L'Oeuvre gravé de Henri Goetz (version juin 2016)

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Université PARIS IV – Sorbonne UFR Histoire de l’art et archéologie Histoire de l’estampe et de la photographie

Stanko Josimov Mémoire de Master 2

L’oeuvre gravé de

HENRI GOETZ

1909-1989

Sous la direction de

Mme Marianne Grivel

professeur à Paris IV - Sorbonne Session de septembre 2009 (version amandée juin 2016)



A Jana, pour son amour et son soutien



L’oeuvre gravé de Henri Goetz 1909-1989

Copyright © ADAGP, Paris 2009 pour les oeuvres de Henri Goetz



Henri Goetz dans son atelier de la rue de Grenelle à Paris © Photo Gaby Adrion, Paris


Sommaire Avant-propos

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Introduction 15 Une vie, un oeuvre

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29 | Les origines de Goetz 30 | L’enfance aux États-Unis : 1909 – 1930 32 | Paris, les années de l’apprentissage : 1930 – 1935 33 | La découverte de l’art vivant : 1936 - 1940 36 | Les années de guerre : 1940 - 1945 38 | Vers l’abstraction : 1945 - 1960 42 | Imprégné du monde concret : 1960 – 1974 44 | Le théâtre des formes : 1974 – 1989

L’œuvre gravé de Henri Goetz 48 | Les débuts 49 | Les premières publications 49 | Le retour à l’estampe 50 | Le groupe « Graphies » 53 | Les années de recherches 56 | La gravure de Goetz après 1968 61 | Les imprimeurs 64 | Les estampes en feuille, les albums, les livres illsutrés 68 | Les expositions de l’estampe

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71 | Les éditeurs et les marchands 73| Les collections publiques et privées 75 | La collection de la Bibliothèque nationale de France

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

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79 | La gravure au carborundum 86 | Les plaques conservées à la Bibliothèque nationale de France 93 | Le sucèss de la gravure au carborundum 99 | Technique ou « cuisine » ?

L’enseignement de la gravure

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104 | L’académie Goetz 108 | L’enseignement de la gravure à l’académie Goetz

Conclusion

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Entretiens

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Supplémént au catalogue de l’oeuvre gravé de Henri Goetz Sources Bibliographie Index des noms

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Avant-propos L’idée de travailler sur Henri Goetz m’est venue de Madame Céline Chicha, conservatrice au Département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France. Je voulais travailler sur un graveur français contemporain, et c’est Goetz qu’elle m’a proposé en me disant que c’était un artiste très intéressant mais dont l’œuvre gravé n’a pas été très abordé. Après avoir vu quelques estampes de Goetz dont j’ignorais complètement l’œuvre, et surtout après avoir compris qu’il était un chercheur infatigable des procédés d’estampe, au point d’inventer une toute nouvelle technique de gravure, j’ai été tout de suite séduit et j’ai accepté avec joie la proposition de Madame Chicha. Je tiens à lui exprimer toute ma reconnaissance car travailler sur Goetz m’a été d’un très grand plaisir. Je dois admettre que mon choix n’a pas tout à fait été guidé par les questions habituelles que se pose un étudiant de master, à savoir s’il s’agissait d’un bon sujet dont la valeur justifiait deux années de recherches, s’il pourrait être une sorte de tremplin pour ma carrière d’historien d’art, si le sujet pourrait éventuellement attirer l’attention d’un éditeur par la suite… non. Je voulais travailler sur un sujet que j’aimais, et j’aimais déjà Goetz sans vraiment le connaître. J’ai fait mes études à Belgrade à l’École des Beaux-arts, section estampe. Je m’étais inscrit à la section peinture, mais j’ai demandé un transfert pour étudier l’estampe. Chose vraiment inhabituelle, car tout le monde fuyait cette section pour devenir peintre, si « libre » dans son expression. Ce qui m’attirait dans l’estampe, ce côté technique, chimique, un peu alchimiste, les faisait fuir. J’ai connu la peur et l’incompréhension des peintres à l’égard de l’estampe très tôt. En commençant à travailler sur Goetz, j’étais déjà ravi de travailler sur quelqu’un qui aimait l’estampe au point d’inventer de nouveaux moyens d’en réaliser. C’est ainsi que mon travail sur Goetz a commencé. Cela fait

Avant-propos

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donc plus de deux ans que je mène des recherches sur sa vie, son œuvre gravé et sur son enseignement de la gravure. Cela fait deux ans que je suis plongé dans l’univers magnifique de son œuvre, deux ans que j’ai l’impression de côtoyer cet homme doux et cet artiste fin. Un petit nombre de sources, archives et d’études disponibles sur son œuvre gravé m’a amené à fonder mes recherches presque principalement sur les témoignages des personnes qui le connaissaient, ses amis, ses élèves. Et cela n’est-il pas exactement le rôle d’un historien d’art, apporter un témoignage sur son époque par le contact avec les vivants pour les générations à venir ? Les archives sont là et seront toujours là pour répondre silencieusement à nos questions, mais les gens disparaissent et les souvenirs s’envolent, il faut donc les capturer avant qu’il ne soit trop tard, pour faciliter le travail des futurs chercheurs. Henri Goetz est mort il y a exactement deux décennies 1, ce qui est une période de temps non négligeable. On s’attendrait à ne pouvoir rencontrer que très peu de ces contemporains. Pourtant, il était de ces grands hommes jeunes d’esprit, toujours entouré de gens plus jeunes que lui, avec lesquels il communiquait et partageait toute son expérience et son savoir-faire en s’inspirant en retour de leur jeunesse, de leurs idées fraiches. Il existe donc toujours un grand réseau de personnes qui peuvent témoigner de première main de la personnalité, de la vie et de l’œuvre de Henri Goetz, en particulier sur la seconde partie de sa vie artistique. Généreux et attentif, Goetz était aimé de tous, et les gens ont répondu spontanément à mes questions. En parlant de Goetz, ils avaient le sentiment de lui rendre une partie de l’amour et du respect qu’il leur manifestait à tous. Je leur suis énormément reconnaissant pour cela, car leurs témoignages ont pratiquement construit mon 1

Le 12 août 1989.

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Avant-propos

travail.


La liste des gens qui ont répondu à mes questions et ceux qui ont contribué à mon travail d’une manière ou d’une autre s’est rallongée au cours de ces deux dernières années. Je tiens d’abord à remercier très chaleureusement ceux qui ont partagé avec moi leurs souvenirs de Goetz : Madame Hélène Laffly, Madame Christine Leurent, Madame Hélène Trintignan, Madame Denise Zayan, Madame Lorraine Bénic, Madame Marie-Geneviève Havel, Madame Evelyne Cail, Madame Anne-Marie Leclaire et Monsieur Claude Raimbourg, Monsieur Jean-Pierre Geay, Madame et Monsieur Claude Bourguignon, Monsieur Jean-François Aittouarès, Monsieur Michel Melot, Monsieur Dikran Dadérian, et Monsieur Numa Hambursin. Grâce à leurs témoignages, je me suis rapproché de l’artiste et de son œuvre. Je leur dois toute ma gratitude. Je tiens aussi à remercier les personnes sans qui mon travail n’aurait pas été possible : Madame Marie-Cécile Miessner, conservatrice en chef au Département des estampes de la Bibliothèque nationale de France, où j’ai passé beaucoup de temps à regarder les estampes de Goetz, pour toutes les précisions qu’elles m’ont apportées ; Monsieur Antoine Coron, directeur de la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France grâce à qui j’ai également pu répertorié les livres illustrés de Goetz conservés dans ce département ; Madame Madeleine Servera-Boutefroy ainsi que le personnel du Musée Goetz-Boumeester de Villefranche-sur-Mer ; Monsieur Jean-Claude Rey, fils de Maître Rey, collectionneur passionné et mécène attentif de Perpignan, ami de Goetz, pour m’avoir donné si généreusement l’accès aux lettres que Goetz avait adressées à son père ; Monsieur Carlo Kerg pour m’avoir ouvert les archives de Théo Kerg ; Madame Isabelle Cahn de l’Institut national d’histoire de l’art pour ces précieux conseils ; Madame Corinne Dutrou et Monsieur Dominique Guibert de l’atelier Dutrou à Métairie-Bruyère et à Paris ; Monsieur José Aloy et Madame Pilar Roig des éditions Poligrafa à Barcelone ; Madame Maryvonne Pesteil, conservatrice en chef de la Bibliothèque d’étude et

Introduction

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du patrimoine de la Bibliothèque municipale à vocation régionale de Nice, ainsi que sa collègue Madame Séverine Desclaux ; Monsieur William Cole de la librairie Cole & Contreras Books à Barcelone ; Messieurs Pascal Gauvard et Nicolas du Mesnil du Buisson de l’atelier Pasnic. Tellement d’autres personnes auraient également pu parler de Goetz, mais je n’avais hélas pas assez de temps pour tous les rencontrer. Je pense ici à Madame Josiane Poquet, Madame Tugayé-Domela Lie, Monsieur Pierre Schneider, Madame Osanne, Monsieur et Madame Roger et Françoise Bensasson, Monsieur Martin Bouyr, Monsieur Tristan Bastit, Monsieur Jean Gout-Werner, Monsieur Sam Szafran, Madame Aude de Kerros, Alain Resnais, Zao Wou-ki et d’autres, qui étaient ses élèves, éditeurs, marchands ou amis. Enfin, je tiens particulièrement à exprimer toute ma reconnaissance à mon directeur de recherches, Madame Marianne Grivel, pour ses conseils précieux et ses encouragements.

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Avant-propos


Introduction Henri Goetz est un artiste très connu dans le monde de l’estampe, en France et en peu partout dans le monde. Son nom est associé d’emblée à sa plus grande invention : la gravure au carborundum. On pourrait s’étonner d’apprendre que Goetz se voyait d’abord comme un peintre et se considérait comme un mauvais graveur. Il craignait également que sa notoriété de graveur nuise à ce qu’il considérait comme la partie la plus importante de son art : sa peinture. Et c’est un peu ce qui s’est produit. Si la gravure n’était pas pour lui le moyen d’expression le plus important, Goetz gravait tout de même et il ne s’en privait pas. Et il a fait du domaine de la gravure l’un de ces champs d’invention principaux : ces recherches techniques ont été, en quelque sorte, couronnées par l’invention de la gravure au carborundum, dont il explique les procédés dans un manuel publié chez Maeght éditeur, du moins temporairement, car Goetz ne s’est pas arrêté là. Il a poursuivi ses recherches jusqu’au dernier moment et a laissé derrière lui un œuvre gravé considérable, riche de quelque six cent cinquante estampes, en feuille ou réalisées pour des livres illustrés. C’est à cette activité de Goetz, qui n’est peut-être pas l’activité principale au sein de son œuvre mais n’est en aucun cas marginale, que nous allons consacrer le présent mémoire. Curieusement, et malgré cette notoriété de graveur qui est, nous le dirons sans exagération, mondiale, l’œuvre gravé de Goetz n’a pas fait l’objet d’importantes études. Dans la première monographie sur Goetz, écrite par Jean-Roger Lorsky en 1952, il est beaucoup question de la peinture de Goetz, cette peinture d’esprit surréaliste dans laquelle un grand changement était en train de s’opérer. À cette époque, Goetz avait à peine repris la gravure après la guerre. Lorsky ne lui a pas consacré beaucoup d’attention et n’a reproduit aucune de ses estampes. Cependant,

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il est le seul, parmi tous ceux qui ont écrit sur la gravure de Goetz, à avoir dit un mot sur l’influence potentielle de la gravure sur sa peinture. En parlant de la peinture de Goetz de la fin des années 1940, Jean-Roger Lorsky dit : « Sous l’influence de la gravure, les rythmes s’étaient simplifiés. Goetz pouvait dès lors tenter l’éloquence, inaugurer la magnifique série de pastels qu’il poursuit actuellement » 2. Dans la deuxième monographie sur Goetz, celle de son ami Jean Bruller, alias Vercors, publiée en 1958 aux éditions du Musée de poche, pas un mot sur la gravure, pas une reproduction d’estampe. Il est, en revanche, beaucoup question de la technique, et de ce que Vercors appelait « la quantité du métier », selon lui un grand problème de l’art rarement débattu sur lequel il se penchera longuement dans son texte. Quant aux questions techniques, il semble qu’à l’époque, d’après ce que disait Vercors, Goetz était déjà connu, et non sans raison, comme le peintre qui « en sait le plus sur la technique » 3. Mais Goetz échappait-il aux dangers d’une chute de la « technique » vers une simple « cuisine » ? Oui, nous dit Vercors, car Goetz se questionnait constamment sur la signification fondamentale de l’art et de la peinture. Quatorze ans plus tard, Alexandre Galpérine écrira, également aux éditions du Musée de poche, une nouvelle monographie sur Goetz. En 1972, Goetz avait déjà derrière lui cette magnifique invention qui était la gravure au carborundum. Le peintre « qui en sait le plus » sur la technique a mis au point une nouvelle technique de la gravure, une invention qui allait surtout changer l’approche des peintres envers la gravure. Cette belle monographie de Galpérine a déjà esquissé notre vision actuelle de l’art de Goetz, un art qui évoluait naturellement, sans coupure, sans faille, un art où la maîtrise des techniques apprises « se conjugue avec l’amour de la chose peinte » 4. Goetz était un artiste qui réinventait, pour ses besoins particuliers, les techniques oubliées : tempéra à l’œuf, à la caséine, à la cire, pointe d’or, pointe d’argent. Goetz a épuisé les techniques existantes de la gravure et en a inventé d’autres, comme la gravure au carborundum. Galpérine ne s’attardera pas plus sur les gravures de Goetz, si ce n’est pour mentionner quelques points importants 2

Lorsky, 1952. 3 Vercors, 1958. 4 Galpérine, 1972, p. 24. 5 Christian Tisari est un graveur québécois d’origine française, né en 1941 à Paris. Elève de Goetz, il bénéficie des conseils de Jean Bertholle et s’initie à la gravure avec Lorrain Bénic, elle aussi élève de Goetz puis professeur à son académie, où elle enseignera la gravure entre 1965 et 1969. Tisari s’installe à Montréal en 1971, où il poursuit son travail de peintre et graveur.

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du parcours de Goetz graveur dans la courte biographie à la fin de l’ouvrage. La monographie reproduit huit estampes de l’artiste, réalisées entre 1957 et 1968, ce qui représente exactement la période des recherches intenses sur le nouveau procédé. La raison pour laquelle la gravure est passée presque sous silence dans la monographie de Galpérine pourrait résider dans le fait qu’en même temps, le premier catalogue raisonné de l’œuvre gravé de Goetz était en préparation aux éditions Sonet de Stockholm. Le catalogue a été publié en 1973. L’œuvre gravé de Henri Goetz, 1940-1972, comporte en préface un texte de Christian Tisari 5 et un catalogue de l’œuvre gravé de l’artiste, établi par Gunnar Bergström. Tisari nous


parle d’un des aspects « les plus attachants » de l’abondante production du peintre Goetz, la gravure, que Goetz arrivait à mettre au profit « d’une unité expressive toujours égale et cohérente » 6. Il retrace ensuite rapidement le parcours de l’artiste, en évoquant la diversité des matériaux que Goetz utilisait, puis le « cadre-reliure », une autre invention de Goetz qui touchait à la présentation de l’œuvre, un emboitage qui contenait un nombre donné de gravures interchangeables au gré du possesseur, et enfin le dialogue image-écrit qui attirait Goetz dans l’illustration des ouvrages comme Explorations de Picabia. Il évoque ensuite sa maîtrise des techniques en noir et blanc et l’entrée de la couleur dans l’œuvre gravé de l’artiste ainsi que son don de communiquer généreusement la moindre découverte, en transmettant au plus grand nombre les éléments de sa gravure au carborundum, cette technique élaborée et « prometteuse d’un geste direct et spontané, davantage de liberté en somme », contrairement à ceux qui voient l’originalité dans le secret des moyens. Enfin, comme toujours lorsqu’on parle de la technique chez Goetz, Tisari souligne que « fort de sa fidélité à un principe essentiel en art, il évitera au travers de cet éveil vis-à-vis des moyens, l’écueil qu’ils sont lorsqu’on ne se fie qu’à eux » 7. Dans ce catalogue bilingue anglais-français, nous retrouvons ensuite une biographie de Goetz, suivi d’un extrait de son manuel Gravure au carborundum et d’un court passage sur l’enseignement au sein de l’atelier Goetz. Nous apprenons que les cours de gravure étaient dirigés par Lorraine Bénic et que Goetz enseignait aussi ses procédés aux écoles nationales des arts décoratifs de Nice, de Grenoble et de Paris, ainsi qu’en été à l’école d’Aigalier, assisté de Dikran Dadérian. Le catalogue raisonné de l’œuvre gravé comporte cent soixante-sept numéros. Tous les numéros sont illustrés par des reproductions en noir et blanc, très lisibles, dont quelquesunes sont également reprises comme planches en couleurs. Les reproductions sont accompagnées de notices, mentionnant le titre, la technique, la date, le tirage et le nom de l’éditeur. À la suite du catalogue, l’ouvrage énumère et explique quelques procédés que Goetz utilisait : la sérigraphie, l’eau-forte, l’aquatinte, la pointe sèche, la meule électrique, la fraise électrique, le procédé au sucre, la manière noire, le vernis mou, le papier de verre, le blanc plastique, l’encrage à la poupée, la gravure sur plomb, au burin et à l’échoppe, le procédé Dutrou, la linogravure. Et à la fin de l’ouvrage, Goetz explique que ses recherches l’ont amené à utiliser le carborundum d’une toute nouvelle manière qu’il expose ici en guise de supplément à son manuel précédent. Il faut dire aussi que la publication du catalogue de Sonet était précédée d’une collaboration intense entre l’artiste et la maison d’édition, celle-ci ayant publié pas moins de dix-huit estampes de l’artiste durant les années 1971 et 1972. 6 7

Bergström, 1973, p. 5. Bergström, 1973, p. 7.

À peine quatre ans après, en mai 1977, un nouveau catalogue raisonné de son œuvre gravé a vu le jour, publié cette fois-ci aux éditions Art Moderne à Paris.

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L’ouvrage est préfacé par Oscar Reutersvärd, et l’oeuvre gravé de Goetz présenté par Michel Melot. Le catalogue général de l’œuvre gravé a été établi par Karl Masrour, directeur de la Galerie Bellechasse à Paris, marchand de Goetz depuis 1974. Si ce catalogue est sorti si peu de temps après le premier, son édition était justifiée : il comporte déjà deux cent quatre-vingts numéros, soit cent treize nouvelles estampes en deux ans ! Et cela ne peut nous étonner, car depuis la publication de son manuel sur la gravure au carborundum en 1969 et de son premier catalogue raisonné en 1973, le nombre d’éditeurs de ses estampes a atteint un pic dans les années 1975 et 1976. En 1975, les estampes de Goetz étaient déjà éditées par treize éditeurs différents ! Karl Masrour a très bien compris le potentiel de l’invention de Goetz et il voulait l’exploiter au maximum, à tel point qu’il amenait chez Goetz tous les artistes de sa galerie afin qu’ils y apprennent son nouveau procédé et puissent ensuite s’en servir ou le faire connaître à d’autres artistes. Loin d’avoir l’exclusivité sur les éditions des estampes de l’artiste, de ces cent treize nouvelles éditions, seulement vingt-cinq étaient des éditions de la Galerie Bellechasse de Masrour. La plupart de ces estampes ont été éditées avec d’autres galeries, comme la Galerie Hélène Trintignan ou la Galerie Glemminge à Malmö, en Suède. Auteur du préface du catalogue, Oscar Reutersvärd, professeur et historien d’art suédois, était particulièrement intéressé par le mouvement impressionniste. Et c’est justement en parlant de Monet qu’il commence son texte, en comparant la perspective horizontale du grand maître, réglée toujours sur la surface du motif, avec le regard de Goetz, orienté suivant un plan qui coupe en angle droit celui des impressionnistes et réglé sur la profondeur. Il parle d’abord de la peinture de Goetz, de ce « chercheur des trésors perdus », selon une métaphore empruntée à Christine Boumeester. Avant de retracer son évolution, Oscar Reutersvärd s’arrêtera sur la question du métier chez Goetz, en évoquant sa pratique de l’estampe. Il voit dans les travaux graphiques de Goetz une preuve éloquente de l’unité et de la continuité de sa création. La gravure occupait chez Goetz une place importante sans toutefois se distinguer de la peinture. Goetz passait, sans difficulté, d’un procédé à l’autre. Sa solide formation de technicien et d’artisan a surtout été acquise en expérimentant les diverses techniques de gravure et leurs possibilités d’expression. Souvent, ce que Goetz trouvait dans la gravure, il l’employait dans ces tableaux. Et cela fonctionnait aussi dans l’autre sens : ses pastels étaient souvent la première étape de ses gravures au carborundum. Discutant son invention, Oscar Reutersvärd considère comme « presque une offense », que les critiques d’art louent Goetz pour son habileté à appliquer les diverses techniques graphiques et pour ses découvertes dans ce domaine, en faisant de l’invention de la gravure au carborundum son apport principal. Cette vue simpliste de l’artiste gène Reutersvärd,

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car Goetz, nous dit-il, est avant tout un artiste. Enfin, l’auteur du texte constate que cette tendance à exagérer et à surestimer l’importance d’une technique apparaît plus clairement chez ceux qui glorifient « l’empressement de Goetz » à diffuser la connaissance de son métier. Cependant, cet éloge ne correspond pas à l’idée que Goetz se fait de l’enseignement et à sa conscience qu’au-delà de toute technique, et au-delà de tout enseignement, il y ait une qualité incommensurable « qui échappe à la section d’or, au microscope ou au verbe » 8, cette « essence mystérieuse » qui ne s’enseigne pas. Ce beau texte de l’historien suédois n’a cependant pas approfondi tous les aspects de la création graphique chez Goetz. C’est ce qu’a proposé de faire dans le même ouvrage Michel Melot, à l’époque conservateur au Département des estampes de la Bibliothèque nationale, dans le texte intitulé « Henri Goetz et la gravure ». Il a été aidé dans son tache par Denise Zayan, jeune graveur et assistante de Goetz dans les années 1970. Michel Melot nous confronte à plusieurs paradoxes de l’œuvre gravé de Goetz, qu’il voit comme un « véritable nœud de questions qui déterminent les caractères de l’estampe contemporaine ». Avant de les aborder, notons que ce texte de 1977 sera intégralement repris en 1981, avec quelques changements, dans le catalogue raisonné de l’oeuvre peint de Goetz, publié aux éditions La Nuova Foglio de Milan. Et voici le premier « paradoxe » qu’a trouvé Michel Melot : ni le public ni l’artiste lui-même ne voient aucune différence quant au résultat entre une estampe et un pastel de l’artiste. Il semble que la gravure n’ajoute rien, sur le registre des possibilités formelles, au répertoire du peintre. En voici un deuxième : le procédé que Goetz utilise, et dont il est l’inventeur, est un procédé de peintre. Le principe de la gravure en creux est inversé, ce qui permet de réaliser une « gravure » par addition de matière sur support. Face à cette inversion, la question que s’est posée Michel Melot est donc la suivante : pourquoi graver quand même ? Pourquoi inventer des moyens nouveaux qui ne semblent avoir pour but que de rapprocher la gravure de la peinture ? La première réponse qui était venue à l’esprit de Michel Melot était évidemment la possibilité de diffusion que permet, seule, l’estampe. Mais il s’est aperçu, en revenant sur les années du début de l’activité graphique de Goetz, qu’en 1940, les artistes ne pouvaient espérer grande chose de la diffusion, et qu’en période de crise, il n’y avait pratiquement aucun espoir de vente ni d’édition. Goetz n’était pas l’exception, et ses premières estampes ont été tirées à seulement quelques exemplaires. La diffusion ne pouvait donc pas être la principale raison d’aborder ce 8

Masrour, 1977, p. 17.

moyen d’expression. À ses débuts, seul le livre illustré offrait à Goetz la possibilité d’être édité. Les lithographies, dont Goetz illustre La Femme facile de Georges

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Hugnet et les Explorations de Francis Picabia, étaient une alternative au texte et son contrepoint. Michel Melot voit la même situation dans le rapport entre sa peinture et sa gravure. Pour se faire connaître, les graveurs de l’après-guerre se sont organisés en groupe et ont exposé ensemble sous le nom de « Graphies ». Les recherches techniques prononcées au sein de ce groupe, laissant au second plan la reproduction, décloisonnaient les limites entre gravure et peinture, gravure et sculpture. La gravure était donc principalement un moyen alternatif de manifestation artistique. Les « explorations » de Goetz, techniques et expressives, mettent l’estampe dans une optique où chaque épreuve doit compter, où l’artiste s’exprime autant par les voies qu’il choisit que par les résultats qu’il obtient. Même sans espoir de publication, il veut graver « quand même ». Une autre facette de cette pratique de l’estampe qu’a distinguée Michel Melot chez Goetz, était celle des « variations ». Avec l’essor de l’estampe des années 1960, Goetz, qui ne faisait pas partie des nouveaux venus, a profité de ce mouvement de commercialisation, sans toutefois modifier sa pratique. Il créait toujours pour les mêmes raisons qu’à ses débuts. Son expression est également restée la même. Mais au lieu d’expérimenter dans des directions différentes, l’idée de variation est apparue. À l’intérieur d’une recherche qui signifiait désormais l’expression même, Goetz utilisait la gravure comme un « multiple variable, alternative d’elle-même, par ses formes renouvelables à partir d’une même matrice » 9. Michel Melot observe que l’invention de la gravure au carborundum a stimulé et accru la production de Goetz. Ses inventions étaient essentielles à son travail artistique, au point de définir la pratique de l’estampe, sans avoir d’impact sur le contenu de l’œuvre. Mais la peinture est restée son activité principale malgré la multiplication des éditions dans les années 1970, et la gravure était toujours un moyen alternatif, une autre façon de peindre. De la peinture, Goetz passait à l’estampe, de l’estampe pouvait naître un pastel et inversement. En s’auto-corrigeant, par les mauvaises épreuves rehaussées au pastel, Goetz corrigeait aussi l’idée de reproduction dans l’estampe. Il retournait ce mouvement de l’image vers sa multiplication, où la gravure revenait à la peinture. Peintre dans la gravure, Goetz n’effectuait plus le travail spécifique de graveur. Pourtant, il en est demeuré un. Ne cherchant pas à faire d’effet, Goetz avait horreur du monotype, cette pratique des peintres-imprimeurs. Au contraire, Goetz cherchait des procédés de gravure qui lui permettraient d’exprimer sur une plaque le travail du peintre, complexe et longuement construit : et c’était la gravure qui lui offrait 9

Masrour, 1977, p. 40.

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ces possibilités d’invention. L’intérêt de Goetz pour l’estampe résidait dans les possibilités de découverte, hors de toute quête de virtuosité, car il ne s’agissait


pas de subordonner la création à la technique, mais d’identifier le langage à la technique qui devenait ainsi le langage même. Sa manière de pratiquer l’estampe, ses capacités à reproduire la différence et à différencier la reproduction, a permis à Michel Melot de conclure que c’est là que réside l’explication de cet œuvre gravé d’un artiste qui se veut d’abord peintre, la raison pour laquelle Goetz grave « quand même ». Au-delà des questions techniques et de l’évocation des inventions et de la gravure au carborundum, Michel Melot s’est penché, dans son analyse, sur la question fondamentale qui s’impose tout naturellement dans le cas de chaque artiste qui fait de l’estampe, et particulièrement lorsqu’il s’agit d’un peintre-graveur : pourquoi grave-t-il, et quelle place occupe la gravure dans la création globale d’un tel artiste ? Nous avons remarqué au début de notre analyse du texte de Michel Melot, que le même texte avait été, avec quelques changements, repris quatre années après, en 1981, dans une publication cette fois consacrée principalement à l’oeuvre peint de Goetz, mais dont les textes, écrits par plusieurs auteurs différents, parlaient aussi des estampes de l’artiste. Elles n’ont pas été toutefois ni reproduites ni répertoriées. Nous constatons que la vision de l’auteur, en ce qui concerne l’œuvre gravé de Goetz, n’a pas changé. Il souligne, au début de ce texte repeis, que l’œuvre de Goetz en gravure n’est en aucun cas un catalogue de techniques, mais un langage graphique et pictural exprimé par d’autres moyens que le dessin et la peinture mais dans les mêmes termes. Pourtant, il ne s’agit jamais, précise Michel Melot, d’une reproduction pure et simple. En voulant dire la même chose que dans la peinture, les moyens employés se sont pourtant avérés irremplaçables. Et l’auteur du texte constate, encore une fois, que l’estampe devient dans ce cas, au lieu d’une reproduction du résultat déjà obtenu dans la peinture, un moyen alternatif. Cette belle et juste analyse de l’œuvre gravé de Goetz par Michel Melot que nous venons d’évoquer, précède dans l’ouvrage de 1977 le catalogue raisonné des estampes de Goetz établi par Karl Masrour, dont la présentation matérielle est tout à fait contestable. Tout d’abord, les reproductions en noir et blanc sont trop petites, souvent sans suffisamment de contraste et dans nombre de cas, illisibles. Deuxièmement, elles ne sont pas suivies immédiatement des notices, ce qui ne facilite vraiment pas la consultation et contraint le lecteur à feuilleter sans cesse l’ouvrage. Un certain nombre d’estampes n’est ni illustré ni accompagné, dans quelques cas, des dimensions, ce qui rend impossible l’éventuelle identification de certaines estampes. Ensuite, le n° 162 du catalogue est tout simplement omis

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de la numérotation. Il est aussi difficile d’expliquer pourquoi quatre estampes appartenant à la même édition portent les n°s 225, 225-A, 226 et 226-A, alors que dans d’autres cas, les numéros se suivent normalement. Il est encore plus difficile de comprendre le fait que certaines estampes (n°s 98, 119 et 163) soient reproduites à la fin du catalogue, après avoir reçu de nouveaux numéros (n°s 278, 279 et 280) et que leurs notices soient répétées alors qu’elles existaient déjà. Si nous prenons en compte toutes les erreurs contenues dans le catalogue de Karl Masrour, il ne comporte en réalité que deux cent soixante-dix-huit numéros. Nous tenons également à souligner la mauvaise qualité générale de l’édition, la mise en page, la qualité du papier et du pelliculage de la couverture, et d’autres défauts concernant la présentation physique de l’ouvrage. L’œuvre gravé de Goetz mérite certainement une meilleure présentation, comme l’était celle du catalogue de Sonet, et il faudrait un jour honorer Goetz d’un catalogue qui soit digne de la qualité son œuvre gravé, où des reproductions en couleurs pourraient montrer toute la splendeur de ses estampes. Le catalogue de 1977 était aussi l’occasion pour Goetz de faire le point sur ses dernières recherches dans le domaine de la gravure au carborundum. Dans le catalogue de 1973, rappelons-le, il avait déjà expliqué une nouvelle façon d’utiliser les grains du carborundum et de se servir des plaques d’aluminium anodisé. Cette fois, il en profite pour présenter les nouveaux matériaux qu’il emploie, plus pratiques ou plus efficaces, tout en gardant les mêmes principes. Nous avons aussi l’impression que Goetz a aussi senti le besoin de simplifier et de clarifier la manière d’expliquer ses procédés. Nous aborderons les détails de ces nouveaux procédés simplifiés dans la partie de ce mémoire consacrée à son invention. Si nous nous sommes longuement attardé sur le texte de Michel Melot, c’est parce qu’il représente la seule étude approfondie de la pratique de l’estampe chez Goetz jusqu’à présent. D’autres auteurs ne s’éloignent pas beaucoup des idées de Melot dans leurs approches. Dans le catalogue de l’oeuvre peint de Goetz, publié en 1981, que nous venons d’évoquer pour la deuxième publication du texte de Melot, nous retrouvons aussi, rassemblés, quelques textes sur Goetz écrits par différents auteurs. Provenant de divers catalogues d’exposition, hormis le fait de traiter principalement sa création artistique en général ou uniquement sa peinture, ils abordent parfois aussi la question de l’estampe dans son œuvre. Dans le texte ouvrant cet ouvrage, Bernard Dorival remarque que la qualité de la matière chez Goetz vient également de son « alchimie ». Et à cet égard, rien n’est plus significatif que le procédé inventé par Goetz, grâce auquel il créé des effets inédits. Mais ce serait une injustice, nous dit Bernard Dorival, de voir dans la magie de Goetz rien

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d’autre qu’une « cuisine ». Voilà encore ce mot terrible qui surgit à chaque fois que l’on parle de Goetz inventeur. Bernard Dorival nous assure pourtant qu’il n’en est rien chez Goetz puisque même ses œuvres « les plus simples », ces dessins, pour lesquels Goetz ne se sert pas « d’instruments compliqués », nous enchantent pas moins que les merveilleux effets de ses gravures. D’autres auteurs des textes de ce catalogue soulignent, comme Jean Guichard-Meili, la générosité de Goetz de partager ses recherches techniques, ou comme le fait Gérard Xuriguera, la place éminente qu’il a comme graveur, grâce à son invention de « première importance ». Gérald Gassiot-Talabot s’accorde avec Michel Melot sur le fait que Goetz ne modifie rien à son approche par rapport aux moyens et aux particularités techniques de la gravure comme le font d’autres. Toujours peintre, il place la gravure au centre de ses préoccupations. Elle est pour lui une nécessité et elle participe, au même titre que la peinture, d’un large mouvement d’appréhension du monde des formes. En renversant le principe de la gravure en creux dans la gravure au carborundum, Goetz crée une dynamique à l’intérieur d’un genre « particulièrement rigide ». La gravure au carborundum est son apport le plus original et le plus profond. D’après Georg-W. Költzsch, et nous sommes ici exactement dans la lignée de Michel Melot, Goetz invente des nouveaux procédés pour différencier et multiplier les possibilités d’expression. Une approche plus nuancée est apportée par Guy Sautter, qui trouve les possibles origines de la maîtrise technique et de l’imagination créative de Goetz dans son « atavisme alsacien », lui donnant, consciemment ou inconsciemment, l’accès à cette tradition nordique où ces deux aspects étaient toujours féconds. En effet, Goetz a situé sa « première rupture » dans son art après son premier voyage en Hollande en 1935 : « La vue des vieux maîtres hollandais et flamands me donna envie de m’exprimer avec des moyens plus méticuleux, plus précieux, et l’art abstrait me libéra de certaines chaînes, tout en stimulant mon imagination » 10. La démarche technique de Goetz, inclassable et sans frontières, est indissociable de son expression et sa recherche qui priment sur tout le reste. Dans la peinture de Goetz, dans laquelle il laisse une place importante aux techniques, Sautter reconnaît le graveur dans l’accès à l’essentiel par la simplicité. Peintre en gravant, Goetz ajoute aux correspondances entre le pastel et la peinture à l’huile, celles entre le pastel et la gravure. Dans cette « technique sans mensonge possible », il introduit des possibilités de liberté. Sautter voit dans ce fait l’apport essentiel du procédé de Goetz dans l’évolution de la gravure. Goetz transcende les frontières 10

Goetz, 2001, p. 156.

entre les techniques et les oppositions classiques et les distinctions reçues

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sont brisées. « L’art de Goetz, c’est la maîtrise, celle de la technique et celle de l’émotion » 11, conclut Guy Sautter. Nous venons de voir que les écrits sur l’œuvre gravé de Goetz se limitent donc à un seul texte entièrement consacré à cette question, celui de Michel Melot et une suite de textes dans lesquels différents auteurs effleurent à peine cet aspect de son travail. Tous ces textes datent du vivant de l’artiste et n’embrassent donc pas la totalité de sa production. Pourtant, une monographie consacrée à la gravure de Goetz a failli voir le jour en 1989. Cette année-là, Goetz a préparé, avec Jean-Pierre Geay, une monographie sur sa peinture. Elle a été publiée après la mort de l’artiste en août 1989, aux éditions du Cercle d’Art pour la version française et aux éditions Poligrafa de Barcelone pour la version en langue espagnole. La publication d’une autre monographie, également écrite par Jean-Pierre Geay et cette fois consacrée uniquement à son œuvre gravé, était prévue par la suite. Mais cette publication n’a jamais vu le jour, car, d’après les explications de son auteur, les éditeurs se sont brusquement désintéressés de Goetz après sa mort. Jean-Pierre Geay en conserve toujours les notes, environ deux cents pages de texte. Nous espérons qu’un jour, ces notes seront effectivement publiées, accompagnées d’un catalogue raisonné des estampes de Goetz. Après la mort de Goetz, Jean-Pierre Geay a continué à écrire sur l’artiste, et notamment dans les catalogues de deux expositions rétrospectives posthumes, à l’Issoire en 1993 et à Strasbourg en 1995. Dans ce dernier, JeanPierre Geay aborde l’œuvre gravé de l’artiste. Dans un paragraphe de son texte, qui porte le titre « Un magicien de la gravure », Jean Pierre-Geay parle de la gravure au carborundum et de l’intérêt qu’elle a suscité chez les artistes, peintres d’abord. Il souligne la maîtrise parfaite des techniques classiques de l’estampe chez Goetz et nous rappelle que malgré elle, l’artiste est resté avant tout peintre, même dans la gravure. Il la pratiquait toutefois régulièrement, avec un très grand passion. Signalons ici également un texte de l’auteur italien Enzo di Martino publié après la mort de l’artiste à l’occasion d’une conférence sur la nouvelle définition de l’œuvre gravé original, en marge de la Biennale de Venise de 1991. Ce texte est l’un des quatre textes parus dans une publication intitulée Oltre in Segno : quatro maestri della grafica contamporanea

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, une publication présentant quatre artistes de la

gravure contemporaine, Friedlaender, Hayter, Goetz et Emilio Vedova. Le texte sur Goetz est précédé d’une réflexion de l’artiste datant de mars 1977 et dans laquelle il 11

Masrour, 1981, p. 76. Au-delà du signe, quatre maîtres de la gravure contemporaine (notre traduction).

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explique ses idées quant à l’invention de la gravure au carborundum. Goetz explique qu’il n’avait aucune intention de remplacer par sa nouvelle technique les procédés déjà existants. Par sa simplicité et sa rapidité, sa technique permet tout simplement une expression plus directe. Elle s’ajoute aux procédés classiques, les complète


et permet aux artistes de s’exprimer autrement tout en enrichissant la technique par leurs apports personnels. Pour Enzo di Martino, Goetz a inventé cette nouvelle technique personnelle pour pouvoir mieux « fixer » l’apparence mobile et flottante de ses formes. Pour lui, Goetz ne peut pas être considéré comme graveur. Ce n’est pourtant pas à cause du terme « graver » qui suppose que l’on creuse la planche, alors que dans les techniques de Goetz, on ajoute de la matière, mais plutôt parce la conception de la gravure chez Goetz est picturale, cohérente dans les recherches formelles qui privilégient la couleur. Nous pouvons également chercher l’explication de l’œuvre gravé de Goetz dans les écrits de l’artiste. En général, Goetz a peu écrit sur son art. Le nombre des préfaces qu’il a écrites pour les expositions de ses amis et ses élèves dépasse largement la quantité de ses écrits sur sa propre activité. Il serait très intéressant, dans une étude future sur son travail, de s’interroger sur la manière dont Goetz voyait l’art des autres. Cela pourrait aider à encore mieux comprendre comment il voyait son propre œuvre. Quand il dit, par exemple, en parlant des tableaux de Philippe Charpentier : « Il est rassurant de penser qu’il peut exister une peinture saine, naturelle, sans faux problèmes, une peinture instinctive, suffisamment sûre de ses moyens pour nous parler un langage direct : une peinture qui nous atteint sans que nous éprouvions le besoin de la situer ou de lui trouver une parenté » 13, c’est aussi un peu de son art qu’il parle. Ma vie, mes amis, son autobiographie, publiée dans son intégralité en 200114, n’apporte que quelques réflexions sur l’évolution de sa peinture, ainsi que très peu de remarques sur sa gravure. « Il m’est presque impossible de parler de ma peinture », disait Goetz, en croyant ne pas pouvoir prendre suffisamment de distance nécessaire pour en parler, car « ma démarche se confond trop avec ma personne de tous les jours »

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. Retraçant sa vie avec Christine, Goetz consacre

plus de place dans sa propre autobiographie à leurs amis qu’à lui et Christine. Et quand il écrit sur la gravure, c’est au côté technique qu’il s’intéresse. Ces quelques réflexions sur le métier du graveur et sa pratique permettent toutefois de discerner des grandes lignes de son rapport avec la gravure. Goetz accordait une place du premier ordre au métier, dont la technique fait également partie intégrale, estimant 13

Goetz, texte paru le 1er février 1981. 14 Les extraits de cette autobiographie sont publiés pour la première fois en 1982, dans le n°82/10 des Cahiers du Musée national d’art moderne. 15 Goetz, 2001, p. 155.

que son lui, le message qui est évidemment essentiel, ne pourrait prendre forme. Son besoin de s’imprégner du métier correspondait aussi à son activité académique. « J’apprends tous les jours, tant et si bien que je n’ai pas le temps ni l’envie d’aborder des problèmes philosophiques, littéraires, voire déontologiques qui occupent un certain nombre de mes collègues », disait Goetz dans le catalogue publié en 1966 à l’occasion d’une exposition des ses œuvres à la galerie Ariel à Paris.

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Chez Goetz, la question de la place de la technique s’est posée tôt dans sa carrière de graveur. Pendant qu’il exposait avec les graveurs du groupe « Graphies », Goetz a publié en 1950 un texte dans la revue artistique italienne Numero, dans lequel il parle des recherches techniques actuelles à Paris. Dans ce texte, Goetz dénonce le silence des critiques d’art à l’égard des recherches techniques des graveurs et peintres parisiens : « A Paris, on parle beaucoup de la peinture. On répète les mêmes paroles et on discute des tendances, en mélangeant les considérations philosophiques, poétiques, sociales, mais aussi économiques. La technique passe au second plan, car les écrivains d’art la connaissent très peu et pensent l’élucider en la considérant comme de la « cuisine », ce qui ne signifie rien » 16. Goetz a peut-être répondu ici aux « accusations » portées à l’encontre des membres de ce groupe par rapport à l’excès de technicité dans leurs recherches, comme dans un compte-rendu de l’exposition du groupe en décembre 1949 à La Hune : « La tentative de « Graphies » est à suivre et la seule crainte que l’on puisse avoir est que, par amour de l’originalité, ces gravures tombent dans une recherche purement technique en oubliant le côté humain que doit posséder toute œuvre cherchant une résonnance » 17. Dans Numero, Goetz évoque en premier les recherches des graveurs membres du groupe « Graphies », Ubac, Courtin, Fiorini, Flocon. Il explique ensuite le procédé de papyrogravure qu’a utilisé Anton Prinner, artiste hongrois, pour illustrer notamment son Livre des morts. Goetz évoque ensuite les recherches des peintres parisiens Fautrier, Vuillamy, Goebbel, Atlan, Dubuffet, Brauner, Domela ou Marjorie Wallace. À cette époque, Goetz commençait ses recherches sur le pastel et il ajoute dans ce texte une expérience personnelle avec cette technique. Plus tard, Goetz a eu l’idée de publier ses recherches sur la technique du pastel. Il a renoncé à ce projet devant l’immensité du sujet.

16 Goetz, 1950 (texte en italien, ici notre traduction. Texte original : « A Parigi si parla molto di pittura. Si ripetono sempre le seste parole e si discute sulla qualità o sulla tendenza, mescolandovi considerazioni filosofiche, poetiche, sociali, ed anche economiche. La tecnica passa in seconda linea poichè gli scrittori d’arte la conoscono spesso tropo poco e credono di eluderla considerandola « cucina », il che non significa nulla ». 17 Arts, 1949.

Toutefois, lorsqu’il parle de la gravure, ce n’est pas uniquement la technique qui intéresse Goetz. « J’aime aussi la gravure pour ses moyens démocratiques de diffusion », disait Goetz. Ce côté « démocratique » de l’estampe l’amène aussi à voir dans l’estampe un moyen pour les non-voyants de « voir » une œuvre d’art. Dans un texte écrit vers 1948 et publié enfin en 1969 dans le n° 2 des Nouvelles de l’estampe, Goetz explique comment, par le biais des œuvres graphiques avec un certain relief, les non-voyants pourraient apprendre à « voir » une œuvre d’art, en commençant par les figures les plus simples puis en allant, petit à petit et avec un entraînement de plusieurs années, vers des compositions plus complexes. Enfin, la majorité des écrits de Goetz sont sur la gravure au carborundum, son invention principale, en commençant par le manuel qui explique ce procédé,

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publié chez Maeght en 1969. Comme nous l’avons déjà montré, Goetz saisit chaque occasion de diffuser de nouvelles découvertes dans le domaine de son propre procédé et les publie régulièrement. Il l’a d’abord fait dans les articles qui annonçaient son premier catalogue raisonné, celui de Gunnar Bergström aux éditions Sonet en 1973. Il l’a ensuite fait dans le catalogue lui-même et n’a pas manqué l’occasion de le faire également dans le deuxième catalogue raisonné, celui de Masrour en 1977. Nous venons d’évoquer ici des sources disponibles pour se rendre compte de toutes les facettes de la production graphique de Goetz. Il s’ensuit qu’une étude de l’ensemble de son œuvre gravé fait aujourd’hui défaut, tout comme un catalogue raisonné complet, ou au moins un complément pour ses douze dernières années de travail. Nous constatons aussi avec regret que même le double anniversaire qu’on marque cette année – centenaire de la naissance de Goetz et vingt ans de sa mort, n’a pas motivé les institutions officielles d’entreprendre des recherches importantes sur son œuvre gravé ni de montrer par la suite leurs résultats. Sauf quelques initiatives honorables de côté des galeristes comme Hélène Trintignan, Numa Hambursin ou Rémy Bucciali, qui ont consacré en cette année 2009 plusieurs expositions magnifiques à l’œuvre peint et gravé de Goetz, nous déplorons le fait que les institutions françaises concernées, y compris la Bibliothèque nationale de France qui détient la plus grande collection d’estampes de Goetz, sont restées silencieuses. Nous proposons par ce mémoire d’essayer de combler cette lacune. Essayer, car nous ne prétendrons pouvoir donner ici une étude exhaustive qui aborderait en profondeur tous les angles de l’œuvre gravé de l’artiste. Nous avons également été limité par le temps face à un sujet qui s’est avéré dépasser les limites d’un mémoire de recherches. Ce n’est pas que nous pensons avoir mal défini notre sujet ; mais avec la volonté d’apprendre toujours plus et de s’approcher toujours plus près de l’artiste, nous avons découvert un univers immense, une source inépuisable qui pourrait servir à étudier non seulement l’œuvre d’un artiste, mais aussi une époque où la gravure a connu son plein essor. Nous allons donc nous contenter de poser quelques bases à tout ce qui concerne l’œuvre gravé de Henri Goetz. Nous allons d’abord esquisser, dans le premier chapitre, la biographie de Henri Goetz. Retracer son parcours, de son enfance, en passant par son arrivée à Paris où il a connu les tendances actuelles de la peinture contemporaine et ses principaux protagonistes, aux dernières années de sa vie. Nous examinerons également les principaux changements dans son art, qui débute

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par une synthèse unique dans son genre du surréalisme et de l’abstraction, pour finir dans une abstraction hésitante, construite avec un langage personnel des signes abstraits. Dans le deuxième chapitre, nous aborderons le parcours proprement dit de Goetz graveur, en étudiant les cinq décennies de sa production graphique. Nous nous servirons dans cette étude des catalogues raisonnés disponibles, ainsi que de celui que nous venons d’établir. Nous verrons l’évolution des différents aspects de son œuvre gravé, les techniques, les tirages, l’emploi de la couleur. Nous examinerons aussi le côté « pratique » de son activité de graveur, à savoir les expositions, les éditeurs, les imprimeurs, les marchands. Nous analyserons aussi la constitution de la plus grande collection d’estampes de Goetz, celle du Département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France. Ensuite, nous consacrerons un chapitre à la question de la gravure au carborundum, l’invention de ce chercheur infatigable, dont la découverte a donné un nouvel élan non seulement à l’œuvre gravé de l’artiste, mais aussi à la gravure de l’époque. Nous nous pencherons sur la pratique de cette technique chez son inventeur mais aussi chez ceux qui l’ont adoptée. Nous analyserons également les raisons de son succès immédiat. À la fin de ce même chapitre, nous étudierons la question de la place et du rôle de la technique chez Goetz. Le quatrième et dernier chapitre de ce mémoire sera consacré à l’activité d’enseignant que Goetz a pratiquée de 1949 à 1984, en essayant de déterminer, à partir des sources rares constituées principalement des témoignages d’enseignants et d’élèves de son académie, de quelle manière a été pratiqué durant ces trente années l’enseignement de la gravure à l’académie Goetz. Tout au long de notre mémoire, nous essayerons également de donner des réponses possibles à quelques questions qui s’imposent lorsqu’on parle de l’œuvre gravé d’un peintre, ou plutôt, d’un artiste exprimant un intérêt certain pour ce moyen d’expression, à savoir ce que la gravure apporte à son répertoire et quelle est son rapport avec sa peinture.

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Chapitre I

« Connaître la vie d’un peintre permet de mieux approcher sa peinture et partant celle des autres. (…) C’est en examinant une feuille de près qu’on s’ouvre à la connaissance de l’arbre entier » Henri Goetz, dans Ma vie, mes amis

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La donation de Goetz du 27 novembre 1981 comprend 47 oeuvres de sa collection privée (12 de Goetz, 10 de Christine et les oeuvres de leurs amis : Picabia, Picasso, Hartung, Miro, Charchoune, Françoise Gillot, Domela, Gonzalez, Nouveau, Tanguy, Ubac). Il a également fait une donation de nombreux documents artistiques concernant le XXe siècle. Une partie de sa donation a été exposée à partir du 9 octobre 1982, avec la donation de Nina Kandinsky. Ironie du sort, aucun tableau de Goetz n’est exposé actuellement dans l’exposition permanente du MNAM, alors qu’un tableau de Picabia donné par Goetz en fait partie. L’autobiographie de Goetz, Ma vie, mes amis, avait été publiée d’abord en extraits dans les Cahiers de MNAM, n°82/10 de 1982, puis en 2001 aux éditons Climats (toujours disponible sur Internet et à la Galerie Hélène Trintignan à Montpellier). Une des deux copies de ce manuscrit se trouve dans les archives Goetz conservées à la Bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou (voir ci-dessus la couverture du manuscrit). Il semble que Goetz ait aussi enregistré le texte. 19 Lorsky, 1952.

En 1981, après avoir fait une importante donation au Musée national d’art moderne à Paris, Henri Goetz s’est occupé d’une chose qui lui tenait également très à coeur ; sur une vieille machine à écrire, il a commencé à taper le récit de sa vie et de celle de ses amis 18. Goetz aimait les biographies : sa bibliothèque personnelle, située dans une magnifique pièce de sa dernière demeure à Paris, rue de Grenelle, remplie de livres et d’un calme extraordinaire, en était pleine. Comme Numa Hambursin l’a très bien remarqué dans le catalogue des expositions rétrospectives de Montpellier en 2009, au lieu de Ma vie, mes amis, son autobiographie aurait pu porter le titre inverse de Mes amis, ma vie, tant il y est question des hommes et femmes que le couple Goetz-Boumeester a connu durant sa vie plus que de sa propre existence. « L’arbre sait qu’il ressemble à beaucoup d’autres dans l’immense forêt qui l’entoure. Il n’a pas la prétention de se trouver plus important que les autres », a expliqué Goetz modestement en parlant de sa position dans l’introduction de son récit. Son dessein était, a-t-il précisé, « de créer un reflet fidèle de la vie d’un peintre et de son entourage, telle que je l’ai vécue ». Ma vie, mes amis est un témoignage personnel et précieux sur le temps artistique tourmenté de l’avant et de l’après-guerre et sur quelques-unes des plus grandes figures de l’art du XXe siècle. En s’appuyant sur ce récit détaillé de sa vie dont il n’est pas question ici de répéter tous les éléments, nous ne donnerons que des repères chronologiques, enrichies de quelques précisions, résultat des vérifications que nous avons pu effectuer au cours de nos recherches.

Les origines de Goetz La famille de Henri Goetz est d’origine française. Vers 1850, son grand-père Bernard Goetz, alsacien de la région de Colmar, d’Oberschaeffolsheim

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, a

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Fig. 1 En-tête de lettre de «The B. Goetz Manufacturing Company», août 1893. http://beck-ramsay.com/Josiah_ Allshouse/Vintage_Logos.htm

quitté la France pour les États-Unis. Menuisier, après avoir servi dans l’armée de Louis-Philippe, il est parti pour le Nouveau monde. Bricoleur, il a inventé une sorte de réflecteur durant son long voyage afin de mieux éclairer sa lecture, son passe-temps principal, dans sa cabine peu éclairée. Cette invention simple a suscité l’admiration de ses compagnons de voyage et il a rapidement reçu une offre d’un voyageur de première classe d’exploiter cette trouvaille dès leur arrivée à Philadelphie. En 1855, il a ouvert une société de fabrication de réflecteurs, The American Reflector Company. Il a épousé une Américaine avec laquelle il a eu cinq enfants, dont le père de Goetz. Plus tard, il s’est associé avec Frédéric Klemm, qui venait d’acheter le bâtiment où la compagnie était située, à l’angle de la cinquième et de la rue Cherry à Philadelphie 21. En 1887, le grand-père de Goetz a vendu la compagnie à son associé et la famille a déménagé à New York, où son grand-père a fondé The B. Goetz Manufacturing Company (fig. 1). Brusquement, il a quitté sa femme et ses cinq enfants et a disparu pour toujours, laissant le commerce à son associé. À l’âge de onze ans, le père de Goetz, Bernard, enfant cadet, a été renvoyé de l’école, incapable d’apprendre l’orthographe et donc inapte à poursuivre des études plus avancées. Devenu apprenti mécanicien dans une nouvelle industrie de bicyclettes, il a participé à des courses cyclistes, avec un certain succès. Un début de tuberculose l’a empêché de poursuivre cette carrière de cycliste. Durant les quelques années de son séjour à l’ouest de l’Amérique, il s’est mis à écrire des contes, dans l’esprit de Mark Twain, pour gagner sa vie. De retour dans l’Est, il s’est marié avec une jeune fille qui sera la mère de Henri Goetz.

L’enfance aux États-Unis : 1909 – 1930 20

www.klemmreflector.com

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Henri Goetz, de son vrai nom Harry Bernard Goetz, est né le 29 septembre 1909 à New York où son père assumait le poste de directeur d’une entreprise de matériel


Fig. 2 et 3 Henri Goetz avec son père et avec sa mère. Photographies publiées dans Goetz, Cercle d’art, 1989.

électrique. Fils unique, il a reçu une éducation stricte de sa mère, pour qui, comme le raconte Goetz dans son autobiographie, les principes éducatifs remplaçaient l’affection (fig. 2 et 3). Lorsqu’il avait sept ans, sa famille est partie de New York pour s’installer en banlieue, à Far Rockaway, un des quatre quartiers de la péninsule de Rockaway, dans le district du Queens. Goetz y a fait ses études à l’école primaire, secondaire et au lycée. Son rêve de quitter le foyer familial s’est réalisé à l’âge de dix-huit ans lorsqu’il est parti étudier à Boston, au Massachusetts Institute of Technology en vue de préparer une carrière d’ingénieur électricien. C’est à cette époque qu’il a commencé à s’intéresser à l’art et à fréquenter les cours de dessin le soir. En 1929, il s’est inscrit à l’Université de Harvard où il suivait également les cours d’histoire de l’art. Il a ensuite quitté l’université pour pouvoir suivre les cours le matin, l’après-midi et le soir au Grand Central Art School de New York, « pour rattraper le temps perdu » comme il disait. Un jour, une collègue lui a raconté son séjour à Paris et l’ambiance de ses académies d’art. Cela a été suffisant pour déclencher chez Goetz l’envie de partir pour la France.

Fig.4 Ozenfant avec ses elèves, 1933. Devant « Villa Ozenfant », 53 avenue Reille, dans le 14e arrondissement. Henri Goetz est second à partir de la gauche. www.laramee.fr/ozenfant/ amedee_ozenfant.htm

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Fig. 5 Goetz dans son atelier de la rue Bardinet, 1934. Photographie publiée dans Cahiers de Musée national d’art moderne, n°82/10, 1982.

Paris, les années de l’apprentissage : 1930 – 1935 Grâce à l’argent économisé comme caddie au club de golf local les dimanches et jours fériés et comme apprenti électricien pendant les vacances d’été, Goetz a pu financer son voyage à Paris. Il a embarqué sur un cargo au début du mois de juillet 1930. À son arrivée au Havre le soir du 13 juillet, la veille de la fête nationale, Goetz a été impressionné par les festivités. Il s’est rapidement installé à Paris, dans une pension de famille recommandée par un ami de voyage. Deux jours plus tard, sans connaître la langue, il cherchait déjà un lieu pour travailler, un endroit où planter son chevalet. Durant les trois années qui ont suivi, il a fréquenté plusieurs académies. D’abord l’académie Colarossi au 10, rue de la Grande Chaumière, dans le 14e arrondissement, qui a très rapidement fermé ses portes. Ensuite, l’académie de la Grande Chaumière, au numéro 14 de la même rue et en même temps l’académie Julian, rue du Dragon, dans le 6e arrondissement. Durant deux mois en 1933, il a été l’élève d’Amédée Ozenfant dans son académie de l’avenue Reille dans le 14e arrondissement (fig. 4). Intéressé par le portrait et l’étude du nu, Goetz cherchait le modèle vivant. À cette époque, son but était d’exprimer le caractère de ses modèles par une ressemblance extérieure et intérieure au moyen d’une facture expressionniste et très colorée. Il mélangeait hardiment le procédé cubiste et les couleurs expressionnistes. Après un an passé à Paris, hormis un petit voyage à New York pour récupérer ses affaires, Goetz a regagné l’Amérique après que son père ait subi une attaque d’artériosclérose. Il est resté auprès de lui durant toute une année avant de repartir pour Paris. Il a profité de son séjour pour exécuter de nombreux portraits. Son père est mort quelques semaines après son départ.

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Fig. 6 Christine Boumeester et Hans Hartung dans l’atelier de la rue Daguerre. Photographie publiée dans Geay, Goetz, 1989.

Réinstallé en 1932 dans son atelier (fig. 5) au 16, rue Bardinet à Paris 21, dans le 14e arrondissement, Goetz n’a plus jamais remis les pieds en Amérique. À Paris, Goetz s’est retrouvé plongé dans le milieu artistique de Montparnasse. C’était une rupture totale, la première grande rupture de sa vie. Jusqu’à lors, Goetz ignorait tout de la peinture après l’impressionisme. Son ami le peintre Victor Bauer, ancien élève de Kokoschka, lui a ouvert l’esprit à la peinture vivante. « Je dois à Victor Bauer le déclenchement du deuxième stade de mon évolution »

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. Grâce à

lui, Goetz a découvert les œuvres de Picasso, Braque, Matisse, Rouault, l’art de Klee et de Kandinsky. En le fréquentant, il s’est aussi familiarisé avec le freudisme, la politique de gauche, la sculpture primitive, la poésie et la musique d’avant-garde. « Au début, je me suis consacré uniquement au portrait, car la figure humaine me paraissait contenir une chaleur que je n’avais pas trouvée dans mes études où je me préparais à une carrière d’ingénieur électricien. Durant ces six années, la peinture apprise dans les académies me servait à créer des ressemblances et à approfondir l’intimité du regard des autres » 23. En 1935, Goetz considérait que sa période d’apprentissage était terminée et s’est senti prêt à se lancer dans l’aventure de l’invention de sa propre peinture.

La découverte de l’art vivant : 1936 - 1940 À l’ été 1935, Goetz a déménagé au 19, rue Daguerre, dans le 14e arrondissement. Il habitait un bâtiment avec des ateliers d’artistes qui se trouvait dans la cour, au premier étage, quatrième porte au fond du couloir. Ce logement comportait une 21

Archives de Paris, Calepins des propriétés bâtie, D1P4 1278 (rue Bardinet 3-23). 22 Goetz, 2001, p. 28. 23 Goetz, 1975. 24 Archives de Paris, Calepins des propriétés bâties, D1P4 1342 (rue Daguerre 5-21).

entrée, un atelier, une cuisine, deux chambres et un débarras. Le loyer annuel était de trois mille cinq cents francs par an

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. En septembre de la même année,

il a rencontré à l’académie de la Grande Chaumière Anna-Christina Boumeester, qui deviendra sa femme. Hollandaise, Anna-Christina Boumeester est née en 1904 à Djakarta, en Indonésie. Sa famille, indonésienne depuis cinq générations, trouvait ses racines aux Pays-Bas. Il s’est marié la même année à la mairie du 14e arrondissement de Paris. Cette année également, Goetz et Christine ont fait

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la connaissance de Hans Hartung, leur voisin du palier 25, qui exposait lui aussi au Salon des surrindépendants (fig. 6). Ils resteront liés par l’amitié toute leur vie. Hans Hartung était le premier peintre abstrait que Goetz ait connu. Un autre événement important de cette période de leur vie a été l’arrivée du poète Juan Bréa dans l’ancien atelier d’Hartung. Bréa et sa femme, Mary Low, faisaient partie du groupe surréaliste d’André Breton. Goetz a ainsi découvert le surréalisme. Son ami, le peintre allemand Oelze Richard lui a parlé pour la première fois de Dali. À partir de ce moment-là, Goetz et Christine allaient fréquenter les surréalistes Raoul Ubac, Benjamin Péret et Oscar Dominguez. Les surréalistes étaient déjà divisés en deux courants, mais Goetz n’a adhéré à aucun d’entre eux. 25

Dans les registres du recensement de la population de 1936, on trouve les noms de Goetz, Christine et Hartung au numéro 19 de la rue Daguerre, dans le quartier du Petit Montrouge du 14e arrondissement. Henri et Anna Goetz (sic), déjà mariés, sont enregistrés comme artistes peintres, Hartung - sans profession (Archives de Paris, recensement de 1936, résidants ordinaires, 14e arr., Petit Montrouge, D2M8 618). 26 Précision apportée par Goetz sur le questionnaire du Centre de documentation sur les artistes, Paris, Centre Georges Pompidou, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art moderne, bibliothèque Kandinsky, fonds Goetz. 27 Goetz, 2001, p. 155. 28 Galpérine, 1972, p. 12.

Pourtant, il allait subir l’influence du surréalisme grâce à ses fréquentations et aux œuvres qu’il a découvertes. Dès le mois de janvier 1936

26

, Goetz a commencé à réaliser des tableaux de

moins en moins liés au monde réel (fig. 7). Il s’est lancé dans une peinture qui se voulait abstraite, par laquelle il voulait créer un monde « inventé et autonome » 27, pour exprimer son univers intérieur, en abordant les sujets non figuratifs. « Si je choisis le monde non figuratif, c’est que je crois qu’il est plus vaste que l’autre. Je crois qu’il y a plus à découvrir dans l’inconnu que dans le connu. Si la limite du connu est l’inconnu, l’inverse ne me semble pas vrai » 28. Ce changement est resté la seule fraction de son œuvre qui se développait lentement. La décision de rompre avec le monde visible a marqué également la fin de sa période d’apprentissage. La peinture de Goetz était désormais au cœur des courants actuels. En peignant de façon abstraite, Goetz s’est lancé dans l’exploration de ses visions intérieures. Indépendante du monde réel, sa peinture ne correspondait cependant pas à la pratique courante de l’art abstrait, focalisée sur l’expression de la ligne et Fig. 7 Les Habitants de la mer, vers 1937. Huile sur toile, 54 x 65 cm, Galerie Hélène Trintignan, Montpellier.

34

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Fig. 8 Sans titre, 1935-1936. Huile sur toile, 80 x 71 cm, Musée Goetz-Boumeester, Villefranche-sur-Mer.

de la couleur. Dans ses tableaux, Goetz puisait en grande partie de son imagination et pas seulement dans le langage formel. Lui, qui voulait peindre un monde « inventé », s’est rapproché involontairement du monde surréaliste. Formellement aussi : il a utilisé des procédés traditionnels, le glacis, le dégradé, le clair-obscur. Comme chez les surréalistes, l’espace de Goetz était aussi tridimensionnel par une séparation du fond et des formes qui le peuplaient. Sa peinture était proche de celle de Tanguy, mais plus sombre et plus inquiétante, d’une lumière crépusculaire, chargée d’angoisse (fig. 8). « Si Goetz inflige un démenti à notre faculté de concevoir, ce n’est cependant qu’après l’avoir sollicité ; là réside le malaise que nous ressentons devant ses œuvres surréalistes »

29

, a expliqué très bien Jean-Roger Lorsky le

sentiment du spectateur devant le théâtre des formes viscérales qui peuplaient les tableaux de Goetz. Cependant, la peinture de Goetz n’était jamais dirigée que par le subconscient, c’était plutôt l’imagination qui l’emportait. « Je croyais pouvoir créer des formes où mon inconscient rejoindrait ceux des autres. Cette démarche n’était pas étrangère à celle des surréalistes, mais sa réalisation s’opérait dans un univers des formes pour moi abstraites, mais évocatrices d’objets connus, parfois organiques. Cette ressemblance ne m’intéressait guère, ce qui m’éloignait des surréalistes. L’espace de mes tableaux ressemblait à celui des œuvres classiques. Je n’étais pas considéré comme artiste abstrait et pourtant je me sentais plus près d’eux » 30. « Goetz pourrait bien être le seul surréaliste abstrait dans les années 1930 et 1940 », écrivait Alain Bosquet dans L’œil en 1975. Son œuvre se développait entre des courants opposés et c’est ce qui faisait son originalité.

29 30

Lorsky, 1952. Goetz, 1975.

L’esprit surréaliste qui imprégnait sa peinture a engendré des pièces comme les Chefs-d’œuvre corrigés en 1938-1939, nommées ainsi par André Breton après les avoir vues. Goetz appelait cela une « collaboration collective posthume ». Sur Une vie, un oeuvre

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les fonds des reproductions de tableaux, Goetz laissait libre cours aux images associatives que lui suggéraient des œuvres célèbres (fig. 9). Elles ont été exposées dans leur ensemble pour la première fois des années plus tard, en 1975, à la Galerie Jean-Claude Bellier à Paris, dans le cadre d’une exposition rétrospective 31.

Les années de guerre : 1940 - 1945 Le début de la guerre a retrouvé Goetz et Christine en Dordogne, où ils peignaient et s’intéressaient à la préhistoire. Ils sont rentrés tout de suite à Paris. Grâce à sa nationalité américaine, Goetz n’était pas mobilisable. À l’arrivée des Allemands à Paris, en juin 1940, ils ont décidé d’y rester, puisque l’Amérique n’était pas encore entrée dans le conflit. Mais Paris s’est rapidement vidé, et ils sont alors partis pour Carcassonne rejoindre le groupe surréaliste belge de Magritte et Ubac. Deux mois plus tard, ils sont revenus à Paris, dans leur nouvel atelier du 72, rue Notre Dame des Champs, dans le 14e arrondissement, où ils ont fondé, avec Christian Dotremont et Raoul Ubac La Main à plume, première revue surréaliste parue sous l’occupation. C’est à cette époque que Christine et Goetz se sont engagés dans la Résistance. Leur véritable activité était la fabrication de faux papiers, métier dont les secrets leur avaient été révélés par Oscar Dominguez. Leur habileté de peintres et leur connaissance des techniques d’impression ont été mises au service de la lutte contre l’occupant. Avec leur petite imprimerie enfantine, ils imprimaient des 31

Bellier, 1975.

Fig. 9 Portrait de Bossuet, 1939. Tempera à l’œuf sur la reproduction du tableau de Hyacinthe Rigaud (1659-1743), conservé au Musée du Louvre. Série Chefs-d’œuvres corrigées, Musée Goetz-Boumeester, Villefranche-sur-Mer.

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tracts qu’ils distribuaient partout et des affiches qu’ils parvenaient à coller aux murs en jouant les amoureux. En 1942, l’Amérique est entrée en guerre et Christine et Goetz ont été contraints de se cacher, habitant des petits hôtels de Paris. Grâce à Georges Hugnet, devenu leur grand ami, Goetz a pu réaliser des aquarelles sur les pages blanches des éditions de luxe pour les bibliophiles, tels Paul Eluard et Georges Hugnet. « Installé dans une pièce minuscule située dans un ancien couvent, rue Lhomond, j’avais l’impression d’être un moine du Moyen-Âge qui peignait ses enluminures » 32. Goetz et Christine ont fourni aussi les illustrations lithographiées de La Femme facile de Hugnet, plaquette de poèmes publiée par la galerie Jeanne Bucher en 1942. Grâce à un autre projet de Hugnet sur Picasso, Goetz et Christine ont eu l’occasion de rencontrer le grand maître dans son atelier rue des Grands Augustins. Dénoncés par un poète surréaliste tchèque pour leur activité clandestine et comme « membres importants de la Résistance », Goetz et Christine ont quitté Paris précipitamment. Ils ont traversé la ligne de démarcation, aidés par leurs amis résistants. Ils ont échappé de justesse aux patrouilles allemandes et se sont réfugiés en zone libre. Sur la Côte d’Azur, ils ont rencontré Sonia Delaunay, Hans Arp et sa femme Sophie Tauber. Ils se sont installés à Nice où ils ont loué une chambre dans la vieille ville. À Nice, Goetz et Christine fréquentaient De Staël, qui leur avait été présenté par Jacques Matarasso et sa femme. Avec De Staël et sa femme Jeanine, ils ont peint un tableau non figuratif, terminé par De Staël, qui est ainsi devenu son premier tableau abstrait. Introduits par De Staël, ils vendaient régulièrement leurs œuvres à Monsieur Drey qui avait une galerie rue Pastorelli. Longtemps après la guerre, son successeur, Paul Hervieu, est devenu un marchand et un éditeur important de Goetz. Goetz et Christine vendaient leurs tableaux à Monsieur Drey pour des petites sommes et sans carte d’alimentation ni d’argent, ils vivaient une période difficile. Grâce à leur don d’aquarelliste, ils transformaient les tickets d’alimentation de vingt-cinq grammes de pain en tickets de trois cents grammes. La pauvreté, la faim, les difficultés administratives rendaient leur vie pénible. Goetz et Christine ont décidé de partir pour l’Amérique, mais ils ont été empêchés par l’occupation allemande de la zone libre et la fermeture du consulat des États-Unis. Dénoncés de nouveau à Nice, ils ont dû partir pour Cannes. Partis ensuite pour le Cannet, ils ont loué une chambre à Rocheville. Germaine Everling a exposé 32

Goetz, 2001, p. 60.

leurs œuvres dans sa galerie à Cannes. Ils y ont rencontré Francis Picabia qui vivait à Golf Juan avec Olga. Déjà très compromis par leurs activités clandestines, ils

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ont dû cesser tout contact avec les galeries. Jeanne Bucher à Paris avait déjà été interrogée à leur sujet, ainsi que Germaine Everling, après leur seconde dénonciation à Nice. Durant la guerre, leurs noms d’emprunt et leur adresse n’étaient connus de personne, ce qui leur a permis de rester à l’abri de toute malveillance. De nombreux petits emplois exercés à Cannes leur permettaient de survivre. Après l’explosion chez eux d’une bombe à retardement, les Picabia les ont hébergés le temps de trouver un nouveau logement. Pour Goetz, l’amitié avec Picabia « était stimulante, pleine d’étincelles de génie ». Marie-Lluisa Borras, auteur d’une monographie de référence sur Picabia en 1985, décrit les interactions créatives entre Picabia et le couple Goetz-Boumeester : « Le retour à l’abstraction (de Picabia) dans la seconde moitié des années quarante doit beaucoup aux conversations avec ce jeune couple de peintres, Christine Boumeester et Henri Goetz, connu dans le Midi en avril 1942, alors qu’ils fuyaient Paris après la nouvelle de l’entrée en guerre des États-Unis. Ouverts et cordiaux, ils étaient amis avec de nombreux artistes de leur génération, Hartung, Vieira De Silva, Domela, Atlan ou Raoul Ubac avec qui ils avaient fondé La Main à plume, considérée comme l’organe de la seconde vague surréaliste. […] Ces années d’après-guerre signifiaient pour eux aussi une rupture : s’ouvrait une nouvelle étape dans leur activité artistique, du surréalisme on passait à l’abstraction » 33. Un emploi trouvé à la Mairie a permis à Goetz de ne pas partir en Allemagne pour le travail obligatoire. Leurs activités dans la résistance étant terminées, ils sont restés au Cannet jusqu’à la fin des hostilités. Pendant qu’il séjournait au Cannet, Goetz a rendu plusieurs visites à Pierre Bonnard qui s’y trouvait pendant la guerre. Bonnard a partagé avec Goetz son matériel lithographique pour lui permettre de réaliser son projet d’illustration des Explorations de Picabia.

Vers l’abstraction : 1945 - 1960 À la libération, Christine et Goetz ont regagné Paris et retrouvé leur atelier rue Notre Dame des Champs. Ils ont rejoint à Paris leurs vieux amis Raoul et Aguy Ubac, Hans Hartung, les Picabia, Mme Bucher. Ils ont aussi fait de nouvelles rencontres : Francis Bott, Jean-Michel Atlan, Charles Estienne, défenseur de la peinture abstraite, ainsi que René Guilly. Guilly a invité Goetz à faire des reportages pour la rubrique « peinture » de son émission radio hebdomadaire Le Domaine de Paris, diffusée tous les mercredis à la Radiodiffusion française. Chaque semaine, Goetz visitait un atelier d’artiste : Picasso, Picabia, Braque, Brancusi, Kandinsky, 33

Picabia, 2002, p. 90.

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Max Ernst, Gonzalez et beaucoup d’autres. Seule l’émission consacrée à Hartung a été refusée, sous prétexte que l’artiste n’était pas assez connu ! Cette activité a


Fig. 10 Henri Goetz dans le film d’Alain Resnais.

duré six mois. En 1945, pour la première fois après la libération, du 27 mars au 27 avril, Christine et Goetz ont exposé à la Galerie L’Esquisse, quai des Orfèvres. Leur ami Picabia a écrit la préface du catalogue : « J’aime la peinture de Goetz, j’aime ce qu’il dit, parce qu’il a foi en lui-même, il donne un nouveau style à la peinture, ce qui se rencontre rarement, ses tableaux ravissent mon œil et aussi la qualité de son goût, palais qu’il va construire et parcs qu’il va planter loin de l’égoïsme et de l’envie, son infini personnel et sa qualité où la pauvreté du riche est enterrée par sa nature dissipatrice loin des libéralités timides » 34. Un incident a cependant troublé 34

Plaquette de l’exposition à la galerie L’Esquisse, 1945. Paris, Centre Georges Pompidou, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art moderne, Bibliothèque Kandinsky, archives Goetz (voir cidessus la couverture de la plaquette).

cette exposition : une seule œuvre de Goez était accrochée le matin du vernissage. Furieux, Goetz a récupéré ses tableaux. La même année, Goetz a aussi repris sa participation au Salon des Surindépendants. En juin 1946, la première exposition personnelle de l’artiste, retraçant dix ans de sa peinture, a eu lieu à la Galerie René Breteau, rue Bonaparte. À partir de 1947, il a commencé à exposer régulièrement au Salon de Mai et dès l’année suivante à celui des Réalités nouvelles. Plus tard, à partir de 1955, il a également participé au Salon des Comparaisons.

Fig. 11 Hélice chagrinée, 1947. Huile sur toile, 60 x 74 cm, Musée Goetz-Bumeester, Villefranche-sur-Mer.

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En 1947, après avoir vu à l’exposition à la Galerie Breteau les dix lithographies des Explorations de Picabia, où chaque illustration explorait la précédente, Alain Resnais, jeune cinéaste à l’époque, en permission lors de son service militaire, a trouvé cette idée très cinématographique. Il a demandé à Goetz d’en faire un court métrage. Resnais avait aussi à l’esprit les documentaires de Sacha Guitry sur Monet ou Degas. Dans l’émission radio Les étoiles du cinéma, diffusée sur France Inter le 8 janvier 1994, Alain Resnais se souvient avoir pensé que ce serait « amusant de voir les peintres qui ont trente ou quarante ans avant qu’ils ne soient célèbres » et qu’il a ensuite « frappé chez un peintre américain, Henri Goetz ». Dans Portrait de Henri Goetz, tourné en 16 mm, Resnais a filmé pendant trois semaines la lente genèse de l’Hélice chagrinée (fig. 11), fameux tableau de Goetz exposé aujourd’hui au Musée à Villefranche-sur-Mer, de la toile blanche jusqu’à la signature de l’artiste. Le tableau a été nommé ainsi par Resnais, car un motif sur la toile lui rappelait une hélice. Dans ce film qui dure vingt et un minutes, on voit aussi d’autres tableaux de l’esprit surréaliste de Goetz et dix lithographies des Explorations. Resnais a gardé une très bonne impression de l’artiste et un « souvenir de paradis de ce tournage ». Goetz l’a ensuite amené chez Kandinsky, Félix Labisse, et Resnais a réalisé une série des petits documentaires sur le thème « une journée – un peintre », où les peintres partaient d’une toile blanche pour arriver à une toile finie. Resnais a par ailleurs filmé la même année des documentaires sur Christine Boumeester, Hans Hartung, Oscar Dominguez, César Domela, Lucien Coutaud et Max Ernst. L’estime déclenchée par ces films a valu à Resnais la commande en 1947 d’un court-métrage sur Van Gogh, qui a été primé à Venise en 1948 et a reçu l’Oscar du meilleur court-métrage sur deux bobines en 1949. Après la guerre, Goetz était peut-être le seul à croire à la possibilité d’une peinture de synthèse : « Il m’avait semblé qu’une synthèse picturale sortirait de la thèse de l’abstraction, hostile à toute figuration, et de l’antithèse surréaliste éminemment 35

Goetz, 2001, p. 100.

réaliste. Mon art me semblait pointer vers cette finalité »

Fig. 12 Sans titre, 1948. Huile sur toile, 53 x 112 cm, Galerie Hélène Trintignan, Montpellier.

40

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. Mais les deux camps


Fig. 13 Sans titre, 1958. Huile sur toile, 38 x 46 cm, collection Paola Garnier, Milan.

étaient farouchement opposés : celui des surréalistes d’un côté, celui des abstraits de l’autre. Goetz a exposé, avec Christine, du 15 décembre 1945 au 15 janvier 1946 à la Galerie des éditions La Boëtie avec les surréalistes, à une exposition organisée à l’initiative de Magritte afin d’affirmer et relancer le mouvement. Il a également participé à l’exposition internationale surréaliste de la Galerie Maeght en 1947 où il a exposé un tableau et des objets dans une vitrine. C’est la dernière fois que Goetz a participé à une exposition d’un groupe surréaliste. L’art de Goetz s’est détaché progressivement de l’influence surréaliste. Il s’est orienté vers un graphisme où il donnait de plus en plus d’importance à la ligne, devenue un élément important de la composition. Les constructions se sont simplifiées, les figures monstrueuses ont disparu, pour être remplacées par des formes de plus en plus géométriques et autonomes. Une fois de plus, le changement s’est opéré lentement. Désormais, la ligne, la forme, la couleur étaient les sources qui nourrissaient le tableau. Cette conquête de l’autonomie du tableau a été une étape importante dans son art. La période abstraite de 1947 à 1960 a été une période où Goetz a fait le point sur tous les moyens d’expression, il cherchait, choisissait, essayait. Dans ses peintures, l’espace n’était plus le rideau de scène, c’était une réalité sensible (fig. 12). De 1950 à 1960, une géométrisation de plus en plus poussée s’est affirmée. Les formes se sont dépouillées et se sont distinguées les unes des autres. Les couleurs se sont éclaircies et de nouvelles gammes sont apparues. L’abstraction a détourné Goetz de l’approche technique traditionnelle et lui a permis de découvrir le langage des éléments picturaux. La facture a aussi changé. Le glacis a été remplacé par une gestualité. Son abstraction pourtant est restée vivante et spontanée. Elle était employée pour construire le tableau mais elle n’était pas un but en soi (fig. 13).

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En 1949, Christine et Goetz sont naturalisés français. La même année, Goetz a commencé sa carrière d’enseignant. D’abord au sein de son atelier, qui est rapidement devenu insuffisant pour accueillir les nombreux élèves. Après avoir enseigné dans plusieurs académies, il s’est installé dans les anciens locaux d’André Lothe, où il a ouvert sa propre académie, l’académie Goetz. Au début de l’année 1959, Goetz et Christine ont quitté leur atelier Notre Dame des Champs, devenu trop petit pour deux artistes. Leur nouvel atelier se situait au 174 rue de Grenelle, dans le 14e arrondissement. C’était un grand pavillon avec un vaste jardin. Ils y ont installé deux ateliers, un pour Goetz au rez-de-chaussée et l’autre pour Christine à l’étage. Il y avait également suffisamment de place pour y installer une presse en taille-douce. Les contrats avec les marchands leur permettaient désormais de mener une existence matérielle plus aisée, et ils avaient enfin une situation qui stimulait leur production artistique. Ils faisaient aussi beaucoup de sorties à la campagne et passaient leurs étés au Cannet, dans leur cabanon sans aucun confort, mais avec une vue magnifique sur la baie de Cannes. Ils y voyaient presque tous les jours Picasso, définitivement installé à Vallauris.

Imprégné du monde concret : 1960 – 1974 En 1960, la démarche de Goetz a connu un nouveau changement. Goetz et Christine peignaient partout où ils se trouvaient. Pendant l’une de ces sorties, il lui est arrivé de peindre en plein air. De retour à la maison, il s’est aperçu que le tableau était en rapport avec le paysage dans lequel il avait été peint, qu’il avait été influencé par l’extérieur (fig. 14). Après avoir renouvelé cette expérience en choisissant à chaque fois un lieu de travail différent, Goetz s’est rendu compte que le paysage dans lequel il peignait s’infiltrait à son insu dans ses tableaux, qui Fig. 14 Menton, 1966. Huile sur toile, 65 x 92 cm, collection Paul Hervieu, Nice.

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Fig. 15 Nature morte, 1966. Huile sur toile, 60 x 92 cm, Galerie Paul Hervieu, Nice.

devenaient ainsi des tableaux abstraits d’après la nature. C’est de cette manière qu’a débuté la période lyrique de Goetz où il a semblé trouver une réponse qui convenait à son œuvre, par laquelle il a échappé aux dangers du formalisme. Tout a changé : la composition, les couleurs, la technique. L’espace pictural, en corrélation avec l’espace naturel, est devenu plus souple et allusif. Grâce à une ligne plus vivante, les formes se sont assouplies et sont devenues plus légères. Elles baignaient dans une nouvelle lumière et se déplaçaient dans l’espace. La facture classique a été définitivement abandonnée et la touche est devenue presque impressionniste. Les harmonies étaient de plus en plus riches et diversifiées. Durant cette période se situant entre 1960 et 1974, le vocabulaire abstrait de Goetz s’est élaboré et constitué. C’était aussi pour Goetz une période de grandes recherches techniques dans le domaine de la peinture, où les nouvelles techniques intervenaient pour stimuler l’expression. En 1963, Goetz et Christine ont acheté à leurs anciens élèves les Croquin, une maison à Villefranche-sur-Mer, une petite ville maritime à côté de Nice. Confortable, elle est également devenue leur atelier. Cette maison était plus qu’une résidence secondaire, car le couple y passait une bonne partie de l’année. D’autre part, la scène artistique centralisée à Paris les obligeait à être également présents dans la capitale. Pendant l’hiver, Goetz a continué son expérience avec le monde réel qu’il venait de redécouvrir. Il s’est aperçu petit à petit que certains objets, en particulier dans un paysage, retenaient toute son attention. Goetz a compris qu’il suffisait de confectionner lui-même des paysages dans son atelier, avec des branchages, des rochers, des feuillages. Il réalisait des « natures mortes abstraites » d’après des objets installés sur une table, sans toutefois les représenter (fig. 15). Les

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natures mortes, minutieusement disposées au sein de son atelier, lui donnaient des idées de tableaux. « Je trouve que chaque fois que l’on aborde une nouvelle démarche picturale, quelle qu’elle soit, on élargit son vocabulaire, ce qui provoque un enrichissement de l’expression même. C’est pour les mêmes raisons que j’aime changer fréquemment de techniques, allant de la peinture à l’huile à la gravure, et de la gomme de cerisier au pastel, ou du pastel à l’huile à l’acrylique »

36

. Une

des plus importantes « trouvailles » de cette époque a été sans doute la mise au point en 1968 de la gravure au carborundum, le résultat des recherches que Goetz menait déjà depuis dix ans, avec l’aide de ses amis chimistes Erich Schaeffer et Marc Havel. Nous reviendrons plus longuement sur la question de la gravure au carborundum dans le chapitre consacré à ce procédé. En 1971, une grande rupture est survenue dans la vie de l’artiste. Après une maladie ayant duré pendant trois ans, Christine Boumeester est morte le 10 janvier. Elle avait partagé la vie de Goetz pendant trent-cinq ans. « Elle était ce que je voulais être, ce que j’étais un peu devenu. […] Ce déchirement fut ma dernière grande rupture

37

». Il semblait que Goetz avait désormais deux préoccupations dans sa

vie : travailler, comme il avait toujours fait, et faire connaître l’œuvre de Christine. Jusqu’à la fin de sa vie, Goetz a organisé plus que trente expositions de l’œuvre de sa compagne et fait publié de nombreux catalogues et une grande monographie sur sa peinture, avant même de s’occuper de la sienne.

Le théâtre des formes 38 : 1974 – 1989 36

Goetz, 2001, p. 155. Goetz, 2001, p. 161. 38 Titre d’une gravure, éditée par la Galerie La Hune en 1988. 37

À partir de 1974, Goetz est revenu à une peinture d’atelier. « Je n’ai plus besoin de regarder la nature : elle est en moi maintenant ». Après la mort de Christine, l’œuvre de Goetz s’est confonu encore plus avec son existence. Les vingt dernières années Fig. 16 Sans titre, 1982. Huile sur toile, 65 x 100 cm, Galerie Hélène Trintignan, Montpellier.

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de sa vie, Goetz créait hors des nouveaux courants. Son art représentait désormais une fusion entre le monde extérieur et son univers intérieur. Il s’est éloigné du monde concret et sa sémantique picturale a atteint une dimension cosmétique et planétaire (fig. 16). Le poète Jean-Pierre Geay, son ami, a appelé ce nouveau mode de représentation de l’espace chez Goetz le « figuralisme ». Le figuralisme, qui s’oppose à la figuration, est une métaphore du discours musical baroque. Le figuralisme apparaît lorsque la ligne mélodique (l’écriture des notes) dessine visuellement ce que la musique veut suggérer. La figuration puise son référent dans le réel dont elle donne une image transposée, tandis que le figuralisme fait naître une image du réel à partir d’un signifiant abstrait dépourvu de tout signifié. La figuration s’appuie sur la réalité, alors que le figuralisme l’imagine. C’est exactement le cas de Henri Goetz : chez lui, les formes abstraites et les constructions spatiales donnent l’illusion d’un monde existant. Le figuralisme crée la vraisemblance lorsque la figuration veut la ressemblance, l’identité avec ce qui existe. Un autre élément important de la peinture de Goetz vers lequel Jean-Pierre Geay attire notre attention est le vide. Dans ce vide statique ou animé se déploie le monde des formes, flottantes, filantes, instables et se joue l’aventure de la matière. Immense ou réduit, clos ou illimité, céleste, sous-marin ou souterrain, le vide chez Goetz est toujours un milieu actif et peuplé. « Et ce monde invisible qu’il aura peint avec tant de sensibilité n’est-il pas celui que la science, pour sa part, voudrait connaître et expliquer, n’est-il pas une anticipation, une préfiguration de ce que d’autres générations, après nous, pourront voir » 39 ? En 1979, Goetz a exécuté ses premiers pastels chauffés sur papier. L’invention de ce nouveau procédé était le résultat de ses recherches sur le pastel, dont Goetz connaissait parfaitement l’histoire. La technique consiste à chauffer le support, toile ou papier, au contact duquel le bâton du pastel fond. Goetz est parvenu ainsi à peindre avec la matière même, une matière colorée, d’une manière directe et sans aucun intermédiaire. « J’ai aussi créé une technique du pastel à l’huile faisant chauffer le support. Et ce n’est qu’un début », s’est exclamé ce chercheur infatigable dans Mes démarches, lettre publiée dans le catalogue de l’exposition à la Galerie La Pochade en 1975. Goetz avait déjà derrière lui d’importantes inventions mais qui éprouvait toujours le besoin d’aller plus loin. Une autre innovation technique a donné un nouvel élan à l’art de Goetz au début des années 1980. Pendant un de ses voyages, Goetz a visité la Côte d’Ivoire où il a vu comment on fabriquait du papyrus. À son retour en France, il a retrouvé dans le Midi un cultivateur de cette plante et s’est approvisionné en matière première. Il s’est mis à fabriquer ses 39

Issoire, 1993.

propres feuilles de papyrus dans son atelier parisien. Il s’en servait ensuite comme support pour ses pastels et ses dessins. Assez curieusement, Goetz n’a jamais utilisé

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Fig. 17 Un des dernières oeuvres de Henri Goetz, un pastel chauffé, exposé au Musée Goetz-Boumeester à Villefranche-sur-Mer. A gauche, encadrée, on apperçoit une aquarelle sur papyrus.

ce type de support pour ses estampes. À notre connaissance, il n’existe aucune gravure de Goetz imprimée sur papyrus. La faible résistance du support en est-il la raison ? Les feuilles de papyrus fabriquées par Goetz n’étaient sans doute pas assez solides pour servir à l’impression des gravures au carborundum, leur impression nécessitant les papiers forts et fiables du type vélin. Ou y avait-il peut-être une autre raison, de l’ordre esthètique cette fois ? Goetz jugeait-il que la texture prononcée du carborundum ne faisait pas le bon marriage avec la finesse du papyrus, mieux approprié aux techniques fines, comme pastel ou aquarelle ? Une des préocupations majeures de Henri Goetz était depuis toujours d’assurer la durée à son œuvre et à celui de Christine, de faire en sorte qu’ils restes préservés, témoin de leur existence. En outre la publication des ouvrages sur l’art de Christine et l’organisation de nombreuses expositions de ses œuvres, Goetz a employé ses forces à trouver un lieu permanent d’exposition. Un musée consacré à l’œuvre de Goetz et de Christine a été ouvert le 27 décembre 1983 dans la citadelle renovée de Villefranche-sur-Mer. Ce musée est composé de cinq salles, quatre consacrées à Goetz et une consacrée à l’œuvre de Christine Boumeester. Il contient une soixantaine d’œuvres de Goetz et autant de Christine ainsi qu’une trentaine de leurs amis, Picasso, Villon, Miro, Gonzalès, Hartung, etc. Le musée retrace l’évolution de la peinture de Goetz. Dans une des vitrines, une suite de photos de tableaux de Goetz choisis par l’artiste lui-même, une pour chaque année de 1930 à 1983, illustre les changements dans son œuvre. Hormis la brusque décision de 1936 d’orienter sa peinture vers la non figuration, vers la création d’un monde inventé, les autres changements se sont opéré de façon lente et sans heurts. La présentation

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des œuvres est en cours de rénovation et le musée a fêté ses vingt-cinq ans en décembre 2008. Une nouvelle brochure du Musée a été publiée à cette occasion. Au rythme des vacances scolaires, même après avoir cessé d’enseigner en 1984, Goetz passait son temps entre Paris et Villefranche-sur-Mer. Sa santé s’est détériorée vers les dernières années de sa vie. Affaibli par la maladie qui l’empêchait de peindre, et après avoir déjà été hospitalisé une fois, Goetz s’est suicidé dans les dernières heures du 12 août 1989 en se jetant du cinquième étage de l’hôpital Santa Maria de Nice où il était admis le 31 juillet. Ne pouvant plus travailler, Goetz a choisi de mourir. Il est enterré le 23 août dans la 12e division du cimetière Montparnasse à Paris, aux côtés de sa femme Christine Boumeester, morte dix-huit ans plut tôt. Dans la note qu’il a laissée à ces proches, Goetz a écrit : « Je crois que mes quatre-vingt ans n’étaient pas inutiles » 40.

40

Témoignage d’Irène Herlich, dernière compagne de Goetz, dans l’émission radio de José Arthur A l’heure du pop, diffusé le 11 décembre 1989 sur France Inter et consacrée entièrement à Goetz. Bibliothèque nationale de France, archives de l’Institut national d’audiovisuel.

Une vie, un oeuvre

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Chapitre II

« Graveurs unis dans l’amour de leur métier, qui pensent que l’homme aux prises avec la matière est la raison d’être de leur art ». Albert Flocon, dans A la gloire de la main

L’oeuvre gravé de Henri Goetz Les débuts Goetz a commencé à graver en 1940. Le catalogue raisonné de Masrour dénombre huit estampes cette année, quatre pointes-sèches et quatre eaux-fortes, toutes de petit format, à peine douze centimètres pour le côté le plus long. Elles sont tirées en noir, à deux, trois ou maximum cinq exemplaires. Même si les conditions de production étaient plus que précaires, il est évident que ce n’était pas l’idée d’une large diffusion ou d’une possibilité de multiplication qui intéressait Goetz au début de sa carrière de graveur. Les possibilités esthétiques qu’offrait l’estampe n’étaient pas non plus au cœur de sa décision d’essayer ce nouveau moyen d’expression. Ses premières estampes transcrivaient ses dessins de l’époque où son œuvre se développait en étant imprégné de l’esprit surréaliste. Ce n’était non plus la popularité de l’estampe qui en était la raison, puisque c’est quelque chose qui arrivera beaucoup plus tard. À partir de 1938, Henri Goetz a reçu ses premières notions de lithographie et de gravure de sa femme Christine, qui avait appris ces techniques en Hollande, à l’Académie des Beaux-arts de la Haye. En outre, leur ami Monsieur Dutoit, taille-doucier, les a incités à s’y essayer. En guise de presse, Goetz avait acheté un curieux engin dont il ignorait le véritable usage. Avec quelques modifications, ils ont réussi à tirer des épreuves acceptables. Comme la presse manquait de pression, Christine s’asseyait sur une planche au-dessus des rouleaux pour l’augmenter. Plus tard, en 1944, ils ont reçu en cadeau de Johnny Friedlaender une vraie petite presse que l’artiste n’utilisait plus.

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Fig. 18 Explorations, 1947. Trois de dix lithographies de Goetz illustrant le texte de Francis Picabia.

Les premières publications C’est grâce au livre illustré que Goetz a connu sa première grande publication. En 1942, avec Christine, Goetz a illustré La Femme facile de Georges Hugnet, publié aux éditions Jeanne Bucher. Le texte a été lithographié par Hugnet lui-même sur papier report. Deux lithographies de Christine occupaient des pages pleines, treize de Goetz se mêlaient au texte, l’entouraient et le complétaient. Pendant la guerre, Goetz a aussi connu sa deuxième publication. Refugié dans le Midi, au Cannet, Goetz fréquentait Bonnard, dans sa villa du Bosquet, que celui-ci avait achetée en 1926 et où il s’était retiré pendant la guerre. Grâce aux crayons lithographiques et au papier-report que lui offrait Bonnard, Goetz a exécuté dix lithographies pour illustrer un livre de poèmes de Francis Picabia : Explorations (fig. 18). Les Explorations n’ont été publiées qu’après la guerre, en juillet 1947, aux éditions Pro-Francia, dans la collection Vrille, dirigée par Edvrard de Rouvre.

Le retour à l’estampe Après la période difficile de la guerre, marquée par les deux publications que nous venons d’évoquer, la véritable production gravée de Goetz a commencé en 1949. L’année était particulièrement féconde : dix-neuf estampes. C’était comme si Goetz voulait rattraper le temps perdu. Les estampes de cette année sont plus diversifiées techniquement et sont d’un format plus grand. Six lithographies dont deux en couleurs (une rehaussée et l’autre en technique mixte, avec linogravure), six eaux-fortes et aquatintes, deux vernis mous et cinq eaux-fortes. En 1949, Goetz s’est attaqué à une grande variété de techniques. Pourtant, après avoir fait six lithographies, Goetz a abandonné cette technique au profit de la taille-douce et il ne fera par la suite que quelques rares lithographies dans sa carrière de graveur. Les tirages de cette année charnière dans sa carrière de graveur sont aussi plus importants, mais ils ne dépassent pas trente exemplaires pour quelques lithographies et varient entre

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deux et vingt-cinq exemplaires pour les eaux-fortes. Cette disparité des tirages entre deux techniques, qui s’explique par le fait qu‘on efface d’habitude la pierre une fois le tirage effectué, joue aussi son rôle. C’est à cette époque que Goetz a conçu une invention qui touchait à la présentation de l’œuvre : le « cadre-reliure ». Plusieurs estampes étaient présentées dans un emboîtage pourvu d’un plat transparent et d’un crochet pouvant servir de cadre, avec la possibilité de changer l’estampe qui apparaît dans l’encadrement. Entre 1940, et ses premiers essais dans l’estampe, et 1949 où il a repris ce moyen d’expression, des changements importants se sont opérés dans l’œuvre de Goetz, et ses estampes reflétaient fidèlement cette métamorphose.

Le groupe « Graphies » L’année 1949 a aussi marqué la naissance du groupe « Graphies ». Sans aucune unité esthétique ni recherche commune, le groupe est fondé pour le simple besoin d’une entre-aide entre les graveurs de toutes orientations et de tous âges. Exposer ensemble et promouvoir l’estampe était le seul but de cette association « démocratique » qui n’avait ni président ni comité. Pas de jury ni d’admission non plus, tous les graveurs qui voulaient collaborer étaient acceptés. Albert Flocon, qui était « l’âme » du groupe, assurait le travail du secrétariat. Néanmoins, il semble que la volonté d’accepter diverses sensibilités artistiques avait ses limites. Goetz a témoigné dans son autobiographie d’un conflit au sujet des œuvres de Georges Mathieu, qui travaillait ses plaques en les frappant avec un marteau. Une telle démarche ne plaisait pas à Flocon, merveilleux buriniste, qui a menacé de quitter le groupe si Mathieu était accepté. Goetz, qui trouvait les résultats de Mathieu excellents, a cédé face à Flocon, mais « non sans regrets » 41. La première exposition collective du groupe, annoncée le 26 février 1949 dans le quotidien parisien Combat comme une « Exposition de jeunes graveurs abstraits », a marqué la naissance du groupe. Elle s’est tenue à la Galerie de Deux Îles, du 1er au 19 mars 1949. Un article paru dans le même quotidien le 3 mars, signé René Guilly, nous apporte des renseignements sur cette exposition. Les « graphies » sur cuivre, plâtre, ardoise et verre de dix graveurs ont été exposées. Les participants étaient : Christine Boumeester, Pierre Courtin, Roger Chastel, Sylvain Durand, Albert Flocon, Henri Goetz, Léon Prébandier, Raoul Ubac, Gérard Vuillamy et Albert-Edgar Yersin. Les différents procédés exposés mettaient en œuvre les contrastes du noir et du blanc ; les ardoises gravées de Raoul Ubac, les 41

Goetz, 2001, p. 88.

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lithographies et les peintures à l’encre sur verre de Goetz, les dessins à la plume de Christine Boumeester, jusqu’aux procédés plus classiques des autres. Guilly a


Fig. 19 Graphies dessins, 1951. Affiche originale de l’exposition à la Galerie Nina Dausset, Paris. Archives Théo Kerg.

conclu son texte en disant que l’exposition était « la sobre victoire du noir et blanc sur la matière ». Peu de temps après, le groupe a exposé pour la seconde fois à Lausanne. L’exposition a ouvert ses portes le 28 mai 1949 à la Guilde du livre. Nous retrouvons l’annonce de cette exposition de graveurs français dans la Gazette de Lausanne du 25 mai. L’auteur du texte a constaté que la floraison de la gravure était encore plus prononcée en France, d’où venaient ces « graveurs (qui) tirent à la même corde ; désireux de remettre en honneur contre le laisser-aller des procédés le plus souvent en cours ». Outre les graveurs qui avaient déjà participé à la première exposition, nous rencontrerons de nouveaux noms : Jacques Villon, Jean Signovert, Jean Fautrier, Roger Vieillard, Jean Bertholle, Camille Bryen, Marcel Fiorini et Germaine Richier. La prochaine parution d’un ouvrage collectif, À la gloire de la main, a également été annoncée dans le même article. Le 9 décembre 1949, la troisième exposition du groupe à la Galerie La Hune était consacrée au seul ouvrage collectif du groupe, qui venait de paraître, À la gloire de la main. L’ouvrage, tiré à cent soixante-quatre exemplaires et illustré de seize lithographies, une de chaque participant au projet, est sorti le 15 juin 1949. Les seize artistes participants à l’exposition et au projet du livre étaient : Boumeester, Chastel, Courtin, Durand, Fautrier, Fiorini, Flocon, Goetz, Prebandier, Richier, Signovert, Ubac, Vieillard, Villon, Vuillamy et Yersin. La lithographie de Goetz est répertoriée par Masrour sous le n° 10 de son catalogue. Flocon, qui a écrit

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l’avant-propos, a très bien défini ce qui donnait l’unité à ce groupe : « Graveurs unis dans l’amour de leur métier, qui pensent que l’homme aux prises avec la matière est la raison d’être de leur art ». L’ouvrage contenait en outre les textes de Gaston Bachelard, Paul Eluard, Jean Lescure, Henri Mondor, Francis Ponge, René de Solier, Tristan Tzara et Paul Valery. La quatrième exposition du groupe a lieu le 1er avril 1950, à la petite galerie du Séminaire, à Bruxelles. Quelques nouveaux noms apparaissaient parmi les participants : Johnny Friedlaender, Zao Wou-ki, Jean Le Moal, Jacques Duthoo, René de Solier. Après l’exposition, Christian Dotremont a pu écrire : « Le groupe Graphies est le seul groupe actif, vivant, que nous connaissons à Paris »

42

. La cinquième

exposition du groupe s’est tenue le 22 avril 1950, à la Maison des loisirs de La Louvière, en Belgique. Parfois, le groupe n’exposait que des gravures. Dans leur sixième et avant dernière exposition, du 12 avril au 5 mai 1951 à la Galerie Nina Dausset, au 19, rue du Dragon à Paris, vingt-trois exposants se sont confiés au public par leurs dessins, un moyen d’expression très dépouillé (fig. 19). C’est encore dans le quotidien Combat du 17 avril que nous retrouvons un compte-rendu de l’exposition. Parmi les dessins exposés, entendus ici dans le sens le plus large, il y en avait très peu où la couleur intervenait, et la plupart des œuvres étaient très strictement graphiques. Les membres du groupe étaient de plus en plus nombreux, et nous retrouvons aussi chez Nina Dausset quelques nouveaux venus : Ocsar Dalvit, Silvano Bozzolini, Jean Piaubert, Roberta Gonzalez, Théo Kerg, Jean Couy, Ferdinand Springer. « Graphies » rassemble, sans autre préoccupation que celle d’une certaine qualité, des artistes que, en dehors de lui, tout peut séparer », a souligné l’auteur du texte dans Combat. Il a mentionné en particulier les envois d’Ubac et de Piaubert et a regretté que Signovert ne soit représenté que par deux dessins. La dernière exposition du groupe a eu lieu le 15 mars 1952 à la librairie Didier à Nancy, dont elle était l’exposition d’ouverture. Aux participants actifs du groupe se sont joints quelques nouveaux artistes : André Beaudin, Le Louarn et André Sahl. L’invité d’honneur était Picasso, représenté par plusieurs œuvres. Après quelques années d’existence et une activité intense, le groupe s’est dissous en 1952, de même façon dont il était né trois ans plus tôt, modestement et paisiblement. 42

Masrour, 1977, p. 38.

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Les années de recherches Les années 1950 étaient une période de reconstruction. L’économie ayant repris son cours, l’intérêt pour l’estampe a suivi le développement du marché d’art. Les techniques pratiquées étaient les techniques classiques, le bois gravé, la lithographie, la taille-douce. L’estampe avait encore souvent le rôle d’accompagner la peinture, et les galeries spécialisées uniquement dans l’estampe moderne étaient encore très rares. Des galeries et des éditeurs comme Maeght, Kahnweiler et La Hune soutenaient le renouveau de l’estampe en éditant et exposant des graveurs. En 1950, Johnny Friedlaender a fondé avec Albert Flocon et Georges Leblanc sa première école de gravure, l’Atelier de l’Ermitage, dans les locaux de la rue SaintJacques. La même année, Stanley William Hayter est revenue des États-Unis et a rouvert l’Atelier 17. Cette décennie ne semble pas, à en juger par le catalogue de Masrour, des plus fécondes dans l’œuvre gravé de Goetz. De 1950 à 1959, sa production n’a connu que trente-trois estampes. Il y en avait de toutes les techniques, une sérigraphie, exécutée et imprimée par son ami Vercors, deux lithographies, des eaux-fortes et aquatintes, des aquatintes, des vernis mous, une manière noire, un procédé au sucre et trois gravures sur plomb. Le plomb est facile à graver et à attaquer à l’acide. Le dessin est aussi facile à corriger sur une plaque du plomb : on incruste des petits morceaux de métal et on les fait ensuite chauffer à la lampe. En outre, la plaque peut être réutilisée pour réaliser une nouvelle estampe. Il y a toutefois un danger : le plomb est un métal hautement toxique. Goetz réussissait, malgré la mollesse du métal, à en tirer vingt exemplaires, sans aciérage de la plaque. Les gravures exécutées sur plomb ont marqué en quelque sorte le début de ses inventions dans le domaine de la gravure, les inventions qui donnaient à chaque fois un nouvel élan et relançaient la gravure chez Goetz. Les tirages des années 1950 étaient plus importants qu’auparavant, jusqu’à vingt-cinq, cinquante, voire même cent exemplaires. En revanche, les estampes imprimées par ses soins ont été tirées à un tirage plus modeste, une dizaine d’exemplaires tout au plus. Hormis Jacques Goldschimdt, qui a édité ses estampes dans la décennie précédente, Goetz avait quelques nouveaux éditeurs : Boutin à Angers, l’Atelier de Paris, le Musée de poche, la Galerie Ariel, la Galerie-librairie La Hune, le collectionneur et marchand Heinz Berggruen à Paris, la Galerie-librairie Jacques Matarasso à Nice et la Galerie Cavalero à Cannes. Les années 1950 marquent aussi le moment où Goetz a décidé d’introduire la couleur dans ses estampes. La première était le n° 32 du catalogue de Masrour, une sérigraphie, unique dans l’œuvre de Goetz, éditée par Jacques Goldschmidt en 1952 (fig. 20). Cette sérigraphie a été conçue par Goetz,

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Fig. 20 Sérigraphie, 1951. Tirée à 300 épreuves par Vercors, édition Jacques Goldschmidt.

mais a été exécutée et imprimée par son ami Jean Bruller, alias Vercors. Vercors, ancien graveur et dessinateur, avait créé une entreprise de sérigraphie, technique qu’il avait perfectionnée et nommée « Callichromie ». Il a réalisé de nombreuses éditions d’estampes d’après des œuvres d’artistes célèbres, dont Picasso et Léger, entre autres. Goetz a poursuivi l’utilisation de la couleur dans ses estampes et les exemples suivants sont les n°s 35, 41 et 43 du catalogue Masrour. En 1954, Goetz a tenu la première exposition consacrée uniquement à ses gravures en Italie, à l’Institut français de Milan. La deuxième a eu lieu l’année suivante, en 1955, à l’Art Center d’Atlantic City aux États-Unis. En 1950, pour les éditions Boutin d’Angers, Goetz a partagé l’illustration du livre Inductives du jeune poète Max Clarac-Sérou avec Christine, en faisant trois eaux-fortes en noir et blanc. Six estampes du livre ont été tirées entièrement par Goetz et Chrisitine, sur la petite presse qu’ils avaient reçue en cadeau de Friedlaender. Stylistiquement parlant, les années 1950 représentaient la continuité des recherches formelles que Goetz avait entreprises à la fin de la décennie précédente. Ses tableaux étaient depuis déjà un certain temps d’une abstraction très poussée, où le tableau se nourrit de ses propres sources. La ligne jouait un rôle très important au début de cette décennie et lors de sa fin, s’esquissaient déjà les éléments d’un langage pictural propre à Goetz, ce langage constitué des formes flottant dans un vide, si caractéristique de cet artiste. La gravure suivait, comme toujours chez Goetz, les changements qui s’opéraient dans sa peinture. Elle en était toujours le reflet fidèle, mais jamais une simple reproduction mimétique : dans la gravure, Goetz explorait l’univers de son art de la même façon, mais avec d’autres moyens techniques. La gravure est ainsi devenue une partie importante du processus créatif.

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Les années 1960 ont marqué un point important dans l’œuvre gravé de Goetz. Sa production augmentait, soixante-trois estampes en tout. Les tirages sont restés relativement modestes, atteignant rarement cent exemplaires. Ce qui caractérisait cette décennie, c’était l’emploi des couleurs et la diversité des techniques utilisées. Aquatintes, mezzotintes, gravures à la fraise électrique, pointes-sèches, gravures à la meule électrique, vernis mous, burins (certains en technique mixte), gravures sur formica à la fraise, aquatintes brûlées, gravures à l’échoppe, cette liste témoigne de la richesse de l’arsenal technique de Goetz. Certaines de ces techniques sont assez conventionnelles, comme burin ou vernis mou, d’autres moins habituelles, comme l’aquatinte brûlée, où il s’agit de brûler le grain d’aquatinte poser sur la plaque à l’aide d’un chalumeau, afin d’obtenir certains effets. Dans les années 1960, Goetz a atteint son apogée quant à la maitrise des techniques classiques de la taille douce. En même temps, Goetz a activement cherché, durant toute cette décennie, un nouveau procédé qui remplacerait ses anciens procédés et qui lui faciliterait la tâche. Ainsi, les années 1960 étaient également pour lui les années des inventions dans le domaine de l’estampe. Sa plus grande découverte a été, et nous reviendrons longuement dans le chapitre qui lui est consacré, la gravure au carborundum. Cette découverte a marqué la fin de toute une décennie de recherches, que Goetz menait à l’aide de ses amis artistes et chimistes. À partir de 1967, où il a enfin réussi à mettre au point son invention et en faire un système abouti, Goetz s’est lancé dans l’exploration de sa propre technique. Couronnement de ses recherches sur la gravure au carborundum, un manuel consacré à ce procédé, dont nous parlerons également en détail plus tard, a été publié chez Maeght éditeur. Au cours de cette décennie féconde, ses éditeurs se sont également multipliés. Lithograv, Zakarian, Daberkow, Paul Hervieu, Empreinte, Arta, Mouvement de la paix, et quelques autres se sont ajoutés à ses anciens éditeurs, La Hune, la Galerie Ariel, Jacques Matarasso. Parmi les soixante-dix estampes répertoriées par Masrour entre 1950 et 1960, quarante-huit ont été éditées, le plus grand nombre étant édité par La Hune, soit douze estampes. En janvier 1966, à l’occasion de l’exposition Goetz, 13 ans de peinture, 1952-1965, la Galerie Ariel a publié une plaquette illustrée de quelques estampes de Goetz, exécutée sur métal par l’artiste (fig. 21). Cette suite d’estampes se situe dans l’esprit de progression de l’œuvre à l’œuvre. Les planches en noir de deux estampes de la plaquette ont servi d’invariant, les autres en couleurs étant modifiées sur chacune des autres planches, créant ainsi une suite de variations. Cette idée de variation fait fonctionner l’estampe comme variable multiple par ses formes à partir d’une même matrice.

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La gravure de Henri Goetz après 1968 L’année 1968 a été l’année charnière de la production graphique de Goetz. Désormais, il utilisait presque exclusivement son propre procédé, seul ou en combinaison avec d’autres techniques classiques. Le chapitre des recherches techniques s’était achevé, mais voilà qu’un autre avait déjà commencé. Si auparavant, Goetz cherchait à inventer une technique qui lui serait adaptée, dorénavant, il continue ses recherches à l’intérieur de ce nouveau système technique, afin de l’améliorer. Les années 1970 ont été une période où la production graphique de Goetz a atteint son sommet. Le catalogue de Masrour répertorie pas moins de cent quarante-huit estampes pour sept années de travail, et nous avons complété ce nombre par soixante-huit estampes répertoriées jusqu’à la fin de la décennie. En tout, deux cent seize estampes sont répertoriées pour cette seule décennie, soit un tiers de la production totale de Goetz ! En outre, comme nous l’avons déjà mentionné, le nombre d’éditeurs a aussi atteint son sommet en cette période productive. Cette explosion s’explique sans doute d’abord par la popularité grandissante de la gravure au carborundum et le succès de son manuel, qui est réédité en 1974, mais aussi par la toute récente édition du premier catalogue raisonné de l’œuvre gravé, publié en 1973. Hormis les éditeurs avec lesquels Goetz avait collaboré auparavant, comme Empreinte, La Hune, Paul Hervieu, Cavalero, ou encore Daberkow et son tout premier éditeur Jacques Goldschmidt, les années 1970 ont surtout été marquées par un Fig. 21 Variations, 1966. Quelques gravures illustrant la catalogue de l’exposition Goetz, 13 ans de peinture, Galerie Ariel, Paris.

grand nombre d’éditions pour Sonet, la maison d’édition suédoise de Stockholm, la Galerie Bellechasse de Paris et la Galerie Hélène Trintignan de Montpellier. Nous rencontrons aussi quelques nouveaux éditeurs : Vision nouvelle, Francony, Giorgio Upiglio, Jacometti, Champvallins, Gelender, Le Damier, Hautot, Venezia Viva

de Venise, Galerie Christine Leurent de Lille, Tristan Bastit de l’atelier « Sauve qui peut », M’Arte de Milan, Saint-Germain-des-Prés, Le Trait, le collectionneur et ami Pépin, qui ont fait une ou plusieurs éditions de Goetz 43. Une autre caractéristique 43

Répertoire des éditeurs, Nouvelles de l’estampe, n°6, 1971.

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de cette période était les nombreuses expositions consacrées uniquement à la gravure, en France mais également à l’étranger.


Par rapport aux années 1960, les tirages étaient plus importants. S’ils ne dépassaient jamais cent exemplaires, ils descendaient maintenant rarement au-dessous de cinquante. Les formats ont aussi augmenté, allant maintenant des petits formats jusqu’au format B1 (70 x 100 cm) pour les éditions de la Galerie Bellechasse (n°s 264, 265, 271, 272 de Masrour, ainsi que les n°s 79-19, 79-20 et 79-21 de notre catalogue) vers la fin de la décennie, en 1976 et 1977. En ce qui concerne la couleur, elle faisait désormais partie intégrante de l’œuvre gravé de Goetz, et il exécutait rarement une estampe uniquement en noir et blanc, sans avoir ajouté au moins une planche de couleur, porteur d’un ou plusieurs tons, encrés « à la poupée ». La principale technique utilisée dans cette période était la gravure au carborundum et ses procédés, que Goetz mélangeait parfois avec les techniques classiques de la taille-douce, et notamment la pointe sèche, le burin ou l’eau-forte. Il les utilisait principalement pour exécuter les lignes. En revanche, comme la gravure au carborundum facilitait énormément l’emploi de la couleur dans l’estampe, Goetz ne la remplaçait jamais par une autre technique classique, comme l’aquatinte, pour effectuer ses plaques de couleurs. Par ailleurs, les recherches techniques de Goetz de cette période portaient aussi sur la possibilité d’imprimer à partir des textures diverses, collées sur la plaque ou incorporées dans la matière. Il utilisait des papiers peints adhésifs ou des papiers de verre, ou toute autre texture susceptible de retenir l’encre. Toutefois, Goetz n’exagérait pas dans leurs applications qui restaient efficaces mais modestes. Tout au long de cette décennie, Goetz a exploré son propre procédé, trouvant d’autres manières d’employer le carborundum, ajoutant de nouveaux matériaux à ces procédés, mieux adaptés, qui remplaçaient souvent les anciens mais dont l’utilisation s’avérait finalement complexe ou inadaptée à ses besoins. Nous reviendrons sur ces modifications dans le chapitre traitant de sa principale invention, la gravure au carborundum. L’idée de variations restait présente dans l’œuvre gravé de Goetz. En 1974, il a exécuté une suite de variations pour illustrer le recueil de poèmes de Serge Brindeau Le Même au centre aux éditions Empreinte (fig. 22). Cette série de quatre gravures (n°s 225, 225 A, 226 et 226 A de Masrour) faisait varier les plaques de couleurs (deux par estampe), tout en conservant la même plaque « de trait » pour les quatre estampes de la suite. Quel bel exemple de la capacité de l’estampe à « différencier la reproduction » dont parlait Michel Melot ! La cinquième décennie de l’activité graphique de Goetz a été elle aussi marquée par une forte production. Notre catalogue recense plus de deux cents estampes pour les années 1980. Pourtant, cette importante activité a été soutenue par un nombre plus restreint d’éditeurs que dans la période précédente. Les plus importants

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étaient toujours la Galerie Bellechasse jusqu’à 1983 ainsi que les galeries Hélène Trintignan, Jacques Matarasso et Paul Hervieu qui resteront fidèles à Goetz tout au long de cette décennie. D’importantes éditions ont également été faites par Giorgio Upiglio de Milan, Maurice Rousseau, Robert et Lydie Dutrou et Poligrafa de Barcelone. Fig. 22 Le Même au centre, 1974. Procédé Goetz, 33 x 42 cm chacune, édition Empreinte. Quatre gravures de Goetz illustrant le recueil de poèmes de Serge Brindeau.

Moins importants par le nombre d’estampes étaient les éditions de la Galerie Anne Lettrée de Paris, Gravure actuelle, la Maison de la gravure, Martin Böhnke, Jean-Michel Gout-Werner, Galerie Cuppilard, Dollé, Patirno-Tarel, Nahan Galleries des États-Unis et M’Arte de Milan. Les formats et les tirages de cette époque ne reflétaient pas tout à fait l’intensité de l’activité de Goetz : les formats étaient restés réduits, ne dépassant que rarement cinquante centimètres et les tirages, quant à eux, n’allaient jamais au-delà de cinquante exemplaires pour les estampes en feuille, sauf dans le cas des éditions par Poligrafa et Robert et Lydie Dutrou. Goetz gravait toujours avec son procédé, sauf à la demande de certains éditeurs, lorsqu’il avait recours aux procédés classiques, l’aquatinte ou la lithographie. C’était par exemple le cas de quatre estampes en couleurs exécutées en 1988 aux éditions Robert et Lydie Dutrou, pour le livre de Jean-Pierre Geay Chemins de la forêt, créées en aquatinte. C’était également le cas d’une autre édition avec Dutrou au printemps 1989, où Goetz a exécuté en aquatinte quinze estampes en couleurs pour illustrer ses propres textes, intitulés L’Ithos et le pathos des choses. Cette série de quinze estampes est restée inédite jusqu’aujourd’hui. Le livre comporte les textes écrits par Goetz, « une sorte de témoignages presque journalier des choses, promues au rang de l’événement, vécues et transformées par une imagination un peu lyrique », comme Goetz dans l’avant-propos. L’ouvrage n’a été tiré qu’en quelques exemplaires, d’un tirage planifié de cent trente-cinq au total (y compris les exemplaires de chapelle, hors commerce et autres), car le projet a été annulé à cause de la mort de l’artiste. La série a été présenté en 1990 à SAGA à Paris. Un exemplaire, portant le numéro 4, est en possession de la fille de Robert et Lydie Dutrou, Corinne Dutrou. Il est témoin silencieux de ce travail de Goetz, effectué en printemps 1989 chez Robert Dutrou, dans son atelier de La Métairie Bruyère en Bourgogne. Cette série est d’une beauté exceptionnelle, avec un coloris très recherchés. Exécutées en aquatinte, ses plaques cherchent à imiter de façon discrète les effets du carborundum, ce qui donne une facture particulière et presque vibrante à ces pièces (fig. 23). L’ouvrage est tiré sur papier vélin Moulin de Pombié, filigrané « RLD ». Juste avant sa mort, durant l’ été 1989, la maison d’édition barcelonaise Poligrafa a édité une suite de dix estampes de Goetz (n°s 89-01 à 89-10 de notre catalogue,

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Fig. 23 Deux estampes de deux dernières séries de Goetz, exécutées en 1989. A gauche, L’Ithos et pathos des choses n°2 (n° 89-12), aquatinte en couleurs, édition Robert et Lydie Dutrou, et à droite, Sans titre (n° 89-01), lithographie et carborundum (?), éditée par Poligrafa à Barcelone.

fig. 23). L’édition de Poligrafa représente un cas particulier dans son œuvre gravé à plusieurs titres. Neuf estampes de cette suite étaient destinées à accompagner la version espagnole de la monographie de Goetz dont nous avons déjà parlée et dont la publication était prévue cette année-là. Une dixième gravure a été imprimée par Poligrafa à la même occasion pour accompagner la version française de la monographie, aux éditions du Cercle d’Art. Pour quelle raison cette édition était-elle si spéciale ? Tout d’abord la technique : les dix estampes en question semblent ont été exécutées avec une technique mixte de lithographie et de carborundum. Les lignes et les surfaces colorées ont été exécutées en lithographie, tandis que le relief a été obtenu par le gaufrage, à l’aide d’une plaque exécutée probablement au carborundum et imprimée sans encrage en dernier. C’est ce que nous avons pu constater lors de l’analyse des épreuves chez Poligrafa, située rue Balmes à Barcelone. En outre, dans le catalogue de la maison d’édition, ces estampes sont présentées comme étant exécutées en technique mixte. Or, nous avons déjà observé au début de ce chapitre que Goetz avait abandonné la lithographie très tôt, selon ses propres paroles dans Ma vie, mes amis, après quelques éditions pour Jacques Goldschmidt dans les années 1950. Et l’utilisation ici d’une plaque de carborundum pour le gaufrage est un cas unique dans l’œuvre de Goetz. Jamais Goetz ne s’était servi du carborundum de cette manière, et si certaines estampes de l’artiste marquent un relief important, ce relief n’est jamais le but en soi, mais plutôt la conséquence d’une couche importante de matière sur la plaque, portant un élément pictural, une couleur ou une ligne. Un troisième élément mérite aussi notre attention : la planche « de trait » semble être exécuté avec le procédé Goetz et ensuite transférée sur la pierre. Enfin, ce qui suscite également une certaine curiosité, c’est le choix des couleurs. Comme jamais auparavant, Goetz a choisi des couleurs vives, presque violentes.

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Devant ces nouveautés dans l’œuvre gravé de Goetz, certains connaisseurs s’interrogent sur l’authenticité de cette série. Non sur le fait que les estampes soient des faux, loin de là, mais sur l’éventualité qu’elles aient été achevées après la mort de l’artiste, dans une technique inhabituelle pour Goetz, et donc pas entièrement sous sa direction. Plusieurs choses, que nous venons d’évoquer, permettent d’arriver à une telle conclusion : la technique employée, les couleurs, le fait que la suite ait été commencée peu avant la mort de l’artiste. Certains marchands ont également des doutes concernant la signature de l’artiste. Pourtant, le travail de Goetz à Barcelone a été documenté en caméra par Frédéric Nocéra, marchand de Goetz à l’époque (fig. 24). Les séquences de cet enrégistrement ont été intégrés dans un entretien filmé avec Goetz, tourné par Nocéra en 1989 dans l’atelier parisien de l’artiste, rue de Grenelle. Ce film est actuellement disponible sur un site Internet consacré à Goetz, sur l’adresse http://henrigoetz.com/. On y découvre Goetz travaillant sur cette série dans l’atelier de Poligrafa à Barcelone et on y assiste également à l’élaboration d’une estampe de la série, du dessin préparatoire (sans doute un pastel) au bon à tirer. Goetz exécute des plaques de ses propres mains, mais il y a aussi un travail sur les plaques effectué par les mains des taille-douciers. Mais ce qui nous étone dans ce film, c’est que nous y voyons cette estampe executée entièrement en taille douce, à partir de plusieurs plaques pour les couleurs, et une plaque en noir pour les traits, ce qui ne correspond pas du tout à ce que nous avons pu observer sur les épreuves vues à Poligrafa lors de notre visite. Dans le film, on voit les plaques posées dans la boîte à grains, vernies, encrées et imprimées avec une presse en taille-douce. Cet enrégistrement preuve néanmoins que cette série a été conçue par l’artiste luimême et élaborée au moins en partie sous sa direction. Est-ce que après la mort de Goetz, la maison d’édition a trouvé que c’était mieux d’imprimer le tirage dans une autre technique, la lihographie ? Pour quelle raison, nous ne savons pas, tout en sachant que la maison d’édition Poligrafa est connue par ses nombreuses éditions lithographiques. Pour savoir plus sur cette édition, nous avons demandé des précisions aux gens de Poligrafa. Le chef de l’atelier Poligrafa étant mort depuis deux ans, quelques informations concernant cette édition, assez imprécises, nous ont été fournies par le directeur de la maison, Monsieur Joan de Muga. Celui-ci nous a expliqué qu’ils avaient travaillé à partir d’originaux envoyés par Goetz de France, et que l’artiste avait fait de petites retouches sur les planches une fois sur place, lors de sa visite à Barcelone. Cette visite se situe, d’après Jean-Pierre Geay, au mois de juillet 1989, et donc, peu avant l’hospitalisation et la mort de l’artiste. D’après Monsieur de

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Muga, le tirage entier a été envoyé à Goetz à Villefranche, où il était à ce moment-là, pour la signature. Il faut aussi signaler que l’éditeur a marqué l’année 1990 comme l’année d’édition pour ces neuf estampes. Quoiqu’il en soit, cette suite d’estampes reste un cas isolé et particulier dans l’œuvre gravé de Goetz, peut-être une annonce tardive de changement de direction, un changement dont nous ne verrons jamais, hélas, la suite.

Les imprimeurs Nous avons constaté qu’en ce qui concerne les éditeurs, Goetz a vu ses estampes éditées par des grands mais aussi par des petits éditeurs ou particuliers. La situation concernant les imprimeurs était semblable. Goetz a travaillé avec des imprimeurs professionnels, mais employait aussi de jeunes graveurs, leur donnant l’occasion de gagner leur vie en imprimant ses estampes. Lorsqu’il s’agissait d’éditions pour des maisons d’éditions importantes, telles que Vision Nouvelle ou Francony, c’étaient les maisons d’édition qui imposaient leurs imprimeurs. Mais le plus souvent, Goetz avait la liberté de choisir son taille-doucier. En règle générale, il travaillait avec des imprimeurs expérimentés lorsqu’il était question de tirages complexes. En revanche, pour les tirages plus simples, il invitait de jeunes graveurs qu’il connaissait, leur montrait ses procédés et les payait pour effectuer le tirage de ses gravures. Souvent, puisqu’il avait une grande confiance en ses protégés et

Fig. 24 Henri Goetz dans l’atelier de Poligrafa, à Barcelone, en 1989.

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Fig. 25 Ils ont imprimé pour Goetz : avec Maurice Rousseau en train d’élaborer l’édition d’une estampe (à droite). Denise Zayan dans son atelier parisien (à gauche).

pouvait estimait avec précision les qualités personnelles de chacun, il leur confiait également des tirages importants. Comme Goetz partageait son temps entre Paris et Midi, il avait équipé ses deux ateliers, l’un à Paris et l’autre à Villefranche-sur-Mer, de presses pour la taille douce. Il s’agissait de petites presses, que Goetz utilisait pour tirer des épreuves d’essai ou des bons à tirer, mais qui étaient inappropriées pour effectuer de grands tirages ou travailler avec de grandes planches. Une fois satisfait du résultat, Goetz signait le bon à tirer et confiait le tirage à l’imprimeur. Il avait ses imprimeurs à Paris, mais aussi dans le Midi, où il passait beaucoup de temps, d’abord toutes les vacances scolaires lorsqu’il enseignait, puis encore plus de temps après avoir cessé cette activité. Lorsqu’il travaillait sur une édition pour un éditeur qui se trouvait dans le Midi, Paul Hervieu à Nice ou Hélène Trintignan à Montpellier par exemple, ses tirages étaient toujours effectués par Maurice Rousseau (fig. 25), graveur et taille-doucier. En 1968, Maurice Rousseau a fondé, avec Paul-André Richard (né en 1935) et Georges Alloro dir Goa (né en 1946) l’atelier « E » à Villefranche-sur-Mer, au 6, rue Baron de Brès, dans la veille ville. Quelle chance, puisque la maison de Goetz se trouvait tout près, au numéro 38 de la même rue ! Maurice Rousseau est devenu aussi un ami. Il a participé activement à l’amélioration des procédés de Goetz et publié lui aussi un manuel sur les procédés de Goetz dont nous parlerons plus loin. Mais Maurice Rousseau n’imprimait que pour les éditeurs français, il était également l’imprimeur de Goetz pour certaines éditions faites à l’étranger, par exemple pour Grafica Uno de Giorgio Upiglio, ou encore la galerie parisienne de Karl Masrour. Maurice Rousseau est resté le taille-doucier de l’artiste jusqu’à la fin de sa vie. Et même lorsque l’atelier a déménagé à Nice en 1972, sur la Grande Corniche tout près de Villefranche-sur-Mer, ils n’ont cessé leur collaboration. Il semble que

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l’’atelier « E » de Maurice Rousseau avait dans le Midi une sorte d’exclusivité sur l’impression des gravures de Goetz. À Paris, Goetz travaillait avec plusieurs imprimeurs. Selon la complexité du tirage, l’imprimeur était soit un professionnel, comme Luc Moreau qui avait ouvert, en 1973, son atelier au 42, rue Beaubourg à Paris, soit Denise Zayan, jeune artiste à l’époque, pour les tirages moins complexes (fig. 25). Née au Caire, Denise Zayan a résidé au Brésil de 1958 à 1970, où elle a étudié à l’Institut d’art et de décoration de São Paulo. Dès 1968, elle a commencé à graver au Centre de gravure de São Paulo. Elle est arrivée en France en 1970. Sous la direction de Jean Cassou, elle a écrit un mémoire sur Edvard Munch et a étudié la sociologie d’art à la 6e section de l’École pratique des hautes études. Elle a continué à graver chez elle, le bois à cette époque. Intéressée par la gravure au carborundum, elle a envoyé une lettre à Goetz lui demandant des explications. Goetz l’a invitée à venir chez lui, dans son atelier, pour lui montrer sa technique. Peu de temps après, après avoir appris à Denise Zayan à se servir de la gravure au carborundum, il lui a proposé de tirer des estampes pour lui et de gagner ainsi sa vie. De 1973 à 1979, elle a tiré beaucoup d’éditions de Goetz. Elle a commencé par tirer les estampes de Goetz sur la vieille presse en fonte de celui-ci, sans doute celle offerte par Friedlaender. Pendant un an, elle a travaillé dans une petite pièce de son atelier rue de Grenelle, donnant sur une petite cour où, selon son témoignage, il faisait toujours froid. Après avoir estimé qu’elle était sérieuse, Goetz a acheté une nouvelle presse, Lecornet, plus grande que l’ancienne, et l’a installée dans son atelier. Il a construit et fabriqué une table pour cette presse et a équipé l’atelier des encres et du matériel nécessaires. Comme elle maitrisait maintenant ses procédés, Goetz l’a invitée à les enseigner dans son académie. Nous évoquerons l’enseignement de Denise Zayan dans le chapitre sur l’académie Goetz. Tout en enseignant, Denise Zayan a continué à tirer des éditions pour Goetz. En 1979, elle est partie enseigner à l’École des Beaux-arts d’Amiens et a cessé à ce moment-là de tirer pour Goetz. Après le départ de Denise Zayan, c’est Catherine Sergent, élève et assistante de Goetz, qui a poursuivi le tirage de ses estampes. Vers le milieu des années 1980, un couple de graveurs, Claude Raimbourg et Anne-Marie Leclaire, sont devenus les taille-douciers de Goetz. C’était maintenant à leur tour de tirer presque toutes les éditions de Goetz, surtout lorsqu’il était à Paris. Ils vont aussi devenir des amis très proches de l’artiste. Les gravures de Goetz étaient aussi imprimées par d’autres imprimeurs professionnels comme Giorgio Upiglio à Milan, Robert Dutrou à la Métairie-Bruyère et à Paris, Polygrafa à Barcelone, l’atelier Haasen, l’atelier Empreinte, Arte, Baviera, Bellini et d’autres 44. 44 Répertoire des imprimeurs, Nouvelles de l’estampe, n°16, 1974.

Nous venons de retracer l’évolution de l’œuvre gravé de Goetz, l’œuvre qui s’est développé pendant presque cinq décennies. Nous avons vu la production graphique

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de Goetz s’élargir, s’agrandir et mûrir au fil des années, évoqué aussi ses éditeurs et ses imprimeurs. Il nous reste maintenant à voir comment Goetz éditait et exposait ses estampes. Enfin, nous évoquerons les collections, privées ou publiques, qui ont la chance de compter parmi leurs œuvres des gravures de Henri Goetz.

Les estampes en feuille, les albums, les livres illustrés Dans l’œuvre gravé de Goetz, la grande majorité des estampes appartient à la catégorie des estampes isolées, ce que l’on appelle les estampes en feuille. Parfois, elles forment une suite, imprimée en même temps pour un éditeur, mais pas forcément avec un lien thématique ou formel strict entre elles. Dans ces cas, elles sont plutôt liées par la technique et le format, par le tirage et le papier employé. Quant aux albums d’estampes de Goetz, il est possible qu’il en existe au moins un, voire deux. Le premier album, que Goetz mentionne à plusieurs occasions, a été publié d’après lui en 1951 aux éditions des Nourritures terrestres dirigées par Jacques Goldschmidt. Il s’agirait d’eaux-fortes, mais Goetz ne donne aucune précision concernant le nombre d’estampes ni aucune autre information qui pourrait nous aider à identifier les estampes qui appartenaient à cet album. En outre, aucun catalogue raisonné, ni celui de Sonet ni celui de Masrour, ne répertorie un seul numéro en 1951 ! La deuxième publication susceptible d’être un album est la fameuse édition liée à l’invention du « cadre-reliure », un emboîtage contenant plusieurs estampes, mentionnée d’abord par Tisari sans précision de date dans le catalogue de Sonet, puis par Melot comme datant de 1949 dans le catalogue da Masrour. Cette fois non plus, nous ne possédons aucune information sur l’éditeur, la technique, ou le contenu de cette publication. En revanche, dans le catalogue de Masrour, parmi les estampes datant de 1949, trois estampes one été éditées : le n° 10 de Masrour a été exécuté comme illustration de l’ouvrage collectif du groupe « Graphies » À la gloire de la main, et les n°s 26 et 27 ont été édités par Jacques Goldschmidt. Ces deux dernières faisaient-elles partie de cette publication qui pourrait bien être un album ? Ou peut-être que l’album de 1951 et l’édition de 1949 n’étaient en réalité qu’un seul et unique album, publié au début des années 1950 et pour lequel Goetz et Melot se trompaient sur la date ? Peu probable, l’existence de l’album de 1951 est aussi mentionnée dans la monographie que Jean-Roger Lorsky a consacrée à Goetz en 1952 et donc, lorsque sa publication était toujours d’actualité.

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Le catalogue de Sonet apporte également à l’énigme de ces albums mistérieux. Il répertorie une série de neuf eaux-fortes publiées en 1953 pour Jacques Goldschmidt (du n° 33 au n° 41). À l’exception d’une, toutes ont été publiées en vingt-cinq exemplaires et dix épreuves d’artistes. Leurs dimensions sont soit environ 24 x 18 cm soit environ 13 x 18 cm, 12 x 10 cm pour l’une d’entre elles. Elles sont toutes en noir et blanc, hormis une, imprimée en couleur « à la poupée », toutes d’un format vertical sauf deux. Se trouve-t-il parmi elles celles qui appartenaient à l’album en question ? Masrour a divisé cette série dans son catalogue, datant deux estampes de 1949 (n°s 26 et 27), une de 1950 (n°31), et les autres de 1953. Il a séparé par exemple les n°s 31 et 40 par un intervalle de trois années, alors qu’il est évident qu’il s’agit sur les deux estampes des mêmes recherches formelles. Malgré nos efforts et les vérifications que nous avons effectuées auprès des connaisseurs, nous n’avons pu résoudre cette énigme, ni identifier les estampes appartenant à cet ou ces albums. En outre des estampes en feuille et des albums, nous retrouvons chez Goetz les estampes exécutées pour les livres illustrés. Nous avons vu que Goetz avait connu sa première publication tôt dans sa carrière de graveur, en 1942 avec La Femme facile de Georges Hugnet, dont il a partagé l’illustration avec Christine (fig. 26) et en 1943, lorsqu’il a illustré les Explorations de Picabia. Goetz reviendra régulièrement à cette activité aussi après la guerre, et jusqu’à la fin de sa vie, il illustrera d’une centaine

Fig. 26 La Femme facile, 1989 (n° 41-01). Lithographie, 16 x 23 cm (feuille). Une des treize lithographies de Goetz illustrant le texte de Georges Hugnet.

de ses estampes trente-six publications, livres, partitions et monographies. Entre 1949 et 1985, Goetz a illustré onze livres, en commençant d’abord par l’ouvrage collectif du groupe « Graphies » À la gloire de la main. Il a ensuite illustré des livres de ses amis poètes et musiciens Max Clarac-Sérou, Paul Mari, Michel Bohbot, Emanuelle Riva, Serge Brindeau, Jean Guichard-Meili, Jorge Guillen et Nadine Cail. À partir de 1985, une période de collaboration intense a débuté avec le poète JeanPierre Geay, présenté à Goetz par Jean-Louis Meunier, pendant laquelle ils ont

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publié ensemble dix-sept livres, dont un avec participation. Certains contiennent des textes et des essais de Jean-Pierre Geay sur l’artiste, poétiques ou explicatifs. Ensemble, ils ont également conçu la grande monographie de Goetz, consacrée à son œuvre peint. « Vous allez m’expliquer ma peinture », disait Goetz à Jean-Pierre Geay, dont il appréciait les analyses « fines, subtiles et toujours précises » 45. Goetz a également illustré de ses dessins quelques textes manuscrits de Geay. Le premier texte de Jean-Pierre Geay illustré par Goetz s’intitulait Fin de course. Le dernier texte achevé était Resté à part. Les deux derniers livres de Geay sur lesquels Goetz travaillait encore au moment où la mort l’a emporté s’intitulaient respectivement Habiter l’espace, pour lequel deux gravures avaient déjà été réalisées, et Le geste qui délivre, pour lequel Goetz avait réalisé une eau-forte et une gravure au carborundum en couleurs. Durant la même période, Goetz a également illustré ses propres textes Picabia accuse en 1986 et L’Ithos et pathos des choses en 1989, ainsi que deux ouvrages avec Pierre-André Benoît Notes hâtives et Dire… Redire…, La Menthe religieuse avec Pierre Gaillard et Thesaurus avec Jean Guichard-Meili. Dans le catalogue des livres que Goetz et Geay ont faits ensemble, Jean-Louis Meunier explique très bien la façon dont Goetz approchait l’illustration d’un texte : « Réaliser un livre avec Henri Goetz allait de soi. Il suffisait de lui demander et la réponse était oui. Mais un oui donné avec la certitude que le texte à illustrer lui plaisait, qu’il en avait parfois précisé certains points (comme dans ceux qui touchent à son œuvre), ou qu’il savait y rencontrer des recherches esthétiques qui correspondaient aux siennes. En un mot, il avait lu les textes pour lesquels il gravait. Cette attention l’honorait et ne donne que plus de valeur émotionnelle et affective à ses gravures »

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. S’il lisait les textes qu’il devait enrichir et s’en inspirait, ses

gravures ne les « illustraient » jamais proprement dit, dans le sens de la transcription visuelle pure et simple d’un texte. Pour un artiste abstrait, qui puisait son inspiration d’un monde invisible, il était peut-être plus facile d’échapper au « danger » d’être asservi au texte. Mais avec son abstraction toujours hésitante entre le connu et l’inconnu, il arrivait parfois que Goetz s’inspire directement du texte pour en donner une interprétation visuelle. Dans ces cas, il s’agissait toujours de sa propre vision, suggérée par le texte mais jamais entièrement définie et influencée par les propos de son auteur, où Goetz racontait peut-être la même histoire, mais avec ses propres mots qui appartenaient à son langage personnel. Dans ses illustrations, Goetz se trouvait toujours « du même côté du miroir » 47 que l’écrivain. Il était peut-être son semblable, mais jamais son simple reflet. 45 46 47

Ardèche, 1990, p. 16. Ardèche, 1990, p. 42. Ardèche, 1990, p. 34.

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Nous n’entrerons pas dans une analyse détaillée des rapports entre les estampes de Goetz et les textes pour lesquels elles ont été faites. Ce sujet pourrait être celui


Fig. 27 Littérarture, 1982. Procédé Goetz, 16,4 x 24,2 cm. Une des huit estampes réalisées pour le livre de Jean Guichard-Meili.

d’une étude à part, et nous laisserons cette tâche à des chercheurs particulièrement intéressés par les relations entre la poésie et la peinture ou la gravure, qui trouveront dans les livres illustrés par Goetz une source inépuisable de leurs observations. Évoquons toutefois quelques beaux exemples de la collaboration de Goetz avec des poètes. Un véritable chef-d’œuvre du livre illustré est La Femme facile de Georges Hugnet, dont le texte a été lithographié sur la pierre par l’auteur du texte, et l’illustration partagée entre Goetz et Christine (n° 42-01 à 42-13 de notre catalogue). Goetz a exécuté treize lithographies pour cet ouvrage publié en 1942 aux éditions de Jeanne Bucher à Paris. Tandis que trois lithographies de Christine occupaient de pleines pages, celles de Goetz entouraient le texte, le complétaient et l’exploraient. Ici non plus, les illustrations ne sont pas une transcription visuelle du texte, mais une libre construction d’un monde inventé dont certains détails peuvent rappeler les idées de l’auteur comme un écho lointain. C’est comme si les lithographies « illustraient » non seulement les sensations tactiles, visuelles, gustatives, olfactives et sonores, plutôt que de donner une représentation visuelle exacte du texte mais aussi les pensées de celui qui raconte l’histoire, ses sentiments, ses réflexions. Un autre bel exemple est le livre de Francis Picabia Explorations, pour laquelle, rappelons-le, Goetz a réalisé en 1943 dix lithographies hors texte (n°s 47-01 à 47-10 de notre catalogue). Alors que dans La Femme facile, les illustrations exploraient véritablement le texte, dans Explorations, les lithographies s’explorent elles-mêmes et c’est une démarche identique que Goetz a proposée à Picabia pour son texte. Dix lithographies se succèdent dans le livre et chacune reprend, en l’agrandissant et en le complétant un détail lointain et presque invisible de la précédente. A l’instar des illustrations, chaque texte de Francis Picabia reprend

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un morceau de la dernière phrase du paragraphe précédent pour le developper à la suite. Ainsi, le texte et l’illustration se rejoignent dans le même concept, sans se refléter mutuellement. On a l’impression d’un voyage continu vers l’horizon à travers les illustrations que l’on découvre en avançant vers de nouvelles perspectives. Hormis ces deux ouvrages, nous retrouvons aussi de beaux exemples parmi les livres illustrés réalisés plus tard. Ainsi, huit estampes (n°s 82-34 à 82-41) réalisées au carborundum en 1982 pour illustrer l’ouvrage de Jean Guichard-Meili Littérarture (sic)48 sont d’une beauté des couleurs et d’une richesse picturale et d’une matière remarquables (fig. 27). Là aussi, Goetz s’est inspiré du texte, ce qui a donné des œuvres présentant une relation curieuse avec le texte original. La collaboration de Goetz avec Jean-Pierre Geay, dont nous avons déjà parlée, était aussi particulièrement féconde. Dix-sept livres illustrés d’estampes que Goetz et Geay ont publiés ensemble sont de vrais bijoux de bibliophilie. Les essais sur l’artiste que certains d’entre eux contiennent sont des études très justes de son œuvre, gravé ou peint. La monographie de l’artiste de 1989 reste jusqu’aujourd’hui la seule analyse complète de son parcours artistique et de son œuvre peint.

Les expositions de l’estampe Durant sa vie, Henri Goetz a connu plus de cent quarante expositions personnelles, dont une cinquantaine consacrée exclusivement à sa gravure. Par ailleurs, Goetz exposait régulièrement ses estampes à côté de ses tableaux, présentant aussi son activité de graveur comme faisant partie intégrante de son art. Et même lorsqu’il n’exposait que des estampes, elles étaient souvent accompagnées de ses dessins ou de ses pastels faits à partir des épreuves d’essai, ces « gravures corrigées ». Sa première exposition de gravures date de 1954 : elle a été présentée à l’étranger, à l’Institut français de Milan. L’année suivante, également à l’étranger, ses estampes ont été exposées à l’Art Center d’Atlantic City aux États-Unis. Sa première exposition française a eu lieu à La Hune, du 17 au 24 juin 1958, sous le titre Œuvres nouvelles, à l’occasion de l’ouvrage de Vercors consacré à l’artiste, aux éditions du Musée de Poche. Quatre années plus tard, à partir du 12 janvier 1962, également à La Hune, Goetz a montré ses estampes accompagnées de ses dessins. En 1965, plusieurs expositions ont eu lieu : deux à l’étranger, à la Galerie Boisserée à Cologne et à la Galerie Arta, à La Haye, et une troisième à la Galerie Paul Hervieu, à Saint-Paul-de-Vence. En 1969, Goetz a présenté ses estampes en Suède, à la 48

Et non Littérature comme c’est très souvent « mal » orthographié.

Franska Galleriet à Malmö. L’année suivante, en 1970, une exposition a ouvert ses portes à la Galerie Ostermalm à Stockholm et une autre à la Galerie Sylvaine Garnier à Saint-Omer. En 1971 puis en 1972, Goetz a présenté ses estampes dans

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Fig. 28 Exposition consacrée aux estampes de Goetz, rue Cabanel à Montpellier, 2009.

la Galerie de Christine Leurent à Lille, galerie ouverte en 1969. Du 26 mars au 24 avril 1973, pour la dernière fois, Goetz a exposé ses gravures au carborundum et ses gravures corrigées au pastel à La Hune, à l’occasion de la sortie du catalogue raisonné de son œuvre gravé aux éditions de Sonet. La même année, il a également présenté ses estampes à Lisbonne, à la Galerie San Franciso. Une autre exposition a eu lieu chez Christine Leurent du 10 mai au 30 juin 1974. La même année, Goetz a aussi exposé à Angers, à l’École régionale des Beaux-Arts, du 10 au 25 mai, à Venise, à la Galerie Venzia Viva et la Galerie Segno Grafico à Udine. En 1975, ses estampes ont été de nouveau présentées chez Christine Leurent, puis deux fois en Italie, à La Stamperie à Livourne et au Centro d’Arte il Castello à Venise. En 1976, une exposition d’estampes a eu lieu chez Christine Leurent à Lille. La même année, de nouveau en Italie, Goetz à exposé ses estampes au Centro Studi Reggio de Calabria. L’année suivante, il a exposé ses gravures chez Jacques Matarasso à Nice, à la Galerie Artcurial à Paris, ainsi qu’à la Galerie M’Arte à Milan. À partir de 20 mars 1979, le public de Colmar pouvait admirer les estampes de l’artiste à la Galerie du cabinet des estampes de la Bibliothèque municipale de Colmar. Deux ans plus tard, à partir du 9 juillet 1981, Goetz a exposé ses dessins à la pointe d’argent et ses gravures chez Jacques Matarasso à Nice. En 1983, également chez Jacques Matarasso, le livre Littérarture de Jean Guicahrd-Meili que Goetz avait enrichi de ses gravures a été présenté. À la fin des années 1970 et dans les années 1980, il semble que Goetz n’exposait plus ses estampes séparément, même si l’activité dans ce domaine est restée forte. À cette époque, Goetz, chercheur inlassable, était probablement plus intéressé par ces nouvelles découvertes : le pastel chauffé et la fabrication du papyrus. Il n’empêche qu’il a continué à exposer ses estampes à côté de ses œuvres peintes. En 1988, pour marquer les vingt ans de la naissance de la gravure au carborundum, et à l’occasion du film Le Procédé Goetz que Jean Réal avait tourné sur ce procédé, une exposition du même nom a été présentée

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du 1er au 19 mars à la Bibliothèque nationale de France. Hormis les estampes de Goetz, les gravures d’autres artistes qui utilisaient activement ce procédé, Juan Miro, Antoni Clavé, James Coignard, Max Papart et Pierre-Marie Brisson, étaient également exposées. Depuis la mort de l’artiste en 1989, on voyait généralement dans ses rétrospectives son œuvre peint et son œuvre gravé exposés ensemble. Ce n’est qu’en 2009, lors du centenaire de la naissance de l’artiste, qu’une exposition a été consacrée uniquement à ses estampes. Au printemps 2009, les galeries Hélène Trintignan et Hambursin-Boisanté ont organisé à Montpellier trois expositions retraçant l’œuvre de Goetz, dont une entièrement consacrée à son œuvre gravé. Dans une galerie rue Cabanel à Montpellier (fig. 28), spécialement préparée pour cette occasion, tous les aspects de la production graphique de l’artiste ont été présentés : les premières estampes, des épreuves rehaussées, des matrices originales, des épreuves rares et des bons à tirer ainsi qu’une sélection de ses estampes de toutes les époques de son activité de graveur et quelques dessins des années 1970. Il s’agit de ces fameux dessins que Goetz faisait d’après la nature tout en étant un peintre abstrait, principalement ses autoportraits, pour « se réchauffer » et rester en forme. Pour célebrer la double anniversaire de Goetz, deux évènements se sont déroulés aussi à Colmar, la ville capitale de la région d’où venait le fameux grandpère de Goetz. C’est d’abord la Galerie Rémy Bucciali qui a organisé une exposition retrospective, en partenariat avec la Galerie Hélène Trintignan. Du 15 mai au 12 septembre 2009, la Galerie a présenté des tableaux, des dessins, des pastels et des estampes de l’artiste de toutes les périodes de sa création. Ensuite, du 31 octobre 2009 au 11 avril 2010, et après avoir acquis douze estampes de l’artiste auprès de la Galerie Rémy Bucciali, le Musée d’Unterlinden se joigne pour rendre à son tour l’hommage à Goetz. A ces douze premières oeuvres de l’artiste que possède désormais le musée colmarien, Hélène Trintignan a rejoint par un don un dessin et deux gravures supplémentaires, ainsi que l’acte de naissance du grandpère de Goetz, le seul document sur sa famille que l’artiste a gardé précieusement auprès de lui pendant toute sa vie. Disons aussi que, pour terminer cette année de l’anniversaire en beauté, le Musée Fabre à Montpellier a acheté deux tableaux de Goetz, accrochés désormais en face d’un Hartung et d’un Zao Wou-Ki, là où c’est justement la place de Goetz, parmi les plus grands artistes du XXe siècle. Nous venons d’évoquer quelques dizaines d’expositions de Goetz consacrées uniquement à l’estampe. Il est difficile de connaître leur nombre exact, faute d’avoir tous les catalogues d’exposition, qui, pour une grande majorité de ces événements n’existaient sans doute pas. Par conséquent, il nous est difficile de savoir ce que

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Goetz exposait exactement et quand. Néanmoins, d’après quelques indications, nous avons pu conclure ce que nous avons avancé au début de cette revue des expositions : si Goetz exposait ses estampes, elles étaient sans doute toujours accompagnées de ses dessins ou de ses épreuves rehaussées, marquant ainsi les deux aspects principaux de sa production graphique. Premièrement, son lien indéniable avec le dessin, et deuxièmement, le fait que Goetz considérait la gravure comme une partie intégrante du processus créatif, un va-et-vient permanent entre la gravure, la peinture et le dessin.

Les éditeurs et les marchands Durant sa carrière de graveur, Goetz a connu un grand nombre d’éditeurs et d’éditions. Nous les avons déjà évoqués en analysant son parcours de graveur, sans toutefois parler de la nature de leur relation avec l’artiste. Précisons seulement ici que ses principaux éditeurs étaient en même temps ses principaux marchands : c’était le cas de Jacques Goldschmidt et des galeries Ariel, Bellechasse de Karl Masrour et, tous à Paris. Dans le Midi, où Goetz passait beaucoup de son temps, il avait également les marchands qui ont édité beaucoup de ses gravures : la Galerie Paul Hervieu à Nice et la Galerie Hélène Trintignan à Montpellier. Après la guerre, Goetz a établi une collaboration active avec Paul Hervieu, successeur de Monsieur

Fig. 29 Giorgio Upiglio et son atelier aujourd’hui.

Drey à la galeire rue Pastorelli à Nice, que nos avons déjà évoquée dans la biographie de l’artiste. En même temps, Goetz travaillait à Paris avec la Galerie Ariel de Jean Pollac. Jean Pollac a demandé à Goetz de chosir entre deux galeries : Goetz est resté fidèle à son marchand niçois. C’était au début des années 1960. A partir de cette date-là, Goetz n’avait pas un marchand à Paris. En 1974, il a rencontré Karl Masrour, qui sera son marchand parisien jusqu’à 1982. Quelques années avant sa

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Fig.30 L’Atelier « Sauve qui peut » de Tristan Bastit (à gauche sur la première et au premier plan sur la deuxième photo).

mort, Goetz a rencontré Jean-François Aittouarès qui restera son machand jusqu’à la fin. Contrairement aux contrats d’exclusivité pour les peintures que Goetz avait avec ses marchands, Paul Hervieu, Galerie Ariel ou encore Karl Masrour, il n’a jamais signé de contrat d’exclusivité pour ses gravures. Ainsi, pendant la période de son contrat avec Karl Masrour, d’autres galeristes ou marchands étaient libres de solliciter l’artiste pour des éditions. Ainsi, nous retrouvons dans cette période d’autres éditions en dehors de celles de la Galerie Bellechasse, notamment des éditions d’Hélène Trintignan, Giorgio Upiglio et Paul Hervieu. Goetz avait aussi d’autres éditeurs importants, comme la Galerie La Hune à Paris, Galerie Cavalero à Cannes, ou encore Jacques Matarasso à Nice, mais ils n’étaient pas à la fois ses marchands. Certains de ses éditeurs étaient à l’étranger, comme Daberkow à Francfort, Sonet à Stockholm, Giorgio Upiglio (fig. 29) et M’Arte à Milan, Venezia Viva à Venice. Disons aussi qu’en outre des maisons d’édition importantes comme Vision nouvelle, Empreinte, Francony, Zakarian, Lithograv, Damier, Musée de poche, Jacometti, Hautot, ou encore de Champvallins, les estampes de Goetz étaient aussi éditées ponctuellement par des éditeurs plus modestes, souvent des galeristes, quelquefois par ses imprimeurs ou par ses amis, ou encore des associations de graveurs : citons le marchand Martin Böhnke, l’imprimeur Maurice Rousseau à Nice, la Galerie Cupillard à Grenoble, la Galerie Anne Lettrée à Paris, Christine Leurent à Lille, l’association Graveurs d’aujourd’hui - Le Trait, le peintre et graveur Tristan Bastit, créateur de l’atelier de gravure « Sauve qui peut » (fig. 30), Pépin, ami de Goetz et son collectionneur. Pour les livres illustrés, les éditeurs étaient des maisons d’édition, des amateurs particuliers, parfois les poètes eux-mêmes : Jeanne Bucher, Vrille, Boutin (Angers), Chambellan, M’Arte (Milan), Rovio (Suisse), La Pochade (galerie des éditions Empreinte), Robert et Lydie Dutrou, La Balance (Sauveterre-du-Gard), Calligrammes (Quimper), Porte du Sud, Saint-Germain-desPrès, l’architecte Turbot ou encore le poète Michel Bohbot.

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Comment se passait la collaboration entre en graveur et un éditeur, c’est-à-dire, l’édition d’une estampe, chez Goetz ? Goetz a raconté, dans Ma vie, mes amis, qu’il avait trouvé un moyen très simple de trouver des éditeurs pour ses estampes. Il a aussi déploré, que cette recette simple n’ait jamais été utilisée, malgré ses conseils, par ses élèves ou ses amis. Goetz choisissait lui-même ses éditeurs, en leur proposant des tirages gratuitement, à condition qu’ils payent les frais d’impression (le matériel et le taille-doucier) et lui donnent un tiers de l’édition, qu’il vendait ensuite lui-même, épreuve par épreuve, à ses collectionneurs. Ce principe simple lui a permis d’éditer toutes ses planches. Pourtant, il semble que Goetz utilisait ce principe plutôt dans les cas des éditeurs particuliers, qui n’avaient pas les moyens financiers de racheter tout le tirage et de l’écouler. Ce principe simple a permis à Goetz d’élargir le nombre de ses éditeurs, ce qui a sûrement contribué à une plus grande diffusion de son œuvre gravé. D’après le témoignage d’Hélène Trintignan, marchand et éditeur de Goetz à partir de 1975, une particularité des éditions avec Goetz était qu’il ne se faisait jamais payer pour le travail effectué sur la planche, contrairement à d’autres artistes, peintres ou graveurs. Elle nous a aussi confirmé que pour ses propres éditions, le travail de taille-doucier, le matériel, le tirage et les épreuves d’artiste étaient payés par l’éditeur, tandis que le graveur, c’est-à-dire Goetz, était payé en épreuves d’artiste, en plus du coût de revient. Ses épreuves d’artistes, Goetz les exposait ou les revendait aux collectionneurs. Les épreuves d’artiste représentaient comme toujours environ dix pour cent du tirage, parfois plus, lorsqu’il s’agissait des petits tirages. En général, Goetz, qui travaillait beaucoup, avait toujours quelques estampes prêtes à être éditées, dans l’état de bon à tirer, et les éditeurs n’avaient qu’à simplement chosir celles qu’ils voulaient éditer. En revanche, pour les livres illustrés, comme nous avons déjà eu l’occasion de voir, Goetz exécutait les illustrations spécialement pour l’édition en question.

Les collections publiques et privées Les œuvres de Henri Goetz se trouvent dans de nombreux musées en France et à l’étranger, des États-Unis à Israël. Le plus souvent, il s’agit de dons de l’artiste. Goetz, qui était soucieux de laisser une trace de son existence, donnait volontiers avec la volonté de diffuser et faire connaître son œuvre au plus grand nombre. La plupart des œuvres de Goetz présentes dans les collections des musées sont des tableaux ou des pastels. Exceptionnellement, certains musées possèdent aussi quelques estampes. C’est le cas, notamment, du Musée Château d’Annecy, qui possède quatre estampes de Goetz, du Musée Picasso d’Antibes, du Musée

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Daubigny à Val-d’Oise, du Musée d’Unterlinden à Colmar, ou encore du Musée d’art moderne de Toulouse, avec deux estampes dans sa collection. Quant à l’étranger, le Centre de la gravure à La Louvière en Belgique possède deux estampes de Goetz. Nous ne parlons pas ici du Musée Goetz-Boumeester à Villefranche-sur-Mer, qui possède naturellement dans sa collection le plus grand nombre de gravures de Goetz. Actuellement au nombre de quinze, la plupart des épreuves du Musée Goetz-Boumeester sont des épreuves d’essai. La moitié de cette petite collection d’estampes de Goetz est constitué d’un don d’Hélène Trintignan fait en 2000, ainsi que quelques donations datant des années 1980, dont deux faites en 1985 par Suzanne Croquin, ancienne élève de Goetz, à qui il a acheté en 1963, rappelonsle, sa résidence d’été à Villefranche-sur-Mer. De son vivant, Goetz donnait régulièrement ses gravures à son musée, afin que celui-ci les vende et améliore ainsi son financement. Avant de parler de la plus grande collection publique des estampes de Goetz, celle de la Bibliothèque nationale de France, évoquons d’abord de quelques collections privées des estampes de Goetz. Ces collections sont celles des anciens marchands et galeristes de Goetz, de ses amis, ses élèves, ses taille-douciers ou de ses collectionneurs. Il est bien sûr difficile de toutes les identifier et de toutes les connaître. Nous ne parlerons ici que des plus importantes à notre connaissance. Tout d’abord, la collection d’Hélène Trintignan, qui était, nous en avons parlé, l’éditeur, le galeriste et le marchand de Goetz. Outre ses éditions des années 1970 et 1980, elle possède dans sa collection, en tant qu’héritier universel de l’œuvre de Goetz, les estampes provenant des cartons de Goetz que celui-ci n’a pas léguées à la Bibliothèque nationale de France. Le deuxième plus grande collection d’estampes de l’artiste est probablement celle de Jean-François Aittouarés, qui avait racheté le fonds de Karl Masrour avant son départ au Brésil dans les années 1980. Hormis ce fond, Jean-François Aittouarès possède dans sa collection des estampes de la période surréaliste de Goetz ainsi que quelques-unes de ses propres éditions d’estampes de Goetz. Viennent ensuite les collections des imprimeurs de Goetz, comme celle de Maurice Rousseau, de Claude Raimbourg et Anne-Marie Leclaire, de Denise Zayan et d’autres taille-douciers particuliers ou professionnels de Goetz qui ont beaucoup tiré pour lui. Ils gardaient naturellement les épreuves hors de commerce, toujours destinées à l’imprimeur. Il ne faut pas oublier non plus les collections de ses amis, en particulier de ses amis poètes, avec qui il a fait des livres illustrés. Nous pensons ici bien sûr d’abord à Jean-Pierre Geay, qui a eu la chance d’être illustré par Goetz à de nombreuses reprises et qui a eu une collaboration peut-être courte, mais très féconde avec l’artiste. Outre les épreuves de leurs livres illustrés, Jean-Pierre Geay a dans sa collection d’autres estampes de Goetz,

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données par l’artiste ou achetées auprès de ses marchands. Mentionnons enfin une collection formée autour d’une période particulière de l’œuvre de Goetz, celle du libraire Emmanuel Hutin, amateur de la période surréaliste de l’artiste. Mais la plus importante collection de ses estampes, cette fois publique, et qui couvre la quasi-totalité de l’œuvre gravé de Goetz, reste naturellement la collection de la Bibliothèque nationale de France. Nous allons maintenant en parler, à travers l’histoire de sa constitution.

La collection de la Bibliothèque nationale de France L’œuvre gravé de Henri Goetz est considérable. Le nombre de ses estampes s’élève à environ six cent cinquante, dont celles réalisées pour les livres illustrés. Les collections de la Bibliothèque nationale de France conservent la quasi-totalité de son œuvre gravé. Les estampes individuelles, en feuille, sont conservées au Département des estampes, rue Richelieu. La collection compte quatre cent vingt-cinq estampes différentes ainsi que de nombreux doubles. La Réserve des livres rares, site François Mitterand, conserve les deux tiers des livres illustrés par Goetz. Il s’agit des Explorations avec Picabia de 1947, de deux livres avec Jean Guichard-Meili, L’avant sommeil et Littérarture de 1979 et 1982 respectivement, d’un livre de Goetz, Picabia accuse de 1986, et de quinze livres écrits en collaboration avec Jean-Pierre Geay. La partition d’Arma Paul, Trois Transparences, illustrée d’une gravure de Goetz est conservée au Département de la musique, site Richelieu. La collection de la BNF est la collection la plus importante d’estampes de Goetz et nous ne retrouverons nulle part ailleurs un aussi grand nombre de ses gravures. L’enrichissement de la collection de la BNF par les gravures de Goetz peut être suivi dans les registres du dépôt légal des dons et des acquisitions conservées au Département des estampes. Nous y remarquerons une dynamique d’enrichissement de la constitution de la collection actuelle assez variable, qui dura trente-huit ans.

Fig. 31 Sans titre, juillet 1989. Procédé Goetz, 11,5 cm x 20,5 cm, édition Galerie Hélène Trintignan, Montpellier. Don d’Hélène Trintigan à la Bibliothèque nationale de France en 2009.

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Les premières gravures de Goetz sont entrées dans la collection du Département des estampes en décembre 1962. Il s’agit d’un dépôt légal effectué par la Galerie La Hune. Elle dépose quarante-sept eaux-fortes, dont quatre estampes de Goetz (n°s 70, 66, 77 et 79 de Masrour). En 1968, le 26 septembre, c’est encore La Hune, mais également les éditions Empreinte qui ont déposé chacune deux gravures de Goetz (n°s 116 et 117, et les n°s 110 et 118 de Masrour respectivement). Les estampes de La Hune sont deux gravures réalisées au carborundum, le nouveau procédé de Goetz. L’une des deux se nomme L’Éveil et est la première estampe au carborundum répertoriée par Masrour (n° 116). C’est un titre symbolique qui marque un grand changement dans la production graphique de Goetz. Le 13 décembre de la même année, une acquisition de quatre estampes (n°s 13, 47, 85 et 96 de Masrour) a eu lieu auprès de l’artiste pour un prix de deux cent soixante francs. À cette occasion, Goetz a également fait un don de cinq gravures (n°s 89, 98, 99, 122 et 129 de Masrour). Le dépôt légal et les acquisitions de 1970 à 1979 ont apporté vingt-quatre autres estampes à la collection. Le 24 septembre 1970, éditeur Hautot a déposé deux estampes (n°s 140 et 142 de Masrour). Le 25 mars 1971, La Hune a déposé ses éditions, dont une estampe de Goetz (n° 132 de Masrour). Le 10 décembre de la même année, la Bibliothèque nationale a achèté deux estampes de l’artiste : Ensoleillée, éditée par La Hune et Chute immobile, éditée par Sonet (n°s 143 et 152 de Masrour). Deux ans après, La Hune a remis encore une estampe de l’artiste à la collection, Vent d’automne (n° 196 de Masrour). Le 30 mai 1973, Le Trait a déposé une estampe de Goetz, intitulée Noyau rouge sur fond orange (n° 200 de Masrour). En 1974 a commencé la collaboration intense, aussi bien pour la peinture que pour l’estampe, de Goetz et Karl Masrour, son nouveau marchand à l’époque. Et déjà en novembre 1975, la galerie parisien de Karl Masrour, Bellechasse, a déposé en dépôt légal trois estampes de Goetz (n°s 204, 205 et 264 de Masrour). L’année suivante, en juillet 1976, La Hune a enrichit la collection de deux estampes de l’artiste (n°s 170 et 177 de Masrour), ainsi qu’en mai 1978, avec encore dux estampes (n°s 77-02 et 78-11 de notre catalogue). Et pour finir en succes cette décennie, l’imprimeur Luc Moreau a fait une déposition de dix estampes de Goetz, toutes éditées en 1979 par la Galerie Bellechasse de Karl Masrour (n°s 79-04, 79-05 et de 79-11 à 79-18 de notre catalogue). Mais c’est entre 1980 et 1983 que la collection s’est enrichie le plus rapidement. La Galerie Bellechasse a déposé en novembre 1980 à elle seule quarante et une estampes (seulement dix ont été répertoriées dans le catalogue raisonné de Masrour). Goetz lui-même fera un don de treize estampes le même mois, toutes éditées par la Galerie Bellechasse. C’est encore Goetz qui a effectué en 1982

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et en 1983 deux dépôts légals de vingt-huit estampes au total, comprenant les éditions de la Galerie Bellechasse, mais aussi de Giorgio Upiglio de Milan, de la Galerie Trintignan de Montpellier, de la Galerie Matarasso de Nice et une édition par Maurice Rouseau, le taille-doucier de Goetz. Après cette date, le rythme de l’enrichissement s’est ralenti. Il n’y a plus eu aucun dépôt légal après 1983, ni de la part des éditeurs ni de la part de Goetz lui-même. La raison possible en était l’absence d’un éditeur important sur place, à Paris, la collaboration avec Masrour ayant cessé à cause de la mort de ce dernier. Deuxièmement, les éditeurs que Goetz avait dans le Midi, à Cannes, Nice, Montpellier, ou ailleurs en province, ne semblaient pas effectuer leur dépôt obligatoire à la Bibliothèque nationale. En outre, les éditeurs situés à l’étranger n’y sont pas, naturellement, soumis. Cette situation ne changera qu’en 2000, onze ans après la mort de Goetz, lorsque la Bibliothèque nationale de France a enfin réussi à obtenir par exécution testamentaire les gravures que Goetz lui avait léguées. Ce don, très important par son nombre (trois cent soixante-seize estampes), a complété la collection qui présente aujourd’hui de manière quasi complète quarante-neuf ans de carrière de graveur de l’artiste. Enfin, en 2001, un don important de Mme Lie Tugayé-Domela de la Galerie L’Œil dense, ainsi qu’une acquisition en 2006 de deux estampes datant de 1940 auprès de la Galerie Hélène Trintignan et le don d’une estampe effectuée en 2009 (fig. 31) par la même galerie ont enrichi récemment la collection des estampes de Goetz. L’acquisition de quelques estampes de la dernière série, celle éditée par Poligrafa en 1989, ainsi que de l’unique exemplaire de quinze estampes de Goetz, imprimé par Dutrou en 1989, est actuellement en considération par le Département des estampes. La période du plus grand enrichissement de la collection, de 1980 à 1983, durant laquelle elle s’est agrandie de quatre-vingt-douze estampes, a été la conséquence d’une productivité graphique accrue de l’artiste entre 1972 et 1977, période où les estampes de Goetz ont été éditées par de nombreux éditeurs. C’était aussi la conséquence d’une grande attention que l’on portait à l’estampe à cette époque-là. Nous ne nous étonnons pas de cet intérêt à l’égard de son œuvre gravé car il est survenu après 1969, l’année de la mise au point de la nouvelle technique qui a intéressé tant d’artistes, ce nouveau procédé qui l’a rendu célèbre dans le monde de la gravure. Disposant enfin d’une technique convenant parfaitement à sa sensibilité, Goetz gravait de plus en plus. Comme nous l’avons dit précédemment, hormis de très rares acquisitions, la collection est principalement construite de dépôts légaux d’éditeurs et d’imprimeurs, dont Goetz lui-même. Mais c’est avant tout Goetz qui a assuré lui-même l’accroissement de la collection de ses estampes, notamment par le legs devenu effectif en 2000. L’œuvre gravé de Henri Goetz

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Chapitre III

« Seul peut inventer quelque chose celui qui sait se dire : ceci n’est pas bon ». Francis Picabia, dans Lettres à Christine

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz Lorsque nous parlons de la gravure chez Goetz, une question s’impose : celle de la technique. Ses recherches techniques dans la gravure lui ont valu la notoriété d’un grand graveur. La gravure au carborundum représente en quelque sorte l’aboutissement de ses recherches dans le domaine, bien que Goetz ait continué à chercher et trouver d’autres inventions, en améliorant ou simplifiant ses procédés. Nous avons déjà évoqué, dans les parties précédentes, la multitude des techniques graphiques que Goetz maitrisait et utilisait. Il a tout essayé : la taille-douce avec tous ses procédés, et la lithographie, qu’il a abandonnée très rapidement. Il s’est même essayé à la taille d’épargne, mais ce n’était qu’une expérience passagère. C’est surtout la taille-douce qui a retenu l’attention de Goetz. Sa carrière de graveur, nous l’avons vu, a commencé par des petites pointes sèches. La pointe sèche est une technique immédiate, dans laquelle on attaque le métal directement avec une pointe en métal qui creuse des sillons dans la plaque. Rien d’étonnant dans le fait que Goetz ait commencé par cette technique, comme de nombreux graveurs l’ont fait avant lui, car ce procédé simple nécessite peu de moyens. Elle convenait très bien à un artiste qui était jusque-là un peintre cherchant un contact direct avec la matière. Avec la pointe sèche, à moins que la plaque soit aciérée, on ne peut tirer que très peu d’épreuves. Goetz, que les tirages allongés n’intéressaient pas au début, voulait également essayer d’autres techniques. Ces techniques permettaient des plus grands tirages et offraient d’autres moyens d’expression. Il a alors exploré l’eau-forte, l’aquatinte, le vernis-mou et leurs variantes, et quelques procédés moins conventionnels, allant jusqu’à graver dans le plomb. Goetz a même essayé des techniques que l’on ne pratique presque plus aujourd’hui, parce que trop lentes ou trop complexes : le burin et la manière noire.

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La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz


Toutes ces techniques, Goetz les maitrisait parfaitement. En même temps, il cherchait de nouveaux moyens de s’exprimer en estampe. Paradoxalement, il ne se considérait pas comme le maitre de la taille-douce. S’il a inventé la gravure au carborundum, disait Goetz, c’est parce qu’il était mauvais graveur. « En vérité je n’ai pas la caractère d’un vrai graveur, car il me manque la patience nécessaire et un esprit méthodique. C’est probablement pour cette raison que je me suis mis à la recherche de procédés différents, plus en rapport avec ma propre nature, produisant des résultats immédiats » 49.

La gravure au carborundum En 1959, après avoir déménagé dans son atelier rue de Grenelle, Goetz n’arrivait pas à dégraisser ses plaques. Goetz était persuadé que c’était la qualité de l’eau de son nouveau quartier qui en était la cause. Il n’arrivait pas à tirer de bonnes épreuves avec ces plaques qui étaient par conséquent mal préparées et mal nettoyées. Il s’est alors mis à chercher un moyen de graver plus adapté aux conditions de son atelier, un procédé qui n’utiliserait pas l’eau. Mais Goetz ne cherchait pas uniquement une nouvelle technique, il était également à la recherche d’un procédé mieux adapté à sa sensibilité. De nombreuses années de recherches ont abouti à une invention majeure : la gravure au carborundum, que nous appelons aussi « le procédé Goetz » et nous verrons pourquoi ce nom convient peut-être finalement mieux à cette technique. Toutefois, Goetz ne travaillait pas seul sur cette invention. Il faut dire qu’il n’était pas de ceux qui gardaient jalousement leurs inventions jusqu’à la fin de leurs jours. Il partageait sans hésiter ses trouvailles avec ses amis artistes, ses élèves et les imprimeurs professionnels. Il collaborait avec des chimistes qui travaillaient sur les matériaux pour les peintres et les graveurs. Ainsi, beaucoup de gens ont participé à la mise au point de cette nouvelle technique. Un des principaux contributeurs a été Éric Schaeffer, chimiste chez Rhône-Poulenc et graveur amateur, qui l’a aidé dans cette magnifique découverte en ayant l’idée de fixer le carborundum sur la plaque avec du Rhodopas, un polymère acéto-vinylique. Un autre ami chimiste, Marc Havel

50

, ingénieur en chef du laboratoire de Lefranc-Bourgois, qui a passé

toute sa carrière dans cette société à travailler sur de nouveaux matériaux pour 49

Goetz, 2001, p. 129. 50 Marc Havel est auteur et coauteur des ouvrages sur les techniques de peinture, et notamment La Technique du tableau, aux éditions Dessain et Tolra, 1974.

les artistes, a inventé, parmi d’autres produits, la fameuse peinture vinyle Flashe, à laquelle Goetz attribuera un nouvel usage dans son procédé. Réputé pour son génie et sa passion des arts, Marc Havel était en contact avec beaucoup artistes qui venaient chercher ses conseils et lui parlaient des problèmes auxquels il tentait ensuite de trouver des solutions. Connaisseurs des procédés anciens, Havel était

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

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la personne parfaite pour Goetz, qui était lui aussi amoureux des procédés et des techniques d’autrefois. Goetz a exprimé à plusieurs occasions sa reconnaissance envers ces deux hommes pour leur collaboration, sans laquelle, ce procédé n’aurait pu voir le jour. Hormis ces deux personnages qui ont joué un rôle très important, d’autres ont y également participé. C’est le cas de Lorraine Bénic, artiste québécois enseignant à l’époque la gravure à l’académie Goetz et dont nous parlerons plus tard dans le chapitre consacré à l’enseignement. Elle a pris une participation active dans l’élaboration du procédé. Elle nous a apporté son témoignage sur les séances de travail dans l’atelier de Goetz, pendant lesquelles Marc Havel, Éric Schaeffer, Goetz et Bénic discutaient de solutions techniques. Ainsi, après une décennie de recherches, et grâce à des échanges fructueux, au début de l’année 1967, Goetz a développé une technique autour de ce matériau curieux qui était le carborundum (fig. 32). Le carborundum est une poudre abrasive à base de carbure de silicium. Il a été inventé par d’Edward Goodrich Acheson (1856-1931), un inventeur américain autodidacte. Goodrich cherchait un moyen de synthétiser un diamant artificiel lorsqu’il a observé une curieuse poudre qui se déposait sur les carbo-électrodes de son four. En constatant vite ses propriétés abrasives, il a nommé cette substance d’après le corundum, un composant majeur de l’émeri. Il a obtenu le brevet de fabrication le 28 février 1893. Le carborundum est aujourd’hui indispensable dans l’industrie de précision. Ce matériel nous est surtout connu par les outils de bricolage. Goetz, chose amusante, a connu ce matériau bien avant, dès son enfance, lorsqu’il a cru avoir inventé, avec son ami Bernard Wager, le four électrique qui existait déjà depuis longtemps. Et il l’a redécouvert, tout à fait par hasard, un demi-siècle plus tard en descendant les marches du métro 51. Son attention a été retenue par le revêtement antidérapant qui les bordait. Il a pensé tout de suite que sa dureté pourrait résister à une forte pression et que ses grains pourraient retenir l’encre d’imprimerie. C’était de cette façon que Goetz a eu l’idée d’utiliser le carborundum, en apercevant ses petites particules brillantes par terre. Il s’est ensuite adressé à ses amis chimistes pour s’en procurer. Dès qu’il s’est rendu compte de l’intérêt de son invention, Goetz a tout de suite annoncé la nouvelle. Il a appelé son ami James Coignard pour l’aider à effectuer le tirage de la toute première plaque préparée au carborundum. Il n’a pas tardé non plus à appeler Françoise Woimant, conservatrice au département des estampes de 51

Strasbourg, 1995, p. 16. Woimant, Françoise, « Hommage à Goetz », Nouvelles de l’estampe, octobre 1989, n°107, p. 48.

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la Bibliothèque nationale, pour l’inviter dans son atelier rue de Grenelle à prendre connaissance de la technique qu’il venait d’inventer

52

. Il a également appris sa

découverte à Robert Dutrou, à l’époque imprimeur et taille-doucier chez Maeght, qui a immédiatement montré le nouveau procédé à Juan Miro. Ce dernier a écrit à Goetz

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz


Fig. 32 La poudre scillante du carborundum. www.artrealite.com/ pasnicatelier.htm

deux lettres, dans lesquelles il a exprimé son enchantement pour cette nouvelle technique. Goetz et Miro se connaissaient déjà auparavant, car ils avaient des amis en commun, mais se fréquentaient peu, car Goetz était, comme il l’a expliqué dans son autobiographie, un peu « intimidé par la timidité » de Miro. Par l’intermédiaire de Dutrou, Goetz a proposé à Miro de publier les deux lettres de l’artiste comme préface53 dans le manuel de la nouvelle technique qui était en préparation, ce que Miro a accepté avec plaisir. Goetz expliquera son procédé à de nombreux amis, peintres et graveurs, qui ont mis par la suite cette merveilleuse découverte en pratique, comme Antoni Clavé, Max Papart, Hartung, Bazaine, Dikran Dadérian, Denise Zayan, chacun l’adoptant à sa guise, à sa sensibilité personnelle. Un manuel consacré à ce nouveau procédé a été publié pour le grand public en 1969, chez Maeght éditeur. La première édition a connu un tel succès que cinq ans après, en 1974, une nouvelle édition complétée a vu le jour. Cette deuxième édition a connu un succès identique et a été, elle aussi, presque épuisée, quelques exemplaires restant récemment encore disponibles chez l’éditeur, rue du Bac. Ce petit manuel illustré d’une cinquantaine de pages explique le procédé en sept chapitres, en commençant par les matériaux utilisés jusqu’aux mises en garde, en passant par toutes les possibilités techniques du procédé et tous les effets que l’on peut obtenir avec. Un chapitre y est même consacré à la possibilité d’imprimer sans la presse, à l’aide d’une simple brosse à chaussures. Voyons par quel moyen et comment Goetz a expliqué son invention. Dans l’introduction, Goetz rappelle que ce sont les difficultés techniques et les connaissances profondes qu’exigeait de l’artiste le métier de graveur qui ont empêché certains d’aborder la gravure, « ce moyen d’expression si 53

Les deux lettres ont été finalement publiées comme postface et non comme préface du manuel.

merveilleux ». C’est pour cette raison qu’il a proposé d’autres moyens qui avaient pour but d’obtenir des résultats analogues ou très différents. Ces « méthodes faciles », qui ne demandaient pas une longue initiation ou un matériel compliqué,

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pouvaient s’ajouter aux procédés classiques ou être employées seules, ce qui donnait souvent aux gravures un aspect plus pictural que graphique. Ces nouveaux procédés, comme Goetz le répétait souvent, n’étaient pas conçus pour remplacer les procédés classiques : avec eux, « on peut s’exprimer, mais autrement », précisait toujours Goetz. Goetz a tout de même utilisé les termes de la taille-douce classique, comme le vernis-mou, l’aquatinte ou le mezzotinte pour mieux faire comprendre le caractère de ces nouvelles techniques. Cela a certainement aidé les graveurs confirmés à mieux comprendre la nouvelle technique, mais représentait une difficulté pour les novices, peintres non initiés à la gravure, à tel point que ceux pour qui c’était le premier contact avec la gravure se plaignaient de ne rien comprendre au manuel de Goetz 54. Nous verrons comment ils ont toutefois pu retenir le principe de base qui était le principal responsable du succès de la gravure au carborundum. Mais arrêtons-nous un instant pour expliquer en plus amples détails la technique que Goetz a proposée, technique fondée sur l’utilisation du carborundum. Dans la gravure classique, l’encre d’imprimerie, qui sert à l’impression, pénètre dans les parties que l’on a creusées dans la planche par un moyen mécanique ou chimique. Sous les rouleaux de la presse, ces creux rendent leur charge d’encre au papier. Au contraire, dans les procédés que Goetz décrit dans son manuel, la technique consiste à fixer sur la surface de la planche des matières résistantes, telles le carborundum, ou un vernis synthétique, ou encore les deux. Les sillons pratiqués dans le vernis et les interstices entre les grains de carborundum retiennent l’encre d’imprimerie de la même façon que les creux dans les procédés classiques. Quels sont ces matériaux que Goetz utilise dans son procédé, le carborundum, les vernis ? Le carborundum est donc une poudre plus ou moins fine, disponible en grains de différents calibres. Il est utilisé pour recouvrir partiellement la plaque, fixé à l’aide d’un vernis. Ce grain, une fois fixé sur la planche, retient l’encre comme le font les creux dans la taille-douce classique. On obtient ainsi, selon le calibre et le nombre des grains sur la plaque, des tons plus ou moins intenses, allant du noir jusqu’aux dégradés les plus fins. En revanche, pour obtenir des lignes, on peut tout simplement vernir la plaque et graver directement dans le vernis, à l’aide d’une pointe ou d’un autre outil. L’effet est semblable à celui de l’eau-forte ou de la pointe sèche, selon l’épaisseur du vernis et l’outil utilisé. On peut également graver directement dans le support, qui peut être une plaque de cuivre ou du métal. Cependant, étant donné qu’on ne creuse pas la plaque pour obtenir des tons, l’utilisation du métal n’est pas obligatoire, et on est libre d’utiliser n’importe quel support, à condition 54

Réal, 1987.

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qu’il soit assez solide et résistant pour ne pas se déformer lors du passage sous la presse Le plexiglas, le perspex, le celluloïd, les laminés, les plaques offset usagées

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Fig. 33 Plaques travaillées au procédé Goetz. www.artrealite.com/pasnicatelier.htm

ou même du simple carton, tout est bon comme support pour faire une gravure au carborundum. De manière identique, hormis le vernis ou la résine qui durcissent au séchage, on peut utiliser des liants acryliques, des colles acryliques, des colles vinyliques ou des colles synthétiques. Là également, le choix du matériel est vaste (fig. 33). L’encrage de la plaque achevée s’effectue plutôt au pinceau, en raison de l’aspect très rugueux de la planche. De même, l’essuyage ne se fait absolument pas avec la paume de la main, mais en utilisant de la tarlatane, et éventuellement à la fin, si le calibre du carborundum est plus fin, avec du papier de soie. L’impression se fait sur une presse taille-douce mais avec un habillage plus souple, composé d’un ou deux caoutchoucs-mousses et de deux feutres. La pression est en général un Fig. 34 La presse en taille douce et le tirage d’une gravure au procédé Goetz dans l’atelier Pasnic. www.artrealite.com/ pasnicatelier.htm

peu moins forte que pour la taille-douce classique (fig. 34). Notre intention n’est pas de raconter le manuel de Goetz, mais nous passerons tout de même rapidement en revue quelques-unes des possibilités de cette

technique, obtenues grâce aux nombreuses combinaisons des matériaux utilisés. Nous avons déjà dit que Goetz se servait des termes de la taille-douce classique pour nommer ses procédés. De même, il se servait de la distinction classique entre

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Fig. 35 Illustrations provenant du manuel de Goetz, montrant quelques possibilités formelles de cette nouvelle technique.

les éléments composant la matérialisation de l’expression picturale ou graphique, à savoir la ligne, la tache, et la variation de matière, pour répartir ses procédés en plusieurs groupes. Ainsi, Goetz divise ses procédés entre ceux qui servent à obtenir des lignes et ceux servant à obtenir des tons. Dans la partie concernant les lignes, Goetz propose une dizaine de façons de travailler la surface. On obtient des résultats semblables à l’eau-forte, à la pointe sèche ou au vernis mou classique. Les principaux matériaux utilisés sont le Rhodopas, la peinture acrylique Flashe, la pointe de pyrogravure, l’encre typographique, le carborundum, le pastel à l’huile. Plus loin, dans la partie consacrée aux tons, le carborundum, les vernis, les colles et les différentes textures sont employés de différentes façons pour obtenir soit des tons uniformes ou avec les variations de valeurs, soit des surfaces d’une matière picturalement très riche. Goetz propose notamment pas moins de dix-huit manières d’obtenir des effets semblables à l’aquatinte classique. Ces différentes façons de procéder se basent sur les différents matériaux utilisés. En combinant les matériaux, Goetz obtient des effets de tons très intéressants. Les tons peuvent donc être uniformes, de valeurs variées ou on peut y incorporer des matières, faire des empreintes des textures, graver à la manière noire en allant du noir au blanc, dessiner en blanc sur fond noir, animer des surfaces foncées, etc (fig. 35). D’après ce que nous venons de dire, il est évident que dans cette nouvelle technique, le choix des matériaux est très vaste. Les matériaux utilisés sont interchangeables et leur utilisation varie chez les différents praticiens. Chez certains artistes qui ont adopté cette technique, même son composant principal, le carborundum, a été remplacé par d’autres matériaux. Maurice Rousseau, par exemple, graveur et tailledoucier de Goetz dont nous avons parlé dans la partie précédente, a fini par utiliser la colle pour carrelage à la place du mélange Rhodopas-carborundum. Ce matériel réunit en un même produit les deux caractéristiques : une colle séchant rapidement et donnant une surface rugueuse qui retient l’encre. Un autre avantage de la colle est le suivant : Maurice Rousseau, qui vivait dans le sud, connaissait des problèmes avec le Rhodopas qui se ramollissait à cause de la chaleur. Il a publié en 1985 son propre manuel sur la gravure au carborundum, qui a eu un grand succès et a connu une seconde édition en 1991. L’artiste a réussi, dans son manuel bilingue, en français et en anglais, un petit fascicule d’initiation à la technique, à très bien résumer en une trentaine de pages le principe de ce procédé, en expliquant, pas à pas et à l’aide de belles illustrations, toutes les étapes de la création d’une gravure au carborundum et, un par un, tous les matériaux utilisés dans cette technique. Il a également abordé les questions des papiers utilisés pour l’impression, du tirage, etc. Le manuel de Maurice Rousseau complète celui de Goetz, en apportant les acquis d’une dizaine d’années de recherches personnelles sur ce procédé. Il n’était

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pourtant pas le seul à perfectionner constamment la technique. Goetz lui-même a remplacé plus tard le carborundum par le verre pilé, un matériel encore plus accessible et moins cher. Mais bien avant cela, il avait déjà commencé à utiliser le carborundum tout autrement et a expliqué ce principe à plusieurs occasions et notamment dans ces catalogues raisonnés. Au lieu d’employer le carborundum mélangé à une résine sur la surface de la plaque, il l’emploie pour creuser cette surface sous la pression des cylindres d’une presse à taille-douce. Ensuite, il utilise l’acide pour mordre des impressions. Mais qu’est-ce qui fait alors de cette technique un procédé abouti, quand même les matériaux utilisés sont interchangeables ou peuvent être employés différemment chez chaque artiste ? Pourquoi ce « procédé » a-t-il eu un tel succès auprès des artistes ? Comment, dans toute cette diversité de matériaux possibles, les artistes s’y sont retrouvés ? Et là, nous revenons sur la question du nom, posée au début de notre histoire sur cette technique, à savoir pourquoi l’expression « procédé Goetz » convient mieux à cette invention. Goetz avait l’habitude de plaisanter avec le terme « carborundum ». « C’est tellement drôle comme nom : carborundum. Si je l’avais appelé « gravure au verre pilé » je suis sûr que ça n’aurait pas eu le moindre succès. Verre pilé, c’est un nom tellement banal, tandis que carborundum… », racontait l’artiste dans Le Procédé Goetz, film de Jean Réal tourné en 1987 sur cette technique et son usage chez des artistes comme Antoni Clavé, James Coignard ou Max Papart. Carborundum, verre pilé, colle pour carrelage, ou même sable ou émeri, les matériaux changeaient mais ce qui restait, et ce qui était d’une importance capitale, c’était le principe même, le principe de base : ajouter au lieu de creuser, additionner de la matière sur le support qui va engendrer le dessin ou la surface que l’on imprime. C’est là que réside, nous pouvons le dire ainsi, toute l’ingéniosité de son invention. C’est ce principe, appliqué par chacun de la manière qu’il a trouvé la plus conforme à son esprit et à sa créativité, qui a conquis tant d’artistes. À partir de ces principes de travail, chacun pouvait inventer et construire son propre arsenal de matériaux et d’effets produits. C’est pour cette raison que nous considérons qu’il vaut mieux désigner la technique de Goetz par le terme de « procédé Goetz » et non comme « gravure au carborundum », le nom qui sous-entend trop l’utilisation de la poudre brillante. Pour faire la différence avec la taille-douce, que l’on nomme aussi « la gravure en creux », James Coignard, un de ceux qui adapteront la technique de Goetz et l’utiliseront avec une originalité propre, a inventé l’expression « gravure en charge », terme qui la définit parfaitement.

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Les plaques conservées à la Bibliothèque nationale de France Si chaque artiste utilisait ce procédé à sa guise, en l’adaptant à sa pratique de graveur, il convient maintenant d’analyser ce que ces principes de travail ont donné comme résultat, d’abord chez Goetz, et de comparer son usage à celui d’autres artistes. Pour ce faire, nous allons nous servir des plaques matrices de Goetz qui ont survécu et qui sont conservées au département des estampes de la Bibliothèque nationale. Les plaques d’artistes sont toujours des documents précieux qui en disent beaucoup sur la façon dont un graveur procède. Très souvent, hélas, les plaques sont détruites, entièrement ou partiellement. Cela est très souvent fait par l’artiste à la demande de l’éditeur, qui s’assure ainsi que le tirage restera limité. Heureusement, les plaques ne sont parfois que rayées ou percées, ce qui nous permet de les analyser par la suite. Nous parlons ici principalement de la tailledouce ou de la gravure sur bois, où on réutilise rarement la plaque pour faire une nouvelle estampe. Cependant, dans le cas de la gravure sur bois, le graveur efface et polie parfois la surface gravée, mais uniquement si le bois est assez épais pour pouvoir être gravé à nouveau. Quant à la lithographie, les pierres sont presque toujours réutilisées, car trop coûteuses pour être mises de côté et conservées après un seul tirage. En ce qui concerne les plaques de Goetz, ils ne les conservaient pas précieusement. Un certain nombre de ces matrices circulent toujours sur le marché et suscite chez les collectionneurs un très grand intérêt, de par leur matière picturale riche et intéressante. On admire souvent la beauté des plaques chez les graveurs, et c’est aussi le cas de Goetz. À ce propos, Goetz disait: « Ces plaques qui sont si belles donnent parfois, au tirage, de mauvaises gravures, et c’est bien dommage » 55 ! Et il avait raison, car il n’existe pas toujours de parallèle entre la beauté d’une gravure et sa matrice. Une autre raison explique le petit nombre des plaques de Goetz ayant survécu : les supports et les matériaux qu’il utilisait étaient pour la plupart réutilisables. Économe, et ayant vécu des moments durs et précaires, Goetz ne Fig. 36 Sans titre, 1989. Procédé Goetz en couleurs, 20 x 28 cm, édition de la Galerie Anne Lettrée, Paris.

55

Geay, Goetz, 1989, p. 175.

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Fig. 37 a, b, c Trois plaques de l’estampe précédente.

gaspillait rien dans sa vie. Il soulignait la possible réutilisation du matériel employé dans ce procédé comme un atout majeur. Par conséquent, beaucoup de choses ont été réutilisées : les mélanges de Rhodopas et de carborundum, les plaques de métal utilisées comme supports pour les minces films de celluloïd, et ainsi de suite. Il suffisait de nettoyer la plaque par exemple à l’alcool, pour la préparer ainsi à un nouvel emploi. Certaines plaques de Goetz ont cependant été conservées. Un certain nombre des plaques se sont retrouvées en la possession d’Hélène Trintignan, ami et marchand de Goetz, qui en à fait don à la Bibliothèque nationale de France en 2006. Elles sont au nombre de quatorze et correspondent à dix estampes. Nous avons réussi à identifier certaines gravures de Goetz pour lesquelles ces plaques ont été utilisées. À travers l’analyse de ces quatorze plaques, nous allons évoquer la manière dont Goetz pratiquait la gravure au carborundum. Commençons avec trois plaques correspondant à une gravure éditée en 1989 par la Galerie Anne Lettrée à Paris (n° 89-26 de notre catalogue, ici fig. 36). Elle est en couleurs et les dimensions des planches sont d’environ 20 x 28 cm. Elle a été tirée en trente-cinq exemplaires (dont trois épreuves d’artiste et deux épreuves hors commerce) sur vélin d’Arches. La première plaque (fig. 37 a), que nous pouvons qualifier de plaque « de trait », montre bien le vaste choix des supports utilisés. Ici, c’est un mince film plastique transparent, collé sur un carton pour donner de la solidité au tout. Le film est recouvert d’une épaisse couche de peinture acrylique, probablement Flashe que Goetz utilisait abondamment, travaillée avec un objet pointu en lignes croisées. Le dessin est fait avec un mélange de carborundum et de Rhodopas, appliqué au pinceau. Cette plaque a servi à imprimer les traits rouges. Les résidus de l’encre d’imprimerie sont toujours visibles. Ce qui retient aussi notre attention, ce sont les lignes qui ne servent pas ici pour l’impression, mais sont tracées pour marquer les éléments à ajouter à l’aide de deux autres plaques utilisées. Tout devient plus clair lorsque nous nous apercevons que les deux autres plaques sont faites elles aussi sur des films transparents, ensuite collés sur

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des plaques offset usagées. Nous comprenons ici une autre grande convenance d’utilisation les films transparents qui permettent de voir et mieux contrôler le travail sur les planches de ton. Goetz obtient ainsi sans difficulté le bon repérage des éléments dessinés sur trois plaques. Il laisse en blanc les parties dans les cercles bleus sur la deuxième plaque (fig. 37 b) où s’incrusteront les lignes de la première planche. Cette deuxième planche sera imprimée en couleur bleue, dont les résidus sont toujours visibles sur la planche. Il faut dire aussi que le film transparent permet un essuyage propre des parties laissées en blanc. La troisième planche (fig. 37 c) utilisée pour cette estampe montre un type d’encrage que Goetz utilisait souvent, l’encrage dit « à la poupée ». Il s’agit d’encrer, sur la même plaque, des éléments de couleur différente. Cette pratique, souvent utilisée chez les graveurs, permet d’avoir plus de passages avec moins de planches. Cela est bien sûr possible uniquement lorsque les éléments encrés ne sont pas en contact les uns avec les autres. Goetz a presque toujours eu recours à cette pratique lorsqu’il s’agissait d’estampes d’au moins trois couleurs.

Fig. 38 a, b Plaque d’aluminium anodisé (recto et verso).

Nous avons déjà évoqué auparavant le fait que le procédé Goetz, ou la gravure au carborundum, est une technique dont les matériaux et leur usage changent constamment. Chaque artiste apporte ses innovations, en adoptant la technique à sa sensibilité. Nous avons constaté que Goetz ne faisait exception et que lui aussi a été amené à utiliser le carborundum tout autrement, et il n’a pas manqué de faire part de son expérience dès que l’occasion se présentait. Nous avons déjà rapidement évoqué le fait que Goetz a aussi utilisé le carborundum pour creuser des plaques sous les rouleaux d’une presse. Nous allons maintenant commenter cette nouvelle application à l’aide d’une des quatorze planches de la Bibliothèque nationale de France. Il s’agit d’une plaque relativement petite, faisant 14 x 19,3 cm, et qui a été utilisée recto et verso (fig. 38 a et b). C’est une plaque d’aluminium anodisé. On retrouvait ces planches toutes prêtes dans le commerce, avec une couche d’anodisation de différentes épaisseurs. L’anodisation est un traitement de surface qui permet de

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protéger ou de décorer une pièce en aluminium par oxydation anodique. L’opération consiste en une succession de bains suivis de rinçage : un premier pour préparer la surface, un second pour produire l’oxyde, un troisième pour la couleur éventuelle et enfin le dernier pour stabiliser. Cet oxyde d’aluminium (alumine), très pur, est d’une dureté très élevée (il s’agit de corindon, utilisé dans les abrasifs). L’anodisation forme une couche de cristaux. Goetz utilisait des plaques dont la couche était d’environ deux microns. Nous avons déjà mentionné que cette nouvelle utilisation consistait à creuser la plaque à l’aide du carborundum posé sur la planche. Lors du passage sous presse, les grains de carborundum pénètrent la mince couche protectrice. La plaque est ensuite mordue à l’acide. Pour dessiner le motif, on procède de la façon suivante. On prépare d’abord une encre d’huile de lin diluée dont on ajoute quelques gouttes à du trichloréthylène. On colore tout d’encre noire pour stylo-feutre, pour pouvoir contrôler le travail. On dessine avec un pinceau ou avec une plume directement sur la plaque, talquée au préalable. Ensuite, on saupoudre le tout de carborundum. On enlève le carborundum des parties non couvertes par l’encre. On pose la plaque côté gravé sur une planche d’acier inoxydable poli et on passe le tout sous presse. L’acier étant résistant et dur, les grains de carborundum pénètrent la couche d’anodisation et creusent l’aluminium. Après avoir nettoyé avec du trichloréthylène, on encre et on imprime. Ce nouvel usage permet également des variations : on peut aussi graver directement avec une pointe en acier et ensuite mordre ses lignes pour obtenir un résultat semblable à l’eau-forte classique, on peut ajouter du carborundum mélangé avec de la colle vinylique, faire imprimer des textures, ou imaginer d’autres applications. Comme toujours, c’est à chacun d’élargir les possibilités de la technique. Fig. 39 Plaque de plexi.

Fig. 40 Plaque de plexi.

Les quatre plaques suivantes nous aideront à commenter le choix des supports dont nous avons déjà constaté que les possibilités offertes étaient également vastes. D’abord, une plaque de plexi (fig. 39), apparemment gravée au burin et à la pointe. En outre, elle comporte aussi des traits épais de mélange de carborundum et de colle. Cette plaque, datant de 1986, correspond au n° 86-09 de notre

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Fig. 41 Plaque de plexi.

Fig. 42 Film de rhodoïd collé sur une plaque d’offset.

Fig. 43 Plaque de cuivre.

Fig. 44 Plaque de cuivre.

catalogue. Une autre plaque, non identifiée (fig. 40), est aussi une plaque de plexi, mais gravée cette fois avec une pointe de pyrogravure chauffée. L’effet obtenu est caractéristique. La même technique est utilisée sur une autre plaque de plexi (fig. 41), qui correspond au n° SD-27 de notre catalogue. La plaque suivante (fig. 42) est, elle aussi, travaillée à la pyrogravure, mais sur un mince film de rhodoïd ensuite collé sur une plaque d’offset usagée pour donner plus de rigidité à l’ensemble. Cette plaque est une des trois plaques utilisées pour imprimer la gravure n° 89-27 de notre catalogue. S’il utilisait beaucoup le plexi ou le rhodoïd, Goetz n’a pas complètement écarté les matériaux traditionnels. Il a continué à utiliser les plaques de cuivre, comme le montre l’une des plaques de la Bibliothèque nationale de France (fig. 43), ou cette autre plaque (fig. 44), également en cuivre, une des trois plaques destinées à une gravure jamais achevée (fig. 45 a). Les deux autres plaques de couleurs sont des plaques d’offset usagées (fig. 45 b et c). La blancheur du mélange appliqué suggère que les plaques n’ont jamais été imprimées, puisque

Fig. 45 a, b, c Trois plaques d’une estampe non achevée.

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Fig. 46 Encrage « à la poupée »

si c’était le cas, des résidus des encres en couleurs seraient toujours visibles sur le mélange de carborundum. Le dernier cas (fig. 46) que nous proposons d’analyser ici montre représente un autre bon exemple de l’encrage dit « à la poupée » que Goetz utilisait abondamment. La plaque correspond au n° 210 du catalogue de Karl Masrour et a été encrée avec au moins trois couleurs. D’après les témoignages de ses taille-douciers, nous savons que pour certaines estampes de Goetz il falait préparer jusqu’à vingt-deux encres en couleurs différentes ! Evidemment, la gravure au carborundum a rendu l’application de la couleur dans l’estampe plus facile. Ce n’est pas avec la gravure au carborundum que la couleur entre dans l’œuvre gravé de Goetz, mais c’est avec elle que l’œuvre gravé de Goetz devient en majorité un œuvre en couleurs. Au début, nous avons parlé de la beauté de certaines plaques chez Goetz et d’autres artistes. Les exemples de la Bibliothèque nationale de France ne viennent peut-être pas appuyer notre propos. C’est pourquoi nous allons chercher un exemple ailleurs, dans une plaque exposée récemment à l’exposition consacrée à l’œuvre gravé de Goetz rue Cabanel à Montpellier, exposition organisée par la Galerie Hélène Trintignan pour célébrer le centenaire de la naissance de l’artiste (fig. 47). Elle représente en elle-même une œuvre d’art. On aperçoit aussi des textures obtenues

Fig. 47 Plaque exposée en 2009 à la galerie rue Cabanel à Montpellier. Cuivre et carborundum, 33 x 46 cm.

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par le collage, une technique souvent utilisée par Goetz dans ses gravures. Cette plaque correspond au n° SD-03 de notre catalogue. Dans le cas de cette estampe, nous pouvons dire qu’ici, l’estampe ainsi que la plaque sont d’une beauté égale. Après avoir analysé certaines des plaques de Goetz ayant survécu, ce qui nous a permis de mieux cerner la façon dont il travaillait, surtout avec le procédé dont il est l’inventeur, ajoutons par la suite quelques observations supplémentaires. En regardant bien toute la production graphique de Goetz depuis 1940, nous nous rendons vite compte que le dessin est très important chez Goetz. Il est, comme l’a bien remarqué Jean-Pierre Geay, une des constantes de son art qui « poursuit un chemin parallèle à sa peinture et à sa gravure dont il se trouve, tout naturellement, à l’origine »

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. Depuis les premières pointes sèches, le dessin joue un rôle

fondamental. C’est lui qui définit les formes et la composition. Dans la pratique, cela se traduit toujours par l’existence obligatoire d’une planche « de trait » pourles gravures de couleurs. À cette planche, qui définit et détermine les formes et sur laquelle Goetz imprime des fois des textures diverses, s’ajoutent jusqu’à quatre planches de couleurs. Le rôle de la couleur n’est pas moins important. C’est elle qui définit le registre, comme dans la musique, et chaque planche devient ainsi une harmonie complète, un accord musical composé de tons rigoureusement choisis. Ces harmonies peuvent être adoucies et restreintes d’un côté, et fraiches et presque choquantes de l’autre. Goetz accordait une grande attention au choix des couleurs. Ce coloriste subtil était souvent capable de changer une combinaison qu’il venait de trouver avec son imprimeur, pour en essayer une autre. Exigeant, travailler avec Goetz était parfois un défi et nécessitait une grande patience. Concernant la couleur, nous avons déjà évoqué le fait que Goetz se servait beaucoup d’encrage « à la poupée ». L’encrage « à la poupée » permettait à Goetz d’utiliser jusqu’à six ou sept, voire plus de couleurs dans une estampe, juste avec une planche de trait et deux planches pour les couleurs. Néanmoins, dans des exemples plus rares, les tons obtenus par superpositions sont aussi présents dans les estampes en couleurs. Leur rareté est sans doute la conséquence du fait que Goetz choisit avec soin ses tons, sans laisser rien au hasard, mais aussi que dans la gravure, Goetz procède en peintre. Nous avons déjà un peu parlé du matériel que Goetz utilise, les supports, les vernis, les colles vinyles. Tous ces matériaux ont été introduits par Goetz dans l’estampe alors qu’ils appartiennent, pour la plupart, à d’autres domaines bien étrangers à la gravure et à la pratique artistique. Goetz, ingénieur de formation, 56

Geay, Mutations, 1989.

cherchait ailleurs que dans le domaine de l’estampe les solutions adaptées à son expression personnelle. Son esprit inventif l’a conduit à trouver un nouvel usage

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artistique des matériaux tels que les colles acryliques ou vinyliques, le Rhodopas, les plaques offset, les plaques de plexi ou de celluloïd, en enfin le carborundum. Parfois, il détournait les matériaux artistiques de leur usage habituel et les employait autrement. C’est le cas de la peinture vinylique Flashe, que nous avons déjà évoquée, une des toutes premières peintures acryliques sur le marché, dont Goetz a trouvé une nouvelle application dans son procédé. Hormis le fait qu’ils étaient étrangers à l’art, ces matériaux étaient souvent peu coûteux. En outre, Goetz ne cherchait pas à travailler avec des matières « nobles » et n’exigeait pas des matériaux de très haute qualité. Ainsi, Goetz démocratisait en quelque sorte encore plus l’estampe, un mode d’expression déjà largement « démocratisé ». Cette fois, il la rendait plus accessibles aux artistes, peintres et graveurs, par l’utilisation des matériaux peu coûteux. Il disait à ses élèves de travailler à moindre frais. Il ne les poussait pas à acheter du matériel qu’ils n’allaient utiliser qu’une seule fois. Il faisait comprendre aux gens qu’on peut arriver à faire de la gravure sans dépenser énormement. Si nous ajoutons à cela la simplicité de ces méthodes, nous comprenons mieux pourquoi la gravure au carborundum a eu un large succès auprès des amateurs et des professionnels.

Le succès de la gravure au carborundum La gravure au carborundum a connu un grand succès. Même si nous ne pouvons mesurer avec précision sa popularité, nous nous rendons vite compte de sa popularité en constatant qu’elle est toujours pratiquée aujourd’hui par un grand nombre d’artistes à travers le monde. Il suffit d’entrer sur Internet des mots clés comme « gravure au carborundum », « procédé Goetz » ou d’autres, pour obtenir des milliers de réponses. On se retrouve avec un grand nombre de noms d’artistes, plus ou moins connus, français et étrangers, qui ont appris et qui utilisent toujours le procédé de Goetz. Certains sont des graveurs de longue date qui ont ajouté cette technique à l’arsenal des procédés qu’ils utilisent d’habitude, d’autres sont des artistes qui se sont lancés dans l’aventure de l’estampe grâce à la gravure au carborundum. Quelles sont les principales raisons de cette popularité ? Elles sont multiples. Tout d’abord, il ne faut pas oublier le fait que les années 1960 sont les années de l’essor de l’estampe en France et en Europe. De nombreux ateliers de gravure, éditeurs, galeries, salons, biennales internationales en témoignent. L’époque était aussi ouverte aux découvertes de procédés nouveaux. Avec toute cette attention portée sur l’estampe, la nouvelle technique de Goetz ne pouvait pas passer inaperçue. Deuxièmement, avec son manuel publié chez Maeght et le besoin qu’il ressentait

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de partager son invention avec ses amis artistes, puis avec ses élèves, Goetz a contribué à la propagation de son invention. Ces deux premières raisons sont non négligeables, mais nous avons le sentiment que la véritable cause réside dans les caractéristiques mêmes du procédé. Hormis les graveurs, ses particularités ont tout d’abord attiré un grand nombre d’adeptes particuliers : les peintres. Pourquoi ? Le métier de graveur est considéré depuis longtemps comme un métier dur et pénible, où l’une des choses les plus importantes est la maitrise de la technique, qui nécessite de nombreuses années de travail. Les procédés de l’estampe sont réputés pour être lents, compliqués et pour demander un grand savoir-faire, de la patience et de la précision. Car dans l’estampe, la méconnaissance de la technique conduit à l’échec. En outre, on considère que les techniques de l’estampe présentent des possibilités restreintes et ne permettent pas de s’exprimer en toute liberté. Tout cela est donc diamétralement opposé au concept de l’inspiration, à la vision romantique de l’artiste qui crée de manière spontanée, directement et dans l’instant, en toute liberté, dans le feu de la création. Il n’est pas nécessaire de montrer combien cette vision est fausse et trompeuse, mais telle est bien trop souvent l’image dont les artistes peintres ont de l’estampe. À tout cela s’ajoute bien évidemment le fait que l’estampe est souvent restée, aux yeux du public mais également à ceux des artistes, étroitement liée à la reproduction, l’illustration, au livre. Même après les grands noms du renouveau de l’estampe du début du vingtième siècle ou des années de l’entre-deux-guerres, l’estampe est demeurée peu appréciée comme moyen d’expression artistique originale. À cette incompréhension de l’essentiel dans l’estampe s’ajoute aussi la méconnaissance générale des techniques graphiques. On ne fait toujours pas bien la différence entre les procédés artistiques et les procédés de reproduction photomécanique ou industrielle. Et donc, même à une époque où l’on s’intéressait de plus en plus à ce moyen d’expression, les préjugés sont restés forts. Pour toutes ces raisons que nous venons d’évoquer, bien des peintres cultivaient une certaine antipathie envers l’estampe. Ils faisaient tout de même appel pour répandre leur œuvre, mais comme qu’une sorte de reproduction des résultats obtenus dans la peinture. Ils ne voyaient pas forcément dans l’estampe un moyen de création original, qui offre des possibilités immenses d’expression artistique. D’une part, parce qu’ils ne connaissaient pas les techniques et les jugeaient trop complexes, lentes et indirectes. Ils les considéraient aussi comme un obstacle à la liberté d’expression. Mais face à un procédé comme la gravure au carborundum, les peintres se sont sentis à l’aise, prêts à se lancer dans l’aventure.

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La simplicité des techniques que proposait Goetz en était la principale raison. C’était aussi dû au fait, très important, qu’avec la gravure au carborundum, on créait plus directement, sans l’intermédiaire de longs processus chimiques, en contact direct avec la matière, ce qui convenait mieux aux peintres. C’est exactement pour cette raison que la gravure au carborundum était considérée comme une gravure de peintres, un procédé qui leur a permis de s’exprimer dans la gravure comme ils s’expriment sur une toile. Dans le procédé de Goetz, la partie technique s’effectue très rapidement et on obtient immédiatement les plaques gravées, prêtes à être encrées et tirées sous presse. Le fait d’obtenir un résultat en si peu de temps, presque immédiatement, a conquis les peintres. Quant à Goetz, nous pourrons dire que c’était exactement son intention. Il voulait un procédé simple et efficace qui conviendrait à sa sensibilité de peintre. Il voulait plier la technique à ses besoins, à sa façon de travailler, à sa vision. Et il a fini par inventer une technique que chacun pouvait adapter à sa guise. La deuxième caractéristique qui a, à notre avis, attiré les peintres, c’est l’aspect pictural prononcé. Ce nouveau procédé permettait, plus que jamais avant dans la gravure, l’utilisation des collages, des empreintes de différentes textures, des ajouts de matières, des animations des surfaces. La gravure au carborundum possède un aspect presque sculptural, puisqu’elle permet des gaufrages et des textures qui pénètrent dans le papier profondément. Il va de soi que dans ces cas, l’utilisation de papiers plus résistants s’imposait. Goetz lui-même est resté très modeste quant à l’usage de toutes les possibilités picturales et sculpturales qu’offrait son procédé, bien qu’il les ait toutes explorées et essayées, montrant ainsi la voie aux autres. La troisième caractéristique est elle aussi très importante pour un peintre. La gravure au carborundum a énormément simplifié l’application de la couleur dans la gravure. Il était, dans le procédé Goetz, beaucoup plus simple de multiplier rapidement les passages de couleurs. En jouant avec la transparence des supports, le graveur pouvait plus facilement contrôler les passages de couleur. Il manipulait les plaques et faisait des essais avec un résultat presque immédiat, ce qui permettait de créer plus librement et d’explorer les variations. Les corrections des passages de couleurs étaient elles aussi plus faciles et plus rapides dans le procédé Goetz que dans la taille-douce classique. Liée à la création des tons et à l’utilisation des couleurs, une quatrième caractéristique vient s’ajouter : avec le procédé Goetz, lorsque l’on dessinait les surfaces destinées aux couleurs, on ne le faisait pas comme dans l’aquatinte classique où l’on « épargne » les surfaces destinées à l’impression. Ici, on dessinait « en positif », comme c’est le cas dans la

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lithographie. Le geste est « enregistré » sur la plaque et fidèlement reproduit lors de l’impression. Citons ici, comme une très belle illustration de notre propos, des extraits de la lettre de Miro, adressée à Goetz et reproduite en postface dans son manuel. Miro était émerveillé par les possibilités de ce nouveau procédé. Dans sa lettre du 4 juillet 1967, il disait : « L’artiste peut s’exprimer avec davantage de richesse et de liberté, lui donnant une belle matière et une plus grande puissance du trait ». Il écrivait également dans une seconde lettre du 18 janvier 1968 : « […] je me rends de plus en plus compte de la richesse et du nouvel horizon que votre procédé apporte à la gravure. Jamais on n’avait obtenu de matière avec une puissance pareille. Pour en ce qui me concerne directement, je peux m’exprimer sans aucune entrave, d’un seul élan de l’esprit, sans être paralysé, ni ralenti par une technique dépassée qui risquerait de déformer la libre expression et la pureté et la fraicheur du résultat final. Une gravure pareille peut avoir toute la beauté et dignité d’un beau tableau ». Aux yeux de Miro, Goetz a levé la gravure au noble niveau de la peinture, avec la même liberté de l’expression. Ces quelques phrases de Miro résument bien la position d’un peintre vis-à-vis de la gravure et montrent exactement quels étaient à leurs yeux les avantages du procédé Goetz par rapport aux techniques classiques. Fig. 48 Cadres du film de Jean Réal : Goetz filmé dans son atelier rue de Grenelle, Max Papart et James Coignard filmés dans l’atelier Pasnic.

Si nous avons constaté que les peintres étaient plutôt enchantés par l’invention de Goetz, qu’en était-il des graveurs ? Quel accueil a été réservé à la gravure au carborundum dans les cercles des graveurs et imprimeurs ? Il faudra dire en premier lieu que la gravure au carborundum était pour de nombreux graveurs le premier contact avec le monde de l’estampe, la première technique apprise. Ceux qui sont entrés dans ce monde par le biais du procédé Goetz, c’est tout au moins notre impression, ont eu tendance à y rester sans vouloir forcément élargir leurs connaissances sur les procédés classiques de l’estampe. Il paraît que la gravure

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La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz


au carborundum était largement suffisante pour combler leur besoin d’une œuvre riche à la fois graphiquement et picturalement. Ils sont aujourd’hui, vingt ans après la mort de Goetz, toujours aussi nombreux à s’initier à la gravure en passant d’abord ou uniquement par le procédé Goetz. Une deuxième catégorie était représentée par les graveurs confirmés qui ont ajouté la gravure au carborundum aux techniques classiques dont ils possédaient déjà la maitrise. Le procédé Goetz et ses matériaux peu conventionnels s’ajoutaient bien aux procédés classiques de la taille-douce. Goetz en était conscient et soulignait toujours ce lien qui reliait son procédé aux techniques établies. Il en faisait d’ailleurs, comme nous avons déjà eu l’occasion de le constater, souvent le mélange, surtout en ce qui concerne ses planches de trait, où il gravait et mordait la plaque de métal de façon traditionnelle, au vernis et à l’acide. Avec la possibilité de fusionner le procédé de Goetz avec les procédés classiques de la taille-douce, les graveurs ont pu donner à leurs impressions plus de matière, plus de reliefs, plus de textures, bref, un aspect pictural plus prononcé. La gravure est ainsi devenue un moyen d’expression plus complet, qui satisfait un grand nombre d’artistes, qu’ils soient peintres ou graveurs.

Fig. 49 Dans l’atelier Pasnic : Pascal Gauvard (à gauche) et Nicolas du Mesnil du Buisson (au deuxième plan). www.artrealite.com/ pasnicatelier.htm

Nous avons déjà évoqué le film de Jean Réal, Le Procédé Goetz, tourné deux ans avant la mort de l’artiste (fig. 48). Ce documentaire raconte d’abord l’histoire de la gravure au carborundum et montre ensuite son usage chez Goetz et chez quelques-uns de ses amis qui ont adopté son procédé : James Coignard, PierreMarie Brisson, Max Papart et Antoni Clavé. Nous y voyons Goetz travaillant dans son atelier, couvrant ses plaques de mélanges de carborundum et de vernis, tirant ses épreuves d’essai sur sa vieille presse. Le réalisateur nous montre ensuite Coignard, Brisson et Papart travaillant dans l’atelier Pasnic, dans le 20e arrondissement de Paris, l’atelier qui perpétue encore aujourd’hui la tradition de la gravure au carborundum (fig. 49). Deux taille-douciers, Pascal Gauvard et Nicolas du Mesnil

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

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du Buisson, y popularisent le procédé de Goetz depuis l’ouverture de l’atelier en 1978, à l’initiative de James Coignard, initialement peintre, ami de Goetz, initié par celui-ci à la gravure au carborundum dès 1968. Leur formation dans le domaine de la gravure se résume à quelques jours de cours chez Goetz à la faculté de Vincennes. C’est en fait James Coignard, ami de la famille de Pascal Gauvard, qui a transmis la passion du métier aux deux jeunes gens, qui décident d’ouvrir un atelier de gravure. Depuis, Nicolas Gauvard et Pascal du Mesnil du Buisson agissent en quelque sorte comme des enseignants, apprenant le procédé aux artistes de l’atelier. Et comme c’est toujours le cas, chaque artiste interprète l’enseignement à sa façon. Ils montrent tout simplement les possibilités techniques, après quoi les artistes font leur propre choix. Curieusement, Goetz n’a jamais travaillé ni tiré ses estampes dans l’atelier Pasnic. En revanche, la liste de ceux qui y ont connu son procédé est longue et impressionnante : hormis les noms déjà cités, Antonio Segui, Didier Hagege, Emmanuelle Renard, Hervé Dirosa, Jean-Pierre Pincemin, José-Maria Cicilia, Michel Haas, Miguel Barceló, Miguel-Angelo Campano, Monique Tello, Sandro Chia, Sophie Sainrapt, et beaucoup d’autres ont travaillé avec les deux taille-douciers de la rue Pixérécourt. Le film de Jean Réal constitue un témoignage précieux des manières différentes et très variées dont d’autres ont pratiqué la gravure au carborundum. Pierre-Marie Brisson travaillait ses plaques comme il travaillait ses toiles. Il ne changeait rien au niveau de l’expression, et le principe du procédé Goetz lui permettait d’utiliser les mêmes matières et d’employer le même geste comme dans ses tableaux. Il a réinterprété le principe de Goetz en utilisant la colle à carrelage pour enduire la plaque, avant d’y tracer en creux des lignes. Il apportait un soin particulier au choix et au mélange des couleurs. Coignard (fig. 50), de l’autre côté, travaillait ses plaques de façon très chaotique, avec une approche de la matière plutôt agressive. Il ajoutait, supprimait, brûlait et enflammait la matière sur la plaque, grattait, détruisait et construisait de nouveau, créant des accidents à partir desquels s’élaborait la gravure. Chez Coignard, le rapport entre ses peintures et ses estampes était interactif, la gravure au carborundum l’a amené à commencer à utiliser d’autres matières sur ces tableaux et à avoir une approche différente après son expérience avec le procédé Goetz. Peintre et sculpteur, Coignard a débuté un œuvre gravé reconnaissable en 1968, grâce au procédé de Goetz qui lui disait : « Pour toi qui ne veux pas te plier à la discipline de la gravure classique, j’ai trouvé une technique qui doit te correspondre » 57. Le procédé Goetz a aussi permis à Max Papart 57 www.mchampetier.com/ biographie-James-Coignard. html

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(fig. 51) de pousser très loin les possibilités de la gravure en couleur. Sa technique était particulière, et ses gravures, composées de dizaines de morceaux tels de véritables puzzles, étaient imprimées avec jusqu’à vingt-quatre couleurs en un seul

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz


passage ! Papart mélangeait les techniques, il utilisait la linogravure, l’eau-forte, le gaufrage, les textures et enfin le procédé de Goetz. Il a complètement plié le procédé à son propos, en le rapprochant de son travail de peintre. Par son inventivité, les procédés de Goetz convenaient très bien à Antoni Clavé (fig. 52), qui s’est laissé tenter par cette nouvelle technique après une démonstration de Goetz dans son atelier. La peinture de son ami Clavé se caractérisait par la force, la liberté et par des qualités parfois dramatiques. Il a réussi à transposer toutes ces qualités dans la gravure, en jouant avec les textures et les empreintes de diverses matières. Il était peut-être le plus audacieux de tous dans l’utilisation de ce procédé. Il a tout essayé, tout objet pouvant recevoir l’encre et déposer leur trace sur le papier. Hormis ces quatre artistes de l’atelier Pasnic, de nombreux autres artistes ont embrassé cette nouvelle technique.

Fig. 50 James Coignard, Animal, 2003. Gravure au carborundum, 56 x 76 cm, édition atelier Pasnic, Paris.

Fig. 51 Max Papart, Homme sourriant, 1989. Gravure au carborundum, 57,0 x 75,5 cm.

Fig. 52 Antoni Clavé, Guerrier au grand G, 1970. Gravure au carborundum, 62,5 cm x 92 cm, édition Vision nouvelle, Paris.

Technique ou « cuisine » ? Nous venons de consacrer un certain nombre de pages à la gravure au carborundum, en essayant de dégager son principe de base et de voir comment il a réussi à séduire les artistes de l’époque. La gravure au carborundum, nous l’avons déjà évoqué, ne représente qu’un aboutissement temporaire des années de recherches que Goetz a menées en vue de l’invention d’un technique qui conviendrait mieux à sa propre sensibilité. Par la suite, Goetz a continué ses recherches, en améliorant constamment son nouveau procédé. En se servant de son principe de base, il y introduisait de nouvelles matières ou de nouvelles façons d’utiliser les matériaux déjà en utilisation.

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

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Cependant, la gravure chez Goetz était loin d’être le seul champ d’inventions. Goetz inventait sans cesse et possédait un vrai arsenal de trouvailles dans le domaine de la peinture à l’huile, du pastel et d’autres techniques anciennes et presque oubliées, telles le tempéra à l’œuf, à la caséine, à la cire, la pointe d’or, la pointe d’argent, la gomme de cerisier… Goetz était un inventeur par nature et, nous pouvons bien le dire, par tradition familiale, dont Goetz était, semble-t-il, très fier. Nous avons déjà évoqué au début de ce mémoire son grand-père alsacien, parti pour le Nouveau monde où il inventera et fabriquera les réflecteurs « Goetz ». Henri Goetz n’oubliera jamais son illustre ancêtre, même s’il n’a jamais connu, et l’évoquera à chaque fois que la conversation touchera à la question de l’invention dans son œuvre. Ingénieur électricien de formation

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, formation du reste abandonnée

pour étudier la peinture, Goetz ne se contentait pas d’inventer seulement dans le domaine des techniques de la peinture. Intéressé par la démarche abstraite de son voisin Hartung, Goetz suivait le chemin de l’abstraction, car il voulait « inventer un monde », à l’instar de son grand-père inventeur… Ce qui nous intéresse ici, c’est d’essayer de comprendre quelle place occupe la technique dans l’œuvre gravé de Goetz. Avec l’invention de la gravure au carborundum et ses divers procédés, Goetz a en effet gagné une notoriété de graveur et d’habile technicien. Il a lui-même, nous l’avons vu, contribué à cette notoriété croissante en enseignant et en propageant ses inventions. Son activité de graveur menaçait sérieusement d’éclipser son travail de peintre, et cette célébrité malgré lui le mettait souvent mal à l’aise. Goetz attachait beaucoup plus d’importance à sa peinture. Il soulignait que ses inventions avaient uniquement pour but de le libérer des contraintes qui perturbaient l’expression de sa sensibilité. En effet, chaque artiste essaye de plier la technique à sa sensibilité et non l’inverse. On doit d’abord maîtriser une technique afin de pouvoir l’oublier et s’abandonner à la pure création. Un procédé mal adapté à sa sensibilité artistique est une grande source de frustration chez un artiste. Goetz était de ceux qui ne se contentaient pas d’être limités par des contraintes techniques ou des règles rigides. Il élargissait les possibilités techniques afin d’élargir son expression artistique. Autre point important : la technique porte en soi un danger d’effets gratuits. Comme le dit Vercors dans la monographie consacrée à Goetz en 1958, l’idée est répandue qu’il n’y a pas loin, en peinture, et nous rajoutons ici en gravure, de la « technique » à la « cuisine ». Dès 1958, Goetz avait donc déjà cette notoriété d’un 58

Et non ingénieur chimiste, comme nous avons pu trouver parfois.

artiste qui en sait beaucoup sur la technique. Goetz s’est-il laissé prendre au piège de la technique ? Quelle est la frontière entre la peinture et la cuisine ? Vercors a proposé une réponse, et nous ne pouvons qu’être d’accord : ce qui distingue

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Le côté pratique de l’estampe


la technique de la cuisine, c’est « la signification même de la peinture, et de son rôle dans l’épopée humaine »

59

. Pour Vercors, les « moyens nécessaires » à cette

épopée ne peuvent être de la cuisine. Mais au contraire, les moyens qui servent aux effets gratuits « d’une peinture qui ignore son but » ne sont rien d’autre que de la cuisine. Chez Goetz, il n’y avait jamais d’effets gratuits. Son œuvre, tant gravé que peint, était tissé avec patience et calme. Il était discret à une époque où beaucoup vociféraient. Tout effet gratuit lui était étranger. La peinture de Goetz, comme sa gravure, était le résultat de ce que son ami Vercors appelait une grande « quantité de métier ». Il s’agit de ne pas se contenter des premiers résultats mais de pousser le travail toujours et encore plus loin, quitte à échouer parfois. Chez Goetz, la technique n’est pas une cuisine, et elle ne sert pas à produire des effets faciles. Quel et donc son rôle au sein de son œuvre, et dans son œuvre gravé en particulier ? La réponse vient de Goetz lui-même. « Mes curiosités de techniques diverses, dont certaines créées par moi, contribuèrent à renouveler mon expression, que je crois fidèle à moi-même », a écrit Goetz dans son autobiographie

60

. Et il

a expliqué plus loin pourquoi il changeait constamment ses moyens techniques d’expression : « Il m’arrive pourtant de me lasser d’une technique, ou de sentir comme un vide en moi. Il suffit à ces moments d’aborder un autre mode d’expression pour reprendre le fil, ce qui explique pourquoi j’éprouve le besoin de me servir de moyens toujours différents » 61. La curiosité était aussi une constante de son art : « Je reste ouvert à chaque occasion de m’engager dans les sentiers qui me sont encore inconnus » 62, disait Goetz en parlant de ses œuvres qui deviennent parfois, dans les mains de ses amis artistes, des tapisseries, des sérigraphies, des œuvres en verre soufflé, des vitraux, des tapis ou des assiettes en céramique. Nous nous souvenons ici de Picasso, lorsque celui-ci, en 1943, en pleine guerre, disait à Brassaï, en lui montrant ses nouveaux dessins : « Par chance, j’ai pu mettre la main sur un stock de splendide papier japon. Ça m’a coûté les yeux de la tête ! Mais sans ça, je n’aurais jamais fait ces dessins… Ce papier m’a séduit... » 63. Oui, la séduction de la matière, une question rarement abordée, qui échappe à la logique et à l’explication. La séduction de la matière était, comme pour Picasso, une partie importante de la création de Goetz. Nous avons déjà évoqué la production du papyrus qu’il avait installée dans son atelier. Enchanté par ce support ancien et magique, Goetz l’utilisait pour dessiner, faire des pastels, des aquarelles… 59

Vercors, 1958. 60 Goetz, 2001, p. 156. 61 Idem. 62 Idem. 63 Brassaï, Conversations avec Picasso, p. 95.

Avec l’émerveillement de la matière, la production de Goetz trouvait toujours un nouvel élan.

La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz

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Pourtant, d’après ses propres mots que nous venons de citer plus haut, dès qu’il avait maitrisé une technique, dès que l’enchantement est passé, Goetz sentait un vide en lui. C’est la raison pour laquelle il était constamment à la recherche de nouveaux procédés. Nous avons l’impression qu’il explorait lentement chaque technique, comme il explorait lentement chaque période stylistique de son œuvre, où les changements s’opèraient toujours lentement et sans heurts. Une fois l’exploration finie, il était temps de changer de cap. Avant l’invention de la gravure au carborundum, Goetz était arrivé à une maîtrise parfaite des procédés classiques de la taille-douce. Il suffit de feuilleter le catalogue raisonné de Masrour pour s’en rendre compte. Si nous regardons les n°s de 15 à 50 du catalogue, nous voyons comment l’expression et la maîtrise technique de Goetz se développaient parallèlement, en donnant parfois des résultats très divers, dont certains peuvent paraître peu habiles ou gracieux, témoins d’une évolution permanente. D’abord noir et blanc, l’œuvre gravé de Goetz n’était prêt à recevoir la couleur qu’à partir du n° 32 du catalogue de Masrour, première gravure en couleurs dans l’œuvre de Goetz. D’abord discrète, la couleur joue un rôle de plus en plus important. Les n°s 80 à 115 témoignent d’une haute maîtrise technique. À partir du n° 116, première gravure au procédé Goetz répertoriée pas Masrour, créée en 1968, l’évolution se répète : Goetz a abandonné les sentiers battus des techniques classiques qui lui ne suffisaient plus et s’est lancé dans l’exploration des moyens stylistiques de sa propre invention. Et nous devons attendre un certain temps pour que Goetz arrive à plier la nouvelle technique à sa sensibilité créative. Les résultats étaient toujours aussi divers et diversifiés. Goetz rajoutait, expérimentait, compliquait, simplifiait, essayait, abandonnait, validait. Un langage propre à l’artiste se développait, poussé par des recherches techniques. Mais ce langage n’était en aucun cas réduit aux problèmes techniques. Comme l’a bien remarqué Michel Melot en 1977 dans son texte du catalogue de Masrour, il ne s’agit pas ici de subordonner le langage à la technique, de ne devenir qu’un virtuose technique et rien d’autre : « Ici le langage ne passe pas par la technique, il s’identifie à elle, et c’est la technique qui devient le langage » 64.

64

Masrour, 1977, p. 47.

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La gravure au carborundum et la question de la technique chez Goetz


Chapitre IV

L’enseignement de la gravure La carrière d’enseignant de Goetz a débuté en 1949. À la suite d’un projet non réalisé de devenir professeur de peinture à l’atelier d’Albert Flocon, Goetz accepte la proposition d’une amie de Roger Rimbault, Pierrette Bloch, aujourd’hui artiste reconnue, de la prendre comme première élève. D’autres ont suivi et Goetz fu bientôt obligé de transférer en 1951 son cours de peinture à l’Académie Ranson. Goetz y a également établi un cours du soir pour ceux qui travaillaient le jour. Il y était assisté par Sélim, artiste turc. Goetz est resté à l’académie Ranson jusqu’à sa fermeture, en 1955 65. Les cinq années suivantes, Goetz a enseigné à l’Académie de la Grande Chaumière, où il s’occupait de deux ateliers et du cours du dimanche matin pour les amateurs. À partir de 1953, Goetz a aussi enseigné à l’École des Beaux-arts de Fontainebleau, où il a dirigé un atelier, dans l’Ancienne Comédie du château. Goetz a accepté ce poste à l’appel d’André Remondet 66, directeur de l’école à l’époque. Le Conservatoire américain a été fondé à Fontainebleau en 1921, afin d’offrir la meilleure éducation musicale française aux jeunes musiciens américains prometteurs. L’École des 65

Alexandra Charvier, L’Académie Ranson, creuset des individualités artistiques, 1919-1955, Mémoire, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne, Paris, 2003. 66 André Remondet, architecte français, né en 1908 et décédé en 1989. 67 Raymond Legueult, né en 1898 et mort en 1971, peintre français et professeur à l’Ecole des Beaux-arts.

Beaux-arts de Fontainebleau a été fondée à son tour en 1923, et avait la même mission que le Conservatoire, mais dans le domaine de la peinture, de l’architecture et de la sculpture. Goetz y a enseigné jusqu’à 1966. Avant d’ouvrir, en 1965, sa propre académie, Goetz enseignait parallèlement dans plusieurs académies : de 1960 à 1963 à l’Académie Raspail, jusqu’à qu’un incendie lui fasse quitter les lieux, de 1962 à 1964 à l’Académie Notre-Dame-des-Champs et de 1962 à 1965 à l’Académie Malebranche au Quartier latin. Son unique enseignement officiel a été celui à la faculté de Vincennes, de 1969 à 1971. Goetz a d’abord accepté la proposition qu’on lui a faite de reprendre l’ancien atelier de Legueult

67

à l’École des Beaux-arts. Ce projet est

L’enseignement de la gravure

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resté sans suite en raison des événements de mai 68, et peu de temps après, Goetz a accepté l’invitation de monter un cours de peinture à la toute nouvelle Université de Vincennes. Aidé par Sachiko Hasada, une jeune peintre japonaise, il a dirigé à partir de 1969 un atelier de peinture de deux cent cinquante-six élèves. Cet enseignement officiel n’a duré que deux ans, jusqu’à 1971, en parallèle avec l’enseignement dans sa propre académie. Jusqu’à 1965, Goetz n’enseignait que la peinture. Ce n’est qu’à sa propre académie que Goetz a introduit un cours de gravure.

L’académie Goetz L’Académie Goetz a été établie en 1965, dans les anciens locaux de l’école qu’avait autrefois dirigée André Lhote, à côté de la gare Montparnasse, au 18, rue d’Odessa. L’atelier se trouvait en réalité dans le fameux passage du Départ, dont l’une des entrées se situait entre les numéros 16 et 18 de la rue d’Odessa d’un côté, et entre les numéros 21 et 23 de la rue du Départ de l’autre (fig. 53). L’atelier qu’occupait désormais l’académie Goetz, et où s’était jadis trouvée celle d’André Lhote, était au premier et dernier étage d’un bâtiment construit en 1908 (fig. 54 et 55). Ce bâtiment, qui s’appuyait sur celui du 18, rue d’Odessa, se trouvait à gauche en entrant dans le passage du Départ du côté de la rue d’Odessa (fig. 56).

Fig. 53 La flèche blanche montre l’emplacement de l’académie Goetz dans l’ancien passage du Départ, photographie en noir et blanc datant de 1972. Archives de Paris, permis de construire 1963-1980, 1178 W 1573, 1920, 2020 et 2032.

L’entrée dans l’atelier se faisait par un escalier latéral en bois. Au premier étage se trouvait un vaste atelier, surmonté d’une mezzanine, avec deux petites pièces de côté. L’atelier était carré et il faisait environ cent mètres carrés. Au plafond, il y avait une verrière avec une ventilation. Deux pièces à côté, un bureau et un débarras, faisaient ensemble environ cinquante mètres carrés. C’était une construction typique de l’époque à l’usage des ateliers que nous trouvons toujours à Paris.

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L’Enseignement de la gravure


Fig. 54 La coupe transversale du bâtiment où se trouvait l’académie Goetz. Archives de Paris, VO11 973 et 974. On voit très bien l’escalier en bois en bas à droite qui menait au premier étage où se trouvait l’atelier. A gauche, la porte au fond condusait dans deux pièces ou il était installé l’atelier de gravure.

Le grand atelier était consacré à l’enseignement de la peinture, tandis que dans les deux autres pièces était installé un atelier de gravure. Les gens venaient apprendre la peinture ou la gravure, et étaient nombreux à venir s’intéresser aux deux moyens d’expression artistique. Pour l’enseignement de la peinture, Goetz était assisté par Marie-Louise Hardy. C’était elle la « massière », elle s’occupait de tous les détails organisationnels et administratifs concernant l’académie, ainsi que des modèles. Il n’existait aucune procédure spéciale d’admission, ni aucun critère de sélection. L’atelier était ouvert à tout le monde, tous ceux qui voulaient apprendre étaient admis. L’ambiance de l’atelier était chaleureuse et cordiale. On peignait surtout d’après un modèle vivant. Goetz venait deux fois par semaine, le mardi et le jeudi après-midi. Il commençait toujours par corriger le travail de ceux qui travaillaient sur le modèle et continuait ensuite par regarder les dessins ou les tableaux que les élèves lui apportaient. Souvent, des anciens élèves venaient lui apporter leurs tableaux, recherchant avis et conseils. L’argent que les élèves donnaient servait à financer le loyer et le modèle, alors que Goetz assurait l’enseignement gratuitement. Il n’en a jamais fait son gagne-pain. C’était apparemment si peu courant et étrange, qu’il était contraint de se justifier auprès des autorités fiscales qui n’y croyaient pas. Goetz trouvait tout simplement dans l’enseignement une source d’enrichissement. Ses élèves, qui étaient de presque tous les pays, lui apportaient beaucoup. « Un vieil adage italien nous dit que le meilleur moyen d’apprendre est d’enseigner. Je le pense aussi : par mon expérience personnelle, je sais que l’enseignant est le premier à profiter de ses cours, car plus on possède de connaissances plus

L’enseignement de la gravure

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on est à même d’en apprendre d’autres. Je dois donc beaucoup à mes activités de professeur sur un plan strictement personnel »

68

. Pour Goetz, ce qui comptait

dans l’enseignement, c’était le contact « d’un être vivant avec les êtres vivants ». Cela a été l’une des principales motivations de son enseignement pendant plus de trente-cinq années. Certaines « scolies de l’atelier », réflexions de l’artiste sur la peinture prononcées lors des corrections, ont été conservées grâce à la monographie d’Alexandre Galpérine. D’après le témoignage de Claude Bourguignon, peintre et élève de Goetz dans les années 1960, lors de la correction, Goetz trouvait toujours au moins un détail bien fait dans le tableau d’un élève. En partant de ce détail, il expliquait la direction à prendre pour tout le tableau. Goetz avait le don de reconnaître dans chacun de ses élèves sa qualité propre, et son enseignement consistait à essayer tout simplement de mettre l’élève sur le bon chemin, son chemin, sans l’influencer. Voici une des « scolies » de Goetz qui montre bien son attitude vis-à-vis

Fig. 55 Le plan du premier étage du bâtiment où se trouvait l’académie Goetz Archives de Paris, VO11 973 et 974. Deux pièces à gauche arbitaient l’atelier de gravure.

de l’enseignement : « Le professeur de la peinture qui influe son orientation de la tendance de l’élève est comme le passant à qui on demande où se trouve l’Opéra mais qui répond : pourquoi aller à l’Opéra, je vais à la Madeleine, venez avec moi »

69

. Tout ce qu’il faisait, c’était révéler à chacun ses talents et lui

donner le sens et la rigueur du travail. Les élèves de l’académie étaient un véritable éventail des différents profils : graveurs professionnels, élèves des écoles d’art, amateurs, dames âgées… Ses 68 69

Geay, Goetz, 1989. Galpérine, 1972, p. 44.

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L’Enseignement de la gravure

élèves étaient de toutes nationalités, de tous âges, de toutes sensibilités artistiques. La liberté la plus complète était laissée aux élèves pour la création. Si l’atelier était


Fig. 56 Entrée du passage du Départ, côté rue d’Odessa, photographie en noir et blanc datant de 1972. Archives de Paris, permis de construire 1963-1980, 1178 W 1573, 1920, 2020 et 2032.

parfois dans « un désordre créatif », on y travaillait sérieusement. Certains de ses élèves sont aujourd’hui des artistes reconnus : Pierrette Bloch, sa première élève, Marie-Geneviève Havel, fille de Marc Havel, son ami chimiste, Aude de Kerros, Roger Bensasson, Sam Szafran, puis Évelyne Cail, qui est devenue, avec son mari Alexandre Galpérine, très proche du couple Goetz-Boummester, Claude Bourguignon, qui a enseigné à l’académie Goetz après avoir été son élève dans les années 1960, Dikran Dadérian, artiste libanais, qui y a enseigné également, après avoir été lui aussi à son tour l’élève de Goetz. Denise Zayan, qui elle aussi a enseigné à l’académie Goetz, n’a jamais été proprement dit l’élève de Goetz, mais elle a profité de sa présence et de ses conseils durant les quelques années où elle tirait ses estampes. Pour Goetz, il n’existait aucune différence entre ses élèves et des artistes plus connus et affirmés. Il était respectueux du travail de chacun. Il s’investissait beaucoup dans les relations humaines avec ses élèves. Depuis qu’il enseignait, Goetz avait organisé de nombreuses expositions des élèves de son académie. Entre 1957 et 1977, il en a organisé vingt-trois, la plupart à Paris, dans différentes galeries de la capitale, mais aussi à Grenoble, Fontainebleau, Vincennes, Auvers-sur-Oise, Saint-Paul de Vence, et même à l’étranger, en Suède, à Venise, ou encore à Francfort-sur-le-Main. Goetz a écrit de nombreuses préfaces pour les catalogues de ces expositions, ainsi que pour les expositions particulières de ses amis peintres et graveurs. Il a également acheté les œuvres de plusieurs de ses élèves, et non pas par obligation quelconque. Pour certains, il était le premier acquéreur de leurs œuvres. Il est extrêmement difficile de repérer les nombreux élèves qui sont passés par l’académie Goetz. Étudier le rayonnement et l’influence de l’académie Goetz sur la L’enseignement de la gravure

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pratique de l’art de l’époque mériterait une étude à part. Pour le présent mémoire, nous ne nous sommes pas lancés dans cette analyse. Néanmoins, nous pouvons conclure qu’il n’existait pas vraiment « d’écoles » qui se formaient autour de cette académie, mais que l’enseignement bienveillant de Goetz a offert beaucoup de liberté aux jeunes générations de l’époque. Aujourd’hui, presque deux décennies après que l’académie Goetz ait cessé d’exister, il suffit d’effectuer des recherches sur Internet pour se rendre compte du nombre et de la diversité des gens qui ont fréquenté son atelier. Si un grand nombre de ses élèves ne sont pas aujourd’hui des noms très connus dans le monde de l’art, l’enseignement de Goetz a permis à de nombreux artistes d’approcher ce monde sans aucune mystification. Et cela grâce à un grand amour de Henri Goetz pour le métier de l’artiste, mais aussi pour celui de l’enseignant.

L’enseignement de la gravure à l’académie Goetz Nous serons très étonnés d’apprendre que Goetz, ce « grand graveur » comme on l’appelle parfois, n’a jamais enseigné directement la gravure dans son académie. Curieusement, cet artiste qui maitrisait toutes les techniques de l’estampe, et qui en a inventé d’autres, ne se sentait pas apte à l’enseignement de l’estampe. Selon ses propres mots que nous avons déjà cités ici, il se croyait manquer de l’esprit méthodique nécessaire à tout vrai graveur. Nous croyons que c’est pour cette même raison qu’il a préféré confié à d’autres l’enseignement de la gravure dans son académie. Goetz s’est contenté d’expliquer ses procédés à ses amis et élèves, qui étaient par la suite « promus » professeurs de gravure de son école. Dès l’ouverture de l’académie, l’enseignement de la gravure a été confié à Lorraine Bénic, peintre et graveur canadien de Montréal, venue en France en 1963. Avant d’arriver à Paris, elle a déjà entendu parler de l’enseignement de Goetz à Montréal. Après avoir fréquenté des académies de Montparnasse, elle s’est inscrite dans l’atelier de l’artiste. À cette époque-là, Lorraine Bénic ne connaissait rien à la gravure en creux. Dans les locaux de l’académie Goetz, qui a ouvert ses portes passage du Départ, il y avait une presse abandonnée que Lorainne Bénic et Goetz ont remise en état. C’est en la pratiquent, que Lorraine Bénic a appris la gravure. Goetz lui a demandé par la suite d’être la responsable de l’atelier de gravure au sein de son académie. Elle a accepté et c’est de cette façon que l’enseignement de la gravure a commencé pour la première fois à l’académie Goetz. Le tout nouvel atelier de gravure a été installé dans les deux pièces qui se situaient à côté du grand atelier de peinture. Dans une des pièces, on gravait et faisait les

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bains d’acide tandis que l’autre était consacrée à l’impression. Elle était équipée d’une presse de taille-douce, celle remise en état par Lorraine Bénic et Goetz. C’était une presse de taille moyenne, avec laquelle on pouvait imprimait jusqu’au format raisin (50 x 65 cm). La somme que les élèves payaient était modique, et ceux-ci apportaient leur propre matériel. L’académie étant principalement destinée à l’enseignement de la peinture, les élèves s’habituaient peu à peu au fait d’avoir aussi l’occasion d’essayer la gravure. Les premièrs élèves de Lorraine Bénic étaient d’abord ceux inscrits au cours de peinture. Au fur et à mesure que l’on faisait circuler le mot qu’il existait désormais un atelier de gravure à l’académie Goetz, les gens venaient de plus en plus uniquement pour l’enseignement de la gravure. Plus tard, il y a aussi eu ceux qui s’inscrivaient d’abord en gravure, pour ajouter ensuite à leur enseignement celui de la peinture. Comme pour le cours de peinture, aucun critère particulier n’existait pour l’admission à l’atelier. Étaient admis ceux qui débutaient dans le domaine de l’estampe comme les graveurs qui connaissaient déjà le métier. Il n’y avait aucun programme d’enseignement, Lorraine Bénic montrait les bases de la gravure à chaque élève qui venait. Avec ceux qui avaient déjà une certaine expérience de l’estampe, elle essayait et discuter de nouvelles approches et de nouvelles possibilités d’expression. Lorraine Bénic expliquait les principes de la gravure à ses élèves, en leur laissant une liberté absolue sur le plan de l’image. Elle s’occupait principalement du côté technique de la gravure, d’expliquer les possibilités d’expression des procédés graphiques, menant toutefois avec ses élèves des réflexions sur le côté artistique, mais sans jamais discuter la valeur de l’image qu’ils voulaient réaliser. Lorraine Bénic travaillait seule, elle n’avait jamais d’assistant. Goetz ne s’occupait pas de l’atelier de gravure. Les élèves de l’atelier de gravure étaient eux aussi, à l’instar de l’atelier de peinture, très mélangés en âge et en savoir. Les conditions de travail n’étaient pas idéales, et l’atelier pas tout à fait adapté, mais l’enseignement y était très sérieux. En 1969, Lorraine Bénic est partie à Saint-Paul de Vence, où elle a été responsable de l’atelier de gravure à la fondation Maeght jusqu’à 1971. Avant de rentrer au Canada, Lorraine Bénic a aussi, rappelons-le, aidé Goetz à mettre au point son procédé. À partir de 1969, il est probable que l’atelier de gravure a été confié pour un certain temps à Ricardo Licata, alors également professeur et chef de l’Atelier de mosaïque à l’École Nationale supérieure des Beaux-arts et professeur d’Arts plastiques à la Sorbonne, l’information que nous n’avons pas réussi à vérifier. Après Ricardo Licata, Dikran Dadérian, ancien élève de Goetz, a continué d’assurer l’enseignement de la gravure. En 1975, tout le passage du Départ a été démoli, y

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compris le bâtiment qui abritait l’académie Goetz. L’académie a alors déménagé au 14, rue des Lyonnais, dans le 5e arrondissement, dans les anciens locaux de l’Académie Port Royal, dirigée par Claude Schürr. À cette époque, peu avant le déménagement de l’académie, Denise Zayan, dont nous avons parlé dans les chapitres précédents, a rejoint Dikran Dadérian pour enseigner la gravure. À l’académie Goetz, elle a enseigné jusqu’à 1977 la gravure au carborundum qu’elle avait apprise de l’artiste. De 1977 à 1979, elle est partie de l’académie pour donner des cours de gravure à l’Académie américaine de Paris, avant de partir enseigner à Amiens en 1979. Dikran Dadérian a continué d’enseigner la gravure à l’académie Goetz, et envoyait régulièrement à Denise Zayan les personnes qui voulaient apprendre la gravure au carborundum. Les nouveaux locaux comprenaient eux aussi deux ateliers : un consacré à l’enseignement de la peinture et l’autre à celui de la gravure. L’atelier de peinture était plus important et occupait la plus grande salle, d’environ trente mètres carrés. Hormis Goetz et Marie Louise-Hardy qui l’assistait, il y avait également de nouveaux enseignants en peinture : Claude Bourguignon, ancien élève des années 1960, a commencé à y enseigner en 1975. Il est resté à l’académie jusqu’à la mort de Goetz, en 1989. En 1986, est également venu Roger Bensasson, qui restera jusqu’à la fermeture de l’académie. L’atelier de gravure, dirigé donc par Denise Zayan et Dikran Dadérian, était équipé d’une presse de taille-douce Lecornet, dont les dimensions du plateau étaient de 120 x 80 cm. Dikran Dadérian y enseignait les procédés classiques deux fois par semaine, le vendredi et le samedi, tandis que Denise Zayan montrait aux élèves le procédé Goetz, le jeudi. Les cours fonctionnaient du 15 septembre au 30 juillet. La participation était à l’époque de 1975 de vingt-cinq francs la journée, le matériel et les principales fournitures étant payés par les élèves. Beaucoup plus tard, en avril 1989, à l’invitation de Goetz, Claude Raimbourg et Anne-Marie Leclaire, qui étaient les taille-douciers de l’artiste et dont nous avons déjà parlé, se sont joints à Dikran Dadérian dans l’enseignement des techniques classiques et de la gravure au carborundum. Ils y resteront jusqu’à la fermeture de l’académie. Après la mort de Goetz, Dikran Dadérian lui a succédé à la tête de l’académie, dont le nom était désormais l’académie Goetz-Dadérian. L’académie a fermé ses portes en 1997. Les propriétaires des locaux avaient quasiment donné à Dadérian un ultimatum : soit il rachetait les locaux et y continuait à enseigner, soit il restait locataire, mais sans pouvoir y recevoir d’élèves. Ne sachant quoi faire et n’ayant

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suffisamment de moyens pour racheter les locaux, Dadérian a fermé les portes de l’académie. Hormis les cours de gravure dans sa propre académie, Goetz donnait des cours sur son procédé aux Écoles nationales des Arts Décoratifs de Nice, de Grenoble et de Paris. Entre 1973 et 1975, aidé par Dikran Dadérian, il a enseigné en été à l’École d’Aigaliers, une petite commune de l’Uzège, dans les pays du Gard Provençal. Goetz donnait aussi des cours à l’étranger, et notamment en Italie, à Scuola Internazionale di Grafica à Venise. En 1974, dans une lettre adressée à Maître Rey, collectionneur et amateur d’art de Perpigan, avec qui il entretenait une vraie amitié, Goetz a expliqué qu’à Venise « ils y travaillent avec beaucoup d’application et d’acharnement ». A part l’enseignement dans son académie et les divers cours qu’il donnait, Goetz montrait ses procédés directement à ses amis artistes confirmés ou aux jeunes artistes voulant apprendre sa technique. Nombreux ont donc été les jeunes, peintre ou graveurs, ayant reçu l’enseignement de Goetz de la même manière que Denise Zayan, au sein de son atelier, qui leur était toujours ouvert. Goetz a également révélé à ses amis peintres et graveurs confirmés, sans le moindre secret, ses procédés et ses inventions. Nous pensons ici notamment à James Coignard, Antoni Clavé, Pierre-Marie Brisson et Max Papart, qui ont profité de sa plus grande invention, mais aussi à Pierre Schneider, Jean Bertholle et François-Xavier Fagniez, à qui Goetz a également montré son nouveau procédé. Pour les trois derniers, artistes de la Galerie Bellechasse à l’époque, nous avons déjà évoqué le souhait de Karl Masrour, qui voulait que tous les artistes de sa galerie aprennent le carborundum. Parmi les artistes les plus connus qui fréquentent l’académie de Goetz, nous trouvons aussi les noms de Zao-Wu Ki et de Richard Davies, qui s’y sont également initiés à la gravure.

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Conclusion Nous venons de passer en revue tous les aspects de l’œuvre gravé de Goetz. Nous avons analysé, pas à pas, son parcours de graveur, l’évolution de ses estampes, vu les tirages augmenter et les formats s’agrandir, nous avons vu comment et quand la couleur est intervenue. Ce qui caractérise son parcours, c’est la richesse des techniques employées. Avant d’opter pour la taille-douce, Goetz a essayé toutes les techniques de l’estampe. Il explorera tous ces procédés avant d’en inventer d’autres. Une sorte de couronnement, et le sommet de ses recherches, est l’invention de la gravure au carborundum, ce procédé qui va relancer la gravure chez Goetz et donner un nouvel élan à la gravure de l’époque. Cette influence est sans doute énorme, mais reste encore à être évaluée. Nous n’avons pas pris cette direction dans ce mémoire qui reste une étude générale de tous les aspects sans toutefois rentrer dans leurs détails. Il faudra analyser le travail des principaux artistes de ces années-là pour arriver à une conclusion sur l’importance de cette découverte pour la gravure de l’époque. Il faudra aussi un jour analyser le rayonnement de l’enseignement de Goetz, qui est sans aucun doute conséquent dans le domaine de la peinture et celui de la gravure. Pour ce faire, les futurs chercheurs devront connaître les noms des artistes qui sont passés par les académies où Goetz enseignait, et principalement par l’académie Goetz. Cette influence sera certainement difficile à mesurer, car nulle « école » aisément identifiable ne s’est formée autour de l’enseignement du maitre. Goetz a offert à ses élèves dans un enseignement ce qu’il y avait de plus précieux : une liberté totale, mais qui ne se traduit nullement par une négligence. Au contraire, cet enseignant talentueux qui connaissait bien « le miracle de la communication » savait préserver la fraicheur de chacun de ses élèves, en les guidant discrètement

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Conclusion


sur leur propre chemin, sans jamais leur imposer le sien. Comment mesurer les conséquences d’un tel enseignement qui n’avait pas comme résultat de fidèles imitateurs mais des artistes libres dans leur choix, qui reconnaissait à chacun sa propre force ? Nous avons aussi abordé le « côté pratique » de la production graphique de Goetz, vu qui étaient ses éditeurs, dont il avait un très grand nombre à cette époque où les éditeurs fleurissaient en peu partout, ses imprimeurs, souvent ses élèves et les jeunes artistes en début de carrière, quand et comment Goetz exposait ses estampes, et dans quelles collections elles sont actuellement les mieux représentées. Il nous reste peut-être, en guise de conclusion à ce mémoire, à essayer de voir si nous pouvons ajouter quelques réponses aux questions légitimes qui s’imposent quand il s’agit d’un artiste peintre s’aventurant dans l’estampe. Ces mêmes questions ont déjà été posées en 1977 par Michel Melot. Devant le résultat similaire que Goetz obtient dans une peinture et une gravure, où la gravure devient un équivalent de la peinture, une alternative technique mais identique quant à l’esthétique, Melot s’était demandé, en toute légitimité, pourquoi graver quand même ? Et il avait proposé, rappelons-le, plusieurs réponses possibles. Les possibilités esthétiques propres à l’estampe, la possibilité de multiplication et de diffusion qui caractérise l’estampe, l’envie de chaque graveur et artiste de « creuser », « laisser la trace », toutes ces raisons n’ont pas fourni selon Melot des explications justifiant de manière suffisante la pratique de l’estampe chez un peintre. Après avoir analysé les deux pôles distincts de l’œuvre gravé de Goetz, les explorations du début et les variations qui sont devenues la constante de son œuvre gravé, Melot avait trouvé l’explication de cet œuvre gravé, rappelons-nous dans cette jolie formulation : « dans la capacité de l’estampe à reproduire la différence et à différencier la reproduction » 70. Une des possibles explications de l’œuvre gravé de Goetz repose également dans l’idée d’inventer qui imprègne tout son œuvre. L’idée d’inventer était une partie essentielle de son travail qui justifiait de façon suffisante sa pratique de l’estampe, alors même qu’il n’y avait aucune différence plastique ou esthétique entre une estampe et une œuvre obtenue avec d’autres techniques, la peinture, le pastel. Au lieu de les servir, Goetz essayait de plier chaque technique à ses besoins, à sa propre sensibilité. Il passait du pastel à la peinture et à la gravure ou inversement. Même une mauvaise épreuve rehaussée devenait un tableau, un pastel, un motif parfois entièrement recouvert, une nouvelle œuvre. Goetz rendait réversible ce mouvement 70

Masrour, 1977, p. 46.

de l’estampe vers la multiplication et la reproduction. La gravure revenait à la peinture, et les deux devenaient interchangeables, équivalentes.

Conclusion

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Dans la découverte de nouveaux procédés ou dans la création esthétique, l’idée d’inventer était au cœur de on art. Goetz se revendiquait toujours l’héritier de son grand-père inventeur. Une simple anecdote de famille à première vue, cette idée d’inventer est responsable de son œuvre gravé au même titre que les explorations et les variations dont parle Michel Melot. Si Goetz grave, c’est parce que la gravure offre des possibilités d’inventions créatrices. C’est un vaste champ permettant des découvertes permanentes, techniques et esthétiques. Pour Goetz, c’était aussi un pont entre les principales facettes de son art. La peinture, le pastel, le dessin et la gravure formaient ainsi un cercle interminable de sa création artistique, dans lequel son art se renouvelait sans cesse. Une fois intégrée à son art, la gravure ne quittera jamais ce cercle où chacun des moyens artistiques avait sa place et représentait une source inépuisable d’inspiration. À la fin des années 1980, Goetz s’est confié à Jean-Pierre Geay : « J’ai encore tellement à apprendre de la gravure. Si j’ai cherché à inventer de nouveaux procédés, c’est parce que j’étais mauvais graveur. Mais je crois que j’ai fait quelques progrès. En tout cas, il me semble que chaque découverte me réconcilie avec la gravure » 71. Inventions, explorations, variations. Si cela explique le fait que Goetz gravait, il reste encore une chose à déterminer : la place de la gravure parmi les autres moyens d’expression qu’il utilisait, l’’importance et le rôle de la gravure dans son art. Goetz a commencé à graver en 1940, et ses premiers pas ont pratiquement été faits pendant la guerre, dans la publication. À ce moment, le dessin jouait un rôle important dans ses estampes, comme toujours chez lui lorsqu’il s’agissait d’une démarche expérimentale, comme l’a très bien montré Jean-Pierre Geay 72. Lorsqu’il a repris l’estampe en 1949, après la guerre, elle reflétait les changements qui s’opéraient dans tout son œuvre, et la gravure se rapprochait de plus en plus de sa démarche dans la peinture. Et elle restera ainsi jusqu’à la fin : la gravure traduisait et suivait l’évolution de son œuvre peint. Mais contrairement à d’autres peintres, la gravure chez Goetz n’a jamais été un moyen de reproduire un tableau. Parfois, Goetz reprenait effectivement un tableau, souvent après un certain temps, qu’il considérait sans doute réussi, pour le traduire en estampe. Des fois, la ressemblance formelle était évidente, mais il s’agissait toujours d’une variation, et le résultat était toujours différent, la gravure servant comme moyen de varier la production, avec un moyen d’expression alternatif. Si la gravure était donc parfois faite « d’après » un tableau, la plupart du temps, il s’agissait d’œuvres indépendantes, traduisant la même démarche que la peinture, mais dans un autre moyen d’expression, avec des résultats différents, et non pas quant à l’esthétique, mais quant aux possibilités 71 72

Geay, Goetz, 1989, p. 170. Ardèche, 1995, p. 13.

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Conclusion

formelles.


Goetz se disait d’abord peintre. Il attachait, selon ses propres dires, plus d’importance à son œuvre peint, donc à ses tableaux. La gravure, le pastel, le dessin, ne représentaient pour lui que d’autres moyens de dire la même chose. La production considérable dans ces trois autres domaines prouve toutefois que la gravure n’était pas non plus pour cet artiste quelque chose d’accessoire, mais qu’elle était au contraire au centre de ses préoccupations. Elle était en effet une nécessité. Et comme le disait Gérald Gassiot-Talabot, elle participait « d’un large mouvement d’appréhension du monde des formes » 73. Mais le nombre d’estampes que Goetz a fait durant sa vie ne suffit pas à lui seul à expliquer le statut qu’avait à ses yeux la gravure, même s’il est clair qu’il s’agissait d’une activité sans doute quotidienne. Le fait que Goetz exposait à l’occasion ses estampes séparément de ses tableaux, souvent accompagnées, d’ailleurs, de ses dessins, pastels ou gravures rehaussées, « corrigées », montre qu’il considérait la gravure comme un moyen autonome de création, qui pouvait avoir, au sein de son art, une place à elle seule. Mais en même temps, le fait que ces expositions de peintures étaient toujours accompagnées de quelques estampes montre également que la gravure avait aussi une place réservée au sein de son art, en tant que partie intégrante du processus créatif global. La chose qui surprend, c’est le fait que Goetz n’enseignait pas directement la gravure dans son académie. Il ne l’enseignait que par le biais de son manuel La Gravure au carborundum mais ce, au plus grand nombre, bien sûr. Il montrait sans le moindre secret son procédé à ses amis et à tous ces jeunes artistes qui le sollicitaient. Mais dans son académie, Goetz préférait s’occuper de l’atelier de peinture et inviter d’autres, jeunes artistes au début de leur carrière, souvent ses anciens élèves, à prendre en charge l’atelier de gravure qui fonctionnait au sein de l’académie Goetz. Nous nous souvenons que, paradoxalement, cet artiste qui maitrisait toutes les techniques de l’estampe et qui publiait des manuels de gravure se sentait « peu apte » à l’enseignement de la gravure. Il semble que pour ce graveur habile mais modeste, le but n’était pas de s’assurer une place importante dans la gravure par les publications sur ses procédés, de dire « je suis un grand graveur », mais réellement de divulguer, avec une impatience qui lui était propre, ce qu’il avait découvert. La notoriété de « grand graveur » qu’il a gagnée malgré lui le gênait parfois, et comme nous l’avons déjà souligné, il craignait que son activité de graveur occulte celle qu’il considérait la plus importante : sa peinture. Dans cette lumière, le fait de dire de soi qu’il était « mauvais graveur » pourrait nous sembler être une pose, une fausse expression de modestie, pourtant derrière cette déclaration se cachait un grand respect envers le métier de graveur. Goetz a mainte fois répété que son 73

Masrour, 1981, p. 98.

intention n’était pas de remplacer par son invention les procédés classiques de la taille-douce, mais d’inventer des procédés plus directs et plus faciles, d’abord pour

Conclusion

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convenir à sa propre sensibilité, et ensuite pour servir à d’autres. Nous pensons que Goetz n’avait jamais songé que ses procédés connaîtraient une telle popularité parmi les artistes de l’époque. Si, venant d’inventer le procédé, il a appelé sur le champ la conservatrice de la Bibliothèque nationale Françoise Woimant pour lui montrer sa découverte, ce n’était pas pour rechercher une quelconque gloire, mais pour partager la joie de cette invention comme un enfant qui a envie de partager avec autrui la découverte du monde qu’il fait tout les jours. Cette question de savoir si Goetz était d’abord peintre ou graveur, graveur ou peintre, s’assimile peut-être à une tentative de classifier l’inclassifiable, puisque l’on a toujours besoin de placer les artistes dans les tiroirs étiquetés de différents « ismes », pour croire mieux les appréhender. L’œuvre de Goetz et l’homme lui-même résistent à toute classification, et c’est peut-être la raison d’un certain oubli dont souffre aujourd’hui son œuvre. Par cet oubli, ou plutôt cette mise à l’écart, on a tendance à l’exclure de l’Histoire, ce qui s’oppose à une classification. Goetz était un homme qui cherchait partout, au risque de perdre ses amis et de se perdre lui-même. À soixante-deux ans, face au besoin qu’éprouvaient certains critiques de l’intégrer à tel ou tel mouvement, telle ou telle école, Goetz répondait avec un humour bien à lui : « Je suis très content que l’on a du mal à me classer. Je crois que l’on classe des monuments historiques et que je ne tiens pas à en être un » 74 ! Goetz est sans doute devenu un monument, une figure incontournable de la peinture et de la gravure française du XXe siècle. Et si l’on classe les monuments pour les mieux préserver, dans le cas de Goetz, il vaudrait mieux laisser la question de son classement ouverte, car c’est seulement de cette façon que l’on pourra parfaitement comprendre sa démarche. Enfin, avons-nous répondu à la question de la place de la gravure dans son œuvre et à la question de savoir pourquoi il gravait ? Le fait que Goetz ait trouvé dans l’estampe un domaine d’action favorable à ses recherches est peut-être tout simplement une conséquence toute naturelle qui aurait découlé tout ou tard du besoin de ce chercheur et trouveur infatigable de toucher à tout, d’utiliser tout moyen susceptible de l’aider dans la libre construction de son monde pictural inventé.

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Emission radio Forum des arts, diffusé le 5 février 1972 sur France Culture.

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Entretiens Cet annexe comporte les transcriptions de quelques entretiens que nous avons pu effectuer avec des gens qui étaient proches de Henri Goetz. Seules sont ici données leurs réponses qui concernent l’oeuvre gravé de Goetz, la gravure au carborundum et l’enseignement de la gravure à l’académie Goetz.

Hélène Laffly, entretien du juillet 2008 « C’était à un moment donné à Montparnasse, dans l’ancien atelier d’André Lhote. Et c’était vétuste pas croyable, mais c’était formidable. Après, le cours est allé rue des Lyonnais, mais ce n’était pas la même chose. Le premier atelier, je vois où c’est, on tournait à droite, on montait, un escalier en bois… Il y avait des élèves de toutes les nationalités. Il y avait des élèves qui ont fait de très belles choses. Au point de vue carrière, au point de vue travail… Au point de vue gravure, alors là, je crois que tout Paris a défilé chez lui ». « J’ai connu Goetz à son cours, j’étais son élève. C’était en 1971 - 1972. Je venais avec ce que je faisais le jour de la correction. Il m’a appris le carborundum, mais chez lui, dans son atelier rue de Grenelle. A cette époque-là, j’avais commencé de faire de la gravure, mais j’avais des petits ennuis. Goetz m’a dit, puisque c’est comme ça, tu viens chez moi samedi, on va faire de la gravure ensemble. Donc, j’allais chez lui, le samedi et le dimanche, faire de la gravure. Et j’avais plus d’ennuis. Il m’a appris le principe de son nouveau procédé. Mais Goetz faisait aussi de l’aquatinte et de l’eau-forte et il a fait tirer ces estampes-là par Dutrou ».

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« C’est-à-dire que ça a plus beaucoup à certains graveurs, parce que pour avoir un atelier il faut des certains moyens. Avec du carborundum, vous pouvez le faire partout. Puisqu’on ne fait pas de bain. Je sais qu’un moment donné où je faisais du carborundum, je saupoudrais mon carborundum dans les couloirs des caves, puisque j’avais installé ma presse dans ma cave. Et une voisine m’a dit, vous avez vu, devant votre cave il y a des choses qui scintillent parfois ! Mais il y avait des gens qui étaient déçus. Parce que moi, j’ai compris tout de suite que pour que ça marche bien, il fallait attendre pour que ça soit bien séché. Mais il fallait avoir la patience d’attendre que ça sèche. Goetz avait un système à séchoir électrique. Après il y avait de nouvelles techniques que je ne connaissais pas, mais moi je me suis toujours accrochée à l’ancienne méthode, puis essayé d’en trouver quelquesunes à moi. A un moment donné, je suis passé à l’aquatinte ». « Henri Goetz rencontrait beaucoup de gens. Il avait son cours, et puis il avait cette générosité d’ouvrir son atelier à des gens qui venaient l’écouter. Même parler, parce qu’il connaissait beaucoup de choses. Il avait connu toute l’époque de Montparnasse. Il connaissait beaucoup de monde ». « Il y avait peut-être une petite période où il était presque plus connu comme graveur dans le monde entier. Parce que ça défilait. Mais quand même, comme peintre il était connu. Il a fait tout un œuvre en pastel. Parce qu’il avait inventé un truc. Henri Goetz avait fait des études d’ingénieur. Ce qui donne un esprit inventif. Il avait inventé le pastel chauffé. Et les bâtons, ça fondaient un peu. Et il a fait de très belles choses, très, très belles choses. Et il disait à ses élèves, il faut que vous travailler à moindre frais. Dans certains cours, on pousse les élèves, il faut acheter ci et ça… Et il disait, n’achetez pas ça, vous allez l’utiliser une fois, et puis vous allez réaliser qu’avec un autre appareil ça fait même effet. C’était très important de faire comprendre aux gens qu’on peut arriver à faire une œuvre intéressante sans dépenser des sommes folles à acheter n’importe quoi ». « La gravure, oui, c’était important pour lui, je pense que quand il avait fini un tableau, il avait envie de faire une gravure. C’était un très grand travailleur. Il travaillait beaucoup ». « Ca l’ennuyait, et je trouve ça normal, on pensait souvent à lui comme graveur. Il aimait qu’on pense à lui en tant que peintre. Et ce qui était vrai, d’ailleurs ». « Goetz ne jetait jamais les gravures qui étaient ratées. Il ne les jetait pas, il dessinait par-dessus ».

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Claude Raimbourg et Anne-Marie Leclaire, entretien du 9 février 2009 Les taille-douciers de Henri Goetz C.R. : « On a commencé à être les taille-douciers de Goetz en 1985 ou 1986 je crois. Dans les années 1980, on a pris la succession de l’enseignement à cette académie qu’il avait fondée, et qui était moitié peinture, moitié gravure. Donc j’ai enseigné un certain nombre d’années et puis Anne-Marie a pris la suite aussi. C’est à la demande de Goetz que j’ai commencé à enseigner ». A-M. L. : « On était amis avec Maurice et Christine75 qui imprimait beaucoup pour Goetz. Puis Maurice voulait interrompre ce travail. Et comme nous étions sur Paris, il nous a proposé de devenir les taille-douciers de Goetz à Paris. On connaissait Goetz déjà auparavant puisque Claude exposait beaucoup dans Midi, juste au-dessus de Nice. Il a écrit à Goetz, plusieurs années avant, pour savoir s’il lui fait une préface et Goetz avait écrit un petit texte pour lui. Ensuite on est allé le voir, et on a donc commencé à se rencontrer un peu comme ça. Et puis il nous a demandé si on accepterait de travailler pour lui quand il était à Paris. Et ça nous a tout à fait intéressé. Et voilà, on a fait quelques années. A l’époque, c’était ici notre atelier » 76. « Goetz nous apportait les plaques, souvent avec un pastel. Il donnait des indications avec du pastel pour les couleurs, et puis on se mettait d’accord pour les couleurs. Ensuite, on faisait un bon à tirer et on tirait ». « Sur sa presse rue de Grenelle, Goetz faisait des essais. On faisait ensemble un bon à tirer, mais il faisait lui-même des essais. Il était toujours un peu dans l’invention, dans la découverte. De temps en temps il nous appelait, à six heures du soir, en disant, ça serait bien si vous passiez parce que je viens de découvrir quelque chose. Alors, on lui disait demain, mais il disait : « Bien sûr demain, mais pourquoi pas tout de suite » ? Et comme on était en train de travailler à la presse, on se lavait les mains, et on partait rue de Grenelle en métro. C’était quelquefois une toute petite chose qu’il voulait nous montrer ».

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Maurice et Christine, Leurent-Rousseau, tailledouciers de Goetz à Nice. 76 Avenue de St-Ouen, dans le 17e arrondissement.

C.R. : « Je voudrais surtout insister sur son caractère consciencieux par rapport à la gravure. Il n’a jamais fait réaliser des gravures par quelqu’un. Goetz a toujours gravé, et avec passion, on peut dire, et il a toujours réalisé ses essais lui-même. Il tirait merveilleusement, d’une façon très acrobatique… C’était un grand spectacle

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de voir Goetz encrer et réaliser des tirages, et changer son papier, personnellement pour moi c’était un numéro de haute voltige. C’était tout à fait étourdissant. Et Maurice Rousseau-Leurent avait un peu cette technique. Nous, on n’a jamais réussi ça, être aussi virtuose ». A-M. L. : « Il prenait la plaque, le papier et retourner, et alors ça marchait, mais nous, on avait des systèmes des repères sur notre presse. On faisait d’une manière très différente. Ce qu’il faisait Goetz, pour moi c’était effectivement de l’acrobatie. J’ai essayé une fois ou deux… ». C.R. : « Ce qui est très intéressant dans notre travail de taille-doucier, c’est que nous avions aussi une formation de graveur. C’était très intéressant notre dialogue, on avait appris beaucoup avec Goetz. Mais il y avait une chose qui était assez difficile, c’est que d’abord il y avait quelques fois des estampes qui avaient quatre ou cinq planches, la dernière étant la planche noire. Souvent Henri Goetz faisait ses essais avec des couleurs qui n’étaient pas des encres, par exemple avec du pastel, pour indiquer. Alors vous aviez un bleu de Prusse au pastel, mais ce n’était pas du tout la même chose quand c’étaient des encres. Nous avons fait énormément d’aller-retour, Montmartre – rue de Grenelle, parce que ce n’était pas évident ». A-M. L. : « Ou alors on changeait tout, comme une fois, je me rappelle, c’était terrible… Je vais chercher une planche chez lui. Il avait fait un essai au pastel, donc on cherche les encres, les couleurs qui se rapprochent le plus possible. On fait un ou deux tirages d’essai, on réajuste, j’étais assez contente de ce qu’on avait fait… Et donc il vient un soir ici, c’était une petite gravure heureusement, et il me dit : « Qu’est-ce que vous en pensez ? Et si à la place de l’encre là on mettait du bleu, et si on inversait tout, si la couleur du fond on la mettait pour la couleur… Et qu’on mettait ce petit bleu là pour le fond, et que l’orange qui est là on faisait… ». Donc on repartait sur tout à fait autre chose. C’était hallucinant. Mais ce qui était très intéressant, c’est qu’on participait, on était dans le travail de création. Et on a fait beaucoup de tirages de gravures… Ça permet d’entrer, d’une façon physique, sensuelle, et intellectuelle aussi, vraiment dans le travail créateur de la personne en question. Et je trouve que c’est tout à fait passionnant ». C.R. : « Au demeurant, on peut dire que les impressions des estampes de Goetz, c’était pour les taille-douciers quand même un travail monumentale, parce que vous aviez des estampes où il avait six planches et des formats qui approchaient de raisins. Le plus difficile c’était l’encrage du carborundum quand c’était des surfaces extrêmement petites, et les superpositions… On en a eu, on avait travaillé des nuits entières ». 120

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A-M. L. : « Quand on a commencé, Maurice Rousseau nous a expliqué le principe. Puis après, on fabriquait nos encres nous-mêmes à partir des pigments et des différentes sortes de l’huile, et puis on a trouvé une technique qui nous allait bien pour encrer, qui n’était pas forcement la même que d’autres. On avait des pinceaux qu’on coupait presque à ras, et puis on encrait comme ça sur le carborundum. On détourait après à la planche noire où on encrait d’une façon classique avec de la tarlatane. C’était toujours assez difficile de passer de l’un à l’autre. Et la planche noire, si on l’a raté, alors toutes les estampes étaient à déchirer et à mettre à la poubelle. C’était quelques fois un peu difficile ». « Après, même très rapidement, Goetz nous a fait rentrer en contact avec ses éditeurs. Il nous disait : « Voilà, je vous donne ces planches, et un éditeur va passer chez vous, et il va choisis quelle planche il va éditer ». Et c’était aussi intéressant pour nous de rentrer en contact avec ses éditeurs et de voir comment Goetz se débrouillait avec cette question ». A-M. L. : « Il n’a pas pu signer [ses dernières estampes] pour la Bibliothèque nationale. A chaque fois qu’on faisait un tirage, on faisait une ou deux épreuves d’atelier, pour nous, annoté « h.c.» , et toujours un exemplaire pour la Bibliothèque nationale, qu’il dénommait « dépôt légal »… Mais les dernières, il nous a donné tout un lot des planches qu’on devait lui tirer pour septembre (Goetz est mort en août) ... Nous avons encore quelques planches que nous n’avons jamais touchées ». C.R. : « C’était un homme qui mettait bien facilement en relation, il ne gardait pas pour lui. Il y avait à l’époque une conservatrice à la Bibliothèque nationale, elle s’appelait Françoise Woimant. Goetz l’appelait joliment Francette… C’était une femme extrêmement proche des graveurs, un peu comme Michel Melot, ce sont des gens qui sont très intéressés par la création… Je garde aussi un très bon souvenir du passage de Marianne Grivel ici… Je pense que c’était une des meilleurs responsables des Nouvelles de l’estampe. Elle était très, très proche des graveurs aussi. Et après il y a eu Madame Gautrot, qui était très bien aussi. C’étaient des gens qui ne sont pas entourés d’une cour, ce sont des gens qui ont un regard... Ils cherchent enfin, c’est assez rare ». « A chaque salon de l’estampe qu’on organisait dans une banlieue parisienne, il y avait au moins une ou deux estampes de Goetz, au moins une estampe de Flocon, toujours une image de Vieillard… A l’époque, le salon s’appelait « le groupe Corot ». Il a été créé en 1982 - 1983, et nous nous sommes retirés en 1992, je crois ».

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A-M. L. : « Ça existe toujours, le groupe de graveurs est resté, mais leurs statuts se sont modifiés, ils fonctionnent comme beaucoup d’associations de graveurs en France ». C.R. : « Nous, nous avions un comité d’honneur, et parmi les membres il y avait bien sûr Goetz, Flocon, Hélène de Beauvoir, Avati, Michel Ciry, des gens qui étaient toujours extraordinairement présents. On a vraiment eu de la chance ». A-M. L. : « On a eu de la chance de rencontrer des graveurs de très haut niveau, mais qui acceptaient d’exposer et de soutenir un petit salon de banlieue. Au départ c’était vraiment… C’était quelques graveurs amis, qui se sont regroupés autour d’une dizaine de très jeunes débutants, amateurs dans une banlieue de Paris, à Ville d’Avray et Chilly-Mazarin ». L’académie Goetz rue des Lyonnais C.R. : « Pour revenir à l’enseignement et à l’académie rue des Lyonnais, dans le 5e arrondissement, nous avions remarqué qu’il y avait un certain nombre d’étudiants, sinon tous les étudiants, qui venaient pour apprendre le carborundum. Une espèce de fascination par rapport à une technique… Et Goetz nous a toujours mis en garde en disant, n’apprenez le carborundum, ne permettait le carborundum que lorsque vous avez devant vous des graveurs déjà confirmés dan les différentes techniques, pointe sèche, eau-forte, etc. On s’est employé à retarder un petit peu ce goût chez les étudiants pour cette technique, et je pense qu’il avait tout à fait raison, parce qu’en fait, mon point de vue très intime c’est que, avec des procédés tels que dit « au carborundum », on peut faire très rapidement de « belles » images… Et que la gravure ce n’est pas, quelque soit la technique, ce n’est pas forcement tout de suite qu’on fait de belles images, on ne fait peut-être même pas du tout de belles images… Donc là il fallait trouvé un équilibre… Je pense que cette invention, en quelque sorte, du carborundum, pouvait les desservir. Chez d’autres ça était un plus, mais ça pouvait desservir des artistes qui n’avaient pas cette intelligence de la matière si vous voulez ». A-M. L. : « C’est-à-dire que pour certains ça risquait de devenir un procédé. Et pas une aide à une créative. Mais Goetz a raconté qu’il avait inventé ça pour ses amis peintres. Donc, pour que les peintres puissent faire des gravures. Le carborundum permettait des aplats de couleurs, ça permettait des surfaces, ça permettait plein de chose, donc il avait vraiment inventé ça pour ses amis peintres ».

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C.R. : « L’Académie, c’était la pagaille, la pagaille intégrale. C’était une académie libre, qui était sous la responsabilité d’un confrère77, absolument adorable, mais c’était très, très mal rangé, c’était très pagailleux... Il y avait sous le même toit l’académie de peinture et l’académie de gravure, et personne ne rangeait rien. Ce qui fait que les bains d’acide n’étaient pas forcément très propres... Pour les enseignants, pour Anne-Marie et moi-même, il fallait arriver de bonne heure pour tout nettoyer. Dikran Dadérian était la responsable de l’atelier, il faisait la correction de la peinture et avait abandonné la gravure… Et quelques fois ça nous est arrivé aussi de faire la correction de la peinture, parce que les deux activités étaient vraiment dans même espace. C’était, malgré ce côté un peu bordélique, assez sympathique. Il y avait des gens de talent, et ce qui était remarquable, je crois, c’est que dans la pensée héritière fidèle de Goetz, aussi bien de Dadérian que nous, nous ne disions pas ce qu’il fallait faire, mais nous essayions d’amener les étudiants à réfléchir, si vous voulez. Ça demandait de la part des personnes qui venaient une certaine maturité, et une réflexion. Cela sur le plan de la peinture. En revanche, sur le plan de la gravure, il est évident qu’on était peut-être beaucoup plus exigeants, non pas par rapport à la créativité, à l’aspect créatif, mais par rapport à la technique, on ne peut pas transiger sur la technique. On essayait de ne pas trop engagé l’idée du carborundum dans la tête de gens, on essayait de freiner un tout petit peu, de façon à ce qu’ils aient, quand même un peu le goût des techniques classiques. En revanche, nous n’avons, parce que ce n’était pas notre technique, jamais enseigné le burin ». A-M. L. : « Les jeunes graveurs qui venaient chez Dadérian, ils venaient parce que ils trouvaient un atelier où ils pouvaient travailler, tirer leurs estampes, donc ils ne venaient pas uniquement chercher l’enseignement du carborundum ». C.R. : « Personnellement, je suis arrivé en fin de parcours à recevoir pratiquement cinquante pourcent des étudiants pour réaliser des tirages des plaques qu’ils avaient fait ailleurs. Mais sans enseignement ». A-M. L. : « Il y avait deux salles. Il y avait une salle, la principale, quand on entrait, et ce sont surtout des peintres qui se mettaient là, parce qu’il avait souvent le modèle vivant. Et puis dans le fond, il y avait une deuxième pièce, avec donc une presse, les bacs pour les papiers, et la gravure se faisait plutôt dans cette deuxième pièce ». 77

Dikran Dadérian

C.R. : « Il y avait une très belle presse, mais avec un plateau relativement étroit ».

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A-M. L. : « Ce qu’on pourrait dire à propos de l’enseignement, d’une façon un peu à l’écart, c’est que Goetz a participé à des Salons, et il regardait beaucoup le travail des jeunes graveurs. Il était sans concession, mais il disait quelques fois un mot ou deux. C’était d’une justesse et ça faisait avancer vraiment. Une année, une jeune femme qui était à l’époque une jeune graveur, nous a demandé si un jour nous pouvons la présenter à Goetz. Donc on est allé avec elle, et puis avec une autre amie graveur, on avait chacune un petit carton à dessins. Et Goetz a tout regardé, il a pris beaucoup de temps pour regarder le travail, et il a dit à cette jeune fille : « Vous savez, la gravure il y a aussi du blanc ». C’est tout. Parce qu’elle faisait un travail très noir, très compact. Et il lui a dit : « Vous savez c’est l’art du noir et du blanc ». Et c’était d’une force, cette phrase, quelque mots à peine, juste ça… Ça lui a fait beaucoup réfléchir, elle est sorti de là un peu abasourdie… Goetz regardait tout, il était très attentif au travail des autres ». C.R. : « Les soirs de vernissage, il passait un temps fou à regarder, et il apprenait vraiment par cœur tous les graphismes, sans concession ». A-M. L. : « Il disait ça avec beaucoup de gentillesse, jamais il a démolie quelqu’un, jamais. Au contraire, il essayait de sortir ce qu’il avait et donner un tremplin à celui qui travaillait. Moi, je trouvais ça formidable parce qu’il trouvait toujours quelque chose, en vrai pédagogue, qui permettait de trouver une petite marche. Et contrairement à certains artistes qui donnent un enseignement, et les gens font de sous un tel ou un tel, lui jamais. C’est surtout en gravure, avec les techniques, que ça risque d’arriver... Mais lui, jamais il n’a dit fait comme ci come ça, et personne ne faisait de sous Goetz ». C.R. : « Il avait ce à quoi nous croyons fortement, c’est-à-dire à la nécessité fondamentale de la passation du savoir. Je crois qu’à partir du moment où vous aimez votre travail, ou technique, si vous avez l’envie de la distribuer, c’est extrêmement enrichissant, mais c’est enrichissant dans les deux sens. C.R. : « Dans l’académie rue des Lyonnais, on avait vraiment un brassage, il y avait par exemple des très jeunes gens, qui préparaient une école d’art par exemple, donc il venaient s’initier. Vous aviez des professionnels, qui venaient apprendre la gravure, et puis vous aviez aussi quelques dames aux chapeaux… Il y avait donc une population très, très variée. Pendant cinq ans, j’en ai eu qui sont restés tout le temps. Et puis il y en avait qui passaient, ils rentraient dans une école d’art et on les voyait pas. Il y en avait même qui ont connu Goetz en tant qu’enseignant. C’était

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assez varié, mais il y a eu des gens qui ont, sur le plan de la création, à mon avis il y avait des grands noms, du bon boulot ». Goetz et la gravure au carborundum C.R. : « On pourrait même penser, à l’extrême limite, que cette technique du carborundum est de l’anti-gravure, puisque ce sont des aplats…. Pour Goetz, ça se situe aussi à une période de l’entre deux guerres, et qui a vu l’estampe se développer en dehors des techniques fondamentales, eau-forte, pinte sèche… Et on voit parallèlement à peu près à la même époque, Fautrier par exemple, cherchait et finalement inventait aussi une façon de multiplier des originaux… Je crois que ça correspond aussi à une autre vision l’estampe moins classique telle quelle nous venait depuis des siècles. Et dans prolongement de cela, notre génération, nous avons vu un autre tournant avec les technologies contemporaines. Et j’ai freiné personnellement vraiment des quatre fers, comme on dit, pour garder vis-à-vis des étudiants ou des stagiaires que nous avions dans notre atelier, pour garder une certaine idée, très dix-huitième siècle, enfin, de l’estampe, originale, et je ne sais pas si on a raison ou tort, on ne peut pas empêcher le progrès, et l’image, l’image unique, l’image multipliée, la défense de l’estampe classique, ce sont des problèmes que nous avons vécus. Maintenant, je suis tout à fait en dehors de cela, et c’est du passé pour nous, mais, nous l’avons vécu avec une certaine inquiétude… Sans doute parce que nous étions nous formés de façon très, très classique et que toute évolution, tout progrès, fait peur je crois… Par rapport à l’histoire de l’estampe, je crois que là il y a des tournants, on va dire des évolutions, qu’on ne peut que constater, qu’on était d’accord ou pas. Donc, Goetz, ça s’inscrit là dans une recherche qui historiquement se situe bien entre les deux guerres. Cette première partie du XXe siècle a été très, très riche avec en ossature toujours les grand noms du surréalisme, du dadaïsme avant et du surréalisme après… Goetz s’y inscrit vraiment. Tout en nous disant, et ça il nous l’a fait remarqué très tôt, tout en nous disant, il y a eu une littérature surréaliste, mais il n’y a pas eu de peinture surréaliste. Il y a eu des peintres surréalistes. Et ça, ça me semble extrêmement intéressant, parce quand on voit maintenant, en ce début du XXIe siècle, la peinture, ça vieillit, il y a un procédé, si vous voulez… et je pense qu’il avait raison par rapport à cela ». A-M. L. : « Goetz gravait sur des matériaux qu’il trouvait. Il n’avait pas cette rigueur, comme certains graveurs, où tout est calculé, millimétré, tout en pile juste… C’était un peu approximatif. Ce qu’il trouvait important c’était le fond de l’œuvre. Mais les petits détails techniques… ».

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C.R. : « Il n’était pas excessivement méticuleux. J’ai travaillé à la même époque avec Roger Vieillard, pendant trois bonnes années, en particulier pour le relevé photographique de l’ensemble de son œuvre gravé. Donc j’ai approché aussi là Vieillard très, très intimement, et c’était très amusant pour moi de passer de chez Goetz à chez Roger, deux personnages tout à fait différents. Goetz nous a fait connaître donc Roger Vieillard, qui était pour moi un personnage très, très important... Il nous a fait connaître aussi Albert Flocon, avec lequel nous avons eu une très, très belle relation, puisqu’il a participé à de nombreuses expositions que nous montrions. Il nous a fait connaître Hélène de Beauvoir, la sœur de Simone Beauvoir, qui était buriniste, pour laquelle nous avons eu une grande tendresse et une très belle relation. Goetz était donc aussi un homme de contact. Je crois qu’à partir du moment où il donnait son affection, ça débordait largement. C’était un homme généreux et c’est intéressant de le savoir ». A-M. L. : « Ce qui était important pour lui, c’était de peindre, de peindre… et graver. Tout le temps. De travailler beaucoup. Ce qui l’intéressait c’était de peindre du matin au soir ». C.R. : « Goetz et Robert Dutrou ont décidé de réaliser le plus grande gravure du monde. Goetz nous a dit, il faut venir... C’était en Bourgogne78, et on est allé le voir. On a passé de longtemps avec lui, il était en résidence là. Alors il nous avait montré, l’un et l’autre, une boîte, on aurait dit une cathédrale, pour passer le grain de l’aquatinte… Je n’ai jamais su s’il y avait une réalisation » 79. A-M. L. : « Il y avait des bacs immenses pour les bains d’acide, et ça faisait un effet terrible, parce qu’il ne couvrait pas le dos, tellement elle était grand la plaque… Il voulait que l’on vient le rencontrer, parce qu’il était en résidence en Bourgogne, en mai - juin 1989, et il avait souhaité qu’on vient le voir. Et donc bien sûr nous étions allés, avec un grand plaisir. Et il nous a dit : « Regardez, c’est le paradis ici, et je vais faire la plus grande gravure du monde ». 78

Centre d’Art Graphique, La Métairie Bruyère, Parly, Yonne Bourgogne. 79 D’après monsieur Dominique Guibert, taille-douciers chez Dutrou à l’époque (et également aujourd’hui, dans l’atelier parisien de la maison), ce projet n’a jamais abouti. Une presse gigantesque a été également construite en vue de cette édition.

C.R. : « Sa grande question, souvent il me prenait la main comme ça et il me disait : « Raimbourg, suis-je un vrai ou un faux naïve » ? Les livres illustrés C.R. : « Une question qui était intéressante aussi, dont on pouvait discuter mais sans qu’on arrive à comprendre, c’était la notion du livre illustré. Je me suis toujours posé la question qu’est-ce que c’est qu’une ligne de poème ou de texte illustré par

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un tel ? Est-ce que c’et une image qui est en rapport avec le texte, ou est-ce que c’est l’invers… c’est très difficile… et Goetz, quand il illustrait, quel que soit le texte, vous trouviez ça ». A-M. L. : « Sauf qu’il disait souvent, pour des estampes anciennes, je me souviens une fois, il nous avait montré une petite estampe en noir et blanc, et il me disait : « Vous voyez là, j’ai illustré littéralement » ! Pour lui c’était évident que le texte et l’illustration c’était une transcription littérale, dans sa gravure, mais moi je voyais rien… Mais pour lui, c’était d’un clarté absolue ». C.R. : « Il faut le voir, peut-être, comme un bonheur, une nécessité de la collaboration, peut-être. Goetz a fréquenté beaucoup de poètes. Parce qu c’était un homme qui lisait énormément. D’une façon extrêmement discrète. Jamais il disait, j’ai lu une telle chose. Par exemple, mon père était comédien. Et Goetz, quand on est rentré en relation avec lui, aussitôt il a fait le rapprochement, Claude Raimbourg avec Lucien Raimbourg, il connaissait toutes les pièces que mon père avait jouées. Il ne se ventait jamais de rien, mais il avait une culture absolument époustouflante. Et il écrivait très bien. Il avait des petits bouts de papier, et il sortait un truc énorme en quatre lignes, c’était percutant et dans un français extrêmement précis ».

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Denise Zayan, entretien de juillet 2008 La gravure au carborundum « La gravure au carborundum est la raison pour laquelle j’ai rencontré Goetz. J’avais acheté son livre sur la gravure au carborundum, j’arrivais d’Amérique latine, et tout ce qui concerne la gravure m’intéressait ». En fait, je suis tombée sur un des marchands de Goetz dans le Midi. J’ai rencontré plusieurs de ses marchands et j’ai vu des choses. C’est là que j’avais acheté ce livre. Un de ces marchands m’a donné l’adresse de Goetz à Paris. C’était Paul Hervieu à Nice, il est décédé maintenant. Il y avait aussi Albert Hervieu à Saint-Paul-deVence. J’ai vu beaucoup de choses de Goetz, si bien des pastels, des peintures, des gravures… Je ne connaissais pas du tout son œuvre avant ». « Je ne connaissais non plus la gravure au carborundum, et tout ce que je ne connaissais pas m’intéressait. J’ai entendu parlé de ce procédé, c’était relativement récent. Je l’ai découvert en 1972, et le livre est de 1969… Et comme j’avais l’adresse de Goetz, je l’avais écrit. Et il m’a répondu, et c’est comme ça que je l’ai rencontré. Et puis il m’a demandé si je voulais tirer ses gravures, j’ai dit j’avais jamais fait ça, il m’a dit tout ça s’apprenait… ». « La gravure au carborundum, c’est un certain nombre de possibilités dans la gravure qui ont amené une utilisation assez grande da la couleur. Et ce sont en général des peintres qui s’en sont servi. Pas de graveurs au sens traditionnel du mot. Toutes les techniques traditionnelles de la gravure sont des techniques beaucoup plus graphiques et il y a peu d’utilisation de la couleur. On voit mal une pointe sèche tirée en rose, ou en vert, c’est du noir ou du sépia… L’aquatinte permettait de la couleur, la manière noire aussi, mais c’est une technique extrêmement rigoureuse, extrêmement ascétique je dirais, et Goetz tenait beaucoup au plaisir dans le travail… Et puis c’est vrai qu’il était très inventeur, il adorait l’invention, il était inventeur en général, dans sa vie, dans son attitude en général par rapport aux choses. Il avait voulu inventer des techniques en gravure. Et ça a servie vraiment à des peintres, surtout des peintres. Parce que le peintre utilise la couleur ». « Le fait d’avoir inventé cette technique l’a fait quand même connaître comme graveur. D’autant qu’à un moment, il y a trois graveurs qui sont importants à Paris. Friedlaender, Hayter et Goetz. Friedlaender, c’est la gravure traditionnelle, il est très connu et il est très cher, il a un atelier aussi, il enseigne, puis il a Hayter,

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c’est le procédé d’encrage, plus ou moins profond, et Goetz, c’est la gravure au carborundum. Donc, tout le monde qui s’était intéressé à la gravure, forcement ont entendu parler de Goetz. S’il n’avait pas inventer ces procédés de gravures, je ne pense pas que son nom dans la gravure soit resté si connue ». Imprimer pour Goetz « D’imprimer pour lui, il me l’a proposé assez vite. On s’est vu plusieurs fois, une ou deux fois, et comme lui il cherchait quelqu’un, depuis un moment déjà, il me l’a proposé. Il avait déjà eu une première expérience qui n’a pas abouti, et donc il m’a demandé: « Est-ce que ça vous intéresserait de tirer mes gravures » ? Je lui ai dit que oui, mais je ne l’ai jamais fait… ». « Il était un extraordinaire pédagogue, et j’ai beaucoup appris. Pour tout. J’avais une formation d’architecte d’intérieur, j’avais pas fait une école des beaux-arts, et comme j’ai travaillé avec lui pendant six ou sept ans, tous les jours dans l’atelier, j’ai vraiment beaucoup, beaucoup appris ». « Pour les tirages, il n’y avait pas que moi. Car Goetz gravait énormément et il adorait ça. Et il était vraiment un inventeur, il adorait inventer des choses, ça l’amusait… En fait, il aimait graver pour différentes raisons : d’abord parce qu’il aimait ça, mais aussi parce que pour lui la gravure c’était un moyen de diffusion. Ça permettait, en ayant des épreuves à droite et à gauche qui circulaient, d’accéder à beaucoup plus de public, par rapport à la peinture. Et il tenait beaucoup à cet aspect de la gravure qui permettait de diffuser l’œuvre, d’être beaucoup plus accessible et d’ouvrir à un public plus large. Et puis il aimait graver, beaucoup, ça l’amusait, ça le détendait par rapport à la peinture ». « Donc, à part moi, il y avait aussi l’imprimeur Luc Moreau, mais il n’a plus son atelier à Paris. Il a fait beaucoup de petits livres d’artistes, il a même édité des gravures de moi. Et avec beaucoup d’autres personnes. Goetz travaillait aussi avec Robert Dutrou, l’ancien imprimeur chez Maeght, jusqu’à la fin de sa vie. Dutrou s’était installé dans Yonne, je crois. Goetz faisait de très, très grandes gravures, et il allait travailler chez Dutrou, et il l’imprimait ça. Il en avait probablement d’autres. Je sais qu’il avait travaillé en Italie, il avait un imprimeur à Milan, Giorgio Upiglio. Goetz aimait vraiment beaucoup graver et il avait toujours beaucoup de gravures… Imprimer pour Goetz, ça me permettait de gagner ma vie, et je ne faisais que ce qu’il me fallait pour gagner ma vie. Et puis je travaillais dans son atelier, avant d’avoir cet

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atelier ici 80. J’ai travaillé à l’atelier de Goetz rue de Grenelle pour moi-même. C’était un accord amical, et pas un statut… ». « Quand j’ai commencé à travailler avec lui, comme il ne savait pas si j’allais me débrouiller, si j’étais sérieuse ou pas, j’étais dans un petit atelier au fond d’une cour. Et parce que cette maison était très grande, il faisait très froid. C’était au mois de février. Il avait une petite presse en fonte qui était trsè lourde. J’ai travaillé un an sur cette presse. Et quand il a vu que j’étais sérieuse, et que ça se passait bien entre nous, il m’a dit : « On va acheter une plus grande presse, on va t’installer dans mon atelier ». Et là je m’en souviens encore, c’est lui qui avait construit la table, sur laquelle j’allais travailler, et on a installé la presse… Je travaillais tous les jours, et Goetz était là. Il y avait deux ateliers dans cette maison, parce que la femme de Goetz était aussi peintre, Christine Boumeester. En fait, cette maison appartenait jadis à un sculpteur qui faisait des monuments aux morts, et les monuments aux morts, c’est très, très grand, et très haut… C’est Goetz lui-même qui avait construit le deuxième atelier, ça faisait douze mètres de haut, à peu près. Lui était en bas et Christine avait été en haut. Et nous, on travaillait tous les deux en bas. Et il avait des amis de lui qui travaillaient en haut, des anciens élèves. Moi, je n’ai pas connu Christine. Elle est morte en 1971 et moi j’ai commencé en 1972 ». « Il m’est arrivé de tirer des gravures de Goetz où il y avait vingt-deux couleurs à préparer, à retrouver quand elles étaient épuisées, quand je n’avais pas préparé suffisamment de couleur. Il y avait quatre ou cinq plaques, et donc rien que l’encrage était assez complexe, ensuite l’essuyage… Le support utilisé, les matériaux utilisés, étaient différents de la gravure traditionnelle, mais tout le reste était semblable à la gravure traditionnelle. Donc il fallait quand même un métier, on ne pouvait pas faire n’importe quoi, simplement parce que c’était du carborundum ». Les éditeurs et les marchands « Il y avait beaucoup d’éditeurs, beaucoup… Il y avait la Galerie Bellechasse… La première édition que j’avais faite pour Goetz c’était pour La Hune. Il y avait Vision nouvelle, j’ai fait des éditions, c’était beaucoup d’exemplaires je m’en souviens… J’ai fait aussi trois éditions pour la Suède, pour Sonet. J’ai tiré aussi la suite des quatre gravures pour Le Même au centre de Serge Brindeau ».

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Rue Javelot, dans le 13e arrondissement .

« Karl Masrour avait, dans la période où Goetz a travaillé avec lui, pratiquement l’exclusivité de tout. Il était son marchand pendant cette période-là, mais Goetz a toujours gardé Hervieu, toujours… Masrour s’occupait de beaucoup de choses, des

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expositions à l’étranger, éditait des gravures, expositions à sa galerie, La Galerie Bellechasse… Frédéric Nocéra, moi je ne le connais pas, pas du tout. Goetz m’en avait parlé, mais je ne l’ai pas connu. Je voyais surtout Masrour, il venait beaucoup chez Goetz, je voyais aussi Paul Hervieu, à chaque fois quand il montait à Paris il venait, puis Hélène Trintignan, plusieurs fois, Christine Leurrent aussi, quand elle avait sa galerie à Lille… J’en ai vu d’autres passer, mais qui étaient beaucoup moins importants. Je me rappelle d’une exposition rue la Boétie, chez Bongers, à la Galerie Jean-Claude Bellier, c’était les Chefs-d’œuvre corrigées ». « En général, Goetz avait beaucoup de gravures qui étaient déjà prêtes, jusqu’au bon à tirer. Puis les éditeurs pouvaient choisir dans ce qu’il avait. Sauf si quelqu’un venait lui demander quelque chose de particulier, comme pour les variations sur un thème de Brindeau… Les commandes proprement parler, c’était plutôt pour des petits livres, associées à un texte. A ce moment-là Goetz faisait en fonction du texte ». « Je suis allé avec Goetz au Brésil en 1980. Karl Masrour avait organisé une exposition de Goetz à Rio. Il a prévu aussi un cours de gravure, une semaine dans l’atelier du Musée de Rio. Et comme je parlais portugais et je connaissais les techniques de Goetz, et ma famille est là-bas, Goetz m’avait proposé d’assurer le cours de gravure, et il a payé le voyage. Karl Masrour et mort dans cette décennie-là ». L’œuvre gravé de Goetz « Goetz était très organisé en ce qui concerne son œuvre. Comme avec la gravure, on peut toujours garder un exemplaire de chaque gravure qu’on a faite, Goetz avait un exemplaire de chacune de ses gravures. Et pour les tableaux, il faisait lui-même les photos de chacun de ses tableaux, il était vraiment très organisé pour ce genre des choses. Son œuvre et celui de Christine, il y tenait énormément, il voulait que ça reste. C’est pour ça qu’il a fait ce musée 81, parce qu’il croyait vraiment au musée, et c’est pour ça aussi qu’il a donné à la Bibliothèque nationale de France. Il savait que là s’allait resté, que les marchands, les galeries, ça va, ça viens, ça disparaît… ». « Par rapport à d’autres, Friedlaender ou Hayter, qui n’étaient que graveurs, Goetz était aussi peintre. La gravure pour lui c’était vraiment la diffusion. Il voulait 81 Musée GoetzBoumeester, Villefranche-sur-Mer.

que l’imprimeur soit payé, puisque c’est son gagne-pain, mais lui… Et c’était pareil pour l’enseignement. Goetz n’était jamais payé pour enseigner. Il voulait que le

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modèle soit payé, que le massier soit payé, le loyer de l’atelier, mais lui ne voulait pas d’argent. Il n’a jamais voulu d’argent pour enseigner. Sa peinture lui suffisait. Et de tout façon il ne s’intéressait pas à l’argent, il avait ce qui lui fallait. Par contre, il tenait à la diffusion, il tenait à ce que l’œuvre reste, à ce qu’elle ait une place… ». « Il y avait toujours chez Goetz, en tout cas pendant le temps où j’étais là et pouvais le voir travailler, une espèce de glissement entre les choses. Quand il faisait une gravure, parfois il partait d’un tableau, et donc il simplifiait pour les besoins de la gravure. Puisqu’il allait avoir quatre plaques, et tant de couleurs... En peinture on fait ce qu’on veut, on met une touche, on recouvre… alors qu’en gravure, on est obligé à simplifier, d’ordonner, pour pouvoir avoir ensuite un certain nombre de plaques qu’on peut encrer d’une certaine façon, de façon à pouvoir multiplier. Et le mouvement inverse est vrai aussi. Parfois il partait presque d’une gravure, s’il n’était parti d’un tableau, pour faire un tableau » . « Et la peinture de Goetz, est-ce qu’elle s’est vraiment simplifiée sous l’influence de la gravure ? Je pense qu’il y a plusieurs aspects. L’âge aussi. Dans le parcours d’un artiste, il me semble que d’une façon générale, il y a toujours une épuration de travail au fur et à la mesure du parcours de l’artiste. Sauf exception, Picasso sautait d’une chose à l’autre, ça se compliquait, ça se simplifiait, ça se recompliquait, fin, c’est un cas un peu spécial… Mais d’une façon générale, je crois qu’il y a quand même, dans l’art moderne, une épuration de travail. Quand on voit une rétrospective d’un artiste, on voit souvent que ça s’est nettoyé, ça s’est dépouillé, s’est simplifié… En général, ça va vers plus de légèreté. Dans le cas de Goetz, disons qu’il y avait l’âge, et le parcours derrière lui, le fait qu’il passait d’une technique à une autre, pas seulement d’ailleurs entre la gravure et la peinture, mais entre la peinture et le pastel et la gravure aussi. C’est vrai que c’est un œuvre qui est complexe à saisir, mais c’était un être qui était complexe à saisir. L’invention est vraiment au centre de la façon de procédé de Goetz. Il a inventé un monde, c’est complètement inventé ce monde flottant de Goetz, et c’était vraiment un choix d’être non figuratif. A l’époque où il est devenu figuratif, c’était vraiment une grande bagarre chez les artistes. Aujourd’hui on peut être ce qu’on veut, figuratif ou non figuratif, les deux à la fois… A l’époque c’était vraiment un choix, et une espèce de bataille… Donc il avait choisi d’être non figuratif, de s’éloigner de la représentation, il a complètement inventé ce monde qui flotte… Il a inventé ses techniques de gravure, il a inventé tout ce dont il avait besoin au service de la peinture, en fait, de l’expression… ».

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Sur l’artiste « C’était quelqu’un qui était connu, il était connu de tous les artistes, en tant qu’artiste, mais aussi en tant qu’enseignant, puisqu’il a enseigné toute sa vie. C’était un merveilleux enseignant. Mais il n’était pas connu de grand, grand public. Bien qu’il ait développé la gravure, qu’il les souhaitait diffuser, c’était pas quelqu’un qui était connu de très, très grand public… ». « Il était aussi très, très curieux des gens, et il avait rencontré pratiquement tout le monde. Vraiment, il connaissait énormément de gens. J’ai rencontré une foule d’artistes par Goetz, qui passait dans sont atelier, certains chez qui j’avais l’occasion d’aller avec lui, il connaissait vraiment beaucoup de monde ». « Il était très curieux, c’était un bricoleur, il adorait bricoler. Chez lui, dans la maison, c’est lui qui faisait tout, il bricolait tout, l’électricité, les vitres, c’est lui qui changeait, qui mettait en place… Il faisait des encadrements… C’était un homme très intelligent, extrêmement intelligent. Tout ce qu’il pouvait suivre en recherches scientifiques il lisait, il s’y intéressait beaucoup, il s’intéressait beaucoup à tout ce qui était psychique… Je me souviens bien de sa bibliothèque, parce que j’ai passé beaucoup de temps dans cette bibliothèque. Il y avait toutes les biographies d’artistes qu’on peut imaginer, d’écrivains aussi, il s’intéressait aussi aux autres formes d’art, à la musique, au roman, à la poésie, au cinéma… Il avait tout œuvre de Vercors, avec qui il était très amis. Il avait beaucoup de choses médicales, des choses sur la psychologie, des choses sur la psychanalyse, sur l’histoire aussi… Il ne s’intéressait pas beaucoup à la politique. Il était de gauche, il avait décidé d’être de gauche toute sa vie, mais il ne s’intéressait pas beaucoup à la politique… Autrement, c’était un esprit très, très curieux de beaucoup de choses. Il était ingénieur luimême de formation. Il avait fait Massachusetts Institut of Techology. Il m’avait dit qu’il avait décidé, très jeune, d’être comme son grand-père, inventeur. Et français, comme lui, qui était alsacien ».

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Denise Zayan, entretien du 17 avril 2009 L’académie Goetz Qui enseignait la gravure chez Goetz ? « Goetz n’enseignait pas la gravure en fait. Lui, il s’est contenté d’inventer, d’écrire son livre. Et puis, à son académie il y avait Lorraine Bénic, ensuite il a eu Dikran Dadérian, qui ont enseigné les techniques classiques. Et moi-même j’ai enseigné la gravure au carborundum ». Vous avez commencé à enseigner lorsque l’académie était située rue d’Odessa ? « Oui, je me souviens vraiment du toit qui était très, très abimé, il y avait des trous, des pigeons… C’était dans l’ancien atelier d’André Lhote, dans le passage du Départ, à gauche, il y avait un escalier en bois. L’atelier était au premier étage. Il y avait aussi une mezzanine ». L’atelier de la gravure, était-il dans la même pièce ? « L’atelier de la gravure était dans une petite pièce sur le côté. Oui, nous étions dans une petite pièce à côté, une ou deux, je ne sais plus. Je ne sais même pas combien de temps j’ai enseigné, je ne sais plus à partir de quand ». Le bâtiment était démoli en 1974, 1975… « Oui, alors après Goetz a pris une autre académie, rue des Lyonnais, où j’ai également enseigné ». Vous avez enseigné en même-temps que Lorraine Bénic ? « Lorraine Bénic enseignait la gravure d’une façon globale, je ne sais pas si elle a enseigné aussi les techniques de Goetz. J’ai jamais été avec Lorraine, je l’ai rencontré à Paris, mais je pense qu’elle venait du Canada en fait, elle n’était plus à l’académie. Je n’ai jamais vu son enseignement. Dadérian a connu Lorraine ».

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Et qui enseignait la peinture ? « Il y avait Marie-Louise Hardy, qui était la massière et qui s’occupait des modèles, qui s’occupait de la partie administrative, de tous ça? Goetz venait deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, à partir de 16 heures ou 17 heures. Il commençait par regarder le travail de ceux qui faisaient le modèle et ensuite il y avait des gens qui travaillaient à l’académie, mais qui lui apportaient aussi les tableaux qu’ils faisaient chez eux… J’ai assisté à certains nombre des corrections, j’aimais beaucoup ça, j’aimais beaucoup écouter Goetz faire des commentaires… ». Comment ça se passe ensuite rue des Lyonnais ? « Moi et Dadérian, on enseignait la gravure et c’était toujours Marie-Louise Hardy qui assistait Goetz pour la peinture. Il y avait un atelier de peinture central, et puis il y avait des petites pièces aussi. Là je m’en souviens davantage parce que j’y suis restée plus longtemps que rue d’Odessa. Il avait donc une toute petite pièce où il y avait des bacs d’acide et puis une pièce où il y avait une presse et où on travaillait. Ce n’était pas très grand, moins grand que rue d’Odessa. Mais je ne suis pas restée très longtemps... Ensuite, Goetz a réussi à convaincre le directeur de l’Académie américaine de Paris de créer un cours de gravure, et donc moi j’ai enseigné à l’Académie américaine de Paris les techniques de Goetz pendant un an ou deux. C’était à Paris, à Port-Royal. Il y avait un directeur qui s’appelait Monsieur Roi et que Goetz connaissait. Il lui avait dit : « Pourquoi est-ce que vous ne faites pas un atelier de gravure, moi j’ai quelqu’un pour vous... «. Et j’ai enseigné là-bas pendant un an ou deux ». Vous connaissez d’autres ateliers de gravure où on enseignait à l’époque les techniques de Goetz ? « Non ». Qui a enseigné la gravure au carborundum à l’Académie Goetz après votre départ ? « Je crois qu’il y avait personne. Moi je l’enseignais par la suite à Port Royal, et donc les personnes qui voulaient en faire, Dadérian les envoyais, en fait… ».

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Quand est-ce que l’Académie Goetz a fermé ses portes ? « Je ne sais pas, après le décès de Goetz, en quelle année ça s’est arrêté… En fait, après 1979, je ne sais plus du tout ce qui s’est passé. A ce moment-là, je suis partie enseigner à l’Amiens… J’ai continué à voir Goetz, mais pour ce qui et de l’académie, je ne sais pas du tout ce qui s’est passé… Et je ne sais pas jusqu’à quand ça a duré… ». Qui étaient les élèves de l’Académie ? « Moi j’avais connu Aude de Kerros, c’était déjà passage d’Odessa qu’elle est venue faire de le carborundum. Il n’y a qu’elle dont je me souvienne. Je viens de recevoir une invitation d’une personne qui était justement chez Goetz. Claude Bourguignon. Chez Goetz il y avait tout le temps des artistes. Je sais que Szafran parle de Goetz, Sam Szafran, il avait travaillé avec Goetz. Mais il y a eu énormément de monde et beaucoup de gens dont on peut dire qu’ils étaient des amateurs. C’était des gens qui vraiment aimaient ce qu’ils faisaient et ils le faisaient avec tout leur cœur, ce qui ne correspond pas beaucoup au marché ». Vous aussi vous étiez son élève dans l’académie ? « Non, j’étais son élève mais chez lui. Je veux dire, j’ai beaucoup bénéficié de son enseignement parce qu’il m’avait proposé de tirer ces gravures. Et donc j’étais là tous les jours, et tout ce que Goetz disait c’était en général sur la peinture, peinture ou gravure, et c’était ça l’enseignement. Donc, j’en ai beaucoup, beaucoup bénéficié. Vraiment beaucoup tous les jours... Et j’ai beaucoup appris en étant que professeur aussi. J’ai eu quand même la chance d’être auprès de Goetz pendant cinq, six, sept ans, je ne sais plus, et il m’a appris beaucoup, beaucoup de choses. On allait dans des musées ensemble, on voyait beaucoup d’expos, on voyageait ensemble, on a fait beaucoup de choses. Et donc c’était tout le temps la peinture, la gravure… J’ai été formée, mon esprit a été quand même très, très formé par Goetz, mais sans que j’ai été l’élève. D’ailleurs c’est lui qui m’a proposé d’enseigner. Il m’avait dit : « Ecoute, je n’ai personne... Tu es là auprès de moi, tu connais mes techniques mieux que personne, je n’ai personne qui les enseigne, tu veux les enseigner » ? Et je lui ai dit oui.

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Sur pastel : « Goetz était un grand, grand spécialiste du pastel. Il connaissait très, très bien l’histoire du pastel sec. Je me souviens encore d’une histoire qu’il m’avait racontée, sur l’histoire du pastel. Au XVIIIe siècle, on avait le fixatif, mais on n’avait pas le moyen de fixer. Comme il était lui-même très bricoleur et très inventeur, tout ça le passionnait… Et il m’avait raconté que quelqu’un avait pris une grosse brosse et il avait mis au point un mécanisme pour ramener tous les poils de la brosse, qui étaient bloqués, qui étaient chargés de fixatif, et ensuite il y avait ce mécanisme, on pouvait lâcher tout en même temps et ça partait… Il m’avait raconté d’autres choses que j’ai oubliées. Mais il connaissait vraiment bien toute l’histoire du pastel. Et puis ensuite il a lui mis au point sa technique de pastel chauffé ». Sur les artistes qui ont appris la gravure au carborundum : « Je me souviens une fois quand Pierre Schneider était venu chez Goetz, qui lui montrait des trucs au carborundum. Il y avait aussi un artiste qui était à la galerie chez Masrour, qui s’appelle François-Xavier Fagniez, que Masrour avait fait venir aussi parce qu’il voulait que tous les artistes de sa galerie fassent du carborundum pour faire connaître les techniques, je suppose… J’avais rencontré aussi Jean Bertholle, qui était venu une fois. Mais les conditions de l’académie n’étaient pas merveilleuses, il faut vous dire, donc moi j’avais un peu de scrupules, à ce que les gens comme ça soient soumis à ces conditions, qui n’étaient pas extraordinaires… C’était un peu vétuste, c’était un peu pauvre, c’était désordre, ce n’étaient pas des conditions idéales pour faire un boulot bien propre… Mais l’enseignement était sérieux. C’étaient les conditions de travail qui n’étaient pas parfaites ». Les gens venaient plutôt pour la gravure au carborundum ou pour les techniques classiques ? « Les deux. Il y avait du monde pour les deux ». Pour les gens qui n’étaient initiés aux techniques classiques, est-ce qu’il fallait d’abord passer par ces techniques-là pour arriver au carborundum ? « Non ».

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On enseignait d’autres procédés à part la taille douce, taille d’épargne, lithographie ? « Non. Pas de gravure en relief ni de lithographie ». Est-ce que les gens qui venaient apprendre le carborundum inventaient d’autres possibilités sur place ? Ou est-ce que c’était appris selon le manuel de Goetz ? « Vous savez, la gravure au carborundum, ce sont les principes de travail. Je veux dire, on peut inventer à partir de ça, et Goetz a inventé la gravure au carborundum, mais il y avait la gravure au sable, la gravure à l’émeri… A partir du moment où on considère que ce sont des principes, des façons de travailler, vous pouvez très bien inventer et adapter à vos propres besoins, ça dépend de l’esprit… L’essentiel pour Goetz, c’était beaucoup plus l’esprit. Je me souviens quand j’ai voulu peindre à l’huile, et je n’avais jamais peint à l’huile. Je lui ai demandé et il m’a dit : « Tu sais, ce n’est pas très important… ». Je lui ai demandé comment est-ce qu’on prépare la toile, et il m’avait dit : « Il y a tellement de techniques aujourd’hui, l’important c’est l’esprit du travail ». Pour lui c’était l’esprit du travail, ce n’était pas tellement d’être un virtuose de la technique. Donc, ce qu’il avait inventé, c’était une façon de travailler. D’abord il disait qu’il avait inventé ça parce que son eau était très calcaire et qu’il n’arrivait pas à dégraisser ces plaques. Il y avait toutes sortes de choses comme ça qu’il racontait. Mais je crois que c’est surtout parce que c’était un esprit très inventif, il avait besoin d’inventer des choses, Goetz, tout le temps. Et il n’a pas inventé qu’en gravure, il a inventé dans ses pastels. A une époque il avait été invité en Afrique noir, je ne sais plus dans quel république, dans une école des Beaux-arts, et là il fabriquait du papier. C’était à partir de plantes du papyrus. Revenu en France, il a voulu trouver du papyrus et il a fini par en trouvé dans le Midi, dans une grande propriété, et il s’est mis à fabriquer du papier dans l’atelier, ça je m’en souviens très, très bien. Des plantes du papyrus qu’on faisait bouillir, qui étaient d’un très beau rouge, il mettait de l’eau de javel, ça blanchissait, on préparait la pate… Il a fait énormément de peinture sur papyrus, jusqu’à la fin de sa vie. C’est toujours à partir d’une invention, de quelque chose, ça l’a stimulé. Moi je comprends très bien ça, parce que j’aime bien changer de technique. Pour Goetz, c’était une stimulation pour son esprit, d’inventer des choses. Il était en plus très, très bricoleur. Chez lui il faisait tout lui-même. Son chauffage, son électricité… ».

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Comment se passait l’admission dans l’atelier ? « C’était complètement ouvert. Il n’y avait aucun critère de sélection. Les gens qui voulaient apprendre quelque chose étaient admis à l’atelier. Goetz n’a jamais été payé pour son enseignement, c’était le loyer qu’il fallait payer, les modèles et puis le matériel, mais c’est tout. Et tout le monde était vraiment admis. Tout le monde. Et Goetz était extrêmement respectueux du travail de tous. Quand c’était sincère, quand les gens vraiment travaillaient avec le cœur, Goetz était vraiment respectueux, il n’y avait aucune différence pour lui entre Picasso ou quelqu’un qui était un débutant. D’ailleurs il m’avait dit une fois, je me souviens : « Si on me demandait quels étaient les dix peintres que je trouve les meilleurs et que je préfère vous serez surpris de mes choix. Ce n’est surement parmi les gens très, très connus que je choisirais ». Et il achetait beaucoup de choses à des élèves. C’était mon premier acheteur. Avant que je n’aie ma première exposition, en 1976, à la Galerie Maître Albert à Paris, Goetz m’avait dit qu’il amait m’acheter quelque chose, et il m’avait acheté deux gravures. Et c’étaient les deux gravures qui s’étaient le plus vendu à l’exposition. Et il achetait à ses élèves parce que vraiment il aimait ». « L’ambiance dans l’atelier était cordiale, chaleureuse, Goetz aimait ça, comme une famille. Pour lui l’art c’était vraiment tout, vraiment toute sa vie. On ne faisait des natures mortes, ceux qu’ils les faisaient, les faisaient chez eux, à titre personnel, et les amenaient… A l’académie, c’était vraiment le modèle. Il avait un modèle, elle s’appelle Josiane Poquet, elle était modèle aux Beaux-arts et à l’académie Goetz, elle est peintre, un très bon peintre. Elle expose de temps en temps à Paris. Je vais pratiquement toujours voir ses expositions. Je vois très bien l’endroit où elle habitait, la première fois que je l’ai rencontré on est allé diner chez elle avec Goetz. Elle était en train de peindre dans sa cour, rue des Gravilliers. Mais elle n’a jamais fait de gravure. Elle était modèle pour gagner sa vie. Il y en avait plusieurs. Quand moi je travaillais avec Goetz, comme il y avait deux ateliers dans la maison, il y avait deux femmes qui venaient peindre, dans l’atelier de Christine. Il y avait Sachiko Hosoda, une artiste japonaise qui a bien connu Goetz. Et il y avait à l’époque une autre femme qui travaillait, elle s’appelle Dominique Bertrand. Elles étaient peintres. Goetz préférait que la maison soit occupée, qu’il y a des gens qui en profitaient des ateliers. Donc moi j’étais en bas, et comme Goetz était beaucoup dans le Midi, presque six mois par an, Dominique, Sachiko et moi on déjeunait ensemble, on se voyait dans la maison. Et quand j’ai commencé à travailler avec Goetz, Sachiko peignait en haut déjà. Goetz ne voulait pas que la maison reste vide ».

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« Il y avait son atelier, puis il y avait une petite cour, toute petite, c’était plutôt un passage qu’une cour, et une toute petite pièce. Et dans cette petite pièce, il y avait sa presse de l’époque, qui était une vielle presse en fonte, pas grande. Et c’est là que j’ai commencé, pendant un an j’ai travaillé dans cette pièce-là. Comme j’ai commencé à travailler en février, je peux vous dire que j’ai eu froid, je n’oublierai jamais à quel point j’ai eu froid. Pendant un an j’ai travaillé dans cette pièce et ensuite Goetz m’a dit : « Ecoute, nous allons acheter une plus grande presse, je vais t’installer dans mon atelier ». Et il a lui-même construit la table, ça je m’en souviens, il y avait des poutres en chêne, je montais sur les poutres, lui, il pillait… Et puis il avait commandé une presse Lecornet, c’était une plus grande presse, il avait acheté des encres, etc. C’est vraiment comme dans les anciennes académies, où un apprenti nettoyait des pinceaux et après il avait des promotions, il pouvait toucher aux tableaux. C’est un peu ce que j’ai vécu, si vous voulez. Ca, c’était ma formation en quelque sorte. Quand il a vu que j’étais sérieuse et que ça se passait bien, il a décidé que j’allais travailler dans de meilleurs conditions ». « D’abord, à travers d’une porte vitrée, en entrait dans le jardin. Ensuite on entrait dans l’atelier qui était très grand quand même. Puis il y avait une porte au fond de l’atelier à droite qui donnait sur une toute petite cour. On passait cette cour, et il y avait cette toute petite pièce qui communiquait avec un salon qui était une pièce immense. En fait il y avait deux entrées : une porte d’entrée comme dans toutes les maisons, et cette porte d’entrée on arrivait dans un couloir, un hall, où il y avait un tableau d’Hartung, un dessin de Picasso, et il y avait un escalier qui partait de ce hall. Et en allant tout droit dans ce hall, on arrivait dans ce très, très grand salon, où on n’entrait jamais parce qu’il était glacial. La maison était vraiment très grande, c’était très froid, ce n’était pas chauffé partout. Je me souviens très bien qu’il y avait un piano, et qu’il y avait un grand tableau de Picabia. Un très grand tableau de Picabia avec un couple recouvert de fleurs. Et ce salon donc, avait une porte au fond du salon qui donnait sur cette petite pièce où il avait la presse. La verrière de l’atelier en bas était latérale. Et donc il y avait une porte qu’on pouvait ouvrir là et rentrer directement dans l’atelier de Goetz. Donc il y avait un rentré pour la maison et une entré directe dans son atelier. Et à mi-étage, avec l’escalier, il y avait la bibliothèque, qui était une pièce extraordinaire où j’ai passé beaucoup, parce que moi-même je faisais mon mémoire sur Munch. Jai tapé mon mémoire dans cette bibliothèque. A côté il y avait une cuisine. Ensuite on montait quelques marches, il y avait la chambre de Goetz, et puis on montait encore et on descendait, et on arrivait dans l’atelier de Christine. C’était une maison de contes de fées. Des tableaux partout, avec des gravures partout… ».

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« Dans sa bibliothèque, il y avait toutes les biographies des peintres. C’était vraiment une pièce très, très agréable… C’était vraiment une bibliothèque, parce qu’il y avait des livres partout, sur tous les murs. Il y avait aussi tous les numéros de « Minotaure », des vieux magazines d’art, en noir et blanc encore. J’aimais beaucoup, beaucoup cette pièce. Et il y avait une grande table, c’est tout. Et un poile, qui chauffait. D’ailleurs Goetz adorait venir ici, dans mon atelier

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, parce qu’il faisait

chaud. A ses yeux, il y avait deux qualités : le dix-septième étage, et Goetz adorait monter à pieds, et puis il faisait chaud ». « Il y avait tous les livres de Jean Vercors, qui était un ami à lui, que j’avais la chance de rencontrer aussi, plusieurs fois. Il y avait beaucoup de choses que lui étaient envoyées par des amis qui écrivaient ou des livres avec les gravures dedans ». « Goetz, c’était vraiment la peinture… Puis les promenades, les voyages… Il allait aux expositions. Ce qu’il aimait énormément c’étaient les chansonniers. Ça il adorait, les chansonniers. C’était un homme qui aimait beaucoup rire et qui faisait rire. On a beaucoup rit avec lui et lu même riait beaucoup. Et les chansonniers ça lui faisait rigoler et il adorait faire ça. Quand il connaissait les gens, il allait voir leurs concerts, mais ce n’était pas un curieux de l’histoire de la musique, ou d’aller à concert comme des mélomanes. C’était au départ quand même un scientifique. Il était à MIT, il était ingénieur, et il a gardé une grande curiosité pour tout ce qui était scientifique. Ce qui concernait le fonctionnement de l’être humain l’intéressait. Physique, biologie, le fonctionnement de toutes choses ». « Aujourd’hui, cet acte de fois, choisir l’abstraction, n’a pas beaucoup de sens. Mais à l’époque de Goetz c’était vraiment une conviction profonde. Vraiment un acte de fois, c’était le début de la non-figuration. Aujourd’hui, on peut être figuratif, non-figuratif, mélanger les choses, être à la limite des choses, ça n’a plus de sens de se battre ni pour l’un ni pour l’autre d’ailleurs, je pense. Parce que l’ensemble est vrai. Je veux dire, c’est vrai que plus on part dans l’univers, plus c’est infini. Si on a une vision cosmique des choses, du monde, de l’univers, c’est infini. Alors si on a qu’une vision terrestre, c’est fini. Mais ce n’est pas, à mon sens, entre ce qui est figuratif et non-figuratif. Il est très probable, si on était en mesure de voir ce qu’il y a dans l’univers, et je pense qu’il y a énormément de choses dans l’univers, qu’on pourra en faire des figures. Les visionnaires font les choses qui existent dans 82

Rue Javelot, dans le 13e arrondissement .

l’univers. Mais à l’époque, et Goetz lui avait une vision, je pense, il n’y avait pas une vision cosmique. Peut-être qu’il l’a portait. Parce que c’est une sorte de cosmos, de mini cosmos, ce qu’il représentait. Mais, il ne l’avouait pas en tout cas, en termes

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rationnels. Il ne croyait pas à une vie au-delà de la vie, ce n’était quelqu’un qui croyait ». « La première gravure que j’ai tiré pour Goetz c’était pour La Hune. Ça je me souviens très, très bien, parce que j’étais morte de peur, on est allé avec le tirage, et Gheerbrant était difficile, et il a regardé épreuve par épreuve. Et puis j’ai tiré pour beaucoup d’éditeurs ».

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Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz Comme nous l’avons déjà précisé dans l’introduction de ce mémoire, le présent catalogue a aussi pour but de répertorier la deuxième partie de la production graphique de Henri Goetz, le catalogue de Masrour ne couvrant que sa production jusqu’au mois de mai 1977. Nous avons toutefois décidé d’y inclure les estampes datant d’avant mai 1977 ayant échappé à l’attention de Masrour, et notamment les estampes exécutées pour des livres illustres, qui n’étaient pas systématiquement incluses dans le catalogue de 1977. Pour constituer ce catalogue, nous nous sommes appuyé, d’abord et surtout, sur la collection de la Bibliothèque nationale de France, qui est donc, nous l’avons vu, la seule collection importante en ce qui concerne l’œuvre gravé de Goetz. Après avoir répertorié cette collection, nous nous sommes tourné vers la Galerie Hélène Trintignan et la Galerie Aittouarès, qui possèdent de grandes collections d’estampes de Goetz. Là, nous avons retrouvé un nombre conséquent de gravures de l’artiste que nous ne connaissions pas encore. Nous avons également utilisé Internet pour compléter nos recherches et avons réussi à trouver quelques estampes par ce biais. Nos recherches ont été complétées dans à réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France, où nous avons répertorié les estampes exécutées pour des livres illustrés. Nous avons retrouvé quelques livres illustrés manquant à la collection de la Bibliothèque nationale de France chez Hélène Trintignan et à la Bibliothèque municipale de Nice. Nous avons également pu vérifier les informations sur de nombreuses gravures chez Maurice Rousseau à Nice. Comme tout catalogue raisonné n’est jamais vraiment raisonné, le nôtre ne le sera sûrement pas non plus, mais nous allons essayer de combler quelques lacunes que

Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz

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présente le catalogue de Masrour. Le principal défaut de son catalogue est qu’il n’a pas répertorié toutes les gravures que Goetz a faites pour illustrer des livres illustrés. Nous allons donc remédier à cela en incluant ces estampes dans notre répertoire. Il s’agit tout d’abord des lithographies pour la Femme facile de Hugnet et pour les Explorations de Picabia. Ensuite, nous allons aussi compter les variations publiées dans la plaquette de la Galerie Ariel en 1966, puisqu’il s’agit d’estampes originales, gravées par l’artiste, et non de simples reproductions. Vient ensuite le frontispice oublié pour la partition de Paul Arma en 1970. En ce qui concerne les gravures pour le Domaine pointillé de Michel Bohbot en 1972, Masrour n’a répertorié dans son catalogue qu’une seule des trois estampes pour cette édition. Nous allons inclure ici les deux estampes oubliées et répéter la troisième déjà répertoriée par Masrour, afin d’assurer une meilleure lisibilité. Viennent ensuite quelques estampes datant d’avant mai 1977, mais absentes du répertoire de Masrour. Une date probablement de 1969, deux de 1973 et trois de 1976. Les trois dernières ont été éditées par la Galerie Bellechasse, dont le directeur était Masrour, et le fait qu’elles ne se sont pas retrouvées dans son catalogue est d’autant plus étonnant. Deux gravures de 1973 ont été éditées par la Galerie Paul Hervieu de Nice. Elles étaient dans les cartons que Goetz gardait dans son atelier et sont entrées dans la collection de la Bibliothèque nationale de France par le don de 2000. Il serait donc aussi intéressant d’apprendre comment elles ont pu échapper à l’attention de Masrour. En ce qui concerne celle datant probablement de 1969, elle est entrée à la collection de la Bibliothèque nationale sous le numéro D 1983 01800, avec quarante autres estampes d’auteurs divers, grâce à un don effectué le 10 décembre 1983, portant la remarque « Tiroirs XXe siècle reliquat 1973 – 1983, 40 estampes (la plupart de doubles), dessins, photographies d’artistes... ». Nous n’avons pas réussi à connaître ni l’éditeur ni le tirage de cette estampe.

Les datations Il convient de préciser ici que contrairement aux « cahiers noirs », ces registres que Goetz tenait pour ces peintures, où il répertoriait depuis 1936 chaque tableau peint, d’abord seulement avec le nom de son propriétaire et ensuite avec les dimensions et en ajoutant toujours une photo de l’œuvre, rien de tel n’existait pour ses estampes. Pourtant, toutes les épreuves que Goetz gardait dans ses cartons d’estampes et qui ont été par la suite versées dans la collection de la Bibliothèque nationale de France avaient la date, l’éditeur, le tirage et parfois le titre inscrits au dos. Ces informations ont été fournies par l’artiste à la suite d’un inventaire des estampes qu’il a effectué avec l’aide de Jean-Pierre Geay entre novembre 1988 et décembre 1988. Nous avons utilisé ces informations comme base pour

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Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz


la datation de la plupart des estampes de notre catalogue. Certaines informations ont pu être complétées dans d’autres collections. Enfin, nous avons marqué par un point d’interrogation toutes les estampes non datées et pour lesquelles nous avons nous-mêmes estimé la date, en nous appuyant sur des similarités formelles ou autres.

Les techniques Goetz maitrisait et a utilisé à différentes époques toutes les techniques de l’estampe et surtout de la taille-douce, mais à partir de la mise au point de la gravure au carborundum, il n’utilisera presque exclusivement que ce procédé dont il était l’inventeur, seul ou en combinaison avec d’autres techniques de la tailledouce, le plus souvent la pointe sèche, le burin, l’eau-forte. Nous connaissons très peu de lithographies de Goetz, car il a abandonné très tôt cette technique pour se consacrer entièrement au métier de graveur. Nous ne connaissons qu’une sérigraphie, exécutée par Vercors, et au moins une taille d’épargne et quelques utilisations de ce procédé en combinaison avec d’autres techniques.

Les tirages Les tirages variaient selon l’époque. Au début, ils étaient très restreints, les premières gravures n’étant tirées qu’à quelques exemplaires. Les tirages augmentaient progressivement mais atteignaient rarement 100 exemplaires, et cela principalement dans les années 1970 et 1980. Goetz a réussi à éditer presque toutes ses estampes (à l’exception de celles d’avant 1950) grâce au système particulier que nous avons décrit. Dans le cas d’une édition, Goetz exécutait l’estampe jusqu’au « bon à tirer » et l’imprimeur s’occupait du reste. En revanche, il tirait les estampes non éditées lui-même, à quelques exemplaires seulement pour la plupart. Goetz numérotait et signait ses épreuves au crayon. Le justificatif de tirage se trouve toujours à gauche et la signature toujours à droite. La forme de la signature variait selon l’époque (fig. 57), mais Goetz signait toujours tout en minuscules. Les tirages sont numérotés en chiffres arabes, les chiffres romains étant réservés aux suites spéciales. Les épreuves d’artistes et les épreuves hors commerce sont Fig. 57 Signatures de Goetz datant de 1949, 1981 et 1987

numérotées en chiffres arabes avec la mention « e.a. » ou « h.c. », selon le cas. Les estampes ne sont jamais signées dans la planche, sauf à quelques exceptions dans

Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz

145


les années 1940. Les estampes, en feuille ou dans les livres illustrés, sont toujours tirées en toutes marges.

Les papiers Les papiers utilisés sont presque toujours des vélins : Arches (Bellechasse, La Hune) ou BFK Rives (Bellechasse), Moulin de Larroque, Carta Goya de la Cartiere Filicarta (Upiglio), Filicarta di Brughiero (M’Arte), Guarro (Poligrafa), Fabriano. Il existe aussi des rares épreuves sur papier japon, volant ou appliqué, surtout au début de sa carrière et pour des exemplaires spéciales des éditions de livres illustrés.

Les épreuves d’essai, d’état, les bons à tirer Grâce à la façon dont Goetz travaillait, il n’est pas resté derrière lui un grand nombre d’épreuves d’état ou d’essai. Goetz travaillait de manière directe, surtout lorsqu’il utilisait la gravure au carborundum. Il utilisait beaucoup les films transparents qui permettaient de prévoir avec précision les superpositions des couleurs, ce qui simplifiait énormément son travail et évitait les corrections. Goetz avait tendance à réaliser toutes les plaques avant d’essayer les couleurs, ce qui laissait sans doute un certain nombre d’épreuves d’essai, car il était connu pour son exigence quant au coloris. Toujours économe, Goetz ne jetait pas ces épreuves. Elles devenaient des « gravures corrigées », des œuvres nouvelles à part entière, situées quelque part entre la gravure et la peinture. Dans la collection de la Bibliothèque nationale de France, il n’y a qu’une seule épreuve d’essai. En revanche, il existe un certain nombre des bons à tirer, que Goetz imprimait avant de passer l’exécution du tirage à un imprimeur.

Les estampes non retrouvées Malgré tous nos efforts, les exemplaires des estampes suivantes, dont nous connaissons l’existence ou parfois même le tirage ou les dimensions, n’ont pas pu être retrouvés. Il s’agit des estampes illustrant les livres suivants : - Gaillard, Pierre, La Menthe religieuse, 1986 - 1 gravure. - Benoît, Pierre-André, Notes hâtives, 1981 - 1 gravure. - Geay, Jean-Pierre, Chemins de la forêt, 1988 - 1 gravure exécutée pour 15 exemplaires de tête.

146

Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz


Nous les avons tout de même toutes incluses dans notre catalogue, parfois sans aucune information, de manière à ce qu’elles ne soient pas oubliées.

Explications des rubriques du catalogue Le système de numérotation de notre catalogue, sans doute inhabituel, à été emprunté à Daniel Morane, l’auteur de nombreuses catalogues raisonnés des graveurs. Il l’a utilisé dans son catalogue raisonné de l’œuvre gravé d’Adolphe Beaufrère. Ce type de numérotation présente plusieurs avantages : d’abord, les deux premiers chiffres donnent tout de suite l’année de création. Ensuite, les deux dernières donnent le numéro de l’estampe dans l’année concernée et permettent de rajouter facilement une estampe retrouvée ultérieurement sans perturber l’ordre du catalogue. Goetz ne donnait pas toujours de titre à ses estampes. Certaines avaient leur nom, d’autres étaient connues comme Composition, Abstraction, etc., suivi d’un numéro. Dans notre catalogue, les titres en oblique sont ceux donnés par l’artiste, sauf dans le cas des livres illustrés. Dans ce dernier cas, nous avons utilisé le titre du livre suivi ou non d’un numéro : ce sont donc des titres factices, d’après les titres des ouvrages dans lesquels se trouvent les estampes, sauf dans le cas de L’Avantsommeil de Jean Guichard-Meili. Les estampes ornant cet ouvrage portent toutes un titre, tiré de la première ligne de chaque poème. Autre exception, la plaquette de la Galeire Ariel de 1966 : il s’agit là des titres donnés dans la publication originale. Les titres entre crochets sont les titres sous lesquels les estampes sont classées dans la collection de la Bibliothèque nationale de France, sauf dans le cas de l’annotation « sans titre ». Il s’agit ici d’estampes dont, à la fois, on ne connaît pas le titre et qui ne se trouvent pas à la collection de la Bibliothèque nationale de France, et pour lesquelles nous nous sommes abstenu de les inventer. Un jour, lors de l’établissement d’un catalogue raisonné définitif des estampes de Goetz, il faudra peut-être reprendre toutes les estampes non titrées par artiste et leur donner des titres avec les numéros qui se suivront, en utilisant des termes comme abstraction ou composition. En ce qui concerne les termes techniques, nous avons préféré l’expression « procédé Goetz » à la « gravure au carborundum ». Comme nous l’avons déjà expliqué, nous considérons l’invention de Goetz plutôt comme des principes de travail qu’une technique bornée par des procédés bien définis et limitée par les matériaux qu’elle utilise. Au lieu d’appeler « gravure au carborundum » une estampe réalisée d’après les principes de Goetz mais pas forcément avec du carborundum, nous

Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz

147


avons préféré désigner les procédés que Goetz utilisait sous le nom générique de « procédé Goetz ». Lorsqu’il s’agit des procédés classiques de taille-douce, ils sont nommés selon les termes habituels. En revanche, dans le cas des mélanges de certains procédés classiques, souvent l’eau-forte sur métal, avec ceux de Goetz, nous avons préféré garder la dénomination « procédé Goetz ». Nous considérons que le fait que Goetz mélangeait quelques techniques classiques dans la réalisation de ces estampes faisait partie du principe de son procédé, et étant donné que cela ne représente qu’un pourcentage mineur par rapport à toutes les interventions sur les plaques d’une estampe, nous avons décidé de ne pas préciser à chaque fois le procédé classique utilisé dans le mélange. Les dimensions des planches sont données en centimètres, au coup de planche, la hauteur précédant la largeur. Les lithographies de La Femme facile font exception à cette règle, étant donné qu’elles ne sont pas clairement délimitées et se mêlent au texte. Dans leur cas, nous avons donné les dimensions de la feuille. Dans la rubrique « Tirage », ex. signifie exemplaire(s), e.a. – épreuve d’artiste, h.c. - hors commerce, d.l. – dépôt légal, B.N. - Bibliothèque nationale (de France). La rubrique « Collections » donne le nom d’une ou plusieurs collections où se trouve l’estampe en question. La rubrique « Ouvrage illustré » donne le nom de l’ouvrage dans le cas des estampes réalisées pour les livres illustrés. La rubrique « Commentaire » comporte des commentaires sur certaines estampes.

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Supplément au catalogue de l’œuvre gravé de Henri Goetz


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L'Ithos et pathos des choses,

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L'Ithos et pathos des choses,

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Variation sur un thème n°1

Goetz, 13 ans de peinture,

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Goetz, 13 ans de peinture,

Variation sur un thème n°5

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2e variation sur un thème n°1

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Goetz, 13 ans de peinture,

Trois transparences

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2e variation sur un thème n°2

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Goetz, 13 ans de peinture,

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Variation sur un thème n°4

Trois Transparences, pour flûte ou hautbois ou violon et alto,

Ouvrage illustré Commentaire

Domaine pointillé

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Domaine pointillé

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Domaine pointillé,

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Domaine pointillé,

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Échappé du mur

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Joies Siderales

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Nocturnos e altre poesie

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Nocturnos e altre poesie

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Nocturnos e altre poesie.

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Nocturnos e altre poesie.

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Nocturnos e altre poesie.

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Nocturnos e altre poesie

Ouvrage illustré

Titre

Nocturnos e altre poesie.

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Nocturnos e altre poesie


Titre

L'Avant sommeil

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Ce noeud qui se dénou...

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L'Avant-sommeil

Ouvrage illustré Commentaire

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L'Avant-sommeil

Ouvrage illustré

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Il n'est pas trop difficile

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L'Avant-sommeil

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L'Avant-sommeil

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Un mauvais lieu

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L'Avant-sommeil

Ouvrage illustré Commentaire

L'Avant-sommeil

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Technique

Ouvrage illustré

Cette suite de labyrinthe...

Ouvrage illustré

Là où s'arrête la trace...

L'Avant-sommeil

Ouvrage illustré

Humus

J'ouvrirai une fenêtre...

L'Avant-sommeil

Ouvrage illustré

Il y a, caché...

L'Avant-sommeil

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Titre

L'araignée dévore sa victime...

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Impossible tôle

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L'Avant-sommeil

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L'Avant-sommeil

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Petite nocturne II

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Nocturne II

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Diurne I

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Nocturne I

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Titre

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Ouvrage illustré

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Flotant


Titre

Titre

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Technique

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Formes blanches


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Formes sur bleu

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Formes volantes

171


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Verte

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Forme estivale fond jaune

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Echo ornage

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172

Formes flottantes


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Au-delà des frontières

Au-delà des frontières,

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175


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Les Fonds de la nuit

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Fin de course

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176

Les Fonds de la nuit,

Ouvrage illustré Commentaire

Fin de course,

Ouvrage illustré Commentaire

Fin de course

Fin de course,


Titre

Envol de l'arbre amer

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Envol de l'arbre amer

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Envol de l'arbre amer,

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Envol de l'arbre amer,

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177


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Picabia accuse

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178

Picabia accuse,

Ouvrage illustré Commentaire

L'alphabet de Henri Goetz

L'Alphabet de Henri Goetz,


Sans illustration

Titre

La Menthe religieuse

Titre

Titre

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La Menthe religieuse,

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L'Invisible demeure

L'Invisible demeure,

179


Titre

L'Invisible demeure

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L'Invisible demeure

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L'Invisible demeure,

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L'Invisible demeure,

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Titre

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Dire... redire...

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Le Regard et son double

Ouvrage illustré Commentaire

Dire... redire...,

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Le Regard et son double

Ouvrage illustré

Le Regard et son double

Le Regard et son double

A la croisée des regards

A la croisée des regards

Ouvrage illustré Commentaire

Sans illustration

Titre

Carte de visite

Titre

Théâtre des formes

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180

Carte de visite,

Chemins de la forêt

Chemins de la forêt,


Titre

Chemins de la forêt

Titre

Chemins de la forêt

Titre

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Chemins de la forêt,

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Titre

Chemins de la forêt,

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Chemins de la forêt,

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Titre

Titre

Chemins de la forêt,

Ouvrage illustré

Chemins de la forêt

Chemins de la forêt

Titre

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181


Titre

Titre

Brusquement affranchi

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Titre

Brusquement affranchi,

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L'Univers nocturne de Henri Goetz

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Goetz,

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L'Univers nocturne de Henri

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Goetz,

L'Univers nocturne de Henri

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182

Goetz,

Commentaire

L'Univers nocturne de Henri Goetz

L'Univers nocturne de Henri Goetz

L'Univers nocturne de Henri


Titre

Titre

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Sources

Sources manuscrites Centre Georges Pompidou, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art moderne, Bibliothèque Kandinsky Dossier Henri Goetz - Centre national d’art contemporain, fiche individuelle remplie par Goetz, non datée (datant probablement de 1968). - Centre de documentation sur les artistes (Maison des artistes), questionnaire rempli par Goetz, non daté (datant probablement de 1966). Fonds Henri Goetz - Ma vie, mes amis, texte dactylographié de l’autobiographie de Henri Goetz, annoté de l’auteur. Fonds Constantin Brancusi - Une visite de l’atelier, texte tapuscrit de Henri Goetz, non signé, non daté (datant probablement d’entre 1947 et 1957). - Visite de l’atelier, texte tapuscrit de Henri Goetz, signé, non daté (datant probablement de 1945). Archives privées de la famille Rey, Perpignan - Dix-huit lettres envoyées entre 1967 et 1987 par Henri Goetz et Christine Boumeester à Maître Rey, collectionneur et amateur d’art de Perpignan.

Sources imprimées Centre Georges Pompidou, Centre de documentation et de recherche du Musée national d’art moderne, Bibliothèque Kandinsky Dossier Henri Goetz - Documents divers : catalogues, cupures de presse, invitations.

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Sources


ARTS, 1949 - J. B., « Graphies », Arts, n° 241, Paris, 1949. ARTS, 1951 - G.B., « Graphies », Arts, n° du 4 mai, Paris, 1951. BOSQUET, 1975 – Bosquet, Alain, « Goetz surréaliste abstrait », L’Oeil, n° 239, p. 46-47, Paris, 1975. COMBAT, 1951 - « Le groupe Graphies », Combat, n° 2117, Paris, 1951. GAZETTE DE LAUSANNE ET LE JOURNAL SUISSE, 1949 - R. de C., « Une exposition de graveurs français », Gazette de Lausanne et le journal suisse, n° 123, Lausanne, 1949. GOETZ, 1950 - Goetz, Henri, « A Parigi nuove technice », Numero n°1, année 2, 31 janvier – 31 mars, Florence, 1950. GOETZ, 1969 - Goetz, Henri, La Gravure au carborundum : nouvelle technique de l’estampe en taille douce, postface par Joan Miro, Paris, Maeght, 1969, 39 p. GOETZ, 1974 - Goetz, Henri, La Gravure au carborundum : nouvelle technique de l’estampe en taille douce, postface par Joan Miro, Paris, Maeght, 1974, 52 p. GOETZ, 1982 – Goetz, Henri, « Ma vie, mes amis », Cahiers de Musée national d’art moderne, n° 82/10, p. 296-315, Paris, 1982. GOETZ, 2001 - Goetz, Henri, Ma vie, mes amis, Paris, Climats, 2001, 180 p. GOETZ, 1975 - Goetz, Henri, « Mes démarches », lettre manuscrite datée de 10 juin 1975, reproduite dans Xuriguera, Gérard, Henri Goetz, catalogue d’exposition, Paris, Galerie La Pochade, 1975. GUILLY, 1949 - Guilly, René, « Graphies », Combat, n° 1449, Paris, 1949. ROUSSEAU, 1985 - Rousseau, Maurice, La Gravure au carborundum, préface par Henri Goetz, Monte-Carlo, Maurice Rousseau, 1985, 31 p.

Sources

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Sources iconographiques Département des estampes et photographie de la Bibliothèque nationale de France DC-2875(1)FT2, DC-2875(2)FT2, DC-2875(3)FOL, DC-2875(4)FOL, DC-2875(1) FT4, DC-2875(3)FT4, DC-2875(6)FT4 - œuvres montées de Henri Goetz. DG-1 (Goetz, Henri Bernard) BOITE FOL (boîtes hors catalogue), DG-1 (Goetz, Henri Bernard) BOITE FOL (boîtes catalogue), DG-1 (Goetz, Henri Bernard) FT5 (boîtes hors catalogue), DG-1 (Goetz, Henri Bernard) FT5 (boîtes catalogue), DH-1 (Goetz, Henri Bernard) FT6 – œuvres non montées de Henri Goetz. GEAY, Mutations, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Mutations, une gravure et vingt dessins reproduits, Bussy-le-Repos, Porte du Sud, 1989, 5 p. SNR AFF-3 (Goetz, Henri Bernard) – affiches d’exposition. YB3-5000 (Goetz, Henri Bernard)-BOITE PET FOL - recueil de diverses pièces.

Livres illustrés Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France CLARAC-SÈROU, 1950 – Clarac-Sérou, Max, Inductives, trois gravures, Angers, J.Boutin, 1950, 25 p. GRAPHIES, 1949 - À la gloire de la main, ouvrage collectif, une lithographie, Paris, Groupe Graphies, 1949, 53 p. GEAY, Au-delà des frontières, 1985 – Geay, Jean-Pierre, Au-delà des frontières, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1985, 2 f . GEAY, Bords perdus, 1989 - Geay, Jean-Pierre, Bords perdus, deux gravures, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989, 5 p, 2 f. GEAY, Brusquement affranchi, 1988 - Geay, Jean-Pierre, Brusquement affranchi, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1988, 2 f.

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Sources


GEAY, Carte de visite, 1987 – Geay, Jean-Pierre, Carte de visite, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1987, non paginé (4 f.). GEAY, Ce qui m’emporte, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Ce qui m’emporte, trois gravures, Nice, Librairie Jacques Matarasso, 1989, 32 p. GEAY, Chemins de la forêt, 1988 – Geay, Jean-Pierre, Chemins de la forêt, quatre gravures et une gravure supplémentaire pour quinze exemplaires de tête, Paris, Robert et Lydie Dutrou, 1988, 21 p, 4 f. GEAY, Fin de course, 1985 - Geay, Jean-Pierre, Fin de course, deux gravures, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1985, 4 p, 2 f. GEAY, Les Fonds de la nuit, 1985 – Geay, Jean-Pierre, Les Fonds de la nuit, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1985, 3 p, 1 f . GEAY, L’Invisible demeure, 1987 – Geay, Jean-Pierre, L’Invisible demeure, deux gravures pour trente-sept exemplaires et trois gravures pour seize exemplaires, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1987, 22 p. GEAY, La Ligne d’en face, 1989 - Geay, Jean-Pierre, La Ligne d’en face, deux gravures, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989, 5 p, 2 f. GEAY, Le Regard et son double, 1987 – Geay, Jean-Pierre, Le Regard et son double, deux gravures, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1987, non paginé (15 p.). GEAY, Relèvement, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Relèvement, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989, 24 p. GEAY, Resté à part, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Resté à part, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989, 24 p. GOETZ, 1986 - Goetz, Henri, Picabia accuse, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1986, non paginé (5 p, 1 f.). GUICHARD-MEILI, 1979 – Guichar-Meili, Jean, L’Avant-sommeil, onze gravures, Paris, Coprah 3, 1979, 24 p, 11 f.

Sources

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GUICHARD-MEILI, 1982 - Guichard-Meili, Jean, Littérarture, huit gravures, Nice, Jacques Matarasso, 1982, 38 p. HUGNET, 1942 - Hugnet, Georges, La Femme facile, treize lithographies, Paris, Galerie Jeanne Bucher, 1942, 14 p. PICABIA, 1947 - Picabia, Francis, Explorations, dix lithographies, Paris, Pro Francia, 1947, non paginé (44 p). Bibliothèque municipale à vocation régionale de Nice MARI, 1969 - Mari, Paul, L’Emploi du temps, une gravure, Paris, Chambelland, 1969, 352 p. Galerie Hélène Trintignan, Montpellier BENOIT, 1987

-

Benoît,

Pierre-André,

Dire...

Redire...,

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gravure,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1987. CAIL, 1985 – Cail, Nadine, Envol de l’arbre amer, deux gravure, Lagrasse, Verdier, 1985, 41 p. RIVA, 1975 - Riva, Emmanuelle, Le Feu des miroirs, une gravure Paris, Libraire Saint-Germain-des-Prés, 1975, 79 p. Lydie et Robert Dutrou, La Métairie Bruyère, Yonne GOETZ, 1990 - Goetz, Henri, L’Ithos et le pathos des choses, Paris, Robert et Lydie Dutrou, 1990. Cole & Contreras Books / Sylvan Cole Gallery, Sitges, Barcelone GUILLÉN, 1979 – Guillén, Jorge, Nocturnos e altre poesie, quatre gravures, Milan, M’Arte Edizioni, 1979. Livres non localisés BENOIT, 1989

-

Benoît,

Pierre-André,

Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1989.

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Sources

Notes

hâtives,

une

gravure,


BRINDEAU, 1975 - Mari, Serge, Le Même au centre, quatre gravures, Paris, Empreinte, 1975. GAILLARD, 1986 - Gaillard, Pierre, La Menthe religieuse, une gravure, Sauveterre-du-Gard, La Balance, 1986. GUICHARD-MEILI, 1987 - Guichard-Meili, Jean, Thesaurus, dix-huit dessins originaux pour dix-huit exemplaires de tête, Quimper, Calligrammes, 1987, 60 p.

Sources filmographiques RESNAIS, 1947 - Resnais, Alain, Portrait de Henri Goetz, 1947. REAL, 1987 - Réal, Jean, Le Procédé Goetz, film avec participation de Brisson, Clavé, Coignard, Papart et Goetz, 1987.

Sources radiophoniques Bibliothèque nationale de France, archives de l’Institut national d’audiovisuel - Arthur, José, A l’heure du pop, émission radio diffusée le 11 décembre 1989 en direct sur France Inter et consacrée entièrement à Henri Goetz. - Périnaud, andré, Forum des arts, émission diffusée le 5 février 1972 en direct sur France Culture, avec la participation de Henri Goetz.

Archives Archives de Paris - D1P4 1342, calepins des propriétés bâties (rue Daguerre 5-21). - D1P4 1278, calepins des propriétés bâties (rue Bardinet 3-23). - 1178 W 1573, 1920, 2020 et 2032, permis de construire 1963-1980 (passage du Départ). - D2M8 618, recensement de 1936, résidants ordinaires, 14e arrondissement, quartier de Petit Montrouge. - Voirie, VO11 973 et 974 (passage du Départ).

Sources

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Bibliographie ARDECHE, 1990 – Geay, Jean-Pierre et Goetz, Henri, Livres et manuscrits, catalogue d’exposition, Ardèche, Fédération des œuvres laïques de l’Ardèche, 1990, 117 p. ARIEL, 1966 - Goetz, 13 ans de peinture, 1952-1965, janvier 1966, Paris, Galerie Ariel, 1966, 16 p. BELLIER, 1975 - Henri Goetz, catalogue d’exposition, mai - juin 1975, Paris, Galerie Jean-Claude Bellier, 1975, non paginé. BERGSTRÖM, 1973 - L’Oeuvre gravé d’Henri Goetz 1940-1972, texte de Christian Tisari, catalogue par Gunnar Bergström, Stockholm, Sonet, 1973, 126 p. DEUX ILES, 1949 - Henri Goetz, œuvres récentes, catalogue d’exposition, Paris, Galerie des Deux Iles, 1949. DI MARTINO, 1991 – Di Martino, Enzo, Oltre il segno, quattro maestri della grafica contemporanea : Johnny Friedlaender, Henri Goetz, Stanley Hayter, Emilio Vedova, La Biennale di Venezia, Archivio storico delle arti contemporane, Milano, Fabri, 1991, 95 p. DUROZOI, 1997 – Durozoi, Gérard, Histoire du mouvement surréaliste, Paris, Hazan, 1997, 759 p. FAURÉ, 1982 - Fauré, Michel, Histoire du surréalisme sous l’Occupation, Les « Réverbères », « La Main à plume », Paris, La Table ronde, 1982, 467 p. GALPÉRINE, 1972 - Galpérine, Alexandre, Goetz, Paris, Le Musée de poche, 1972, 109 p. GEAY, Goetz, 1989 – Geay, Jean-Pierre, Goetz, Paris, Cercle d’art, 1989, 208 p. GHEERBRANT, 1988 - Gheerbrant, Bernard, À La Hune : histoire d’une librairiegalerie à Saint-Germain-des-Prés, Paris, A. Biro ; Paris, Centre Georges Pompidou, 1988, 199 p.

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Bibliographie


ISSOIRE, 1993 - Geay, Jean-Pierre, Goetz, catalogue d’exposition, 3 avril - 9 mai 1993, Issoire, Centre culturel d’Issoire, 1993, non paginé (28 p). LALANDE, 1998 - Lalande, Françoise, Christian Dotremont, l’inventeur de Cobra, Paris, Stock, 1998. LORSKY, 1952 - Lorsky, Jean-Roger, Henri Goetz, Paris, Presses littéraires de France, 1952, 19 p. MASROUR, 1981 - Henri Goetz : peinture, pastel, dessin, gravure, 1930-1980, textes de Bernard Dorival, Jean Guichard-Meili, Gérard Xuriguera, Guy Sautter, Gérald Gassiot-Talabot, Gerg W. Költzsch et Michel Melot, répertoire de l’œuvre par Karl Masrour, Pollenza-Macerata, La nuova Foglio editrice, Paris, Art Moderne, 1981, 211 p. MASROUR, 1977 - L’Œuvre gravé de Goetz, catalogue général de l’oeuvre gravé préface d’Oscar Reutersvärd, texte de Michel Melot et Denise Zayan, catalogue par Karl Masrour, avec « Gravure au carborundum et autres techniques » par Henri Goetz, Paris, Art Moderne, 1977, 143 p. MELOT, 1981 - Melot, Griffits, Fields, Béguin, L’Estampe : histoire d’un art, Genève, Skira, 1981, 285 p. MUSEE PAUL VALERY, 1978 - Henri Goetz, Christine Boumeester, catalogue d’exposition, mai - juin 1978, Ville de Sète, Musée Paul Valéry, 1978, 18 p. Nouvelles de l’estampe, revue publiée par le Comité national de la gravure française et le Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, dix fois par an de 1963 à 1971, bimestriel depuis 1972. Nouvelles de l’estampe n° 2 et n° 4 (1969), 1972, n° 8 (1973), n° 13 et n° 14 (1974), n° 34/35 (1977), n° 42 (1978), n° 54 (1980), n° 97 et n° 100 (1988), n° 107 (1989), n° 114 (1990).NOCÉRA, 2001 - Nocera, Frédéric, Catalogue raisonné : peintures – œuvres sur papier, Tome I, 19301960, Paris, éditions Garnier-Nocera, 2001, 311 p. PICABIA, 2002 - Francis Picabia : singulier idéal, catalogue de l’exposition présentée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 16 novembre 2002 - 16 mars 2003, Paris, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 461 p.

Bibliographie

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PINIES, 2003 - Piniés, René, Francis Picabia : écritures et dessins, rencontres avec Pierre-André Benoît, Henri Goetz, Christine Boumeester, Michel Sima, Carcassonne, Centre Joë Bousquet et son temps, 2003, non paginé. ROUBAIX, 1979 - Henri Goetz, 30 œuvres de Henri Goetz à Roubaix, catalogue d’exposition, 7 décembre 1979 - 20 janvier 1980, Rubaix, salle d’exposition du Forum, 1979, 4 p. SEUPHOR, 1962 – Seuphor, Michel, La Peinture abstraite, sa genèse, son expansion, Paris, Flammarion, 1962, 327 p. STRASBOURG, 1995 - Geay, Jean-Pierre, Henri Goetz, rétrospective, catalogue d’exposition, 31 août - 29 septembre, Strasbourg, Chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg ; Paris, éditions Garnier Nocera, 1995, 78 p. TRINTIGNAN, 2009 – Henri Goetz, catalogue d’exposition, texte de Numa Hambursin, Montpellier, Galerie Hélène Trintignan, 2009, 63 p. VERCORS, 1958 - Bruller, Jean, alias Vercors, Goetz, Paris, Le Musée de poche, 1958, 63 p. ZAYAN, 1999 - Zayan, Denise, La Place et le rôle de la gravure dans l’œuvre de Henri Goetz, catalogue d’exposition, « Carborundum Printmaking: Henri Goetz and His Legacy », Boston, Boston University Art Gallery, 2003.

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Bibliographie


Index des noms A Académie Colarossi, Paris 32 Académie de la Grande Chaumière, Paris 32, 33, 103 Académie Julian, Paris 32 Académie Ranson, Paris 103 Aittouarès, Jean-François 13, 70, 73, 143 Alloro dir Goa, Georges 61 Aloy, José 13 Arp, Hans 37 Atelier Pasnic, Paris 14, 83, 96, 97, 98, 99 Atlan, Jean-Michel 26, 38 B Bachelard, Gaston 52 Bastit, Tristan 14, 56, 71, 72 Beaudin, André 52 Bénic, Lorraine 13, 16, 17, 80, 108, 109, 134, 201 Bensasson, Roger 14, 107, 110 Bergström, Gunnar 16, 17, 27, 198 Bertholle, Jean 16, 51, 111, 137 Bloch, Pierrette 103, 107 Bohbot, Michel 65, 71, 144 Bonnard, Pierre 38, 49 Borras, Marie-Luisa 38 Bosquet, Alain 35, 49, 193 Bott, Francis 38 Boumeester, Christine 13, 18, 33, 35, 36, 38, 40, 44, 46, 47, 50, 51, 73 Bourguignon, Claude 13, 106, 107, 110, 136 Bozzolini, Silvano 52 Brancusi, Constantin 38 Braque, Georges 33, 38 Brauner, Victor 26 Bréa, Juan 34 Breton, André 34, 35 Brindeau, Serge 57, 58, 65, 130, 131 Brisson, Pierre-Marie 69, 97, 98, 111 Bruller, Jean, alias Vercors 16, 53, 54, 68, 100, 101, 145 Bryen, Camille 51

C Cahn, Isabelle 13 Cail, Évelyne 107 Cail, Nadine 13, 65, 107 Charpentier, Philippe 25 Chastel, Roger 50, 51 Chicha, Céline 11 Clarac-Sérou, Max 54, 65 Clavé, Antoni 69, 81, 85, 97, 99, 111 Coignard, James 69, 80, 85, 96, 97, 98, 99, 111 Cole, William 14 Coron, Antoin 13 Courtin, Pierre 26, 50, 51 Coutaud, Lucien 40 Couy, Jean 52 D Dadérian, Dikran 13, 17, 81, 107, 109, 110, 111, 123, 134, 135 Dali, Salvador 34 Dalvit, Oscar 52 Davies, Richard 111 Degas, Edgar 40 Delaunay, Sonia 37 Desclaux, Séverine 14 De Silva, Vieira 38 De Staël, Nicolas 37 Domela, César 26, 29, 38, 40, 76 Dominguez, Oscar 34 Dorival, Bernard 22, 23 Dotremont, Christian 36, 52 Dubuffet, Jean 26 Durand, Sylvain 50, 51 Duthoo, Jacques 52 Dutrou, Corinne 13 Dutrou, Robert 13, 17, 58, 63, 71, 80, 81 E Editions Art Moderne, Paris 17 Editions Cercle d’Art, Paris 24, 58 Editions du Musée de poche, Paris 16, 53, 71 Editions La Nuova Foglio, Milan 19

Index des noms

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Editions Maeght, Paris 15, 27, 41, 53, 55, 80, 81, 93, 109, 129 Editions Musée de poche, Paris 16, 53, 71 Editions Poligrafa, Barcelone 13, 24, 58, 59, 76, 146 Editions Robert et Lydie Dutrou, La Métairie Bruyère 58, 71 Editions Sonet, Stockholm 16, 17, 22, 27, 56, 63, 64, 68, 71, 75, 130 Eluard, Paul 37, 52 Ernst, Max 38, 40 Estienne, Charles 38 Everling, Germaine 37 F Fagniez, François-Xavier 111 Fautrier, Jean 26, 51, 125 Fiorini, Marcel 26, 51 Flocon, Albert 26, 48, 50, 51, 53, 103, 122, 126 Friedlaender, Johnny 24, 48, 52, 53, 54, 62, 129, 132 G Gaillard, Pierre 65, 146 Galerie Hambursin-Boisanté, Montpellier 69 Galerie Anne Lettrée, Paris 58, 71, 86, 87 Galerie Ariel, Paris 25, 53, 55, 56, 70, 144, 147 Galerie Bellechasse, Paris 18, 56, 57, 58, 70, 76, 144, 146 Galerie Cavalero, Cannes 53, 56, 71 Galerie des Deux Îles, Paris 50 Galerie Glemminge, Malmö 18 Galérie Hélène Trintignan, Montpellier 18, 29, 34, 40, 44, 56, 58, 69, 75, 76, 91 Galerie Jean-Claude Bellier, Paris 36, 131 Galerie Jeanne Bucher, Paris 37, 38, 49, 66, 71, 196 Galerie La Hune, Paris 26, 44, 51, 53, 55, 56, 68, 71, 74, 75, 130, 142, 146 Galerie L’Oeil dense, Paris 77 Galerie La Pochade, Paris 45, 71 Galerie Nina Dausset, Paris 51, 52 Galerie Paul Hervieu 43, 58, 68, 144 Galerie Rémy Bucciali, Colmar 27, 70 Galerie René Breteau, Paris 39, 40 Galpérine, Alexandre 16, 34, 106, 107 Gauvard, Pascal 14, 97, 98 Geay, Jean-Pierre 13, 24, 33, 45, 58, 60, 65, 67, 74, 86, 92, 106, 114, 144, 146 202

Index des noms

Goldschmidt, Jacques 53, 54, 56, 58, 63, 64, 70 Gout-Werner, Jean-Michel 14, 58 Grivel, Marianne 14, 121 Groupe Graphies 8, 20, 26, 50, 51, 52, 64, 65 Guibert, Dominique 13 Guichard-Meili, Jean 23, 65, 67, 74, 147 Guillen, Jorge 65 Guilly, René 38, 50 H Hambursin, Numa 13, 27, 29 Hardy, Marie-Louise 105, 110, 135 Hartung, Hans 29, 33, 34, 38, 40, 46, 81, 100, 140 Havel, Marc 13, 44, 79, 80, 107 Havel, Marie-Geneviève 107 Hayter, Stanley 24, 53, 129, 132 Hervieu, Paul 37, 42, 55, 56, 61, 70, 128, 131 Hugnet, Georges 20, 37, 49, 64, 65, 66, 144 K Kandinsky, Vasili 33 Kerg, Carlo 13 Kerg, Théo 13, 51, 52 Kerros, Aude de 14, 107, 136 Klee, Paul 33 Költzsch, Georg-W. 23 L Labisse, Félix 40 Laffly, Hélène 13, 117 La Main à plume 36, 38 Leblanc, Georges 53 Leclaire, Anne-Marie 13, 63, 73, 110, 119 Léger, Ferdinand 54 Le Moal, Jean 52 Lescure, Jean 52 Leurent, Christine 13 Licata, Ricardo 109 Lorsky, Jean-Roger 15, 16, 29, 35, 64 M Maeght éditeur 15, 27, 41, 53, 55, 80, 81, 93, 109 Magritte, René 36, 41 Maître Rey 13, 111 Mari, Paul 65 Martino, Enzo di 24, 25 Masrour, Karl 18, 20, 21, 22, 24, 27, 48, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 61, 63, 64, 70, 73, 75, 91, 102, 111, 113, 115, 143, 144


Matarasso, Jacques 37, 53, 55, 58, 68, 69, 71, 76 Matisse, Henri 33 Melot, Michel 13, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 57, 64, 102, 113, 114 Mesnil du Buisson, Nicolas du 14, 97 Meunier, Jean-Louis 65, 66 Miessner, Marie-Cécile 13 Miro, Juan 29, 46, 69, 80, 81, 96 Mondor, Henri 52 Monet, Claude 18, 40 Morane, Daniel 147 Moreau, Luc 62, 75, 129 Munch, Edvard 62, 141 O Ozenfant, Amédée 31, 32 P Papart, Max 69, 81, 85, 96, 97, 98, 99, 111 Péret, Benjamin 34 Pesteil, Maryvonne 13 Piaubert, Jean 52 Picabia, Francis 17, 20, 29, 37, 38, 39, 40, 49, 64, 65, 66, 67, 74, 78, 144 Picabia, Olga 37 Picasso, Pablo 29, 33, 37, 38, 42, 46, 52, 54, 73, 101, 132, 139, 140 Poquet, Josiane 14, 139 Prébandier, Léon 50 Prinner, Anton 26 R Raimbourg, Claude 13, 63, 73, 110, 119, 127 Réal, Jean 69, 82, 85, 96, 97, 98 Resnais, Alain 14, 39, 40 Reutersvärd, Oscar 18 Rey, Jean-Claude 13, 111, 192 Richard, Paul-André 34, 61, 111 Richier, Germaine 51 Rimbault, Roger 103 Riva, Emanuelle 65 Roig, Pilar 13 Rouault, Georges 33 Rousseau, Maurice 58, 61, 62, 71, 73, 84, 120, 121, 143 Rouvre, Edvard de 49 S Sahl, André 52 Salon de Mai 39

Salon des Comparaisons 39 Salon des Surindépendants 39 Sautter, Guy 23, 24 Schaeffer, Eric 44, 79, 80 Schneider, Pierre 14, 111, 137 Schürr, Claude 110 Segui, Antonio 98 Servera-Boutefroy, Madeleine 13 Signovert, Jean 51, 52 Springer, Ferdinand 52 Szafran, Sam 14, 107, 136 T Tanguy, Yves 29, 35 Tauber, Sophie 37 Tisari, Christian 16 Trintignan, Hélène 13, 27, 61, 70, 72, 73, 87, 131, 143 Tugayé-Domela, Lie 14, 77 Tzara, Tristan 52 U Ubac, Raoul 26, 29, 34, 36, 38, 50, 51, 52 Upiglio, Giorgio 56, 58, 61, 63, 70, 71, 76, 129, 146 V Valery, Paul 52 Vedova, Emilio 24 Vieillard, Roger 51, 122, 126 Villon, Jacques 46, 51 Vuillamy, Gérard 26, 50, 51 W Wallace, Marjorie 26 Wou-ki, Zao 14, 52 Y Yersin, Albert-Edgar 50, 51 Z Zayan, Denise 13, 19, 62, 63, 73, 81, 107, 110, 111, 128, 134, 141

Index des noms

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