Chapitre 8 : Redevenir une famille…
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Quand la Reine entra dans le restaurant, bon nombre de regards se tournèrent vers elle, ce qui ne changeait pas des habitudes. Sans prêter attention à quiconque, elle voulut rejoindre sa table mais entendit une petite voix l’interpeler : — Regina ?! La Reine fronça les sourcils en voyant Blanche-Neige lui sourire, installée à une table plus loin. Elle lança un coup d’œil rapide dans la salle, veillant à ce que personne n’ait vu le sourire de son ancienne meilleure ennemie, puis s’approcha. — Miss Blanchard. — Oh, arrête, tu peux m’appeler Blanche voyons. Mais la Reine n’était pas à l’aise avec cette idée de se montrer ainsi amicale en public même si elle appréciait en secret la gentillesse de Blanche-Neige. — Tu viens déjeuner ? demanda cette dernière. Tu peux t’asseoir, David ne viendra pas ce midi, il m’a dit qu’il aiderait Emma chez toi d’ailleurs ! Incertaine malgré tout, Regina ôta son manteau et son écharpe qu’elle posa sur la banquette avant de s’asseoir face à Blanche. Elle préféra préciser malgré tout :
— Je ne tiens pas vraiment à ce qu’on nous voit ensemble… Ca nuirait à mon image. — A ton image ? répéta Mary-Margaret d’un sourire incrédule. — De Méchante Reine ! précisa ladite Reine d’une voix toujours discrète. Comment remettre cette ville en état et me faire respecter si les trois-quarts des habitants me voient déjeuner avec toi. Blanche dut prendre une pause pour assimiler ces paroles. Regina avait besoin de se montrer Méchante pour être respectée… Elle en sourit, amusée par les craintes de la Reine qui ne semblait connaître rien de plus que la cruauté, l’arrogance et tous les défauts d’un caractère humain. Elle ramena sa tasse de thé à ses lèvres, en but une gorgée et répondit : — Et tu n’as jamais pensé que tu pouvais prendre ton rôle de Maire comme un vrai statut de Maire ? Faire comme tous les Maires doivent faire, j’imagine. Se contenter de gérer leur ville sans magie, ni menace… — Je fais moins de magie, se défendit Regina. Emma et moi avons passé un accord. — Vraiment ? fit Blanche intéressée. Depuis la dispute apocalyptique qui avait détruit sa maison, Regina avait préféré garder pour elle les détails plus privés. Cependant, elle avait expliqué le contexte global à MaryMargaret. — Nous ne devons utiliser la magie qu’en cas d’extrême nécessité ou d’extrême urgence.
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Blanche gardait ses mains entourées autour de la tasse, le regard sur la Reine. Depuis ces dernières semaines où elle avait passé plus de temps avec elle, elle avait découvert une tout autre facette de la personnalité de Regina. Celle qu’elle avait appris à connaître bien des années plus tôt lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant. Regina s’occupait d’Emma comme personne et elle prenait étrangement le rôle de la gentille face à sa fille qui avait basculé… Comment auraitelle pu envisager qu’un jour, Regina impose une telle règle ? Ne plus faire de magie pour le bien de sa fille ? Blanche se félicitait d’avoir patienté, de ne pas s’être tendue dès la confession d’Emma à Neverland. Elle avait laissé le temps opérer et Regina s’était finalement placée comme un soutien nécessaire et vital à la survie d’Emma suite à la mort d’Henry. — Je trouve ça très bien, répondit-elle. Que tu lui imposes quelques limites… Regina avait parfois besoin d’encouragement et Blanche le savait… Ruby approcha, le sourire aux lèvres. — Bonjour Madame le Maire, ça fait plaisir de vous revoir. Regina accusa Ruby du regard. — N’exagérez rien ! Ruby se retrouva penaude et lança un coup d’œil à sa meilleure amie qui lui fit signe de ne pas se formaliser de cette attaque. — Je vous sers quoi ? demanda-t-elle. Regina garda son air plus autoritaire dans cette volonté de « paraître » en toutes circonstances.
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— Une salade au poulet et une bouteille d’eau. — Bien, je reviens dans un instant. Ruby s’éloigna sous le regard amusé de Blanche. Avec Regina, elle ne s’ennuyait jamais. Celle-ci avait parfois tellement de manières, de manies qu’elle s’amusait à l’observer sans se lasser. De nouveau seule avec elle, quelques questions importantes lui revinrent à l’esprit. Elle hésita sur la façon de les lui poser et se lança finalement : — Est-ce que je peux savoir où en sont les choses avec ma fille ? Elle est en train de participer aux travaux de ta maison, j’imagine qu’elle va y habiter plus officiellement… Regina récupéra la bouteille et le verre que Ruby venait de poser, l’expression plus mécontente : — Elle a cassé le mur séparant le grand salon du petit où nous prenions le thé ! Blanche se retint avant de le lui préciser qu’elle ne parlait pas de l’avancement des travaux, mais bien de sa relation avec Emma. Elle prit alors une mine tout aussi choquée que celle que Regina affichait en cette seconde et plaisanta un peu avec elle. — C’est pas vrai ! Celle où nous prenions le thé ? Bien sûr, la Reine approuva et s’agaça davantage : — Elle ne m’a même pas demandé mon avis. Quand bien même nous habitons ensemble depuis deux mois, elle aurait pu au moins me consulter ! Regina but quelques gorgées d’eau et se calma un peu avant que Blanche ne reprenne sur le sujet qui l’intéressait :
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— Alors elle compte rester chez toi ? Regina détourna son regard sur son verre. Bien sûr, elle avait dit à Blanche que sa relation avec Emma avait changée depuis la mort d’Henry, qu’elles parvenaient à se soutenir mutuellement dans le deuil. — J’espère qu’elle restera, confessa-t-elle en regardant à nouveau son ancienne belle-fille. Elle est la mère de mon fils et je pense qu’Henry serait heureux de constater que nous avons finalement réussi à nous entendre. Comme souvent, et Blanche l’avait remarqué au cours des derniers mois, Regina faisait référence à Henry par des suppositions, soulevant quelles auraient été ses volontés s’il avait survécu à Neverland. Blanche savait que cette démarche psychologique de la part de la Reine lui avait permis de ne pas sombrer dans la peine et avait contribué à la rendre meilleure. Alors elle se souvenait de toutes les fois où son petit-fils avait voulu les convaincre que sa maman brune pouvait changer et il avait eu raison. — Il serait très heureux, confirma-t-elle. Et je suis très heureuse que toi et Emma vous entendiez bien maintenant. Le regard de Regina refléta alors une étincelle que Blanche avait souvent vue à travers ses prunelles brunes. Autant de peine, de regrets et de douleur qui demeuraient au fond d’elle, tapi dans un recoin de son âme. Blanche tendit la main pour serrer celle de Regina : — Je suis sûre que là où il est, il vous voit aujourd’hui et qu’il est fier de ses deux mamans. Ce fut un regard plus marqué de larmes que Regina releva dans celui de Mary-Margaret. Sa main se serra doucement à
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la sienne, comme pour concrétiser ces mots qu’elle venait d’entendre. La Reine ne s’en rendait certainement pas compte, mais au fil des semaines, Blanche était devenue le même soutien qu’elle avait été auprès d’Emma, une oreille attentive qui savait la réconforter quand la douleur du deuil remontait à la surface.
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David porta les seaux de peinture à l’intérieur et demanda à sa fille : — Où est-ce que tu veux les mettre ? Emma entraîna son père au fond du salon, dans l’ancienne pièce à thé. — Là… On va repeindre toute cette partie et on prendra l’autre couleur pour le reste. David observa l’étendue des murs refaits, replâtrés et consolidés. Emma et les nains avaient fait du bon travail dans la maison de Regina et il se rassurait de voir sa fille occupée à autre chose qu’à ressasser la mort d’Henry. Depuis quelques jours, puisqu’il n’avait aucune autre tâche, il avait décidé de l’aider parce qu’il voulait se rapprocher d’elle, rattraper le temps perdu. — Qu’est-ce que tu vas faire de cette partie-là ? demanda-til en désignant un pan de mur. — J’ai pensé le couvrir des lattes en trop qu’il nous restera après avoir réparé le plancher… Tu vois ? Après, on y colle
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la télé et ça devient une sorte de salon plus privé pour les soirées d’hiver… — C’est une bonne idée, répondit-il en enduisant son rouleau de peinture. Et pour la cheminée ? T’en as parlé à Regina ? Tout était dans la question, songea Emma. En parler avec Regina était une opération délicate parce qu’il s’agissait de sa maison et de la future décoration. La Reine avait ses exigences et tenait à ce que tout soit conforme à ses désirs. Certes, Emma devinait les concessions et les compromis que Regina acceptait pour la satisfaire aussi, mais elle la savait à cheval sur certaines idées. Tous les deux en hauteur sur des escabeaux, David lui lança un regard en coin. — Tu ne lui en as pas parlé, c’est ça ? l’interrogea-t-il. A l’aide d’un pinceau plus fin, Emma se chargeait de peindre les rebords, les coins du mur avant que David n’y passe le rouleau. — Pas encore, avoua-t-elle. Mais c’est pas encore fait, j’ai le temps… — Si tu veux un conseil, parle-lui en avant de faire quoi que ce soit, si tu ne veux pas qu’elle fasse sa Méchante Reine. Depuis le premier jour où David lui avait proposé son aide, Emma et lui s’étaient rapprochés. Savoir qu’elle continuerait de vivre sous le même toit que la Reine avait suscité quelques questions dans l’esprit de David. Et ce dernier n’était ni dupe, ni aveugle. Même si sa femme persistait à lui cacher le rapprochement entre leur fille et Regina, David avait deviné qu’il était question d’une relation plus intime. Lorsqu’il y avait songé la première fois, cette découverte lui
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était apparue comme une évidence, une explication au comportement d’Emma envers Regina. Certes, il avait d’abord été déconcerté, presque choqué, mais il avait pris le temps de la réflexion. Il n’en avait parlé ni à Blanche, ni à Emma, ni à quiconque, avait préféré garder ses découvertes pour lui seul. Mais au fil des jours passés auprès de sa fille, il avait compris le sérieux de cette relation inattendue. Regina aidait Emma à ne pas sombrer, lui apportait visiblement ce qui lui manquait, le réconfort nécessaire pour avancer. Alors, sans en avoir réellement parlé avec Emma, il en discutait comme si tout avait été clarifié, annoncé. S’il pouvait l’aider à sa manière, alors il le ferait comme un père devait épauler sa fille. — Je le ferai, répondit Emma. Mais si elle dit non, j’ai plus qu’à me contenter d’un salon tout simple. David commença à appliquer la peinture et répondit : — Elle semble te laisser beaucoup de liberté, je me trompe ? Emma esquissa un sourire sur cette question judicieuse. En effet, Regina lui laissait le choix, comme elle la laissait prendre certaines décisions importantes, sûrement pour lui redonner confiance en elle-même. — Ouais… C’est vrai. Pour une Méchante Reine, elle est plutôt conciliante. David avait aussi remarqué le grand changement de caractère chez Regina. Quand celle-ci se trouvait avec sa fille, elle n’était plus la Méchante Reine sans scrupules, envahie par la soif de vengeance. Aussi étrange que cela pouvait paraître, Regina montrait une facette de sa personne qu’aucun habitant n’aurait pu soupçonner. Un silence suivit la réponse d’Emma tandis que David songeait à une autre 8
question plus délicate. II hésita, jeta quelques regards à sa fille, mais se lança puisqu’ils en avaient parfois parlé. — Est-ce que t’as réfléchi à la chambre d’Henry ? Emma laissa quelques secondes défiler après cette question. Ce sujet demeurait aussi épineux que tous ceux qui avaient trait à son fils disparu. Pourtant, elle ne cessait d’y penser à chaque fois qu’elle passait devant la porte de sa chambre. David avait raison : la pièce ne pourrait rester intacte indéfiniment, comme si Henry allait revenir à tout moment. Et savoir qu’elle ne le reverrait plus était l’idée la plus terrifiante à affronter. Elle sentit la main de son père se poser sur son épaule en signe de réconfort. — Tu peux aussi prendre le temps, ajouta David pour la rassurer. C’est pas le plus urgent. Emma acquiesça de la tête, incapable de répondre. Quand elle devait parler de son fils ou de tout ce qui s’en rapprochait, elle redevenait muette, se perdait dans ses réflexions parasitées par des émotions encore trop vives. — Finissons d’abord le salon, reprit David pour alléger la discussion, si tu veux m’inviter à regarder les matchs de hockey. Emma tourna les yeux vers son père et esquissa un très léger sourire sur cette insinuation destinée à lui faire passer un message. — Parce que tu crois que je vais t’inviter tous les deux jours ? répondit-elle. — Non, juste tous les week-ends, plaisanta-t-il, le sourire aux lèvres. Je suis sûr que sa Majesté appréciera les soirées hockey ! 9
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Quand Regina rentra chez elle en fin d’après-midi, elle trouva le camion des nains toujours garé le long du trottoir ainsi que la voiture de David Nolan. Elle pénétra dans la demeure et entendit rires et discussions résonner depuis la salle à manger en travaux. La peinture fraiche laissait planer une odeur de neuf et la Reine songea qu’elle n’avait jamais accueilli autant de monde chez elle. Elle entra dans la pièce, trouva Emma, David, Blanche et les nains en train de manger des parts de pizzas fraichement livrées et déguster des bières. Quelques regards incertains se posèrent sur elle et Emma lui tendit une bouteille. — Tu veux une bière Majesté ? Regina hésita. Elle était encore vêtue de son tailleur, son sac à main à l’épaule et sa tenue ne se prêtait pas vraiment à cette petite réunion amicale où on ne l’avait pas invitée. — Et bien… Je ne sais pas… Blanche lui sourit : — Allez, elle est légère ou sinon il y a du cidre puisque j’ai ramené des crêpes. Sur le regard plus jovial de la Sauveuse et les quelques sourires qu’on lui faisait, Regina se détendit un peu et prit finalement la bouteille. — Merci Miss Swan.
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— Alors il paraît qu’on va avoir droit à un terrain de tennis tout neuf et couvert, Madame le Maire ? demanda Leroy. Regina fut troublée que le nain lui adresse la parole. En réalité, elle n’avait pas l’habitude de discuter avec quiconque en ville. Par cette question, elle devinait qu’Emma avait parlé de ses projets de rénovations de certains lieux publics au centre de Storybrooke. — Oui… C’est exact. — C’est une bonne nouvelle ! dit Leroy. Emma gardait son léger sourire devant l’incertitude de la Reine devant tout ce monde dans la salle à manger. Elle tira un tabouret près d’elle. — Assieds-toi, on parlait de la déco de la cuisine, justement… Regina annonça aussitôt : — Personne ne touche à ma cuisine. Leroy, David et Anton soufflèrent dépités. — Ok… Ils sortirent dix dollars de leur poche et les tendirent à Emma qui attendait, la main ouverte. — Merci les gars, dit-elle, ravie. Regina fronça les sourcils : — Tu avais fait un pari sur moi ? Blanche expliqua :
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— En fait, Emma leur a dit que tu ne voudrais pas qu’elle redécore la cuisine, ils ont parié que tu la laisserais faire. Regina regarda la Sauveuse d’un air accusateur : — Alors maintenant je fais l’objet de paris ?! Emma ne perdit pas son sourire malgré le ton vexé de la Reine. — Si tu veux les trente dollars, je te les donne, proposa-telle. Regina roula des yeux. — Non mais la prochaine fois, assures-toi que je ne te fasse pas perdre. Emma but un peu de bière, tandis que les nains s’étonnaient de constater le calme et la détente de la Méchante Reine. Ils se levèrent, tout de même incertains et Leroy annonça : — On va y aller, nous. On revient demain pour le reste. J’aurai trouvé les plaintes pour le salon. David termina sa bière et glissa sa main dans le dos de Blanche avant de tourner les yeux vers Emma. — Nous aussi, on va vous laisser. Blanche m’a promis de faire le poulet que j’adore. Regina vit Emma les raccompagner et se retrouva seule, jambes croisées, assise sur son tabouret avec sa bière. Malgré tout, elle était étonnée par l’accueil fait par les nains. Eux aussi avaient été victimes de sa petite vengeance, de sa cruauté envers Blanche-Neige et tant d’autres personnes. Etait-il possible qu’ils compatissent à ce point pour oublier
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un peu le mal qu’elle avait causé ? Elle se leva en voyant Emma revenir. — Alors je ne cuisine pas ce soir ? demanda-t-elle. — Et non, annonça Emma en rassemblant toutes les bouteilles vides. Mais il reste de la pizza si tu veux te risquer, Majesté. Regina n’était pas particulièrement adepte de ce genre de nourriture trop grasse, trop salée et terriblement lourde pour son estomac fragile. Elle suivit Emma dans la cuisine. — Non, ça ira. Elle ouvrit le réfrigérateur. — Il me reste du potage. Emma l’observa un instant et s’appuya contre le plan de travail, près d’elle. Regina et ses manières… Elle aurait pu en faire un roman si elle avait eu des talents d’écriture. Elle croisa les bras, son regard toujours rivé sur elle et demanda : — Comment s’est passée ta journée ? La Reine posa sur la cuisinière la marmite du bouillon pour le réchauffer et se frotta les mains avant de se tourner vers la Sauveuse. Tel était son simple plaisir quand elle rentrait le soir, la retrouver, passer du temps avec elle, échanger quelques discussions sur leur journée respective. Parfois, Emma finissait dans le salon à regarder la télévision et Regina montait dans sa chambre pour se changer, se démaquiller, se passer de nombreuses crèmes avant d’aller se coucher avec un livre.
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— J’ai terminé l’organisation des réunions du conseil municipal, expliqua-t-elle. Puis j’ai dû passer quelques coups de fil à l’extérieur, rien de très passionnant. Contrairement à la Sauveuse que Regina voyait encore et toujours marquée par sa dure journée de labeur. — Et toi ? demanda-t-elle en la détaillant d’un petit sourire. La peinture est terminée ? Emma ne bougeait pas. Elle aimait quand Regina rentrait à la maison, quand elles discutaient de leur journée, de sujets aussi anodins que la décoration, les tâches ennuyeuses de Maire, les dernières rumeurs de la ville. Peu à peu, elle réalisait alors que la vie se poursuivait, et son esprit s’égarait sur d’autres pensées moins lourdes que la perte de son fils. Il se réadaptait à un fonctionnement normal jour après jour. — Ouais, il reste encore certains trucs à faire dans le petit salon… Elle songea d’ailleurs, à sa conversation avec David. — Et j’ai pensé à une cheminée encastrée dans le mur sur le côté… Calée contre le plan de travail, Regina s’était servi la bière dans un verre et pouvait maintenant se détendre, ne pouvant s’empêcher de balader ses yeux sur la blonde. Tel était son « chaste » plaisir après une longue journée. Car malgré les rapprochements entre Emma et elle, la Reine n’osait se permettre plus de liberté. Emma était la mère d’Henry, son fils ne permettrait peut-être jamais plus d’intimité entre elles. Alors sans le mesurer, en raison de fausses déductions subjectives, Regina restreignait ses élans
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affectifs, son envie de se rapprocher davantage de Miss Swan. — La cheminée est une excellente idée, répondit-elle enfin. Elle se redressa et se servit un bol de potage avant de venir s’asseoir devant la table de la cuisine. Un sujet un peu délicat devait être abordé et Regina s’était engagée auprès de Blanche à en parler à Emma ce soir. — Mary-Margaret et moi avons discuté du réveillon de Noël et je souhaitais donc savoir si tu avais réfléchi à ce que tu voulais faire. Emma s’était réjouie de l’accord de la Reine pour ses projets du petit salon. De cette façon, elle pourrait le décorer selon ses goûts et le terminer dans les prochains jours. Elle prit place à ses côtés, la bouteille de bière à la main, hésitante. Les fêtes se déroulaient en famille, mais cette année, Henry ne serait pas présent, comme les années suivantes. Une place resterait libre et son sourire émerveillé devant le sapin n’illuminerait pas la pièce. Les regrets revenaient. Si seulement, elle avait eu davantage de temps avec lui. Parce que Noël était aussi et surtout pour les enfants. Dans ses réflexions, ses doigts nerveux se chargeaient de déchirer l’étiquette de la bière. — J’en sais rien, répondit-elle, moins enjouée. Vous avez qu’à organiser ce que vous voulez, je suivrai… Regina savait les analogies que cette discussion provoquait. Quand Blanche lui avait parlé de l’organisation du réveillon, ses pensées s’étaient tout de suite tournées vers Henry. Et comme souvent, elle s’était dit que leur fils voudrait les voir célébrer ce jour comme les autres qui suivraient. La Reine avait cependant appris que ses références systématiques à ce 15
que « Henry aurait voulu » finissaient par énerver Emma. Elle s’abstenait donc de lui en faire part. — Si le salon est terminé d’ici là, ça me ferait plaisir que nous décorions le sapin ensemble, avoua Regina. Et tes parents seront heureux de passer cette soirée en ta compagnie. Emma but une gorgée de bière, seul alcool que Regina lui autorisait à avaler. Elle était une sorte de compromis lorsque la pression devenait trop forte et qu’elle cherchait un moyen facile pour l’apaiser. Regina s’efforçait encore de la pousser vers l’avant, de lui faire ouvrir les yeux sur la réalité de la vie sans la froisser pour autant. Comment la Reine faisait-elle pour tenir bon ? Parfois, Emma se sentait faible et s’agaçait de se voir aussi vulnérable. Encore une fois, elle ne savait quoi répondre, quels mots prononcer et devenait muette. Les Noëls ne seraient plus jamais les mêmes, sa vie ne serait plus jamais la même et la plus petite chose du quotidien ne cessait de lui rappeler Henry. C’était une lutte permanente contre ses propres pensées, ses souvenirs. Elle se leva et jeta la bouteille. — On a encore le temps, tenta-t-elle. Regina le savait mais avait préféré aborder ce sujet dès maintenant, pour laisser à Emma le temps d’y réfléchir. Elle mangea son bouillon et changea de sujet : — Envisages-tu d’acheter une moto ? Car Regina avait remarqué le catalogue posé sur la table du salon. Debout devant le frigo ouvert, Emma esquissa finalement un sourire sur la question de Regina. Celle-ci maniait les
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discussions à merveille contrairement à elle qui n’avait aucun talent pour passer d’un sujet à un autre. — J’en étais sûre, réagit-elle en cherchant une chose dans le frigo. Sans la trouver, elle mit le sujet moto de côté un instant pour demander : — Où t’as mis le reste de ton gâteau au chocolat ? Regina se leva et écarta le pot de moutarde et de mayonnaise : — Ici… Il suffit de se baisser un peu Miss Swan. — J’ai mal au dos, se défendit Emma, de mauvaise foi. La Reine revint vers la table et débarrassa son bol. — Dois-je te rappeler que tu es beaucoup plus jeune que moi pour souffrir du dos ?! Ce qui ramena une question qu’Emma se posait depuis un certain temps. L’assiette de gâteau dans une main, elle prit une cuillère de l’autre et s’assit sur un tabouret pour piocher directement dans les restes. — C’est vrai, t’as quel âge au fait ? Tu me l’as jamais dit. Regina fronça les sourcils en préparant cette fois une casserole d’eau qu’elle fit bouillir pour sa tisane. Jamais elle ne répondrait à cette question. — Et je ne vois pas l’intérêt de te le dire. Le sourire d’Emma devint alors plus malicieux en constatant que la Reine refusait de dévoiler son âge réel.
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Alors dans ce moment propice à la plaisanterie, elle réfléchit tout haut, le regard dans le vide : — Alors, moi j’ai vingt-huit ans, commença-t-elle. On va dire que mes parents en ont trente. En sachant que Blanche avait quoi… Dix ans quand tu t’es mariée… Regina se tourna plus soudainement vers la Sauveuse, vexée par ce calcul tout à fait judicieux qui la mettrait sur la voix de son âge réel. — Miss Swan ! Peu importe mon âge, ce qui compte c’est celui que je fais ! Emma ricana, sincèrement amusée et charmée par leur discussion. Elle aimait quand Regina s’offusquait de la sorte et levait la voix en prononçant un légendaire « Miss Swan ». Elle poursuivit quand même : — En plus, t’es en quelque sorte ma grand-mère par alliance… Elle leva les sourcils en réalisant alors l’âge minimum de la Reine. — Oh bordel ! Ca te ferait dans les… La Reine l’interrompit, les yeux grands ouverts : — Non ! Ca ne compte pas… Ta façon de calculer n’a aucune valeur puisque le temps dans la Forêt Enchantée n’a rien à voir avec celui qui défile à Storybrooke ! Ce que tu peux être… Têtue ! Emma fit tourner son tabouret vers elle et la détailla, le sourire collé aux lèvres.
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— C’est vrai, on doit rajouter dix ans ce qui correspond au nombre d’années où vous êtes restés à Storybrooke avant que j’arrive… Elle laissa passer un bref silence sans quitter Regina qu’elle voyait bougonne et vexée. — Je te trouve très bien conservée pour une… Reine. Sur ce compliment détourné par ce que Regina considérait comme une accusation sur son âge, elle ne put s’agacer davantage. Emma portait un regard sur elle que personne n’avait jamais eu, du moins depuis Daniel, un regard qui la réchauffait et qui lui rappelait que la vie, aussi cruelle étaitelle parfois, méritait d’être vécue. Elle se calma un peu et se servit sa tisane à la menthe. — Mm… Merci… Emma ne détourna pas le regard même si la discussion touchait à sa fin. Il vagabonda sur la silhouette de la Reine toujours parfaitement apprêtée, élégante et charismatique. Du haut de ses talons qui la ramenaient un peu à sa hauteur, Regina dégageait une féminité à toute épreuve et suscitait des envies moins amicales, beaucoup plus intimes dans la tête d’Emma. Et ça n’était pas la première fois qu’elle succombait ainsi à des pensées libertines. Pour plaisanter, Emma avait répété son accusation sur le fait qu’elle l’allumait, mais Regina ne devait pas savoir à quel point. Saisie par un instant de lucidité soudain, Emma détourna ses yeux baladeurs et brillants et se leva. — Je vais regarder la télé, fit-elle avant de s’éloigner. Parce que dans les prochaines minutes, Emma sentirait son désir poindre au creux de son ventre et le besoin de se
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rapprocher de Regina se faire plus pressant. Et elle ne pouvait se laisser aller. Toutes les deux subissaient et enduraient encore la perte d’Henry. La Reine n’avait sûrement pas les mêmes pensées même si parfois, elle lui lançait quelques compliments sur son allure. Depuis le temps qu’elle dormait ensemble, qu’Emma la serrait dans ses bras, Regina n’avait jamais vraiment montré d’attirance plus poussée. Alors, Emma s’installa dans le canapé et alluma la télévision qui reposait pour l’instant sur la table basse devant le mur fraîchement peint. Se plonger dans une série télévisée effacerait ses envies d’intimité avec Regina.
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Chapitre 9 : Ce que les corps exigent…
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Toujours dans la cuisine, Regina s’était retenue de demander à Emma de rester. Elle savait depuis de longues semaines combien il était éprouvant de chasser ses pensées impures de son esprit « mauvais ». Son attirance pour la Sauveuse semblait grandir de jour en jour. « S’aggraver » était d’ailleurs le terme adéquat car la Reine pensait, à tort, que son fils aurait été choqué de découvrir une relation intime entre ses deux mères. Alors Regina se laissait contrôler par une pudeur étrange qu’elle n’aurait pas eue si son fils n’était pas mort.
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Comme chaque soir, elle but sa tisane avant de rejoindre l’étage et leur chambre. Comme chaque soir, elle prit le temps de s’apprêter pour la nuit avant de rejoindre leur lit. Regina savait combien il lui était difficile de trouver le sommeil avant que son épuisement l’emporte. Alors elle récupérait un livre de magie au hasard, le parcourait et le fermait avant d’éteindre les lumières et de fermer les yeux. Dès lors et malgré elle, elle laissait libre cours à ses pensées vagabondes dans l’attente de l’arrivée de la Sauveuse dans leur lit. Puis comme chaque soir, elle entendit la télévision du rez-de-chaussée s’éteindre avant qu’Emma ne rentre dans la pièce. Elle ne bougea pas et, les yeux clos, entendit Emma ôter ses vêtements avant de la sentir se glisser derrière elle. Emma avait fait attention à ne faire aucun bruit parce qu’en général et depuis quelques semaines, Regina parvenait à s’endormir toute seule. Plus besoin de magie, ni d’extraire ses souvenirs douloureux pour lui permettre de fermer les paupières sans risque. Mais la Sauveuse mettrait encore de longues heures à trouver le sommeil. Certains soirs, le désir envers Regina devenait plus fort que sa tristesse ou son chagrin. Fallait-il qu’elle en vienne à songer à son fils pour parvenir à se contenir ? Emma croyait devenir folle. Quand ses remords, ses regrets et sa peine s’atténuaient, son attirance pour la Reine prenait le pas et la hantait tout autant. En sous-vêtements sous le drap, elle tourna les yeux vers Regina qui lui tournait le dos. Dormait-elle ? A en juger sa respiration plutôt régulière, elle pouvait le croire. Alors très doucement, elle osa s’approcher simplement pour passer un bras autour d’elle. Après tout, elle avait déjà fait ce geste à plusieurs reprises et il ne signifiait pas forcément une envie soudaine et déplacée. Parce que là était tout le paradoxe de leur relation. Emma avait conscience de nourrir un lien avec Regina dépassant le stade de l’amitié parce 21
qu’elles s’embrassaient, se tenaient la main, se câlinaient à certains moments. Mais la question du sexe n’avait jamais été soulevée… Pourtant, le désir était bien présent pour Emma qui restait humaine en dépit de tout ce qui s’était passé. Son bras autour d’elle, juste dans son dos, elle pouvait respirer les parfums envoûtants et à la fois réconfortants de la Reine. Dans sa nuisette de satin, Regina éveillait des idées dont elle n’avait pas conscience dans l’esprit d’Emma. Quand elle sentit Regina bouger à peine, se coller un peu plus à elle, elle demeura immobile et attendit. Mais plus les secondes passaient, plus elle avait envie. Du bout de ses doigts, elle longea le bras nu de la Reine, s’occupa comme elle le pouvait dans l’espoir de combler quelques-uns de ses projets. Son cœur tapait plus fort, bien loin d’être prêt à dormir lui aussi. Emma s’accouda. Regina ne bougeait toujours pas et ses yeux semblaient fermés à en juger son profil. Peut-être alors pouvait-elle se contenter d’un câlin comme ceux qu’elles avaient déjà partagés ? Juste un rapprochement tendre, sans gestes osés, ni audacieux. Elle se pencha sur elle et déposa ses lèvres dans son cou, là où les parfums abondaient. La chaleur sous le drap grimpait, mais Emma s’évertuait à ne pas y penser ni à s’attarder sur des suggestions que son esprit mal placé lui présentait. Les lèvres près de son oreille, elle sentit la Reine vaciller et murmura : — Tu dors ? Comment Regina le pouvait, comment le pourrait-elle ? Les assauts de la Sauveuse venaient de balayer toutes ses tentatives de repos. D’habitude, Emma se contentait de l’enlacer, de la serrer dans ses bras, ce qui avait déjà un effet grisant sur la Reine, mais les caresses qu’elle venait de lui infliger, ses baisers délicieux, venaient d’avoir raison de ses 22
dernières forces. Les frissons qui parcouraient Regina sous les doigts d’Emma venaient de raviver son désir si déplacé, pensait la Reine. Elle tourna doucement son visage et trouva la chaleur du souffle sucré de la Sauveuse, ses lèvres à quelques centimètres des siennes. Son visage enjôleur audessus du sien, ses traits à la fois durs et insolents se reflétaient sous la fine lumière des lampadaires à l’extérieur. Regina releva sa main vers la joue d’Emma et répondit d’une voix chaude qui trahit ses émotions : — Non… Quand Regina la regardait ainsi, la touchait de cette façon, Emma se sentait plus faible encore, tout à fait vulnérable face à ses charmes. La Reine devenait irrésistible. Elle se pencha à nouveau sur elle et ne put faire autrement que de l’embrasser. Goûter à ses lèvres pulpeuses, à peine humides et chaudes comblait un peu son désir, mais le renforçait aussi. Son souffle s’écourtait, s’accélérait. Regina approfondissait le baiser, le rendait à la fois doux et savoureux. Et plus il durait, plus il s’intensifiait. Elle la sentit s’allonger sur le dos, garder sa main dans ses cheveux. Emma succombait un peu plus chaque seconde. Sa main s’égara sur son flanc et descendit sur sa hanche. Ses doigts s’y refermèrent, s’y agrippèrent dans une vague soudaine de désir brûlant. Alors le tissu remonta, découvrit sa cuisse. Entre frissons et plaisir, la Reine perdait l’esprit. Ses envies prenaient le pas sur sa pudeur tandis que ses lèvres se refermaient sur celles de la Sauveuse dont l’audace la charmait. Comment pourrait-elle résister sous ses mains baladeuses ? Où trouverait-elle la force de la repousser si Miss Swan s’évertuait à accentuer ses folles envies ? Sous les paumes conquérantes d’Emma, Regina se consumait sous ses caresses d’une lenteur délicieuse. Pouvaient-elles 23
seulement aller plus loin ? Etait-ce raisonnable ? Pourquoi diable se posait-elle tant de questions ? Pourquoi ne se laissait-elle pas simplement envahir par les parfums enivrants de la Sauveuse ? Sa tête bascula en arrière quand les lèvres d’Emma descendirent dans son cou. Regina ne pouvait décemment plus réfléchir. Elle sentit les doigts d’Emma faire tomber la bretelle de sa nuisette et ses lèvres tracer un chemin brûlant sur le haut de sa poitrine. Malgré toute sa pudeur, Regina ne pouvait se résoudre à l’arrêter. Emma lui faisait redécouvrir des sensations si grisantes, si extatiques, des émotions que Regina avait oubliées. Quand elle perçut les lèvres de la Sauveuse se refermer sur son mamelon, sa main agrippa doucement ses cheveux dorés. Son cœur tapait si vite, les vertiges qui la prenaient étaient si euphorisants… Emma se laissait emporter par le feu de l’instant. Les réactions de Regina, ses quelques soupirs retenus n’avaient fait que la conforter dans son désir. Elle n’avait pu se résoudre à cesser son avancée. La peau de la Reine sous sa langue avait un goût sucré, doux et velouté. Aussi chaude que son corps l’était, elle glissait sous ses lèvres avec délice. Regina ne la stoppait pas tandis qu’elle suçotait son téton, s’attachait à le durcir pour accroître l’excitation. A cet instant, plus rien d’autre que ce moment avec Regina ne comptait. Pour la première fois depuis des semaines, depuis trop longtemps, aucune pensée parasite ne venait la tourmenter. Tout devenait évident, étourdissant à force d’excitation. Sa main lâcha la bretelle et longea son flanc. Elle sentit le corps de la Reine se cambrer sous le sien, l’épouser complètement. Sa main s’agrippa à sa cuisse, la lui releva pour la plier. Elle délaissa son sein pour remonter dans son cou, le souffle brûlant et court. Son lien avec Regina prenait tout son sens, la nécessité de la garder à ses côtés devenait bien réelle. Ses lèvres se refermèrent autour 24
de son lobe, retracèrent le contour de son oreille dont elle appréciait la petite taille fragile. Elle aurait pu la conquérir comme ça pendant des heures durant, toute la nuit si seulement le désir ne l’avait pas dévorée au point d’en être douloureux. Alors, sa main s’égara entre ses cuisses et un autre soupir s’échappa.
* * *
Le soleil perçait à travers les rideaux de la chambre de la Reine tandis que cette dernière se relâchait doucement sur le corps de la Sauveuse. Ses lèvres glissaient dans son cou, ses narines s’imprégnaient de ses parfums délicieux. S’il existait bien une chose plus magique que la magie elle-même, c’était cet instant d’après, pensait Regina, ce moment si particulier après l’orgasme où plus rien ne venait embrumer son esprit serein. Son corps chaud, nu épousait celui de la Sauveuse, ses pensées plus calmes bercées par les doigts d’Emma qui caressaient son dos. Sa joue se reposa alors sur le creux de son épaule tandis qu’elle s’imprégnait de ces secondes si rares et si précieuses. Ses doigts sur la clavicule de la Sauveuse s’ouvraient et se fermaient lentement. — Chaque jour devrait finir comme la journée d’hier et commencer comme ce matin, dit-elle. Emma esquissa un sourire sur ces paroles justes. Après une nuit aussi exaltante, pleine de plaisirs et d’excitation, elle ne voulait plus se lever, ni se dégager du corps de Regina. Celle-ci avait finalement succombé à ses assauts et l’avait fait encore et encore, sûrement six ou sept fois au total. Mais la Reine avait dissimulé bien d’autres atouts en plus de sa 25
beauté hypnotique. De tels charmes qu’Emma ne cessait d’en redemander… Sa main dans son dos revisitait la douceur de sa peau, la forme légère et courbée de ses omoplates, la finesse de son flanc. Comment avait-elle pu vivre sans jusque-là ? — Il suffirait d’arrêter le temps en dehors de cette chambre, suggéra-t-elle. Regina se redressa et plissa les yeux dans ceux de sa Sauveuse. — Ce serait très mal Miss Swan… Le sourire d’Emma devint plus malicieux devant l’expression faussement moralisatrice de sa Reine. Elle lui repoussa quelques cheveux bruns pour pouvoir détailler son beau visage. — Et je serais obligée de dire que c’est ta faute, après… Charmée, La Reine sourit à son tour et ramena sa joue à sa place au creux de l’épaule de la Sauveuse. — Ce qui sera embarrassant car il me faudra expliquer les raisons qui m’auront poussée à figer la ville dans le temps une seconde fois. Emma passa un bras sous sa tête pendant que l’autre enveloppait Regina. Sa main ne cessait d’aller et venir dans son dos. La Sauveuse se plaisait à se rappeler leurs étreintes de la nuit et s’attardait sur les émotions agréables de ce moment avec Regina. Pour une fois, elle se sentait à peu près apaisée et sereine. Son esprit ne se focalisait pas sur la perte d’Henry, mais se laissait aller lui aussi. Le regard rivé sur le plafond, songeuse, elle demanda :
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— Est-ce que tu l’avais déjà fait avec une femme ? — Non, répondit la Reine d’une voix éreintée… Mais je sais que jamais plus je ne voudrais goûter à autre chose qu’à ce que tu m’as offert cette nuit… Emma entendit son cœur taper dans sa poitrine sur ces mots directs. D’ailleurs, Regina avait dû capter son rebond furieux depuis sa position sur sa poitrine. Elle baissa les yeux sur elle et déposa un baiser sur sa tête. Même ses cheveux sentaient bon, aussi doux que de la soie. Elle redressa le visage et reprit : — Tu sais que tu peux me le dire si tu l’as déjà fait avec une autre femme, je vais pas me vexer. La Reine redressa son visage sur cette question réitérée. Elle s’accouda de part et d’autre du visage de sa Sauveuse dont elle ne lassait plus de redessiner les traits de son regard. — Pourquoi te mentirais-je ? — Pour me faire plaisir, répondit Emma. Réponse qui était tout à fait judicieuse, songeait Regina. — Sais-tu seulement depuis combien de temps personne ne m’avait fait jouir comme tu l’as fait, Miss Swan ? Emma détourna les yeux et soupira. Regina prononçait des mots qui mettaient le feu en elle et soufflaient sur des braises restées incandescentes. — Est-ce que tu sais que t’es en train de me redonner envie, là ?
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Rares étaient ceux qui avaient un jour vu l’étincelle brune et brillante dans le regard de Regina dont l’expression était devenue plus coquine. — L’avantage d’être restée belle et jeune, c’est aussi de rester insatiable en amour… Emma ne quittait plus son sourire sur ce bref résumé et se réjouissait de cette annonce. Elle releva la tête et captura les lèvres de sa Reine entre les siennes. — Tu l’auras voulu, souffla-t-elle dans le baiser. Alors qu’elles approfondissaient le contact de leurs lèvres, toutes les deux prêtes pour une autre étreinte, la sonnette retentit et Emma dut s’arracher bien malgré elle à ce baiser. — Merde ! lâcha-t-elle. Elle tourna les yeux vers le réveil et ajouta : — Putain, il est déjà neuf heures ! Ce qui signifiait que l’équipe d’ouvriers arrivait pour continuer les travaux. Emma fut dépitée. Comment avaitelle pu oublier leur retour ? Maintenant, elle se retrouvait coupée dans son élan, dans ses envies et dans son désir inassouvi. — Il faut que je descende, fit-elle à Regina d’un regard désolé. Elle posa tout de même ses lèvres sur les siennes pour un autre baiser qu’elle fit durer un peu, juste assez pour garder leur goût savoureux. — Je suis désolée, ajouta-t-elle.
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Mais Regina la retint par le bras et la tira sur elle tout en basculant sur le dos… — Attends Miss Swan… Comment Emma pouvait-elle résister ? Quand la Reine faisait preuve d’autant d’autorité, elle se devait d’obéir, surtout si elle ne portait aucun vêtement… Alors, elle renouvela le baiser, le rendit plus profond, teinté d’envie. Les mains de la Reine dans son dos, glissaient jusqu’à ses reins et flirtaient avec ses fesses. De longs frissons traversèrent son corps déjà animé, éveillé et réchauffé. Jamais, elle ne se lasserait des sensations que Regina lui faisait percevoir. Son être semblait revivre sous ses caresses, sur ses lèvres, à travers chacun de ses mots doux. Mais la sonnette d’entrée retentit encore et perturba cet instant. — Il faut que j’y aille, fit-elle sur ses lèvres. Regina sourit dans le baiser… — Je te laisse y aller… Uniquement parce que j’aime te voir transpirer. Emma l’embrassa une ou deux secondes de plus et s’écarta de son petit corps irrésistible. Elle se glissa sur le bord du lit. — Tu m’as fait transpirer toute l’eau de mon corps, cette nuit… Elle se leva et partit directement dans la salle de bains. Elle attacha ses cheveux rapidement et enfila ses sous-vêtements avant de mettre un jeans troué et un débardeur. Nul besoin de douche ce matin puisque en effet, elle transpirerait dans l’heure suivante. Elle ressortit de la pièce, Regina s’était levée et couverte d’un de ses peignoirs de satin. Emma s’approcha d’elle, aimantée, toujours plus attirée surtout 29
depuis leur nuit d’extase. Elle l’aida à fermer les pans de son vêtement devant sa poitrine. — Couvre les, y a des hommes qui attendent devant la porte… Regina se mordit le coin de sa lèvre en constatant la réaction possessive et jalouse de la Sauveuse, un détail qu’elle n’avait pas constaté mais qui lui plaisait particulièrement. Elle la vit sortir et descendre au rez-de-chaussée où très vite les voix masculines des nains résonnèrent depuis le salon encore en travaux. La Reine devait, elle aussi, penser à ses obligations de Maire en y songeant, car être la Méchante Reine ne l’exemptait pas de ses responsabilités…
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Malgré sa fatigue, l’humeur de Regina fut proportionnelle à sa nuit passée dans les bras d’Emma. Garée devant la mairie, elle fut d’humeur à rejoindre le Granny’s pour s’offrir un café. — Bonjour Madame le Maire, entendit-elle en croisant Archie Hooper. — Bonjour Archie, répondit-elle d’un sourire. Elle continua sa route, enthousiaste, saluant finalement d’elle-même ceux qu’elle croisait et reconnaissait. Une fois entrée dans le restaurant, elle s’installa directement derrière le comptoir et vit Ruby approcher : — Madame le Maire… Je vous sers quoi ce matin ? 30
Regina plissa les yeux, songeant que son appétit était au beau fixe ce matin. — Un grand café crème, une part de tarte à la framboise et un beignet aux pommes. Ruby fut surprise par tant de légèreté dans le ton de la voix de Regina Mills dont l’humeur joyeuse n’échappait à personne depuis qu’elle était entrée dans le restaurant. — Regina, salut ! fit Blanche en venant s’asseoir près d’elle. — Bonjour Mary-Margaret. Blanche ôta son bonnet, son écharpe, ses gants de laine et commanda son café habituel tandis que David entrait à son tour après avoir garé la voiture. Tandis qu’il saluait d’autres de leurs amis, Blanche en profita pour parler avec la Reine. — Alors, tu as pu parler à Emma pour le réveillon ? — Miss Swan accepte que nous réveillonnions ensemble. Nous ferons le sapin dès que le salon sera prêt. — Il n’y a plus beaucoup de travaux, d’après David. — Non, confirma Regina. Et j’attends l’accord d’Emma pour que nous achetions de nouveaux meubles. — C’est parfait, commenta Blanche, enthousiaste. On va pouvoir se réunir pour les fêtes de fin d’année. Dans le restaurant, les regards des gens présents se posaient parfois sur le petit groupe que Regina, David et Blanche formaient. Jamais, cette scène ne s’était déroulée. Personne n’avait encore jamais vu les Charmant discuter ainsi avec la Méchante Reine.
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Derrière le comptoir, Granny les guettait par-dessus ses lunettes tout en préparant la pâte pour sa nouvelle tarte. — Tu crois qu’on doit s’attendre à une malédiction ou un autre sort maléfique, demanda-t-elle à Ruby. Ruby esquissa un sourire sur cette question qui dévoilait la méfiance et le recul de sa grand-mère. En effet, voir les Charmant à la même table que la Reine équivalait à mettre un loup dans une bergerie… Pourtant, aucun massacre n’avait lieu et le ton ne semblait pas monter entre les trois. — Espérons qu’ils soient juste en train de parler, répondit Ruby. — Parler ? questionna Granny, loin d’être dupe. Parler de quoi ? De leur repas en famille pour les fêtes de Noël ? Ruby leva les sourcils et répondit : — Je crois que c’est ce qu’ils font en effet. Granny s’arrêta dans sa tâche et releva ses lunettes pour fixer sa petite-fille droit dans les yeux. — Tu plaisantes ? — Non, je crois vraiment qu’ils discutent de ce qu’ils feront pour les fêtes. Granny en demeurait muette et désarçonnée. Si on lui avait dit un jour que la Méchante Reine s’assiérait à la même table que les Charmant, jamais elle n’aurait pu le croire. A cet instant, la clochette tinta et Crochet entra dans le restaurant. Il s’approcha du comptoir. — Salut tout le monde, fit-il, je voudrais un grand café avec un peu de lait. 32
Il balaya la salle des yeux et fronça les sourcils en quand son regard s’arrêta sur Regina, David et Blanche. Cela faisait des semaines qu’il avait quitté Storybrooke pour reprendre la mer à bord de son bateau. Il avait songé à quitter ce monde, mais s’était résigné. Après les événements terrifiants qui avaient suivi son bref passager à Neverland, il avait préféré s’éclipser… — On dirait que j’ai raté pas mal de choses depuis que je suis parti… Ruby déposa son gobelet devant lui et commenta : — Storybrooke nous réserve toujours des surprises. Crochet n’en revenait pas. — A ce stade-là, c’est plus une surprise, c’est un mirage ou un sortilège d’envoûtement… Il fixa Ruby et demanda : — Et où est Emma ? — Chez Regina… Crochet fronça les sourcils, de plus en plus perplexe et Ruby reprit. — Oui, je sais ce que tu penses mais pour avoir suivi ce qui se passe depuis le début, c’est mieux ainsi pour tout le monde. La Sauveuse et Regina semblent avoir fait la paix et plus si affinités si tu vois ce que je veux dire ! Crochet manqua de s’étouffer avec sa gorgée de café et dut s’essuyer la barbe avant de rétorquer : — Quoi ? 33
Avait-il bien entendu ? — T’es en train de me dire qu’Emma et Regina sont… Ruby acquiesça d’un signe de tête et Crochet n’en fut que plus agacé. — Impossible ! Emma et Regina… Te rends-tu compte de ce que tu affirmes ?! Ce sont deux femmes, je te rappelle. — Etonnant qu’un pirate dans ton genre en soit choqué ! — Je suis pas choqué, se défendit-il, mais ça ne se voit pas deux femmes qui restent entre elles… Ca ne dure qu’une nuit, voire deux, histoire de s’amuser un peu, mais c’est juste de l’amusement… — Tu ne dois sans doute pas connaître les femmes aussi bien que tu le penses. Crochet se redressa, touché dans sa fierté d’homme. — Je les connais bien et je connais Emma. La compagnie d’un homme finira par lui manquer… Et il en sera de même pour notre chère Reine. Ruby haussa les épaules. — Et bien si tu crois aux contes de fées, revois tes classiques parce qu’elles semblent plutôt bien ensemble si tu vois ce que je veux dire ! Sur ces dernières paroles, Ruby retourna à son service. Elle ne préférait pas rentrer dans les détails avec Crochet. Blanche lui avait raconté combien la Méchante Reine et la Sauveuse s’étaient « cherchées » bien avant la mort d’Henry, à la même époque où Crochet avait lui aussi tenté ses
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chances avec Emma, mais pour une fois, la Reine avait gagné.
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Chapitre 10 : Oser vivre à nouveau…
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Pour personne, l’humeur joyeuse et heureuse de la Reine ne passa inaperçue selon les jours où les habitants de Storybrooke la croisaient. La fin de l’année approchait doucement et malgré les températures plus fraîches et les premières neiges, le soleil parvenait à percer à travers les nuages pour égayer les esprits. Pas une seule fois en onze ans, Regina n’avait mis un si gros budget dans les décorations de Noël. Des guirlandes, des luminaires, des lampions et des bonshommes de neige ornaient les rues de la ville, sans parler du grand sapin installé sur la place près de la bibliothèque. Regina gardait en tête les paroles de Blanche, à savoir l’idée qu’Henry pouvait peut-être voir ce qu’elle faisait de l’endroit où il était désormais. Alors la mémoire de son fils devenait une sorte de bonne conscience pour la Reine. La seule chose dont Regina ne parlait pas était le revers des émotions véhiculées par cette fin d’année. Car le jour de Noël, malgré sa portée religieuse, était pour elle un jour dédié aux enfants. Chaque fois qu’elle croisait des enfants dans la rue avec leurs parents quémandant des cadeaux, les souvenirs de son fils, de sa plus grande perte, 35
lui revenaient, tel le rappel d’une douleur qui ne s’effacerait jamais. Et grâce au ciel, Emma était près d’elle quand elle rentrait le soir après une longue journée. Sa Sauveuse avait terminé de peindre le salon, d’aménager les meubles qu’elles avaient choisis ensemble. Alors sa demeure était devenue plus chaude sous les couleurs orangées des murs, les tapis, les tableaux plus colorés dans des teintes rouges, grises, vertes, jaunes, etc. Et Emma lui avait laissé le soin de décorer le sapin de Noël qui trônait fièrement près de la cheminée. Le matin du réveillon, la Reine endormie fut extirpée de son sommeil non pas par son réveil, son téléphone ou l’arrivée impromptue d’un proche de la Sauveuse, mais par une vague de chaleur, d’extase soudaine et diffuse dans son basventre. A peine ouvrit-elle les yeux que sa lèvre inférieure disparut entre ses dents avant qu’elle ne lâche un doux soupir : — Mmm… Miss Swan… Sa main eut pour premier réflexe de descendre dans les cheveux dorés d’Emma dont le visage était entre ses cuisses, la langue de la Sauveuse lui donnant autant d’attentions délicieuses que Regina en exigeait souvent à son réveil. Sa tête bascula en arrière sur les assauts infligés par Emma. Qu’il était bon d’être arrachée à son sommeil par un plaisir si intense. Sa respiration devenait déjà plus profonde, son cœur palpitant sous les effets de son extase. — Tu es incorrigible, ajouta-t-elle d’une voix chaude. Sous le drap, Emma bouillonnait depuis quelques minutes déjà. Elle n’avait pu se résoudre à taire ses envies d’intimité à son réveil. Ces dernières semaines avaient été remplies de très nombreuses étreintes où Regina lui avait démontré son 36
côté demandeur et coquin. Un côté qui ne faisait qu’accroître l’attirance d’Emma envers elle. Alors ce matin, elle avait ouvert les yeux et les avait tournés vers sa Reine. La regarder dormir contre elle, aussi séduisante même ensommeillée, avait réchauffé son corps. Ses mains chastes, sages et retenues l’avaient d’abord caressée mais s’étaient finalement égarées après quelques minutes. Et maintenant qu’elle sentait Regina bien réveillée, le plaisir se décuplait. Les doigts de sa Majesté s’agrippaient à ses cheveux en rythme avec ses caresses. Du bout de sa langue, elle découvrait son trésor entre ses cuisses, lui offrait toute son attention. Diable que Regina la rendait folle, avide et insatiable… Ces commentaires lâchés au gré de leurs étreintes avaient un pouvoir euphorisant, explosif sur la Sauveuse. Celle-ci aimait l’entendre lui glisser quelques encouragements libertins au creux de son oreille. Elle redoublait alors d’inventivité, d’idées toutes aussi indécentes les unes que les autres. La surprendre ainsi, comme ce matin, faisait partie de ses passe-temps favoris. Si la Reine aimait se sentir comblée, Emma ne voyait aucun inconvénient à céder à ses exigences. Quand elle sentit sa Majesté se raidir, son corps se cambrer, sa main l’agripper, Emma multiplia ses assauts et joignit son pouce à sa langue sur son intimité. Un doux gémissement résonna dans la chambre et elle sut que la Reine succombait… Pour l’instant, rassasiée, Emma remonta lentement le long du corps délicieux de sa Reine. Elle y laissa quelques baisers brûlants et atteignit son cou aux mille senteurs. — Bonjour, Majesté, fit-elle d’une voix chaude, à son oreille. Regina ne pouvait rêver mieux et se demandait comment chaque matin pouvait ainsi frôler la perfection. Bien sûr, dans ce genre de moment, son fils n’occupait pas dans ses 37
pensées, son cerveau encore victime de délicieux vertiges après son orgasme. Ses cuisses écartées, la Reine succombait au corps délicieux de la Sauveuse qui épousait le sien à merveille. Son pied glissa le long de sa jambe, sa main lui repoussant quelques mèches dorées de son visage. — T’ai-je dit combien j’aimais tes initiatives matinales ? Accoudée de part et d’autre du visage de la Reine, Emma put la détailler à volonté. Son regard pétillant de plaisir, elle esquissa un léger sourire à la fois satisfait et charmé. Ses lèvres se posèrent sur les siennes, incapables de ne pas l’embrasser. — Ouais... Mais tu peux me le dire encore… Elle se recula, apprécia les caresses plus tendres de sa Majesté dans son dos et se laissa glisser un peu sur le côté pour éviter de peser de tout son poids sur son corps. Elle la sentit suivre le mouvement pour éviter de mettre trop de distance entre elles et la prit dans ses bras. — Je savais qu’après la soirée d’hier soir, t’aurais besoin d’un remontant ce matin, ajouta-t-elle. Parce que la veille, Madame le Maire avait eu une réunion avec le conseil municipal qui regroupait les adjoints et les conseillers. Et Regina était rentrée assez tard après une longue journée. Emma savait qu’avec l’approche des fêtes, beaucoup de choses devaient être organisées, réglées et la nouvelle année préparée. Avant qu’elle ne se rapproche ainsi de Regina, Emma n’avait pas soupçonné l’ampleur de son travail, de ses tâches à accomplir. La Reine se lova contre le corps de sa Sauveuse. Ce matin, personne ne viendrait les déranger. Ni l’une ni l’autre n’avait
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d’obligation jusqu’à la fin de la journée, ce qui signifiait qu’elles avaient tout le temps pour profiter de cet instant. Son visage se fondit dans le cou d’Emma, en quête de ses parfums délicieux. — Je devrais t’engager comme assistante... On pourrait faire un tas de choses dans mon bureau… Dessus, dessous… La Reine se redressa au-dessus du visage d’Emma qui s’était finalement allongée sur le dos, une main sous sa tête. Ainsi, elle pouvait contempler son regard bleu qui avait le don de la faire chavirer. — Il y a aussi la salle de conférence que je trouverais plus intéressante lors de mes prochaines réunions. Emma souriait sur les nombreuses propositions de sa Reine. Celle-ci se montrait aussi insatiable qu’elle, parfois plus et elle ne pouvait s’en réjouir davantage. Elle ne cessait de la détailler et de retracer ses traits autoritaires, quelques fois ténébreux et finalement envoûtants. — Pas besoin d’être ton assistante pour m’incruster dans ton bureau ou ta salle de conférence, précisa-t-elle sur le même ton. Elle redressa son visage et captura ses lèvres dans un baiser tendre et savoureux. — T’étais aussi coquine avant ? — Non, fit la Reine dans un petit sourire… Mes amants n’étaient pas aussi entreprenants que toi et n’avaient pas non plus ton endurance. Emma ne quittait pas son sourire contre les lèvres de Regina. Elle la fit basculer sur le dos et se glissa sur son 39
corps. L’envie l’envahissait encore, le désir revenait l’échauffer. Les parfums de sa Reine lui faisaient tourner la tête. — C’est l’avantage d’être avec une femme… Pas besoin d’attendre. Elle retourna l’embrasser avec plus de passion et sentit Regina réceptive à cet assaut. Une fois de plus, elles consumeraient leurs envies respectives et profiteraient de leur temps libre pour renforcer leur relation, la concrétiser un peu plus à travers une nouvelle étreinte.
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En fin de matinée, elles avaient dû quitter leur chambre et s’arracher à leur lit après une énième étreinte. Le soir même, le réveillon aurait lieu en compagnie de Blanche et David. Regina avait donc tenu à faire la cuisine, préparer des plats traditionnels pour la soirée en famille. L’absence d’Henry ne devait pas peser. Chacune voulait se tourner vers l’avant et non s’abandonner à leur tristesse et risquer de gâcher le repas. Alors, Regina avait pris les choses en main, investi sa cuisine, la salle à manger ainsi que le petit salon. Tout avait été prévu selon les plans de la Reine. En début de soirée, alors que la nuit était tombée sur Storybrooke et que quelques flocons commençaient à blanchir les routes, Emma se retrouva reléguée au salon pour assurer la préparation des alcools pour l’apéritif. Elle était interdite dans la cuisine et risquait de ne pas obtenir ses présents de la Reine si elle désobéissait. Elle avait bien tenté
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de l’aider durant le courant de l’après-midi, avait au moins placé les couverts sur la table, fait les courses de dernière minute pour acheter des ingrédients pour les plats de Regina. Blanche et David arrivèrent, d’autres plats dans les bras. Une fois qu’elles les eurent salués, Blanche et Regina disparurent dans la cuisine, laissant la fille avec son père… — Ca sent drôlement bon, commenta David en s’approchant du bar. Emma remplit le verre de son père avec du whisky et de la glace et répondit : — Ouais, ça fait des heures que Regina est enfermée dans la cuisine. Je crois qu’elle a oublié qu’on était que quatre. David sourit sur cette remarque qui impliquait la passion de Regina pour la cuisine. Une main dans la poche, il balaya le petit salon fraîchement décoré qu’il avait aidé à rénover. — Tu as eu raison de mettre la cheminée, commenta-t-il, avec le froid qu’il fait dehors, vous allez en avoir besoin. Emma s’appuya contre le rebord de la cheminée, une bière à la main. Elle avait droit au whisky ce soir, mais tentait de ne pas sauter sur l’occasion. — Alors ? Quoi de neuf au commissariat ? demanda-t-elle curieuse. David reporta les yeux sur sa fille et finit par s’asseoir dans le canapé. Son expression redevint plus sérieuse lorsqu’il se rappela justement d’un évènement peu ordinaire à Storybrooke. — Tu te souviens de ce type qui s’était perdu la semaine dernière ? 41
Emma acquiesça d’un signe de tête. En effet, un inconnu de Storybrooke était arrivé en ville après s’être, selon lui, trompé de route. — Ouais… Trevor Wyatt si je me souviens bien, et alors ? — Il projette de s’installer, annonça David. Emma fronça les sourcils, perplexe et sur le recul. — A Storybrooke ? — Oui, répondit David. Il veut ouvrir une filiale de sa société qui fait dans l’exportation de bois. Emma gardait une expression incertaine et interrogative. Normalement, Storybrooke demeurait invisible aux gens de l’extérieur. Savoir qu’un individu était parvenu à franchir l’entrée restait déjà un fait troublant, mais entendre qu’il souhaitait s’installer, la mettait sur le recul. — Pourquoi faire ? fit-elle. Pourquoi Storybrooke ? On lui a dit que la forêt appartenait à la ville ? — Il le sait, acquiesça David, mais il dit qu’une partie au nord n’appartient à personne. — Et Regina est au courant ? — Bien sûr, mais elle ne peut rien faire puisque cette partie de la forêt se trouve aux abords des limites de Storybrooke. Emma but une gorgée de bière et suggéra avec évidence : — Il suffit de fabriquer un document attestant que la forêt en question appartient à la ville. David secoua la tête en signe négatif.
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— C’est pas aussi simple, répondit-il. Wyatt peut demander un plan du cadastre de la région directement à Portland, la direction de l’Etat. Emma marqua une pause et réfléchit. En théorie, Storybrooke n’existait sur aucune carte et personne ne devait la connaître puisqu’elle était une ville invisible. Si ce type alertait des personnes plus hauts placées, alors d’autres pourraient arriver et ainsi de suite… Regina avait dû omettre de lui en parler puisqu’elle l’avait occupée à autre chose de beaucoup plus agréable… Blanche quitta la cuisine, accompagna Regina vers la table de la salle à manger afin d’y poser les entrées de leur repas. Huitres, petits canapés de foie gras ou de caviar, la Reine n’avait rien laissé au hasard, ne songeant nullement à ses invités mais à son propre plaisir. — A table, fit-elle en voyant Emma et David poursuivre leur discussion. Sa Sauveuse lui lança un sourire enjôleur tandis que Regina ne se lassait pas de la contempler dans sa tenue plus « festive » consistant en un pantalon de tailleur et une chemise blanche cintrée. Tous s’étaient bien vêtus pour cette soirée. David avait laissé ses jeans et chemises de ville pour un costume élégant assorti à la belle robe blanche de Mary-Margaret. Quant à la Reine, elle avait opté pour une de ses magnifiques robes noires fendue sur le côté, à la fois élégante et aguichante. Tous les quatre s’installèrent et Emma prit aussitôt la bouteille de vin pour servir les verres. Ce soir, sa Reine ne lui imposait aucune restriction sur l’alcool et tous les excès seraient donc permis à tous les niveaux.
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— Vos entrées mettent en appétit, lança David qui, pour des raisons obscures, continuait de vouvoyer la Reine autant que celle-ci le faisait. — Et je vous suggère le caviar, je l’ai commandé expressément de Portland, c’est un délice. Blanche, le regard gourmand, ramena des toasts dans son assiette tandis qu’Emma demanda à la Reine : — Il va falloir qu’on discute de ce Wyatt qui s’installe à Storybrooke. Mais Regina répondit : — Ce soir, on ne parle pas travail. — Oui, approuva Blanche. Surtout que David et moi avons une importante nouvelle à vous annoncer. David sourit largement. — On s’est dit d’ailleurs qu’on vous soumettrait à un petit jeu pendant le repas. — Quel genre de jeu ? demanda Emma. — Des devinettes, répondit Blanche. Vous devez essayer de découvrir ce qu’on doit vous dire. Regina marqua une courte pause et tenta la première sans hésitation: — Vous comptez vous remarier ? — Non, fit David en souriant. Emma les regardait à tour de rôle, intriguée et perplexe. Elle mâcha sa bouchée de toast au foie gras frais poêlé aux 44
cerises, en apprécia les saveurs exquises originales. Ce soir, sa Reine s’était dépassée à tous les niveaux et avait encore une fois démontré ses talents de cuisinière et d’hôtesse. Sa robe noire ne la couvrirait pas longtemps une fois qu’elles seraient seules, s’était dit Emma en la dévorant des yeux. Mais pour l’heure, elle se demandait quel genre de nouvelles David et Blanche avaient à leur annoncer. — Vous avez acheté une maison ? questionna-t-elle à son tour. — Non plus, répondit Blanche sans quitter son sourire. Mais on y pense cela dit… A en juger les expressions que les Charmant arboraient, il s’agissait d’une heureuse nouvelle et la Reine continuait d’y réfléchir. Elle tenta à nouveau : — Vous comptez quitter Storybrooke et vous souhaitez qu’Emma ou moi, vous donnions le contre sort pour quitter la ville ? Blanche roula des yeux : — Quelle idée ! Quitter la ville et nous éloigner de notre famille ? Non, bien sûr que non ! Regina fut perturbée par le « notre famille » qui pouvait signifier que Mary-Margaret la considérait comme un membre à part entière de leur petit clan de « gentils » malgré leur passif si chaotique. — Désolée, je vois pas, fit Emma après réflexion. Blanche tendit sa main vers David qui la lui prit et annonça alors :
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— Je suis enceinte. Le silence qui tomba dans la pièce rendit les Charmant incertains malgré leur sourire respectif. Emma ne disait rien, les regardait avec des yeux ronds, tandis que la Reine venait de froncer les sourcils en les regardant. Et plus les secondes s’écoulaient, plus le silence devenait gênant. — On tenait à ce que vous soyez les premières au courant, intervint Blanche pour briser le silence. — On sait bien que c’est inattendu et nous avons été tout aussi surpris que vous, ajouta David sans quitter le sourire. Emma en demeurait bouchée bée, loin d’avoir songé à ce qu’un jour, Blanche et David fassent une telle annonce. Elle réalisa soudain ce que cela impliquait. — Alors quoi ? fit-elle, je vais avoir un frère ou une sœur ? Son expression transparut autant de confusion que de perplexité parce que cette question sonnait étrangement à ses oreilles. — C’est vrai que normalement, vous êtes censés avoir au moins cinquante ans tous les deux, alors… Ca fait bizarre… Mais c’est bien… Enfin, j’imagine. Emma ne savait quoi dire de plus. Ses parents semblaient si heureux. Elle jeta un regard sur la Reine qui n’avait pas dit le moindre mot. Regina ne savait quoi dire ni comment réagir. La bienséance exigeait qu’on se réjouisse d’une pareille annonce mais la Reine ne le pouvait. Elle n’expliquait pas les émotions que cette nouvelle faisait naître en elle. Peut-être y avait-il un soupçon de jalousie, d’amertume ou de rancune venant 46
s’ajouter à toutes les injustices subies depuis tant d’années. Pourquoi fallait-il que les Charmant aient encore droit à ce que la vie lui avait retiré ? Pourquoi eux pouvaient-ils avoir un enfant alors qu’elle venait de perdre le sien ? Regina détourna le regard, prise de vertiges, d’une peine qui remonta bien trop violemment pour qu’elle ne puisse la contrôler. Elle se leva sans un mot et s’éloigna dans la cuisine laissant Blanche et David complètement perturbés. Blanche voulut se lever mais Emma la devança : — Non, c’est bon, j’y vais. Emma quitta la table à son tour et rejoignit la Reine qu’elle vit appuyée sur ses deux mains au rebord de l’évier. — Hey, l’interpella-t-elle doucement, Regina… Elle fit quelques pas vers elle, la sentant tendue à l’extrême. Elle tenta tout de même : — Est-ce que… Est-ce que ça va ? Regina sentait remonter en elle des émotions qu’elle avait pensées oubliées. Elle se tourna vers la Sauveuse, le regard assombri. — Comment osent-ils nous jeter à la figure leur bonheur alors qu’Henry est mort il y a seulement six mois ?! De quel droit Blanche-Neige se permet-elle pareil affront sous mon propre toit, Miss Swan ? Je ne peux le tolérer ! Ils n’ont pas le droit de nous faire ça ! Ce bébé, c’est nous qui devrions l’avoir, c’est moi qui devrais être enceinte, pas MaryMargaret ! Quand aurais-je droit moi aussi à une fin heureuse ?! Des larmes ponctuèrent ces complaintes, mais Emma demeurait plus confuse que jamais sur l’emportement de 47
Regina. Elle avait mal de la voir aussi affectée, tellement touchée qu’elle en pleurait. De ses pouces, elle essuya ses larmes sur ses joues, mais répondit : — Du calme, Regina, fit-elle, ça n’a rien à voir avec toi, là, ni Henry… Et tu les as entendus, c’était pas prévu. Je crois pas qu’ils aient annoncé ça pour te faire enrager… Et… Mais elle remettait les paroles de Regina dans l’ordre dans sa tête et ajouta, plus perplexe que jamais. — Et pourquoi tu dis que c’est toi qui devrais être enceinte ? Même si la proximité d’Emma réconfortait la Reine, sa peine demeurait. Elle détourna le regard, mettant toute son énergie à calmer la tension qui grimpait en elle. La question de sa Sauveuse la mettait face à son propre égoïsme, à son refus de voir les gens de son entourage heureux si elle souffrait. Son regard brun remonta dans celui d’Emma et elle tenta : — J’ai toujours voulu être mère… J’ai toujours rêvé d’avoir un bébé. Emma tentait de comprendre le fond des pensées de Regina, ses analogies. La perte d’Henry l’avait bouleversée autant qu’elle et elle réalisait que Regina n’avait pas souvent montré son chagrin, sa peine vis-à-vis de son deuil. — Ecoute, c’est normal que tu sois tendue, commença-t-elle pour la rassurer, je comprends que ça puisse te faire mal, mais… Même si c’est dur, on sait que la vie continue et c’est pareil pour les autres. On peut pas leur demander de tout arrêter parce qu’on a encore mal…
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Regina le savait, tentait de vivre avec cette ligne de conduite, s’efforçant toujours de réfléchir à ce qu’Henry aurait voulu, à ce qu’Henry aurait dit, à ce qu’Henry aurait pensé… Mais là, il était question d’elle, de son instinct de mère, de son passif avec les enfants. Même si elle avait élevé Henry, même si elle avait autrefois tenté de kidnapper Greg Mendell, aucun de ces deux petits garçons n’avait réellement été les siens. — Juste une fois, tenta-t-elle d’une voix cassée… Juste une fois, j’aimerais savoir ce que cela fait de donner la vie, d’avoir la chance d’avoir un bébé à moi… Emma demeura silencieuse sur ces derniers mots. Cette fois, il n’était plus question du bébé de Blanche et de David, ni même d’Henry. Regina lui confiait clairement son envie d’être mère à nouveau, de tomber enceinte. Et cette nouvelle donnée, cette information tout aussi inattendue que la grossesse de Blanche, la rendit plus incertaine. Elle fronça les sourcils, l’air troublé. Parce que depuis quelques semaines, toutes les deux avaient franchi le pas de l’intimité, s’étaient rapprochées au point de vivre en couple sous le même toit. Et jusque-là, jamais Regina n’avait insinué ce type de projet. Un projet qui, forcément, l’impliquait aussi mais qu’Emma ne partageait pas. — Ok, fit-elle, perturbée. Je comprends… Mais là, tout de suite, c’est Noël alors tu peux pas en vouloir à Blanche et David. Regina se tourna vers un placard et sortit une bouteille de cognac avant de se servir un petit verre qu’elle but d’un trait. Elle s’en voulait, s’en voulait d’être si faible, si soumise à ses propres émotions. — Je sais, répondit-elle. 49
Elle s’en servit un autre. — Je suis désolée… Emma ramena sa main sur le verre que Regina s’apprêtait à remplir encore et le lui prit. — Et le but, c’est pas que tu sois ivre morte avant le plat principal. Elle tenta un petit sourire pour détendre les tensions qu’elle lisait sur son visage et prit aussi la bouteille pour la ranger avant de reprendre : — Alors, on va retourner à table et on va déguster ce que tu nous as préparé, ça te va ? Emma avait ce don de la calmer, songea la Reine malgré sa peine. Elle acquiesça d’un petit signe de tête mais avant qu’Emma ne recule, sa main se ferma sur la sienne pour la tirer vers elle et elle demanda : — J’arrive dans un moment mais… Ne leur dit pas que j’ai pleuré… Emma esquissa un léger sourire charmé devant la fierté et l’orgueil que sa Reine démontrait parfois. Celle-ci voulait paraître toujours impassible en toutes circonstances devant tout le monde. Elle lui repoussa une mèche de cheveux et posa un doux baiser sur ses lèvres. Un frisson atténua les petites tensions que cette discussion avait créées. — Promis, mais tarde pas trop… Je vais avoir du mal à empêcher Blanche de venir te voir si tu restes trop longtemps dans ta cuisine.
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Regina acquiesça et la regarda s’éloigner. La Reine avait besoin d’un instant pour se reprendre, vérifier que son maquillage n’avait pas coulé puis surtout, trouver une excuse à son manque de réaction après la nouvelle que BlancheNeige venait d’annoncer. Souvent, depuis la mort d’Henry, cette idée folle d’avoir un bébé l’avait traversée, souvent, elle avait cru inapproprié d’en parler à Emma et d’émettre ce souhait déplacé. Un enfant n’en remplaçait pas un autre bien sûr, mais la Reine ne pouvait se résigner à ne plus jamais être mère. Henry n’aurait-il pas approuvé qu’elle se donne la chance d’avoir un autre enfant et ce, peut-être avec la Sauveuse ? Même si la magie ne pouvait pas tout faire, Regina savait que ce monde offrait des moyens divers de porter un enfant… Regina se reprit et sortit du four la dinde qu’elle avait laissée chauffer. Il était temps de poursuivre le réveillon, d’oublier cette nouvelle malencontreuse qui pourtant n’était pas mauvaise. Emma avait des présents pour elle et Regina avait attendu des semaines pour que ce jour arrive afin de lui offrir les siens.
* * *
Regina n’avait pas trouvé le sommeil malgré la longue et satisfaisante étreinte offerte par Emma avant que celle-ci ne sombre dans un profond sommeil. Cette histoire de bébé s’était répétée dans sa tête de toutes les façons possibles ou plutôt, elle avait imaginé toutes les façons possibles d’avoir elle aussi un bébé bien à elle. Mais qu’en dirait la Sauveuse ? Car la Reine n’oubliait pas que sa vie avait pris un tournant inattendu avec Emma. Elles vivaient ensemble depuis leur 51
retour de Neverland, leur relation s’étant peu à peu affirmée comme plus intime. Etaient-elles un couple ? La Reine le considérait ainsi. Or, les couples n’envisageaient-ils pas à un moment ou un autre d’avoir un enfant ? Le fait qu’elles soient un couple de femmes ne changeait rien dans l’esprit de Regina. Un couple était un couple, peu importait le sexe et l’ordre des choses voulait qu’un couple envisage d’avoir un bébé. Il en avait toujours été ainsi ! De plus, si Emma allait avoir un petit frère ou une petite sœur, Mary-Margaret et David avaient passé une partie de la soirée à évoquer les prénoms possibles qu’ils donneraient à leur enfant, forçant Regina à se demander aussi quel prénom elle donnerait aux siens si elle en avait plusieurs. Car élever seule un enfant était une chose, mais si Emma restait avec elle, si elles demeuraient un couple, alors l’idée d’avoir plusieurs enfants devenait aussi envisageable. Ce qui impliquait la nécessité de réfléchir à plusieurs noms de bébé car dans la mesure où elle donnerait naissance à un fils – car Regina voulait porter leur descendance – alors elle ne l’appellerait pas Henry. Philip semblait être un prénom convenable, digne de son sang royal. Et si c’était une fille… Cette question exigeait une plus grande réflexion. Alors la Reine se demandait si elle souhaitait d’abord avoir une fille et après un garçon, ou deux filles ou d’abord un garçon puis un autre ? Combien avait-elle le droit d’en avoir finalement ? Emma dans sa vie, la Reine pourrait-elle d’ailleurs envisager de laisser son poste de Maire de côté pour se concentrer pleinement à l’éducation de leurs anges ? De suppositions en suppositions, Regina avait peu dormi et ses rêves s’étaient trouvés envahis de petits bébés qui l’appelaient « maman », jusqu’à sentir les baisers délicieux de sa Sauveuse l’extirper de son sommeil. Les rayons blancs du soleil d’hiver perçaient à travers les rideaux et la luminosité était telle que la Reine devinait qu’Emma devrait déblayer la 52
neige devant la porte. Prise par de doux frissons, elle ouvrit les yeux sur Miss Swan, sentant son corps nu se coller au sien. La veille, Emma avait eu le plaisir de « déballer » l’un de ses cadeaux surprises, une tenue très, très coquine que la Reine avait fait venir en secret de Boston. — J’ai fait un rêve exquis, fit la Reine d’un regard tendre sur les traits d’Emma. — Je te faisais l’amour ? demanda naturellement la Sauveuse. — Nous étions en promenade non loin de mon château dans les vastes prairies du Comté des Highlands, expliqua la Reine. Nous avions une petite fille et un petit garçon et nous leur apprenions à faire du cheval. Une nouvelle fois, Emma entendait parler « enfants » de la bouche de la Reine. Celle-ci ne semblait pas considérer cette idée comme une pensée anodine ou un petit manque. Emma se sentait troublée par ce sujet, cette envie d’enfant chez la Reine. Après Henry qu’elle avait eu par hasard, Emma n’aurait pu songer à avoir un deuxième enfant. Aucun ne pourrait remplacer Henry à ses yeux. Peut-être était-ce une envie passagère, songea Emma qui reposa ses lèvres dans son cou. — Je sais pas faire du cheval, répondit-elle. Regina frissonna et glissa ses doigts dans le dos de sa Sauveuse, continuant de rêver éveillée à ce que pourrait être cette « vie » si elle retournait dans la Forêt Enchantée avec Emma. — Tu adorerais, fit-elle. Les chevaux sont des animaux parfois capricieux… Quand j’étais plus jeune, j’ai même eu
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un cheval qui avait un peu le même caractère que toi. Il était têtu, mais j’ai su l’apprivoiser. Emma jeta un œil sur le visage de Regina, un regard un peu accusateur, avant de repartir à la conquête de sa poitrine avec ses lèvres. — T’es en train de me comparer à un cheval, là… Dans des frissons conséquents, Regina se mordit le coin de sa lèvre et répondit : — C’était un pur-sang, Miss Swan. Emma esquissa un léger sourire sur cet argument censé la rassurer. Elle redressa le visage, arracha ses lèvres de la peau douce de la Reine et posa ses yeux brillants sur elle. Sa curiosité était piquée puisque Regina confiait quelques bribes de son passé. Jusque-là, la Reine avait toujours été discrète sur sa jeunesse, sur ses loisirs et ses plaisirs de petite fille. En dehors du drame qui avait touché Daniel, son premier amant, Emma ne connaissait pas beaucoup de détails de la vie de Regina. — Et qu’est-ce que tu faisais d’autre quand t’étais jeune ? Ces années étaient bien loin derrière elle, songeait Regina, plus loin encore qu’elle s’était obligée à les enfouir dans sa mémoire quand elle avait basculé dans son désir de vengeance. Son regard suivit ses doigts qui longeaient lentement le biceps de sa Sauveuse tandis qu’elle repartait dans ses si lointains souvenirs… — Ma mère me disait que j’étais aussi farouche qu’un garçon, aussi sauvage qu’une biche et plus indomptable qu’un lion. Je n’étais guère ce genre de fille à fréquenter les bals ou les palais des nobles. Quand ma mère n’était pas au 54
château, je préférais les balades en forêt ou accompagner mon père lors de ses voyages. Parfois, nous visitions les villages du royaume où l’on célébrait des mariages… Je rêvais de me marier… Emma frissonnait sous les allées et venues des doigts de la Reine sur sa peau. Mais elle l’écoutait avec attention et tentait de s’imaginer la vie de Regina dans cet autre monde d’une autre époque. Un léger sourire étira ses lèvres sur ce bref récit de son passé qui la décrivait comme une fille plutôt simple, presque à l’opposé de ce qu’elle montrait aujourd’hui. Cependant, elle sentait une once d’amertume et de regret dans sa voix, devinait des rêves déçus, jamais réalisés, des désillusions blessantes. — Alors t’étais presque une petite fille comme toutes les autres ? La Reine resta un instant silencieuse sur cette question. Elle avait conscience de l’évolution de sa personnalité et de son caractère au cours des dernières années. Sa mère l’avait transformée, avait fait d’elle une mauvaise personne avide de vengeance et de pouvoir. Malgré ses efforts pour devenir meilleure, pour retrouver cette part d’innocence que Cora avait effacée, Regina savait qu’une partie de son âme garderait les marques indélébiles de ses meurtres. — J’ai tué des gens. J’ai toujours pensé que l’amour n’était que faiblesse, confessa-t-elle. Emma n’aimait pas voir ce qu’elle lisait sur les traits amers de Regina. Celle-ci semblait autant souffrir de son côté diabolique que les gens qui avaient subi ses foudres. Elle comprenait très bien sa dernière confession et dans un sens, elle n’avait pas tort. Emma avait ôté son propre cœur avant de retourner à Neverland pour tuer Peter Pan. Parce qu’il 55
était sûrement l’organe le plus sensible du corps, il renfermait autant de source de souffrance que de bonheur. — Peut-être, répondit-elle, ou peut-être pas… Mais si on vit sans, alors on fait que survivre sans savoir qui on est vraiment. Elle eut un sourire plus amusé avant d’ajouter : — Regarde, même Gold a trouvé l’amour et c’était pas gagné, pourtant. Regina reprit un léger sourire et glissa tendrement sa main sur la joue de la Sauveuse… — Et je t’ai trouvée, preuve qu’Henry avait raison quand il disait que j’aurais droit à ma fin heureuse. Emma frissonna sous la main de sa Reine et se pencha vers elle pour l’embrasser. Rester trop longtemps sans goûter à ses lèvres finissait par peser, surtout lorsqu’elles se trouvaient dans un lit, complètement nues. Le rappel d’Henry avait éveillé une pointe de tristesse, mais elle l’avait repoussée pour éviter de parasiter cet instant avec Regina. — Ouais, approuva-t-elle. Mais t’en as pas encore fini avec moi… La Reine poursuivit le baiser. Elle ne voyait pas l’avenir autrement qu’avec Miss Swan à ses côtés. Henry avait tout fait pour les rapprocher, il était donc évident qu’elles restent ensemble et forment un vrai couple.
* * * Fin 56
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