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Il a été créé en 1989, cela fait donc vingt ans cette année que le Cabinet d’ingénierie « Ingénieurs de Paris » fondé par Bachir Ainouche, construit ou restaure des structures dédiées aux vracs solides. L’entreprise aligne déjà une belle liste de références. Nous l’avons suivie chez un de ses fidèles clients, SICA Atlantique, qui vient, au cours de ces dernières années, de lui confier l’étude et la maitrise d’œuvre de plusieurs bâtiments de stockage ainsi que l’agrandissement de ses bureaux. En répondant à ce projet d’agrandissement de façon originale, Ingénieurs de Paris a dévoilé une autre facette de son talent. Une fois n’est pas coutume, Le Journal du Vrac s’est intéressé à la conception des bâtiments plutôt qu’au processus de stockage et de transformation de la matière. Suivez le guide !
Ici, à l’intérieur de cet immense bâtiment de stockage d’engrais, nous ne sommes qu’à quelques centaines de mètres de la mer. Pourtant, il n’y a pas si longtemps ce même endroit, était recouvert d’eau. Pourquoi ce changement de configuration géographique ? Tout simplement parce que le Port de la Rochelle-Pallice a choisi de gagner quelques hectares de terrain sur la mer pour y implanter de nouvelles surfaces de stockage. Un aménagement qui va de paire avec de nouveaux quais de
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Face au pont de l’Ile de Ré, quelques hectares de terrain ont été gagnés sur l’océan.
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Ingénieurs de Paris habille SICA Atlantique
chargement et déchargement de produits en vrac. Déjà très implantée dans cette zone du Port, c’est SICA Atlantique, entreprise de stockage et de manutention portuaire, qui va exploiter ces nouvelles surfaces de terrain. Il lui faut pour cela investir dans des entrepôts de stockage adaptés aux activités qui se développent. Plutôt que de confier la réalisation de ces bâtiments à de grands Cabinets d’ingénierie internationaux les dirigeants de SICA Atlantique ont fait appel à Ingénieurs de Paris, structure qui apporte : son expérience; sa connaissance du stockage de produits en vrac; sa présence sur le terrain; sa capacité d’adaptation ; son écoute et surtout, ses idées nouvelles, voire originales. Toutes ces qualités correspondent bien à l’état d’esprit et au mode de fonctionnement d’Ingénieurs de Paris. Créé en 1989 par Bachir Ainouche, ce Cabinet d’Ingénierie est implanté à Herblay dans l’ouest parisien et fonctionne avec quatre personnes. Une taille d’entreprise qui correspond bien à la personnalité du dirigeant qui avoue « Ce qui me motive c’est la création, les échanges avec le Maître de l’Ouvrage et ses collaborateurs, les discussions avec les entrepreneurs et leurs chefs de chantier pour faire avancer les travaux... Ma plus grande satisfaction dans ce métier est de me voir confier un terrain nu et de repartir quelques mois plus tard en laissant un édifice fonctionnel et esthétique ». Voilà pourquoi ce bâtisseur n’a pas
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Le plus grand : Atena Le tout premier des bâtiments confiés à Ingénieurs de Paris sur ce terrain est le bâtiment Atena. Entièrement dédié au stockage à plat d’engrais réceptionnés au Port de La Pallice, Atena est immense. Il mesure 224 m de longueur, soit 16 travées de 14 m chacune pour une largeur de 74 m en deux semi-portées de 37 m. De 8 m de hauteur à la sablière, il monte à 19 m au faîtage. Ce bâtiment a deux fonctions essentielles, l’une est de stocker les engrais importés par bateau, l’autre de réaliser des mélanges de divers types d’engrais à l’aide d’une mélangeuse à 5 trémies doseuses puis de les mettre en big-bags avant livraison. Il fallait donc des locaux dont chaque case d’engrais puisse être accessible facilement. Pour
cela, le bâtiment a été équipé de 32 portes à deux vantaux de 6 m et 7 m de haut, suspendus, coulissants sur un rail supérieur. Outre ses dimensions, ce qui fait la spécificité de ce bâtiment, c’est justement son contenu. Les engrais sont par nature très agressifs, la protection classique par galvanisation est déconseillée, aussi, la charpente et l’ossature ont elles été protégées par une peinture époxy de 180 µ. Il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg, car lors de la conception d’un tel bâtiment, la partie enterrée est largement aussi importante que celle qui s’élève dans les airs. « Dans le cas présent l’enjeu est d’autant plus crucial » prévient Bachir Ainouche «que le terrain d’assise a été gagné sur la mer et remblayé au long des années par des remblais de différentes provenances dont on peut supposer que tous n’ont pas été triés suivant
les règles de l’art ! ». Aussi, la toute première étape a consisté à effectuer une étude des sols. Côté pollution, elle n’a rien révélé d’anormal, en revanche, elle a démontré le risque de compressibilité des remblais pouvant entraîner des tassements différentiels sous les surcharges de l’engrais de 16 t/m2 et les surcharges roulantes des engins de manutention pouvant atteindre 7 tonnes par essieu. Compte tenu de tous ces éléments, Ingénieurs de Paris a décidé de construire un bâtiment fondé sur pieux forés, tubés et armés toute hauteur. Pour l’ensemble du bâtiment, cela représente : 192 pieux de 100 cm de diamètre descendus à 12 m dans un terrain qualifié par l’étude de sol de « poubelien », gorgé d’eau de mer. Autrement dit, fortement marqué par l’empreinte de la civilisation actuelle ! Compte tenu de cette étude, le sol de l’entrepôt n’a pas été réalisé en béton,
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voulu perdre son âme en agrandissant sa structure : « J’aurais passé beaucoup de temps en démarches commerciales pour trouver de nouveaux chantiers; en démarches administratives ; en gestion du personnel. Or ce n’est pas pour cela que j’ai choisi ce métier. Ce qui m’intéresse c’est la création ». Il semblerait que cette approche soit en adéquation avec les attentes des dirigeants de SICA Atlantique qui ont confié à Ingénieurs de Paris entrepôts de stockage et bureaux. Certains de ces bâtiments sont classiques, d’autres moins, mais tous portent leur part d’originalité, sans jamais renier à leur fonction première de bâtiment au service d’un opérateur portuaire.
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Exclusivement dédié au stockage d’engrais, ce bâtiment a reçu une protection Epoxy pour résister à l’agressivité du produit.
Outre sa fonction de stockage d’engrais simples débarqués au port de la RochellePallice, ce bâtiment a été conçu pour réaliser des engrais composés sur mesure répondant à la demande des clients de SICA Atlantique.
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Quand tout sera terminé, impossible d’imaginer qu’une toiture sépare le rez de chaussé de l’étage.
Le nouveau bâtiment est construit au-dessus des bureaux existants, sans y toucher. Vue de l’arrière du bâtiment.
Le bâtiment d’origine s’intègre dans la nouvelle construction. Vue de la façade.
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à l’origine : un bâtiment à ossature bois qui renferme les bureaux.
mais par un matériau alliant élasticité, résistance et faible porosité. Et puis, réaliser un bâtiment de stockage n’empêche pas d’aller au-delà du fonctionnel. Bardage, ossature et couvertures ont été peints en vert et jaune tandis que les portes ressortent en rouge. Cet ajout de coloris représente sans nul doute un coût supplémentaire, mais l’intégration dans le paysage y gagne beaucoup.
Le plus original : les bureaux C’est, sans aucun doute, la réalisation dont Bachir Ainouche est le plus fier. C’est, définitivement, la plus originale. C’est surtout celle où il a réussi à répondre aux attentes de la direction de SICA, alors même que plusieurs architectes s’y étaient cassé les dents. En fait, c’est alors qu’Ingénieurs de Paris étudiait Atena que Sica-Atlantique a ressorti de ses cartons le projet intitulé « Sortir des bureaux ». Des bureaux « provisoires depuis 30 ans ».et qui devenaient un peu étroits. Objectif pour la SICA : regrouper le personnel de ses filiales et créer des surfaces supplémentaires. Plusieurs architectes se sont penchés sur la question mais leurs propositions n’ont pas convaincu Jean-Pierre Esterez, directeur 30
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général de SICA Atlantique à cette période. « Nous les avons vus repartir les uns après les autres avec leur dossier sous le bras » se souvient Jean-Luc Pelissier Responsable Maintenance et Travaux neufs sur le site. Pourquoi leurs solutions n’ont-elles pas obtenu l’approbation de la direction ? Parce qu’ils proposaient soit : − de déménager provisoirement, ce qui signifie : démolir l'existant et reconstruire en lieu et place en gérant – au plan technique – les problèmes liés à l'amiante des toitures et de certaines cloisons et – au plan organisation – l'installation forcément inconfortable du personnel pendant de longs mois dans des locaux de fortune. Donc, beaucoup d'inconvénients, sans compter qu'un tel déménagement engendre un surcoût financier. Et puis, quitter les lieux implique de trouver un terrain suffisamment vaste, suffisamment proche, et qui devra bénéficier des différents réseaux (eau potable, eaux usées, électricité, téléphone...) indispensables au quotidien. − de prolonger le bâtiment existant en occupant une surface au sol qui peut être utile à d'autres activités, avec l'inconvénient d'augmenter les distances à parcourir entre les différents bureaux. La Direction de SICA Atlantique a donc proposé à Bachir Ainouche de « phosphorer » sur ce projet pour trouver LA solution
qui convienne. Si la vocation première du Cabinet d'ingénierie parisien n'est pas la construction de bureaux, la proposition n'a pas manqué d'attiser l'intérêt de son dirigeant qui n'a pas hésité à sortir des sentiers battus pour convaincre ses interlocuteurs. Et effectivement sa solution a su retenir l'attention de la direction de SICA Atlantique. Bachir Ainouche a résumé son projet en quelques mots : « vous resterez dans vos bureaux actuels pendant que l'on construira au-dessus de vous ». Sa solution audacieuse et originale implique de « noyer » la construction provisoire ossature bois dans une construction nouvelle. L'astuce consiste à construire les nouveaux bureaux sur une terrasse disposée au-dessus de l'installation actuelle. Il y aura bien sûr quelques nuisances sonores à certaines étapes du chantier, mais aucun bouleversement dans le fonctionnement des locaux administratifs. L'argument convainc. La solution proposée est approuvée par le Conseil d'Administration. Quant à l'esthétique, Jean-Pierre Esterez et Bachir Ainouche partagent le même désir de joindre l'utile à l'agréable. Il sera soigné. « Nous aurons enfin des bureaux qui reflèteront le standing de SICA-Atlantique » confie Jean-Pierre Esterez. Dès lors, il ne reste plus à Ingénieurs de Paris qu'à mettre à exécution son projet de bureaux sur pilotis. Ce qui ne pose pas de réelle difficulté. Par précaution, le personnel a été prié de déserter ses bureaux quelques heures pendant la pose des poutres et des dalles préfabriquées au-dessus de sa tête. Une
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fois le plancher posé, il a été rendu accessible par un escalier de chantier de bonne facture, installé de telle sorte que les intervenants sur le chantier et le personnel SICA ne se croisent pratiquement pas. Dès son arrivée, Vincent Poudevigne, nouveau directeur de la SICA fait accélérer les travaux en mettant la pression sur les intervenants pendant la torpeur de l’été, pour prendre au plus tôt possession de son nouveau bureau. Finalement, après avoir du composer avec les quelques nuisances incontournables lors d'un chantier de cette envergure et dans un environnement si proche, le personnel a pu enfin investir les nouveaux bureaux à l'étage début septembre 2009. Confort, luminosité, esthétique sont au rendez-vous, mais ce n'est pas tout. Gagner quelques mètres en hauteur permet de porter le regard beaucoup plus loin et donne un autre point de vue sur l'activité du port. C'est indéniable. Si aujourd'hui, il demeure quelques aménagements à réaliser tant à l'intérieur qu'aux abords des bureaux. Ingénieurs de Paris peut se féliciter d'avoir, pour un coût raisonnable, répondu aux attentes de son interlocuteur. Ce qui, à priori, était loin d'être évident.
Le plus « développement durable » : Bertrand III Aujourd’hui, Ingénieurs de Paris continue avec Vincent Poudevigne les travaux qui avaient débuté avec Jean-Pierre Esterez.
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Une seule portée de 60 m de largeur pour ce bâtiment qui a également été prévu pour recevoir 3 000 m2 de panneaux photovoltaïques.
Le troisième projet réalisé pour SICA Atlantique à La Rochelle est un silo à plat de 6 000 m2, 100 m de longueur par 60 m de largeur d’une seule portée et 26 m de hauteur au faîtage. Soit une capacité d’environ 40 000 m3. Il est à vocation polyvalente pour un stockage en vrac et pourrait voir transiter, des engrais, des pellets bois ou des céréales, selon l’évolution des trafics et les autorisations obtenues. Il a fallu cinq grues pour mettre en place les ossatures de deux premières travées montées au sol. L’un des versants de couverture étant orienté, plein Sud, Ingénieurs de Paris a tout naturellement proposé au Maître de l’Ouvrage de l’équiper de cellules photovoltaïques. « Nous avions déjà réfléchi à cette ❚❚
Nouveaux bureaux : les petits « plus » qui font la différence
− un vaste Atrium qui apporte luminosité et relief à la façade. à l'intérieur, il permet le passage de l'escalier et de l'EPMR (élévateur pour les personnes à mobilité réduite) qui servira également à monter les charges légères à l'étage. − l'étage possède des façades en murs rideaux et le vitrage est bleu aux couleurs de SICA Atlantique
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solution dans le passé sur d’autres bâtiments, étant donné les importantes surface de toiture dont nous disposons » précise Jean-Luc Pelissier « mais la configuration des bâtiments ne s’y prétant pas, nous avions abandonné le projet. Sur ce tout nouveau bâtiment, c’était envisageable. Ingénieurs de Paris a donc saisi cette chance au vol ».En effet, le Cabinet d’ingénierie a pleinement intégré dans ses choix de conception, les techniques nouvelles liées au développement durable : réduction des consommations d’énergie (électricité ou gaz pour séchoir) ; récupération des eaux de pluie ; panneaux solaires ; toiture végétalisée ; panneaux photovoltaïques. Dans le cas présent, les panneaux photovoltaïques s’imposaient, compte tenu de la surface (3 000 m2) et de l’orientation. Après une étude économique précise : investissement direct, ou location de la surface, temps de retour, impact visuel, surcoût engendré, le Maître de l’Ouvrage a accepté de retenir la solution avec une technologie photovoltaïque amorphe qui offre un meilleur rendement. Autre choix spécifique à ce bâtiment : l’un des long-pans et les deux pignons sont réalisés en béton banché de 6 m de hauteur, et de 50 cm d’épaisseur pour le long-pan avec des poteaux en
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− les poutres du plancher intermédiaire sont cintrées pour rappeler celles du Pont de l'Ile de Ré visible depuis l'étage. L'acrotère de couverture est profilé en forme de vagues pour rappeler la proximité maritime. − de larges fenêtres et une bonne isolation. Une étude thermique réalisée par un cabinet spécialisé sous-traitant
d'Ingénieurs de Paris et contrôlé par l'Apave a permis d'assurer la conformité du bâtiment à la réglementation thermique RT2005 − un écran devant la toiture du bâtiment d'origine et une peinture unie sur l'ensemble des façades permet d'obtenir une unité esthétique de l'ensemble des bureaux
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Fondateur et dirigeant d’Ingénieurs de Paris, Bachir Ainouche revendique vingt années d’expérience et de nombreuses références dans le domaine des vracs solides. www.ingénieursdeparis.fr béton armé de 90 cm x 90 cm disposés tous les 13 m, sur lesquels repose l’ossature de charpente. Cet entrepôt est équipé d’une fosse vrac pour la réception des camions et des équipements de manutention nécessaires à la mise au stock des produits. Le désilage se fera par l’intermédiaire d’un chargeur sur pneus. Huit grandes portes, de 6 m x 7 m de hauteur, équipent la façade Nord de l’entrepôt. Le sol est légèrement en pente pour évacuer l’eau suintant de l’engrais et l’eau de pluie qui pourrait être chassée par le vent, portes ouvertes. Un couloir longitudinal de 8 m de large, derrière ces portes, permet la circulation du chargeur à pneus. « Rien que de très classique » reconnaît bachir Ainouche « mais nous avons mis en oeuvre l’idée originale d’installer des panneaux photovoltaïques. Cette récupération de l’énergie solaire permettra de générer une production de 148 Mwh/an.
Entre rigueur et créativité Rigueur et créativité sont sans doute deux adjectifs qui caractérisent bien Ingénieurs de Paris. Ce n’est sûrement pas un hasard si l’entreprise dispose de quelques clients fidèles qui lui confient régulièrement des chantiers. Bachir Ainouche sait prendre le temps nécessaire à l’étude, à la discussion, aux remises en question. Il est présent sur les chantiers, rigoureux dans les démarches administratives, respectueux des normes. Or, quand les chantiers sont importants, la confiance mutuelle entre le Maître d’œuvre et le Maître de l’Ouvrage est primordiale. C’est sur elle que repose, la réussite du projet. La preuve ! Gaël d’Argentré
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