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rencontre : do M inique barbe

p ar frédérique de J ode

Dominique Barbe

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historien

et féru d’art océanien

a grégé et docteur en histoire, d o M inique b arbe enseigne à l’ u ni V ersité de n ou V ellec alédonie, l’histoire antique et M édié Vale ainsi que l’histoire du p acifique, à laquelle il a consacré un ou V rage. i l est aussi depuis sa J eunesse un passionné d’art océanien. r encontre. 131

Il aurait dû faire une carrière de haut fonctionnaire comme le souhaitait son père. Si Dominique Barbe rentre à Science-Po, c’est seulement pour répondre aux attentes paternelles. Mais ce n’est pas sa vocation. Le jeune étudiant veut à tout prix enseigner l’Histoire. Après son diplôme en poche, il s’inscrit à la Sorbonne Paris IV pour suivre enfin sa voie. Sous la direction de Charles Pietri, directeur de l’Ecole française de Rome, puis de Luce Pietri, il obtient sa maîtrise, son DEA puis sa thèse, Unanimitas et Societas Sanctorum qui s’attache à la genèse de la communion des saints chez les pères chrétiens latins de Tertullien à Grégoire le Grand.

De Paris à Nouméa

Agrégé d’histoire, Dominique Barbe enseigne d’abord au lycée de Sèvres, « des années très enrichissantes car ce lycée était expérimental et tourné vers l’international », se souvient-il. Le professeur a ainsi conçu des programmes pour la Tchéquie, est allé en Slovaquie pour l’ouverture d’un lycée français, « une période intense qui m’a d’ailleurs éloigné de mes recherches pour ma thèse quelques années », reconnaît-il. En 1993, une nouvelle étape professionnelle s’annonce puisque Dominique Barbe s’installe en Nouvelle-Calédonie où il est affecté au lycée Lapérouse, partageant par ailleurs son temps entre l’IUFM et l’Université de Nouvelle-Calédonie qu’il intègre totalement il y a douze ans. Dominique Barbe y enseigne l’Histoire ancienne, médiévale ainsi que l’Histoire du Pacifique, à laquelle il a consacré un ouvrage (1) « qui fut très bien accueilli en métropole, moins bien ici ». Les années n’ont pas terni son plaisir d’enseigner et de transmettre : « Les étudiants sont merveilleux et contrairement à ce que l’on peut penser ils sont très intéressés, en particulier les étudiants kanak, par l’histoire ancienne et médiévale, constate Dominique Barbe. Le cours d’Histoire qu’ils trouvent le plus passionnant concerne la colonisation allemande au Moyen-Age, un sujet qui fait écho à leur histoire mais en même temps si exotique que l’on peut évoquer la colonisation sans pathos. »

Art aborigène

Si Rome tient une place importante dans la vie de Dominique Barbe, l’art océanien également qu’il découvre enfant au Musée des arts océaniens et africains à Paris. À tel point que son domicile calédonien a des allures de galerie d’art premier. Les murs s’habillant de peintures aborigènes abstraites, des œuvres qui évoquent l’univers du rêve et suscitent depuis quelques années un réel engouement. « Ce sont des cartes, des itinéraires qui nous font voyager », souligne le collectionneur et spécialiste de l’art aborigène et océanien. De sa rencontre avec Didier et Isabelle Zanette, de la Galerie D Z à Nouméa, naît un superbe ouvrage sur l’art aborigène : « Et au milieu, entre terres et rêves Papunya », suivi en 2014 du catalogue intitulé « Poétique de l’igname » où sur cette thématique la vision aborigène dialogue avec la vision papoue. L’envie de partager ses connaissances s’est traduite également par l’ouverture en 2013 à l’Université d’un DU Histoire des arts en Océanie, destiné aux professionnels, aux amateurs éclairés et aux collectionneurs. Entre son métier d’enseignant et ses recherches, Dominique Barbe a un emploi du temps bien chargé. Il s’attèle actuellement à un ouvrage sur l’histoire religieuse et l’art en Nouvelle-Calédonie « qui ne va pas plaire à tout le monde mais je m’en fiche ! ».

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do M inique

barbe Le monde antique fascine car il apparaît très exotique. ‘‘ ‘‘

propos recueillis p ar

frédérique de J ode

o n désigne l’a ntiquité co MM e la période allant de l’in V ention de l’écriture en 3500 aV. J.- c . à l’an 476 apr. J.- c . e st-ce que cela est encore J uste ? d o M inique b arbe : On fait traditionnellement commencer l’antiquité avec l’invention de l’écriture, toutefois il y a une partie de l’antiquité que l’on ne connait pas puisque l’on ne sait pas déchiffrer aujourd’hui certaines écritures. Quant à sa fin, elle est consécutive à la chute de l’empire romain d’Occident. C’est une datation tout à fait arbitraire qui a été fixée définitivement au XIXe siècle et qui est remise en question. Pour les chercheurs qui travaillent sur l’Antiquité tardive en France, c’est un problème puisqu’il n’existe pas de chaire en France pour cette période de l’Histoire alors qu’elle existe en Italie et en Allemagne.

l ’a ntiquité une période qui fascine le grand public, en particulier la ci V ilisation égyptienne. c o MM ent l’explique Z -Vous ? Attention, cet engouement pour la civilisation égyptienne concerne surtout les Français, lié à l’égyptologue Jean-François Champollion, déchiffreur des hiéroglyphes, et Bonaparte, un peu les Anglais mais est beaucoup moins marqué ailleurs. Pourquoi ce monde antique fascine ? Parce qu’il nous apparaît différent et étranger à notre façon de vivre, très exotique finalement. Cette période n’a pas livré tous ses secrets, c’est le cas par exemple des pyramides. Des découvertes pharaoniques, si je puis dire, se font encore qui impliquent de nouveaux questionnements, de nouvelles études. Cette année, dans la banlieue de Troyes, a été découvert un chaudron gaulois aussi beau, voire plus beau que le Cratère de Vix, ce grand vase de bronze utilisé pour contenir le vin trouvé en 1953 dans la tombe d’une princesse celte. Toutes ces découvertes archéologiques alimentent l’imaginaire.

c ’est une période très éloignée de notre façon de V i V re, M ais quel hé ritage nous a laissé l’a ntiquité ? De nombreux héritages. À commencer par la naissance des trois religions monothéistes : le judaïsme, le christianisme, et le début de l’Islam. Le droit également, le droit romain en particulier. Sans parler de notre façon de concevoir le pouvoir, souvent très hérité de Rome, prolongement d’ailleurs de la tradition hellénistique, et une certaine idée de la démocratie.

M otif lapita

q uel serait selon Vous le personnage phare de cette époque ? C’est très compliqué de répondre. Si nous parlons de Rome, je dirais Auguste, que l’on a souvent vu comme le successeur de César, or c’est lui qui met en place l’empire romain, et qui donne à cet empire la possibilité de perdurer par l’assimilation des provinciaux. Alors que César était beaucoup moins novateur puisqu’il mettait en place une monarchie de type hellénistique. Sous le règne d’Auguste, placé sous la paix et la concorde, le système d’assimilation est généralisé à l’empire. Ce qui signifie concrètement que tout individu d’origine non romaine, et dont la population a été soumise, a la possibilité de devenir citoyen romain et de s’intégrer, ce qu’il n’y avait pas sous l’empire grec. C’est une grande avancée. Dans toute l’Antiquité, les femmes n’ont pas le rôle de citoyennes mais à Rome, elles peuvent affranchir leurs esclaves qui peuvent devenir eux des citoyens romains !

q ue se passe-t-il pendant cette période en o céanie ? Nous avons très peu de connaissances pendant cette période, à part bien sûr les vagues de migrations, car nous sommes dans une zone de peuplement tardif. En revanche en Australie, le peuple aborigène était déjà présent, vivant déjà selon un mode de vie que l’on peut retrouver encore aujourd’hui.

cratère de V ix e M pereur auguste

q u’en est-il de la ci V ilisation l apita, établie depuis près de 3 000 ans dans le pacifique, dont on trou V e des traces sur le territoire et qui a introduit les langues austronésiennes et une tradition céra M ique particu lière ? On ne connait pas vraiment la date de cette civilisation et la manière dont la colonisation s’est effectuée. C’est encore en voie de découverte. Récemment, on a mis en lumière des Lapita dans le sud de la Papouasie Nouvelle-Guinée. En revanche, nous sommes certains que la colonisation Lapita a des traits communs avec la colonisation grecque. La poterie Lapita témoigne de la dispersion de populations austronésiennes. Lorsqu’un groupe partait coloniser une île, il emportait sa poterie, des tessons qui vont lui permettre s’il doit revenir à son point de départ d’être reconnu par l’ensemble de la communauté.

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