Collection Jacques Doucet

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Université PARIS IV – Sorbonne UFR Histoire de l’art et de l’archéologie Histoire de l’estampe et de la photographie

Master 2

Stanko Josimov

Notice sur la collection d’estampes de la Bibliothèque de l’INHA Collection Jacques Doucet Suivi d’une notice sur les lithographies d’Edouard Manet conservées dans la collection d’estampes modernes

Sous la direction de Mme Marianne Grivel, professeur à Paris IV - Sorbonne

Janvier 2009


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Portrait de Jacques Doucet (1853 - 1929)

Parler de la collection d’estampes de l’INHA est impossible sans évoquer son fondateur, grand collectionneur et amateur d’art, Jacques Doucet. Entouré des spécialistes qui l’aide faire le choix des œuvres, Doucet sait pourtant imposer son goût et son instinct sans se tromper jamais, et c’est cela qui fait la spécificité de sa collection : si une éducation profonde dans le domaine lui fait défaut, Doucet s’est montré précurseur plus qu’une fois, dans le choix des œuvres à acquérir et dans la conception de ses deux bibliothèques, d’art et d’archéologie et littéraire, qu’il développe en parallèle. La collection d’estampes de Jacques Doucet reste aujourd’hui insuffisamment connue, de grand public surtout, mais aussi des chercheurs. Si les grandes expositions importantes, comme par exemple Goya graveur, présentée au Petit Palais à Paris en 2007, des prêts de plus en plus nombreux et une thèse de doctorat en cours qui porte sur la collection changent la façon dont elle est perçue, il reste encore beaucoup à apprendre sur ce magnifique ensemble dont on doit la naissance à cet homme plein d’énergie qui a tant fait pour l’histoire d’art en France au début du XX siècle.


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Qui est Jacques Doucet ?

Antoine Jacques Doucet est né le 19 février, au 21, rue de la Paix, où son père, Urbain Édouard Doucet, a un commerce de lingerie. Sa mère, Mathilde Victorine Gonnard, est la fille d'un avoué à la Cour d'Appel de Paris, Jacques Gonnard. Il passe une enfance maladive à la campagne. C’est pour cette raison que Doucet ne reçoit pas une éducation poussée, réservée aux enfants de la haute bourgeoisie. Cela peut expliquer en une partie l’absence des préjugés chez lui. En tant que collectionneur, Doucet est libre dans ses choix, il achète et accroche des tableaux impressionnistes au milieu des tableaux du XVIII siècle. Il collectionne des objets orientaux, et en les mélangeant avec les œuvres occidentales, Doucet s’aperçoit d’une unité de création qui lie les artistes et les époques. C’est peut être loin des lycées et les collèges, « élevé avec les cochons » comme il dit, que Doucet, plus proche de la nature, reste en dehors des rangs dans lesquels on range les jeunes de l’époque. Son éducation intellectuelle est négligée, mais il devient un grand et beau jeune homme sportif. Les arts plastiques éveillent son intérêt, il commence à faire de la peinture, puis abandonne. Sans un apprentissage profond dans le domaine de l’art, Doucet fait preuve d’une sureté du goût : il ne se trompe presque jamais sur la qualité de ses acquisitions. Souvent précurseur, Doucet sait choisir parmi les artistes lui contemporains, mais aussi parmi les maîtres d’autrefois.

Doucet est intonatif non seulement dans le domaine de l’art : il réoriente aussi son commerce familial, dont il est héritier. En 1869, ses parents cessent le commerce des chemiseries pour hommes. La lingerie pour dames, très renommée, reste au nom de Madame Doucet. En 1875, un rayon de confection de robes est créé. Jacques Doucet en fera dans les années à venir une maison de haute couture. Les salons de réception, au premier étage du 21, rue de la Paix, sont décorés et meublés en style Louis XVI. Là aussi, Doucet se montre novateur. En créant pour les dames de l’époque, il sait mieux que les autres respecter la beauté du corps féminin. Il habille ses clientes d’étoffes vaporeuses en superposant les effets de transparence en couleurs choisies.


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Doucet collectionneur d’art

Son commerce florissant et sa clientèle riche d’actrices et de grandes dames assurent les immenses moyens financiers du collectionneur. En déléguant au maximum ses obligations du dirigeant, à des gens capables et responsables, Doucet s’éloigne peu à peu du travail quotidien du couturier. Pendant toute sa vie, tout en restant le dirigeant de son entreprise, Doucet va collectionner et investir dans l’art. Il commence très tôt. A l’âge de 21 ans, en 1874, il achète son premier tableau : un paysage de Raffaëlli.1 Ses archives comptables non retrouvées, on suppose que Doucet achète ensuite une marine de Monet et une étude de danseuse de Degas la même année. Chez Degas, Doucet découvre l’art du XVIII siècle, et en contemplent deux pastels de La Tour, il «s’intoxique », comme il dit, de cet art si dépréciée après la Révolution, remise à la mode par les frères Goncourt. Et il commence à rassemble une collection de l’art du XVIII siècle.

Le salon de Doucet, 19 rue Spontini avec les œuvres du XVIII siècle et les objets orientaux

Des sculpteurs de Coysevox, Clodion, Houdon, des meubles et des boiseries de Roentgen, Leleu, Jacob, des dessins de Robert, Cochin, 16 dessins de Watteau, des pastels de La

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Jean-François Raffaëlli (1850 – 1924)


5 Tour, Perroneau, des tableaux de Watteau, Boucher, Fragonard, Reynolds, Romney et des tapis, bronzes, livres, un cabinet d’Orient. En 1985 il achète un petit hôtel ancien, Hôtel Molé, au 27 rue de la Ville-l’Evêque, pour y abriter sa collection. Sa nouvelle demeure devenue vite insuffisante, étant donné l’ampleur des objets d’art qu’il a collectionné, Doucet fait construire au 19, rue Spontini, un vaste hôtel particulier du style Louis XVI, où il s’installe en 1907. Avant de déménager sa collection, il organise une vente aux enchères en 1906, à l’Hôtel Drouot, pour se séparer d’une partie de sa collection qu’il estime faible. Doucet exprime déjà son désir de partager sa passion avec les autres : il ouvre les portes de sa collection aux visiteurs le dimanche matin.

Un drame personnel, la mort de la femme aimée et tant attendue en 1911, pour laquelle, on imagine, il fait si splendide demeure rue Spontini et rassemble une collection aussi magnifique, pousse Doucet à vendre sa collection. Et peut être aussi une sorte de lassitude par les couleurs glacées du passé. Bien qu’il souffre, Doucet prépare minutieusement la vente de sa collection : articles dans la presse française et étrangère, campagne de publicité, édition et diffusion d’un catalogue illustré en trois volumes avec des notices rédigées par les spécialistes de très haut niveau, autorisation de visite pour voir les pièces. Du 5 au 8 juin 1912, toute la collection est vendue aux enchères, à la Galerie Georges Petit. Le total atteint plus de quinze millions de franc-or. Un beau succès, en sachant qu’on estime à environ trois millions l’ensemble des achats de Doucet en trente ans. La vente est lucrative et tout sera réinvesti. Doucet se consacre désormais à l’art du son temps.

En 1913, Doucet déménage au 46, avenue du Bois (aujourd’hui avenue Foch), dans l’appartement qui lui appartient. Il a 60 ans, et le temps qui lui reste à vivre, seize ans, il consacrera à l’art de son temps, et cela dans plusieurs domaines : les arts plastiques et décoratifs, l’histoire de l’art, la littérature, et même le cinéma, en formant une bibliothèque cinématographique.


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La Bibliothèque d’art et d’archéologie Doucet considère qu’une collection d’art doit être accompagnée d’une bibliothèque qui servira en tant que base des recherches sur les artistes et les œuvres y présents. C’est ainsi qu’elle nait l’idée d’une Bibliothèque d’art et d’archéologie. En 1908, une bibliothèque d’art pour les chercheurs fait défaut à Paris. Doucet le comprend, et il décide à engager un jeune critique d’art, René-Jean, afin de mettre en œuvre la constitution d’une bibliothèque d’art ouvert aux chercheurs et spécialistes. Il veut mettre à leur disposition « tous les documents imprimés, estampes, photographies nécessaires à l’étude de l’art de tous les temps et de tous les pays ».

La première base de cette Bibliothèque va être réunie entre 1908 et 1912. Consacrée au début à l’art du XVIII siècle, la Bibliothèque s’étend bientôt à l’art français tout entier. Elle ouvre ses portes aux quelques privilégiés, amateurs et érudits. De l’art du XVIII siècle et de l’art français, la Bibliothèque passe à l’art ancien et puis à l’art oriental et extrême oriental. Dotation annuelle d’un million de francs permet de fournir aux chercheurs dans le domaine un outil indispensable de recherche, qui faisait défaut depuis longtemps. Cette initiative privée est précieuse pour ce domaine encore sous-équipé et très mal financé au début du XX siècle. Par ailleurs, l’histoire de l’art en tant que discipline scientifique n’était pas encore bien séparée de l’histoire et dans ce sens Doucet jouait aussi un rôle de précurseur.

Dès 1909, Doucet loue un appartement en face de son hôtel, au 16, rue Spontini, pour y abriter sa Bibliothèque en constante croissance. Il y installe aussi une cellule de recherches. Pour loger sa Bibliothèque, Doucet loue un nouvel appartement chaque année. Jusqu’à la guerre de 1914, la Bibliothèque s’entendra à six appartements en tout, tous disposés comme des satellites autour de son hôtel de rue Spontini. Elle aura bientôt 25 collaborateurs. Le choix des documents est grand et de qualité. Ouvrages sont réunis par les propositions bibliographiques des spécialistes de l’Université, du Collège de France, des musées, stimulés par la rapidité par laquelle sont réalisées leurs suggestions. Doucet


7 s’adresse aux autorités le plus affirmés dans le domaine : Albert Vuaflart, qui deviendra son secrétaire et le premier directeur de la Bibliothèque, Chavanne, Perdizet, Pottier, Reinach, Thureau-Dangin, Van Gennep… Le bilan de 1914, dressé par René-Jean, donne le chiffre de cent milles ouvrages et périodiques. En outre, la Bibliothèque contient aussi vingt milles lettre autographes d’artistes et cinq cents manuscrits, une photothèque de cent cinquante milles pièces et un Cabinet d’estampes de quinze milles estampes anciennes et modernes, ces dernières réunies d’abord par René Jean et Doucet lui-même, et ensuite par Clément-Janin, critique d’art, engagé par Doucet en septembre 1911.

Une des salles de travail de la bibliothèque, hôtel Rothschild. Photographie publiée dans le n° 1 du bulletin de la Société des amis de la bibliothèque, 1929.

La Bibliothèque sera ouverte au public dès 1909, aux lecteurs français mais aussi à ceux venus d’étranger. Elle est aussi dotée d’un service de « publications pour faciliter les études d’art en France » qui, parmi d’autres activités, patronne différentes sociétés dont la Société pour l’étude de la gravure française (1911). L’année 1912, déterminante pour Doucet, ne remets pourtant en question sa Bibliothèque. Elle reste active jusqu’à 1914. Le 2 août, c’est la guerre. La plupart des bibliothécaires sont mobilisés et la Bibliothèque fermée. Elle reste à charge de Doucet. Il transmet ce trésor, devenu peut-être un fardeau, à l’Université de Paris. Les nouveaux négociateurs officiels d’après la guerre n’ont pas prévu un budget pour gérer ce cadeau d’une bibliothèque spécialisée et unique au monde. De plus, ils mettent des conditions : cent milles francs à verser dans les six mois pour subvenir


8 aux frais. Doucet est obligé de donner « une dot pour le mariage de sa fille » comme il appelle sa Bibliothèque. Les 28 et 29 décembre 1917, Doucet vend son Cabinet de dessins, avec ses Degas, Manet, ses Matisse et ses Bonnard, son Van Gogh et son Gauguin, pour que les fonds soient prélèves sur le patrimoine de la donation. Le don du 15 décembre 1917 ne sera effectif qu’à partir du 1er janvier 1918. René-Jean ne retrouva pas son poste : il sera confié à André Joubin, professeur de l’Université.

Une vie difficile commence pour la Bibliothèque. Pendant très longtemps la France néglige ses bibliothèques de recherche. Elle manque désormais de crédits et de personnel. Grâce à Henri Focillon, et après avoir passé une douzaine d’années dans l’hôtel particulier légué par la baronne de Rothschild, la Bibliothèque déménage en 1935 dans le bâtiment de l’Institut d’art, conçu par l’architecte Pal Bigot, rue de Michelet. Elle est logée désormais dans un environnement spécialement construit à abriter le nouvel Institut. Le dépôt légal nouvellement établi, d’un exemplaire de tout ouvrage qui concernant l’histoire de l’art et archéologie en France, aide à consacrer les modestes moyens d’acquisition à l’achat d’imprimés étranger. En 1972 la bibliothèque devient interuniversitaire, rattachée aux universités Paris I et Paris IV. La situation est difficile. Rappelons qu’à l’époque de Doucet, la Bibliothèque a vingt-cinq bibliothécaires : elle n’en a que vingt-et-un en 1982. Plusieurs directeurs de la Bibliothèque essayeront en vain d’alerter les autorités de la mauvaise situation financière.


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L’Hôtel Salomon de Rothschild vu du jardin. Photographie publiée dans le n°1 du bulletin de la Société des amis de la bibliothèque, 1929.

A la fin des années soixante-dix, plusieurs subventions redonnent espoir. Enfin, en 1980, on met en place le CADIST2 : en désignant des pôles d’excellence dans certains domaines, on les charge d’acquérir une part significative de publications étrangères et de conserver et de communiquer ces documents pour le territoire. Bibliothèque d’art et d’archéologie devient naturellement CADIST en histoire de l’art et d’archéologie et reçoit une subvention spécifique. Le projet de Bibliothèque nationale des arts fait déménager en 1992 la bibliothèque dans la sale Ovale du quadrilatère Richelieu, ancienne salle des périodiques de la Bibliothèque nationale, où elle se trouve actuellement aujourd’hui. En 2003, elle sera la première bibliothèque intégrée au sein de l’Institut d’histoire de l’art, créé en 2001. Elle doit déménager en 2012 dans une autre salle du même bâtiment, encore plus belle, la salle Labrouste. En outre la bibliothèque de Doucet, trois autres bibliothèques lui seront associées: la Bibliothèque centrale des musées nationaux, la Bibliothèque de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts et la Bibliothèque de l’Ecole nationale des Chartes.

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Centres d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique.


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La naissance de la collection d’estampes : 1906 - 1911

L’estampe tient une place particulière dans l’ensemble des collections de Doucet. Il y manifeste son intérêt très tôt. En 1908, lorsqu’il décide de fonder une grande bibliothèque, Jacques Doucet demande à son collaborateur, René Jean, de constituer un portefeuille des dessins d’importants maitres contemporains et de réunir, à la même époque, un Cabinet d’estampes. Ainsi, Doucet espère-t-il compléter cet immense instrument de travail qu’il veut mettre à la disposition des chercheurs. Hormis sa volonté d’exhaustivité, il est soucieux d’acquérir toujours des épreuves particulières, intéressantes ou rares, des épreuves d’état ou d’essai, des dessins préparatoires, pour pouvoir suivre le pensé de l’artiste et mieux comprendre son œuvre. Doucet réunit cette magnifique collection avec une extrême rapidité, par un véritable tour de force. Son enthousiasme et sa générosité, l’impatience avec laquelle il attend l’arrivé d’une belle pièce de la collection, ont permis cet incroyable exploit. S’il est entouré de compétents collaborateurs, c’est principalement son inépuisable énergie personnelle qui permet la réalisation du programme fixé.

Il nous est permis de retracer la constitution de cette collection grâce aux archives et les pièces comptables, retrouvées dans les années 1990. Les plus anciennes factures de ces archives datent de 1906. Une d’entre elles, datant de 5 octobre 1906, provenant de marchand Alfred Strölin, qui exerce 27, rue Laffitte à Paris, à l’enseigne « Estampes anciennes et modernes, dessins, tableaux », contient les estampes de Corot, Daubigny, Jongkind, Delacroix, mais aussi les précieuses lithographies de Manet. Strölin semble être le seul fournisseur sur place à cette époque-là. Les plus belles pièces de la collection de Doucet, achetées durant ses années, proviennent du fonds de ce marchand. Des estampes de Goya3, Delacroix, Manet, Toulouse-Lautrec, Millet, Pissarro, Morisot, Carrière pour citer les artistes les plus connus. Il y en a tant d’autres, aujourd’hui moins connus ou 3

Doucet achète chez Strölin plusieurs albums d’estampes du maitre : un album de La Tauromachie de la 3ème édition de Loizelet (1876), une suite complète de la 1ère édition avant les numéros des Proverbes (1864), 1ère édition des Désastres de la guerre (1863). La date d’acquisition du recueil des Caprices de la 1ère édition, un vrai bijou de la collection, exemplaire de Manuel Godoy, Prince de la Paix (1799), n’est pas connue mais pourrait se situer dans cette époque. A part les albums, Doucet achète des épreuves d’état et d’essai. D’après les archives conservées, il continue d’acquérir les estampes de Goya chez ce marchand jusqu’à 1911.


11 presque oubliés. Parmi les artistes vivants on trouve Degas, Rodin, Cassatt, Forain, Lepère, Besnard, Lunois…Doucet remplit son Cabinet d’estampes par des achats selon son goût. Le Cabinet devient assez important. Il comporte déjà 2616 estampes4 lorsque, le 1er septembre 1911, Doucet en confie la responsabilité à Noël Clément, dit Clément-Janin, « hommes de lettre, écrivain et conférencier ».5 Le Cabinet d’estampes anciennes, quant à lui, son classement et son enrichissement seront confiés à Jacques Hérold, historien de la gravure en couleur. René-Jean, Clément-Janin et Hérold vont, plus ou moins sous les directives de Doucet, constituer en quelques années une magnifique collection d’estampes, donnée le 1er janvier 1918 à l’Université de Paris.

Les années Clément-Janin : 1911 – 1914

Lorsque Doucet engage Clément-Janin, ce nom n’est pas inconnu dans le milieu artistique parisien. Il est né en 1862 à Dijon, petit-neveu du critique J. Janin. Il collabore avec les journaux comme Figaro, Journal des débats, il publie les critiques des Salons dans le Progrès de la Côte-d’Or. Il participe aussi dans les grandes revues d’art de l’époque : Gazette des Beaux-arts, Revue de l’art ancien et moderne, Revue des arts décoratifs, Art et décoration, The Studio, L’Estampe et l’affiche dont il a été le directeur. Ses activités annexes se poursuivent durant les années de collaboration avec jacques Doucet. L’engagement de Clément-Janin au sein du Cabinet d’estampes de Doucet débute en 1911 et cesse en 1914, où les achats ralentissent à cause de la guerre. Ensuite, la Bibliothèque est donnée, ensemble avec sa collection d’estampes à l’Université de Paris en 1918. En 1915, Clément-Janin devient le secrétaire général de la toute récente Société des amis des artistes. Après la guerre, il poursuit une carrière d’écrivain sur les beaux-arts. L’entré de Clément-Janin en fonction, le 1er septembre 1911, coïncide avec la constitution de la Société pour l’étude de la gravure française, dans laquelle Doucet joue un rôle

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Cet inventaire sommaire, dressé dans le courant du mois de septembre 1911, ne comprend que les estampes en feuille (ils n’y sont inclus ni les albums ni les estampes de reproduction contenues dans « les grands cartons »). Cet inventaire n’est pas pour l’instant retrouvé. 5 D’après le curriculum vitae de Clément-Janin, présenté lors de son engagement, conservé dans ses archives personnelles, Bibliothèque de l’INHA.


12 prépondérant. Cet intérêt particulier de l’amateur pendant les années 1911-1914, aura comme conséquence l’accroissement de sa collection d’estampes.

Dès son installation, Clément-Janin rédige, sur demande de Doucet, un Exposé de quelques idées générales concernant le Cabinet d’estampes modernes de la Bibliothèque d’art et d’archéologie. Comme quelque temps auparavant, lorsque René Jean crée un rapport sur la création d’un Cabinet de dessins, c’est cette fois-ci à Clément-Janin de dresser un plan d’acquisition et quelques grandes lignes du développement du Cabinet d’estampes modernes.

Clément-Janin, première page de l’Exposé de quelques idées générales concernant le Cabinet d’estampes modernes de la Bibliothèque d’art et d’archéologie, 1911, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA.

Ce document manuscrit, considéré un peu comme « la bible » de la collection, remit à Doucet le 16 septembre 1911, expose sur onze pages deux grands lignes du développement : il s’agit d’un Cabinet consacré aux ouvrages du XX siècle qui « devra être établi au double point de vue de l’encouragement à donner aux arts et de


13 l’enseignement. »6 Il faudra, continue Clément-Janin, que la collection contienne, en suivant le principe de l’enseignement, tout œuvre des graveurs et des lithographes contemporains « qui ont marqué par quelque supériorité ». C’est-à-dire les artistes ayant exercé une influence, même faible et passagère, mais aussi ceux, sans posséder un style supérieur, qui ont une valeur d’enseignement « soit par leur imagination,

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soit par la

composition, 8 soit par la qualité du dessin,9 soit par la technique.10 Une place également doit être réservé aux indépendants,11 aux curieux,12 aux solitaires13 (…) ».

Clément-Janin propose à présenter aussi les œuvres obscures qui témoignent d’une utilisation intéressante des médiums de l’estampe. Il souhaite ne pas seulement créer un réservoir des chefs-d’œuvre pour les chercheurs mais aussi, en suivant le principe d’encouragement, soutenir les jeunes graveurs, rencontrés chez les galeristes ou dans les grands Salons parisiens. Cette aide précieuse aux jeunes débutants doit se concrétiser, en commandant chaque année une estampe à quatre d’entre eux et de la faire exposer au Salon de l’année, avec la mention « Commandée par le Cabinet d’estampes modernes de la Bibliothèque d’art et d’archéologie ». A la fin de son exposé, Clément-Janin exprime son espoir que « les considérations qui précèdent » recevront « la haute approbation de Monsieur Doucet » et qu’il en trouvera « l’esprit conforme à l’idée qu’il s’est fait luimême de son utile et généreuse fondation ».14

Après trois mois de gestion de la collection Clément-Janin rédige le 30 janvier 1912 un document intitulé Situation du Cabinet d’estampes modernes au 31 décembre 1911. Il y

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Clément-Janin, Exposé de quelques idées générales concernant le Cabinet d’estampes modernes de la Bibliothèque d’art et d’archéologie, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA. 7 Ici dans manuscrit, note de bas de page par Cl.-Janin : « Odilon Redon, Vierge, Bresdin » 8 Ibid. : « Maurice Denis » 9 Ibid. : « Jeanniot » 10 Ibid. : « Waltner, Leheutre » 11 Idem : « Steinlen » 12 Ibid. : « Delcourt » 13 Ibid. : « Viala, Frélaut » Ensuite Cl.-Janin rajoute : « Cette énumération n’est pas limitative et ici que pour rendre l’idée plus concrète. » 14 Situation du Cabinet d’Estampes modernes au 31 décembre 1911, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA.


14 rajoute aussi un État des acquisitions du 1er septembre au 31 décembre 1911, inventaire sommaire de la collection à cette date.15

En septembre 1911, lorsque Clément-Janin entre en fonction du conservateur, la collection compte 2616 estampes. Dans son rapport du janvier 1912, il fait constat d’un incroyable accroissement de la collection : elle comporte 4025 estampes au présent ! Pour ces nouvelles 1409 estampes, 60 267 francs et 40 centimes ont été dépensés. Ce prix n’inclus pas les pièces dont Doucet s’est réservé personnellement le paiement, celles de Forain et d’artistes suédois en particulier.16 La collection comporte déjà les œuvres d’environ 200 artistes.

Première page du rapport intitulé Situation du Cabinet d’Estampes modernes au 31 décembre 1911, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA.

Les ensembles les plus importants dans cette vague d’acquisition sont celui d’estampes de Beltrand (61 pièces), Paul-Emile Colin (588), Dauchez (189), Degas (22), Jacquin (18), Kinball (29), Legros (80), P.L. Moreau (34), Ouvré (27), Roustan (21), Vregesarrat (38) et

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Situation du Cabinet d’Estampes modernes au 31 décembre 1911, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA. 16 Ibid.


15 Viala. Certains de ces artistes sont ainsi représentés par le quasi totalité de leur production. Il y en a tant d’autres, français ou inconnus en France mais célébrés à l’étranger, dont les estampes n’est pas possible de trouver à Paris de cette époque que dans la collection de Jacques Doucet. Le Cabinet enracine fortement dans le XIX siècle et les œuvres de Goya, Lepère, Toulouse-Lautrec, Manet, est donc selon son nouveau conservateur « empreinte d’une originalité particulière qui constitue, pour les artistes et les critiques, la grande utilité ».17 Clément-Janin conclu son rapport du janvier 1912 en disant que les opérations effectuées « répondent bien au caractère de Cabinet du XX siècle qu’a voulu son fondateur et qui lui permettra d’avoir sur les arts graphiques une influence capitale ».18

Renommé du Cabinet d’estampes de Doucet est un atout majeur pour attirer de nouveaux artistes. Certains graveurs viennent eux-mêmes proposer leurs œuvres à la bibliothèque. Une autre spécificité de la collection : les acquisitions d’ensembles significatifs d’estampes étrangers. Grâce à grand réseau des galeristes, marchands et conservateurs étrangers, Doucet et Clément-Janin se procurent de belles pièces d’artistes allemands, anglais, américains, espagnols, suédois, russes. Doucet s’intéresse aussi à acquérir des fonds qui documentent les modes de création. Au lieu de se contenter des épreuves définitives, il achète des dessins préparatoires, épreuves d’états et d’essai.

Pour enrichir la collection, Doucet et Clément-Janin font les acquisitions auprès des galeristes, éditeurs, imprimeurs et marchands parisiens, directement auprès des artistes ou bien aux ventes aux enchères publiques. Les sources principales sont tout d’abord Alfred Strölin, Sagot et Pellet, ensuite Le Garrec, Desmoulins, Durand-Ruel, Goupil, mais aussi Bernheim Jeune, André Groult, galerie Kahnxeiler, Veuve Louis Barthélemy et L. Marseille. A l’étranger ce sont de nombreux galeries et éditeurs qui sont contactés pour les acquisitions des estampes d’artistes étrangers mais également pour les œuvres d’artistes français.

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Situation du Cabinet d’Estampes modernes au 31 décembre 1911, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA. 18 Ibid.


16 Si la plus grande partie de la collection provient des galeristes, Doucet et ses collaborateurs s’efforcent aussi de traiter directement avec les artistes. Ils les rencontrent dans les Salons, des indépendants et d’Automne, pendant les manifestations privées organisées par les galeristes, dans les expositions des membres des sociétés artistiques. L’adhésion à certains groupes artistiques permet aussi de recevoir les estampes qu’ils éditent : la Société des amis de l’eau-forte, la Société artistique de la gravure sur bois, la Société des artistes graveurs originaux, la Société artistique Cinquante épreuves… Donnons ici quelques noms : américain Kimball, suissesse Züricher, des autres artistes suisses Bailly, Schmied, russe Beloff, américaine Hopkins, Henri Rivière, Verpilleux… De nombreuses artistes vont également se présenter par eux-mêmes, tels Beltrand, P.E. Colin, Dauchez, Cottet, Roche, Ouvré, Redon, Matisse…Grâce à ses travaux personnels, Clément-Janin est bien introduit dans le milieu des artistes. Il entretient ensuite des relations avec les héritiers des graveurs ce qui permet les acquisitions qui complètent l’œuvre des artistes déjà présents dans la collection, comme c’est les cas avec Desboutin et Legros.

En ce qui concerne les ventes aux enchères, ce sont les experts comme Loys Delteil ou Bihn et Huteau qui conseil Doucet et achètent pour lui aux ventes à l’Hôtel Drouot. A l’étranger, Doucet obtient ainsi des pièces magnifiques pour la collection : en novembre 1912, lors de la vente van Gogh à Amsterdam, B. Houthaker, marchand, achète pour Doucet 3 lithographies de Van Gogh parmi d’autres acquisitions. Une excellente affaire, sachant que ses lithographies sont peu nombreuses et tirées à très peu d’épreuves. Hélas, cette magnifique période de très riches acquisitions, qui dura en tout que trois années, entre 1911 et 1914, va être interrompue par la Première Guerre mondiale.


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Une période difficile

Le rythme des acquisitions ralentit pendant les années de guerre. La Bibliothèque d’art et son Cabinet d’estampes courent une période difficile. Le manque du personnel se reflète aussi sur la vie du Cabinet. La Bibliothèque ferme ses portes et toute activité cesse. Doucet fait don de sa Bibliothèque d’art à l’Université de Paris. Il y joint aussi sa collection d’estampes. A cette époque-là, le Cabinet contient déjà 10000 estampes.19 Dans les temps durs d’après la guerre, il manque des moyens. La bibliothèque va pourtant survivre, grâce à la Société des amis de la Bibliothèque, créée en 1925, grâce à l’aide de l’État, au mécénat et aux dons. Sur l’accroissement du Cabinet dans ces années-là, on ne dispose pas des sources précises. Une chose est sûre, l’élan des années Clément-Janin ne sera jamais atteint. Clément-Janin, quant à lui, poursuit sa carrière ailleurs, il n’est plus au poste du conservateur après la guerre.

A partir de 1929 et grâce au Bulletin semestriel de la Société des amis de la Bibliothèque, on sait d’avantage sur la vie de la collection. Dans le numéro quatre du Bulletin, Jacques Hérold, ancien conservateur de Doucet et à cette époque-là le président de la Société de la gravure française, est sollicité par nouveau directeur de la Bibliothèque André Joubin de présenter les estampes gravées en couleur en manière de crayon du Cabinet. « Nul ne pouvait mieux le faire », dit-il André Joubin, « que cet érudit qui a passé sa vie à étudier les origines et les procédés de la gravure en couleur ».20 Il suit un rappel des techniques de l’estampe en couleur et de manière de crayon et des notices sur les artistes principaux de la collection qui ont pratiqué ces procédés : Dagoty, Lasinio, François, Demarteau, Magny, Le lavis, Bonnet. Un deuxième article dans le même Bulletin concerne la collection des estampes modernes. Il est signé par Clotilde Brière-Misme, conservateur du Cabinet à l’époque. L’article fait état des derniers accroissements de la collection. Le conservateur exprime ensuite les remerciements pour les dons d’argent, dons de photographies et pour

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Il s’agit ici d’un chiffre donné lors de l’inventaire sommaire au moment du don (André Joubin, n°1 du bulletin semestriel de la Société des amis de la Bibliothèque, page 17, 1er semestre 1929). 20 n° 4 du bulletin semestriel de la Société des amis de la Bibliothèque, page 23, 2ème semestre 1930.


18 les travaux sur la collection, effectué par différentes personnes. Plus loin dans l’article, une suite d’une valeur exceptionnelle, donnée à la Bibliothèque, est mentionnée : cent dessins de van der Meulen, choisis à la manufacture des Gobelins. Pour le Cabinet d’estampes c’est un ensemble précieux et important qui entre dans la collection : les estampes de Matisse, offertes par l’auteur,21 ainsi qu’une importante collection d’ex-libris des XIX et XX siècle.

En 1932, dans le n° 6 du Bulletin, on trouve un rapport par Clotilde Brière-Misme sur les activités « du Département des photographies et du Cabinet de gravures » en 1931.22 Elle explique que le département accroît principalement par les dons mais aussi par les achats. On remarque que les dons concernent exclusivement la Photothèque, c’est-à-dire qu’il ne s’agit que des photographies. Ensuite Mme Brière consacre deux pages aux questions du classement de la Photothèque. Ses deux pages ne sont suivies que par quelques dizaine de lignes concernant le Cabinet d’estampes. Elle mentionne soixante planches de Lajoue, offertes par M. Jules Strauss et de quatre-vingt-dix estampes de Matisse, données par artiste et montées grâce à M. Fenaille.23 Elle exprime l’espoir d’avoir bientôt l’œuvre gravé complet de cette artiste dont le travail est d’une « haute valeur artistique ».

Le Bulletin cesse de paraître en 1933. La Bibliothèque déménage en 1935 dans les nouveaux locaux de « l’Institut d’art de la Bibliothèque Doucet ».24 Suzanne Damiron, nouvelle directeur de la Bibliothèque, retrace en 1949, dans le n° 8 de nouveau Bulletin qui « revoie enfin le jour », l’activité de la Bibliothèque dans les années entre 1933 et 1949. « Depuis cette date (1933), que d’événements importants ont marqué la vie de notre chère maison », commence-t-elle son rapport. Elle nous apprend que « Mme Brière et son équipe bénévole continuèrent jusqu’en juin 1939 l’identification et le classement des documents de notre photothèque ». Ensuite vient une période difficile de guerre. Les documents rares

21

Une de ces estampes offertes, une lithographie, est reproduite sur la couverture du Bulletin n° 4. n° 6 du Bulletin, page 15, 1932. 23 Mécène important de la collection grâce à qui le conditionnement des pièces a été amélioré 24 n° 8 du Bulletin, page 3, mai 1949. 22


19 sont évacués et à l’abri. André Joubin, partie à la retraite fin des années 1930, s’éteint en 1944. Dans ce rapport, on n’y trouve aucune information sur le Cabinet d’estampes. Après le 1949, et d’après le registre d’inventaire des nouvelles acquisitions, on voit la collection accroitre mais d’une manière très ralentie. Jusqu’à 1996, l’année des dernières acquisitions de ce registre, la collection agrandit d’exactement 1975 estampes. Comparons cela avec la période d’or des années Clément-Janin !


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Nouvelle vie de la collection

Il faut attendre les années 1990 pour que la collection retrouve une nouvelle vie et cela grâce à l’aide des membres de la Société des mais de la Bibliothèque. En 1992, grâce au mécénat de la Fondation Pierre Gianadda les trois-quarts de la collection moderne sont restaurés, à l’occasion d’une importante exposition De Goya à Matisse, organisée par la fondation cette année à Martigny. Le grand public découvre pour la première fois toute la richesse de cette collection, rassemblée par Doucet avant la Première Guerre mondiale. Depuis, l’entreprise de diffusion est reprise, et les œuvres de la collection participent à d’importantes expositions en France et en étranger. Evoquons ici quelques-unes : Toulouse-Lautrec et l’affiche au Musée Maillol en 2002 à Paris, Matisse-Picasso en 2002 au Grand Palais, Gauguin and the origins of symbolism en 2004 à Madrid, Degas en blanc et noir en 2004 à Avignon, Le Théâtre et l’œuvre 1893-1900 en 2005 au Musée d’Orsay, Plaisirs parisiens en 2007 à Moscou. Et tout récemment, en 2008, Goya graveur et Raoul Dufy à Paris et Echappés nordiques à Lille. En 2005, la première exposition organisée par la Bibliothèque de l’INHA, Des Estampes pour les arts, présente un choix de trésors de la collection Doucet.

Les acquisitions continuent en changeant le rythme, mais dernièrement, et grâce au legs Brière-Misme et à l’aide de l’INHA, les moyens sont plus importants pour enrichir la collection de nouvelles pièces, dans l’esprit de complémentarité dans laquelle la collection a été composée. Les achats se poursuivent en tenant compte de compléter les ensembles composés par Doucet en prenant soin de ne pas acquérir les pièces qui se trouvent dans d’autres collections, sauf cas particuliers.

Aujourd’hui, les travaux sur la collection d’estampes de Jacques Doucet tournent autour trois grands chantiers. Tout d’abord, la restauration et la préservation des estampes, leur remontage et l’amélioration des conditions physiques de leur conservation : les boites en carton et les meubles à tiroirs pour la conservation à plat, conditions environnementales


21 (humidité, température), sécurité des œuvres conservées (protection dans le cas de sinistre), etc. Aujourd’hui encore, la collection des estampes en feuille se trouve dans les locaux inadéquats de la sale Mortreuil du quadrilatère Richelieu qui servent en même temps des bureaux du personnel qui travail sur les fonds patrimoniaux de la Bibliothèque. La chaleur et l’humidité, en combinaison avec la poussière et le danger constant possible de l’incendie provoqué par les meubles, l’équipement et les fournitures de bureau, ainsi que la présence de nombreuses installations électriques, menacent la sécurité et la bonne conservation de la collection. Les conditions du travail du personnel chargé de la collection ainsi que les conditions de la communication des estampes aux intéressés sont aussi insuffisantes et restreintes. Manque de place pour la manipulation d’estampes et de grands formats, nonexistence d’une bibliothèque de référence complète à proximité pour faciliter le travail du récolement et des recherches, etc. Le mode de conservation est lu aussi inadéquat : les boites qui contiennent les estampes sont souvent archipleines et par conséquent très lourdes, ce qui ne facilite pas leur manipulation et met en danger leur sécurité. Les bureaux dans les locaux gênent souvent la bonne ouverture des tiroirs. Certains meubles à plan sont posés très haut ce qui nécessite un effort physique supplémentaire de la part du personnel et qui présente aussi le danger pour la sécurité des pièces. Actuellement, à cause de réaménagement de la collection dans l’ordre alphabétique par le nom de l’auteur, en supprimant l’ancienne distinction entre les auteurs français et les auteurs étrangers, la collection manque de place pour se déployer de façon à ce que leur visibilité soit optimale et à ce que les conditions du travail sur la collection ainsi que celles de la consultation des pièces soient satisfaisantes. A terme, ces problèmes vont être définitivement réglés lors du déménagement de la collection entière dans les nouveaux locaux dans le complexe de la salle Labrouste, prévue pour 2012. Un nouveau local adéquat est prévu uniquement à l’utilisation de la collection et son personnel, mieux disposé et mieux adapté. L’attention sera mise sur la sécurité et sur les conditions de la conservation. Les conditions du travail sur la collection et les possibilités de consultation seront améliorées. La collection aura, on espère, une place spéciale parmi les fonds patrimoniaux de la Bibliothèque, une place qu’elle mérite bien.


22 Ensuite, le bon signalement de la collection est un élément indispensable, et Doucet luimême était particulièrement attentif à cette question afin que les œuvres puissent être facilement consultables pour les lecteurs. A partir de 1911, il emploie même une personne dont le seul rôle est de cataloguer les pièces au fur et à mesure de leur entrée à la bibliothèque. A cette époque de l’accroissement rapide de la collection, le catalogage était le seul moyen de rendre possible l’analyse du nombre croissant d’œuvres et d’éviter les doubles. La retro-conversion numérique des fiches anciennes, rédigées à la main sur les cartons comme on faisait à l’époque, est commencée et achevée en 2006. Aujourd’hui, la totalité des fiches de la collection est consultable en ligne, sur le catalogue de SUDOC et sur le catalogue commun de la Bibliothèque de l’INHA. Il faut cependant souligner que l’état actuel des notices n’est pas satisfaisable et qu’un grand travail de correction des fiches s’effectue, travail qui, pour cette collection d’environ 15000 estampes en feuille et dans les recueils, va durer plusieurs années.

Enfin, un grand chantier du récolement systématique des planches de la collection d’estampes modernes et contemporaines est en cours, sous la direction du conservateur chargé de la collection d’estampes Jacques Doucet, Mme Isabelle Cahn. L’ancienne séparation entre artistes français et artistes étrangers est donc supprimée, et la collection d’estampes modernes est désormais conservée dans l’ordre alphabétique par le nom d’artiste, sans aucune distinction d’école. Le travail du récolement comprend la vérification systématique, pièce par pièce, d’abord de leur présence dans la collection, puis la vérification des côtes, des numéros d’inventaire, des dimensions, des techniques, des attributions, des références bibliographiques et celles des catalogues raisonné. Parallèlement, une campagne d’estampillage est entreprise ainsi que l’attribution des numéros d’inventaire rétrospective aux estampes qui ne sont jamais inventoriées, ce qui concerne, malheureusement, la grande majorité de la collection. Enfin, des recherches de provenance à l’aide des archives à notre disposition sont menées, afin de retracer plus précisément la constitution de cette partie de la collection. En outre, la numérisation des ensemble importants de la collection est en cours depuis 2003 afin de pouvoir rendre possible aux utilisateurs de les consulter en ligne, sur le site de


23 la bibliothèque numérique de l’INHA. La réalisation des microfilms pour chaque planche se poursuit elle aussi et également un travail d’inventaire et du dépouillement des fonds, qui permet des fois des découvertes inattendues .Enfin, le traitement immédiat de nouvelles acquisitions est désormais règle, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Ces divers chantiers actuellement en cours sur le fonds d’estampes modernes permettent d’acquérir une meilleure connaissance de la collection. La collection d’estampes bénéficie aujourd’hui une notoriété croissante, malgré le fait que beaucoup reste encore à découvrir et à faire pour que la collection soit plus visible et connue aux yeux des chercheurs et du grand public.

Deux pôles de la collection : estampes anciennes, estampes modernes

La collection d’estampes est partagée en deux grandes parties : les estampes anciennes et les estampes modernes. Pour la date limite de ce partage, on prend l’année 1800. En outre, une partie importante de la collection, que l’on peut appeler les estampes contemporaines, témoigne de la générosité de Doucet envers les artistes, jeunes ou moins jeunes, qui peuvent vivre grâce à ses achats.

La première partie, les estampes modernes, est un fond clos aujourd’hui. Il ne s’enrichit plus par des acquisitions, et les donations y sont très rares. Au sein de cette collection, il y a d’abord des livres des fêtes, un fond unique, à la fois témoignages historiques et histoire du costume, il y en a environ deux milles recueils, soit la quasi-totalité de ce qui est publié. Publiées depuis le XVII siècle comme des recueils-souvenirs des fêtes données, ces livres valent surtout pour ces planches, eaux-fortes ou bois gravées. Ensuite, des gravures et des dessins d’architecture, une série importante de vues d’optique des XVIII et XIX siècles, une série des gravures se rapportant au théâtre, tout cela se trouve aussi dans ce fond ancien. Autre partie de la collection ancienne est d’un caractère pédagogique. Le fon est réuni pour représenté des diverses techniques de l’estampe. Sous l’impulsion de Hérold, la gravure en couleur est mieux représentée que celle en noir et blanc. Quelques gravures sur


24 bois en couleur, les premiers camaïeux ou clair-obscur d’Ugo da Carpi ou de Goltzius de la fin du XVI et du début du XVII siècle. A cela se rajoute quelques « incunables » de la manière noire, entre autres un portrait gravé par John Faber en 172 en trois épreuves d’état. On y trouve aussi Le Tête du Christ de Le Blon, l’inventeur de la trichromie, suivi d’une importante collection des estampes de Gautier-Dagoty, dans le prolongement de l’invention du précédent. Rajoutons à cela des planches au procédés à base de vernis mou te celles illustrant les premières lithographies à l’extrême fin du XVIII siècle. Pour soutenir la formation des artistes au dessin, Doucet réunie une grande quantité de planches d’ornements ou de dessins anatomiques, pour nombre d’entre elles gravées par Bonnet d’après Boucher, Watteau ou Fragonard. Une très importante collection d’estampes de Debucourt et des Demarteau sera vendue par Doucet en 1918, pour réunir cent milles francs, demandés par l’Université pour accepter le don de sa bibliothèque d’art.

Un ensemble très complet des gravures de Francisco Goya se situe entre l’estampe ancienne et l’estampe moderne. Ses premières planches d’après Vélasquez, la série de Caprices en premier tirage, des séries complètes des Désastres de la guerre, de la Tauromachie ou des Proverbes. A cela se rajoutent un nombre important des planches isolées. On y trouve aussi une rarissime suite de quatre planches lithographiques des Taureaux de Bordeaux de 1825. Quelques-unes de ses planches isolées sont extrêmement rares, ne se trouvant que dans quelques autres collections publiques dans le monde.

Le Cabinet d’estampes modernes représente la partie la plus importante de la collection, par sa quantité mais aussi et surtout pour sa qualité. On l’estime à plus de 13000 milles estampes y compris les estampes contemporaines. Il y a plus de 400 cent artistes représentés dans la collection. Deux parties distinctes se dessinent : les estampes modernes de la fin du XIX et de tout début du XX siècle et les estampes contemporaines, pour les artistes qui débutent leur carrière dans les années où Doucet développe la collection à l’aide de Clément-Janin, entre 1911-1914. La partie contemporaine couvre la période de l’impressionnisme au fauvisme, en passant par le symbolisme, l’école de Pont-Aven et les Nabis. Dans la collection de Doucet on trouve les planches des précurseurs de


25 l’impressionnisme : Corot, Millet, Jongkind. Ensuite quarante-six eaux-fortes et sept lithographies de Manet. Ensemble d’œuvres de Degas est important, comptant des estampes rares comme son Autoportrait ou cinq nus à la toilette, ou encore ses monotypes en noir et en couleur. Pissarro, Mary Cassatt, Cézanne, Rodin, la liste est longue et c’est impossible d’évoquer tous les artistes. Van Gogh, avec ses lithographies rarissimes, Renoir, avec quelques pièces importantes comme sa lithographie en couleur de 1898, imprimée à l’aide de onze pierres. Peut-être le plus précieux, rares et le plus important est l’ensemble des lithographies de Toulouse-Lautrec. Doucet s’intéresse aussi à Gauguin et Redon. Puis il acquit la quasi-totalité de l’œuvre gravé de Bernard jusqu’à 1913. Intéressé aussi par le Nabis, Doucet achète les estampes de Bonnard, Denis, Roussel, Vuillard. Munch, dont il achète des lithographies et des eaux-fortes, n’échappe non plus à l’attention de Doucet. Il acquit aussi des planches « fauves » de Vlaminick, Derain, Dufy ou Matisse. A Matisse encore jeune, Doucet achète entre 1910 et 1914 la quasi-totalité de ses estampes, lui apportant un support matériel et un début de notoriété dont l’artiste lui sera toujours reconnaissant. En 1930, au lendemain de la mort de Doucet, en témoignage de gratitude, Matisse offre à la Bibliothèque un important ensemble de ses plus belles estampes, lithographies, pointes sèches et eaux-fortes. Les Fauves constituent un lien entre la partie moderne et la partie contemporaine de la collection. A partir de 1911, c’est Clément-Janin qui lui aide dans la constitution de la collection. Jusqu’à là, Doucet choisissait seul, selon son goût, le meilleur de ce qi était déjà reconnu. Désormais, il va ouvrir aux jeunes graveurs inconnus et va devenir un véritable mécène en prenant aussi quelques risques en vue quant à leur évolution ultérieure. Il poursuit aussi de belles acquisitions en vue de compléter ses collections modernes. Parmi les jeunes graveurs on peut citer Jacques Villon, déjà connu en 1911, mais en train d’abandonner une voie classique et décorative pour se tourner vers un cubisme pyramidale. De même Laboureur, dont Doucet possède déjà les estampes avant 1913, entreprends une évolution stylistique, et Doucet, en dépit de la guerre, continue à acheter ses estampes. Souvent Doucet achète la totalité de l’œuvre d’artistes. Ainsi on possède aujourd’hui tout l’œuvre jusqu’à 1913 de Beltrand, Frelaut, Beaufrère, pour certains pas encore très connus. Ce n’est pas le cas de Paul-Emile Colin, à qui Doucet achète en 1911 près de six cents estampes. Cependant, les achats cessent


26 brutalement en 1914. A côté de ses artistes aujourd’hui connus, la liste est longue de ceux qui sont totalement oubliés. L’énorme richesse de la collection d’estampes de Jacques Doucet permet encore de découvrir des perles rares, les artistes qui seront demain appréciés à leur juste valeur.


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Lithographies d’Edouard Manet dans la collection d’estampes modernes

Présenter toute la richesse de la collection d’estampes réunie par Jacques Doucet peut arriver vite à une énumération fastidieuse. Nombreuses sont les épreuves dont la rareté, la beauté et la fraicheur méritent d’être mentionné. L’un des plus beaux et précieux ensembles de la collection d’estampes Jacques Doucet, quoique pas grande, forment les lithographies d’Edouard Manet.

Manet a produit très peu de lithographies : en tout treize, dont une en couleur. Ses premiers essais datent de la même époque que son début dans la gravure. Il s’agit de Portrait-charge d’Emile Ollivier (1860), Le Ballon (1862), Lola de Valence et Plainte Moresque (1861 ou 62), et enfin Le Gamin (1862). Ensuite, après ces premières pièces, des années passent sans qu’il touche de nouveau à la lithographie. Ce n’est qu’en 1867 qu’il reprend ce moyen d’expression. Manet fait une lithographie d’après son tableau Exécution de Maximilien, dont l’exposition publique vient d’être interdite.

Ensuite, la même année, à la veille de la guerre de 1870, on rit et hausse les épaules devant l’affiche lithographiée destinée à illustrer la parution du livre de Champfleury : Rendezvous des chats. Au lendemain de la tragique semaine de mai 1871, Manet exécute deux lithographies dramatiques : La Barricade et Guerre Civile. Viennent ensuite deux portraits de Berthe Morisot d’après son tableau de 1872. La liste des lithographies monochromes de Manet est ainsi complète. Elles ont été l’objet d’un tirage à un certain nombre d’épreuves. A ces lithographies monochromes s’en ajoute une autre en couleur : Polichinelle, exécutée en 1876 d’après un tableau de 1874 qui porte le même titre et qui représente le peintre Edmond André dans le costume de Polichinelle. Comme le tableau, la lithographie a été elle aussi bien accueillie. Dans ces dernières années, Manet ne touche plus à cette technique, excepté quelques croquis en ancre autographiques rapportés sur pierre. Les ennuis matériels succédant à ses essais lithographiques en sont-ils la raison ? Quoi qu’il en soit, d’autres lithographies de Manet ne sont pas connues.


28 Dans la collection Doucet, on compte six lithographies monochromes et une en couleur, dont on possède deux états. Doucet n’achète pas les premiers essais lithographiques de Manet, ni son fameuse affiche Rendez-vous des chats. En revanche, il s’intéresse aux lithographies qui révèlent toute la force créatrice de Manet : Les Courses, L’Exécution de Maximilien, Guerre civile, La Barricade, deux portraits de Berthe Morisot et la lithographie en couleur, Polichinelle.

Les estampes de Manet, Doucet les achète chez Alfred Strölin, son fournisseur privilégié, entre 1906 et 1913. Plusieurs pièces d’archives, lettres et factures conservées nous en renseignent. Le 5 octobre 1906, parmi ses tous premiers achats chez Strölin, Doucet acquit toutes ses lithographies de Manet, excepté un état de la seule lithographie en couleur, dont la date d’acquisition est inconnue mais sans doute postérieure. Pour cela, il dépense la somme de 450 francs. Ensuite, pour ne mentionner que quelques autres acquisitions des estampes de Manet, en mai 1907, il achète pour 600 francs une suite de 30 eaux-fortes du maître. Il s’agit d’une réimpression de planches de Manet par Strölin en 1905. En novembre 1913, le galeriste invite Doucet de choisir parmi les plaques de Manet qu’il possède. « C’est avec plaisir que je vous offrirai quelques cuivre de Manet. Voulez-vous passer un jour les choisir ? » écrit-il à Doucet le 25 novembre. Les cuivres pour Le Torero mort, L’Infante Marguerite et Les Petits cavaliers entrent ainsi dans la collection. Il faut souligner qu’à cette époque, dans les années 1910, le Cabinet d’estampes de Jacques Doucet et plus riche d’estampes de Manet que celui de la Bibliothèque nationale. La collection de la BNF n’est complétée que par l’héritage de la collection Moreau-Nélaton après 1927.

L’épreuve des Courses (n° 72)25, lithographie en noir, réalisée en 1864, est celle du premier état, non signée. Elle appartient au premier tirage avant la lettre, tirée en quelques épreuves d’essais. Marcel Guérin connait cette épreuve de la collection Doucet. Deuxième tirage de ce premier état porte l’inscription de l’imprimeur « Imp. Lemercier et Cie,

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Numéros du catalogue raisonné de Manet de Marcel Guérin, L’œuvre gravé de Manet, Paris, Libraire Floury, 1944. Pour les reproductions voir à la fin de cette notice.


29 Paris ». Bien que Guérin mentionne que dans le premier état, le dessin dépasse à gauche la feuille de chine collé, on s’aperçoit que cela n’est pas vrai dans le cas de l’épreuve de la collection Doucet. Les dimensions données par Guérin du chine appliqué ne correspondent non plus : 36,5 x 51 cm, tandis que l’épreuve de la collection fait 40,1 x 51,5 cm. En comparaison, une autre épreuve du premier tirage de cet état, conservé à l’Art Institute of Chicago, correspond pourtant parfaitement à la description de Guérin. D’après l’auteur du catalogue raisonné, cette lithographie date de 1864, et non de 1872, ou entre 1874 et 1877, comme prétendent d’autres auteurs, Léon Rosenthal et Moreau-Nélaton. D’après lui, la composition de la lithographie est exactement analogue à celle d’une aquarelle datant de 1864. C’est peu probable, dit-il, que Manet ait repris en 1972 ou plus tard une composition déjà ancienne de huit ans. Pour Guérin, l’aquarelle en question et cette lithographie servent comme point de départ de tous les tableaux de courses de Manet. Manet reproduit la composition sommairement et en sens envers. L’exécution de la lithographie est rapide, gestes sont énergiques. Manet ne respecte pas la lenteur nécessaire dans l’exécution d’une lithographie si on veut obtenir toute la gradation des tons. A droite, par exemple, les traces du crayon lithographique utilisé posé sur son côté long sont rajoutées après les lignes spirales qui, elles, sont tracées en appuyant fort sur la pierre avec le crayon. Avec une telle liberté d’utilisation des moyens, Mante voulait-il traduire ici la tension que portent tous ses tableaux de courses ?

On observe la même énergie et la rapidité d’exécution dans La barricade et Guerre civile. En mai 1871, Manet prend les croquis des événements dramatique de la Commune de Paris. Il les utilise ensuite pour exécuter ses deux lithographies. L’épreuve de la Guerre civile (n° 75), de la collection Doucet, sur chine appliqué, est celui du deuxième tirage, avec lettre. On lit en bas au milieu « GUERRE CIVILE », à gauche « Tiré à cent exemplaires » et à droite « Imp. Lemercier et Cie, rue de Seine, 57, Paris ». Elle est signée et datée en bas, à gauche : « Manet / 1871 ». On remarque la ressemblance étonnante dans la position du fédéré mort avec une autre estampe de Manet, une eau-forte d’après son tableau Le Torero mort, que l’on trouve également dans la collection, dans l’album de 30 eaux-fortes réimprimées par Strölin en 1905.


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Manet transmet son croquis sur la pierre : la lithographie en conserve toute sa fraicheur. Les lignes et les points blancs que l’on observe sur toute la surface de l’image imprimé trahissent la vigueur avec laquelle il réalise cette lithographie. Le crayon lithographique, utilisé de manière d’un fusain sur papier, se décolle toujours un peu à l’endroit où il touche le dessin, s’il est appliqué avec force. C’est ici un effet secondaire qui est utilisé à des fins esthétiques.

A ce point vient à l’esprit la magnifique lithographie de Daumier, de la série Croquis d’hiver, La Crinoline en temps de neige, - Ma belle dame… faut-y vous donner un coup d’balai ? ..., que l’on avait l’occasion de voir récemment à la BNF lors de l’exposition des lithographies du maître, ou Daumier recouvert entièrement la scène de magnifiques flocons, rendus justement par cet effet. Daumier pourrait aussi servir à Manet comme modèle dans la position du soldat mort si on songe à sa célèbre lithographie La rue Transnonain, 15 avril 1834.

Exécuté en même temps que la Guerre civile, la deuxième lithographie La Barricade (n° 76) est réalisée elle aussi d’après un dessin. Il existe aussi une aquarelle du même sujet. L’épreuve sur chine appliqué de la collection Doucet appartient au premier tirage, dont existent quelques rares épreuves d’essai. Comme pour la Guerre civile, Marcel Guérin ne mentionne non plus l’épreuve de La Barricade dans son catalogue raisonné de Manet. Le traitement plastique de cette lithographie se situe dans la même ligne que celui du fédéré mort de la Guerre civile.

On ne peut s’empêcher de ne pas remarquer la ressemblance de La Barricade avec une autre lithographie de la collection, L’Exécution de Maximilien (n° 73), réalisée en 1867 d’après son tableau, dont l’exposition publique est interdite la même année. La lithographie connait le même sort. « Mon affaire de Maximilien se complique », écrit Manet à Philipe Burty le 18 février 1869. Son imprimeur refuse de lui rendre la pierre et demande son autorisation de l’effacer. Manet refuse. La lithographie ne paraît pas mais la pierre n’est


31 pas effacée. L’affaire se termine par une transaction en 1869 mais la pièce n’est pas publiée qu’après le mort de Manet en 1883.

L’épreuve de la collection Doucet est celui du premier tirage du seul état connu. Les épreuves de ce premier tirage sont rares, il n’existe que quelques épreuves d’essai. La lithographie est signée en bas, à gauche : « Manet ». Guérin mentionne l’épreuve de la collection Doucet dans son catalogue raisonné.

Manet introduit dans sa lithographie un personnage qui n’est dans aucun des tableaux, le chef du peloton placé au deuxième plan, qui donne de son épée levée le signal de la fusillade. Une autre différence, le mur derrière les protagonistes fait un angle, tandis qu’il est tout droit dans les tableaux. Les spectateurs et les arbres derrière le mur sont comme entassés entre haut du mur et le trait carré de l’épreuve. Les soldats, que Manet prends pour modèle dans une escouade de la caserne de la Pépinière, portent l’uniforme français de l’époque. Le traitement plastique du sujet diffère des autres lithographies précédemment évoquées. L’exécution est moins spontanée et donne plus de détails, les gradations des noirs sont obtenues progressivement, quoique les spectateurs et l’arrière-plan sont exécutés avec moins soucis de détail. Notons aussi l’utilisation du grattoir pour rendre la facture du mur à droite, derrière les soldats. On retrouve la fraicheur d’esquisse dans deux portraits, intitulé simplement Berthe Morisot (n° 77 et 78), exécutés en 1872 d’après son tableau Berthe Morisot au bouquet de violettes, de la même année, conservé depuis une décennie au Musée d’Orsay. Les deux épreuves de la collection Doucet appartiennent aux premiers tirages avant la lettre, dont n’existent que quelques épreuves d’essai. Elles sont tirées sur chine appliqué. Les deux sont mentionnées dans le catalogue de marcel Guérin. Première lithographie, légèrement plus petite que la deuxième, avec le trait carré, reproduit, dans le bon sens, le tableau de Manet. Le chapeau et la robe sont bien travaillés au crayon lithographique, pendant que sur la deuxième lithographie qui reproduit le même tableau, le portrait de Berth Morisot n’est défini qu’avec quelques traits. Il faut souligner que on ne peut parler ici ni d’une variante ni surtout pas de deux états. Il s’agit de deux lithographies conçues indépendamment. A la rigueur, on pourrait parler, afin de les distinguer et faute d’avoir deux titres différents, de la première et de la deuxième planche, ce qui fait Guérin dans son catalogue. A notre avis, on


32 ferait mieux de les sous-titrer, premier et deuxième portrait afin d’éviter toute confusion. Actuellement, dans le catalogue de la collection, elles ont les côtes EM MANET 19 a et EM MANET 19 b, ce qui signale que les conservateurs précédents considéraient ces deux estampes comme variantes. De plus, à côté du titre de celle exécutée au trait, on trouve la mention « esquisse ». Une telle façon de cataloguer les pièces relève d’une profonde méconnaissance de l’estampe et de ses principes.

L’état final de la première planche n’est tiré à nombre qu’au moment de l’exposition posthume, à l’Ecole des beaux-arts, en 1884. On lit en bas au milieu : « Imp. Lemercier et Cie, Paris ». De même pour la deuxième planche : son état final est tiré au même moment, chez le même imprimeur.

Et enfin, la dernière lithographie de la collection est en même temps la seule connue de Manet qui soit en couleur. Il s’agit de Polichinelle, exécuté en 1876. Elle est obtenue au moyen de sept pierres : un noir bistré, un gris, jaune de chrome, un rouge, un bleu, un vert, une teinte de fond (vernis bitume ou vernis à teinter). La teinte de fond fait l’effet d’un chine collé sur lequel se détache en clair les parties blanches de la tête et du costume. Les trous de repérage sont bien cachés, on ne les retrouve qu’après une longue recherche : il y en a deux, un dans le chapeau que porte le personnage et l’autre au niveau de la pointe de sa chaussure droite. L’estampe est signé dans la pierre en bas à droite : « Manet » et ne comporte aucun trait carré.

La collection Doucet possède deux exemplaires de cette lithographie. Le premier est celui du deuxième état, avant lettre et toujours avec sa teinte de fond. Marcel Guérin mentionne cet exemplaire dans son catalogue. Le deuxième exemplaire de Doucet est du troisième état, sans teinte de fond, état qui connaît deux tirages : - le premier tirage de ce troisième état est tiré sur japon, à 25 épreuves, numérotées et signées : « E.M. ». On lit à gauche : « Imp. Lemercier et Cie », au milieu : « tiré à 25 », et au-dessous le distique de Théodore de Banville : « Féroce et rose avec du feu dans ses prunelles, / Effronté, saoul, divin, c’est lui polichinelle. ». - le deuxième tirage, auquel appartient l’exemplaire de Doucet, est non numéroté, avec en bas, la lettre : « Imp. Lemercier et Cie, Paris ». Selon Guérin, le chiffre de ce tirage doit être assez élevé. Guérin constate aussi, que dans ce deuxième tirage du troisième état, les


33 couleurs sont criardes et très différentes des celles des premiers états et du premier tirage. Mais cela ne semble pas être correcte, les couleurs des deux exemplaires sont très proches, abstraction faite de la couleur du fond.

Cette lithographie est exécutée en 1876 d’après un dessin aquarellé que Manet expose au Salon de 1874. Tirée d’abord à 8000 exemplaires destinés à être offerts aux abonnés du journal Le Temps, la police croie voir dans la lithographie de Manet une caricature du maréchal Mac-Mahon, président de la République à l’époque26, et détruit la pierre et les épreuves. Il s’agit en réalité d’un ami de Manet, le peintre Edmond André dans son costume du bal de l’Opéra. La ressemblance avec le président est quand même étonnante. Un nouveau tirage est effectué ensuite sur de nouvelles pierres.

Guérin ne mentionne donc dans son catalogue qu’un seul exemplaire de la bibliothèque Doucet, celui du deuxième état, avant la lettre. Est-ce bien celui-ci que Doucet achète chez Strölin en 1906 ? Où provient-il alors le deuxième exemplaire, celui du troisième état ? Quand est-ce qu’il entre dans la collection ?

Dans les trois premiers mois sur son poste, Clément-Janin achète une estampe de Manet. S’agit-il justement de ce troisième état de Polichinelle ? Peut-être, étant donné le prix élevé qu’il paye : 298 francs, en sachant qu’à l’époque on achète les épreuves pour un prix entre 20 et 50 francs en moyenne. En 1906, Doucet paye100 francs son premier exemplaire, prix à peine plus élevé que pour les autres lithographies. S’il s’agit du deuxième état de Polichinelle, avant la lettre et par conséquent plus rare, comment se fait-il que ClémentJanin paye 298 francs cinq ans plus tard pour un exemplaire de la même estampe mais du troisième état, beaucoup moins rare ? Si c’est vraiment l’épreuve de Polichinelle que Clément-Janin achète, pourquoi n’est-elle mentionnée pas par Guérin dans son catalogue ? Mais Guérin ne mentionne non plus les exemplaires de Guerre civile et de La Barricade pourtant bien présentes dans la collection à l’époque de la publication de son catalogue. Une simple erreur de sa part ou la mauvaise visibilité de la collection à son époque, entre 1927 et 1944, qui révèle la situation difficile de la Bibliothèque après sa donation par Doucet et pendant la guerre, où les estampes sont éparpilles un peu partout, où c’est 26

Patrice de Mac Mahon, maréchal de France, et le 3e président de la République française, fonction qu'il a occupée du 24 mai 1873 au 30 janvier 1879.


34 difficile de les réunir ? C’est l’époque où la bibliothèque est provisoirement logée dans l’Hôtel Rothschild et déménage en 1935 rue Michelet. Cela peut expliquer aussi l’absence de ce deuxième exemplaire de son catalogue. De l’autre côté, c’est aussi probable qu’elle est achetée entre 1944, l’année de l’édition du catalogue de Guérin et 1949, l’année où on recommence à tenir un inventaire de la collection, qui ne comporte aucun entrée concernant les estampes de Manet.

Cet ensemble unique, rassemblé par Doucet lui-même, selon son goût et avant même d’engager Clément-Janin à son côté, nous montre toute la justesse de son jugement quant à la qualité des œuvres qu’il achète. Manet est à l’époque une valeur confirmé, mais le choix de ses lithographies que Doucet achète, concentré sur les pièces qui montre toute la force créatrice de l’artiste, confirme le fait que Doucet sait choisir ce qui caractérise le mieux un auteur. Un autre fait soutient cette thèse : les pièces achetées par Doucet entre 1906 et 1911, avant l’arrivé de Clément-Janin, sont aujourd’hui plus sollicitées pour les expositions par les conservateurs et les musées. Ce sont un peu les vedettes de la collection, rares, précieuses, occupant toujours une place importante dans l’œuvre d’un artiste. On y trouve, en outre les estampes de Manet, les estampes de Goya, Millet, Degas, Cassatt, Toulouse-Lautrec, Gauguin ou Vuillard. Si ce choix prestigieux confirme le goût sûr du collectionneur, la collection de Doucet est riche aussi des œuvres plus confidentielles qui trouvent souvent leur place dans les expositions thématiques. Toutes ses richesses restent encore à découvrir.


35

Bibliographie (dans l’ordre chronologique) Jacques Doucet, Bibliothèque d’art et d’archéologie et son Cabinet d’estampes

CLEMENT-JANIN, Exposé de quelques idées générales concernant le Cabinet d’estampes modernes de la Bibliothèque d’art et d’archéologie, 16 septembre 1911, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA.

CLEMENT-JANIN, Situation du Cabinet d’Estampes modernes au 31 décembre 1911, 30 janvier 1912, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA. CLEMENT-JANIN, Cabinet d’estampes modernes, État des acquisitions du 1er septembre au 31 décembre 1911, janvier 1912, manuscrit, autographes, carton 42, Clément-Janin, archives de la Bibliothèque de l’INHA.

Collection Jacques Doucet, première partie, catalogue des dessins & pastels du XVIII siècle, dont la vente aura lieu à Paris, Galerie Georges Petit, le mercredi 5 juin 1912, catalogue de vente, Paris, 1912, 95 p.

Collection Jacques Doucet, deuxième partie, catalogue des sculptures & tableaux du XVIII siècle, dont la vente aura lieu à Paris, Galerie Georges Petit, le jeudi 6 juin 1912, catalogue de vente, Paris, 1912, 88 p.

Collection Jacques Doucet, deuxième partie, catalogue des sculptures & tableaux du XVIII siècle, dont la vente aura lieu à Paris, Galerie Georges Petit, le vendredi 7 et samedi 8 juin 1912, catalogue de vente, Paris, 1912, 111 p.

JOUBIN, André, texte sur le financement et les fonds de la Bibliothèque d’art et d’archéologie, dans Société des amis de la bibliothèque d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, bulletin semestriel, n° 1, 1er semestre 1929, p. 19-20 (texte incomplet).


36 JOUBIN, André, « La vie de la bibliothèque. La Bibliothèque d’art et d’archéologie de l’Université de Paris », dans Société des amis de la bibliothèque d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, bulletin semestriel, n° 1, 1er semestre 1929, p. 15-20.

DORMOY, Marie, Jacques Doucet, Abbeville, F. Paillart, 1931, 29 p.

DORMOY, Marie, « La Bibliothèque littéraire de M. Jacques Doucet », dans Société des amis de la bibliothèque d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, bulletin semestriel, n° 2, 2ème semestre 1929, p. 4-10.

BRIERE-MISME, Clothilde, « Le Département des estampes et des photographies : ses derniers accroissements », dans Société des amis de la bibliothèque d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, bulletin semestriel, n° 4, 2ème semestre 1930, p. 11-14.

HEROLD, Jacques, « Les Estampes gravées en couleurs et en manière de crayon », dans Société des amis de la bibliothèque d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, bulletin semestriel, n° 4, 2ème semestre 1930, p. 23-34.

BRIERE-MISME, Clothilde, « Rapport sur le développement du Département des photographies et du Cabinet de gravures en 1931 », dans Société des amis de la bibliothèque d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, bulletin semestriel, n° 6, année 1932, p. 15-18.

LEMOISNE, P.-A., « Les estampes modernes du Cabinet de Jacques Doucet », dans Société des amis de la bibliothèque d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, n° 7, année 1933, p. 3-10.

DORMOY, Marie, Souvenirs et portraits d'amis, Paris, Mercure de France, 1963, 301 p.

LEMAS, Suzanne, MAIGNAN, Sylvie, LELIEVRE, Pierre, CHAPON, François, ZACCHI, Jacqueline, Hommage à Jacques Doucet, Paris, 1980, 96 p.

GASSIER Pierre, ROMAND Jean-Claude, De Goya à Matisse. Estampes de la collection Jacques Doucet, Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, Paris, textes de GAZIER Denise,


37 SEVIN Monique et LELIEVRE Pierre, catalogue d’exposition, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 14 mars - 8 juin 1992, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 1992, 239 p.

BRAND, Catherine, FRECHET, Georges, MORELON, Dominique, « La Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet », dans Les Nouvelles de l’INHA, n° 13, mars 2003, pages 2-5.

MORANE Daniel, « Le point sur un outil, un fonds, une recherche. Les cabinets d’estampes de Jacques Doucet », dans Les Nouvelles de l’INHA, n° 19, octobre 2003, pages 18-22.

COMMENT Bernard, CHAPON François, Doucet : de fonds en combles. Trésors d’une bibliothèque d’art, Paris, Herscher ; Institut national d'histoire de l’art, 2004, 141 p.

ANDRE-DECONCHAT, Simon, « Les Bibliothèques Jacques Doucet à la bibliothèque de l’INHA. La collection d’estampes modernes : instantané d’une époque », dans Les Nouvelles de l’INHA, n° 25, juin 2006, pages 11-15.

CHAPON, François, C'était Jacques Doucet, Paris, Fayard, 2006, 546 p.

Lithographies d’Edouard Manet dans la collection d’estampes de Jacques Doucet

GUERIN, Marcel, L’œuvre gravé de Manet, Paris, Librairie Floury, 1944.

MOREAU-NELATON, Etienne, Manet, graveur et lithographe, Paris, éditions de Peintregraveur illustré, chez Loys Delteil, 1906.


38

Edouard Manet, Les Courses, 1864, EM MANET 18, collection Jacques Doucet, Paris.


39

Edouard Manet, Guerre civile, 1871, EM MANET 2, collection Jacques Doucet, Paris.


40

Edouard Manet, La Barricade, 1871, EM MANET 3, collection Jacques Doucet, Paris.


41

Edouard Manet, L’Exécution de Maximilien, 1867, EM MANET 1, collection Jacques Doucet, Paris.


42

Edouard Manet, Berthe Morisot, 1872, première planche, EM MANET 19 a, collection Jacques Doucet, Paris.


43

Edouard Manet, Berthe Morisot, 1872, deuxième planche, EM MANET 19 b, collection Jacques Doucet, Paris.


44

Edouard Manet, Polichinelle, 1876, deuxième état avant la lettre, EM MANET 4 a, collection Jacques Doucet, Paris.


45

Edouard Manet, Polichinelle, 1876, troisième état avec la lettre, EM MANET 4 b, collection Jacques Doucet, Paris.


46

Honoré Daumier, La Crinoline en temps de neige, - Ma belle dame... faut-y vous donner un coup d'balai ?... Planche n° 1 de la série Croquis d'hiver, 1858, lithographie, 2e état sur 2, avec la lettre. Épreuve sur blanc provenant du dépôt légal. 26,1 x 22,1 cm. Delteil 3089. Publiée dans Le Charivari, le 13 novembre 1858. BNF, Estampes et Photographie, Rés. Dc-180b (65)-Fol.


47

Honoré Daumier, Rue Transnonain, le 15 avril 1834, lithographie, état unique, avec la lettre, 1834. Épreuve sur blanc provenant du dépôt légal. 29 x 44,5 cm. Delteil 135. Publiée dans L'Association mensuelle de juillet 1834 (24e et dernière planche et 5e de Daumier). BNF, Estampes et Photographie, Rés. AA3 (DAUMIER)


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