La Mouche vol.15 - Bordel

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Journal collectif libre

15

Sept. 2019

La Mouche Bordel ! !



Manifeste La Mouche est un journal collectif, participatif et artistique. La Mouche se télécharge, se photocopie, s’agrafe, se répand, se prête, se détourne, s’affiche, s’arrache. L’impression et la diffusion se font de manière autonome et par les moyens du bord. Par définition, La Mouche est libre. Chacun-e s’en peut participer en envoyant des textes, des images, des manifestes, des BD, des illustrations, des affiches, des photos, des collages et tout ce qui s’imprime à :

lamouche@darksite.ch Les numéros sortent tous les 3-4 mois et sont accessibles sur le site web :

www.darksite.ch/lamouche La Mouche est insignifiante et pourtant la Mouche est partout, elle est anonyme, elle se reproduit et devient innombrable. La Mouche est insaisissable, agaçante et collective. La Mouche est (prix) libre, et se multiplie. Rejoins La Mouche, nourris-la et diffuse-la !


Pardon à : Le cul de Reuil Jonas Nadia Mirek ! Dont les images ont été oubliées dans la première version du journal. Voilà qui est corrigé.


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Le présent journal est paru le 30 septembre 2019 dans une version tronquée. La Mouche vous certifie que ce numéro, portant la mention : "Bordel !!" est bien la version définitive et comporte toutes les contributions reçues. Milles pardons pour la confusion. Si vous possédez la version : "Bordel" tronquée, considérez que c’est un exemplaire rare diffusé uniquement à 33 exemplaires...



Tu ne devais pas ranger ta chambre ?

OH !

JE LE FERAI

PLUS

TARD

Latha





Le bordel

Le soir tombe sur ce lundi sans histoire. Il enveloppe le jour dans sa gueule de dragon, et l’avale dans son ventre noir sans étoiles, aux entrailles nuageuses épaisses, glacées, les rues sont englouties, les voitures arrêtées au bord des trottoirs, du noir et du glacé, rien que ça. Le décor du ventre de la nuit est sobre. Des rues désertes, des places désertes, des allées désertes. De vagues clochards qui dorment un œil ouvert sur des bancs ou dans des coins, invisibles, décalés, auxquels il ne faut surtout pas porter attention, sinon la culpabilité d’avoir un toit et à manger enveloppe l’esprit comme la nuit enveloppe le jour. Les bars sont pour la plupart fermés, la seule musique qu’on entend est celle du vent, les musiciens de rues sont rentrés chez eux, les magasins ont éteints leurs sonos insupportables et n’ont laissé de lumière que dans leurs vitrines, vent qui frappe contre les fenêtres des voitures, tentant comme un voleur de s’y infiltrer, vent glacial qui soulève les branches des arbres vers le ciel, rares arbres ayant survécu à la pollution, grisâtres et maigres, risquant de ne pas pouvoir résister à la tentation de s’envoler. Pour ailleurs, pour des ciels plus beaux, moins noirs, où l’on verrait les étoiles et la lune, où il n’y aurait pas de clochards en dessous, ou alors où on le serait tous, des clochards, nus sous la chaleur d’un ciel moins noir. Au milieu de ce silence qui pèse sur la ville, au milieu des arbres


aux branches soulevées et aux voitures mal garées, il reste bien une seule chose qui illumine un peu le morose de ce lundi noir sans histoire ; un lieu aux néons grésillant comme ceux des hôpitaux, aux couloirs étroits, labyrinthe menant d’une salle à une autre et dans chaque salle un long comptoir brillant de crasse, un sol collant aux pieds, des tas de mégots, cendriers et verres renversés, des sachets de poudre vides, des tâches sur les murs aux affiches colorées. Un lieu qu’on appelle communément La Caserne, mais qui de son vrai nom s’appelle Le Bordel, nom qui n’est pas sur les enseignes et ne figure pas sur internet, qui se connait par le bouche à bouche des habitués, qui signifie mieux que tous les autres mots les aventures qu’on vit là-bas dedans, sexe, drogues, corps qui se collent à la glue de sueur, vêtements jetés sur les mégots, odeur âcre des haleines alcoolisées. Le Bordel, où les femmes viennent oublier leurs hommes et les hommes leurs femmes, où le genre masculin ou féminin n’a pas d’importance, les bouches et les salives sont toutes les mêmes, il suffit de fermer les yeux ou de sucer une pilule, entre la langue et le palais, il suffit de ne pas se demander ce qu’on embrasse. Alors que les familles ordinaires et les couples sans histoire dînent en silence devant le journal du lundi soir, que le vent tape contre les fenêtres de leurs voitures garées en


bas des immeubles, que les clochards s’endorment frigorifiés sur les bancs, d’autres cherchent leur échappatoire au Bordel, sniffent de la farine et avalent des bonbons, dansent sous les néons qui grésillent, rouges et jaunes, les lèvres et le sexe gonflés. Le seul véritable moyen de fuir la réalité est de la détruire pour quelques heures, une nuit au plus, de s’enfoncer dans des hallucinations en étant persuadés, à l’instant même où on les vit, d’y rester pour toujours. La musique ne change pas beaucoup d’une salle à l’autre, sauf le weekend, où soudain elle devient presque tendre, prête à faire danser un public tout autre que celui de la semaine, le sol est nettoyé, les sachets restent pleins dans les poches des dealers, qui regardent des bières à la main les adolescents se faire du pied sous la table et boire des shots à cinq balles. Fils et filles révoltés de diplomates ou banquiers, qui une fois beurrés crient mort au capitalisme, puis qui rentrent en taxi dans leurs maisons, fils et filles dégoûtés d’ouvriers et d’immigrés. La Caserne pour eux est l’antithèse de l’école, la sauveuse de cette prison où ils passent leurs journées, île paradisiaque où tous les problèmes sont oubliés, effacés à la gomme, tipexés, déchirés comme des feuilles de papier. Des litres d’alcool ingurgités, vomis dans les toilettes taguées, des pétards roulés fins


écrasés sur les comptoirs. La musique devenue tendre berce ces enfants du futur, les guéri des punitions et mauvaises notes de la semaine. Semaine pendant laquelle La Caserne reprend son nom, Le Bordel, alors que son public du weekend se lève quand il se couche, s’il se couche, tout dépend des jours, des nuits, on ne fait pas la différence entre le soleil et la lune de toute façon, entre l’ombre et la lumière, le noir et le blanc. Parfois on retourne au travail sans avoir dormi, pour ceux qui en ont un, beaucoup sont à l’Hospice, mangent les impôts des autres, parce que c’est bien mérité quand la vie n’est que misère, échecs amoureux et professionnels. D’autres encore dealent, de la drogue ou des putes, c’est selon le caractère, les préférences de business, et enculent le système en n’ayant jamais été mis en prison, en étant comme les clochards, invisibles aux yeux de tous, même de leurs familles ; sauf de leurs semblables. Le Bordel, lieu dont tout le monde rêve sans le savoir, à l’odeur plus fragrante que le parfum des femmes, illégal, scintillant au milieu d’une ville de culture et de sport, qui arrive même aux rares flics qui ont le culot de s’y pointer en uniforme, à cacher sa décadence permanente.» Anne Honyme







La Reine du Bordel

Malgré les idées reçues, la prostitution, au Moyen-Age, n’est pas considérée comme quelque chose à bannir. Au contraire. Elle est tolérée, acceptée, voire encouragée, à certaines conditions, bien évidemment. Elle est considérée comme un mal nécessaire permettant de bannir certaines pratiques avec son épouse, notamment le plaisir. En effet, selon Saint Thomas d’Aquin, « si on prend du plaisir avec son épouse, c’est qu’on la prend pour une putain ». Si la prostitution n’est pas bannie, elle est, néanmoins, régie par des cadres, notamment au niveau géographique. A Genève, ce cadre est bien connu. Une porte de la ceinture médiévale, aujourd’hui disparue s’appelait « Porta Bordelli » (à l’emplacement actuel de la rue Beauregard). Elle conduisait directement à la rue des Belles-filles, aujourd’hui rue Etienne Dumont. Cette dernière ainsi que la rue Chausse-coq (autrefois appelée rue Chausse-con…) étaient les rues dans lesquelles les prostituées


avaient le droit de pratiquer. Pour sortir de cette enceinte, ces dernières devaient porter de la couleur rouge afin que ces messieurs puissent changer de trottoir en les croisant. En effet, si la prostitution est acceptée, elle n’est pas très bien vue.




Dès 1428, la situation se dégrada pour les filles de joies. Différentes dispositions les contraignirent à rester dans leurs lupanars. Une femme, toutefois, avait un rôle de porte parole face aux gouvernements successifs pour faire valoir les droits des prostituées. Cette dernière, appelée « Regina Bordelli », littéralement, la Reine du Bordel, était choisie par ses consoeurs et tenait d’une main de fer la maison close. Malheureusement, on ne sait pas quand ce rôle a été institué, mais elle apparaît au début du XVème siècle, lorsque le législateur commença à réguler les excès de la prostitution. On ne connaît pas non plus son appréciation sociale, si ce n’est qu’en 1503, ce qui semble avoir été la dernière Reine du bordel, fut élue, en présence des chanoines de la cathédrale, donc elle semblait avoir une certaine autorité. Il n’en demeure pas moins qu’en 1536, lorsque la Réforme fut proclamée à Genève, la prostitution fut bannie, punie et la Regina Bordelli disparut. Arnaud Bosch

Genève au Moyen-Age


Pendant ce temps là, à PompeÏ

...



MOUCHE FIX VOUS PRéSENTE SA NOUVELLE SéRIE éCRITE PAR FLANDRIN : / PROJET : B.O.R.D.E.L. BATIMENT ORDINAIRE Ré-AUGMENTé DéTRESSE EXISTENTIELLE LUSTRéE . / SITUATION : 2031 CHAOS TOTAL / / HUMANITé : UN PEU MOINS D’UN MILLIARD 5 CONTINENTS SOUS CONTRÔLE / IPHONE IS WATCHING YOU / ARMéE INTERNATIONALE PRIVATISéE DRONES DE SURVEILLANCE : 1 PAR HABITANT CACHET COMPORTEMENTAUX OBLIGATOIRE : 3 FOIS PAR JOUR PRIX DE L’AIR CONSOMMé : 80 CENTIMES DE L’HEURE SALAIRE DE BASE : JUSTE DE QUOI RESPIRER / 30 LITRES D’EAU / 10 KG DE PAIN ÊTRE HEUREUX : 1000.- PAR JOUR - MR Agora , j’ai besoin d’une signature de soumission . - Ah , et si je refuse ? - Pendaison spectacle sur l’écran publique . - Donc je n’ai aucun choix ? - BAH NON !!! ... A suivre … Ou pas !!! Flandrin Aka Plk 19 septembre 15h06 de 2019



BORDEL de... !! Dans le dico de la rousse, BORDEL a deux définitions : la vulgaire c’est Maison de prostitution, et l’autre (très familier) un Grand désordre.

C’est bien ça le BORDEL !!! Du matin au soir tout s’entasse, se décompose, et ça fini par produire une réalité sombre et en putréfaction, un vrai Big Bordel. La connerie humaine a toujours Voila, ça c’est fait ! Mais le marsu- été créatrice du bordel ambiant, pial voit aussi un sens plus appro- mais maintenant, elle devient l’arprié pour baver sec et sans bruit me du suicide de l’humanité. dans cette quinzième larve dipté- – Il va quand même y avoir des rienne. survivants à cet autogênocide ? Le bordel c’est la chianlit comme disaient les vieux jeunes du 20e, le ch’ni pour des encore plus vieux. La tache sur la chemise du ban-quier, le bug du geek, ou l’absurde ingérable par des êtres sensés.

– Non, là ça va être du 100% de réussite, la connerie sera totale et irréversible, quel beau bordel !

Pas grave, la fin du roi des mammifères va sûrement permettre à bien d’autres de vivre enfin sans pesticides, engrais chimiques, fongicides, armes et énergie nucléC’est exactement ça : une telle ga- aire, métaux lourds, continent de begie qu’il est même envisage- plastiques, etc... able que ce gros bordel devienne rapidement un gigantesque étron Plus de marcheurs debout et fin de qui va recouvrir toute la Terre, et ce bordel incommensurable. Mais d’une hauteur suffisante pour justement les responsables même que tous les bipèdes finissent par innocents ils et elles ne pourraient s’enfoncer dedans et s’étouffer pas faire enfin du rangement dans avec leurs propres excréments ce cloaque, faire de l’économie et – Au pluriel car chaque primate plus seulement du fric ?! Quelle en question répend durant sa belle envolée lyrique et utopiste ! vie non pas une grosse fiante Toutefois, l’Øpossum va creuser mais d’inombrables paquets mer- son terrier deux fois plus profond diques et de toutes sortes. que d’habitude. n

L’évolution humaine en six pictos Préhistoire

Antiquité

Moyen-âge

Les Lumières

LES PESTES Noires & Brunes Bientôt vingt ans au compteur de ce 21e siècle. À ce sujet, il y a presque cent ans les fafs et les nazes démarraient leur deux décennies de folies abjectes et meurtrières à travers toute la planète. Mais heureusement les forces du « bien » sauvèrent la Terre de celles du Mal. Maintenant, après 75 ans de paix et d’ententes cordiales l’Occident se trouve apaisé... Mais oui, et tout le monde est démocrate et plein de bonnes intentions. Aveugles que vous êtes Mesdames, Messieurs les humanistes, tout est en train de redevenir comme avant et avec les mêmes modes de fonctionnements. En Europe, et dans les continents blancs, les pestes noires et brunes réinfectent les peuples si bons et si gentils. C’est le retour des discours nationnalistes, identitaires et anti-tout, comme les violences verbales et physiques qui sont devenus quotidiennes. La « nouvelle » théorie à la mode : le « grand remplacement » appelle partout à refuser l’envahissement du sud « car ils et elles veulent génocider leurs anciens maîtres ». Tiens donc, fin de civilisation ?! Ça se pourrait, après des siècles de domination(s) va falloir baisser la tête et rentrer dans le rang.

Ère Industrielle Ultra Capitalisme


Anonyme. Bordel révolutionnaire, Pamphlet révolutionnaire et érotique. 1791






Pensant à ces phrases toutes faites que l’on dit tout en pensant l’inverse, Je ronge un à un mes maux les plus équivoques Avec la certitude d’écoper d’une peine à peine plus lourde que le vide Celle de l’ennui Irrépressible et beau à la fois J’enrage de ce même soleil d’un autre demain Et de son insolence prude Comme ces répétitions dont on voudrait oublier le refrain infernal Le temps égraine ses farces Avec une indécence de zonard Je m’habitue à l’absurde Je me dis qu’il est nu...

Lilo


L’OUBLI J’ai, dans le vaste abîme où dorment mes pensées, Perdu le souvenir d’un infime moment Dont les bribes se sont calmement effacées Afin de n’en garder qu’un intime fragment.

De ces ires, ces voix, savamment enlacées, Ces parfums mélangés harmonieusement, Ces formes, ces saveurs, ces ivresses passées, Il ne me reste en tout qu’un précieux tourment.

Mais, plongeant ma raison en ces froids paysages, Je devine la foule aux semblables visages Au milieu des espoirs condamnés à l’oubli.

— Le Seigneur a semé plus d’un marbre poli Dans ces yeux aux canaux abreuvés d’une sève Aussi claire que l’onde et trouble comme un rêve. Dulìo le 22 août 2019








Participe au prochain numéro ! Thématique : Noir ...ou autre chose, si tu as une meilleure idée...

Envoyez vos images et textes d’ici au 19 janvier à

lamouche@darksite.ch La Mouche a besoin de vous !


Sacha Dib Latha Claire Weill Anais Vivarie Naïma Pasche Anonyme David Serra Le cul de Reuil ! Nadia ! Arnaud Bosch Stéphanie Probst Nathalie Gür Plk Akira1138 l’øppossum Alice Grossenbacher Kevin Graz Séverine Bertschi Lilo DuLio & Olive Olive Balthazar Wyss Jonas ! Mirek ! Stef P.

www.darksite.ch/lamouche


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