Yellopark

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A Nantes, le 21 juin 2018

Madame Chantal Jouanno Commission nationale du débat public 244 boulevard Saint-Germain 75007 Paris

Objet: projet YelloPark - demande d’un débat public sous l’égide de la CNDP Madame la Présidente, Nos associations, qui fédèrent au total des milliers de riverains du quartier de la Beaujoire à Nantes et de supporters du Football Club de Nantes, souhaitent vous faire part de leur sentiment concernant le projet YelloPark, à la suite de la concertation préalable qui s’est déroulée durant quatre mois, de février à mai 2018. Préambule L’annonce du projet YelloPark en septembre dernier a provoqué un véritable choc et divise aujourd’hui profondément les citoyens de la métropole. Si la communication et les approximations de la maîtrise d’ouvrage ont largement contribué à créer une atmosphère de défiance autour du projet, la concertation préalable, au lieu de faire naître un projet collectif, n’a fait que renforcer les dissensions entre les différents acteurs. De notre point de vue, cette concertation garantie par la CNDP est à des années-lumière des standards de la convention d’Aarhus de 1998. Elle s’avère contre-productive pour la crédibilité de la CNDP et, plus généralement, des politiques publiques de participation citoyenne. 1. Le choix de la CNDP de réaliser une concertation préalable Le courrier qui avait été adressé le 28 novembre 2017 à votre prédécesseur par Johanna Rolland, Maire de Nantes et Présidente de Nantes Métropole, afin de l’informer de la saisine de la CNDP était particulièrement réducteur puisqu’il présentait le projet YelloPark comme un simple projet de construction de nouveau stade privé, comme à Lyon où la concertation avait duré 3 ans, de septembre 2007 à octobre 2010. Par voie de conséquence, la nature du projet YelloPark, telle que définie sur le site de la CNDP, est, elle aussi particulièrement réductrice : « construction d’un nouveau stade pour le FC Nantes ». Pourtant, il s’avère que le projet YelloPark ne se résume en aucun cas à la simple construction d’un nouveau stade privé, comme à Lyon. Ce projet nantais consiste, bien plus largement, à vendre à une société (sans mise en concurrence) un quartier de la ville (22 hectares) afin de pouvoir permettre le financement de la construction d’un stade privé en remplacement d’un édifice public destiné à être démoli, alors même que celui-ci répond aux normes internationales grâce aux rénovations financées récemment par les contribuables. La concertation préalable a totalement négligé d’aborder deux aspects essentiels, aux lourdes conséquences sur notre environnement. Or, l’ampleur de l’impact environnemental d’un projet est précisément ce qui doit inciter la CNDP à choisir d’organiser un débat public et non une simple concertation préalable. Voici ces deux aspects essentiels : La démolition du stade actuel (édifice public répondant aux normes internationales). Le terme « démolition » a été un sujet tabou durant toute la durée de la concertation. Les conséquences de cette destruction sur le plan écologique n’ont pas été analysées. Le cabinet Agopyan, concepteur de l’édifice qui n’a pas été consulté durant la concertation malgré nos demandes répétées, a récemment diffusé un communiqué évoquant l’impact considérable que provoquerait la destruction de « plus de 20 000 m3 de béton précontraint, ferraillé et traversé de câbles tendus, et d’une charpente métallique de plus de 2 000 tonnes. Il faut pouvoir imaginer ce que représente l’anéantissement d’une telle masse… l’énergie nécessaire pour casser, broyer, tronçonner les câbles tendus, remblayer, puis le ballet des camions pour l’évacuation des milliers de tonnes de déchets, sans compter la poussière engendrée. Enfin, le bilan carbone ne s’arrête pas là, puisqu’il sera ensuite nécessaire de reconstruire un nouveau stade avec de nouveau du béton, de l’énergie, des nuisances, des transports en camion etc ». Nous ne pouvons admettre que les conséquences environnementales de la démolition n’ont pas été étudiées lors de la concertation.


La privatisation d’un quartier de la ville. Le terme « privatisation » a été, lui aussi, un mot tabou durant toute la durée de la concertation. Or, c’est tout un quartier de la ville qui est destiné à être privatisé dans le cadre de ce projet. Nos associations avaient demandé à connaître le prix de la cession de la parcelle avant la fin de la période de concertation, et les garants avaient approuvé cette demande ; pourtant, nous n’avons obtenu le prix que très récemment, une fois la concertation achevée. Par ailleurs, si le montant a été rendu public, les données du calcul permettant d’atteindre le chiffre final n’ont pas été transmises, ce qui nous paraît totalement intolérable et parfaitement contraire aux principes de transparence. Le chiffre en question a généré une énorme incompréhension au sein de la population nantaise : 10,6 millions d’euros pour la cession de 220 000 mètres carrés sur lesquels se situe le plus grand équipement public du département, considéré comme particulièrement fonctionnel par les organisateurs de la Coupe du monde de rugby 2023 et des Jeux Olympiques 2024. Nous ne pouvons admettre qu’il soit impossible de débattre sur l’opportunité de cette privatisation et de cette cession sans mise en concurrence. Les garants ont martelé à plusieurs reprises qu’aucune décision officielle ne serait prise avant la fin de la concertation. Pourtant, dès décembre 2017, avant même le début de la concertation, un protocole d’accord est signé entre la Métropole et YelloPark ; l’urbaniste et l’architecte du stade sont choisis avant même le lancement de la concertation ; une « maquette officielle » est présentée au MIPIM de Nice en février 2018, là-aussi avant le lancement de la concertation et constitue un véritable acte commercial en vue d’attirer les premiers investisseurs ; enfin, le futur PLUM évolue et modifie même le classement de la parcelle (actuellement classée en « sport et loisir » donc inconstructible). Les garants ont expliqué récemment que l’objet de cette concertation était le projet YelloPark et uniquement ce projet. Ils ont aussi expliqué que la CNDP n’organisait jamais de concertation ou de débat « sur une page blanche ». Comme nous l’avons déjà répété maintes fois, nous sommes convaincus que le débat, la co-construction et la concertation auraient dû être menés par la collectivité en amont du projet. Nous pensons que la CNDP n’aurait jamais dû accepter de réaliser une concertation dans ces conditions (absence de débat préalable, absence d’études ou de projet alternatif, pas de co-construction, projet déjà validé et clairement imposé par Johanna Rolland dès l’annonce de septembre 2017, commercialisation du projet qui a débuté dès début 2018, …). Avec du recul, le choix d’une concertation à la place d’un débat public apparaît très contestable : en choisissant le débat public, la CNDP aurait pu adresser à la collectivité un message fort sur le respect de l’esprit des standards et de la loi en vigueur. Depuis le lancement du projet en septembre 2017, et devant ce manque de démocratie, les réactions citoyennes se sont enchaînées (pétition des riverains, positionnement des associations de supporters, forte opposition sur les réseaux sociaux, manifestation, etc.) La colère est grande et, hélas, la concertation n’a fait que la renforcer en démontrant que tout était déjà acté. Car c’est bien la mobilisation des différents acteurs locaux qui a entrainé l’ouverture de cette concertation préalable, qui n’était pas prévue par la maitrise d’ouvrage puisqu’elle avait déjà organisé sa propre « concertation ». Cette concertation préalable a été à nos yeux fortement biaisée par le fait que le projet soit déjà officiellement validé et qu’aucune alternative n’ait été réellement étudiée. C’est d’ailleurs exactement ce que regrettait votre prédécesseur, Yves Mansillon, en 2003, à l’issue d’un débat public sur un autre grand projet : « Faut-il aller plus loin et considérer qu’un «véritable débat public» suppose une présentation exhaustive de toutes les options possibles ? Dans l’absolu et pour l’avenir, il est certain que les débats publics devront avoir lieu en amont des projets, à un moment où les études sont suffisamment avancées pour que l’on ait un dossier précis, mais où en même temps les options restent ouvertes et où rien d’irréversible n’a été décidé. Mais aujourd’hui, et pour quelque temps encore, nous sommes dans une phase de transition : la Commission nationale du débat public est saisie de projets dont les «caractéristiques essentielles» n’ont pas fait l’objet d’une publication, mais qui ont néanmoins déjà quelques années de vie et il est donc inconcevable de faire comme si certaines options n’avaient pas déjà été prises. » Nous regrettons donc sincèrement l’absence d’un véritable débat sur l’avenir du quartier de la Beaujoire et de son stade. Un débat public qui aurait pu être favorisé par un appel d’offre ouvert sur un projet de stade renouvelé (neuf ou rénové) avec ou sans offre urbaine associée. Un débat public, qui, nous en sommes persuadés, aurait aussi pu être recommandé par la CNDP, la parcelle et le stade étant encore, à ce jour, un bien public ! Mais cela n’est pas trop tard ! Nous demandons à la CNDP d’organiser, à la suite de cette concertation préalable, un débat public sur l’avenir du quartier de la Beaujoire et sur l’avenir de son stade.


De plus, nous souhaitons que la CNDP demande à la Métropole de réaliser des études alternatives (des projets urbains différents ; des propositions comprenant la rénovation du stade actuel, sous différentes formes ; …) et que les alternatives au projet YelloPark soient au cœur des débats. 2. L’organisation de la concertation préalable Nous souhaitons aussi vous faire part de plusieurs critiques constructives sur l’organisation de la concertation préalable. L’objectif n’est pas de remettre en cause gratuitement le travail de la commission et des garants mais plutôt de vous aider à améliorer, à l’avenir, votre démarche de concertation, pour des projets similaires. Nous portons donc à votre connaissance plusieurs points qui nous paraissent importants : ►

Lors de la réunion publique du 21 février 2018, des informations personnelles et à portée incriminante ont été révé-lées par la maîtrise d’ouvrage à l’insu d’un représentant de l’une de nos associations, sans que cela ne fasse l’objet d’un réel recadrage de la part des garants. Cela nous a paru être un véritable manquement de la CNDP et de ses garants dont l’un des rôles nous semble être d’assurer l’équité et la sérénité des échanges.

Lors de l’atelier du 7 mars 2018 « Quel stade pour le FC Nantes ? », nous avions demandé que deux personnes exté-rieures à nos associations puissent intervenir. ●

Que penser de l’annulation, le jour même, de l’intervention d’un de nos invités (Frédéric Barbe), sans même nous en informer ? Il pourra finalement, après âpre négociation, intervenir depuis la salle en étant donc rabais-sé vis-à-vis des autres intervenants « officiels »

Que penser du fait que le temps de parole de l’ensemble des invités, ce jour-là, soit passé de 10 à 8 minutes, puis finalement au dernier moment à 6 minutes ?

Que penser du fait que les invités aient reçu les questions au dernier moment, ce qui ne leur laissait pas le temps de préparer les réponses correctement ?

Des interventions en défaveur du projet ont été interrompues par des invectives à plusieurs reprises lors des réunions. Par la même, le ton employé par la maîtrise d’ouvrage à l’attention des supposés opposants à tout ou partie du projet a paru, aux yeux de nombreux présents et observateurs, véritablement condescendant voire parfois même mé-prisant.

L’organisation défaillante de l’audition publique, qui a eu lieu le 14 mai 2018, a fait débat et a même entrainé le boycott de l’une de nos associations. En effet, le temps de parole a été réduit au dernier moment (malgré diverses demandes afin obtenir un temps de parole conséquent). Nous considérons que les conditions n’étaient pas réunies pour une participation apaisée. Les modifications à la dernière minute des conditions d’audition, avec notamment un temps de parole réduit à un maximum de 15 minutes, ne permettaient pas des conditions sereines de préparation et de présentation. Elles ont créé un déséquilibre, à nos yeux inacceptables, entre la maîtrise d’ouvrage et les différentes parties auditionnées. Une maîtrise d’ouvrage, qui, à chaque réunion de concertation (11 au total), avait un temps de pa-role conséquent (a minima une heure et demie par réunion), transformant ces soirées en réunions d’informations plutôt que de concertation. Là aussi, nous vous laissons le soin d’en juger par vous-même en regardant les présentations de chaque réunion (à consulter sur le site yellopark.jenparle.net).

A cela, nous tenons à souligner qu’un échange doit être équilibré. Nous déplorons de ce fait l’impossibilité très nette durant les concertations d’apporter des remarques ou des injonctions à une réponse qui nous aura été faite par un porteur du projet ou par les autres intervenants présents.

A plusieurs reprises, des intervenants (associations, invités, …) ont fait remarquer le comportement inacceptable de la table de la maîtrise d’ouvrage, sans là aussi que cela ne fasse l’objet de recadrage de la part des garants.

De nombreuses questions posées lors des réunions sont restées sans réponse. Les garants, après avoir été apos-trophés à ce sujet à l’issue d’une réunion, nous ont invités à les poser sur le site internet du projet (yellopark.fr) car, d’après eux, 100% des questions y trouveraient réponse. Mais là aussi, les nombreuses questions posées sur ce site sont encore aujourd’hui restées sans réponse.


Un certain nombre de documents ont été réclamés à maintes reprises et n’ont pas été remis ou, pour certains, fort tardivement. Certains documents, comme le cahier des charges relatif au nouveau stade, étaient demandés depuis dé-cembre 2017 et étaient souhaités avant le début de la concertation pour assurer un équilibre dans les échanges.

De nombreuses informations n’ont pas été communiquées, malgré la demande des garants, comme par exemple le détail du financement qui ne nous a toujours pas été fourni à ce jour et ce, malgré la publication du prix du foncier.

Pour contrecarrer des applaudissements nourris lors d’interventions en défaveur du projet (et quoi qu’en dise la maitrise d’ouvrage, non calculés de la part des opposants), la maîtrise d’ouvrage a réparti ses équipes dans la salle pour permettre de lancer des applaudissements cette fois-ci bien préparés et calculés. Pire, lors des ateliers comprenant des travaux par table, des « contradicteurs » étaient présents à certaines tables pour minimiser la portée des cri-tiques.

Lors des prises de parole durant les échanges, la responsable du cabinet Res Publica, en charge de la distribution du micro, coupait régulièrement la parole pour poser des questions avant même la fin de l’intervention, déstabilisant ainsi les intervenants peu habitués à ce genre d’exercice.

Enfin, nous tenons à réagir aux sous-entendus dont nos associations ont été la cible dans une interview donnée par les garants au journal Presse-Océan le 14 mai 2018 : « Notre rôle était aussi de faire en sorte que les gens qui sou-tiennent ce projet ne se sentent pas en difficulté pour s’exprimer. Cela existe aussi et ce n’est pas acceptable. Ceux qui donnent des leçons de concertation doivent aussi balayer devant leur porte ». Ces sous-entendus laissent entendre que des pressions auraient été exercées à l’égard d’individus « pro-YelloPark ». Nous pensons qu’il est véritablement inacceptable de tenir de tels sous-entendus (pour ne pas dire accusations), sans fondement, dans le cadre d’une concertation publique. Ce genre de propos peut laisser penser que les garants ne sont pas impartiaux, ce qui n’apaise clairement pas les tensions liées aux échanges sur le fond et sur la forme du projet.

Le mécontentement quasi général constaté à l’issue des restitutions orales (pour rappel seules deux d’entre elles n’ont pas été critiques à l’égard du projet et de la concertation), nous conforte dans l’idée que la concertation n’a pas été satisfaisante. Dans un souci de transparence, il nous semble indispensable de faire apparaître ces éléments dans le bilan final de la concertation. Nous vous prions de recevoir, Madame la Présidente, l’expression de notre considération distinguée.

Signataires :

Associations de riverains : Gare à la Beaujoire - ASA Ranzay - CDFRV

Associations de supporters : Brigade Loire - Esprit Canari – Naonedis - A la nantaise


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