Mémoire de Projet 2015

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L’ARCHE Le patrimoine portuaire comme ressource locale d’un projet urbain transfrontalier

Margot Bernardi

Jonathan Riboud

Architecture entre Usages et Paysages Urbains Juin 2015



L’ARCHE LE

PATRIMOINE

COMME

RESSOURCE

PROJET

URBAIN

MARGOT BERNARDI

PORTUAIRE

LOCALE

D’UN

TRANSFRONTALIER

ARCHITECTURE ENTRE USAGES ET PAYSAGES URBAINS JUIN 2015

JONATHAN RIBOUD


Introduction La situation de crise à laquelle fait face l’Union Européenne de nos jours, et plus largement le monde, dans les nouveaux conflits politiques et religieux qui émergent, propage un pessimisme généralisé en France. Ce sentiment nous a mené à la recherche d’un pays loin de toute cette décadence. Dans ce sens, la Suisse, pays de la neutralité en puissance depuis le 19ème siècle, nous a semblé un terrain de recherche pertinent. C’est un État fédéral qui tient sa particularité de sa situation spatiale, puisqu’il est encerclé par trois puissances européennes : la France, l’Allemagne, et l’Italie. Historiquement, et face à sa petitesse, la politique de neutralité Suisse est un gage international qui lui assure une liberté du commerce, mais surtout une indépendance politique, lui valant une inactivité au sein des conflits internationaux et une cohésion interne du pays, notamment grâce à sa politique fédérale et ses vingtsix cantons partiellement autonomes. Indépendante et hermétique à toutes influences politiques extérieures, la Suisse tire cependant profit de sa situation pour tisser des relations avec les pays limitrophes. Elle n’a pas hésité longuement à s’offrir une place au sein de l’espace Schengen pour s’impliquer dans le commerce international, mettant en avant son atout majeur, le Rhin, qui la traverse, et qui joue le rôle de liant spatial et économique.

Travailler sur une ville croissante dans le cadre d’un Projet de Fin d’Études, c’était se pencher sur le cas d’un territoire Suisse, dans laquelle le Rhin joue un rôle fondamental. Dans notre recherche au fil de l’eau, Bâle est alors apparue comme la seule ville qui dépend économiquement de son activité portuaire rhénane. Grâce au fleuve et à sa position stratégique, la ville s’impose comme une véritable porte d’accès au pays. Cette « micro-Suisse » bénéficie d’une ouverture plus large à l’Europe grâce au réseau portuaire qu’elle assoit au bord du Rhin, en lien avec les ports internationaux de la Mer du Nord dans lequel il se jette. Troisième ville la plus puissante de la Fédération, elle tient sa particularité dans sa position géographique, et se différencie donc des deux grandes agglomérations suisses, Zurich et Genève. Derrière ses allures de ville ludique, qui allie merveilleusement bien tradition et innovation, Bâle profite pleinement de cette situation spatiale en se plaçant comme le carrefour entre la France, l’Allemagne et la Suisse, pour s’imposer comme une ville transfrontalière dynamique, dans les pratiques urbaines et économiques qu’elle suscite. Petite par sa superficie, mais puissante par son économie, Bâle représente un territoire complexe dont les ambiguïtés sont encore plus nombreuses. En stagnation démographique, la ville, dont le taux de densité de population est pourtant le plus élevé après Genève, subit les


conséquences de sa situation transfrontalière. Les mouvements pendulaires sont la contrepartie d’une économie pharmaceutique et logistique, qui profite de l’unique port fluvial au Nord de la ville pour étendre leurs activités et largement participer aux 3% de PIB annuel. Forte de cette capacité à rayonner tant à l’échelle locale, qu’internationale, Bâle représente une ville européenne dynamique au sein de laquelle l’économie et la culture sont deux mondes qui cohabitent spatialement sans pour autant dialoguer ensemble. Haut lieu du tourisme, le centre ville développe des événements locaux en partenariat avec des villes qui vont aussi loin que Miami Beach ou Hong Kong et s’impose en tant que capitale mondiale de la culture. À l’inverse, la zone portuaire au Nord est perçue comme un vaste pôle logistique, qui perd ses usagers au profit de l’économie, et forge un paysage en transition, très loin des activités et du cadre idyllique que proposent le centre ville. Par conséquent, et depuis 2010, le potentiel de la zone portuaire Nord se révèle aux yeux d’acteurs locaux et internationaux, qui envisagent d’ici 2020, Bâle comme une métropole polycentrique. Tester la neutralité perpétuelle que l’on connaît si bien à la Suisse, c’est se questionner sur un projet architectural qui ne relève pas de la concurrence territoriale et culturelle, mais qui au contraire renforce et matérialise

la cohésion trinationale au point de jonction des trois nations, au profit d’une culture commune. Aborder Bâle comme une ville Européenne, c’est dans un premier temps comprendre une situation spatiale particulière qui mêle au jeu d’échelle, un jeu d’acteurs multiples dans le cadre d’un développement urbain transfrontalier. Il s’agit ensuite d’appréhender la dynamique sociale d’un territoire complexe, bien que d’apparence marginale, soulève un potentiel spatial de connexion avec le reste de la ville, ainsi qu’un potentiel patrimonial, pouvant alors être le levier d’un projet d’architecture, et celui d’un développement urbain futur.


Sommaire Analyse I.

BÂLE, UNE VILLE EUROPÉENNE

p. 8

1.1

Une visibilité internationale

p. 12

1.2

Une accessibilité internationale

p. 16

1.3

Le Rhin un liant transfrontalier

p. 18

II.

BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS

p. 30

2.1

Un site portuaire qui s’accroît avec le temps

p. 32

2.2

Un engagement politique pour l’avenir du port

p. 38

2.3

Un projet commun : 3LAND

p. 40

III.

UNE ORGANISATION TRANSFRONTALIÈRE DES PRATIQUES URBAINES

p. 50

3.1

Une immersion dans le territoire

p. 52

3.2

Des infrastructures qui ouvrent la voie à des pratiques communes p. 62

3.3

Une concurrence territoriale à l’encontre d’un cosmopolitisme local p. 74

3.3

De nouvelles ambitions pour le port en 2030

p. 78


Proposition IV.

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN

p. 84

4.1

Un patrimoine à la croisée des flux et des éléments

p. 86

4.2

Une vague de nouveauté

p. 94

4.3

La halle de transbordement structurée par son environnement portuaire

p. 100

V.

L’ARCHE EN 2030 LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

p. 110

5.1

L’Arche et le paysage, un ensemble indissociable

p. 112

5.2

Bâtir la métaphore de l’eau jusqu’à la terre

p. 116

5.3

Surfer sur la vague

p. 118

POURSUIVRE LA RÉFLEXION

p. 150

REMERCIEMENTS

p. 152

SOURCES

p. 154



I

BÂLE, UNE VILLE EUROPÉENNE



« Bâle a toujours été une métropole en format de poche » 1

N

Capitale du plus petit canton de la Suisse (Bâle-Ville), la commune de Bâle se positionne comme l’une des premières villes européennes. Au Nord Ouest de la Suisse, elle tient sa particularité dans sa position géographique, dans le sens où elle est l’unique point de jonction entre les frontières Suisses, Françaises et Allemandes.

1. D’après le site Kanton Basel-Stadt

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1.1 Une visibilité internationale Une référence en terme d’architecture Bien qu’en 1959, la ville se soit affranchie de ses remparts, elle n’a pas pour autant perdu son caractère médiéval, qui lui forge toute son identité architecturale. Ce cadre de vie intemporelle propre au centre-ville est apprécié de la population résidentielle, et touristique. La main mise de « star-architecte » sur le dessin de l’agglomération avec des projets de renommée internationale, fait de Bâle

une ville d’une haute qualité architecturale, ouverte d’esprit, démontrant cette capacité à allier le genre traditionnel et contemporain. Herzog & De Meuron dont le siège s’implante sur la rive Ouest du Rhin, continuent de poser leurs empreintes avec le dernier projet de la Tour Roche en construction, qui dominera bientôt la ville.

La tour Roche, dernière réalisation à Bâle des architectes Herzog et de Meuron, Source internet

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BÂLE, UNE VILLE EUROPÉENNE


MusÊe des cultures, Herzog et De meuron, Bâle, Source internet

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Capitale de la culture : ART BASEL Cette architecture remarquable est souvent associée à des programmes culturels que la ville collectionne désormais. Il est impossible de s’y promener sans s’arrêter dans l’un des ces nombreux musées, à la reconnaissance internationale (le KunstMuseum ou le Musée Tinguely…).

Jouant le rôle d’une capitale de la culture, la visibilité internationale de l’agglomération est accentuée depuis les années soixante-dix par la Foire Art Basel . Le temps d’une semaine en juin, Bâle acquiert dans le centre-ville une attractivité démesurée, et accentue son image de ville cosmopolite.

Première Foire Internationale de l’Art moderne et contemporain, l’objectif à ses débuts était de se connecter à la Communauté Internationale d’Art de façon à réconcilier les artistes et les clients dans un engagement personnel des deux partis. Aujourd’hui, les pratiques artistiques continuent d’évoluer, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture, de dessin, de vidéo, de photographie de texte, ou de performances. Architecture et art ont tendance à se mêler, et certain artiste comme Tadashi Kawamata1 prône un art en extérieur, en dehors du luxe des galeries. Désormais, Art Basel a acquis cette visibilité

mondiale, puisque chaque année plus de 300 galeries du monde déplacent leurs œuvres, sélectionnées au préalable par un jury de professionnels, dans les galeries bâloises, avec plus de 4000 artistes qui prennent part à l’événement. Cette renommée qui dépasse largement les frontières, est la résultante des partenariats internationaux qu’a entrepris Art Basel depuis 2002 avec Miami Beach, puis Hong Kong en 2013, assurant une médiatisation sans précédent lorsque chacune des villes développe ces expositions respectives, une fois par an pendant sept jours.

N

Galeries d’art indépendantes Musées et Fondations 1. L’an passé, Art Basel a présenté en devanture la série de baraquements de l’ artiste japonais Tadashi Kawamata «les Favela Café «, une sorte de rappel de ce qu’est la vraie vie en opposition au luxe déversé à l’intérieur des bâtiments

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BÂLE, UNE VILLE EUROPÉENNE


Artbasel, B창le, Oeuvre de T. Kawamata, 2014, source internet

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1.2 Une accessibilité internationale Un cosmopolitisme régional Le modèle cosmopolite bâlois entre dans le moule type de la ville Suisse, culturellement diversifiée dont le taux de densité de population est le plus élevé du pays après Genève. Sur un total de 189 393 habitants en 2009, 30% sont des étrangers. En tant que ville germanophone, sa position transfrontalière aux abords de la France et de l’Allemagne confère in situ un trouble identitaire et spatial. Spatialement, la vision propre de l’urbanisme des trois Etats, qui appliquent leurs propres

règles administratives, est responsable d’un tissu hétérogène, et ce, principalement le long des frontières.

Pour atténuer ces conséquences négatives des frontières, l’agglomération bâloise s’est alors politiquement associée aux communes françaises de Saint Louis et Huningue en Alsace, et aux communes allemandes Weil am Rhein et Lörrach dans le Bade-Wurtemberg, pour former l’Eutrodistrict Trinational (ETB)1. Ce groupement de communes frontalières vaut à Bâle un développement outre institutions, depuis Janvier 2007, date de sa création.

spatial liant, comme des nouveaux réseaux de transports, ou un développement urbain, durable et culturel.

Remplaçant l’ancienne Agglomération Trinationale de Bâle (l’ATB) créée en 1995 en tant que programme pilote, l’Eurodistrict réunit aujourd’hui 130 communes suisses, 43 communes allemandes et 42 communes françaises. Cette association de communes vise ainsi à favoriser la coopération transfrontalière, et plus largement à développer un cadre de vie social, et surtout économique, digne d’une métropole européenne. Les champs d’actions se partagent entre la dimension participative des citoyens favorisée elle par une communication adaptée, et un travail de développement

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30% étrangers

189393 habitants

Bâle en 2009

Cela vaut à Bâle des projets communs avec ses pays voisins, notamment l’EuroAirport, structure inter-étatique, dont le terrain a été fourni par la France et les pistes et bâtiments construits par la Suisse en 1946, renommé EuroAirport Bâle-Mulhouse-Fribourg en 1987. Le triangle Trinational expose également une gestion territoriale commune à travers la mise en place de nœuds de transports dont les infrastructures (autoroute et ponts) permettent chaque jours à 30 000 frontaliers français et 15 000 frontaliers allemands de traverser la frontière (terrestre ou fluviale) pour se rendre à leur travail. +30.000 pers/ jour

BÂLE, UNE VILLE EUROPÉENNE

+15.000 pers/ jour

Les frontaliers de Bâle


N Le point de rencontre des trois frontières

L’aéroport binational Bâle-Mulhouse-Francfort, une infrastructure dépassant les frontières, source internet

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1.3 Le Rhin un liant transfrontalier Le Rhin, une identité commune du paysage trinational Outre toutes ces infrastructures qui découlent d’une politique commune largement entamée, le Rhin qui a toujours été présent dans l’organisation spatiale du territoire bâlois, joue un rôle majeur autant d’un point de vue économique, qu’urbain, mettant en scène le paysage de la ville. La position de Bâle sur les deux rives du

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fleuve, lui confère une identité forte et bucolique, un cadre de vie idyllique pour la population qui y réside, ou qui rêve d’y résider. Perçu dans ce cas comme un liant transfrontalier, le fleuve peut d’une manière paradoxale être aussi vécu que comme un obstacle à franchir.

BÂLE, UNE VILLE EUROPÉENNE


La rive droite du Rhin, B창le, 2014. Photographie personnelle

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Le Rhin acteur de l’organisation spatiale de la ville Avant que la ville ne s’étire jusqu’aux frontières françaises et allemandes, elle est au Moyen-Âge un cœur historique divisé entre un Petit Bâle et un Grand Bâle, entourés de remparts. Aujourd’hui, l’organisation du territoire suit celle de son évolution historique, avec un Grand-centre ancien (rive gauche du Rhin), un Petit-centre ancien (rive droite du Rhin), des périphéries et des zones industrielles de grande ampleur. L’organisation territoriale de Bâle démontre une fracture socio-spatiale très différenciée entre ces quartiers intra-urbains et les communes péri-urbaines. Depuis les années soixante-dix, le noyau urbain de Bâle (Grand Bâle et Petit Bâle) ne subit plus uniquement le phénomène de gentrification1 commun à de nombreuses grandes agglomérations. Au contraire, il perd petit à petit de ses avantages fiscaux avec le départ des ménages aux revenus les plus aisés.

Ceux-ci justifient leur choix par le manque de qualité environnementale, d’équipements pour enfants ou encore d’espaces verts en centre ville. Ainsi, les communes rurales transfrontalières et les communes périurbaines gagnent en population aux dépens du centre-ville qui concentre essentiellement des personnes âgées ou de petits ménages de jeunes hautement qualifiés. Les quartiers résidentiels périphériques, propres aux classes moyennes aisées de la population, correspondent majoritairement au profil de ménages familiaux en recherche de grands espaces, ou encore au profil de personnes âgées. Au Nord-Ouest de Bâle, la population étrangère (introduite depuis les années soixante dans la ville) marque aujourd’hui un quartier d’habitation dont les citoyens, peu qualifiés, sont employés la plupart du temps au sein de l’activité industrielle portuaire.

Un engagement politique nécessaire pour la ville Les quartiers se distinguent donc dans la composition de leur population résidentielle. La répartition démographique de Bâle ne soulève pas seulement un problème de logement mais plus généralement un problème dans le développement urbain devenu hétérogène, nécessitant alors une implication politique nouvelle. L’objectif tendrait à l’atténuation de cette ségrégation spatiale, avec notamment un regain d’attractivité pour certains quartiers. La difficulté étant pour le centre ville bâlois de récupérer ses foyers fis-

caux intéressants, sans pour autant générer une gentrification nouvelle du centre, déjà déclenchée par l’augmentation des loyers2. D’autre part, pour les quartiers qui souffrent d’un manque d’attractivité par rapport au centre-ville largement enjolivé par le Rhin, le travail de construction et de rénovation infrastructurelle et du bâti doit se faire dans le respect des intérêts des autochtones de sorte à ce qu’ils puissent continuer d’y vivre.

1. Gentrification, selon le dictionnaire Larousse, est la tendance à l’embourgeoisement d’un quartier populaire. 2. À Bâle, la rénovation des bâtis historiques, engendre une augmentation de la valeur du foncier à laquelle la population en place n’arrive plus à faire face.

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BÂLE, UNE VILLE EUROPÉENNE


N Centre ville, ménages de jeunes actifs qualifiés, personnes âgées.

Quartiers résidentiels périphériques, classes moyennes aisées - familles.

Quartiers industriels, population étrangère non qualifiées

Les exodes urbaines vers les périphéries.

Industries

Centre Périphérie

Différentes identités spatiales

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Bâle Nord, le dessin d’un paysage portuaire L’un de ces quartiers distanciés de l’attractivité du noyau bâlois fait mine de monde à part, en raison du vaste pôle logistique Rhénus qui s’y est développé depuis plusieurs dizaines d’années. Cette activité logistique du quartier Kleinhüningen au Nord de Bâle, raccrochée à l’activité portuaire, profite de sa situation au bord du Rhin. Le fleuve joue alors le rôle de porte d’entrée de l’économie bâloise. Support du développement fluvial depuis

plus d’un siècle, il est également le pilier de cette visibilité internationale. A l’échelle locale, et comme pour de nombreuses villes portuaires, Bâle expose alors une dimension fractale forte, puisque la ville et le port, forment des entités séparées. Moins compacte que le centre ville, le port de Bâle impose une dilatation de l’espace plus marquée, du quartier Klybeck, jusqu’à la frontière Allemande Weil-am-Rhein.

Une envergure européenne A l’échelle européenne, le terrain portuaire de Bâle Nord est lié au réseau ferroviaire entre Rotterdam et Gênes, étant le seul terminal conteneur rhénan du circuit fluvial européen. Il joue le rôle de terminus du circuit lié au circuit fluvial européen. Localement, cette activité industrielle portuaire du quartier Kleinhüningen participe non seulement aux 3% de PIB annuels bâlois, mais contribue également à l’accroissement économique du pays et plus vastement, à l’économie

européenne, du fait des emplois qu’une telle activité suscite. À la différence de villes portuaires, comme Shenzhen (en Chine) 1 dont la fonction est globalement celle d’un terminal conteneur accolé à une zone industrielle, le port bâlois de Kleinhüningen se rapproche du modèle de Rotterdam (aux Pays-Bas) 2. De façon moins monofonctionnelle, ils développent tous les deux à une échelle différente, une plateforme de commerce post-industrielle.

Rotterdam, Pays Bas, source internet

Schenzen, Chine, source internet

1. À une autre échelle, le port maritime de Shenzhen gère 39 compagnies maritimes, et 131 lignes de conteneurs internationaux, sur 1 990 km2, 260km de long. 2. Le port fluvial de Rotterdam, en évolution constante, accueille différents types de navires, et associe des terminaux conteneurs, à des édifices de stockage, des quais aménagés, et des centrales de production d’énergie thermique. Sur une longueur de 42km2, sa superficie est égale à 124km2.

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N

1

2 3

1

Terminaux conteneurs, silos, réservoirs. Aciers et matières liquides

2

Terminal pour combustibles liquides et produits secs.

3

Terminal pour combustibles liquides, engrais, alumines et céréales.

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Le paysage portuaire de Kleinhüningen Sur une superficie totale de 1,6 km2, le port de Kleinhüningen, véritable interface européenne, associe trois terminaux conteneurs, à une plate-forme logistique de stockage ou de levage de marchandises tous les deux rattachés à deux bassins d’arrivage, dont les quais sont spécifiquement aménagés pour le transbordement. Le port combine ainsi trois modes de transport que sont le rail, la route et la navigation intérieure. Faisant de la ville le point de passage obligé pour un tiers des marchandises où 40% du commerce extérieur y transite, le port de Bâle Nord démontre une capacité de gestion des flux et de stockage, qui nécessite aujourd’hui l’emploi de plus de 16 000 personnes dans le secteur. Grâce au Rhin et à toute cette activité qui en découle, Bâle se positionne au rang mondial et reste économiquement viable puisqu’elle bénéficie d’un accès à la mer via le fleuve, certifié et protégé aujourd’hui par le Droit

International. Pourtant, là où se joue le point de jonction des trois frontières, le quartier portuaire Kleinhüningen sujet à de nouveaux concepts urbains, soulève d’importants enjeux pour la ville. La ville qui paradoxalement ne peut se dispenser de cette économie locale.

Bâle, terminus du trafic Rhenan

Le port depuis la frontières suisse-allemande. Photographie personnelle

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Chargement de vrac sur les trains depuis les pÊniches, port de Kleinhßningen, Bâle. Photographie personnelle

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Terminal containeur du port de Kleinh체ningen, B창le. Photographie personnelle

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BÂLE, UNE VILLE EUROPÉENNE


Le visage du port de Kleinh체ningen, B창le. Photographie personnelle

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II

BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS


2.1 Un site portuaire qui s’accroît avec le temps Une évolution spatiale qui suit les évolutions techniques Le Rhin a été perçu il y a plus d’un siècle comme un acteur potentiel de connexion avec l’étranger. En 1906, la construction du premier port bâlois Saint Johann, permet de déployer l’activité industrielle de la ville. Suivant l’augmentation de l’activité industrielle, et l’évolution des transports fluviaux, un premier bassin artificiel voit le jour en 1922 dans le quartier Kleinhüningen dans un pré vert, là où la ville à cette période ne s’était encore pas développée. En 1926, le quartier Kleinhüningen de Bâle Nord devient le second port de Bâle pour devenir une plaque tournante importante avec l’avancée de l’industrialisation, et l’ouverture du chemin de fer connecté au circuit fluvial. Le transport de marchandises sur le Rhin prend de l’ampleur, pour inciter en 1936 à l’extension du premier bassin portuaire. Deux bassins fonctionnent ainsi ensemble en 1939 tous deux raccordés au réseau de transport via l’eau et la terre. Dans les années soixante-dix, le trafic mondial des marchandises change massivement : le transport de produits manufacturés se fait de façon accrue dans des containers standardisés, qui peuvent être déchargés autant sur des

1906

1952

Industrialisation

bateaux, des camions, que des wagons. Cela est favorable à une nouvelle configuration du port, qui dès 1973 voit un terminal container s’implanter en face du premier bassin. À partir de là, les containers multicolores décorent le paysage portuaire Nord de Bâle pendant que les matières premières (acier, aluminium et liquides) ouvertement transportées se font plus rares. Là où règne immensité spatiale et bruit, la zone portuaire de Kleinhüningen s’apparente à un désert industriel que la population locale fuit. Devant l’ampleur économique et spatiale de ce pôle logistique au Nord, les anciens port Saint Johann, le Klybeck-quai et le quai Ouest dont les activités respectives ont été condensées au Nord, ont fait l’objet de négociations entre le canton et les ports rhénans suisses dès 1999. Sujet à un projet de planification urbaine, l’un d’entre eux, le port Saint Johann est désormais le terrain d’un chantier pharaonique, celui du Campus Plus Novartis1 dont la livraison est prévue en 2015.

1973

Tertiarisation

2018 Mondialisation

Compacité

Les ères qui ont marqué l’évolution spatiale du port rhénan Kleinhüningen.

1. Le projet du Campus plus Novartis est développé dans la partie 3.1

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BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS


L’évolution des ports de Bâle Nord, du premier au troisième bassin en projet.

1920 : Le paysage de Bâle Nord avant l’implantation du premier bassin portuaire

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L’échéance des baux emphytéotiques Le territoire portuaire Nord de Bâle, et donc l’activité portuaire qui lui est rattachée, repose sur un système de baux emphytéotiques dont est propriétaire la ville. En étant propriétaire du foncier portuaire sur lequel s’étend toute l’activité logistique, la ville anticipe le potentiel spatial de ce point de jonction des trois frontières. L’ambition métropolitaine exprime une volonté de s’adapter aux nouveaux courants commerciaux, et à la tertiarisation du secteur. Par conséquent, les acteurs du canton et de l’Eurodistrict Trinational exigent une planification urbaine qui reposerait sur une articulation des échelles (locales, nationales,

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européennes). Dans ce sens, l’évolution du port de Bâle prévue pour 2020, ne consistera pas uniquement à un abandon de l’activité portuaire et de ses parcelles existantes, mais à une modernisation de l’appareil portuaire. Pour cela, le canton de Bâle-Ville a dû entreprendre de longues négociations avec les acteurs économiques du site portuaire. L’acceptation d’un consensus qui permettrait alors à la ville de récupérer son foncier avant l’échéance des baux emphytéotiques, ne pouvait pas se faire sans contrepartie pour le géant logistique.

BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS


2018: Le déplacement de l’activité portuaire du premier bassin sur le troisième bassin.

Paysage de l’activité portuaire du premier bassin amené à muter dès 2018. Source internet

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La base du consensus L’aboutissement d’un commun accord entre les deux partis (la ville et le port) a pu s’effectuer au travers d’arrangements respectifs: - Bien que le canton de Bâle anticipe le projet d’une métropole européenne, il ne peut se dispenser de l’activité logistique portuaire essentielle à la croissance économique locale et à l’accès au marché européen et international qu’elle offre à la ville. - Quant à la zone portuaire, son activité est aujourd’hui limitée spatialement et ses infrastructures atteignent les limites de leur capacité. La cause à la dynamique imposée par le port de Rotterdam, puisqu’une part de plus en plus importante des marchandises descend le Rhin en bateau. La tendance de l’activité rhénane envisagée à la hausse, la tertiarisation de l’activité et le problème de gestion des flux trop distancés des autoroutes à Kleinhüningen (et de la perte de temps qui en découle), sont des raisons pour lesquelles la ville exprime l’ambition quasi inexhaustible pour 2018, d’achever la construction d’un troisième bassin portuaire, relié lui-même à un nouveau terminal container plus grand, au niveau de la frontière de Weil Am Rhein.

Le déplacement du port sur le terrain de l’ancienne gare de triage bâloise incite ainsi une reconfiguration complète de l’accès au site portuaire et un renforcement de la trimodalité jusque-là tournée essentiellement vers le fleuve. Ce renforcement de la trimodalité, qui combine la navigation fluviale, le rail et la route, perçue comme motrice du développement de l’activité portuaire, devrait permettre de dépasser les 7,2 millions de tonnes de marchandises transbordées chaque année par les ports rhénans. Cette future combinaison des transports efficace et rentable, favoriserait le fret sur le Rhin, perçu par les acteurs politiques et économiques, comme une « alternative au transport routier et ferroviaire à la fois économique, respectueuse de l’environnement et fiable »1. L’ambition visée consiste donc en amont, à un cofinancement complexe entre tous ces acteurs locaux, régionaux, et européens: la Confédération suisse, les cantons, les ports rhénans suisses et l’Union Européenne.

1. Terme repris dans CEO, Le magazine des décideurs, dossier eau, Juillet 2013.

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BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS


N

Le projet du bassin 3 - pôle trimodal sur la gare de triage à la frontière allemande. Source internet

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2.2 Un engagement politique pour l’avenir du port Une communication active, dans un registre participatif L’engagement politique dans l’avenir du port n’est pas sans lien avec les recherches déjà enclenchées par l’IBA Basel 2020 (International Bartender’s Association). Invité à s’implanter à Bâle durant 10 ans (à partir de 2010) par les collectivités, ce laboratoire d’architecture et d’urbanisme À l’origine, l’IBA est un instrument intégré à la culture allemande, connu en France sous le terme « d’Expositions internationales d’architectures ». Première IBA d’architecture transfrontalière et trinationale, avec des partenariats dans les trois nations, l’organisation joue le rôle de sensibilisateur, et a pour objectif de renforcer la réalisation de projets de haute qualité, sous la devise directrice « Au-delà des frontières ensemble ». Le deuxième objectif de ces expositions étant d’engager une communication quant à l’ambition des collectivités d’un territoire envisagé comme une métropole polycentrique, mais aussi d’élaborer des débats publics ainsi que des workshops entre les experts et des invités intéressés. La dimension participative prend

s’est intéressé aux enjeux que soulève la dynamique territoriale transfrontalière.

Les trois thèmes : paysage, ville et vivre ensemble

du sens dans le sentiment d’appartenance de la population qu’engage les acteurs d’une future agglomération partagée. Outre cela, le rayonnement national et international d’un développement urbain futur est également un grand objectif qu’envisage l’IBA dans le cadre de l’amélioration de la coopération transfrontalière. Les terrains de travail dont les thématiques sont vastes, peuvent supposer autant d’interprétations possibles pour l’évolution de Bâle : comment associer mobilité et développement urbain ? Quel mode de vie par-delà les frontières (langues, politique, culture) ? Quel paysage, quelles connexions possibles ? Quelle citoyenneté et quelle gouvernance transfrontalière adopter ?

Le territoire du port en projet dans le cadre de l’IBA BASEL 2020. Source internet

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BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS


La salle des conférences - bureaux de l’IBA à Bâle. Photographie personnelle

La démarche de concertation et d’information de l’IBA sur les projets en cours. Source internet

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2.3 Un projet urbain commun: 3LAND Des acteurs sans lesquels rien ne serait possible Le secteur Nord de Bâle (Kleinhüningen), à la croisée des trois frontières, est amené à évoluer : la zone portuaire et industrielle laisse progressivement place à du foncier pouvant accueillir de nouveaux usages. C’est une chance unique pour les villes frontalières de Huningue (France), Weil am Rhein (Allemagne) et Bâle d’amorcer une réflexion urbaine qui connecterait leurs territoires dans l’espoir d’un avenir ensemble. Les ambitions pour la ville européenne bâloise ont conduit la signature d’une convention de planification d’une coopération territoriale le

25 septembre 2012 : le Projet des Trois Pays, dit « 3LAND ». Cette planification commune aux trois villes frontalières et plus largement à la Communauté de Communes des Trois Frontières et du Conseil Général du HautRhin, vise le développement urbain d’un vaste territoire entre les ponts des Trois Roses et la passerelle des Trois Frontières à Bâle. L’élaboration d’un master-plan a pu être mise en concours grâce à une aide financière exceptionnelle de l’INTERREG IV Rhin Supérieur.

Ce programme aussi appelé « Coopération territoriale européenne » instaure des fonds provenant uniquement des Fonds Européens de Développement Régional. Dans le cadre du projet 3Land, INTERREG IV soutient l’État Suisse (pourtant non membre de l’Union Européenne) aux côtés de la nouvelle politique régionale suisse. Il s’agit là d’une politique établie sur 9 ans à travers laquelle la Confédération helvétique tente de renforcer la compétitivité régionale de ces territoires en favorisant la création et le maintien des emplois, contribuant à un développement équilibré du territoire. Concernant ces projets centrés sur l’innovation et la compétitivité économique territoriale, la Nouvelle Politique Régionale

suisse, attribue une partie des fonds de la Confédération aux cantons de Bâle-Ville. INTERREG IV accorde également une part des financements au canton, dans la mesure où l’Eurodistrict Trinational inclut des communes française et allemandes (qui elles sont des Etats membres de l’Union Européenne). De plus, le projet 3Land correspond totalement aux objectifs fixés par INTERREG qui encourage la coopération transeuropéenne ainsi que le développement harmonieux du territoire. Le montant total répartis pour les différents projets financés par INTERREG IV en 2009 était de 7, 752 milliards d’euros.

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BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS


N

Plan de localisation du projet 3land. Source internet

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Un « Rheinhattan »1 plutôt qu’un « New Basel » Auprès d’une telle complexité d’acteurs, il semblerait que le projet urbain 3Land doive intégrer des intentions aussi larges que celles développés par les experts de l’IBA Basel 2020, du canton de Bâle, de l’Eurodistrict Trinational et de l’Union Européenne. Quoi qu’il en soit, abandonner les entités monofonctionnelles du port pour des projets architecturaux de haute densité, et la réaliser un waterfront similaire aux ports maritimes Nord Européens, sont deux objectifs qui tendent la main à une métropole polycentrique.

Pour les urbanistes, le profil d’un « New Basel » apparaît, alors que pour les plus critiques c’est celui d’un « Rheinhattan »1. Le waterfront est dans le cas de Bâle, comme pour la plupart des autres villes portuaires, la portion du territoire urbain la plus connectée à la circulation maritime, et routière. En tant que nœud de connexions spatiales, et de ville transfrontalière, Bâle peut jouer de cette spécificité et se démarquer des autres agglomérations suisses.

Les waterfront 2 ont pour origine les politiques de reconfiguration de « front de mer » de villes nord-américaines ou nord-européennes qui bénéficiaient d’une activité de pêche, de chantiers navals ou d’industrie portuaire. L’héritage des plans de réaménagement des waterfronts qui inspire désormais le présent s’étend en premier lieu au cas de Boston avec la reconversion du secteur de l’Union Wharf en 1956, également du cas de Baltimore avec le plan de reconversion mis à exécution en 1954 de l’Inner Harbor. En Europe, l’héritage provient de l’opération des Docklands à Londres ou encore des rues piétonnes des villes néerlandaises.

Ces projets d’aménagement urbains récents sont la conséquence d’une désindustrialisation qui n’a pas suscité de réinvestissement sur place, ou de la perte d’un dynamisme économique conduisant à la formation de friches portuaires. Ce modèle de réaménagement territorial induit donc un changement de forme et de fonction des berges et des espaces fluviaux maritimes. En générant de nouveaux flux (tourisme, emplois), ces réalisations s’accompagnent d’infrastructures variées pour des usagers souvent temporaires (hôtel, restaurants, routes), et qui dans un souci de pérennité intègrent souvent la dimension du logement.

1. « Rheinattan » est une allusion péjorative à la presqu’île de Manhattan aux Etats-Unis 2. D’après Chaline Claude, La reconversion des espaces fluvio-portuaires dans les grandes métropoles.

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BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS


RÊhabilitation de l’Union Wharf au premier plan, Boston. Source internet

Paysage de front de mer, Inner Harbor, Baltimore. Source internet

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Anticiper l’avenir du quartier portuaire N’attendant pas la profusion de futures friches portuaires, la future métropole a lancé depuis 2010 la communication d’une sélection de trois master-plan qui au préalable faisaient parti d’une sélection de groupes de projets conduits par l’agence LIN GmbH : celui d’ASTOC Lost architectes, celui du groupe MVRDV, et celui de LIN. Dans leur planification urbaine qui diverge d’une agence à une autre, ces propositions aux intentions communes supposent toutes une densité et des enjeux socio-

économiques identiques : des constructions de bâtiments neufs, phasées, avec davantage d’infrastructures, s’associe à des services et des emplois issu du tertiaire, et des logements. Ces dernières serviront, au cours des années, de laboratoire pour l’urbanisation de la région.

Equipe ASTOC LOST Juin 2010

Equipe LIN - Mars 2015

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BÂLE NORD FACE À UNE COMPLEXITÉ D’ACTEURS


Notre contexte pour 2030 s’est porté sur le master-plan réalisé par l’agence MVRDV. En début d’année 2014, il s’agissait du projet urbain le plus médiatisé et le plus élaboré à ce stade de la réflexion. La nouvelle île créée au milieu du Rhin (ancien Terminal container) est largement mise en valeur. De 700 mètres de long, et à utilisation mixte elle serait alors le nouveau point de jonction des trois frontières, flottante au milieu du fleuve. La planification prévoit également des

immeubles d’habitation, des hôtels, des locaux professionnels et culturels, ainsi que des surfaces non bâties à vocation d’espaces publics pour la détente. C’est ici que la métropole polycentrique rayonnerait à l’international par l’attractivité générée par les emplois du tertiaire, mais aussi par le programme à la hauteur lui-même de la renommée internationale de l’agence MVRDV, qui pour aller toujours plus haut envisage des tours de plus de 100 mètres d’envergure.

Source : www.MVRDV.nl

Equipe MVRDV - Juin 2010

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Une rupture à l’échelle locale Hélas, dans la formulation d’une double stratégie qui allie résidentialisation et activité économique, ce projet exprime une rupture à l’échelle locale non négligeable pour Bâle Nord, qu’il convient d’expliciter. En appuyant ce programme mixte via un gabarit de bâti démesuré, la proposition de MVRDV répond essentiellement à une ville européenne puissante, excluant toute réflexion sur la singularité du lieu, pourtant riche dans son architecture et son histoire. L’image de marque internationale de l’architecture du groupe d’architectes néerlandais est certes favorable à la

visibilité de l’agglomération européenne que deviendra Bâle, mais localement, elle accentue la barrière visuelle entre le quartier Kleinhüningen et la rive française (Huningue), mais également entre le Rhin (et donc le paysage) et le quartier résidentiel à l’Est de Kleinhüningen. En rompant les liens des autochtones avec le front fluvial, l’envergure du projet contribue d’autant plus à la muséification du patrimoine portuaire qui se retrouve totalement enclavé entre un projet flambant neuf et le quartier résidentiel à l’Est.

Le projet MVRDV La halle de transbordement La tranche portuaire La rive française

Kleinhüningen

La skyline du projet urbain MVRDV marque une rupture visuelle entre les deux rives.

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150m 47


Le patrimoine portuaire muséifié Au cœur de cette rupture, le patrimoine semble être sujet d’une mise en scène hors du temps. Décontextualisé, le Silo Bernoulli des années 1926, aux qualités architecturales singulières est la construction en brique la plus ancienne du port. La halle de transbordement qui surplombe l’eau par son porte à faux de plus de 30 mètres de long comporte deux ponts roulants d’une force de levage de 35 tonnes chacun, laissant passer les quelques

1

Silo de Bernoulli

2

7 kilomètres de quais et 100 kilomètres de chemin de fer. La soixantaine de grues dont la capacité de levage atteint pour certaines les 400 tonnes et la tour de contrôle Rhénus Logistique perceptible de très loin, jouent avec le silo et la halle, le rôle de repères spatiaux dans cette immensité industrielle, et plus largement de la ville, marquant l’entrée Nord de celle-ci.

La halle de transbordement

1

3

Tour de contrôle Rhénus Logistic

3

2

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La tour de contrôle Rhénus Logistic marque le paysage du quartier Kleinhüningen. Photographie personnelle

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III UNE ORGANISATION TRANSFRONTALIÈRE DES PRATIQUES URBAINES


3.1 Une immersion dans le territoire Ressentir les frontières dans l’espace La situation bâloise démontre en tout point, que la frontière impose une connexion perpétuelle des réseaux, que la politique de l’Eurodistrict tente d’assurer depuis quelques années à travers le développement d’infrastructures communes. Cette ambition de connexion se traduit dans un souci permanent de liaison et d’articulation des réseaux de transport suisses à ceux des pays frontaliers, qui a toujours été un enjeu d’accessibilité fondamentale pour Bâle. Praticable à souhait, le Nord de la ville de Bâle expose une réalité trinationale concrète grâce aux infrastructures communes livrées, ou en cours d’exécution. Avant toute stratégie programmatique, il semblait essentiel de vérifier sur place la trinationalité, grâce à un arpentage du territoire bâlois. À travers une analyse sensiblement basée sur la thématique des frontières,

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les questionnements étaient nombreux : Les frontières institutionnelles sont-elles perceptibles ? La pratique de l’espace est-elle aussi fluide que nos hypothèses le suggèrent ? Quel état des lieux pour cette dynamique urbaine transfrontalière ? Post arpentage, après avoir traversé le territoire Nord de la ville selon deux axes perpendiculaires, d’un poste de douane à un autre, et d’une frontière à une autre, l’état des lieux est celui d’une dynamique transfrontalière locale où presque tout est franchissable. La balade on ne peut plus éclectique entre le tissu résidentiel, et industriel, peut cependant devenir plus périlleuse lorsque la dilatation du tissu urbain au rapprochement des frontières laisse essentiellement la place aux flux routiers des travailleurs transfrontaliers et de marchandises.

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Arpentage Nord-Sud Arpentage Ouest - Est

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100

300m 53


Arpentage Ouest - Est

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Arpentage Ouest - Est

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Arpentage Nord - Sud

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Arpentage Nord - Sud

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3.2 Des infrastructures qui ouvrent la voie à des pratiques communes Le cosmopolitisme ne tient qu’à un fil Au point le plus proche de la jonction des trois frontières, le brassage des nationalités perceptible et audible aux différentes langues parlées, favorise parfois le doute quant au pays dans lequel nous pouvions nous trouver. Un brassage social accentué par des infrastructures récentes engagées grâce aux financements de plusieurs acteurs et qui permettent de relier de façon directe les trois nations. C’est au point de jonction des trois frontières, sur la passerelle des Trois Pays (Dreiländerbrücke), que le cosmopolitisme trinational est le plus palpable. Accessible depuis 2007 et détenant le record de la plus longue passerelle piétonne et cyclable,

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les fonds de sa conception ont été divisés entre l’Union Européenne, le land du BadeWurtenberg, la ville de Weil-am-Rhein, la France et l’Eurodistrict. Fréquenter la passerelle qui traverse le Rhin reliant les villes de Huningue (France) et de Weil-am-Rhein (Allemagne) c’est l’occasion de parler français, allemand et même espagnol, avec des usagers du territoire, heureux de pouvoir se rendre dans le pays voisin à pied. Heureux sont ceux qui vont également faire leurs courses en Allemagne à RheinCenter, là où le pouvoir d’achat est relativement plus bas qu’en France et qu’en Suisse. Heureux sont ceux qui travaillent en Suisse et se logent en France ou en Allemagne là où la fiscalité est plus attractive.

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La passerelle des Trois pays, principal lieu tÊmoin d’un cosmopolitisme fragile. Photographie personnelle

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Un jeu de pouvoir d’achat C’est depuis ce centre commercial que l’on perçoit le prolongement de la ligne suisse de tramway 8 entre le quartier Kleinhüningen et la gare de Weil-am-Rhein en Allemagne. Cette prolongation de ligne est la conséquence de la construction de deux nouveaux ponts de liaison routière au dessus du bassin portuaire, qui ont été prises en charge à 77 % par le gouvernement suisse, et à 23 % par la partie germanique. C’est à ce point de douane que les suisses font timbrer leurs attestations « d’exportation d’achats»1 effectués en Allemagne, la plupart du temps à RheinCenter, de sorte à récupérer la franchise de TVA, puisqu’aucune taxe sur la valeur ajoutée n’est versée en Suisse (pour des achats en dessous d’un montant de 300 Francs).

Cette ligne de tramway est aussi l’occasion pour les allemands et français de se rendre dans le centre ville bâlois pour effectuer des achats plus ponctuels et de profiter des services et des abords du Rhin, moteur de l’attractivité de la ville.

Entrée de Rhein Center, Allemagne, image personnelle

1. Attestation d’exportation d’achat (sur la photo de droite, elle correspond à un certificat, qui prouve le montant des achats effectués en Allemagne), d’après La franchise de 300 Francs Suisse (source internet)

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La frontière germano-suisse : entre coutures urbaines et scission fiscale - Photographie personnelle

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La politique du plus fort Au fur et à mesure de la pratique de l’espace, les infrastructures expriment de plus en plus le caractère fractal de la ville portuaire. Reconstruit en 2004, le Pont des Trois Roses (DreirosenBrücke) un peu plus au Sud du port, propose deux étages: un étage supérieur qui accueille le trafic local, les tramways, piétons et cyclistes, et un étage inférieur ouvert sur le paysage rhénan à travers un grand vitrage aux propriétés phoniques. Réservé à l’autoroute, il relie d’Ouest en Est, l’A35 française à une autoroute souterraine qui rejoint l’A2, axe autoroutier allemand. L’espace sous l’arche du pont a été, quant à lui, utilisé pour abriter des locaux municipaux accessibles depuis un espace vert. Ce pont répond depuis sa reconversion, à la volonté de l’agglomération d’atténuer l’impact d’un trafic autoroutier de transit en ville dont la croissance perturbe la vie urbaine locale. Un trafic pourtant nécessaire aux mouvements pendulaires des frontaliers

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qui habitent les zones voisines allemandes et françaises de l’agglomération, pour qui Bâle constitue un pôle attractif par son industrie, son commerce. Ces tranche de tissus urbains voisins doivent d’ailleurs une partie de leur développement à l’activité économique des puissances chimiques et pharmaceutiques bâloises dont fait partie Novartis.

Le pont des Trois Roses dessus/dessous

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Le pont des trois roses, témoin de l’activité croissante de Novartis - Photographie personnelle

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Une rupture urbaine à l’échelle locale Ce géant industriel tirera bientôt lui-même parti de cette infrastructure. La construction du nouveau « Campus Plus » Novartis sur la rive Ouest est relié par le pont des Trois Roses au siège actuel instauré sur la rive Est juste en face. Propriétaire de ses terrains, le géant industriel dans son étalement urbain s’accapare une partie du sol français et propose des infrastructures qui s’étendent jusqu’à Huningue. Un aménagement paysager des quais, longera le Rhin en dessous du campus pour relier le centre-ville à la passerelle des trois pays (en France), pendant que des pistes cyclables, elles, faciliteront les déplacements vers l’autre rive de Bâle. Le Campus Plus, et sa nouvelle architecture démesurée réalisée là encore par des architectes mondialement reconnus (Herzog et de Meuron, T. Ando, F. Gehry), instaure une frontière urbaine locale par la rupture morphologique avec le tissu français de Huningue. À l’échelle de Bâle, le pont aujourd’hui participe fortement à le mise en évidence de deux ambiances distinctes: au Nord l’activité industrielle et son tissu résidentiel dont les

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rez-de-chaussée sont habités et au Sud du pont, une ambiance citadine du centre-ville, où les rez-de-chaussée sont essentiellement commerciaux.

Aménagement des quais du Campus Plus (rive gauche)

Bâle, deux ambiances

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Le mur d’enceinte de Novartis sur la rive droite du Rhin - Photographie Photo personnelle personnelle

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Des infrastructures pour la ville européenne Dans l’avenir du port, de nouvelles infrastructures naîtront d’ici 2025. Un nouveau pont routier sur le Rhin reliant le quartier trinational suisse de Klybeck à Huningue en France, ainsi qu’une passerelle reliant la pointe de la presqu’île à la frontière allemande devraient voir le jour. Une navette fluviale dite « vaporetto » sera également mise en place connectant Bâle aux communes frontalières. Autour du Rhin, elle permettra aux travailleurs frontaliers de rejoindre leurs lieux de travail en embarquant du côté français ou allemand. Concernant les mobilités douces, une ligne de tramway Suisse abandonnée depuis la Seconde Guerre Mondiale dans le centreville sera prolongée jusqu’à la gare de SaintLouis en France. Une autre verra également le jour au départ du nouveau pont raccroché au projet de la presqu’île

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Finalement, ces ambitions politiques de connexions transfrontalières ne s’inscrivent plus uniquement comme à leur début dans une logique d’adaptation des pratiques transfrontalières, d’innovations technologiques, de continuité physique et d’atténuation des frontières. Le jeu d’acteurs et les projets locaux d’infrastructures servent aujourd’hui la future métropole européenne et la croissance de l’attractivité du centre bâlois. Tant d’infrastructures et de moyens au service d’une accessibilité et d’une visibilité internationale contribuent paradoxalement à une accentuation des frontières locales, ne permettant finalement pas à la mise en place d’une culture commune aux trois nations.

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Deux paysages: la France (Ă droite) et la Suisse (Ă gauche) depuis la passerelle des Trois Pays, Photographie personnelle

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Synthèse des éléments clés du territoire,au coeur des pratiques transfrontalières locales en 2014

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3.3 Une concurrence territoriale à l’encontre d’un cosmopolitisme local Trois profils complémentaires Plongée dans un contexte de mise en concurrence territoriale, la dynamique urbaine transfrontalière locale s’appuie sur des infrastructures essentiellement connectées à des points clefs du territoire : qu’il s’agisse de RheinCenter le pôle commercial, ou des sites des géants de la logistique (Rhénus) ou pharmaceutique (Novartis). En ouvrant le champ des possibles, toutes ces infrastructures liantes favorisent indirectement la mise en concurrence des trois nations voisines, dont les déplacements se basent sur une logique plus économique et commerciale que culturelle et politique. Ce constat de concurrence bénéfique entre les trois Etats, met à jours trois profils différents :

- La France (Huningue) se revendique comme le pays qui « héberge » grâce à l’espace qu’elle propose et sa fiscalité attractive en termes de logement. - L’Allemagne (Weil-am-Rhein) est le pays qui « accueille », notamment grâce au centre commercial Rhein Center qui rassemble tout le monde dans le cadre du panier quotidien. Elle est aussi au cœur des infrastructures développées par l’Eurodistrict. - La Suisse, et donc Bâle est la plus «attractive», par ses acteurs industriels puissants et les emplois qu’ils génèrent (rêve d’acquisition de tout transfrontalier), mais également par la rigidité de sa politique de sécurité, et tous les commerces qu’elle propose en centre ville.

Une concurrence territoriale à double tranchant Le contexte de concurrence bénéfique où chacun se déplace selon son intérêt propre au cœur de nœuds transfrontaliers, va à l’encontre de projets neufs pro-bâlois comme celui de Stücki, un centre commercial flambant neuf dans le quartier Kleinhüningen, dont les concepteurs ont a priori omis la dimension de la dynamique transfrontalière. Le projet dans ce contexte urbain s’apparente à un échec ne serait-ce que par le faible taux de fréquentation. Sur cette logique concurrentielle, le projet tente bien que mal de faire face au centre commercial allemand RheinCenter : sa situation ne lui confère pas la visibilité et l’accessibilité dont profite ce dernier au Nord de la ville. C’est un échec du 74

point de vue de la stratégie urbaine et sociale, l’attractivité des enseignes ne faisant même pas le poids face aux enjeux transfrontaliers.

Stucki subit la concurrence transfrontalière . Source internet

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Le centre commerciale STUCKÏ déserté par la population locale - Photographie personnelle

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Comment offrir au point de jonction des trois frontières, un espace de neutralité, qui ne relève pas de la concurrence, mais qui au contraire à la recherche d’une culture commune, prend appui sur les spécificités nationales et renforce la cohésion trinationale ?


3.4 De nouvelles ambitions pour le port en 2030 Notre positionnement dans ce territoire complexe Dans ce territoire complexe, instaurer le cosmopolitisme pourtant présent à Bâle, au sein des relations transfrontalières consiste à une mise en commun des forces de chaque nation plutôt qu’une mise en voisinage. S’inscrire dans un système de pratiques individuelles et s’adapter à une dynamique transfrontalière c’est développer un projet urbain à Bâle Nord qui s’instaure au cœur des pratiques urbaines, à la croisée des flux et des infrastructures qui y sont rattachés. À une échelle locale, la coopération trinationale devrait se matérialiser sans pour autant faire perdre l’identité de chaque nation. Après avoir énoncé les profils spécifiques des trois pays, la France, l’Allemagne, et la Suisse, l’intention devient celle de trouver un point commun, dont le partage ferait la force de la proposition à une échelle urbaine et architecturale. La question des besoins communs, mesure universelle, devient alors une évidence.

Situation de voisinage, pratiques individuelles

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La possibilité de se loger ou de travailler dans le pays voisin, est acquise de façon individuelle dans les mentalités. En effet, chacun va là où il juge bon de se loger, de consommer, de travailler. Autrement évoqué, la trinationalité est bel et bien perçue par les communes transfrontalières, qui mettent à disposition leurs atouts au détriment du pays voisin. Le côté Suisse qui souffre de cette situation en certains points, met pourtant à disposition sur son propre territoire des enjeux nouveaux pour Bâle.

Projet : mise en commun des forces de chacun

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Bâle, à la veille d’une nouvelle ère transfrontalière, Photographie personnelle

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S’adapter à l’évolution des modes de vie Le logement est un point fort que l’on peut envier à la Suisse, qui expérimente depuis quelques années, la cellule d’habitat. Précurseur dans le domaine, la typologie des colocations intergénérationnelles peut servir d’issue de secours au contexte bâlois. La ville dont la croissance économique dépasse les 3% par an, exprime à l’inverse une stagnation démographique en centre ville qui soulève la question d’un foncier trop onéreux et un manque d’équipements publics. Alors que la possibilité d’habiter autrement est ancrée dans les mentalités suisses depuis quelques années, des architectes engagés tentent de faire évoluer la cellule d’habitation, comme Peter Zumthor en 2003 avec le plan neutre de la Maison Luzi à Jenaz 1 en Suisse ou encore, Adrian Streich avec le modèle de Kraftwerk 2 des années 2000 érigé à Zurich. Outre un remarquable travail de composition de la cellule d’habitation, l’architecte expose un mode de vie collectif à travers une mixité intergénérationnelle possible, et une

expérimentation de logements avantageux en termes d’usages et d’espaces, peu coûteux. Sur cinq étages, le point le plus novateur reste ces appartements immenses pouvant aller jusqu’à une surface de 330 m². Des personnes âgées se partagent entre elles, ou avec plusieurs couples ou familles, un dispositif de cuisine américaine ouverte sur de grands séjours collectifs, alors que des chambres autonomes se retrouvent séparées des espaces collectifs par des zones « tampon » comprenant kitchenette et salle de bains. La cohabitation entre plusieurs ménages apparaît alors comme un thème architectural pouvant faire évoluer l’offre à Bâle, et attirer des ménages qui souffrent d’une standardisation du logement en France. Alors que le prix du mètre carré à l’achat atteint les 8.000 Francs suisses derrière Lausanne et Genève, Bâle n’expose aujourd’hui aucun projet digne de ces expérimentations.

Prix d’achat du mètre carré par ville en Francs Suisses 1. Peter Zumthor à Jenaz en 2003 en Suisse, travaille le plan neutre, qui devant les incertitudes des évolutions des modes de vie proposent une équivalence quant aux surfaces des pièces permettant une flexibilité des usages selon le choix de la famille.

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Adrian Streich, Kraftwerk 2, Plan d’étage ,Zurich 2000 En orange, un grand séjour commun En bleu, une entité individuelle (chambre, bureau, SBD)

Kraftwerk 2, la coursive appropriable. Adrian Streich, Zurich 2000 Précurseur dans la colocation intergénérationnelle

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Laisser du temps au temps Dans le territoire bâlois Nord, le logement reste moins coûteux que dans le centre-ville, mais la diversité des pratiques économiques et sociales qui accompagnent l’activité portuaire, conduit à la lecture d’une entité complexe à laquelle la ville espère apporter une attractivité nouvelle via le concept urbain du 3LAND. Depuis 2010, et en attendant 2018, et le démantèlement de la zone portuaire, le site est confronté à une appropriation diversifiée des lieux suivant l’imagination de citoyens, qui libèrent certains désirs d’usages à travers le phénomène du « Do It Yourself »1 (skatepark, habitations, bars et aménagement paysagers).

Le temps est devenu une notion fondamentale dans les intentions d’un projet urbain et architectural de cette envergure. L’objectif étant de ne pas chuter dans la stratégie dite du « spectaculaire », qui en répondant à une volonté de défragmentation spatiale de la ville génère parfois une enclave en plus et une ségrégation sociale et spatiale. Dans ce contexte, le développement de la zone portuaire Nord exprime un jeu d’échelle nécessaire entre la mise en valeur d’un quartier dans son entier et celui d’un patrimoine architectural local, grand héritage de l’activité portuaire du site auquel il est fondamental de s’accorder dans le cadre d’un projet aux problématiques transfrontalières.

L’échéance des baux, la durée de négociation entre la ville et l’activité portuaire et les réflexions en parallèle sur la métropole polycentrique européenne en devenir, dessinent aujourd’hui un territoire en transition.

IBA

2014

2015

Appropriation citoyenne des friches

2025

2030

Rupture entre la presqu’île et le quartier existant

Construction du projet MVRDV sur la presqu’île

La stratégie urbaine spectaculaire marquant une rupture urbaine et sociale

PROJET

2014

2015

Appropriation citoyenne des friches

2025 2028 2030 Phasage de déconstruction et construction du projet

Dialogue social et architectural Délocalisation et liaisons urbaines

Une architecture aux problématiques urbaines pour renforcer le dialogue social

1. « DO It Yourself » ou phénomène DIY du fait-maison, ou faire soit-même.

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S’approprier la friche Migrol avec un snack de fortune, dans le quartier Klycbech. Photographie personnelle

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IV LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


4.1 Un patrimoine à la croisée des flux et des éléments La conservation et la reconversion d’édifices dont les enjeux urbains et sociaux s’appliquent à travers un devoir de mémoire, peut transformer en ressources culturelles et touristiques les traces de l’industrie portuaire. Dans cet optique, le dispositif bâti prend une forme et des fonctions nouvelles. Face à un projet d’envergure internationale et au potentiel d’un territoire ultra-connecté, la zone portuaire Nord, exprime une dimension d’usages à la fois permanents et temporaires de part les pratiques urbaines transfrontalières étudiées. Ces dimensions seront accentuées d’ici 2030 avec les emplois et le tourisme lié au projet de la presqu’île et à la croissance

de l’activité portuaire en lien avec le nouveau terminal conteneurs plus au Nord. L’objectif est de travailler à une échelle locale en se servant du patrimoine comme levier d’un futur développement urbain du quartier, qui lui pourra rayonner à une échelle beaucoup plus large. À l’échelle urbaine, l’intention est de développer une polarité nouvelle dans le temps, et d’utiliser la question du patrimoine local, comme ressource de la ville au service d’une culture commune trinationale.

Une alternative à la monumentalité flambant neuve Une halle de transbordement des années cinquante encore en activité, est ressortie après toute cette analyse, comme le seul édifice à pouvoir engager une force de dialogue avec le projet pharaonique de la presqu’île. Présente dans les éléments de communication de l’IBA, elle n’est jusqu’à présent pas amenée à évoluer. La halle, à travers ses qualités architecturales et d’implantation, exprime une alternative à la monumentalité du gabarit vertical des bâtis imposés par l’intervention de MVRDV. Répondant à un site fort en termes de mémoire, la reconversion d’un tel édifice qui

allierait neuf et traditionnel serait à l’image des expérimentations architecturales que propose le tissu bâlois. Penser une stratégie dans cette halle c’est faire le choix de s’approprier ses qualités spatiales, puisqu’elle a déjà été conçu en fonction des éléments qui l’entourent. Cette halle de transbordement qui perdra son activité en même temps que le démantèlement du port permet d’envisager la matérialisation de la coopération trinationale.

Coupe paysagère Est ouest - Situation du port en 2014

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LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


Port en mutation

Patrimonialisation 1

Nouvelle polarité

Une architecture avec une force de dialogue

1. Conservation et/ou reconversion d’un édifice

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La halle de transbordement, vue depuis le bassin portuaire 1. Photographie personnelle


Un accès à l’eau, la terre et le ciel L’édifice patrimonial apparaît comme l’emblème de ce qui peut susciter un dialogue avec les éléments forts du paysage, que sont l’eau, la terre et l’air. Dans son fonctionnement, la halle intègre ces trois éléments et ressort comme l’un des seuls édifices qui développe ses fonctionnalités de transfert de marchandises et de stockage au contact de ces éléments très présents : le débarquement se fait à travers l’eau, le transbordement de l’eau à la terre se fait par voie aérienne suspendue au plus proche du ciel, alors que le stockage se fait sur terre. Poreuse et imposante, elle séquence le paysage dans sa longueur : enracinée en pleine terre à l’Est, elle va jusqu’à se suspendre à l’Ouest au-dessus du Rhin.

À la croisée des deux univers du quartier, que sont le port et l’interstice patrimoniale générée par le projet MVRDV (l’eau), et le quartier résidentiel à l’Est de Kleinhüningen (la terre), la halle s’impose comme un potentiel de communication entre les deux univers, rattachés, eux, à une réalité du site qui les rattrape. Dans cet environnement inégalable, l’édifice peut participer à la réconciliation des habitants avec le Rhin devenu inaccessible depuis l’étalement de l’activité portuaire, et plus largement à l’ouverture de la zone résidentielle sur le parc portuaire bientôt reconfiguré.

AIR TERRE

EAU

EAU

AIR

TERRE

Projection du quartier en 2020

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LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


Plan masse de l’existant en 2014

N

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150m 91


La halle hyper-connectée Au cœur des flux, qu’ils soient piétons, routiers, fluviaux, ferroviaires, elle se positionne au centre des pratiques urbaines transfrontalières, qui connectent l’édifice à une dynamique locale et plus largement au reste de la ville grâce aux routes, autoroutes et aux lignes de tramway qui se prolongeront jusqu’en France.

Le rapport à l’eau si présent dans l’Histoire du bâtiment sera restitué par de nouvelles infrastructures qui verront le jour d’ici 2025, comme le Vaporetto (navette fluviale).

Le porte-à-faux comme élément de dialogue avec le paysage de l’eau Repère dans le port La voûte existante : Véritable hub terrestre entre rail et route Passage cycliste et piéton toléré

Le potentiel de la halle connectée au réseau viaire et fluvial en 2014

EAU

TERRE

Projection du quartier en 2020

92

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


La halle permet le passage deux types de flux terrestres : les rails et la route. Photographie personnelle

93


4.2 Une vague de nouveauté En incitant des relations nouvelles au patrimoine portuaire et des relations transfrontalières plus fortes, la stratégie programmatique doit répondre simultanément à des enjeux locaux de réconciliation des deux univers, et inciter une culture trinationale commune, tout en s’adaptant à une visibilité

internationale. D’un point de vue architectural, la halle de transbordement, dont le rôle actuel est de faire transiter des marchandises, devra intégrer d’ici 2030 de nouvelles fonctions, habiter - circuler - consommer - s’informer, autour desquelles seuls les hommes transiteront.

Un phasage dans le temps 2014

2018

Etat des lieux

Démentellement de Projet MVRDV l’activité portuaire livré avec de nouvelles du bassin 1 infrastructures Destruction d’entreprise

Avant cela, et dans un contexte qui mêle reconversion d’un édifice portuaire et construction d’une presqu’île toute entière, la stratégie programmatique de l’Arche s’inscrit dans un phasage de construction mais aussi de déconstruction du bâti environnant. À partir de 2018, la ville prévoit le démantèlement de l’activité logistique portuaire. Cette date correspond alors à celle de la mutation du port au Nord, au début de la construction du chantier MVRDV, et à la destruction des bâtis industriels sans qualités architecturales de l’activité Rhénus de disparaître autant sur la presqu’île que sur le terrain de la halle de transbordement. En 2025, et bien que cette échéance soit une utopie, le projet de la presqu’île MVRDV est livré avec les infrastructures rattachées : un pont routier et une ligne de tramway 94

2025

2028 2030

Livraison Destruction logements

suisse entre la presqu’île et la Huningue en France, une passerelle piétonne au bout de la presqu’île reliée à l’Allemagne, et des pistes cyclables. En 2028, des logements aux abords de la halle sont finalement détruits permettant l’accessibilité du projet depuis la place à l’est de l’édifice. Les premières appropriations possibles du sol se mettent en place (jeux, construction éphémères) et marquent le début de l’utilisation du site par les autochtones. Le projet de reconversion de la halle de transbordement est terminé et définitivement renommé l’Arche. En 2030, la livraison de l’Arche et les déconstructions achevées reconnectent le nouveau quartier à l’ancien, l’îlot ouvert, devient un lieu d’appropriation et de cosmopolitisme.

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


7

6 2

4

3 5 1

Etat des lieux 2014 1 2 3 4, 5 6 7

Musée portuaire Entreprise Halle de transbordement Logement à détruire Tour de contrôle Rhénus Silo de Bernoulli

N

50

150m 95


La stratégie programmatique L’Aiôn (le terme définit par son étymologie l’un des trois concepts grecs lié à la notion du temps, « Aiôn » est également synonymes d’éternité, génération ou encore destinée)

Dans un souci de mise en évidence du potentiel local du patrimoine et d’une implication des usagers dans le devenir du site, l’idée est de faire dialoguer passé et avenir au sein d’un même espace que sera l’Aion. Ce complexe où culture et recherche se confondent, regroupe un musée portuaire, et les bureaux des professionnels de l’IBA

Basel, librent de poursuivre leurs réflexions et de les communiquer au public. Aujourd’hui, le musée portuaire qui est un module préfabriqué, greffé à la halle, sera pleinement intégré à l’Arche, dans un devoir de mémoire du site. Les bureaux de l’IBA installés depuis 2010 dans le Nord de Bâle trouveront des locaux accessibles et visibles par tous, facilitant ainsi le travail de communication au public.

L’îlOsaveurs (l’ilot saveur, l’île aux saveurs)

Elle suggère un lieu neutre de rassemblement autour d’un besoin universel et commun aux trois nations voisines, qui est celui de se nourrir. Rendre ce besoin convivial, agréable et ludique s’apparente à en faire une entité, source de partage de savoir-faire et de communication. Chacun trouverait son bonheur dans les points de ventes des spécialités culinaires régionales,

96

que L’îlOsaveurs propose. Le partage se ferait au sein de restaurants, et d’initiations culinaires. De cette façon, proposer une équivalence à une halle gastronomique, c’est s’adapter à une demande transfrontalière plus occasionnelle que quotidienne de sorte à ne pas subir la concurrence des enseignes locales (Rhein Center, Leclerc, Coop).

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


Les Naïades (fruit à coque d’eau douce qui se raccroche à des rochers, se sont aussi dans la mythologie les filles de Zeus Dieu de l’Océan ou plus largement le Dieu-fleuve du lieu)

Adaptés aux nouveaux modes de vie, à la mixité sociale transfrontalière générée par les futures constructions de la presqu’île, et à la situation foncière bâloise, ces logements trouveront leur singularité dans l’opportunité

d’habiter le patrimoine historique du port. En établissant une relation pérenne avec celui-ci, ils proposeront une expérience de l’habitat qui sort de l’ordinaire à la fois par leur situation spatiale et dans leur pratique. L’objectif de ces habitats étant d’instaurer un rapport nouveau à un patrimoine portuaire délaissé par les habitants du quartier, ou ignoré par les transfrontaliers.

L’Arche (Synonyme des voûtes architecturales de la halle de transbordement existante, mais aussi en référence à l’Arche de Noé qui ramène la vie sur terre)

Espace public connecteur et connecté au contexte proche, l’Arche sera sujette à plusieurs temporalités : il proposera une nouvelle expérience urbaine entre l’art, la ville et son histoire portuaire en accueillant

la foire Art Basel le temps d’une semaine. Tout en permettant un rapport nouveau au patrimoine, l’Arche dans sa globalité profitera ainsi d’une reconnaissance internationale temporaire permise par la médiatisation d’un tel événement, répartissant le regain d’attractivité avec le centre ville.

97


Nomenclature des espaces L’Aiôn Salle d’exposition

768m2

Amphithéâtre de conférences

134 m2

Bureaux de l’IBA Basel

120 m2

Bureaux administratifs (musée+art Basel)

86 m2

Boutique souvenir

47 m2

Sanitaires

28 m2

Rooftop

260 m2

TOTAL

1443 m2

L’îlOsaveurs Galeries/ halles commerçantes

2 x 175 m2

Restaurant gastronomique français

460 m2

Restaurant Brunch Allemand

460 m2

Terrasse commune centrale

290 m2

Bar-Brasserie centrale

296 m2

Amphithéâtres d’initiation culinaire TOTAL

98

2 x 113 m2 2082 m2

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


Les Naïades Colocations seniors – 2 chambres

14 x 88m2

Colocations famille + couple – 3 chambres

4 x 105 m2

Colocations de 2 familles – 4 chambres

4 x 140 m2

Espaces communs Locaux à poubelles Locaux vélo-poussettes-rangements Rooftop TOTAL R+2

86 m2 6 x 5 m2 4 x 12+2 x 40m2 260 m2 2716 m2

Colocation jeunes + couple : 8 chambres

4 x 292 m2

7 chambres

2 x 230 m2

5 chambres

6 x 156 m2

4 chambres

4 x 133 m2

3 chambres

4 x 106 m2

Colocations familles + couples : 7 chambres

4 x 208 m2

6 chambres

4 x 190 m2

TOTAL R+3

5112 m2

L’Arche L’arche extérieure

11 145 m2

Amarres : Escaliers / ascenseur

4 x 30 m2

Sanitaires

32 m2

Accueil IBA

100 m2

Belvédère

380 m2

Squares centraux TOTAL

300+226 m2 12 303 m2 99


4.3 La halle de transbordement structurée par son environnement portuaire La halle nage dans une organisation transversale des flux Actuellement, l’organisation intérieure de la halle de transbordement, s’adapte à l’organisation transversale des flux du site portuaire, qui séquencent fortement le territoire Nord. Les opérations de chargement et de déchargement de marchandises qui suivent la logique des trois moyens de transports présents sur le site, répondent à la double fonction de la halle : celle de transfert et de stockage. Le bâtiment se définit ainsi comme une véritable plateforme tri-modale dont le caractère tridimensionnel est accentué par la manière dynamique dont les marchandises sont transférées : du Rhin (à l’Ouest) jusqu’à la terre (à l’Est), les cargaisons sont déplacées entre plusieurs moyens de locomotion : les péniches, les trains et les camions. D’autres cargaisons s’accommodent de l’ambiance statique de la halle pour être stockées soit dans la partie entièrement cloisonnée (à l’Est) lorsqu’il s’agit de matières premières, soit dans la partie ouverte (à l ’Ouest) lorsqu’il s’agit de produits manufacturés.

Transport de matières premières de types poudres Transport de matières premières de métaux et containeurs Le transbordement : le caractère tridimensionnel de la halle

100

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


N

100

300m 101


Une capacité à raisonner avec le contexte proche Par sa longueur, qui équivaut à 250 mètres, le bâtiment et le brutalisme architectural qui lui est conféré s’impose comme un objet monumental sur le site, qui pourtant à l’échelle du projet MVRDV reste moindre. Ce brutalisme d’un genre traditionnel engage cependant une nouvelle force de dialogue avec les nouveaux gabarits vertical de la presqu’île. De par son ambivalence côté port, côté ville, entrecoupée de réseaux, la halle démontre cette capacité de résonner pleinement avec son contexte. Elle apparaît alors comme un acteur de l’organisation urbaine qui lui est proche, devenant indissociable du paysage.

Rarement visible dans son entièreté, des constructions ont profité de ses murs aveugles pour développer leur activité propre. D’Ouest en Est, le musée portuaire s’est greffé à sa façade Sud, alors qu’au Nord l’activité de bureaux rattachée à Rhénus ainsi qu’une usine se sont également accolés au bâtiment, qui à l’Est se retrouve encerclé par des bâtiments de bureaux ou de logements. La halle se retrouve alors en cœur d’îlot. Ce contexte proche exprime un potentiel de désenclavement urbain pour le projet et ses accès en termes d’espace public.

1. Le musée portuaire existant accolé à la façade de la halle au sud.

2. L’entreprise portuaire contiguë à la façade nord de la halle

3. Les parois borgne du stockage de la halle

102

La halle perceptible depuis la Kroneplatz (place du quartier Kleinhüningen)

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


Façade aveugle Est

Façade ouest - ouverture du porte-à-faux sur le paysage

3

2

Façade nord

1 Façade sud depuis la rue parallèle

103


Un potentiel structurel qui se dévoile La mise en scène purement fonctionnelle des pleins et des vides dont elle est composée ouvre le champ des possibles quant à la structure qui peut évoluer. Jouant le rôle d’interface et d’infrastructure portuaire, la halle apparaît à la fois comme un passage et une barrière. Dans un souci de fonctionnalité, elle se trouve cloisonnée sur les deux tiers de sa surface à l’Est, impénétrable et enclavée dans son contexte, ne lui laissant aucun accès visuel depuis l’intérieur sur le paysage. À l’inverse, une grande arche scinde le bâtiment en deux entités, laissant passer les

rails de train et les camions, accordant une échelle monumentale au bâti. La partie Ouest, sous le porte-à-faux sert au stockage de produits manufacturés sur palette. Ouverte sur le bassin, face au terminal container, elle bénéficie d’un accès direct à l’arrivage des trains au bord du quai sous le porte-à-faux de 30 mètres de longueur. Cet emblème architectural, est un point de repère pour le trafic fluvial. Il est magnifié par l’eau au dessus du Rhin, et confère à la toiture du bâtiment une importance majeure, tout en dévoilant sa capacité structurelle.

Une ingéniosité architecturale La logique structurelle de l’infrastructure a été optimisée pour servir une efficacité technique de logistique, donnant naissance à une silhouette dont le porte-à-faux semble contrebalancé par une surface pleine, trois fois plus longue à l’Est. La structure en très bon état, datant de 1952, s’organise en trois travées identiques, et se constitue de poteaux de 80 centimètres de large et de poutres de 2 mètres de haut en béton armé. Supportée par ces éléments majestueux en béton, une toiture monumentale couvre

104

un système de ponts roulants d’une force de levage de 35 tonnes chacun. Ceuxci coulissent le long de ces poutres, et déplacent des petites cellules desquelles les manutentionnaires s’installent pour visualiser et gérer les arrivages de marchandises. Équivalent à la portée des soixante grues sur pied présentes sur le site portuaire, l’univers des machines est l’élément de l’air, qui instaure un rapport entre l’eau et la terre, puisque le transbordement des marchandises des navires, aux trains, et aux camions, ne se fait presque pas sans cette interface aérienne. La richesse patrimoniale est à conserver et à réinterpréter tant dans ses capacités structurelles que dans son rapport à l’environnement extérieur (et aux trois éléments). Le devoir de mémoire du site associé à celui de cette structure développe des enjeux dans la reconversion de l’univers des machines, l’ouverture au paysage terrestre et l’accessibilité à l’eau.

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


N

Couverture de plaque fibrociment en toiture

Poutraison béton - support de ponts roulants

Trame de poteaux de béton armés 80cm de diamètre et structure secondaire

z

eplat

Kron 2

6

3

4

5

1

1 2 3

Musée portuaire Entreprise Transbordement terrestre

Plan de rez-de-chaussée. Intérieur de la halle de transbordement

4 5 6

Passage couvert Stockage de poudres Déchargement fluvial

50

100m 105


106

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


La voûte existante de la halle de transbordement : un porte d’entrée vers le site portuaire, Photographie personnelle

107


La structure à reconvertir Le potentiel de la halle réside dans sa structure porteuse. Les poteaux et les poutres sont conservés tel un squelette, ouvrant le champ des possibles. Les parois aveugles existantes sont composées de poteaux en béton préfabriqués et d’un remplissage d’agglomérés. La couverture quant à elle se résume à une épaisseur de fibrociment sur une structure métallique secondaire. La simplicité de l’édifice s’explique par ses fonctions de cloisonnement de la matière stockées et de la protection à l’eau. Cette vêture

précaire est détruite, ne permettant pas un réinvestissement quelconque dans le projet. Enfin, pour plus de liberté dans la conception du projet de l’Arche, la structure est optimisée en ôtant les poutres et les poteaux non porteurs (soit ceux et celles de 40 cm d’épaisseur) sur les travées Nord et Sud. La travée centrale, elle conserve toute la trame des poutres.

Le remplissage de la façade à déconstruire

La structure primaire déjà optimisée sous le passage existant (20 mètres de portée entre poteaux).

108

LE PATRIMOINE PORTUAIRE, UN ACTIVATEUR DU QUARTIER KLEINHÜNINGEN


La couverture, les façades non porteuse sont démolies pour rendre la halle poreuse à son environnement.

La trame structurelle peut être allégée pour intégrer le projet.

109



V

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


5.1 L’Arche et le paysage, un ensemble indissociable À l’échelle urbaine, l’intervention suscitée par la proposition de l’Arche consiste à mettre en dialogue les deux univers, celui de l’eau et de la terre. La stratégie vise à renverser l’organisation transversale explicitée au dessus, et par un système d’infléchissement, d’aller dans

le sens du potentiel linéaire et massif de la toiture qui se termine par le porte-à-faux, considéré comme l’emblème du bâtiment. Dans ce sens, faire exister l’architecture dans son contexte consiste à développer un travail dans la longitudinalité.

Affirmer la linéarité de l’édifice Travailler la linéarité sur un bâtiment de 250 mètres de long, suppose une liaison Est/ Ouest, mais également une réflexion quant à l’accessibilité, et à la visibilité du projet. C’est ici qu’intervient le délicat phasage de destruction du bâti environnant. Comme précisé plus haut, d’ici l’achèvement du projet de l’Arche (en 2030), l’activité logistique Rhénus aura muté au Nord depuis 2018 et les bâtiments qui lui sont aujourd’hui dédiés, et sans réelles qualités architecturales, pourront être démolis. Une voie de circulation routière à double sens au niveau de la façade Nord de l’Arche pourra être créée. Quant à la destruction des bâtiments de bureaux et de logement à l’Est et au Sud de la halle, prévue en 2028, elle ne se fera pas sans avoir laissé le temps à ses propriétaires ou locataires d’envisager un avenir ailleurs dix ans auparavant. Ces destructions permettront ensuite, une circulation à sens unique d’Est en Ouest le long de la façade Sud.

112

Stratégie urbaine d’infléchissement Nord-Sud

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


2018 : Destruction de l’entreprise portuaire

2028 : Destruction de deux logements collectifs, entraves à la lisibilité de l’édifice (en arrière plan)

2030 : Rendre accessible l’îlot en recréant deux rues de part et d’autre de la halle

113


Rendre l’îlot perméable Par le principe de réhabilitation et donc de permutation des usages, l’infrastructure de l’Arche qui jusqu’à aujourd’hui déplaçait uniquement des marchandises, s’ouvre à son environnement pour désormais permettre à des hommes de se déplacer. Visible, accessible, et contournable, l’Arche préserve cependant une relation de contiguïté avec le patrimoine portuaire proche, notamment avec le Silo de Bernoulli en brique, la tour de contrôle Rhénus, et intègre désormais dans sa

114

structure le musée portuaire. En s’ouvrant au tissu urbain et au réseau viaire existant, la stratégie urbaine consiste à la réouverture de l’îlot urbain initialement fermé sur lui-même, offrant des pistes pour une stratégie architecturale qui se veut en accord avec l’environnement patrimonial et paysager de l’air, de la terre et de l’eau dans laquelle baigne l’Arche.

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


3

2

1

1 2 3

L’arche en 2030 Contournement motorisé Halle de transbordement Tour de contrôle Rhénus Silo de Bernoulli

N

50

150m 115


5.2 Bâtir la métaphore de l’eau jusqu’à la terre La poétique du lieu Sur la couche limite de l’eau qui repose sur le Terre, la vague est une résultante du soulèvement important d’une masse d’eau au contact de l’air (du vent). Partant de l’imaginaire de ces trois éléments déjà présents dans l’organisation existante des flux de marchandises, et donc de l’imaginaire des machines, la démarche architecturale vise à un réinvestissement du principe des ponts roulants. Le potentiel structurel de la halle et la monumentalité linéaire de sa toiture

rendent possible une architecture suspendue. La suspension s’accorde alors parfaitement au cadre de la stratégie urbaine d’un édifice ouvert sur le contexte proche. Un travail de tension entre une surface de l’ordre du dessus et une surface de l’ordre du dessous devient alors la base d’un concept architectural qui prend tout son sens à travers un devoir de mémoire du site portuaire et le rapport aux éléments auxquels la halle est rattachée.

Potentiel

Existant

Projet

AIR EAU

TERRE

Un bâtiment paysage Dans sa longueur, sa composition et son rapport à l’environnement extérieur, l’édifice impose un travail de trois entrées selon sa venue : plutôt de l’Est (terre), plutôt de l’Ouest (l‘eau), plutôt par l’Arche (voûte aérienne). Intégrée à la stratégie urbaine, ces ouvertures sur le contexte jouent le rôle de liaison des frontières du territoire par les éléments. Générées par la déformation de simples dalles, ces voûtes qui s’étendent sur toute la largeur de l’édifice (celle des trois travées), s’accordent à de nouvelles déformations successives des travées Nord et Sud. 116

Accrochées à la dynamique statique de la structure de la halle existante, ces vagues engendrent un système de déconstruction de la rigueur de la trame, venant jouer de la structure, et créer un rythme dans le parcours. En réponse à ce rythme et à une oblique très présente, des connexions transversales et longitudinales sont essentielles pour rendre fonctionnel et vivable la pratique de l’espace intérieur. Celles-ci deviennent alors des repères pour les usagers du dessus de la vague comme du dessous.

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


Trois ouvertures, possibilité de passage Ouest

Porte-à-faux

Arche La rythmique du parcours et des espaces

Ouverture sur place

Est

Les dalles et la rigueur structurelle

Les repères dans le parcours de l’espace

117


5.3 Surfer sur la vague Une vague d’émotion D’un côté plus rationnel, deux points d’accroche au sol organisent la structure et donnent accès à l’intérieur de l’Arche par des distributions verticale de part et d’autre des travées Nord et Sud La travée centrale, elle, plus complexe joue le double rôle de distribution et de connecteur des ce deux travées. C’est un véritable espace public autour duquel le parcours est rendu possible. Le fonctionnement des trois travées à la fois autonome et transversale rappelle alors les

enjeux de la tri-nationalité évoqués le long de la réflexion. Le but étant désormais d’introduire une dimension humaine et non marchande à l’édifice, qui par sa rigueur de bâti tellement forte pourra largement soutenir une souplesse à échelle plus humaine. Ce concept architectural en vague instaure une particularité dans la pratique de l’espace tant depuis l’intérieur (sur les vagues) que de l’extérieur (sous les vagues).

Vivre l’oblique La multitude de parcours possible au sein d l’Arche met en évidence plusieurs dispositifs d’appropriation de la pente dont les usages vont du plus fonctionnel (escaliers, pente lisse

118

pour les vélos) au plus appropriable (gradins, assises), jusqu’au plus périlleux (pente lisse, toboggans).

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


S’approcher 01

Entrer 02

Monter 03

Naviguer 04

Cheminer 05

Choisir 06

Percevoir 07

Dialoguer 08

Vivre le parcours d’Est en Ouest dans la halle

119


Une lecture depuis l’extérieur Le système d’oblique, organisé différemment selon la travée centrale et les deux autres travées Nord et Sud, marque un jeu de plan et de profondeur qui rend perceptible depuis l’extérieur le travail de strates et la répartition du programme intérieur. Celui-ci est organisé de sorte à respecter le principe du parcours linéaire, qui, dans un premier temps, donne à la travée centre une fonction essentiellement publique de circulation et de distribution, dont les travées Nord et Sud dépendent. Ensuite, une entité plus proche du Rhin (à l’Ouest de l’Arche) et du patrimoine

120

regroupe le musée portuaire et la salle d’exposition qu’elle partage avec les bureaux du laboratoire de l’IBA, et une salle de conférence. Une boutique et des locaux administratifs s’ajoutent au fonctionnement du complexe de l’Aiôn. L’autre entité à l’Est de l’Arche regroupe toute la balade gastronomique de l’îlOsaveurs dont font partie les amphithéâtres d’initiation culinaire, le restaurant gastronomique français, et le restaurant Brunch allemand. Les Naïades (logements) surplombent la totalité des deux entités.

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


Les Naïades Colocations sur deux niveaux

L’Aiôn Amphithéâtre de conférences Bureaux de l’IBA Basel Salle d’exposition Boutique de souvenirs

L’îlOsaveurs

Bureaux administratifs (musée+art Basel)

Amphithéâtres d’initiation culinaire Galerie / halle commerçante Restaurant gastronomique français Terrasse commune centrale Restaurant Brunch Allemand Bar-Brasserie centrale

121


Les amarres (le RDC) Tout en minimisant les points d’ancrage au niveau du sol, le rez-de-chaussée exprime une volonté d’optimiser les accès haut/bas dans la structure. Non construit, voir déconstruit, la force de la coque suspendue le fait exister comme un plein à part entière. L’unique verticalité se joue au niveau des deux points de jonction entre le projet architectural neuf de l’Arche et le sol totalement brut. Altéré, neutre paisible et linéaire, il entre

en tension avec la nouvelle architecture qui flotte au-dessus de lui. La sous-face du projet et la matérialité qui lui sont conférées guide l’usager d’un bout à l’autre du site de la terre jusqu’à l’eau ou inversement selon le point d’arrivée.

ARCHE: Parcours au rez-de-chaussée libre

Aluminium poli

Acier corten

La matérialité de la sous-face guide l’usager

122

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


Le rez-de-chaussÊe se dessine et guide l’usager sous la coque suspendue

123


Une flexibilité nécessaire Répondant à un besoin d’espace et de flexibilité d’un futur incertain, le rez-dechaussée accueille différentes temporalités : un marché hebdomadaire léguera sa place en juin aux expositions d’Art Basel. La foire et tout l’engouement qu’elle suscite, permettront une nouvelle expérience urbaine entre art et ville, art et architecture, art et patrimoine, art et mémoire. À travers l’attractivité générale qui lui est conférée, il s’agira plus largement de se questionner différemment sur l’avenir du port, dans un registre plus participatif. Le contexte du 100 % expérimental pourra laisser place au 1% artistique, trace que la

foire pourra alors laisser à chacun de ses départs. Le reste du temps, le rez-de-chaussée sera entre les mains des flâneurs et des usages qu’ils voudront en faire, du « Do It Yourself » à la simple déambulation aux abords ou sous le projet.

ARCHE: Représentation extérieure Artbasel

Scénario d’appropriation de l’arche par Artbasel et le marché hebdomadaire trinational

124

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


L’arche, un lieu flexible et repérable entre les deux entrées du rez-de-chaussée

125


RDC - L’Arche N

2

126

3

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

1


L’Arche Accueil du marché hebdomadaire Entrée Entrée

Le quai Accès par le Vaporetto

3

Entrée

Entrée

4

1

L’arche extérieure

2

Accueil IBA

3

Escaliers / ascenseur

4

Sanitaires

15

30m

127


Choisir sa vague (R+1) Commencer la déambulation intérieure, c’est se rendre dans l’un des points d’ancrage au niveau de la travée centrale plus ombragée, accessible dans le sens longitudinal, au niveau de la première oblique dont la transparence au centre laisse deviner l’intérieur. Une fois à l’intérieur, le choix de se rendre au niveau supérieur, se fait, soit par les blocs verticaux de services, soit par la travée centrale, qui déploie alors des espaces publics qu’elle met à disposition pour les usagers : - Des circulations simples qui se transforment en gradins pour marquer des temps de pause, - Des paliers dont la fonction varie entre une terrasse communes aux deux restaurants, un square de jeux, un bar- brasserie. - La travée centrale donne également accès aux ascenseurs et à l’îlOsaveurs par des circulations transversales. Les espaces en pente correspondent soit aux amphithéâtres d’initiation culinaire soit à des salles de restaurants, pour ceux qui

128

souhaiteraient expérimenter l’oblique et le mobilier qu’il déploie. Les niveaux plats, eux sont réservés à la vente de spécialités culinaires régionales. Le partage de saveurs communes à chaque nation, au sein d’un besoin universel, devient alors sujet de dialogue et de coopération. Galeries gastronomiques Espaces de représentations culinaires Restaurant gastronomie française

Restaurant Brunch allemand

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


La galerie gastronomique : un parcours culinaire dynamique et statique - Au loin, un amphithéâtre d’initiation culinaire

Manger à table dans la pente

129


Au plus proche de l’eau, une salle d’exposition commune aux travaux de l’IBA et au musée portuaire flotte dans un intérieur lumineux. Cet ensemble reflète bien l’univers du port : l’un dans son histoire, l’autre dans les nouvelles constructions en cours de réflexion. L’accès à l’espace d’exposition s’effectue uniquement par le deuxième point d’ancrage au rez-de-chaussée, pour des raisons d’accueil du public. Depuis la salle d’exposition, au Nord, une montée jusqu’au belvédère peut s’effectuer grâce à des escaliers qui suivent la pente du contrefort existant en béton.

Belvédère

Circuit d’exposition : musée portuaire

Musée portuaire Salle d’exposition IBA

Coupe longitudinale de la travée centrale

130

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


La salle d’exposition du musée portuaire - l’Aîon - offre une rétrospective de l’histoire du port jusqu’aux réflexions de l’Iba

10

20

40m 131


R+1 - L’Aîon et l’îlOsaveurs N 1

2

3

1

Amphithéâtre de conférences

2

Bureaux de l’IBA Basel

3

Salle d’exposition

4

Boutique souvenir

5

Bureaux administratifs (musée+art Basel)

132

4

5

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


6

7

7

6

Amphithéâtres d’initiation culinaire

7

Galeries/ halles commerçantes

8

Restaurant gastronomique français

9

Terrasse commune centrale

10

Restaurant Brunch Allemand

8

9

10

15

30m

133


Un parcours aérien (R+2) Depuis le belvédère, au R+2, niveau le plus haut pour le public, la longueur est perceptible, et la possibilité de pouvoir circuler d’Est en Ouest ou d’Ouest en Est à pied ou en vélo à l’intérieur de l’Arche devient totalement envisageable par les coursives 1 de part et d’autres des poutres existantes centrales. Grâce aux ascenseurs centralisés, la balade aérienne est accessible pour tous profils d’usagers. Reliés aux coursives, elle est séquencée par différents paliers qui appartiennent à la travée centrale, puisqu’ils correspondent aux points culminants de celleci. La fonction de ces paliers en R+2 varie, du belvédère, au « rooftop » (toiture de l’Aiôn flottant), au square, pour finir en bar-brasserie en façade Est.

Esplanade - Square

Dans leur usage, les coursives, qui font partie intégrante du parcours à l’échelle de l’édifice, sont essentiellement réservées aux habitants des Naïades. En effet, elles offrent l’accès aux premières colocations. 1. Bien qu’en architecture une coursive se définisse comme un couloir intérieur ou extérieur qui dessert des logements, le terme est appropriable ici dans l’imaginaire du concept spatiale portuaire. En effet, une coursive est à l’origine un terme marin qui définit un passage étroit à l’intérieur des cabines d’un navire. Dans l’Arche, les coursives de 3 mètres de large subissent une mise à l’échelle par rapport à la monumentalité du projet, et répondent au caractère d’appropriation nécessaire.

Square

Terrasse commune aux deux restaurants

Bar - Brasserie Restaurant

Façade Sud

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L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


Les coursives, lieu de parcours privilégié des modes doux pour se rendre chez soi ou jusqu’au belvédère

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Pour des raisons d’accessibilité plus simples et plus directes, le R+2, comprend essentiellement des colocations de seniors. La typologie de ces logements partagés, se compose d’un grand séjour commun avec une cuisine, un salon et une loggia qui offrent à voir le paysage au Nord comme au Sud. Les chambres qui sont autonomes comprennent une salle de bain et un WC privé. Elles peuvent accueillir un couple ou une personne seule. L’accès aux grandes colocations en R+3 s’effectue grâce à un hall commun qui offre l’accès à des escaliers privatifs pour chacune d’entre elles. Les typologies varient entre des colocations de jeunes célibataires ou en couple, ou des colocations de familles et/ou couples. Les colocations de familles disposent d’un salon, d’un WC et d’une cuisine commune avec loggia. Les parties autonomes à chaque famille se composent d’une kitchenette d’une salle de bains, d’un WC et des chambres.

Tout habitant des Naïades peut profiter de vues sur l’extérieur grâce aux loggias sur les deux niveaux. Deux colocations bénéficient cependant d’une particularité, celle d’habiter sur l’eau, dans le porte-à-faux.

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Les colocations de jeunes célibataires ou en couple disposent, elles de chambres autonomes seulement, le reste des pièces étant partagé (cuisine, loggia, salon, salle de bains, WC). Dans le cas de couples, certaines chambres bénéficient d’une salle de bains personnelle. Dans sa globalité, le programme des Naïades propose des colocations souvent différentes, allant de 2 à 7 chambres, et dont les espaces communs intérieurs varient selon les modes de vie de chacun. La coursive distribue directement les entrées des logements au R+2 et donne accès aux petits halls d’entrée des colocations en R+3. Les espaces partagés entre toutes les colocations d’une travée (Nord ou Sud) se répartissent au fil de la coursive, lorsque celleci s’élargie. Appropriables, ces dilatations donnent accès à des locaux techniques (poubelles, celliers, garage à vélo).

L’apogée du flottement est donc permise au public au niveau du belvédère en R+2, mais également en R+3 2 colocations de sept chambres qui flottent au dessus du Rhin, une chance inespérée de dialoguer avec la verticalité du projet de la presqu’île tout en vivant le patrimoine portuaire.

L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


Coupe transversale de sur la travée sud - Les coursives au R+2

Coupe longitudinale Est-ouest- Les colocations à l’apogée du flottement

2

4

8m

2

8m

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Colocations de seniors

Colocation de couples ou famille avec un enfant

Colocation de jeunes actifs célibataires et couples

Diagramme des espaces partagés par types de colocations

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N

2

4

8m

3 pièces - 88 m2 - 2 suites indépendantes

5 pièces - 140 m2 - 4 chambres Kitchenettes et salles d’eaux indépendantes

8 Pièces - 210 m2 - 7 chambres dont 2 suites indépendantes

Plans types des colocations - L’empreinte de la structure dirige l’organisation des logements

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L’arche, une architecture suspendue

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R+2 - Le parcours de la travée centrale et les accès aux colocations N Belvédère

Local commun

Rooftop

Square central

Coupe Longitudinale: Habiter en suspension

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Belvédère

Rooftop

Coursive + entrées colocations

Square

Coursive

Bar - Brasserie

Bar-Brasserie centrale

10

15

30m

20

40m 143


R+3 - Colocations N

Plan de toiture

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L’ARCHE EN 2030, LE LIEU DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


15

30m

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Matérialité Les logements intègrent la linéarité de la poutre, au dessus comme au dessous pour l ‘épaissir et renforcer l’horizontalité de l’édifice. Le parement de la façade des logements s’associe à la poutre existante de béton brut générant un aspect unitaire en façade. Les percements des ouvertures (fenêtres et loggia) rythment la longueur, rappelant la logique structurelle existante. De par la dualité d’une façade pleine ou vitrée au premier niveau, la lecture du programme par strate est possible. Habiter la toiture, est un élément fort du projet lisible dans la brutalité linéaire en béton, alors que parcourir l’oblique c’est suivre les oscillations plus légères des vagues du sol jusqu’au belvédère. De face (en élévation), l’impression d’uniformité de la sous-face en acier corten, se décortique dans la pratique de l’espace par l’apparition de l’aluminium poli. Celui-ci, très reflétant, accentue la suspension, le caractère flottant et aérien : l’aluminium poli joue de la structure en déformant par ses reflets la rigidité de la trame, qui se déconstruit.

À l’inverse, l’acier corten, plus rigide et brutal, fait référence au monde portuaire et à la rouille engendrée par l’érosion (terre et eau). Il s’accorde entièrement avec la brutalité de la structure en béton existante, initialement très imposante, mais qui par le projet de l’Arche parvient à s’effacer, totalement intégrée au parcours. Les parements en béton, en acier corten et en aluminium poli, mettent tous en avant un caractère durable de la construction, caractéristique de la culture constructive suisse. Quant à la toiture, bien que percée au niveau de la travée centrale pour une luminosité essentielle au parcours dans l’Arche, la toiture ne perd pas pour autant son aspect massif, qui est renforcé par le principe constructif de suspension.

Façade Nord

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Façade Est : une ouverture sur la place et le quartier Kleinhüningen

Façade Ouest : le nouveau visage habité du porte-à-faux sur le Rhin

10

20

40m 147


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La greffe métallique Ce choix structurel traduit bien la volonté de suspendre le projet architectural à la structure existante. Pour se faire, il est nécessaire de penser la construction d’une greffe légère pour quelle puisse être supportée par le squelette gigantesque de la halle de transbordement. Sur les poutres une structure en acier rehausse le niveau supérieur des logements, permettant de dégager des vues et d’apporter de la lumière. Le même principe est adapté en dessous de la poutre pour le niveau des logements inférieurs. L’intégralité de la structure ajoutée repose sur un principe de poutres encastrées et suspendues.

Le projet repose donc du rez-de-chaussée jusqu’à la toiture sur une complémentarité entre la greffe en métal encastrée et la structure existante en béton armé. Cette technicité s’inscrit dans le réinvestissement de l’imaginaire des ponts roulants autrefois encastrés dans les poutres horizontales. Dans l’espace intérieur de la halle la greffe métallique est visible. Elle complète le rythme structurel du squelette de béton et s’accorde avec la trame existante de la poutraison encore visible en toiture dans la travée centrale.

Épaississement de la poutre : la façade en parement béton intègre les deux niveaux de logements et la poutre

La greffe métallique sur la structure existante

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Couverture joint debout sur voliges Structure IPN isolée Chéneau encastré

Poutre existante rabotée Poteaux IPN 28cm Isolation Parement béton 2 cm

Plancher collaborant 13cm Structure IPN 28cm isolation et gaines Parement corten sur ossature bois Parement aluminium poli sur ossature bois

À gauche, détail de la coque en acier suspendue aux poutres À droite, la poutre est intégrée dans à la façade et joue le rôle de garde-corps

1

2

4m 151


Poursuivre la réflexion Une articulation entre un imaginaire et une réalité Le parcours urbain généré par l’Arche effleure le sol et tente de s’en affranchir jusqu’au Rhin, pour ouvrir le dialogue avec la presqu’île nouvelle. À l’échelle du site, une monumentalité nouvelle re-mobilise l’Histoire du lieu. L’arche, devient la rotule qui articule le nouveau quartier de la presqu’île et le quartier résidentiel centenaire de Kleinhüningen. La construction de l’Arche, dans le temps, devient tangible. Dématérialisée, elle permet à des greffes de prendre dans les usages, et donc dans le temps long. Cette proposition qui ne se proclame pas en tant que modèle unique et reproductible à d’autres villes transfrontalières, questionne différentes échelles d’intervention au profit d’une seule, qui se veut européenne. Il s’agit aujourd’hui de se positionner avec des outils d’architectes face à des enjeux spécifiques qu’un territoire soulève, qu’ils soient politiques, économiques sociaux et dont les impacts marquent essentiellement le paysage, et les relations des individus avec celui-ci. À travers l’expérimentation de l’Arche, il était également important de démontrer qu’une intervention architecturale, à la différence de grands projets comme celui de la presqu’île, peut finalement parvenir à un rayonnement international.

152

C’est ici qu’intervient l’art dans le programme. Il est intéressant de mêler art et architecture dans la mesure où cette autre discipline développe un tout autre imaginaire, plus proche de la sphère appropriative qui émanait déjà du site. Aujourd’hui l’art se veut plus proche de la société, plus accessible. De façon utopique, et à travers Art Basel, le programme suppose que l’art puisse modifier l’architecture, alors que l’architecture, elle, peut à l’inverse inspirer les artistes. L’architecture de l’Arche se veut donc plus proche de ses usagers. Elle le devient par son rez de chaussée filant et appropriable, mais également par les logements. Ceuxci, à travers l’ouverture d’esprit à laquelle est sujette la Suisse, questionne la situation de la France, qui souffre aujourd’hui d’une standardisation de la cellule d’habitat. Dans un contexte incertain, le projet de l’Arche peut se proclamer utopique dans la poétique qu’il dégage et son positionnement en tant qu’infrastructure liante, mais il se base sur une réalité territoriale et sociale. Une réalité qui donne des limites à la proposition dans la mesure où il reste encore à éclairer une complexité d’acteurs dans ce territoire spécifique, qui génèrent inévitablement des limites quant au montage d’un tel équipement.

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Plan masse de l’Arche en 2030

N

50

150m 153


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Merci à Clémence Dupuis de nous avoir encouragé à approfondir le projet avec enthousiasme. Merci à Hania Prokop et Agneskia Karolak de nous avoir porté tout au long de l’année, Merci à Jérémie Jamet de nous avoir fait découvert les locaux de l’IBA Basel, sans lequel notre réflexion aurait pris un tout autre chemin. Enfin, merci à nos familles pour leur soutient tout au long de cette année décisive.

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Bibliographie - BEYER Antoine, L’enjeu transfrontalier de l’extension des réseaux de tramway urbain à Strasbourg et Bâle, 2011. - BEYER Antoine, Les enjeux logistiques du réaménagement des ports rhénans de Bâle, 2012. - KUNTZELMANN Mathias, Développement d’un quartier mixte en zone portuaire à Bâle, septembre 2010 - PARENT Claude, Vivre à l’oblique, L’Aventure urbaine, 1970 - SCHNEIDER-SLIWA Rita, KAMPSCHULTE Andrea et ZUNZER Daniela, Évolution démographique - différenciation et fractures socio-spatiales dans les cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne, Revue Géographique de l’Est, 2002.

Contacts - IBA BASEL CH - projektassistenz2@iba-basel.net - RHENUS LOGISTIC - claudia.bracher@ch.rhenus.com

Photographies - Photographies de maquettes de projet - Photographies personnelles réalisées lors de l’arpentage à Bâle . Novembre 2014.

Publications web - Basel Vision für eine Hafencity, Daniel Gerny, Basel Freitag, Juillet 2014 - CEO, le magazine des décideurs, dossier eau, Juillet 2013 - Conférence métropolitaine de Bâle, Décembre 2012. - Städtebau im 3Land, Novembre 2012 - Rapport final d’Artbasel, Basel Art 43, Juin 2012 - Ports de Bâle Rhin: cordon ombilical au monde, MarieAstrid, Août 2013

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Références - HERZOG ET DE MEURON, CAIXA Forum, Madrid 2007 - HERZOG ET DE MEURON, Forum de Barcelone, 2004 - ZAHA HADID, Pierresvives, Montpellier, 2012

Webographie -ART BASEL https://www.artbasel.com - CHALINE CLAUDE, La reconversion des espaces fluvio-portuaires dans les grandes métropoles http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_00034010_1988_ num_97_544_20718 -ETB (Euridistrict Trinational de Bâle) http://www.eurodistrictbasel.eu/fr/page-daccueil.html - HISTORIQUE RHENUS LOGISTICS http://www.nzz.ch/schweiz/ -INTERREG IV Rhin Supérieur – Dépasser les frontières : projet après projet http://www.interreg-rhin-sup.eu/nouvelle-politique-regionale-suisse,11870,fr.html -KANTON BASEL-STADT http://www.bs.ch/fr.html -LA FRANCHISE DE 300 FRANCS SUISSE http://www.bluewin.ch/fr/infos/suisse/2015/5/21/pas-de-tva-percue-jusqu-a-300-francs-demarchandis.html -LE PRIX DE L’IMMOBILIER EN SUISSE https://immobilierlausanne.wordpress.com/2011/11/11/prix-du-metre-carre-m2-par-ville-suisse/ -LE PROJET 3LAND http://3-land.net/start/fr/projekt/ -NOUVEL ACCORD DE BÂLE http://www.nzz.ch/aktuell/schweiz/new-basel--eine-schweizer-hafen-city

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L’ARCHE Appréhender un territoire transfrontalier en architecture, c’est se confronter à une situation transfrontalière spécifique à Bâle Nord. Ce territoire en pleine mutation, où jeu d’acteurs et jeu d’échelle se mêlent, impose de porter une intention particulière à des dimensions complémentaires à l’architecture, qu’elles soient économiques, politiques et surtout sociales. Avant de faire naître des concepts urbains d’envergure européenne comme ceux que le laboratoire de l’IBA met en place depuis 2010, il est nécessaire de s’interroger sur des enjeux locaux, telle que l’organisation des pratiques urbaines transfrontalières actuelles qui forgent toute la dynamique du site. À l’inverse des masters plans évoqués dans le récit, la stratégie développée prend appui sur les particularités nationales au profit d’une ambition tri-nationale. Celle-ci n’exclut pas la possibilité de travailler une singularité dans la proposition urbaine et architecturale à travers un programme établi à partir d’une ressource locale et d’une mise en valeur du patrimoine portuaire. Cette proposition, qui n’est sans doute pas l’unique solution, donne à voir autrement les enjeux du développement urbain d’un territoire transfrontalier, tout en s’intéressant à la notion du temps fondamentale dans la pensée de projet de haute envergure. Le temps, qui aujourd’hui met en évidence toute l’appropriation et l’évolution des modes de vie possibles rattachés à un contexte, auquel bon nombre de professionnels en architecture sont confrontés.


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