!شوُف / chouf! Photographie tunisienne contemporaine

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crédits EXPOSITION / chouf! Photographie tunisienne contemporaine Du 10 novembre au 7 décembre 2012 Commissaire d’exposition Xavier de Luca Direction Bchira Triki Bouazizi / Mohamed Ben Soltane Xavier de Luca

PUBLICATION Édition Bchira Art Center / JISER Reflexions Mediterrànies

Textes Xavier de Luca Les artistes Traductions Xavier de Luca Sébastien Champeix Mohamed Ben Soltane Conception Graphique Trombone communication Remerciements : Mohamed Bennani, Hamideddine Bouali, Sébastien Champeix, Paula Durán, Jihen Mbarkia.

Direction Bchira Triki Bouazizi Mohamed Ben Soltane Xavier de Luca

Cette version numérique du catalogue / chouf! Photographie tunisienne contemporaine a été registrée avec une licence de Creative Commons Attribution 3.0. Cette licence autorise seulement les utilisations non commerciales de cet ouvrage. Pour tout renseignement, contactez les éditeurs ou bien visitez: www.creativecommons.org Organisé par : www.bchirartcenter.com www.jiser.org

Avec le soutien de :


notes préliminaires chouf ! Photographie tunisienne contemporaine est un projet qui a commencé en mai 2012 suite à une demande de collaboration dans la 25ème édition du Festival Puerta al Mediterráneo, un festival qui a lieu à Mora de Rubielos (Teruel, Espagne). Le festival a ouvert en 2012 une section montrant des expositions photographiques sous le titre dos_orillas (deux rives), avec un axe thématique sur Méditerranée. C’est dans ce cadre que l’association JISER a accepté notre projet de commissariat qui voulait présenter une partie de la création photographique actuelle en Tunisie. L’exposition s’est déroulée du 10 août au 2 novembre 2012 et a accueilli plus de 6.000 visiteurs, ce qui a constitué un succès d’affluence et un succès critique. Depuis la création de l’association JISER en 2005, la volonté d’appuyer et de diffuser la création artistique qui se développe entre la Tunisie et l’Espagne a été toujours présente. Faire venir les événements réalisés en Espagne en Tunisie et vice versa était une composante essentielle dans notre charte et c’est pour cette raison que nous avons cherché à présenter chouf ! en Tunisie. C’est dans cet esprit que s’est matérialisée en août 2012, la collaboration entre le B’chira Art Center et JISER pour pouvoir montrer cette exposition qui a regroupé les œuvres de six jeunes artistes tunisiens. L’événement se déroulera à Sabelet Ben Ammar, du 10 novembre au 07 décembre 2012. L’exposition tunisienne était complétée par la table ronde intitulée «Photographie en Tunisie aujourd’hui, entre passions et professions» où étaient invités les intervenants suivants : Hamideddine Bouali, Mohamed Bennani et Wassim Ghozlani, ainsi que les modérateurs Mohamed Ben Soltane et Xavier de Luca.

La version Tunisienne : L’exposition tunisienne s’est préparée en accord avec le B’chira Art Center et contenait les œuvres exposées précédemment en Espagne avec l’incorporation de quelques œuvres des mêmes artistes dans le souci d’une scénographie adéquate au nouveau lieu d’exposition de Chouf ! Il y a seulement une exception, c’est la vidéo « Archive01 », qui ne figurait pas dans l’exposition espagnole et que le vidéaste ismaël a proposé l’ajout au commissaire espagnol de l’exposition. Le commissaire connaissant l’œuvre d’après ce qu’il en a vu sur internet, accepta cette proposition. Toutefois, cette vidéo a été validée par le commissaire sans la pleine connaissance du contexte de cette vidéo qui présentait un personnage clairement reconnaissable. Il était très improbable que le commissaire connaisse ce personnage de la scène politique actuelle et l’artiste n’a pas jugé utile de lui apporter cette précision. Chaque nouvelle oeuvre devait être validée par le commissaire et approuvé par la direction du centre. «archive01» n’a pas été retenue pour son exposition par la direction du centre, vu qu’elle présente un personnage politique en fonction. La direction du Centre a jugé que la diffusion de cette vidéo ouvrait la porte à des poursuites en justice et exposait le B’chira Art Center et JISER à des risques réels pouvant conduire à la fermeture pure et simple du Centre.


Censure et liberté d’expression : Cette affaire qui veut faire passer l’un pour défenseur de la Liberté d’Expression et victime de la Censure et les autres pour les détracteurs des libertés dénote d’une lecture selon une seule perspective. L’artiste a tout-à-fait le droit de décider de ne pas montrer son travail mais son appel pour le boycott et ses assertions contre la directrice du Centre dénotent d’une irresponsabilité envers le Centre lui-même, l’association qui organise cette exposition mais aussi et surtout envers l’ensemble du domaine artistique en Tunisie. Nous affirmons haut et fort que la liberté d’expression de l’artiste doit être totale et inconditionnelle ; il doit pouvoir faire ce qu’il veut, comme il le veut et ce, dans le cadre du respect de la loi en vigueur. Il n’y a que la Loi qui peut tracer des limites. Un des rôles de l’artiste n’est-il pas de bousculer les limites et de se mette en danger à ses risques et périls ?! Mais engage-t-il seulement sa responsabilité dans l’affaire qui nous occupe ? Venons maintenant à une autre responsabilité que l’artiste qui se dit « censuré » semble avoir oublié.

La responsabilité du diffuseur: L’artiste a généralement besoin d’un espace pour diffuser son travail. L’organisme qui assure la diffusion a une responsabilité dans ce qu’il diffuse et cet organisme (qu’il soit galerie d’art, association ou autres) constitue la partie attaquée en justice en cas de préjudice causé. L’organisation devrait donc avoir le droit de dire si elle peut assumer ou pas la responsabilité de diffuser une œuvre et là réside toute la différence. La vidéo «archive01», si elle est diffusée dans un espace public, présente un risque très important d’une poursuite en justice contre cet espace. Selon l’avocate Maître Kehna Abbès, l’attaque en justice du Centre est un risque réel et les délits peuvent-être les suivants : « l’exposition de certains extraits de la vidéo est susceptible d’ouvrir la voie à des poursuites pénales contre l’artiste (comme étant l’auteur de l’œuvre) et le galeriste (en tant que celui qui se charge de sa diffusion publique) puisqu’elle porte atteinte aux bonnes mœurs et peut nuire à l’ordre public selon les dispositions de l’article 121 du code pénal tunisien, et donne la possibilité à l’action diffamatoire conformément à L’article 55 du décret loi N° 115 du 2 novembre 2011 : qui définie la diffamation comme étant toute accusation ou imputation de quelque chose d’inexacte d’une manière publique, qui est de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne en particulier. » Lors de la table ronde organisé avec l’exposition chouf!, le photographe, critique photographique et promoteur de plusieurs projets d’envergure dans le domaine de la photographie, Hamideddine Bouali, il a déclaré, après avoir pris connaissance des faits, que : « … partout dans le monde ce sont les organisateurs qui sont responsables de ce qu’ils mettent dans leur salle d’exposition ; et s’il y a une vidéo ou une photo où il y a un personnage public, s’il trouve que cette œuvre lui porte préjudice, il peut porter plainte.


L’artiste prend son œuvre et peut partir et au pire des cas, son œuvre peut être retirée ou retenue, mais le Centre sera fermé et il y aura des dommages et intérêts… Moi je trouve que c’est tout simple de dire : moi artiste je fais ce que je veux, j’expose ce que je veux, je dis ce que je veux ; il y a un cadre légal et c’est vrai que ce cadre aujourd’hui est absent donc, dans une salle d’exposition aujourd’hui la législation tient pour responsable les organisateurs et pas l’auteur de l’œuvre incriminée et donc moi je trouve qu’ici on n’est pas dans une Censure mais dans un Devoir de Précaution… Peut-être que l’œuvre, si elle est exposée, il n’y aura aucun problème, mais le risque est très important …» Il aurait été appréciable de voir les artistes qui se sont retirés, présents dans la table ronde, cela aurait inauguré une nouvelle manière de résoudre les conflits mais malheureusement nous n’avons pas pu compter sur leur présence malgré notre insistance. La forme de protestation choisie par le vidéaste a été tout à fait disproportionnée,irresponsable. Comme l’a dit le même Hamiddedine Bouali, « l’artiste a pensé à lui et a aujourd’hui et non aux autres et à l’avenir ». Les artistes doivent gagner leur liberté et ont le droit sinon le devoir de ne pas faire de concession et tout cela doit se faire dans un minimum de respect, en mettant pendant un moment leurs Egos de côté pour le bien de tous. Ce qui serait adéquat c’est de juger sur pièce, et la vidéo en question est la meilleure preuve pour voir la limite invisible entre Censure et Devoir de Précaution. Mais, malheureusement, la vidéo qui était en accès libre sur internet jusqu’à dimanche 11 novembre 2012 est devenue en accès privé le mardi 13 novembre 2012. il faut désormais disposer d’un mot de passe pour pouvoir la visualiser.

Désunion et fratricide : Le B’chira Art Center refuse de servir de poudre à canon à des manipulations qui dépassent la création artistique comme ce fut le cas lors du Printemps des Arts à la Abdellia en Juin 2012. Les artistes, malgré quelques élans de solidarité et malgré le rôle positif qu’a joué leur syndicat, sont sortis les grands perdants dans cette affaire, notamment à cause de leur désunion. Une autre polémique de ce genre n’aurait aucunement servi la cause de l’art ni celle des artistes qui sont aujourd’hui plus fragilisés que jamais. La vidéo en question aurait facilement pu servir une composante politique contre une. Dans un contexte très tendu, le B’chira Art Center a été un des premiers espaces d’exposition à ouvrir en septembre 2012 et à continuer à faire confiance aux jeunes générations d’artistes tunisiens. La première exposition a été co-commissariée par ismaël, qui a aussi été invité comme critique d’art dans l’avant dernière exposition de la saison précédente. Il a aussi été invité avec la vidéo « Scènes de la vie quotidienne » lors de l’exposition d’ouverture officielle de B’chira Art center en novembre 2011. Il nous semble important de saisir ce petit incident comme une occasion pour tous les artistes et les intellectuels afin de réfléchir réellement à des concepts dont nous l’habitude d’en parler mais très rarement d’en faire usage. C’est peut-être aussi le bon moment de nous poser quelques questions au vue de la situation actuelle de l’art et des artistes en Tunisie:


Jusqu’à quand les artistes et les opérateurs culturels tunisiens vont continuer se tirer des balles dans les pieds ? Jusqu’à quand, avec notre naïveté et notre superficialité, donneronsnous les armes avec lesquelles nos ennemis nous battront ?

Pour finir : B’chira Art Center et JISER tiennent à ce que l’exposition reste ouverte au public jusqu’au 07 décembre 2012, avec les œuvres de Mouna Jemal Siala et d’Emir Ben Ayed, comme preuve en premier lieu, de notre conviction dans le travail que nous menons; en deuxième lieu, par respect aux artistes qui ont décidé de montrer leur travail ; et en troisième lieu, par respect pour les gens qui se sont intéressés à l’évènement et qui sont venus s’informer avant de tirer des conclusions qui peuvent être hâtives. Pour cela, nous croyons fermement qu’il est nécessaire et pertinent de publier ce catalogue qui, à travers ses absences et ses présences, nous parle d’une réalité historique complexe, celle de la Tunisie actuelle, que nous voulons tous servir. Nous restons convaincus que le seul chemin possible est celui du dialogue et du travail conjoint. A Tunis, le 13 novembre 2012. B’chira Art Center et JISER Reflexions Mediterrànies



Article d’Ismaël où il expose les raisons pour lesquelles il décide de quitter l’exposition chouf!

Consultez l’article


Mouna Jemal Siala Mouna Jemal Siala est née à Paris en 1973. Elle vit et travail à Tunis. Mouna a obtenu son diplôme de l’Institut Supérieur des Beaux-arts en 1995. Elle a obtenu son doctorat en Art et Science de l’art de l’Université Panthéon-Sorbonne. Elle est professeur d’arts visuels depuis 1998. Mouna Jemal a participé à un nombre important d’expositions internationales ; elle a obtenu en 2010 le prix du Ministère de la Culture de la Biennale de Dakar. www.mounajemal.com

La descente, 2010

Ma préoccupation primordiale est de garder mémoire d’une action, d’un événement, d’un vécu. Ma vie et mon art sont indissociablement liés. Mon travail a été pour une bonne période une sorte de trompe l’œil, de leurre, de mirage, offert aux yeux des spectateurs. Il l’est dans le sens où, de loin, le spectateur a l’impression d’être devant une œuvre qu’il croit comme simple arabesque ou calligraphie, ou encore tapisserie, avec des motifs totalement abstraits. De près, il a une autre vision, car il découvre des images très personnelles et non des motifs abstraits. Une des questions qui m’intrigue depuis un certain temps aussi, c’est celle de l’identité, et de l’espace identitaire lié surtout à la femme…je fais une recherche sur moi même sur mon autoportrait dans le but de montrer la pluralité à partir du singulier. Je questionne notre destin, nous les femmes tunisiennes qui avions des acquis, des droits considérables depuis l’indépendance du pays. Car, depuis la dernière décade du XXème siècle, il est visiblement constatable que certaines femmes ont perdu leur identité en cherchant à s’identifier à je ne sais quoi.Après la révolution, je dirais paradoxalement qu’on a l’impression que plusieurs femmes se sentaient libérées en mettant, ou en remettant, le voile islamique que l’ancien régime interdisait purement et simplement. Ajouter à ce sentiment l’amalgame vite fait entre le politique et l’identité arabo-islamique et le décor est, ainsi, planté. Ce phénomène s’est, d’ailleurs, accentué après les élections d’octobre qui ont vu la montée spectaculaire des partis islamiques. Dans la foulée, certaines femmes n’ont pas hésité à réclamer la liberté de porter le voile intégral, le niquab. Je nous trouve face à un avenir incertain. Les risques sont là. Et je suis convaincue que notre apparence en est le témoin. C’est donc, mon autoportrait que j’expérimente en offrant à travers mon image au spectateur des « apparaîtres » plastiques qui feront allusion à un certain « paraître » intrigant.



Emir Ben Ayed Emir Ben Ayed est né à Tunis en 1986. Son travail tourne autour des opprimés, des rejetés, des sans espoirs. Selon le photographe tunisien, l’image est avant tout une histoire, un destin et un chemin. Emir est actuellement en résidence à Paris pour un projet artistique d’envergure. www.emirbenayed.com

Contrastes, 2012

Emir Ben Ayed est un jeune artiste qui se définit comme auteur d’images; un fin observateur d’une société en pleine mutation. D’après cet artiste, la photo est avant tout une histoire, un destin, une route que le regard de l’artiste trace pour guider celui de son prochain. Elle aussi est une manière de s’inscrire activement dans la société et de militer pour un futur meilleur. Il oriente son travail vers la documentation et le soutien des plus démunis, illustrant leurs malheurs et leurs moments de solitudes dans un monde qui les dépasse et qui va de plus en plus vite; mais aussi leurs rares moments de bonheur quand on tend une main vers eux. …tendre ses recherches à d’autres sociétés de la Méditerranée lui a permis de constater qu’il n’y a pas seulement des points de jonctions entre elles au niveau des classes défavorisées, mais qu’il y aurait ce que nous pourrions appeler de « misère universelle » causées par facteurs qui sont quasiment les mêmes à chaque fois, et qu’il tente d’expliciter à travers son travail.



ismaĂŤl



Wassim Ghozlani



Ziad Zitoun



Zied Ben Romdhane



Xavier de Luca Xavier de Luca (Barcelone, 1980) est diplômé en histoire de l’art à l’Université de Lleida. Il a réalisé plusieurs formations de photographie, organisation d’expositions et autres gestions culturelle. Il a obtenu un DEA en Etudes Culturelles Mediterranéennes à l’Université Rovira i Virgili de Tarragone et un Master en Art Actuel : Analyse et Gestion à l’Université de Barcelone. En 2004, il a remporté la bourse de coopération culturelle du ministère des Affaires étrangères, pour participer aux Journées Cinématographiques de Carthage en Tunisie. Actuellement, son activité professionnelle se déroule à la Fundació Suñol de Barcelone. Cette activité se combine avec le développement de projets culturels au sein de l’association JISER Réflexions Mediterrànies, qui travaille entre Tunis et Barcelone. Il a exposé son travail photographique en Tunisie, en France et en Espagne. Il a récemment organisé les expositions [odala] visions d’artistes contemporains (2011) dans la Kanvas Art Gallery de la Tunis et Presències Efímeres (2010) de l’artiste Barcelonais Miquel Wert au TPK, L’Hospitalet, entre autres. www.xavierdeluca.eu




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