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Enjeux Repenser l’écosystème de l’innovation // P. 02 Prospective La chimie organique au secours de l’électronique // P. 03 Stratégie Un nouveau souffle pour les filières historiques // PP. 04 ET 05 Recherche Accélérer l’émergence des filières innovantes // PP. 06 ET 07 Personnalité Interview de Marc Prikazsky, PDG de Ceva Santé Animale et président du Club des ETI d’Aquitaine // P. 08
REGION
SPECIAL AQUITAINE
JEUDI 25 AVRIL 2013
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Ces entreprises quiouvrent lesnouvelles voiesde lacroissance A la pointeducombat Arnaud Le Gal alegal@lesechos.fr
La peur de l’avenir ? Connais pas. La résignation, les cris d’orfraie ? Pas davantage. Ralentir ? Pas une option… La vie des entreprises innovantes ne laisse que peu de place au spleen économique, qui semble gagner chaque jour du
terrain en France. Pour autant, pas d’angélisme : le quotidien des dirigeants des PME de croissance, et plus encore de ceux des start-up à haut potentiel, tient plus du decathlon de niveau mondial que du chemin semé de roses. Mais une chose les porte, qui fait toute la différence : la certitude que le temps
est de leur côté. L’air du temps qui, sur tous les marchés, à travers les attentes des clients et de l’évolution des rapports de force entre les entreprises, apporte de multiples exemples où l’innovation s’avère un incomparable accélérateur de compétitivité, le meilleur ferment de création de vaeur et d’emplois. Le temps long de la stratégie aussi, où la culture de l’innovation, en plus d’être un avantage compétitif, se révèle un gage d’agilité face aux aléas inhé-
rents à la vie économique, un élément clef de performance durable, de cohérence du projet d’entreprise et d’adhésion à celuici des équipes comme des clients et partenaires. Les entreprises de la région Aquitaine, qui participent ce soir au club Les Echos débats à Bordeaux, incarnent, chacune à leur manière, cette dynamique de l’innovation. Elles illustrent aussi l’importance de l’écosystème autour de ces entreprises de crois-
sance. Tout d’abord, l’impact très direct que peut avoir une politique économique clairement centrée sur le soutien aux laboratoires de recherche, aux filières émergentes et aux entreprises innovantes. Et, par ailleurs, le nouveau défi lancé à la communauté financière, pour que ces innovateurs puissent trouver en France des investisseurs pour l’industrialisation de leurs créations et leur essor sur le marché mondial. Cela s’appelle une priorité nationale. n
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Jeudi 25 avril 2013 Les Echos
ENJEUX
5.568
115
189.000
ENTREPRISES
MILLIONS D’EUROS
ÉTABLISSEMENTS
Le nombre d’entreprises soutenues par Oséo en Aquitaine en 2012 pour un total de 1,2 milliard d’euros.
La région aquitaine va consacrer plus de 10 % de son budget en 2013 à la R&D et l’enseignement supérieur.
Le nombre d’entreprises en Aquitaine, dont 6 % ont plus de 10 salariés et 75 % dépendent du secteur tertiaire.
Le Conseil régional de l’Aquitaine a fait le pari de l’innovation pour alimenter sa croissance, en soutenant l’université de Bordeaux ou des entreprises innovantes. Un pari audacieux dans une région possédant un faible tissu industriel et qui navigue au-delà de la dixième place pour les brevets déposés ou les dépenses en R&D.
Repenser l’écosystèmedel’innovation C
roissance et innovation. Le fait que les deux soient liés ne fait plus de doute, même dans les activités traditionnelles. « C’est presque un pléonasme, car si l’on se contente de maintenir l’héritage, au mieux on stagne, au pire on dépérit lentement », résume Pierre Delfaud, professeur honoraire de l’université de Bordeaux. Encore faut-il savoir comment innover. Ce sera justement le thème du débat organisé par « Les Echos » ce soir, à Bordeaux, « Innover : la croissance autrement », un événement qui rassemblera des industriels aquitains – Lectra, Innoveox, Fermentalg, Rescoll – autour du paléoanthropologue Pascal Picq, qui a transposé les mécanismes de l’évolution biologique au fonctionnement de l’entreprise. Reste que, l’innovation ne se décrète pas. Elle peut tout au plus être facilitée grâce à un écosystème favorable : encouragement de la recherche, amélioration des liens avec le monde de l’entreprise, disponibilité des systèmes de financement, mise en réseau des partenaires… Ces thèmes résonnent depuis des années sur les bords de la Garonne, notamment depuis que B ordeaux s’est réveillée et a retrouvé son lustre, mais avec un écho plus retentissant depuis 2011. L’université de Bordeaux, pourtant partie de loin, montait alors sur le podium des « universités d’excellence » en compagnie de Paris et Strasbourg. Devenant, ensuite, la première à lancer la rénovation de son campus, grâce au financement de l’Etat, de la région et de la Caisse des Dépôts. « Le site de Bordeaux s’inscrit dans un fort dynamisme pour faire de l’université un acteur majeur du développement économique et de l’attractivité du territoire », insiste Alain Boudou, le président de l’université de Bordeaux. Un lien symbolisé par Innoveox, jeune entreprise qui exploite une technologie très innovante de destruction des déchets industriels, mise au point à partir d’un brevet déposé par un chercheur bordelais.
Une région tirée par l’économie résidentielle Une université très soutenue par le conseil régional, qui a fait de la recherche et de l’innovation l’axe de sa politique, avec environ 10 % de son budget investis dans ce domaine. Un pari pourtant audacieux dans une région tirée par l’économie résidentielle, mais possédant un faible tissu industriel la faisant naviguer au-delà de la dixième place pour les brevets déposés ou les dépenses en R&D. En cause, le déficit de taille de ses entreprises, dont seulement 8 % d’entre elles emploient plus de 10 salariés. Dans son rapport de 2011, « Quelle économie pour demain ? », la CCI régionale enfonçait le clou : « Les entreprises sont sous-dimensionnées pour innover, avoir une politique performante de R&D et sous-capitalisées pour avoir une capacité à prendre des risques. »
Dès lors, l’exécutif régional fait face à un redoutable défi. « Le rôle de la région est plutôt celui d’une marieuse, car, financièrement, le premier soutien à l’économie reste de très loin l’Etat. Ne serait-ce qu’à t ra ve rs l e s s a l a i re s d e s ch e rcheurs », insiste Pierre Delfaud. Un rôle dans lequel la région s’est souvent illustrée. En aidant par exemple la société Epsilon Composite. Cette dernière s’est ouvert les gros marchés de l’aéronautique, ou du pétrole offshore avec son procédé de fabrication de produits en fibre de carbone, tout en maintenant des partenariats avec les PME locales pour leur soustraiter ses activités de niche. L’exécutif a également poussé à la constitution d’une vingtaine de clusters, depuis le solaire à l’optique, en passant par les jeux vidéo ou l’informatique de santé, afin de faire travailler ensemble les entreprises d’un même secteur. Objectif, « renforcer la chaîne de valeur de la recherche, en passant par le développement, la formation, jusqu’à la mise en marché », insiste Alain Rousset, président de la région : « Contrairement à ce qu’elles pensent parfois, les entreprises d’un territoire ne sont pas concurrentes et les mettre en relation est extrêmement fructueux. »
Trois leaders, trois clefs de l’avenir
« Tous les politiques savent que Bordeaux sera une métropole et l’Aquitaine une grande région s’il existe une grande université très structurée. Car c’est un atout majeur de l’attractivité d’un territoire. »
« Dans les périodes de crise, il faut savoir s’ouvrir et pas se refermer. Sans esprit collectif, sans ouverture à la jeunesse, pas d’innovation. » ALAIN ROUSSET Président du Conseil régional d’Aquitaine
« Il faut donner une impulsion supplémentaire aux PME qui sont une source inépuisable d’innovations. Et cela ne concerne pas que les produits, mais aussi les processus et l’organisation. » JEAN-MARIE PONTOIS Président de Bordeaux Aquitaine aéronautique & spatial (Baas)
ALAIN BOUDOU Président de l’université de Bordeaux
Diffuser l’esprit d’innovation L’innovation tient souvent à des parcours individuels. A l’image de celui de Pierre Calleja, biologiste et l’un des premiers en France dans l’aquaculture marine avant de fonder Fermentalg à Libourne qui est en pointe dans l’exploitation des microalgues pour les marchés de la nutrition humaine, de la chimie verte et des biocarburants. Soutenu par la région l’une de ses forces étant d’avoir su négocier un partenariat avec le CEA. Il reste ensuite à diffuser cet esprit d’innovation, qui ne se limite pas aux produits, mais concerne également l’organisation de l’entreprise, les procédés ainsi que la commercialisation. Quelques entreprises en fournissent des exemples. Par exemple Lectra, une des pépites régionales au sein de laquelle deux personnes sont chargées de la gestion de la propriété industrielle. Le leader mondial des machines de découpe de tissu a dopé sa productivité en repensant sa fabrication avec des îlots de production à la fois plus ergonomiques et plus efficaces. « Cela dit, ce n’est jamais fini. Il nous faut tous les ans gagner des points de productivité », explique Laurence Jacquot, directrice industrielle et R&D pour les équipements CFAO. Ou encore Rescoll, une petite société de recherche spécialiste des nouveaux matériaux, qui doit une partie de son dynamisme à son statut de coopérative. « Ce statut permet d’avoir un très faible turnover du personnel, qui est très motivé », note José Alcorta, le fondateur et gérant de l’entreprise. Sans actionnaire à rémunérer, réinvestissant les profits dans l’entreprise, elle a disposé d’une trésorerie confortable pour aligner les acquisitions et croître. Peut-être une « entreprise darwinienne », chère à Pascal Picq, capable de s’adapter et d’innover pour survivre. n
Photos DR
Frank Niedercorn — Correspondant à Bordeaux
Les nouveaux défisdes pôles de compétitivité Les pôles de compétitivité doivent définir leurs orientations pour la période 2013-2018. Les pôles du Sud-Ouest y travaillent. « D’usines à projets, les pôles de compétitivité doivent devenir des usines à produits. » La consigne gouvernementale donnée en fin d’année dernière était claire et tous les pôles de compétitivité sont en phase de réflexion pour écrire la feuille de route qui doit définir leur stratégie d’ici à 2018. Dans le Sud-Ouest, comme ailleurs, l’heure est aux regroupements et à une orientation accrue vers le marché.
AEROSPACE VALLEY Implanté en Midi-Pyrénées et Aquitaine, son premier objectif est de continuer à travailler sur
les technologies de l’avion du futur et d’en diffuser certaines ( n o t a m m e n t s a t e l l i t a i r e s) à d’autres secteurs comme les transports, l’agriculture et la santé. Le pôle va aussi s’organiser pour que ses projets soient davantage tirés par la demande du marché. Troisième objectif stratégique, l’aide aux PME.
ROUTE DES LASERS L’heure est aux rapprochements tous azimuts. Tout d’abord avec Optics Valley, l’autre pôle français de la photonique, basé sur le p l a t e a u d e S a c l ay e n I l e - d e France. « Trouver plus de synergies entre nos deux écosystèmes va permettre d’augmenter la taille de nos projets », explique Hervé Floch, délégué du pôle. Il va également amplifier ses relations avec Aerospace Valley, « une
filière très consommatrice de photonique ». Enfin, le pôle veut développer les relations avec les autres pays et notamment l’Allemagne grâce au projet « European Photonic Cluster Networking » qu’il a initié.
AGRIMIP Ce pôle de Midi-Pyrénées s’est étendu à l’Aquitaine l’an dernier récupérant une centaine d’adhérents du pôle Prodinnov qui avait perdu son label. Classé comme « très performant » par le gouvernement, Agrimip a lancé quelque 250 projets dont 150 sont toujours en cours et mobilisé 68 millions d’euros de subventions publiques.
AVENIA Basé à Pau et spécialisé dans la valorisation des ressources énergétiques du sous-sol, les recher-
ches autour du stockage du CO2 sont mises en sommeil au profit de la géothermie et des travaux pétroliers. La gouvernance évolue également avec un conseil d’administration désormais dominé par les PME, comme Fonroche Energie, Semm Logging ou Vermilion.
XYLOFUTUR Le pôle de la filière bois veut améliorer la compétitivité de ses adhérents. L’objectif est d’en accompagner une trentaine à travers un programme d’évaluation de la performance avec l’aide de l’Afnor et de la méthode d’European Foundation for qualit y Management. « C’est la première fois que l’Afnor s’implique dans une telle action collective », insiste Nicolas Langlet, le directeur du pôle. — F. N.
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Les Echos Jeudi 25 avril 2013
PROSPECTIVE // De l’encre électronique au photovoltaïque, les recherches du laboratoire de chimie
des polymères organiques visent de nouveaux marchés.
Lachimieorganiqueausecoursdel’électronique Il a dit
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eorges Hadziioannou est un globe-trotteur de la science. Diplômé de l’université de Thessalonique, puis professeur à Strasbourg et aux Etats-Unis, chercheur dans les labos d’IBM en Californie, puis enseignant et entrepreneur aux Pays-Bas, il pose ses valises en 2009 à Bordeaux. Un parcours fourni mais centré sur un seul domaine, la chimie organique appliquée à l’électronique, dont il est l’un des meilleurs spécialistes. Si bien que la région Aquitaine lui propose une « chaire d’excellence », un dispositif qui permet d’attirer les scientifiques de renom. Dépendant du Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO), elle est financée par la société Arkema, le conseil régional et l’université. « Aujourd’hui, l’électronique est basée sur le silicium. Demain, ce sera le carbone avec des procédés de fabrication beaucoup moins chers qui se rapprochent de ceux de l’imprimerie », résume Georges Hadziioannou.
nique utilisée dans les liseuses. Avec deux innovations : la couleur et un support souple. « Nous pensons avoir une technologie exploitable d’ici à trois ans », assure Georges Hadziioannou. Arkema, dont l’usine de nanotubes de carbone est implantée à Lacq, a fortement soutenu le projet. « Nous avons constaté que nos savoir-faire venant des nanomatériaux avaient un grand intérêt dans l’électronique organique », explique Michel Glotin, directeur scientifique matériaux et partenariats au sein de la R&D du chimiste. Arkema va tirer les fruits de sa collaboration avec le LCPO dès cette année. Il va fabriquer à Lacq, au sein de ChemStart’up, sa plateforme chargée de l’accueil des toutes jeunes entreprises de la chimie, des produits destinés au CEA Leti pour la fabrication des futurs circuits électroniques. — F. N.
« Aujourd’hui, l’électronique est basée sur le silicium. Demain, ce sera le carbone avec des procédés de fabrication beaucoup moins cher. »
Lesautreslaboratoires d’excellencebordelais
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uel point commun entre l’encre électronique, les matériaux invisibles et ceux qui sont bioactifs ? D’un point de vue strictement scientifique, pas grand-chose. Ces recherches sont pourtant intégrées au s e i n d ’u n m ê m e l a b o r a t o i r e d’excellence, Amadeus, créé par l’université de Bordeaux dans le cadre des investissements d’avenir. « Nous essayons de développer des approches communes et transversales, en étant convaincus que l’interdisciplinarité peut bénéficier à tous », explique Olivier Fouassier, chef du projet Amadeus. Le premier sujet occupe les équipes du professeur Georges
Hadziioannou (lire ci-contre), qui travaillent ainsi dans le domaine de la chimie des polymères, tandis que celles du Centre de recherche Paul Pascal, une unité du CNRS de Bordeaux, sont des spécialistes de la chimie minérale.
L’interdisciplinarité aussi dans les autres Labex Leur objectif est d’arriver à mettre au point de nouveaux matériaux offrant des propriétés originales comme un indice de réfraction négatif leur conférant… l’invisibilité. Un domaine de recherche né dans les années 2000 et sur lequel des équipes du monde entier travaillent, provo-
quant évidemment un énorme intérêt, notamment des militaires. Le laboratoire bordelais pilote ainsi le projet européen Metachem. Quant au troisième projet appartenant à Amadeus, il vise à la mise au point de « biopiles » permettant d’alimenter certains dispositifs médicaux comme une pompe à insuline. L’interdisciplinarité est aussi au cœur des autres Labex bordelais, notamment Brain, Lascar, Trail et Cote. Ce dernier étudie par exemple la réaction de trois écosystèmes présents en Aquitaine (forêt, hydrosystèmes, agrosystèmes) au changement climatique. Toute l’originalité étant de réunir des chimistes, physiciens, biologistes ainsi que des sociologues et économistes. La valorisation est d’ores et déjà envisagée et des partenariats se dessinent avec des entreprises ou des collectivités. — F. N.
Exploitable d’ici à trois ans GEORGES HADZIIOANNOU Professeur de chimie à l’université de Bordeaux 1 et affecté au Laboratoire de chimie des polymères organiques
DR
Cette technologie est déjà en passe de révolutionner l’éclairage avec l’apparition des Oled, ces diodes électroluminescentes organiques consommant moins, éclairant mieux et ne dégageant aucune chaleur. L’espoir est désormais d’avoir le même résultat dans le domaine de l’énergie et des panneaux photovoltaïques. Une première entreprise devrait être créée dans le domaine de l’encre électro-
3 QUESTIONS À… PHILIP MCLAUGHLIN Directeur de BEM (Bordeaux école de management)
« Objectif:figurer dansleTop15 desécoles européennes. » DR
En Aquitaine, une innovation qui voit le jour, c’est une entreprise qui crée des emplois.
1 Bordeaux école de management fusionne avec Euromed à Marseille. Pourquoi cette course à la croissance ? Tout simplement pour rester dans la course de la mondialisation, avec la volonté d’offrir des services de niveau mondial et une présence planétaire, grâce à des campus à l’étranger et des plates-formes électroniques, à la recherche de haut niveau, à l’innovation. Cette f u s i o n , q u i s e r a e f f e c t i ve l e 1er juillet lorsque Kedge remplacera Euromed et BEM, n’est pas une fin en soi mais un début.
« Nous avons un chiffre d’affaires de 78 millions d’euros, pour 8.200 étudiants et 150 professeurs. » « Le budget consacré à la recherche est de 6,5 millions d’euros. » Aujourd’hui, nous avons un chiffre d’affaires global de 78 millions d’euros, pour environ 8.200 étudiants et 150 professeurs. L’objectif pour 2017 est de doubler ce chiffre d’affaires et d’avoir 14.000 étudiants et environ 300 professeurs. Quant au budget consacré à la recherche, il passera de 6,5 mil-
lions d’euros à 14 millions d’euros. L’objectif est d’être la grande école de commerce du sud de la France et de figurer dans le Top 15 des écoles européennes. 2 N’est-ce pas Marseille qui a absorbé Bordeaux ? Ensuite, les écoles de Pau ou de Toulouse vont-elles vous rejoindre ? Il s’agit bien d’une réelle fusion avec une gouvernance équilibrée et, d’ailleurs, le siège social de Kedge sera situé à Talence. Même s’il est vrai que celle de Marseille était en avance pour être déjà constituée en association, alors que nous étions encore une institution consulaire. L’arrivée de Pau constitue un objectif pour 2015 mais, d’ici là, il y a des choses à régler comme par exemple les trois accréditations européennes que Pau n’a pas. En ce qui concerne Toulouse, il y a eu des contacts très amicaux et positifs, mais rien de plus à ce jour. Même si je pense que Toulouse reviendra nous voir. 3 Comment avance le chantier de votre nouveau campus ? Très bien. Songez qu’il s’agit d’un chantier de 40 millions d’euros, qui va nous offrir 22.000 mètres carrés avec 11 amphis, plus de 60 salles de cours, un stade et un parking. Nous prendrons livraison de nos nouveaux locaux à la fin de l’année. Quant à la rénovation des 13.000 mètres carrés de nos anciens locaux, nous les aurons pour la rentrée 2014. n
ENTREPRISES ET COMPÉTITIVITÉ LA RÉGION AQUITAINE INVENTE L’AVENIR Depuis près de 15 ans, l’Aquitaine mène une politique volontariste en faveur de la compétitivité de ses entreprises : - Avec un budget Innovation–Recherche/Enseignement Supérieur de plus de 155 millions d’euros (12% du budget régional), elle accompagne les projets d’innovation et de déploiement à l’international des PME/PMI et ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire). - Elle mène une politique d’anticipation et de spécialisation industrielle ciblée sur les ETI et sur la croissance des PME. Créatrices de plus de 1000 emplois industriels par an, les ETI représentent 40% du CA et 20% des effectifs industriels en Aquitaine, soit 25 000 emplois. - Elle favorise la mutation de secteurs industriels traditionnels (aéronautique, forêt-bois, agro-alimentaire…), accompagne des filières d’excellence et innovantes (optique-laser, nanos matériaux et composites, biotechnologies…) et soutient les 5 pôles de compétitivité, les 15 clusters aquitains ainsi que l’émergence de nouvelles filières vertes (chimie du végétal, stockage de l’énergie, construction durable…). Une dynamique d’idées et de moyens qui fait aujourd’hui de l’Aquitaine la 1ère région de France pour la part de son budget consacré à la recherche et à l’innovation, et qui invente ainsi, chaque jour, les emplois de demain.
D.DAY EVENTS
Propos recueillis par Frank Niedercorn
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Jeudi 25 avril 2013 Les Echos
Dans les secteurs industriels traditionnels et forts en Aquitaine, des entreprises diffusent la culture de l’innovation.
Un nouveau soufflepour les filières historiques B
ois-papier, aéronautique, agroalimentaire, chimie. Quatre secteurs industriels qui pèsent plus de 100.000 personnes, soit les deux tiers de l’emploi industriel en Aquitaine. Autant dire des activités stratégiques, qu’il s’agit non seulement de préserver, mais aussi de développer grâce à l’innovation. Les institutions se répartissent d’ailleurs les rôles. L’arme de la région est la vingtaine de clusters qui veulent « concilier une stratégie de filières d’excellence et d’aménagement du territoire », explique Pascal Blehs, directeur de l’industrie au conseil régional. « Nous essayons d’élaborer des stratégies par filière : la diversification, l’export et, bien entendu, l’innovation, en insistant sur les produits mais également les processus, l’organisation avec l’importance que revêt l’informatisation », poursuit-il. A commencer par l’aéronautique, le spatial et la défense (40.000 emplois) et ses grandes entreprises (Dassault, Thales, Safran, EADS). Si ces dernières ont des moyens considérables pour entretenir des laboratoires de pointe, comme le Laboratoire des composites technostructuraux (LCTS) cofinancé par le CEA et Safran, elles aimeraient aussi voir leurs PME monter en gamme. Certaines l’ont déjà fait à l’image de Potez, désormais doté d’un bureau d’études et qui a investi dans des robots industriels. Insuffisamment, juge Jean-Marie Pontois, patron de Dassault à Mérignac et nouveau président de Bordeaux Aquitaine aéronautique & spatial : « Je veux que nous nous tournions d’avantage vers les PME. C’est essentiel pour la région. Lorsque de nouveaux marchés arriveront, les grands groupes en profiteront, mais les PME encore plus. »
Relever le niveau de compétences des PME Des relations entre PME et grandes entreprises parfois compliquées, mêmelorsquel’onparleinnovation. « Les acheteurs de l’automobile sont arrivés dans l’aéronautique et l’on entend désormais parler de marges arrière. C’était impensable il y a dix ans », affirme José Alcorta, gérant de la société de recherche Rescoll. De plus, les PME hésitent parfois également à investir dans des projets coûteux. A l’occasion du projet Arcos, destiné à mettre au point les réacteurs d’avion du futur, la région apousséSafranàimpliquerunecinquantaine de PME dès l’amont du projet. Quitte à prendre en charge, avec l’aide de l’industriel, tous leurs frais de R&D, afin de diminuer leurs risques. « L’objectif est de relever le
niveau de compétences de nos PME et de mettre l’Aquitaine dans la course, dès lors que les industriels choisiront de l’industrialiser », explique Pascal Blehs. Les institutions se répartissentd’ailleurslesrôles.« Lesquelque 50 ETI et 300 PME à fort potentiel sont bien accompagnées par la région et Oséo. Nous nous occupons des autres plus traditionnelles, qui forment 95 % du tissu industriel, mais dont beaucoup innovent tout de même », explique Calixte Blanchard, directeur service compétitivité-innovation, à la CCI Aquitaine.
12
16.000 12,3 %
RANG
ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS
VALEUR AJOUTÉE INDUSTRIELLE
L’Aquitaine est la douzième région exportatrice. Le vin représente 20 % des exportations.
84 % ont au moins 10 salariés, sur un total de 149.000 salariés.
La part en Aquitaine, contre 12,9 % pour toute la France.
e
STRATÉGIE
Sept entreprises qui bougent dans les activités industrielles stratégiques
Rescoll, société de recherche indépendante, vend son savoirfaire dans le domaine des matériaux innovants. Photo Rescoll
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Rescollcroîtgrâce àlarecherche partenariale
Société de recherche à statut de coopérative, la PME est née du terreau académique, mais croît rapidement en collaborant avec les entreprises.
Dynamiser les secteurs traditionnels Les CCI accompagnant en particulier le tissu des entreprises des secteurs plus traditionnels, comme la filière bois qui veut aussi parier sur l’innovation. Parfois organisationnelle. Avec l’aide de la CCI des Landes, une dizaine de scieries se sont regroupées dans une association baptisée « Ulis » pour accéder aux marchés nationaux des géants de la distribution du bricolage. C’est parfois plus ambitieux lorsqu’il s’agit d’imposer le pin maritime dans le domaine de la construction. Grâce à l’aide du pôle Xylofutur, qui travaille depuis l’origine sur un procédé d’aboutage consistant à associer plusieurs pièces de bois, la Scierie Labadie espère se faire une place sur le marché de la construction en bois, aujourd’hui dominé par l’Allemagne. Dans le Lot-et-Garonne, ce sont le département et la CCI qui, dans les années 1990, ont créé l’Agropole. Une zone d’activité pour jeunes entreprises innovantes qui en accueille aujourd’hui 130 pour environ 2.500 emplois. Avec quelques « success stories », comme Magicien Vert, aujourd’hui dans le giron de Delpeyrat. Yann Maus, son fondateur, ayant depuis créé Fonroche Energie. En toute fin d’année dernière, c’est Yooji qui se créait pour lancer une gamme d’aliments bio surgelés pour bébés. « Il faut reconnaître que nos aides sont en dessous du poids de l’agroalimentaire dans l’économie aquitaine », analyse Philippe Bourdier, délégué régional innovation chez Oséo. Même la viticulture peut avoir besoin de la recherche. La région a ainsi investi 30 millions d’euros pour créer en 2009 dans la banlieue de Bordeaux un Institut scientifique de la vigne et du vin (ISVV). Un investissement peutêtre décisif pour la filière viticole girondine, qui, dans l’avenir, devra s’adapter au changement climatique grâce à de nouveaux cépages et à de nouvelles pratiques culturales. — Frank Niedercorn
Les machines fabriquées à Cestas sont capables de découper jusqu’à 9 centimètres de tissus empilés. Photo Lectra
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Lectradécoupe laconcurrence malgrélacrise
Fabricant de machines pour découper le tissu, l’entreprise maintient la recherche et développement et la production en Gironde.
La société, qui compte 850 personnes, affiche un chiffre d’affaires de 72 millions d’euros. Photo DR
03 Martineveut encoregrossir àl’étranger Fabricant de desserts surgelés avec une nouvelle « collection » deux fois par an, la société, implantée en Dordogne, veut faire croître son activité à l’étranger.
Atypique et en croissance. Rescoll ne produit rien et ne vend rien. Sinon son savoir-faire dans le domaine des matériaux innovants. Résultat, cette société de recherche indépendante installée dans ses nouveaux locaux de Pessac, les agrandit déjà. A l’origine, dans les années 1990, elle n’était pourtant qu’un service de valorisation de l’école d’ingénieurs de l’Institut polytechnique de Bordeaux spécialisé sur la recherche appliquée autour des colles. Rescoll naît officiellement en 2001 et prend le statut de société coopérative d’intérêt collectif, dans laquelle chaque employé a une voix lors de l’assemblée générale. « Le reste du temps, Rescoll fonctionne comme une entreprise normale », insiste José Alcorta, son fondateur au parcours lui aussi original. Né au Pays basque espagnol, il est devenu ingénieur chimiste après avoir passé son bac à vingt-huit ans. Depuis une dizaine d’années, Rescoll a étendu ses activités à tous les matériaux innovants pour collaborer avec une multitude d’entreprises depuis les grands
groupes de l’aéronautique, via Aerospace Valley, jusqu’aux PME. L’entreprise, qui emploie 70 personnes, a fortement crû. « Il est facile de recruter des gens compétents. La région est très attractive », explique José Alcorta. La jeune société, qui réalise la moitié de son activité avec l’aéronautique (5,2 millions d’euros l’an dernier contre 3,9 millions l’année précédente), cherche désormais à se diversifier grâce à des rachats. Par exemple, celui de Xmedical, un sous-traitant du secteur de la santé rebaptisé « Rescoll Manufacturing ». L’entreprise vise désormais d’autres acquisitions en Belgique, mais aussi en Aquitaine. — F. N.
En 2006, Lectra réfléchissait à la possibilité de basculer une partie de sa production en Chine. Comme son concurrent américain Gerbert. L’entreprise a finalement misé sur son site girondin. Quelques années après, le fabricant de machines de découpe de tissu, destinées aux industriels de la mode ou de l’automobile, tire les bénéfices de cette stratégie pariant sur le haut de gamme et la qualité. Avec un chiffre d’affaires qui se maintient autour de 200 millions d’euros, mais une marge opérationnelle qui s’établit à 14 %. « Un excellent score pour un industriel », se félicite Laurence Jacquot, chargée à la fois de la direction industrielle et de celle de la R&D pour les équipements de CFAO. Entretemps, il a pourtant fallu traverser la crise durant laquelle l’entreprise, qui emploie 1.350 personnes dont 600 à Cestas dans la banlieue bordelaise pour la production et la R&D, a continué à investir. Soit un total de 170 millions d’euros sur ces dix dernières. « Nous avons souffert et même dû faire
un an de chômage partiel, mais, dès que les commandes sont revenues à la mi-2008, nous avons pu repartir très vite jusqu’à doubler la production en 2010 », se rappelle Laurence Jacquot. Le métier de Lectra, qui a déposé une soixantaine de brevets depuis sa création en rachetant une dizaine d’autres, est en effet très technique. Les machines capables de couper jusqu’à 9 centimètres de tissus empilés et comprimés sont truffées de capteurs pour garder la précision de la découpe. Elles sont aussi reliées au centre d’appels de l’industriel installé à deux pas de l’usine. Dès lors, l’activité de l’entreprise a évolué. La vente de services (monitoring à distance et fourniture de pièces détachées), qui représentait un tiers de l’activité il y a quelques années, pèse aujourd’hui presque la moitié du chiffre d’affaires. Le reste étant équitablement réparti entre les ventes de machines et de logiciels. Conséquence, Lectra, qui emploie 210 ingénieurs, prévoit d’en embaucher une cinquantaine d’ici à 2015. — F. N.
Martine Spécialités n’a pas peur de prendre un peu d’embonpoint. L’entreprise de Dordogne spécialiste des tartes et des pâtes feuilletées, destinées à la grande distribution, était déjà numéro un des desserts surgelés avec un chiffre d’affaires de 72 millions d’euros lorsqu’elle a été reprise par ses cadres dirigeants à travers un LBO en 2009. Ces derniers ont pourtant opté pour la croissance en rachetant l’année suivante deux concurrents bretons, Delmotte (entremets) et Trois Abers (pâtes crues). Ils créent alors l’Européenne des Desserts, avant d’acquérir l’an dernier le britannique Speciality Desserts. Avec quatre sites de fabrication en France et un en Angleterre, le groupe, qui réalise 140 millions de chiffre d’affaires, dont 14 % à l’étranger, a encore faim. « Comme toutes les ETI, notre problème numéro un est de nous développer à l’étranger pour être moins dépendant du marché français, explique Didier Boudy, le président. Je vois bien que les collègues de la viennoiserie qui font jusqu’à la moitié de leur
activité hors de France se portent mieux. Nous voulons rapidement atteindre les 25 %. » L’entreprise de 850 personnes a ainsi confié à un jeune VIE (volontariat international en entreprise) une mission de prospection aux Etats-Unis. Elle commence également à investir les marchés asiatiques, notamment la Chine et la Thaïlande. Pour l’avenir, le groupe compte ainsi beaucoup sur la marque Lenôtre, pour laquelle il a obtenu une licence pour la vente à l’export et dans la restauration. Si l’entreprise vise d’autres rachats, elle mitonne également l’innovation avec pas moins d’une centaine de nouveaux produits par an. Malgré quelque 1.500 références produits, elle réalise, en effet, 7 % de ses ventes avec des produits nés il y a moins d’un an. Elle continue ainsi d’investir 1 % de son chiffre d’affaires dans l’innovation. « C’est la clef, même s’il ne s’agit pas d’innovation de rupture cela permet aux grandes enseignes nos clients de se distinguer », insiste Didier Boudy. — F. N.
« Il est facile de recruter des gens compétents. La région est très attractive. » JOSÉ ALCORTA Rescoll
REGION // 05
Les Echos Jeudi 25 avril 2013
Gens d’estuaire 04 De àl’œnotourisme L’entreprise va développer les visites du vignoble à partir du fleuve. Avec l’enseigne Bordeaux River Cruise, il s’agit de faire connaître l’offre à l’étranger. « Le fleuve a permis de créer le vignoble de Bordeaux. Pourquoi ne pas l’utiliser comme point de départ des visites. » Philippe Lacourt est à l’origine de la jeune société Bordeaux River Cruise, dont l’objectif est de transporter au moins 40.000 touristes par an. Un lancement dans l’air du temps. Le fleuve, ignoré des Bordelais depuis le départ des activités portuaires du centreville, retrouve une nouvelle vie avec les paquebots, les compagnies de croisière fluviale et deux navettes qui viennent compléter l’offre de transport public. Leur gestion ayant d’ailleurs été confiée à une filiale Bordeaux River Cruise. La naissance de Bordeaux River Cruise est pourtant liée à un naufrage. Celui de la « Sorelinna », la péniche de la petite association Gens d’estuaire, créée par Philippe Lacourt. A l’automne 2012, ce banal accident, sans dommage corporel, a failli
Le fondateur de Bordeaux River Cruiser, Philippe Lacourt, entend faire entrer des investisseurs au capital de sa société. Photo DR
excelle dans 05 Acteon le matériel dentaire Acteur de référence des produits pharmaceutiques et de l’imagerie dentaire, de l’endoscopie chirurgicale, le groupe girondin est implanté dans le monde entier. Créé en 1978 à Mérignac, sur l’agglomération bordelaise, Acteon est l’un des dix acteurs mondiaux dans le domaine du matériel dentaire haut de gamme. Employant 700 salariés, le groupe a grossi à la suite de rachats successifs et a développé un savoirfaire dans l’endoscopie, qui représente 10 % de son chiffre d’affaires, à 125 millions d’euros. D’ici à quatre ans, son PDG, Gilles Pierson, envisage de créer 100 emplois et d’agrandir de 25 % la superficie du site historique de 16.000 mètres carrés. Outre cette unité française, qui emploie 270 personnes et fabrique du petit équipement dentaire et des consommables (produits pharmaceutiques dentaires), Acteon en possède une autre à La Ciotat (Bouches-du-Rhône) dédiée à l’imagerie digitale. A l’étranger, ses sociétés à Milan (Italie) et à Tuttlingen (Allemagne) font respectivement de l’imagerie 3D et des
Parmi les dernières innovations d’Acteon, un système de radiologie couplé à un capteur. Photo DR
06 Catherineau s’envoleàl’Aeroparc Très ancienne PME bordelaise spécialiste de l’ébénisterie, Catherineau s’est reconverti avec succès dans la fabrication de meubles pour avions d’affaires.
Elle a dit
« Nous innovons pour améliorer notre technologie mais aussi pour produire des éléments avionnables. » DR
Présente depuis 250 ans sur Bordeaux, Catherineau est sur le pont grâce à la mise au point en 1984 de matériaux ultralégers en nid d’abeilles. Au départ tonnelier, puis fabricant de moules pour les fonderies, la PME de 91 salariés est aujourd’hui spécialisée dans la fabrication de meubles pour les avions d’affaires. Douche pour avion, meuble pour téléviseur, etc. font partie des produits qui sortent des lignes de production de Catherineau, qui fait plus de 80 % de sur-mesure. Du fait des demandes particulières de ses clients (Airbus, DaherSocata, Dassault, Sabena, etc.), elle consacre 10 % de son chiffre d’affaires à la R&D et dispose d’un bureau d’études en interne de 8 personnes. « Nous sommes entrés sur ce marché difficile avec des clients exigeants, il y a plus de cinquante ans. Depuis la mise au point par mon père Alain Catherineau du matériau composite en
ANNE-SOPHIE CATHERINEAU Directrice adjointe de Catherineau
couler la jeune association, qui s’était lancée dans l’œnotourisme fluvial depuis 2008. « Nous étions des artisans avec une activité à la demande, locale et très saisonnière », reconnaît Syméon Gurnade, chargé du développement de Bordeaux River Cruise. Plutôt que de mettre la clef sous la porte, les dirigeants de Gens d’estuaire ont fait un voyage au Portugal pour constater que, à Porto, l’activité sur le Douro était florissante. Une vingtaine de petites compagnies proposent la découverte du vignoble depuis la rivière. La levée de fonds et les remboursements des assureurs vont faire le reste et notamment permettre d’acheter un bateau d’occasion adapté à la Garonne. Un fleuve difficile en raison du très fort courant. « On va aussi peaufiner un marketing et attirer les touristes en très forte augmentation à Bordeaux depuis que la ville est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco », explique Syméon Gurnade. Outre les parcours œnotouristiques, la compagnie, qui entretiendra trois navires et proposera des croisières-dîners. Des arguments qui devraient convaincre les investisseurs d’entrer dans le capital à hauteur de 650.000 euros. — F. N.
Turbomeca cherche à améliorer le moteur lui-même en augmentant le taux de compression et la température. Photo DR
07 Turbomeca rêvedemoteurs pluséconomes D’ici à 2020, la filiale de Safran veut baisser de 25 % la consommation de carburant et des émissions de CO2 de ses moteurs, ainsi que réduire le bruit qu’ils génèrent.
endoscopes chirurgicaux pour différentes spécialités. S’y ajoutent des filiales commerciales et de logistique, ainsi que des bureaux répartis dans le monde, car le groupe réalise 85 % du chiffre d’affaires à l’export. Appuyé sur un service d’études de 70 personnes, Acteon s’efforce de rester à la pointe avec comme axes de développement l’utilisation des ultrasons de puissance pour la chirurgie osseuse et l’imagerie radiologique : « Nos champs d’application sont la microélectronique, les ultrasons de puissance, le traitement du signal, la radiologie et l’optique. Nous ne travaillons que dans le haut de gamme », déclare Gilles Pierson, qui possède avec les cadres dirigeants 50 % du capital, le reste étant détenu par des fonds d’investissement depuis la sortie en 1991 du giron de Sanofi. Parmi les dernières innovations figurent un produit de détartrage et de prophylaxie dentaire, qui révèle le tartre grâce à un système de fluorescence intégré, ainsi qu’un système de radiologie couplé à un capteur, qui réduit jusqu’à 50 % les doses de rayons X. Gilles Pierson mise sur l’imagerie 3D, qui permet des progrès dans le diagnostic à distance, sur des marchés en croissance de 10 à 15 % par an. — C. W.
nid d’abeilles, nous innovons pour améliorer notre technologie mais aussi pour produire des éléments avionnables qui répondent au cahier des charges en termes de sécurité », raconte Anne-Sophie Catherineau, entrée dans l’entreprise familiale en 2006. Pour se rapprocher de ses clients, Catherineau a quitté ses locaux historiques aux Bassins à flot à Bordeaux pour intégrer en janvier 2012 4.600 mètres carrés à Saint-Médard-en-Jalles, à deux kilomètres de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. Aidé par les pouvoirs publics, il fait partie des premières PME à avoir intégré la zone de l’Aeroparc, créée pour développer des activités autour de l’aéronautique. En 2014, Catherineau a l’ambition d’atteindre un effectif de 114 personnes et de réaliser un chiffre d’affaires de 11,5 millions d’euros (+ 30 %). Travaillant exclusivement pour l’aéronautique, la PME réfléchit à la diversification. Elle participe à la création avec une cinquantaine d’autres partenaires d’un pôle de rétrofit de yachts de luxe aux Bassins-àflot : « Nous réaliserions les opérations de maintenance sur les meubles : revernissage, plaquage », précise Anne-Sophie Catherineau. — C. W.
Numéro un mondial des moteurs d’hélicoptère, Turbomeca, installé depuis 1938 à Bordes dans les Pyrénées-Atlantiques, est profondément ancré sur son territoire. La filiale du groupe Safran a confirmé son attachement au Béarn, en investissant 100 millions d’euros dans un outil industriel à la pointe de l’excellence industrielle. Le nouveau
bâtiment accueille 1.300 sur les 6.300 personnes employées par Turbomeca dans le monde. C’est là, au pied des Pyrénées, qu’il travaille à l’amélioration de ses produits : « Compte tenu de la forte augmentation du prix du carburant, nous devons proposer des produits qui offrent des réductions de coût à l’utilisation. Cela passe par une baisse de la consommation de
carburant d’au moins 1 % par an et la réduction des coûts de maintenance tout en maintenant la sécurité et la fiabilité de nos produits », explique Jacques Brochet, directeur technique chez Turbomeca. Tout ce travail de recherche, qui mobilise en R&D 15 % du chiffre d’affaires établi en 2011 à 890 millions d’euros, vise à réduire de 25 % d’ici à 2020 la consommation de carburant et les émissions de CO2, ainsi que de 10 décibels le bruit. Pour obtenir ces performances, Turbomeca cherche à améliorer le moteur lui-même en augmentant le taux de compression et la température. L’industriel travaille à utiliser d’avantage d’énergie électrique dans la fourniture de la puissance. « Il s’agit d’adapter la puissance fournie en fonction des phases de vol pour utiliser de façon optimale les différentes sources d’énergie de l’hélicoptère », précise Jacques Brochet. Dans cette même recherche d’économie, Turbomeca est impliqué avec des entreprises de la région dans le projet Caraibe, qui vise à développer une filière industrielle pour la production de pièces en magnésium. Le matériau, plus léger, donne un moteur plus léger, qui nécessite moins de puissance pour porter la même charge. D’autres projets collaboratifs le mobilisent, notamment pour développer des biocarburants ou bien pour remplacer les bougies par le laser pour l’allumage des chambres de combustion. Cela s’accompagne d’une stratégie très précise de réalisation démonstrateurs de technologies et de produit pour vendre au client une solution de motorisation mature lors de sa mise en service. — Christiane Wanaverbecq
06 // REGION
Jeudi 25 avril 2013 Les Echos
RECHERCHE // De l’optique laser, en passant par la chimie végétale, l’énergie éolienne, l’informatique médicale
ou encore le jeu vidéo… Où en sont les viviers des nouvelles entreprises ?
Comment accélérer l’émergencedes filières innovantes O
n ne peut se contenter du pin, du vin, du Bassin et des industries de défense cachées dans la forêt loin des frontières de l’Est ! » Alain Rousset, le président de la région Aquitaine, a l’habitude de résumer par cette formule sa volonté de trouver des ressorts de croissance à l’économie aquitaine. Le moyen ? La recherche, l’innovation et la constitution de nouvelles filières industrielles : drones, glisse, énergie solaire… Pas si simple pourtant. Ainsi, dans le domaine des lasers, tout est partideladécisiondel’Etat,en1995, de construire, à 30 kilomètres de Bordeaux, le Laser Mégajoule, énorme outil destiné à simuler les
explosions nucléaires en laboratoire. Les collectivités se sont engouffréesdanslabrèche.« L’optique, c’est l’électronique du XXIe siècle », s’enthousiasme Alain Rousset. On estime que 1.400 emplois ont été créés, dont une moitié dans la recherche. L’autre moitié chez les grands industriels de la région et quelques PME spécialisées, accueillies sur trois nouvelles zones d’activité industrielle. Un résultat encore modeste au regard des 3 milliards d’euros investis pas l’Etat et des 150 millions dépensés par la région et les collectivités dans des bâtiments, le centre de transfert de technologie Alphanov, le soutien au pôle de
La société japonaise compte faire de Lacq son site de production européen. Photo DR
compétitivité Route des lasers, l’Institut d’optique, qui s’installe à Talence, et même Petal, un outil de recherche scientifique, qui sera couplé au Laser Megajoule. « Cette technologie porte une rupture avec des acteurs emblématiques, mais le secteur manque de masse critique et les acteurs sont jeunes et petits », résume Philippe Bourdier, délégué régional à l’innovation chez Oséo. Dès lors, propulser de jeunes entreprises sur le marché mond i a l r e s t e c o m p l i q u é . Je u n e pousse issue du terreau académique bordelais, Eolite Systems, spécialiste des lasers destinés à l’industrie, s’est ainsi vendu à l’un de ses clients, l’américain Electro
« Il fautcomprendre le marché et aider nos acteurs à se positionner sur la chaîne de valeur. » THIBAUT RICHEBOIS Directeur recherche, enseignement supérieur au conseil régional
Scientific Industries (ESI). « C’est tout le problème du financement des jeunes entreprises de technologie. A la sortie, il n’y a pas d’acheteur aquitain, au mieux français mais plus souvent américain ou asiatique. Dès lors, comment préserver localement le fruit des investissements ? » s’interroge François Salin, scientifique et cofondateur d’Eolite Systems.
Faire face à la concurrence internationale La région, qui a favorisé la naissance d’une vingtaine de clusters, s’est lancée dans une démarche de structuration des filières les plus sensibles en soutenant environ 200 projets collaboratifs depuis 2005. « Il faut identifier la concurrence et les grands acteurs qui donneront des débouchés à nos PME. C’est l’inverse du “techno-push” car il faut d’abord comprendre le marché et aider nos acteurs à se positionner sur la chaîne de valeur », explique Thibaut Richebois, directeur recher-
Biolandes est devenu premier producteur mondial (20 % des parts de marché) d’essences à base de rose et de ciste. Photo DR
che, enseignement supérieur, transfert de technologie au conseil régional. De même dans l’énergie et le photovoltaïque ou l’éolien. Si la région n’est pas la plus favorisée pour le vent, elle dispose d’un bon potentiel grâce aux compétences dans les matériaux, qui prennent racine dans le passé chimique de la région vers Lacq, où Arkema a développé la fabrication de nanotubes de carbone. Le projet Effiwind viseainsilesgrandeséoliennesavec des matériaux innovants permettant de les alléger et d’améliorer leur recyclabilité. Un autre vise la mise au point de peintures chauffantes empêchant le givre. Dans le numérique, la ville de Bordeaux, qui a vu éclore une petite industrie autour du jeu vidéo, veut pousser son avantage dans le domaine des interfaces hommemachine devenues indispensables pourmanipulernosobjetsduquotidien.L’agglomérationdisposed’une forte communauté scientifique avec l’Ecole nationale supérieure de cognitique ou encore Thales, qui localement a beaucoup travaillé sur les cockpits du futur. Sans parler de l’Adeiso, une association très dynamique des PME du secteur. La région sait pourtant qu’elle ne peut jouer sa partition seule sur un secteur aussi concurrentiel et sur lequel elle ne possède pas la masse critique. « Nous allons nous adosser au pôle de compétitivité international Cap Digital. Nos concurrents ne sont pas parisiens mais internationaux », estime Thibaut Richebois. — Frank Niedercorn
L’innovation vue des PME
1 ENTREPRISE SUR DEUX La moitié des entreprises a un ou plusieurs projets d’innovation en attente.
69 %
PART DES PROJETS La part des projets à dominante « produit » contre 53 % à dominante « procédé ».
3
FREINS À L’INNOVATION Les entreprises freinent leurs projets par peur du risque économique dans 45 % des cas, le coût de l’innovation pour 42 % d’entre elles et par manque de moyens internes pour 37 %. Source : enquête réalisée par la CCIR Aquitaine auprès de 112 entreprises industrielles moyennes inconnues des dispositifs d’appui existants comme le conseil régional ou Oséo.
La PME girondine a développé un savoir-faire dans l’accompagnement ou la création d’applications nouvelles. Photo DR
Toray aide àreconvertir Biolandesvaloriselepin AmplitudeSystèmes le site de Total àLacq pourlaparfumerie venddelalumière En mai 2014 va entrer en service l’unité de production polyacryonitrile, un matériau utilisé pour la fabrication de fibres de carbone, construite par Toray sur le site Total à Lacq. Après Total, un avenir est encore possible à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques. Il passe par le japonais Toray, qui y implante une unité industrielle pour fabriquer du polyacryonitrile (PAN), un matériau utilisé pour la production de fibres de carbone. Après avoir été une « gaz valley », cette région du Béarn va donc devenir une « carbon valley ». La construction par Toray d’une usine, qui va entrer en production en mai 2014 pour une capacité, en vitesse de croisière, de 11.900 tonnes de PAN par an, donne cette assurance. Le positionnement initial de Toray était déjà de participer à la reconversion du site. Dans les années 1980, dans la perspective de l’épuisement du gisement de gaz à Lacq, le gouvernement français avait poussé à la création d’un joint-venture entre Elf et la société japonaise pour fabriquer de la fibre de carbone au sein d’une société baptisée Soficar implantée à Abidos, à 2 kilomètres de la plate-forme de Lacq.
« Petit à petit, entre 1982 et 2011, Toray a repris le capital de Soficar aujourd’hui baptisée Toray Carbone Fibers Europe. Mais, à ce jour, l’unité réceptionne le PAN du Japon, matière première qui sera ensuite carbonisée pour devenir de la fibre de carbone. En 2012, Toray a décidé de faire de Lacq, installation classée Seveso, le site européen qui fabriquerait le PAN. Cela, dans une logique de création de filières intégrées », raconte Bernard Martin, PDG de la nouvelle société, 100 % filiale du groupe japonais. La mobilisation des pouvoirs publics et l’aide de Total, qui a dépollué le site mais va aussi dédier en partie le gaz, encore disponible, à la nouvelle activité de Toray, ont fait beaucoup pour faire pencher la balance en faveur de l’Aquitaine. En comptant le centre technique Europe de Toray, cela représente un investissement, qui va compléter celui de 100 millions d’euros sur l’unité de production de PAN, et plus de 50 emplois qui viennent s’ajouter aux 330 personnes déjà occupées sur le site d’Abidos. De plus, compte tenu des besoins en fibre de carbone, d’ici de sept à quinze ans, deux nouvelles lignes de production devraient s’ajouter à celle qui va entrer en service. — Christiane Wanaverbecq
Spécialisée dans les essences destinées à la parfumerie, la société landaise compte deux autres activités : la cosmétique ainsi que la fabrication de parquets et lambris. Ingénieur formé à l’Ecole centrale de Paris, Dominique Coutière voulait vivre et travailler dans les Landes, son département natal. Son ambition était aussi de valoriser une matière première landaise. Créé en 1979 à Le Sen, Biolandes a donc démarré son activité en distillant les rameaux qui résultent de l’exploitation de forêts de pins des Landes. Depuis, l’activité de chimie du végétal s’est étendue aux compléments alimentaires, aux actifs cosmétiques et nutraceutiques (anti-oxydants), ainsi qu’à la valorisation des déchets issus de l’activité parfumerie en terreau pour la jardinerie et à la fabrication de parquets et lambris. En plus du site historique, Biolandes possède 3 usines acquises par croissance externe. Celle à Bussac (Charente-Maritime) est spécialisée dans les écorces décoratives comme complément du terreau. Celle à Châteaugiron (Ille-et-Vilaine) conditionne les compléments alimentaires. Enfin, celle à Valréas (Drôme) produit des essences spécifiques telles que la lavande. Devenu premier produc-
teur d’essences à base de rose et de ciste avec une part de marché mondial de plus de 20 %, la SAS s’appuie sur ses 6 filiales pour la collecte et la première transformation (Bulgarie, Brésil, Espagne, Madagascar, Maroc et Turquie) : « Elles réalisent les extraits primaires, ensuite finalisés dans l’usine landaise », précise Dominique Coutière, président de la SAS. Groupe désormais composé de 330 personnes pour un chiffre d’affaires de 110 millions d’euros réparti à parts égales dans 3 domaines d’activités (parfumerie-arôme, terreau-parquet-lambris, cosmétiques), Biolandes a créé une filière intégrée qui va de la distillation jusqu’à la valorisation des déchets. « A l’époque, avec l’aide de l’Anvar, nous avons mis au point des procédés innovants de distillation, économes en manutention et en énergie. En parallèle, nous avons diversifié les matières premières, utilisant par exemple 4.000 tonnes de pétales de rose par an », précise Dominique Coutière. Un résultat qui s’obtient par une quinzaine de millions d’euros investis chaque année pour des procédés nouveaux, la mise aux normes des locaux, ou bien encore l’augmentation de la palette des matières premières. — C. W.
Spécialiste des lasers à impulsions ultrabrèves, Amplitude Systèmes a levé 30 millions d’euros début 2012 pour continuer de prospecter de nouvelles applications. Lors de sa naissance en 2001, Amplitude Systèmes, spécialisé dans les lasers femtosecondes, autrement dit « ultrabrefs », partait quasiment de zéro. Implantée à Pessac, en périphérie de Bordeaux, la société a été créée à partir du transfert d’une technologie mise au point par le laboratoire Centre lasers intenses et applications (Celia) de l’université de Bordeaux-I. « L’invention a consisté à faire tenir sur une feuille A3 des instruments scientifiques, qui occupaient tout l’espace d’une pièce dans les années 1990. Lors de la création de la société, nous n’avions ni marché ni clients », raconte le PDG, Eric Mottay, à l’initiative du projet avec Gilles Riboulet. Depuis, à partir de sa technologie du laser femtosecondes, la PME girondine a développé un savoir-faire dans l’accompagnement ou la création d’applications nouvelles, telles que la chirurgie de l’œil, la fabrication d’implants médicaux. Aujourd’hui, elle compte une
société sœur à Paris, baptisée Amplitude Technologies. Intégrées à une société holding, toutes deux se sont imposées au niveau mondial dans leur spécialités. Amplitude Systèmes et Amplitude Technologies fournissent respectivement les industriels et les laboratoires de recherche : « Nous sommes une forme de motoriste qui fournit le composant clef à une clientèle essentiellement composée de constructeurs de systèmes ou de machines pour une application donnée », précise Eric Mottay. En 2012, le groupe a levé 30 millions d’euros pour accompagner sa stratégie qui consiste à élargir les champs d’application de ses différentes technologies de lasers (laser à fibre, laser à solide) et à renforcer ses positions sur de nouveaux territoires tels que la Chine. Avec le soutien d’Oséo et en partenariat avec Nexcis, elle travaille par exemple sur la mise au point de procédés de fabrication de cellules photovoltaïques en couche mince. Travaillant à 90 % à l’export, le groupe de 160 personnes vend une centaine de lasers par an. En 2012, il affichait un chiffre d’affaires cumulé supérieur à 25 millions d’euros. Son principal défi demeure de garder sa différenciation. — C. W.
REGION // 07
Les Echos Jeudi 25 avril 2013
Des pompiers ont engagé deux drones dans la lutte contre un feu dans la région de Mimizan. Une première en France. Photo DR
Les drones d’Aetos veulentdécoller d’Aquitaine Après ceux des Landes, ce sont les pompiers du Lot-et-Garonne qui s’intéressent aux drones. L’an dernier, pour la première
Notox surfe surla vague du vert
placer le dérivé du pétrole par une structure en nid d’abeilles en carton rendu hydrophobe. Elle a également substitué la fibre de lin à la fibre de verre. Aujourd’hui, les planches « écolo » de Notox ont trouvé leurs émules. Elles sont présentes dans des « surf shops » entre Bordeaux et Brest. Et, depuis 2012, le Japon et la Grande-Bretagne ont ouvert leurs portes à travers des contacts pris avec des distributeurs. La côte est des Etats-Unis est la prochaine cible. Vendant essentiellement aux particuliers à travers son showroom et son site Internet, la société a quasi triplé sa production de 150 planches en 2010. Elle vise un chiffre d’affaires de 400.000 euros cette année et, si tout va bien, recrutera de une à trois personnes. Mais Pierre Pomiers et ses acolytes ne veulent pas en rester là. Animés par une éthique, qui se concrétise par un processus de fabrication plus propre et par la volonté d’offrir des conditions de travail optimales en rédui-
La PME basque remplace les produits synthétiques fournis pour fabriquer ses planches par des agromatériaux. Si le surf est une activité respectueuse de l’environnement, la fabrication des planches avec du polyuréthane l’est beaucoup moins. Pierre Pomiers et son équipe de cinq personnes ont inversé la tendance. Née en 2009 à Anglet (Pyrénées-Atlantiques), leur entreprise Notox fabrique des planches plus « vertes ». Grâce à un partenariat avec une équipe du CNRS de Grenoble (Isère), la jeune PME a pu rem-
Il a dit
« Avec toujours les mêmes exigences en termes d’impact environnemental, nous proposerons des planches différentes selon le public. » DR
Le cluster Aetos fédère une trentaine de jeunes entreprises spécialistes des drones.
PIERRE POMIERS Fondateur de Notox
Solarezo veut passer lecap du moratoire
900.000 EUROS Le montant levé par Fly-n-Sense pour financer son développement.
EDF ont des groupes de réflexion pour intégrer les drones dans leur panoplie », explique Christophe Mazel, fondateur de la société bordelaise Fly-n-Sense, qui vient de lever 900.000 euros pour financer son développement. L’intérêt du cluster Aetos est de regrouper des compétences allant bien au-delà de l’appareil volant et notamment des capteurs (vidéo, photographiques, de positionnement) de plus en plus perfectionnés. La jeune société Aérodrones travaille, elle, sur un projet avec Total pour de la surveillance de pipeline sur de très grandes étendues. « Comme tous les acteurs français sont de près ou de loin concernés par Aetos, cela nous fournit une vision globale de la filière, des concurrents et des partenaires potentiels. Et nous, petite PME, cela nous rend aussi visibles depuis l’Europe », explique Hubert Forgeot, fondateur d’Aérodrones. — F. N.
sant, voire éliminant, les solvants, ils ont persévéré dans la recherche de pistes d’amélioration. Ils sont ainsi impliqués dans un programme de trois ans avec une start-up de Grenoble (BT3) spécialisée dans la chimie verte et deux groupes industriels (Rhodia et Porcher) avec l’objectif de mettre au point des composites 100 % cellulose. En parallèle, elle travaille sur des composites à base de lin avec différentes combinaisons : par exemple, lin-liège, celluloseliège. Ces développements permettront de fabriquer des planches adaptées à différentes cibles. « Avec toujours les mêmes exigences en termes d’impact environnemental, nous proposerons des planches différentes selon le public : les 100 % lin sont plutôt orientées expert. Celles en linliège, plus solides, s’adressent aux surfers intermédiaires ou bien sont destinées à servir pour du “kite surf” ou du “stand up” », précise Pierre Pomiers. — Christiane Wanaverbecq
3 QUESTIONS À… ANDRÉ REIX Cluster Topos
« Lemarchédes systèmesdetransport intelligentsest gigantesque. » DR
fois en France, des pompiers ont engagé deux drones dans la lutte contre un feu dans la région de Mimizan. A la grande satisfaction du commandant des pompiers, Jean-Philippe Lespiaucq : « L’innovation, c’est moins le drone que l’utilisation qui en est faite. » Alors que, depuis le sol, les soldats du feu n’ont qu’une vision très partielle, le drone de la jeune société Fly-n-Sense, équipé d’une caméra, leur donne une vue globale du sinistre avec des images géoréférencées, immédiatement visualisables sur une carte numérique. Et, avec l’évolution de la réglementation aérienne, qui autorise désormais l’utilisation des drones sous certaines conditions, les applications vont se multiplier. Une tendance que la région Aquitaine avait senti dès 2010 en créant Aetos, un cluster regroupant une quarantaine de jeunes entreprises du secteur, mais également de grands groupes et notamment Thales. Ainsi, les viticulteurs se sont intéressés à ces petits appareils volants de quelques kilogrammes dans le cadre du projet Vitidrone pour surveiller la santé des vignes. « La tendance se confirme et de grandes entreprises comme la SNCF ou encore
Propos recueillis par Frank Niedercorn 1 Bordeaux organise en 2015 le congrès Intelligent Transport Systems. Une manifestation sur laquelle la région compte beaucoup. Pourquoi ? ITS est un congrès mondial qui réunit chaque année 3.500 personnes et 200 exposants. Il se déroule à tour de rôle en AmériqueduNord,enAsieetenEurope. Et si les collectivités ont fait le forcingpourl’avoiren2015,c’estdans l’espoir de faire naître une filière. Ce marché des systèmes de transportintelligentsestgigantesqueet concerne tout ce que le numérique peut apporter pour améliorer la chaîne de transport terrestre : passagers, fret, marchandises. Cela concerne la communication entre les véhicules eux-mêmes et avec les infrastructures routières. Cela touche aussi les voyageurs et l’information qu’ils reçoivent avec les panneaux à messages variables. Les usagers des transports en commun sont évidemment concernés. Une autre partie importante concerne la billétique et les péages et, par exemple, l’écotaxe pour les poids lourd qui fait appel à la technologie satellite. Sans parler de toutes les applications gérant l’intermodalité permettant au passager ou au fret de passer du train, au bateau ou à l’avion. Au total, un marché énorme estimé à une trentaine de milliards d’euros par an. 2 Quel est le rôle de Topos et comment l’Aquitaine peut-elle en tirer parti de cette manifestation ? Même si cette activité n’est pas très représentée en France, la région Aquitaine a pensé qu’elle pouvait tirer parti des retombées de Galileo, le projet de système de positionnement par satellite européen. C’est la raison de
Topos, dont l’une des premières entreprises fut Helileo, qui a participé à la mise au point de Galileo. Aujourd’hui, nous regroupons une quarantaine de membres et nous organisons ce congrès. Nous sommes chargés d’une vingtaine de démonstrations grandeur nature pour lesquelles des appels à manifestation d’intérêt seront lancées l’an prochain. L’objectif est d’avoir le plus d’entreprises régionales présentes. Depuis un an, avec Aerospace Valley, nous avons entrepris de les sensibiliser. 3 Concrètement, en quoi consiste ces applications ? L’unes d’entre elles, Au-Dace, menée par Maif dans le cadre des investissements d’avenir, part du constat qu’il n’existe pas de système d’information permettant à l’utilisateur de comparer les temps de transport en voiture ou en transport en commun. Le défi est celui de l’information autour de la multimodalité. Une bonne partie des démonstrations va mettre en œuvre les communications entre véhicules, qui permettent notamment de résoudre des problèmes de sécurité. Comme Compass 4D, le projet financé par l’Union européenne. Lorsqu’il est au volant, le conducteur reçoit des informations sur son environnement immédiat l’incitant, par exemple, à ralentir si un bouchon s’est formé un peu plus loin. C’est un thème très important que l’on retrouve aussi dans le projet Scoref de Renault et PSA. Le projet Agate aura, lui, pour vocation de sécuriser les transports scolaires. Quant aux visiteurs du congrès, ils auront tous accès à une application de géolocalisation qu’ils pourront télécharger sur leur smartphone. Cela fonctionnera à l’intérieur de bâtiments comme à l’extérieur et fournira différents services. n
Place aux décideurs. Une série de conférences animées par la Rédaction
Spécialiste du solaire, l’industriel, installé sur l’ancien site de Sony, a souffert mais s’attend à rebondir grâce à un positionnement original et à des actionnaires solides.
Panneau photovotaïque, assemblé à l’usine de Pontonxsur-l’Adour, destiné à la future centrale solaire de Garein également dans les Landes. Photo Solarezo
« Il faut durer, car le marché est encore dans une phase de transition. » Laurent Giraud, qui a fondé Solarezo en 2006, est prudent. Comme les autres spécialistes du photovoltaïque, sur un marché français bouleversé par le moratoire imposé par le gouvernement, il n’a qu’une obsession : faire partie des entreprises survivantes. « Il y a de la demande pour les produits français et européens, et le secteur est encore dans une phase de concentration », explique-t-il. Pour faire face à la dégringolade du marché, Solarezo, installé depuis 2009 dans l’ancienne usine de Sony, à Pontonx sur l’Adour, dans les Landes, a pu s’appuyer sur un nouvel actionnaire avec DRT, la puis-
sante société de chimie du bois. Tout comme d’ailleurs Fonroche Energie, l’autre spécialiste des énergies renouvelables basé à Agen et qui a fait entrer dans son capital le fonds Eurazeo. Les deux entreprises d’Aquitaine se sont aussi très tôt positionnées comme des développeurs de projets de parcs solaires, au sol ou en toiture, en pariant notamment sur l’export. Fonroche a d’ailleurs pris de l’avance en signant de très gros contrats, notamment à Porto Rico. Solarezo a de son côté connecté une petite centrale en Bulgarie à des projets en Tunisie et espère surtout signer un très important contrat au Maroc, qui représenterait pour l’entreprise un chiffre d’affaires d’environ
Innovation : les nouveaux territoires de la croissance
60 millions d’euros sur les deux prochaines années. Solarezo a aussi diversifié son activité en se lançant avec l’appui de DRT dans le chauffage biomasse. L’entreprise étant partenaire du projet de 55 millions d’euros pour exploiter pendant vingt ans une centrale de cogénération sur l’un des sites industriels de DRT. L’avenir est aussi à l’innovation avec la perspective de voir se généraliser dans quelques années les toitures solaires sur les nouveaux bâtiments. Solarezo a ainsi un partenariat avec la société bordelaise Base pour fabriquer « des produits qui seront intégrés à la toiture et permettrons à la fois la production d’électricité et d’eau chaude », résume Laurent Giraud. — F. N.
au Conseil régional d’Aquitaine - Bordeaux Jeudi 25 avril à 18h30
José Alcorta
Pierre Calleja
Laurence Jacquot
Gérant et Fondateur de Rescoll
Président-directeur général de Fermentalg
Directeur Industriel et R&D de Lectra
Jean-Christophe Lepine
Pascal Picq
Alain Rousset
Président d Innoveox
Paléoanthropologue au Collège de France
Président de la Région Aquitaine Député de la Gironde
Informations et inscriptions : www.lesechos-debats.fr
08 // REGION
Jeudi 25 avril 2013 Les Echos
PERSONNALITÉ // Marc Prikazsky est président-directeur général de Ceva Santé Animale et président du Club
des ETI d’Aquitaine. Pour lui, un soutien apporté par le territoire aux entreprises de croissance est décisif. Propos recueillis par Frank Niedercorn
On fait régulièrement le constat du manque d’ETI en France. Quelle est la situation de l’Aquitaine ? Tout dépend de la définition retenue. Suivant celle de l’Insee, on en a plusieurs centaines, notamment à cause du nombre important de filiales de grands groupes opérant dans les services. Si l’on s’en tient aux critères de notre club – indépendante, aquitaine, industrielle (incluant l’agroalimentaire et l’ingénierie) –, on arrive à 50, peut-être 60 entreprises. Si notre club a fait le choix de se limiter aux ETI industrielles, c’est parce qu’elles ont un effet d’entraînement pour toute l’économie régionale. Les efforts que nous faisons, la région et nous, doivent donc bénéficier d’un juste retour. A titre d’exemple : depuis que Sanofi a « rapatrié » les exportations de sa filiale aquitaine dans sa comptabilité nationale, les exportations de la région ont chuté de 73 % ! Au-delà des chiffres, l’ETI se caractérise par sa capacité à regarder le marché différemment. A la différence d’une PME, où le chef d’entreprise fait tout souvent seul et n’a pas le temps de se poser pour avoir une réflexion stratégique, dans une ETI, dont les effectifs dépassent 250 personnes et a fortiori 1.000, le dirigeant, en s’appuyant sur ses équipes, dispose de plus de temps pour réfléchir à la stratégie et mener l’internationalisation. Comment est né ce club des ETI et à quoi sert-il ? C’est l’idée du président de région, Alain Rousset, qui souhaite une politique régionale en faveur des ETI industrielles et m’a demandé d’en prendre la présidence. Sa finalité est de permettre aux dirigeants d’échanger sur les meilleures pratiques autour des trois principaux axes indispensables à la croissance des ETI : internationalisation, innovation et financement. A l’international, nous avons choisi deux cibles prioritaires, la Chine et le Brésil, avec un système de parrainage qui permettra aux entreprises implantées de faire bénéficier les autres de leur expérience. Je souhaite aussi que nous attirions quelques PME. Une dizaine au plus ayant suffisamment de potentiel pour devenir des ETI. L’autre finalité est de nous faire connaître et reconnaître.
Pour Marc Prikazsky, l’innovation incrémentale est d’autant plus intéressante qu’elle est le fait de tous. Photo Ceva
« LesETI industrielles ont un effet d’entraînementpour l’économierégionale » Ses dates
1983 VÉTÉRINAIRE Diplômé de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, puis de l’université de Créteil, il fait son service militaire comme aspirant vétérinaire à Dakar avant d’exercer quelques mois en clientèle. Il entre ensuite aux Laboratoires Upjohn. Il est embauché comme directeur Europe chez Sanofi Santé Nutrition Santé Animale en 1995.
1999
MÉDICAMENTS ET VACCINS Alors que l’entreprise est rachetée par ses salariés dans le cadre d’un LBO, il devient directeur des opérations. Sanofi Santé Nutrition Santé Animale se rebaptise « Ceva Santé Animale » et revend ses activités autour de la nutrition pour devenir un laboratoire recentré sur la fabrication de médicaments et de vaccins.
2006
POLE POSITION Il devient directeur général, puis PDG de Ceva Santé Animale en 2009. Entre-temps, il est également entré au bureau de la CCI internationale d’Aquitaine et devenu vice-président de l’alliance pour la recherche et l’innovation des industries de la santé (Ariis) et président du Club des ETI d’Aquitaine.
Une reconnaissance et un soutien qui commencent donc au niveau des territoires. Qu’attendez-vous précisément ? D’abord, je voudrais corriger un peu le discours ambiant, qui fait toujours passer les entreprises pour des quémandeuses. Ce sont autant les ETI industrielles qui soutiennent la région que l’inverse. Nous avons besoin d’être soutenus par le territoire pour asseoir notre croissance qui, en retour, enrichira ce territoire si nous nous montrons solidaires. Ceva, qui réalise 90 % de son activité à l’international, a pourtant conservé le tiers de ses effectifs en France. Sur un plan pratique, il faut aussi que notre parole soit entendue, donc relayée à Bercy, à Bruxelles, partout où les choses se décident souvent sans nous, alors que les ETI sont le fer de lance de l’industrie : 5 % des entreprises, mais 25 % de l’effort de R&D, 33 % des exportations, le quart de l’emploi et 25 % de la valeur ajoutée. Dans le domaine de l’innovation, ce que nous attendons c’est que l’on nous aide à créer des relations de partenariat. Travaillant beaucoup à la frontière de la recherche et du développement industriel, nous demandons l’élargissement de l’assiette du crédit impôt recherche. Il y aussi des choses simples comme le soutien des autorités politiques à l’international. Ainsi, en Chine, nous, dirigeants, sommes reçus par les gouverneurs de province. En France, nous aimerions honorer nos clients et partenaires, en sollicitant de temps à autre les représentants des instances régionales. Comme vous le voyez, nous ne quémandons pas que des subsides… L’exemple de Ceva Santé Animale, qui a fait trois LBO consécutifs depuis 1999, est-il reproductible à d’autres entreprises sachant que certaines histoires se terminent mal ? Par ailleurs, que pensez-vous de la création de la Banque publique d’investissement ? Oui, il est reproductible. Même s’il arrive que les gens tombent de haut, notre expérience montre que le LBO peut être une bonne solution, si l’on sait se montrer rai-
sonnable et patient. Nous sommes passés de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires à 600 millions d’euros en douze ans. Il faut aussi savoir imposer son mode de gouvernance. Dès lors que le contrat financier vis-à-vis des actionnaires est rempli, la conduite de l’entreprise doit rester entre les mains des dirigeants, qui maîtrisent mieux le métier et la stratégie. Ce modèle de développement est évidemment réservé aux entreprises sur des marchés en croissance. Les acquisitions ou les fusions entre PME sont également une voie sans doute pas assez exploitée pour créer des ETI. Mais il faut adapter la fiscalité et préparer les dirigeants au nécessaire partage de pouvoir. Quant à la création de la BPI, c’est une bonne idée. Oséo, qui en fait partie, est une très belle machine. Cela dit, est-ce adapté aux ETI qui ont de gros besoins de financement, pouvant rapidement monter à 100 millions d’euros ? Le FSI est-il un véritable fonds à l’américaine capable de protéger des actifs stratégiques pour la France En matière d’innovation, comment transmettre les bonnes recettes ? Je suis convaincu que si l’innovation de rupture est importante, elle nous fascine trop en France. Alors que la force de l’industrie allemande repose justement sur l’innovation incrémentale, cette amélioration permanente qui donne à l’arrivée des produits irréprochables. Cette forme d’innovation est d’autant plus intéressante qu’elle est le fait de tous. Quand je vois dans nos usines des collaborateurs présenter leurs projets devant 120 de leurs collègues, on peut lire sur les visages la fierté et la reconnaissance. L’entreprise a beaucoup à gagner de l’engagement et de la motivation de ces hommes qui sont sa vraie richesse. Autre aspect primordial, la communication avec les salariés. Il est essentiel de les réunir régulièrement pour leur donner des perspectives à long terme, mais aussi communiquer sur les difficultés. Ce n’est pas toujours bien compris par les managers, et c’est dommage, car les gens ont besoin de repères pour donner du sens à leur engagement et se motiver. Le tissu industriel aquitain est assez lâche et ne dispose pas d’une locomotive comme Airbus en Midi-Pyrénées. Dans ces conditions, comment faire émerger de nouvelles ETI ? C’est vrai que l’industrie est assez peu développée, mais elle est diversifiée, avec des filières traditionnelles comme l’agroalimentaire et le bois-papier qui sont très intéressantes car non délocalisables. Nous avons aussi des industries de haute et moyenne technologies avec l’aéronautique, l’industrie spatiale, la chimie, la pharmacie et les matériaux. Une diversité qui constitue une grande force, car les régions spécialisées ont toujours souffert lors des crises sectorielles. D’ailleurs, si on regarde la composition de notre club, nous ne voyons pas de filières à proprement parler, mais des « unités dynamiques ». Pour faire émerger des ETI du tissu des PME, le critère sera donc moins une question de filière que de dynamisme intrinsèque de l’entreprise. Pour se développer, les entreprises ont besoin d’un environnement favorable. Comment jugez-vous celui qui existe en Aquitaine ? Bordeaux se vend facilement et si, jadis, il était difficile de faire venir des cadres parisiens, tous sont aujourd’hui candidats. C’est moins évident pour les étrangers. Cela dit, le nom de Bordeaux est mondialement connu, et c’est un atout, tant pour attirer les talents que pour recevoir nos clients ou encore bénéficier de la proximité d’écoles et de centres de recherche. A cet égard, je trouve les écoles de commerce BEM et l’Inseec très dynamiques. Je trouve aussi que le terreau de la recherche académique est très efficace. Chez Ceva, nous avons d’excellentes relations avec les nouveaux laboratoires d’excellence dans le domaine de la cardiologie ou de la neurologie. Il existe toutefois des insuffisances. Les transports, tout d’abord, avec un aéroport qui propose encore trop peu de vols et un port insuffisamment exploité. L’autre point noir est la congestion des transports automobiles, notamment dans l’agglomération bordelaise. Il va bien falloir d’une façon ou d’une autre fluidifier le système. Globalement, cette région possède tout de même un potentiel extraordinaire et beaucoup d’atouts pour réussir. n