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PORTRAIT
LE MONDE DIMANCHE 11 / LUNDI 12 AVRIL 2010
DIRECTEUR DES PROGRAMMES 1978 NAISSANCE LE 11 OCTOBRE À ROUEN 1998 INTÈGRE L’ÉCOLE DE MANAGEMENT AUDENCIA, À NANTES 2000 TRAVAILLE POUR MERCURE DISTRIBUTION, À PARIS 2001 ARRIVE AU CINÉ LUMIÈRE DE L’INSTITUT FRANÇAIS DE LONDRES 2008 RENCONTRE OLIVIER BENGOUGH, PATRON DE MINT GROUP, FUTUR FINANCIER DE CINÉMOI 2009 LANCEMENT DE LA CHAÎNE CINÉMOI, DONT IL EST LE DIRECTEUR DES PROGRAMMES
JULIEN PLANTÉ AMBASSADEUR DU FILM FRANÇAIS l y a des événements cinématographiques qui s’apparentent à des compétitions sportives : il s’agit de transformer l’essai. Tel était le cas le 18 mars à Londres pour la première du film Dans la brume électrique, le long métrage de Bertrand Tavernier sorti au Royaume-Uni uniquement en DVD. Dans la salle, le cinéaste, bien sûr, mais aussi l’ex-ministre de la culture, Jack Lang, les réalisateurs Ken Loach et Stephen Frears, et d’éventuels sponsors invités ensuite à dîner par la chambre de commerce française. Sur scène, l’organisateur de cette soirée à Picadilly Circus, Julien Planté, directeur des programmes de la jeune chaîne Cinémoi, consacrée au cinéma français, ne cachait pas son émotion. Anglais impeccable, accent so Frenchy. « Peu importe, ils aiment ça, ici, l’accent français.Et je suis vachement attaché à ma culture », confie cet homme élégant de 31 ans, marié à une Anglaise et père d’une fillette de deux ans. Rien ne destinait ce fils de banquiers, ancien étudiant en management, à occuper un tel poste de dirigeant traditionnellement dévolu aux diplômés d’HEC ou aux professionnels de l’audiovisuel chevronnés. Sinon d’être né sous une bonne étoile avec une passion cinéphilique chevillée au corps. Dans son panthéon personnel, Jim Jarmusch côtoie Stanley Kubrick et David Lynch, Agnès Varda voisine avec Claire Denis. « J’adore sa manière de raconter les histoires, sa délicatesse pour choisir les moments clés révélateurs, sa manière de filmer qui est si belle. 35 Rhums est pour moi un chef-d’œuvre, la plus belle histoire d’amour jamais filmée au cinéma : celle d’un père et sa fille. »
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per du ciné-club. La capitale anglaise souffrant d’un manque de salles indépendantes, les œuvres européennes y sont très mal distribuées, les films d’auteur quasi inexistants à l’affiche. Il fait évoluer la salle, l’ouvre aux films récents, organise des saisons arabe, roumaine, des rétrospectives Marco Ferreri ou Abbas Kiarostami. A 24 ans, il accueille Manoel de Oliveira et Michel Piccoli, alors âgés de 93 ans et 76 ans. De quoi tétaniser. Les cinéphiles affluent. Dans cette aventure, Julien Planté peut compter sur le soutien d’un mentor, Paul Ryan, écrivain, critique de cinéma et chanteur de jazz à Soho. « Il m’a pris sous son aile et m’a présenté au milieu très fermé du cinéma. » Le 15 juillet 2008, il fait la connaissance d’un jeune homme de 34 ans auquel tout réussit. Olivier Bengough dirige le club Koko à Camdem, un quartier de Londres. Dans cette salle, qui appartenait au début du XXe siècle à Charlie Chaplin, se sont succédé ColdPlay, Madonna, Prince. Féru de cinéma français, le jeune patron envisage de lancer une chaîne. Les deux hommes bavardent deux heures, et scellent leur projet par une poignée de main. « Il avait une vision que j’ai concrétisée », raconte Julien Planté. A 29 ans, il a les coudées franches. Cette chaîne voit le jour sept mois plus tard. Ken Loach salue l’initiative : « la télévision diffuse très peu de films français ou espagnols ». Cinémoi compte aujourd’hui 4 000 abonnés. Julien Planté prépare son expansion sur le territoire américain et le lancement de sa plate-forme VOD en novembre. Seul Français au sein de son équipe d’une dizaine de personnes, le trentenaire voit grand. Raison pour laquelle il a recruté l’ex-directeur d’HBO International. Afin d’obtenir le soutien officiel du gouvernement, il a écrit une lettre de trois pages au ministre de la culture, Frédéric Mitterrand. Silence radio et désintérêt manifeste de Cultures France, l’organisme en charge du rayonnement de la culture française à l’étranger. Nul subside, zéro subvention publique. « Ça bloque parce qu’il s’agit d’une initiative privée. Or, il faut réagir. Souvenez-vous de la couverture du Times il y a trois ans, titrant à la “une” sur la mort de la culture française.Dans trois ans, ce sera facile de prendre le train en marche », ironise Julien Planté. En avril, celui-ci sera de nouveau au Festival de Cannes pour multiplier reportages et entretiens. « Mon rêve est de couvrir à l’avenir tous les festivals dans le monde, avec une idée française du cinéma, à savoir donner la parole à tous les grands auteurs. » p Macha Séry
DU CINÉ-CLUB À LA CHAÎNE SATELLITAIRE
Julien Planté appartient à cette génération grandie avec la télévision et à laquelle celle-ci donnait accès au meilleur du cinéma. Il se souvient d’avoir fondu en larmes à 12 ans devant Le Train, de John Frankenheimer, d’avoir découvert, grâce au petit écran, tous les films de Claude Sautet avant de hanter les salles obscures de Nantes. « Une consommation abusive », souligne-t-il. Sa première expérience professionnelle, il la doit au distributeur Jacques Le Glou, référence dans le métier, puis il passe au Centre national de la cinématographie (CNC), où il aide à gérer des conflits entre les salles de cinéma. En avril 2001, il prend l’Eurostar. Embauché par l’Institut culturelfrançais à Londres, il a pour mission de s’occu-
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