerait-elle dans ce monde sans plus ressentir la moindre excitation, ni le moindre sentiment de joie ou d’enthousiasme ? Elle vit Regina revenir et poser ses mains sur la table face à elle, l’expression incertaine, presque embarrassée. — J’ai pensé que peut-être, si vous le souhaitez, vous pourriez passer la nuit ici, avec moi… Elle réalisa l’incorrection possible de sa demande et reformula : — Je veux dire ici, dans cette maison. Regina devait craindre se retrouver seule, songea Emma et elle avait raison. La solitude devenait plus lourde quand on sombrait et qu’on se laissait aller au désespoir. Elle termina son verre de vin et répondit : — Je resterai sur le canapé. — J’ai une chambre d’ami à l’étage, répondit Regina. Vous y serez installée plus confortablement. Emma acquiesça et se leva. Elle glissa une main dans ses cheveux blonds. La fatigue la suivait partout, de nuit comme de jour, mais le sommeil ne voulait pas l’emporter. Il la fuyait comme les rats sur un navire en perdition. Dehors, la nuit se couchait, une autre journée se terminait et annonçait des heures pénibles, plus difficiles encore que les précédentes. Elle suivit Regina dans les escaliers, monta à 60
l’étage jusqu’à ce qu’elle lui présente la chambre en question. Elle n’avait osé tourner les yeux vers les murs où des photos d’Henry étaient encore accrochées. Elle espérait seulement que rien, dans cette pièce, ne lui rappellerait son fils disparu à jamais. — Ça ira, fit-elle en entrant dans la pièce. Elle regarda la Reine et ajouta : — Merci. Parce qu’elle constatait que Regina l’aidait, tentait au moins de la soutenir malgré sa propre souffrance, son propre deuil. Elle fit quelques pas dans la chambre et d’un geste de la main, ferma les rideaux pour rester dans l’obscurité. Regina hésita un instant puis lança : — Bonne nuit Miss Swan. — Toi aussi… La Reine ferma la porte et, sa main encore sur la poignée, lâcha un inaudible soupir. Venait l’instant où, à nouveau, elle devrait rester seule, seule avec ses souvenirs, avec la voix de son fils dans sa tête résonnant en divers échos provenant de ses souvenirs. La Sauveuse ne mesurait sans doute pas combien sa présence l’aidait à passer outre la torture intérieure qui la harcelait depuis tous ces mois jusqu’à lui faire perdre la raison. Il n’existait nul endroit où Regina n’avait pu trouver refuge pour ne plus avoir mal et seule l’idée de retrouver la Sauveuse lui avait permis d’immerger de sa longue noyade psychologique. Elle arriva dans sa chambre, grande et vide, plus froide que jamais mais ne put se résoudre à y rester. La solitude dans laquelle elle s’était abandonnée ces dernières semaines était finalement pire que la mort, la replongeant dans l’obscurité, le chagrin, les regrets, la noirceur de son âme meurtrie par le deuil. Alors la Reine revint sur ses pas et sa main abaissa 61
doucement la poignée de la chambre de la Sauveuse sans même prendre la peine de frapper. Elle trouva Emma allongée dos au lit et la vit se redresser, le regard interrogateur. Alors sans un mot, Regina referma, approcha d’un pas confus et vint s’allonger près d’elle. Il lui était impossible de retenir les larmes qui venaient à nouveau lui brûler les joues. Quand la nuit tombait dans cette demeure envahie de souvenirs, la pression devenait insupportable pour la Reine, insurmontable pour la mère qu’elle avait été pendant onze ans. — Il me manque tellement, parvint-elle à murmurer d’une voix meurtrie. Emma sentit son cœur se briser sur ces paroles qu’elle aurait pu prononcer elle-même. Le pire était de voir Regina souffrir à ce point, endurer la douleur similaire à la sienne. Dans un geste spontané et destiné à calmer sa peine, elle entoura son bras autour d’elle et la ramena contre elle. Parce que plus Regina pleurait, plus Emma avait mal. Alors la tristesse devenait palpable, la mort d’Henry bien réelle. Des deux, la Reine était la plus forte, avait toujours été la plus dure. Si elle craquait, alors comment Emma sortirait de ce carcan infernal et supplicié? Sa main allait et venait doucement sur son flanc, tentait de la réconforter, d’apaiser ses maux. Mais le chagrin se mêlait à la colère, aux nombreuses rancœurs, aux innombrables regrets. Au moins, Regina avait tout donné pour Henry, l’avait élevé, éduqué, gardé près d’elle pour lui donner une vie meilleure. Mais les sanglots de la Reine ne trouvaient plus de fin, ses larmes trempant son cou. Emma les sentait couler le long de sa clavicule, sous sa chemise. Elle ferma les yeux un instant, engorgée par tant d’émotions à la fois qu’elle ne parvenait à faire le tri, ni à trouver les mots qui auraient pu calmer Regina. Alors elle repensa à une idée qu’elle avait eue quelques jours plus tôt, mais qui n’avait pas fonctionné sur elle. Sa main libre se posa sur sa tête, ses doigts dans ses 62
cheveux bruns et, le temps d’une nuit, de quelques heures à peine, elle extirperait les souvenirs douloureux de son cerveau. Regina succomberait peut-être à sa fatigue et plongerait dans un sommeil devenu vital. Après tout, la magie pouvait tout faire et s’il y avait un prix à payer pour cela aussi, alors elle paierait… Parce qu’elle n’avait pu s’ensorceler elle-même, bien trop parasitée pour imposer à son esprit un tel moment de répit forcé. Elle sentit alors le corps de Regina se relâcher doucement contre le sien, sa main remontant contre son torse où elle se ferma à peine et la Sauveuse comprit que la Reine s’endormait enfin… Emma ne bougea pas et resta parfaitement immobile. Allongée sur le lit, elle gardait la Reine dans son bras, l’écoutait respirer maintenant régulièrement. Ses larmes avaient cessé de couler et ses tremblements avaient disparu. Seul le silence de la chambre, plongée dans le noir, résonnait et Emma n’entendait plus que le chaos dans sa tête, devenu familier. Cette nuit non plus, elle ne dormirait pas. Derrière ses paupières, la mort, la peine ainsi que le chagrin l’attendaient, guettaient le moindre lâcher-prise. Le sommeil l’emporterait dans un autre cauchemar bien trop réel et lui rappellerait la noirceur de sa vie. Henry mourait encore et encore, dès qu’elle fermait les yeux. Plus d’émotions qu’elle ne pouvait en supporter. Dans son autre main, elle fit apparaître une autre flasque et but de grosses gorgées de whisky. L’alcool l’anesthésierait peut-être et l’aiderait à étouffer ses souvenirs douloureux comme elle était parvenue à le faire sur Regina par la magie. La présence de la Reine dans son bras, même endormie, lui apportait un peu de chaleur, une présence humaine. L’aider dans son deuil devenait alors le seul et unique but de son existence.
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Chapitre 6 : Désillusion…
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Les jours passèrent. Pour les habitants de Storybrooke, chacun se ressemblait autant que la ville demeurait la même, inerte, triste, paralysée par un Maire absent dont tout le monde se plaignait. Chaque matin en allant à l’école, Blanche voyait les aiguilles de la grande horloge arrêtées sur le chiffre neuf et le six, marquant l’horaire auquel son petit-fils avait été enterré un mois et demi plus tôt. Le temps maussade, le ciel gris et pluvieux, les journées devenaient plus courtes à l’approche de l’hiver. Chaque jour après l’école, Mary-Margaret se rendait à la demeure de Regina Mills où sa fille avait choisi de rester enfermée, du moins, « quand elle n’allait pas courir le matin pendant des heures », d’après les explications de la Reine qui s’était confiée à elle. La ville de Storybrooke, telle que tous l’avaient connue n’était plus… Mais personne en ville ne pourrait soupçonner que les relations entre Mademoiselle Blanchard et la Reine avaient évolué au point qu’elles prennent le thé ensemble avant l’heure du dîner. Chaque soir, David voyait sa femme rentrer et se mettre à cuisiner tout en lui expliquant comment la Méchante Reine tentait de prendre soin de leur fille. Outre les plats qu’elle cuisinait et qu’elle donnait parfois à Blanche-Neige pour emporter chez eux, la Reine avait poussé Emma à « évacuer » par une activité qui lui permettrait de dormir le soir. Pour Regina, le ménage, la cuisine suffisaient. Pour la Sauveuse, le sport, la course en forêt étaient devenus une addiction qui peu à peu, remplaçait le Whisky. 64
Car Regina avait vu combien la Sauveuse s’était noyée dans l’alcool depuis son arrivée chez elle. Non seulement elle buvait beaucoup mais elle utilisait la magie à tout bout de champ. Pour se changer, nettoyer, débarrasser la table, la mettre… Des réactions qui avaient provoqué une première dispute très violente entre la Sauveuse et la Reine avant qu’Emma ne quitte la demeure en claquant la porte. Car Regina se raccrochait à ces petites choses futiles et ces obligations du quotidien pour ne pas sombrer à nouveau dans la peine. Blanche était inquiète du comportement de sa fille qu’elle sentait froide, distante, renfermée sur elle-même. La Reine avait beau tenter de la rassurer, rien n’y faisait pour MaryMargaret qui se sentait impuissante face à l’état de sa fille. Tandis que la « Méchante Reine » s’adoucissait, elle voyait Emma devenir plus dure, utiliser la magie sans aucune réserve. Ainsi, elle et David avaient sursauté un soir en la voyant apparaître dans leur salon, en quête du livre de contes d’Henry qu’elle avait cherché dans tout l’appartement, avant de disparaître comme elle était arrivée. Les jours se suivaient et se ressemblaient pour la plupart. Mary-Margaret constatait aussi l’agacement chez les parents de ses élèves, à l’école. Parce que l’établissement scolaire était sûrement le seul à fonctionner encore depuis la mort d’Henry. Tous les habitants avaient repris le cours de leur vie par obligation, parce que le monde continuait de tourner en dépit de cette perte. Chaque nuit s’écoulait avec la Reine. Depuis la première qu’elles avaient partagée, elles n’avaient plus dormi seules. Emma se chargeait d’étouffer les souvenirs douloureux dans l’esprit de Regina qui, au moins, dormait mieux, plus apaisée. Ainsi, elle remarquait son entrain un peu plus palpable. Quand Regina se sentait bien, alors la douleur d’Emma s’estompait. C’était ainsi qu’elle fonctionnait, de cette façon qu’elle parvenait à continuer. L’alcool, la course 65
et frapper dans un sac aidaient à évacuer cette colère permanente, la pression ressentie à force de contenir sa détresse. Regina tentait parfois de lui arracher quelques mots, quelques ressentiments au sujet d’Henry, mais rien ne voulait sortir. Emma préférait aborder des discussions autour de choses anodines, comme ses plats cuisinés, le climat, la décoration de la maison plutôt que d’approcher du sujet « Henry ». Mais la Reine ne cessait de calquer sa vie, ses décisions sur ce que leur fils aurait voulu, aurait pensé et ainsi de suite… Deux manières différentes d’affronter leur chagrin qui, parfois, semaient la discorde entre elles. Emma découvrait une autre Regina Mills, plus attentive, plus prévenante, fragile et même plus douce tandis qu’elle se voyait devenir plus dure. Sortie de la salle de bains après une course de deux heures, Emma enfila un jeans et un petit pull avec une fine capuche à l’arrière. Elle essayait de respecter ce que Regina lui avait demandé : moins d’usage de la magie pour occuper son esprit à des tâches basiques. Mais retrouver le goût des choses s’avérait difficile. Elle se forçait à le faire d’abord parce que Regina avait raison, mais surtout parce qu’elle tenait à lui montrer une certaine reconnaissance après tout ce temps passé chez elle. Cela faisait presque deux mois qu’elle s’était installée dans la demeure de Madame le Maire et elle avait fini par délaisser la chambre d’ami pour rejoindre Regina dans son lit tous les soirs. Elle descendit les escaliers et entendit des voix s’élever depuis le rez-de-chaussée. Quand elle mit le pied sur la dernière marche, elle tourna les yeux vers la porte d’entrée, grande ouverte. Regina se tenait debout sur le seuil, face à une dizaine de personnes et elle put entendre la voix du docteur Whale s’adresser au Maire sur un ton mauvais : — Tout ça, c’est à cause de vous ! lâcha-t-il en s’approchant dangereusement de Regina. — Je ne vous permets pas, se défendit la Reine. 66
Il pointa son doigt dans sa direction, l’air vindicatif et reprit : — Nous sommes prisonniers de cette ville que vous avez créée ! Il voulut s’approcher encore mais fut brusquement arrêté. Ses deux mains remontèrent sur sa gorge dans l’espoir de se défaire de cette emprise invisible autour de son cou. Dans le dos de Regina, Emma apparut, le bras tendu en direction de Whale, l’expression assombrie. — Tu vas baisser d’un ton ou je fais de toi un exemple, Whale… Mais pour l’instant, il pouvait à peine respirer et se débattait pour émettre un son. Emma tourna les yeux vers les autres sans relâcher son emprise. — Qu’est-ce que vous foutez là ? Un rassemblement en force pour vous en prendre à Regina ? Granny s’avança en sortant du groupe qui ne disait plus un mot. Tous avaient appris ce que la Sauveuse avait fait à Peter Pan sur l’avenue principale, deux mois plus tôt. Ils savaient aussi, selon les rumeurs, qu’elle avait détruit le Pays Imaginaire tout entier. — La ville est en train de mourir, expliqua Granny avec plus de calme. J’ai été obligée de fermer le restaurant parce que je n’ai plus de clients et le travail commence à manquer pour tout le monde… Emma relâcha son emprise sur Whale et le laissa tomber lourdement sur le sol. Ce dernier se redressa, toujours accusateur malgré la réaction menaçante de la Sauveuse. — Si personne ne fait rien, nous allons dépérir, reprit-il. Qu’elle nous laisse au moins le choix de quitter Storybrooke 67
ou qu’elle laisse à quelqu’un d’autre le soin de gérer cette ville ! Ruby osa reprendre en regardant la Sauveuse. — Le magasin de madame Winters n’est plus réapprovisionné depuis des semaines, Emma… Bientôt nous n’aurons plus de stock d’eau ou de nourriture. Regina les avait écoutés à tour de rôle et comprenait leurs besoins. Henry lui aurait dit de se reprendre pour aider ces gens. — Bien, concéda-t-elle. Je reprendrai mes fonctions dès demain pour parer au plus urgent. — Vous devriez démissionner ! lança Whale. Mais Emma s’approcha de lui et le revers de sa main frappa contre sa joue. Elle ne pouvait contenir sa colère plus longtemps et ne supportait plus ce ton menaçant que le docteur prenait à l’encontre de la mère de son fils. Ce dernier vacilla sous l’impact et perdit l’équilibre. Si elle ne devait pas user de la magie, elle pouvait au moins utiliser ses mains. Et elle les ferma autour du col du docteur. — Et tu devrais la fermer avant que je perde patience ! D’un geste sec, elle le poussa en arrière et Leroy intervint en empêchant le médecin de repartir à la charge. Regina posa sa main sur l’épaule d’Emma : — Laissez Miss Swan… Ça va aller. Elle s’adressa à tous ceux qui étaient encore plantés dans son jardin. — Je vous ai dit que je m’occuperai de ce qui doit l’être dès demain, alors laissez-moi un peu de temps.
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Les gens présents devant la maison murmurèrent quelques commentaires entre eux et Granny répondit à la Reine. — Nous vous laissons jusqu’à la fin de la semaine, ensuite nous devrons trouver une solution. Granny et Ruby firent signe aux autres de s’éloigner, de quitter le terrain de la Reine et de retourner à leurs occupations. Le docteur Whale essuya le sang de sa lèvre ouverte, le regard méprisant rivé sur Emma Swan. — Vous êtes devenue complètement folle… La mort d’Henry n’excuse pas tout. Mais le prénom de son fils, prononcé de la bouche de cet individu plus connu sous le nom de Frankenstein, eut raison des dernières retenues d’Emma. Celle-ci voulut répliquer par une frappe plus puissante, mais fut stoppée par les pouvoirs de Regina qui ordonna à Whale : — Allez-vous en ! Le docteur n’attendit pas pour obéir. Il avait constaté le regard noir de la Sauveuse et avait craint pour sa vie l’espace d’une seconde. Il s’éloigna en toute hâte de la maison, tandis qu’Emma se défaisait de l’emprise de Regina, furieuse : — Pourquoi tu m’as arrêtée ?! Regina était confuse. Elle s’était retrouvée prise entre deux feux, entre son affection, sa gratitude envers Emma qui la défendait, et le « devoir » de l’empêcher d’utiliser sa magie contre le docteur Whale. — Parce que c’est ce que je devais faire, tenta Regina… Henry ne voudrait pas que nous nous entretuions. — Henry est mort ! lâcha Emma, envahie par une colère incontrôlable. T’entends ça ? Il est mort ! Il peut pas te voir ! Et tu es la Méchante Reine, bordel ! 69
Sa mâchoire lui faisait mal à force de serrer les dents et de contenir cette rage au fond d’elle. Il lui semblait qu’elle était en train de se libérer, de s’échapper. Elle s’approcha d’elle, raidie par le chagrin, la douleur et le manque de sommeil trop longtemps accumulé. Elle la poussa contre le mur dans un mouvement brusque et sans ménagement avant de la contourner et de rentrer dans la maison. — Arrête de croire qu’il reviendra ! Regina avait froncé les sourcils sur ce contact plus agressif et en constatant le regard noir de la Sauveuse. Elle la suivit à l’intérieur, claqua la porte derrière elle en voyant Emma retourner vers le bar et récupérer une bouteille de Whisky. La Reine sentait gronder la magie de la Sauveuse, celle-ci mêlée d’une peine qu’Emma contenait comme autant de colère depuis leur retour de Neverland. La Sauveuse refusait la mort de leur fils, jamais Regina ne l’avait vu verser une larme, et comment pourrait-elle entreprendre son deuil si elle restait dans le déni et ne cessait de s’enivrer ? — Tu crois qu’Henry serait fier de voir la Sauveuse sombrer dans l’alcool ? accusa-t-elle. Est-ce ainsi que tu comptes honorer la mémoire de notre fils ? Les paroles de Regina ne firent que la blesser davantage et accentuer ses émotions négatives. — C’est mon fils ! lui renvoya-t-elle, prise par la colère, les rancœurs et tous ses regrets. Et il a plus de mémoire là où il est ! Le ton était monté et les tensions arrivées à leur comble. La bouteille de whisky dans sa main éclata en mille morceaux. Le sol se mit à trembler et les bibelots sur les meubles de la Reine chutèrent les uns après les autres. Le regard envahi par la rage, Emma fixait Regina. Toute la maison semblait vibrer, depuis les fondations jusqu’au toit.
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— Comment tu peux me juger en sachant qui tu es ?! Le mur du salon se fissura sur un bon mètre, la fenêtre du salon se brisa et des éclats de vitre s’éparpillèrent sur le parquet. Regina avait conscience de ce qui se passait. La magie de la Sauveuse tentait de sortir, proportionnelle à ses émotions trop longtemps étouffées. La coupe était pleine, littéralement et ses pouvoirs contenus par sa peine exigeaient d’être libérés. Un vase tomba, des tableaux ou photos se décrochèrent des murs mais la Reine ne vacilla pas sur les accusations de la Sauveuse. Que croyait Emma ? Bien sûr que Regina n’oubliait pas qui elle était, ce qu’elle avait été et fait avant la mort de leur fils. Ses efforts pour devenir « meilleure » – pour Henry – n’avaient jamais signifié que la Méchante Reine disparaîtrait. Mais si Emma voulait revoir son côté sombre, alors Regina le lui montrerait… — Henry est mort par ta faute car tu n’as pas été à la hauteur, Miss Swan ! Le mur du plafond s’effrita et Regina comprit que ses accusations mensongères avaient leur effet sur la colère d’Emma. — J’ai élevé Henry, j’ai été sa vraie mère, continua-t-elle dans le seul but d’accroitre la colère de la Sauveuse. Tu n’as été qu’une mère de remplacement quand il a voulu croire qu’il sauverait les gens de cette ville. Mais au lieu de les sauver, tu as causé leur perte ! Emma ne la quittait plus des yeux. Les mots de Regina s’enfonçaient en elle comme des lames acérées directement dans son cœur déjà brisé. Une boule de feu apparut sur sa paume, nourrie par sa rage à l’encontre de la Reine, par sa colère envers elle-même. Le pire était sûrement que ces mots étaient vrais. Sa culpabilité se mêla alors à toute cette fureur attisée par Regina. Elle aurait voulu abattre sa puissance sur elle, la détruire, la réduire au silence le plus 71
total, mais elle s’en retrouvait incapable. Et plus elle lui en voulait, moins elle agissait. Mais la maison continuait de trembler. De la poudre de plâtre couvrit ses épaules, la rambarde des escaliers se tordit avant de se briser comme une allumette. Dans un craquement, le lustre se défit de son câble et s’écrasa sur la Reine. Devant le corps inanimé de Regina, Emma fut prise de panique et se rua vers elle. Elle repoussa le lustre d’un mouvement de la main et s’agenouilla près de la Reine. Son cœur affolé rebondissait jusque dans ses tempes. Le sol avait cessé de trembler, mais ses membres avaient pris le relai. — Regina ! cria-t-elle. Elle tenta de la redresser et posa sa tête sur ses cuisses. Elle craignait de la toucher, d’aggraver la situation et se retrouvait désemparée. Une main suspendue au-dessus de son corps, elle ne savait quoi faire. User de ses pouvoirs ? Après ce qu’ils avaient provoqué, elle n’osait s’en servir. — Regina, répéta-t-elle. Mais la peur lui enserra la gorge aussi soudainement que le lustre était tombée sur la Reine. Ses yeux lui brûlèrent et rougirent lorsque ses larmes voulurent sortir. Regina ne bougeait pas et tout recommençait… Du sang s’écoulait sur le front de la Reine, recouvrant sa joue, son visage, salis par la poussière et le plâtre. — Non, non, non, supplia-t-elle. Ses doigts se posèrent sur son cou, au niveau de sa jugulaire, mais sa panique l’empêchait de sentir quoi que ce soit. Elle ne parvenait pas à trouver de pouls. — Je suis désolée, fit-elle, affolée en cherchant désespérément les battements de son cœur. Je suis désolée…
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Ses larmes au bord des yeux embrumaient sa vue et sa respiration ne franchissait plus sa gorge nouée. Regina ouvrit les yeux et sentit sa tête douloureuse. Elle avait perçu le choc après avoir vu le regard assombri d’Emma. — Regina, répéta Emma en voyant ses paupières ouvertes. Réponds-moi… La Reine avait eu besoin de quelques secondes pour se remettre tandis qu’elle voyait la Sauveuse au-dessus d’elle, en proie à son inquiétude, des larmes roulant sur ses joues. Les secousses magiques avaient cessé et le calme était revenu aussi soudainement que l’enfer s’était déchainé dans sa maison… — Miss Swan… Elle releva sa main vers la joue de la Sauveuse et y referma doucement ses doigts. — Ne laisse pas la magie prendre le contrôle… Je ne veux pas te perdre toi aussi. Emma sentit un poids libérer son ventre. Le regard de Regina dans le sien, elle ne put s’empêcher de l’embrasser, de poser ses lèvres sur les siennes. Elle répondait à ses paroles, à un besoin soudain de contact. La peur l’avait envahie, la panique lui avait fait envisager la mort de la Reine et elle s’était vue sombrer à jamais, tomber pour ne plus jamais se relever… Alors, elle devait l’embrasser, goûter à ses lèvres chaudes et réconfortantes, faire durer ce rapprochement entre elles. Une proximité qui atténuait ses maux, le froid intérieur et le vide au plus profond d’ellemême. Sa main remonta sur sa joue, sa paume perçut le velouté apaisant de sa peau. Elle rompit le baiser par manque de souffle, mais ses lèvres ne s’éloignèrent des siennes que de quelques centimètres à peine. — Je suis désolée, murmura-t-elle. Je… Je voulais pas… 73
Elle renouvela le contact de leurs lèvres dans un autre baiser à la fois tendre et nécessaire. Parce que Regina semblait être la seule à l’atteindre autant, à l’affecter au point de sentir, ressentir et réaliser qu’elle vivait encore… Regina avait perçu son corps se réveiller soudainement sur l’assaut des lèvres de la Sauveuse. Elle ne s’était pas attendue à sa réaction qui, pourtant, ne devait pas l’étonner puisqu’Emma réagissait dans tous les extrêmes. Sa main encore sur sa joue, son pouce effaça l’une de ses larmes. La Reine avait réussi à la pousser à bout, à faire sortir à la fois sa peine et sa colère même si elle n’avait pas prévu que son magnifique lustre lui tombe sur la tête. — Je vais bien, la rassura-t-elle d’un sourire tendre. Ce ne sont pas quelques lampes qui vont avoir raison de la Méchante Reine. Emma esquissa un léger sourire sur ces paroles. Elle avait eu si peur qu’un brin d’angoisse subsistait au fond d’elle. Elle l’aida à se redresser, puis à s’asseoir dans le canapé et Regina la vit lever sa main vers le salon mais l’arrêta… — Non, Emma… Plus de magie… Malgré l’état pitoyable de sa maison, Regina savait pourquoi elle arrêtait la Sauveuse. Si la magie aurait rétabli de l’ordre dans ce capharnaüm de débris en un instant, la Reine estimait qu’il était temps pour elle, et surtout pour Emma, de rebâtir leur vie sur des bases solides et non plus sur des illusions, quand bien même devraient-elles commencer cette « restructuration » par sa maison. — Nous pourrions simplement faire appel à des professionnels pour réparer… Puis changer la décoration ensemble… Emma fronça les sourcils sur ces explications, hésitante et incertaine. Elle ne se sentait pas totalement prête à 74
reprendre sa vie en main de cette façon. Certes, elle avait eu une sacrée leçon avec ce lustre qui s’était écrasé sur la Reine, mais elle ne s’était pas attendue à abandonner toute magie d’un coup. Elle balaya la pièce des yeux et évalua les dégâts. Tant de choses avaient été brisées et abîmées à cause d’elle. Pourtant, Regina avait raison et elle le savait. Si elle devait reboucher les trous et remplir ce vide, elle devrait sûrement commencer par réparer ce qu’elle avait cassé… Elle fronça les sourcils en voyant une boite de premier soin apparaître sur ses genoux. — Hey, je croyais qu’on utilisait plus de magie. Regina l’ouvrit et répondit avec évidence : — Je suis la Méchante Reine j’ai droit à quelques exceptions. Emma sourit encore et c’était bien la première fois depuis des mois… Qui aurait pu croire que Regina Mills serait celle qui ramènerait le sourire à Emma Swan ? Elle prit la compresse des mains de la Reine. — Laisse-moi faire, alors. Elle tamponna doucement la plaie à la limite de son cuir chevelu. — Ca va être long de tout reconstruire sans magie, tu sais ça ? Regina la regarda faire et détailla ses traits toujours fatigués. Il avait fallu en arriver à ces extrêmes, à un affrontement dangereux entre la Sauveuse et elle pour que celle-ci prenne conscience de son état et des risques qu’elle encourait envers elle-même. — Je suis très patiente, répondit la Reine, surtout quand il s’agit de regarder mon entourage se mettre à l’œuvre.
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Emma se recula en stoppant sa tâche sur le front de Regina et demanda, incertaine : — Parce que t’as pas l’intention de participer ? Regina eut un air évident. — Je te ferai des sandwichs, sauf si le four fonctionne encore. Sur la mine peu convaincue d’Emma, la Reine ajouta : — Me vois-tu bricoler, réparer ces murs ou encore les peindre ? Je ne suis pas un homme Miss Swan ! — Parce que moi, j’en suis un ? Le sourire de la Reine revint sur ses lèvres, mais avant qu’elle ne dise quoi que ce soit, Emma l’interrompit : — C’est bon, dis rien, j’ai compris… Mais je suis pas un homme ! Elle ramena une autre compresse imbibée d’alcool sur le front de Regina et ajouta : — J’ai même tout d’une femme… Même si la situation ou les circonstances ne s’y prêtaient pas vraiment, Regina laissa son regard se balader sur les formes fines et musclées de la Sauveuse. Elle avait eu l’occasion de la regarder bien avant le départ de leur fils et la Reine ne voulait plus s’encombrer de réflexions inconvenantes puisque tant de choses avaient changé depuis Neverland. — Sauf ton côté chevaleresque. Emma jeta un regard sur elle tandis qu’elle était concentrée sur la pose d’un petit pansement sur la plaie. Un autre sourire étira ses lèvres sur ce compliment énoncé par la Reine. Elle rangea le nécessaire dans la trousse et répondit : 76
— J’ai dû passer trop de temps avec toi et tes histoires de Reine… Ca a dû me monter à la tête. Regina lui sourit : — Pour ma part, je l’ai toujours trouvé très attirant. Pour une fois depuis longtemps, Emma reconnut un frisson agréable parcourir son corps. Il la ramena à leur petit moment seule à seule sur cette île où elle avait eu l’audace de l’embrasser. Déjà, son attirance pour Regina avait parlé et continuait de le faire à travers ses réactions et ses gestes, même extrêmes ou dangereux. En rappel à un passé plus agréable, elle poursuivit : — Tu recommences à m’allumer, là ? Regina ne put que sourire. Elle préférait de très loin voir le regard faussement accusateur d’Emma lui donner le « mauvais » rôle plutôt que de la voir assumer celui de la Méchante aux yeux de toute la ville. — Je savais que nous étions proches bien avant tout ça, tenta-t-elle. Ces derniers jours n’ont fait que confirmer cette réalité. Emma baissa les yeux sur la trousse de soin qu’elle fermait. Elle acquiesça d’un signe de tête. Autrefois, peut-être, elle aurait tenté de nier cette évidence, mais après ces deux mois passés aux côtés de la Reine, elle ne pouvait qu’approuver. Un souvenir d’Henry traversa son esprit comme beaucoup d’autres avant lui. Et il ramena un sentiment amer de tristesse et de regrets avec lui. Elle ravala ses émotions plutôt que d’y succomber encore une fois. Henry avait toujours espéré un rapprochement entre elles, une entente au moins. Tant de fois, il avait insisté pour qu’elle soit plus tolérante envers Regina, moins accusatrice… — Henry aurait été content…
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Les mots avaient fini par sortir. Ils avaient franchi sa gorge écorchée par l’amertume et s’étaient évadés pour quitter ce désordre intérieur. Regina sentit sa gorge se serrer sur ces mots. Oui, leur fils aurait été heureux et le seul fait qu’Emma puisse lui confier cette pensée à voix haute avait quelque chose de bouleversant. Elle remonta sa main sur la joue de la Sauveuse, vit son regard bleu revenir dans le sien et ne put s’empêcher de venir l’embrasser. Elle n’avait su quoi répondre, ni comment lui dire qu’elle partageait cet avis. Ce baiser lui permettait alors de sceller une sorte de pacte silencieux à la mémoire de leur fils. Elle se recula à peine, son regard brun plein d’émotions. — Il est toujours avec nous, tenta la Reine en ramenant son autre main sur la poitrine d’Emma. Juste là… Ces paroles étaient bien trop abstraites pour être assimilées par la Sauveuse et la douleur bien trop vive. Elle continuait de vivre, elle était là, mais subissait les évènements sans pour autant en avoir le contrôle. Grâce au ciel, ou quoi que ce soit d’autre, Regina était là et Emma ne supporterait pas de la perdre elle aussi…
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Chapitre 7
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Comme elle s’était engagée à le faire, Regina retourna à la mairie de Storybrooke les semaines qui suivantes. Les premiers jours avaient été difficiles pour elle. La bâtisse laissée à l’abandon depuis bientôt trois mois, aucun des employés n’était resté après sa longue absence. Tous avaient quitté le navire après elle et la Reine avait donc dû reconstituer une équipe de confiance pour l’aider dans ses tâches de gestion de la ville. Pour sa Majesté, ce retour avait été difficile d’un point de vue émotionnel. D’une part parce qu’elle était seule, d’autre part parce que sa volonté d’aller de l’avant lui donnait l’impression de devoir laisser Henry dans le passé. Quand elle entra dans son bureau ce lundi matin après un week-end de tempête, le vent frais qui s’engouffrait par les fenêtres la claqua. Des documents, des dossiers, des factures et des plans divers étaient éparpillés ici et là sur le sol marbré. Les fenêtres ouvertes, les intempéries avaient laissé rentrer des feuilles mortes et les détritus de sa poubelle étaient éparpillés dans toute la pièce. Les rideaux volaient et des feuillets reliés à un livret de compte tapaient les uns contre les autres. Regina s’empressa de fermer et se tourna vers ce désordre qu’elle ne s’était pas attendue à trouver. Combien de temps encore devrait-elle à ce point réorganiser sa vie, de sa maison jusqu’à son lieu de travail, se demandaitelle. Avant qu’elle ne parte ce matin, elle avait trouvé Emma dans la cuisine, seule pièce qui n’avait pas essuyé la tempête Swan lors de leur énorme dispute. La Sauveuse avait finalement décidé de contacter plusieurs personnes capables de l’aider à réparer les fissures des murs ou à déménager les meubles brisés. D’une certaine façon, la Reine participait aussi à relancer l’économie de la ville avec tous les travaux qu’Emma devrait accomplir. Mais pour l’heure, Regina avait à faire. Elle commença par ramasser sur le sol les feuilles qui trainaient, certaines salies par l’eau qui était entrée après les fortes pluies tandis que
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l’hiver approchait et serait certainement très vigoureux cette année. Un pas familier résonna à l’entrée, claudiquant… — J’ai hésité à me présenter, entendit-elle. Regina se redressa et posa son regard sur Gold qui se tenait sur sa canne. — Je pensais que vous n’en aviez plus besoin lorsque nous étions au Pays Imaginaire, dit-elle en désignant la canne du menton. — C’est vrai, avoua le Ténébreux. Mais certaines habitudes me collent à la peau… Regina fit un tas de document qu’elle posa sur le bureau et continua de ramasser d’autres feuillets qui jonchaient le sol. — Si vous voulez le poste de Maire, Gold, il faudra organiser une élection. — Je n’en veux pas, dit-il. Je l’aurais pris si vous n’étiez pas revenue il y a deux semaines et si vous n’aviez su relancer l’économie de la ville. Mais c’est chose faite à ce que je vois. Je venais donc vous remercier. — Quelle bonté d’âme, répondit la Reine. Gold ne s’attendait pas à de grands élans affectifs avec Regina Mills. Elle et lui avaient toujours nourri une mésentente cordiale qui avait, d’une certaine façon, donné un équilibre aux gens de Storybrooke. Il y avait eu ceux qui soutenaient la Reine, d’autres qui soutenaient Rumplestiltskin. Mais la mort d’Henry avait tout bouleversé, comme si personne n’avait su vers qui se tourner car il n’y avait plus eu personne d’assez solide pour se tenir debout. Gold savait ce que la Reine avait subi après la mort de son petit-fils. Lui-même avait été affecté, mais le départ de Baelfire lui avait fait prendre la mesure de ses propres erreurs. 80
— Ma boutique rouvrira aujourd’hui, annonça-t-il enfin. Belle s’occupera de l’accueil le matin et je me chargerai de l’après-midi. — Parfait, dit Regina en récupérant un balai laissé à même le sol. Je suis sûre que quelques habitants auront besoin de vos services… Elle se tourna vers lui et ajouta d’un regard plus sombre : — Ou de passer un marché qu’ils regretteront dans un avenir proche. Gold ferma sa main sur le haut de sa canne sur ces paroles qu’il savait délibérément choisies par sa Majesté. — Vous n’allez sans doute pas me croire, mais je ne savais pas qu’Henry mourrait, annonça-t-il. Regina s’approcha, le regard plus dur. — Vous saviez pourtant que la fille de Blanche-Neige et du Prince viendrait vous sauver vous et les habitants de Storybrooke vingt-huit ans plus tard, Gold. Comment pouviez-vous ignorer qu’Henry, leur petit-fils, donnerait sa vie pour sauver la magie ? — Si je l’avais su, j’aurais tout fait pour l’empêcher. Regina le fixa et sut malgré elle que Gold ne mentait pas. Sa rancune, ses regrets et son deuil l’incitaient à chercher un coupable, une personne responsable de son chagrin et celui d’Emma. Elle retourna vers son bureau et répondit : — Laissez-moi… J’ai du travail. Gold préféra ne rien ajouter et quitta les lieux. Il n’était pas venu pour provoquer la Reine. Elle et lui n’étaient pas encore prêts à reprendre leurs affrontements quotidiens, pas encore… Gold devait aussi retrouver son fils. 81
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Quand Regina revint à sa demeure sur Fleet Mills Street, plusieurs des nains allaient et venaient en sortant d’énormes morceaux de béton qu’ils posaient dans un camion garé le long du trottoir. La Reine s’empressa d’entrer, le claquement de ses talons résonnant sur le sol marbré mais poussiéreux. Quand elle vit le mur séparant le grand salon du petit complètement détruit, ses yeux s’agrandirent d’horreur et elle appela : — MISS SWAN ?! Elle se tourna et à cet instant vit la blonde arriver, une bouteille d’eau à la main, les cheveux attachés, quelques mèches dorées tombant sur son visage. Son débardeur blanc et son jeans étaient marqués de peinture, ses épaules suintantes, tachetées de sciure ou de poussière de ciment. Malgré l’état déplorable de la Sauveuse qui avait dû passer sa matinée à retaper la maison, Regina eut un regard plus brillant en la voyant s’approcher. Son état avait quelque chose de tout à fait excitant… — Euh… Regina se reprit en se rappelant de son mur abattu et fronça les sourcils. — Tu aurais pu m’en parler ! Emma hésita après ce bref silence voulu par la Reine. Elle comprit alors de quoi la Reine parlait et tourna les yeux vers le mur qu’ils avaient enlevé. — Oh ça, fit-elle… J’ai pensé que ça ferait plus de place. 82
— Mais… Le petit salon servait à prendre le thé… Avec ta mère d’ailleurs ! — Ben vous le prendrez dans le grand, je vois pas pourquoi il vous faudrait une pièce dédiée au thé… Regina resta malgré tout sur ses positions, l’air renfrogné. — Si tu avais vécu dans un château pendant… Elle s’arrêta, préférant ne pas formuler le nombre d’années. — … Un certain temps, continua-t-elle, tu comprendrais l’utilité d’avoir plusieurs pièces ! Emma prit un instant pour comprendre les explications de la Reine au sujet de cette pièce à thé. Elle ramena son marteau sur l’épaule et pencha la tête sans la quitter des yeux. — Mais là, on n’est pas dans un château et je te rappelle que je vais aussi vivre ici… Regina ne l’oubliait pas et s’en félicitait quand son regard brun se baladait sur la Sauveuse. Effectivement, elle devait faire des concessions et ceci en était une. Elle soupira, résignée… — Bien, qu’il en soit ainsi… Elle se dirigea vers l’entrée où se trouvait le placard à manteaux et ôta sa veste en expliquant : — David est passé me voir ce matin. Elle le rangea puis se tourna vers Emma tout en rajustant son chemisier pourpre. — Il souhaitait savoir si je comptais nommer un nouveau Shérif …
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Emma n’avait pas réfléchi à tout ça. C’était trop tôt pour l’instant. Elle tentait déjà de refaire surface et de lutter contre l’envie d’alcool pour s’aider à repousser le rappel de l’absence d’Henry. Comme Regina lui avait conseillé de faire, elle appréhendait les choses les unes après les autres pour ne plus se laisser dépasser. Avant que Regina ne pose son talon dans une tâche de béton frais, elle la retint. — Viens plutôt par là si t’as pas envie de perdre tes talons. Elle l’entraîna sur un autre chemin dans le salon et répondit à sa première remarque : — Tu peux le nommer, il fera un meilleur Shérif que moi. Regina prit une courte pause. Non pas qu’elle souhaitait que chaque chose « revienne » à sa place dans les prochains jours, les prochaines semaines ou les prochains mois. Cependant, comme disait Gold, certaines habitudes pouvaient coller à la peau et la Reine avait aimé voir la Sauveuse travailler au commissariat. — J’accepte de le nommer temporairement, mais ce travail te revient. Les habitants ont toujours respecté ton autorité, même plus que la mienne. Emma soupira en silence, mais secoua la tête sur l’insistance de la Reine. Celle-ci croyait plus en elle qu’elle-même. Malgré la peine qu’elles partageaient toutes les deux, Regina ne cessait de l’encourager à aller de l’avant... — Je crois pas qu’après ce qu’ils ont vu de moi, ils me respectent autant qu’avant. Sur les coups de marteau qui résonnèrent subitement, Regina fronça les sourcils et ferma les portes d’un geste de la main. Elle reporta son attention sur Emma et répondit :
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— Ils savent que tu as tué Peter Pan et que tu as détruit Neverland… S’ils te craignent, ils te respecteront, crois-en ma très longue expérience. Les arguments de la Reine étaient justes. Mais Emma hésitait parce que le poste de Shérif revenait à une personne intègre au tempérament solide. — Je me sens plus aussi juste qu’avant, Regina… — Juste ? demanda Regina sans comprendre. — Juste dans le sens justice… La Reine fronça les sourcils. Elle n’aimait guère quand la Sauveuse se montrait si dure envers elle-même et se jugeait sans être réellement objective. — Quelle injustice aurais-tu commise dont je ne sois pas au courant ? Emma soupira en silence, mal à l’aise. Ce sujet rapprocherait forcément de la mort d’Henry, de souvenirs douloureux et ils demeuraient épineux dangereux. Elle tourna les yeux dans le vide et repoussa cheveux d’une main.
les ses et ses
— Je regrette rien de tout ce que j’ai fait… J’ai beau m’en rappeler, je regrette rien en pensant aux gens que j’ai tués… Regina avait complètement omis ces « gens » dont Emma lui parlait. Ces enfants perdus qu’elle avait vus morts sur l’île autant que Blanche-Neige, David et Crochet. Son air plus concerné, elle répondit : — Les regrets sont un poison pour l’âme. Ne sois pas l’avocat, le juge et le bourreau Miss Swan. Nous faisons tous des erreurs et même sans les regretter, cela ne signifie pas que nous les commettrons à nouveau.
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Une fois de plus, Regina essayait d’éclaircir ses réflexions, songeait Emma encore embrouillée et perdue dans ses émotions. Ses journées étaient difficiles même si celle-ci semblait être un peu plus lumineuse que les précédentes. Parfois, elle reprenait goût à ce qu’elle faisait et y trouvait un but jusqu’à l’heure suivante où son esprit replongeait dans l’obscurité et où son corps réclamait sa dose d’alcool pour anesthésier ses songes néfastes. — N’en parle pas à Blanche, fit-elle en réalisant ce qu’elle avait confié à Regina. A cet instant, la porte s’ouvrit sur Leroy. — Désolée de vous interrompre mesdames. Emma, tu nous accompagnes au magasin ? Pour la peinture et les fournitures ? Emma tourna les yeux vers le nain – qui d’ailleurs ne l’était pas du tout. — Ouais, j’arrive, répondit-elle. Je vous rejoins dehors. Il acquiesça et referma pour les laisser à nouveau seules. Emma reporta les yeux sur Regina et s’approcha d’elle. La proximité avec elle devenait maintenant nécessaire. Alors elle ramena sa main sur sa joue et ses lèvres sur les siennes dans un baiser bref mais doux. — C’est gentil de m’aider, mais tu devrais aussi penser à toi… Regina n’avait plus besoin de penser à sa personne quand les lèvres de la Sauveuse se posaient sur les siennes. — J’aime prendre soin de toi, avoua-t-elle… Tu n’as pas idée à quel point ta présence me réconforte. Emma demeura près d’elle un instant de plus. Les parfums de Regina apaisaient ses tourments et atténuaient sa peine. 86
Le soir venu, ils l’enveloppaient tandis qu’elle se blottissait contre elle. C’était alors le meilleur moment de sa journée, celui où Regina la soutenait de la meilleure des façons. Elle esquissa un léger sourire, reconnaissante. — Dans ce cas, tu peux continuer… Emma s’éloigna mais Regina l’interpella : — Miss Swan ? La blonde se tourna et la Reine reprit d’un léger sourire : — Tu es très sexy quand tu es aussi… Pleine de sueur. Emma n’aurait jamais pu s’attendre à une telle remarque de la part de Regina. Mais un frisson la surprit tout autant et elle ne put s’empêcher de sourire. Regina était la seule à ramener un peu de chaleur en elle, en seulement quelques paroles. — D’accord, alors je me laverai pas pendant une semaine, taquina-t-elle. — N’exagère pas non plus, réprimanda la Reine. Emma lui fit un clin d’œil et quitta la salle à manger tandis que les coups de marteau, de scie ou de perceuse résonnaient plus fort maintenant. Regina préférait encore déjeuner à l’extérieur pour être au calme. Cela faisait des mois d’ailleurs qu’elle n’avait pas remis les pieds chez Granny qui avait pu rouvrir la semaine passée. Elle retourna à l’entrée, récupéra finalement son long manteau d’hiver et quitta la demeure.
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