JUNKPAGE M O R T D E FA I M !
Numéro 33 AVRIL 2016 Gratuit
4 EN BREF 8 MUSIQUES GILLES LOISON KLUB DES LOOSERS CALEXICO TIM HODGKINSON NADA SURF HOLY WAVE OOMPH ! HAWNIYAZ ENSEMBLE MEATBODIES LA YEGROS A CALL AT NAUSICAA GIUDA PATRICK WATSON MODERAT
20 ARTS JUDY CHICAGO CLAUDE ROUCARD ITINÉRAIRE DES PHOTOGRAPHES VOYAGEURS
26 SCÈNES CONCOURS DES JEUNES CHORÉGRAPHES CLASSIQUES ET NÉO-CLASSIQUES CHRISTIAN RIZZO LAURENT GIGNOUX LE BALLET DE LORRAINE
32 LITTÉRATURE OLIVIER CADIOT
36 FORMES 38 ARCHITECTURE 40 GASTRONOMIE 42 JEUNESSE 44 ENTRETIEN OLIVER GALLMEISTER
46 PORTRAIT CLAIRE ANDRIES
LE BLOC-NOTES
CALCULER
ET ÉROTISER Depuis l’adolescence, deux livres encombrent ma table de nuit : la Bible et les Pensées de Pascal. J’y furète des récits, des réflexions, des leçons parfois. Je n’ai pas besoin de les lire in extenso, j’en extrais quelques morceaux au hasard avant de m’endormir. Je peux même ne pas y plonger le nez pendant des mois sachant qu’ils sont là comme les deux gardiens de mes nuits. Depuis quelque temps cependant, un troisième larron s’est joint à l’escouade. Il s’agit de Quotes de J.G. Ballard, publié par l’excellente maison d’édition punk de San Francisco RE-SEARCH. Ce livre se présente comme un recueil de citations de l’écrivain anglais, collectées à travers ses ouvrages, ses entretiens, ses articles. Il est organisé selon une table des matières thématique qui brasse à la fois les obsessions personnelles de l’auteur (gratte-ciels, piscines, maladies, mort de la réalité, etc.) mais aussi les problèmes majeurs de l’époque (media, voyage et tourisme, terrorisme, urbanisme délirant et sécuritaire, etc.). C’est comme une sorte d’encyclopédie portative des pathologies de la société libérale et marchande. Il va sans dire que, pour moi, les Quotes de Ballard sont les nouvelles Pensées de Pascal, les miscellanées lucides et tranchantes qui anatomisent la condition humaine à l’époque des sex-toys, des parcs d’attractions et des vidéos toxiques. Parmi les nombreuses citations de ce moraliste égaré dans le village global, l’une ne cesse de m’intriguer : « calculer et érotiser ». L’ordre de la formule, une sorte de slogan vigoureux pour l’action, est déjà important. Il ne s’agit pas d’érotiser pour ensuite calculer, par exemple tirer profit de quelque chose, mais le contraire. Le calcul est ici premier. C’est lui qui gouverne le monde. Calcul de la science et de la technique, mise en chiffres de la réalité par le biais des formules mathématiques qui permettent de comprendre la nature et d’agir sur elle, mais aussi calcul de l’économie et de tous les autres pans de la société (éducation, culture, politique). N’importe quel geste anodin de l’homme contemporain a ainsi perdu sa spontanéité, il n’est plus que la réalisation inconsciente d’une prévision, et si, de fait, quelque chose en lui échappe néanmoins à la mathématisation, on pourra, après coup, grâce au recueil des données, trouver un axiome qui le ramènera gentiment dans le bercail de la calculabilité. L’érotisation agit ainsi après l’axiomatisation du monde. Mais quel est son sens ? Est-elle l’emballage séduisant de la rigueur formelle ? L’excitant qui cherche à masquer la froideur de l’ordre numérique ? Il me semble, si je le comprends bien à la lecture de ses citations et de ses romans, que Ballard cherche avant tout à nous dire que l’érotisation, à savoir cette tendance à associer toutes choses à un désir sexuel plus ou moins explicite, rend acceptable la mathématisation ; elle en est à la fois le masque et l’accomplissement. Elle dissimule le fondement rationnel du réel et ajoute ce supplément de corps qu’est l’image aguichante. L’érotisation généralisée de l’hypermodernité qui apparaît dans l’imagerie publicitaire, les comportements de consommation ou la recherche des sensations fortes n’a peut-être ainsi rien de sexuel, elle n’est que le vêtement chatoyant du squelette de la ratio. Calculer et érotiser sont les deux faces d’une même pièce, la réduction de la réalité à la rationalité d’un côté et la création – illusoire – d’une expression sauvage du désir de l’autre. Mais, bien entendu, ces deux actes n’ont pas tout à fait la même valeur. L’érotisation est toujours au service du calcul, elle le sert, l’enjolive et le cache. C’est la peinture flashy de la cage de fer. Le packaging affriolant des chiffres et des comptes. Car, derrière les manifestations en apparence débridées d’Éros, se dissimulent toujours les opérations de Logos.
JUNKPAGE N°33 Céline Clanet, Máze, dans le cadre de la 26e édition du festival Itinéraires des photographes voyageurs, du vendredi 1er au samedi 30 avril.
www.itiphoto.com © Céline Clanet
Inclus dans ce numéro le supplément Carte illustrée De l’océan à la rivière de Bordeaux , Bordeaux River Cruise.
de Bruce Bégout
Prochain numéro le 26 avril Suivez JUNKPAGE en ligne sur
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J.G. Ballard © Fay Godwin (credit British Library Board)
Sommaire
Pour la douzième année consécutive, l’association des étudiants en Sciences de l’Information et de la Communication de l’Université Bordeaux Montaigne, l’ISIC RIDER, organise le Rockin’Share Festival, du 13 au 14 avril, dont les bénéfices sont entièrement reversés au SIDACTION. Quatre groupes (Sophia Shérine, Totem, Yemoja, OrOr) se produiront le 13 avril à la MAC. Le lendemain, à la Rock School Barbey, concerts (Bloom, Fayçal, Beny le Brownies) dès 19 h, puis club (Davy Croket Crew, Benjamin Lopez, Lionel Fantomes) jusqu’au petit matin. 12e Rockin’Share Festival, du mercredi 13 au jeudi 14 avril.
33 RPM
Le 16 avril, pour la troisième année consécutive, les librairies partenaires du réseau de distribution Feppia s’associent au Disquaire Day - Record Store Day en version originale. À Bordeaux, l’enseigne de qualité Total Heaven accueille moult DJ sets et autres sessions acoustiques, tout comme Le Passeur et Mollat. À noter les concerts de A Call At Nausicaa, à la Machine à Lire, à 16 h 30, et celui de la légende électronique Richard Pinhas chez Bambalam Records, à 18 h 30. L’édition 2016 du RSD est parrainée par Metallica. Corne de bouc ! Disquaire Day, samedi 16 avril. www.feppia.org
BOUCAN
NOUVEAU
La Manufacture atlantique.
avril, 17 h 45, Maison des Arts, Pessac, 19 h 45, Rezdechaussée. Renseignements : 05 57 12 61 20
Depuis 2003, Sonic Protest distille des musiques expérimentales, électroacoustiques, improvisées et bruitistes. Défricheur et aventureux, pointu mais accueillant, ce festival lutte contre la sur-spécialisation des scènes underground en faisant jouer affinités et rencontres. Refusant l’esprit de chapelle, s’y retrouve outsiders, géniaux artistes méconnus et musiciens hors des modes et des circuits traditionnels. Pour sa deuxième édition bordelaise, à la Manufacture atlantique, belle affiche avec Maria Bertel & Mariachi, Rien virgule, Yves-Marie Mahé. Sonic Protest, mardi 5 avril, 20 h 30,
Le festival Théâtre des Images annonce sa première édition le 15 avril entre Campus et Chartrons. La Maison des Arts de l’Université Bordeaux Montaigne accueillera la lecture théâtralisée de Moi et François Mitterrand de Hervé Le Tellier, mise en scène par Benjamin Guillard et interprétée par Olivier Broche. Puis, à la galerie Rezdechaussée, rendez-vous avec Pascal Laurent, Dominique Massaut, et un grand débat « Penser la place de chacun dans la vie publique », modéré par Marie Duret-Pujol avec Hervé Le Tellier, Olivier Broche, Benjamin Guillard et Christian Malaurie. Théâtre des Images, vendredi 15
www.sonicprotest.com
17 avril, espace La Croix-Davids, Bourg.
FORCÉMENT CÉLÉBRER Durant tout le mois d’avril, le Théâtre Marguerite Duras Itinérant propose un « Hommage 20 ans Marguerite Duras », à l’occasion de la disparition de la femme de lettres, le 3 mars 1996. Au cours de cette programmation exclusivement durassienne : L’Été 80, L’Homme assis dans le couloir, La Musica deuxième, Moderato Cantabile, Madame Dodin, La Douleur, L’Été 45 d’Alain Vircondelet (samedi 30 avril, à 20 h, en présence de Maud Andrieux et du biographe et universitaire) ainsi qu’un voyage musical dans l’œuvre indochinoise de l’auteur d’India Song. Hommage 20 ans Marguerite Duras, du vendredi 1er au
samedi 30 avril, Le Petit Théâtre.
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www.theatremd.com JUNKPAGE 3 3 / avril 2016
D. R.
© Sylvain Norget
FEU
Clotaire Lehoux présente pour la première fois à l’espace La Croix-Davids un ensemble de tableaux peints en 2015. La pièce emblématique Soufre soleils donne la note principale à cet accrochage, couleur jaune soufre : intense et brûlante. Les paysages de désert ou de forêt en feu accompagnent des tableaux de personnages mythologiques : faunes, empereurs, guerriers, poètes. Chez Clotaire Lehoux, la figure ne peut se passer du paysage, elle s’y mêle intimement. La matière picturale est alors une chair peinte avec patience au service d’une expressivité maximum. Clotaire Lehoux, jusqu’au dimanche
D. R.
© Clotaire Lehoux
rockinsharefestival.com
D. R.
CARITATIF
D. R.
Maria Bertel & Mariachi - D. R.
Lionel Fantomes - D. R.
EN BREF
Le 5 avril, le Poquelin Théâtre traverse la Garonne et s’installe à la halle des Chartrons pour fêter la 500e des Mots du Mardi. Ces rencontres mensuelles existent depuis plus de 25 ans. Elles ont lieu le premier mardi de chaque mois, le public présent occupe l’espace par ses mots, qu’ils soient poèmes, théâtre, contes, récits, etc. À ce jour, environ 200 poètes (d’un jour ou professionnels) sont passés au Poq’. Un chiffre impressionnant. « Écrire, dire, lire, jouer et écouter les mots », tel est le slogan de la soirée. Entrée libre. 500e des Mots du Mardi, mardi 5 avril, 20 h 30, halle des Chartrons.
lepoquelintheatre.unblog.fr
ÉCHANGE
Figure mythique du journalisme des années 1980, Jean-Paul Kauffmann, auteur de L’Arche des Kerguelen, ex-otage à Beyrouth de 1985 à 1988, possède de fortes attaches dans le Sud-Ouest. Toutefois, sa tragique expérience libanaise nourrit son œuvre et l’on en retrouve les échos de manière métaphorique dans son dernier livre, Outre-terre, autour de la bataille d’Eylau et de la figure de revenant du colonel Chabert de Balzac, disparu lors de cette bataille… Il est l’invité d’Olivier Mony, le 6 avril, dans le cadre des Conversations au Carré à SaintMédard-en-Jalles. Conversations au Carré, mercredi 6 avril, 19 h 30, Le Carré, Saint-Médard-en-Jalles.
www.saint-medard-en-jalles.fr
LEE STORE速
64 RUE DU PAS SAINT GEORGES 33000 BORDEAUX
D. R.
CLAVIER
CUIR D. R.
Le Piano Day a été initié en 2015 par le compositeur allemand Nils Frahm afin de célébrer son instrument fétiche lors du 88e jour de l’année. Pour la première fois, le SCRIME organise une soirée mettant en lumière différentes façons de jouer et de se jouer de ces 88 touches. Que cela soit en acoustique, à l’aide de l’électronique, en transformations numériques. Mais aussi, en ajoutant des objets entre les cordes ou encore en mettant en vibration ces dernières sans l’aide du clavier. 7 créations mondiales pour 5 interprètes (Guillaume Flamen, Sophie Pornin, Sophia Vaillant, Annabelle Baron, PierrePascal Jean). Piano Day, vendredi 8 avril, 19 h 15,
PAPILLES
À la faveur des Journées Portes Ouvertes en Lalande-de-Pomerol, du 16 au 17 avril, les Vignobles Chatonnet ouvrent les portes du Château Haut-Chaigneau. Au menu : ateliers vin et chocolat, conférences, initiation à la tonnellerie (démonstration de fabrication traditionnelle de barriques animée par la Maison Sylvain le samedi), dégustations de vins assemblés ou par cépage… Soit un programme varié et gourmand, histoire de donner au « grand public » l’opportunité de goûter les vins en primeur, comme le pratiquent les professionnels et la presse internationale. Journées Portes Ouvertes en Lalande-de-Pomerol, © Milano design week 2014
scrime.labri.fr
citedigitale.bordeaux.fr
www.act-image.fr
www.lunenoire.org
D. R. D. R.
CINÉPHAGE
Nouveau rendez-vous mensuel, à l’invitation du Bootleg, Screen Test se veut un ciné-club atypique, donnant à voir des films rares, courts ou longs, de nationalités, d’époques et de natures variées : burlesque, expérimental, animation, documentaire, fiction... autour d’une thématique particulière. Soit une salle quasi-troglodyte, une collation chromatique et une deuxième salle, baptisée fort à propos The B-side of the Bootleg. Le 26 avril, dès 20 h, un florilège de déviances avant projection en 16mm d’Inferno, chef-d’œuvre halluciné de Dario Argento. Screen Test#2, mardi 26 avril, 20 h, monoquini.net
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du vendredi 15 au dimanche 17 avril.
jeudi 7 avril, 20 h 45, Utopia.
www.vignobleschatonnet.com
Le Bootleg.
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Passionnés d’écriture ou futurs rédacteurs, journalistes, pigistes, l’association Act’image vous propose un atelier intitulé « Mutations #3 », du 15 au 17 avril, animé par deux professionnels : la photographe Flore-Aël, du collectif Tendance Floue, et Nicolas Dutent, journaliste à L’Humanité. Ce rendez-vous collaboratif, en binôme, jette un regard croisé entre écritures et photographies. Cette année, le thème retenu est celui plus que jamais d’actualité du « vivre-ensemble » dans l’objectif de créer une P.O.M. (petite œuvre multimédia). Sur inscriptions. Mutations #3,
du samedi 16 au dimanche 17 avril, Château Haut-Chaigneau, Néac.
ABSURDUM
du mardi 5 au samedi 9 avril, cours Mably.
LABO
Culte et maudit, violent et sans concession, plus pédé qu’un dessin de Tom de Finlande, Cruising (La Chasse, États-Unis, 1980) constitue indéniablement l’un des sommets de l’œuvre de William Friedkin, qui plonge un policier infiltré, Al Pacino au-delà du grandiose, à la poursuite d’un tueur en série dans le New York homosexuel SM. Obsessions, perversions, ambiguïté, réflexion sur la morale, cette traque des backrooms, longtemps taxée d’homophobie et reléguée au purgatoire, entre polar poisseux et giallo expérimental, demeure l’un des plus beaux films malades de sa génération. Lune noire#8 : Cruising,
D. R.
chapelle du CROUS.
Dans le cadre de la semaine digitale, du 5 au 9 avril, l’association Organ Phantom présente, dans l’enceinte de la cours Mably, l’exposition « Mécaniques discursives », de Fred Penelle et Yannick Jacquet, projet alliant video mapping et gravure. Primée par The Milano Design Week Tech Award et le Slick Art Fair, exposée notamment à Lille 3000, Nemo, STRP, Nuit Blanche Bruxelles, Mirage, Elektronic K Scopitone, cette installation visuelle poétique riche de nonsens ausculte les tourbillons de l’innovation et son rapport avec les techniques anciennes. « Mécaniques discursives », Fred Penelle et Yannick Jacquet,
Nicolas Dutent - D. R.
D. R.
EN BREF
CHAPEAU
Depuis 2010, le festival Relâche repose sur une économie fragile malgré le soutien des collectivités territoriales. Avec un budget global de 350 000 € et un financement public de 45 500 €, il est difficile de maintenir la qualité de la programmation et la gratuité de tous les rendezvous de cet incontournable de l’été métropolitain. Allez les filles lance donc une souscription. Objectif : 25 000 € pour maintenir la gratuité, payer les cachets des artistes, pérenniser les emplois des 30 personnes qui travaillent durant l’été et des 5 personnes à l’année à son organisation. http://fr.ulule.com/relache-2016/
DÉGUSTER
Le Printemps des Vins de Blaye, c’est l’événement œnotouristique incontournable qui rassemble 80 vignerons dans la Citadelle de Blaye – inscrite au Patrimoine Mondial de l’Unesco depuis 2008 – chaque printemps. Cette année, rendez-vous du 9 au 10 avril prochains pour la déjà 22e édition ! Au programme : des rencontres, des ateliers (assemblage et accords mets et vins par exemple), des animations et de nombreuses découvertes pour mettre en avant la convivialité et la diversité des vins de l’appellation. 22e Printemps des Vins de Blaye, du samedi 9 au dimanche 10 avril, de 10 h à 20 h, Citadelle, Blaye.
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MUSIQUES
Il faut se réjouir du fait que les Musicales d’avril de La Teste-de-Buch rendent hommage à François de Roubaix, disparu à 36 ans dans un accident de plongée. Aldo Campo, fan bordelais, et Gilles Loison, biographe, sont à l’origine de cet hommage tardif mais copieux. Gilles Loison est l’auteur d’une biographie introuvable1 sur ce compositeur toucheà-tout qui réalisa deux courts métrages. Au-delà de son succès avec des musiques de films populaires, de Roubaix est aujourd’hui considéré comme un des pionniers de l’électronique en France.
D. R.
Propos recueillis par Joël Raffier
VIE AÉRIENNE ET MORT AQUATIQUE François de Roubaix estimait que la musique de film était un compromis entre la variété, contrainte par la mode, et la musique classique qui s’adresse à trop peu de monde. Qu’en pensez-vous ? Il n’avait pas de barrière. Un peu comme les Beatles à l’époque. Il utilisait toutes sortes de sons et d’influences. Ce n’était pas un cérébral mais un bidouilleur, un testeur, un improvisateur. Il pouvait créer un thème qu’on n’oublie pas en 15 minutes. La musique de film fut en effet un excellent compromis.
et l’a formé à la prise de son. Il voulait faire un peu de cinéma, mais a raté l’IDHEC et s’est découvert un talent de musicien. Son rapport à l’image était particulier. Dès qu’il en voyait, il imaginait de la musique. En lisant votre livre et en regardant son impressionnante iconographie, on a le sentiment d’un homme heureux… Oui, jusqu’à ce que quelqu’un ait la mauvaise idée de lui forcer la main avec du LSD dans une soirée. Ensuite, il est devenu plus sombre, sa musique aussi d’ailleurs. Il a vraiment connu un mauvais trip. Il a été amené aux urgences. Lui qui voyait la vie en rose a soudain tout vu en noir. Sa femme m’a dit qu’il en faisait des cauchemars.
« Il était curieux de tout et approfondissait les sujets, allant au-delà de la commande. »
Il a composé pour des cinéastes populaires comme Robert Enrico, Jean-Pierre Mocky ou José Giovanni mais pourquoi a-t-il été négligé par la Nouvelle Vague ? En effet, il lui a manqué des cinéastes de poids, hormis Jean-Pierre Melville qui l’a fait travailler sur Le Samouraï. C’est une affaire de clans je crois, mais il y a autre chose. Les réalisateurs de la Nouvelle Vague avaient tendance à couper dans les partitions qu’ils commandaient. Voyez Godart. Je pense qu’il aurait pu s’adapter mais je crois aussi que cela l’aurait frustré. Il n’avait pas d’assistant ou d’agent. C’est la musique, les amis et la plongée qui l’intéressaient, bien avant sa carrière.
Pépin la bulle, Les Chevaliers du ciel, il a beaucoup composé pour les programmes jeunesse… Il a adoré faire ça. Pour Chapi-Chapo, il a fait chanter les gamins de son immeuble. Il était curieux de tout et approfondissait les sujets, allant au-delà de la commande. Il a aussi fait de la musique pour marionnettes. N’est-ce pas avec la publicité qu’il a le plus expérimenté ? C’est le domaine où il a trouvé le plus de liberté, surtout dans l’illustration sonore et la musique électronique. Il a eu une enfance protégée, des parents artistes qui lui ont ouvert la voie, c’est le contraire d’un artiste maudit non ? C’est quelqu’un qui a eu les moyens de se chercher. Son père faisait des films d’entreprises
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Comment expliquez-vous son regain de faveur dans les années 1990 ? À la fin des années 1980, les maisons de disques ont réédité de nombreux CD. Ensuite, des labels comme Playtime ont sorti des pépites. Les DJs l’on découvert et s’en sont emparés pour des échantillonnages. Il est devenu le musicien français électro des années 1970 pour cette génération mais il avait des fans de son vivant. Des gens qui lui écrivaient et qu’il recevait chez lui. Pourquoi Cousteau lui a-t-il refusé Antarctique ? Cousteau n’a pas compris. Il ne connaissait que son travail orchestral et quand il a entendu les bandes, très électroniques, il a eu peur. Une grosse déception. Il avait bidouillé avec son synthé sur des cordes enregistrées en studio et bien sûr, comme plongeur, il appréciait le travail de Cousteau. Quelle est votre pièce préférée ? Je crois que c’est la musique de son court métrage Comment ça va, je m’en fous. Une incroyable émotion. On part dans un autre monde. Diriez-vous que vous lui vouez un culte ? Je suis passionné. Gamin, j’enregistrais ses musiques à la télé. J’ai fait ce livre parce que je ne voyais rien venir. Maintenant, je sais qu’il sert de
référence pour ceux qui veulent en savoir plus, voire creuser le sujet. Sa mort dans un accident de plongée a tellement choqué son entourage que pendant 25 ans il lui a été impossible d’en parler. J’ai organisé un premier hommage en 2003 et peu à peu tout s’est ouvert, la parole de la famille, des amis et les archives. D’où l’iconographie du livre. Comment se fait-il que sa diffusion soit bloquée ? Il y a un litige sur des impayés entre l’éditeur et celui qui le stocke. Il a été tiré à 1 500 exemplaires et seulement 750 ont été vendus. On en voit sur des sites par correspondance et curieusement dans quelques solderies. 1. François de Roubaix, charmeur d’émotions, Éd. Chapitre Douze. 560 pages + 2 CD.
Chapi-Chapo, illustré en direct par la Cie Acouphène, samedi 2 avril, 10 h et 15 h, bibliothèque jeunesse.
Tremplin Electro en hommage à de Roubaix, samedi 2 avril, 21 h, Zik Zac.
Benjamin de Roubaix Quartet, mardi 5 avril, 20 h, Théâtre Cravey.
Films, documentaires et surtout courts métrages restaurés en prévision d’une édition DVD en juin seront visibles tout au long de la manifestation.
www.latestedebuch.fr
MOCKY SE SOUVIENT
Témoignage de Jean-Pierre Mocky pour qui François de Roubaix a composé trois bandes originales : La Grande Lessive, L’Étalon, et Chut ! « François adorait mes films. C’est lui qui m’a appelé pour travailler avec moi. C’était un playboy, de Roubaix… Un type doux qui plaisait aux femmes, un physique sportif, tennis, plongée sous-marine. Il en est mort, le pauvre. Il a fait un film un peu fantastique sur le sujet, prémonitoire (Le Gobbo, qui sera diffusé en boucle à La Teste, ndlr). On sortait ensemble dans les discothèques. Il m’a fait de très belles partitions qu’il orchestrait vite et bien. On travaillait chez lui. Je suis musicien moi-même, j’ai été batteur, je connais un peu la musique. Il était content d’avoir affaire avec quelqu’un qui savait ce qu’il voulait. Dans son salon de musique, il avait une incroyable collection d’instruments. J’adorais ce type. »
© Alban Coret
Tel un Holden Caulfield grandi en banlieue du 78 et poussé en mauvaise graine d’obédience hip-hop, initiant au début du siècle Le Klub des Loosers, Fuzati s’est taillé un royaume à son image.
LE MISANTHROPE Aux dernières nouvelles, tout allait bien. Plutôt, à en juger l’excellence de Dernier Métro, entêtant titre inédit enregistré avec Bertrand Burgalat et AS Dragon sur l’excellente compilation RSVP. Soit Fuzati au sommet de son cynisme 24 carats, déplorant à regret : « Non, je n’fume pas… » Sinon, voilà déjà quinze ans que le Versaillais au masque virginal décoche avec une belle régularité certainement les plus belles punchlines du rap game hexagonal. Des lyrics explicites loin des stances cryptées de Booba. Un truc frontal – hardcore en bon français dans le texte – juste histoire d’atteindre l’universel. Un premier album, Vive la vie, portrait du mal-être adolescent, puis, un deuxième, La Fin de l’espèce, récit intime sur la non-reproduction. Cela s’appelle la constance. Entre ? Une poignée d’EPs, des projets dit « parallèles » (l’Atelier, le Klub des 7, Springtales, Last Days ou le fabuleux Grand Siècle avec Orgasmic) et des collaborations en veux-tu, en voilà (Jean-Benoît Dunckel, MF Doom, Para One, Naive
New Beaters, Buffalo Daughters). Depuis l’année dernière, ce fan de Lucio Battisti a réuni un véritable groupe, histoire de célébrer Vive la vie, publié en 2003 chez Record Makers, maison de Sébastien Tellier, porté par l’inusable manifeste Baise les gens et regorgeant de splendeurs (La Femme de fer, Sous le signe Du V). Tirerait-il sur la corde sensible des anciens de l’adolescence ou celle des fans de la première heure ? Difficile d’y répondre. De toute façon, c’est pas Kanye qui ferait ça… Marc A. Bertin Klub des Loosers Live Band + invités, vendredi 22 avril, 20 h 30, Rock School Barbey.
www.rockschool-barbey.com
© Paul Daniel, cl.Frédéric Desmesure
© Shakespeare In Love, Swank
MUSIQUES
Pour célébrer les 400 ans de la mort du dramaturge britannique, le chef de l’ONBA, Paul Daniel, a créé, à l’Auditorium, le festival In love with Shakespeare. Au programme : cinéma et musique avec Ran, Shakespeare in love, Le Songe d’une nuit d’été et Henry V.
WILLIAM, L’IMMORTEL « Je tiens ce monde pour ce qu’il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle », écrit William Shakespeare dans Le Marchand de Venise. Né le 26 avril 1564, l’auteur, célèbre pour sa peinture des passions humaines et des jeux de pouvoir, la richesse de ses intrigues et une « poésie illimitée » selon les mots de Victor Hugo, est mort en 1616. Cette date anniversaire n’a pas échappé à son compatriote Paul Daniel, chef de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine. En début de saison, interprétant son rôle à la perfection donc, il évoquait, sourire en coin, œil taquin et accent chantant, « un écrivain assez célèbre qui vient de mon pays ». « Il s’appelle William Shakespeare. Il est mort un 23 avril. Il y aura 400 ans. J’ai pensé : “Construisons un festival autour de lui.” » C’est chose faite : In love with Shakespeare a débuté en février avec le concert de Katia et Marielle Labèque autour de deux versions urbaines et contemporaines de Roméo et Juliette, s’est poursuivi en mars avec Shakespeare Songs (Chassy/Marguet/Sheppard), jusqu’à ce mois d’avril où les hommages se multiplient. « Je dirigerai deux concerts : Le Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn avec l’adaptation du texte et une création vidéo de Juliette Deschamps. Et nous donnerons l’incroyable partition de William Walton écrite pour le film Henry V de Laurence Olivier (1944). Cette pièce raconte l’une des rares batailles où les Anglais ont battu les Français », précise le chef, non sans délectation… Walton, « l’enfant terrible de la musique britannique », a d’ailleurs créé l’ambiance musicale des deux films suivants du réalisateur : Hamlet (1948) et Richard III (1955). Quant à Mendelssohn, fasciné par Le Songe d’une nuit d’été, il mit toute la fougue de ses 17 ans pour composer en 1826 une Ouverture qui s’en inspire. Dix-sept ans plus tard, celui qui était considéré comme le plus grand musicien allemand composait une partition destinée à la scène avec un chœur de femmes où dominent deux solistes. Shakespeare est aussi à l’Auditorium avec le 7e art. Le Centre Jean Vigo Événements a eu carte blanche pour la programmation de deux films samedi 9 avril au tarif d’une entrée de cinéma. Une liste d’une vingtaine de longs métrages a été établie. Mais l’équipe du Jean Vigo, dont le
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parti pris était d’écarter les adaptations pures, n’a pas hésité dans son choix : Shakespeare in love, comédie romantique de John Madden, et Ran d’Akira Kurosawa 1. Le premier, film grand public aux sept oscars, retrace la vie romancée du dramaturge comme poète et acteur. En 1593, il croule sous les dettes et peine à finir, et même à commencer, ses pièces. Dans le même temps, une de ses admiratrices se travestit – le métier d’acteur étant interdit aux femmes – pour décrocher le rôle de Roméo. Le dramaturge découvre la supercherie, et les charmes de la jeune femme à son goût. Le film est une mise en abyme du théâtre élisabéthain du xvie siècle, mais cache aussi une critique du cinéma hollywoodien. Ran d’Akira Kurosawa est une adaptation du Roi Lear dans le Japon féodal. « C’est une vraie transposition à la culture nippone, souligne Jean-Baptiste Carreau du Vigo. Kurosawa est empreint du théâtre nô : le film est très visuel, avec beaucoup de costumes, des maquillages appuyés, un début très coloré puis de plus en plus gris. Il y a beaucoup de plans fixes : on voit une scène de bataille gigantesque, et la caméra ne bouge pas. On a un plan éloigné, un décor, et on regarde la scène, comme au théâtre. » La filiation théâtre-cinéma est plus que jamais présente. Et de rappeler : « Le cinéma, c’est le petit-fils du théâtre ! » Cette programmation est aussi une façon pour l’Opéra de Bordeaux de toucher un public qui n’ose pas franchir les portes de l’Auditorium, ce qui est l’une de ses missions principales. La projection de La Ruée vers l’or de Chaplin en 2015 avait déjà permis de conduire d’autres publics vers la salle de concerts. « La vie d’un orchestre est toujours en évolution, explique Paul Daniel. Lorsque je suis arrivé en 2013, nous intégrions l’Auditorium. C’était une transformation, avec un nouveau lieu, une meilleure acoustique. À présent, nous devons trouver le moyen d’attirer un nouveau public, comme avec cette série d’événements autour de In love with Shakespeare. Jouer à l’extérieur, c’est très important car il y a des gens qui n’ont jamais eu l’occasion d’écouter l’orchestre. Mais le but est d’encourager tout le monde à entrer dans l’Auditorium, car c’est la meilleure expérience.
Chaque concert est unique. » Quid de la préparation d’un concert ? « Il faut deux à trois semaines de répétition pour préparer un opéra, et une semaine pour un concert. Mais on peut toujours travailler pour se perfectionner. C’est du très haut niveau. Nous avons des codes de travail. Nous parlons avec les instruments, pas avec la voix. La meilleure répétition est une répétition sans parole. Il y a une alchimie entre les musiciens. Les explications ne sont pas nécessaires. C’est une question de justesse, d’ensemble rythmique, de couleur, de balance, de mélange des sons, de coups d’archets. C’est un peu miraculeux. S’il faut changer quelque chose, ça se passe très vite. Que ce soit l’intensité, la trajectoire de l’archet, ou la partie avec laquelle on joue, le talon ou la pointe. Cela change en fonction des vœux du chef ou du premier violon. Chaque famille d’instrument a un soliste. Ils communiquent entre eux. Tout ceci se fait presque sans parole, quelque fois même, sans le chef. Ça vient de l’interprétation de la musique. C’est quelque chose de très instinctif. Le rôle du chef, c’est de lier tous ces talents. De pousser ou d’encourager les uns ; de freiner les autres, et surtout, de laisser la musique aux musiciens. De temps en temps, j’attends de voir ce que les musiciens ont dans le cœur. Ce sont eux qui font la musique, pas le chef ! » « Chacun doit jouer son rôle », dixit Shakespeare. Sandrine Chatelier Jeudi 7 avril, 20 h, Auditorium : Le Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn, ONBA, Paul Daniel, Chœur de femmes de l’ONB, vidéo et adaptation du texte de Juliette Deschamps. Samedi 9 avril, Auditorium : projection des films Shakespeare in love, 15 h, puis de Ran, 20 h. Mardi 19 avril, 18 h, Grand-Théâtre, Foyer rouge : rencontre/conférence de Denis Chenel avec Paul Daniel à propos de Henry V de William Walton. Jeudi 28 avril, 20 h, Auditorium : Prokofiev – Walton, ONBA, Paul Daniel, Chœur de l’ONB.
www.opera-bordeaux.com
1. Pour en voir plus, la short list du Jean Vigo : Beaucoup de bruit pour rien de Kenneth Branagh, Looking for Richard d’Al Pacino, Othello de George Cukor, Macbeth d’Orson Welles, Henry V de Laurence Olivier.
© Jairo Zavala
Le duo le plus cinématographique du Grand Canyon State revient enfin au pays de Montaigne et Dugarry. Autant dire que Joey et John commençaient sérieusement à manquer.
ON DIRAIT
LE SUD
« Dans mon brouillard/J’ai lu/Arizona/Dans mon brouillard/J’ai lu/Mais tu es qui, toi ?/Calexico… ». Ainsi Murat vantait-il, en 1999, les mérites de Joey Burns et John Convertino en ouverture de Viva Calexico, sur le bien nommé Mustango. En ces temps-là, quiconque goûtait à l’indie rock savait placer Tucson sur une carte muette de l’Arizona. Les anciens The Friends of Dean Martinez, qui avaient notamment collaboré avec Richard Buckner, Neko Case, Lisa Germano (le splendide Slush sous alias OP8), Victoria Williams ou Barbara Manning, mettaient alors tout le monde à genoux avec leur formule oscillant entre Snuff Garrett, J.J. Cale, valses mexicaines et l’héritage de Giant Sand. Las, cette lune de miel dura jusqu’en 2003 et le sublime Feast of Wire. Depuis, le public, du moins hexagonal, s’est trouvé d’autres marottes, d’autres idoles, d’autres passe-temps. Et, pourtant, le duo, comme échappé d’une lettre de Neal Cassady, poursuit son œuvre, publiant régulièrement (quatre albums, dont le récent Edge of The Sun) et tournant, mais plus tellement, au pays de l’Auvergnat. Aussi faudrait-il, à juste titre, se réjouir de cette poignée de dates, escale bordelaise comprise, propre à ravir non la nostalgie camarade, mais bien les fidèles en chemises de flanelle et, qui sait, les infortuné(e)s n’ayant jamais goûté au fumet de la frontera. Pour qui n’aurait jamais vu The Ballad of Cable Hogue de Sam Peckinpah, Calexico offre plus qu’un fantasme du sud-ouest américain. Une expérience sensorielle. MAB Calexico + Gaby Moreno,
mardi 19 avril, 20 h 30, Le Rocher de Palmer, Cenon.
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Tim Hodgkinson, D. R.
MUSIQUES
Du 23 au 24 avril, à la halle des Douves, l’association Einstein on the beach organise un week‑end « British Invaders » autour du quartet d’improvisation de l’Anglais Tim Hodgkinson. Avec d’autres invités : Prune Becheau et Keï Prosper MacGregor. Propos recueillis par Sandrine Chatelier
AU-DELÀ DES LIMITES Compositeur et improvisateur, spécialisé dans les clarinettes et la guitare lap-steel, Tim Hodgkinson, né en 1949, fonda, en 1968, avec Fred Frith la mythique formation expérimentale Henry Cow. Il appartient à la grande école anglaise de l’improvisation et de la musique déviante apparue dans les années 1960 et fait partie de ces pionniers ayant cherché à s’émanciper de la pratique du jazz qui venait d’outre-Atlantique, mais aussi de toutes les notions classiques de rythme, de mélodie comme de rapport au blues. En qualité de clarinettiste, de compositeur et de chef d’orchestre, il a participé à de nombreux concerts avec le Iancu Dumitrescu Hyperion Ensemble. Ses compositions ont été interprétées dans des festivals internationaux et l’on retrouve même sa pièce Fragor dans la bande originale du film de Martin Scorsese Shutter Island. Renouant avec l’anthropologie sociale qu’il a étudiée à Cambridge, dans les années 1990, il a notamment effectué des recherches sur la musique et le chamanisme en Sibérie. À Bordeaux, Hodgkinson jouera avec son quartet composé de ses compatriotes Paul May (percussions) et Dominic Lash (contrebasse) et de l’Américain Denman Maroney, grande figure du piano préparé – il a notamment développé des techniques avec de petits objets (pinces à linge, boîtes de sardines, bouts de bois) qu’il pose sur les cordes pour augmenter la capacité sonore de l’instrument produisant une palette de sons assez inouïs, transformant son piano en véritable boîte à sons.
Comment est né ce quartet avec lequel vous jouerez ? Est-ce l’assemblage des musiciens qui l’a fait naître ? Non, et c’est très rare que ça marche de façon planifiée. J’étais à New York et je savais que Dominic y séjournait. Mode Records, le label qui sort ma musique écrite, m’a proposé de jouer au Stone, le club de John Zorn. Mais il me fallait un pianiste. Jacqui Ham du groupe Ut, qui connaît mieux que moi les musiciens new-yorkais, m’a dit : « Il y a ce Denman Maroney. » Comme ce concert en trio s’est bien passé, on voulait rééditer l’expérience. Dominic a proposé un quatuor avec Paul Lytton, avec qui on a tourné en Angleterre. À Bordeaux, nous serons avec Paul May, batteur avec qui je joue en trio avec Hannah Marshall.
« La musique ne s’occupe pas de l’histoire politique d’une façon directe et littérale. »
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Comment travaillez-vous ? C’est de la pure improvisation, dans le sens où l’improvisation peut être pure. Les données sont les musiciens en tant qu’êtres sonores et gestuels. Mais ces données sont toujours en évolution bien sûr. Vous jouez des instruments à vent et à clavier. Dans ce quartet, de quel(s) instrument(s) jouezvous ? Que du vent ! J’avais envie de m’enfermer dans cette formule instrumentale très connue justement pour voir où ça pourrait me pousser. Enfin, nous pousser. L’année dernière, vous avez joué à Bordeaux avec le trio Konk Pack. Vous revenez cette année avec un quartet. Qu’est-ce qui vous a plu ici ? D’abord, c’est une ville magnifique, qui a bien
résisté à la destruction « urbaniste » que l’on voit un peu partout dans les villes anglaises. Puis, il semble qu’il y ait des quartiers vivants… bien sûr, ce sont des impressions très superficielles ! Dans les années 1960, la musique expérimentale était considérée comme révolutionnaire. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? Avant de chercher un lien entre musique et politique, la question qui se pose est : « Où est la révolution ? » Politiquement, nous sommes dans un processus de recherche qui n’avance guère parce que les problèmes sont complexes, mais aussi parce que nous vivons dans une période dynamique pour le capitalisme. Je pense, par exemple, aux nouvelles formes de lutte de classes lancées par les dirigeants, très évidentes outre-Manche, mais surtout à l’évolution des institutions capitalistes supranationales qui échappent aux gouvernements élus, ce qui représente une fracture radicale avec le capitalisme classique jusque-là conçu comme national. Il y avait toujours l’espoir qu’en faisant la révolution à un niveau national, on arriverait à déconstruire le capitalisme via un processus démocratique. Mais la musique ne s’occupe pas de l’histoire politique d’une façon directe et littérale. Elle travaille en subtilité. Samedi 23 avril : 18 h 30, halle des Douves, Prune Becheau, violon solo baroque amplifié. 20 h 30 : Quartet Hodgkinson/Lash/Maroney/May. 23 h : Chez Oumar, Keï Prosper MacGregor. Dimanche 24 avril : 11 h, halle des Douves, brunch avec interview musicale publique de Tim Hodgkinson. 14 h 30, halle des Douves, Denman Maroney 15 h 30, halle des Douves, Dominic Lash.
www.einsteinonthebeach.net
D. R.
Malgré un succès que beaucoup résument à un morceau, Nada Surf a su faire perdurer ses influences college rock sur huit disques plutôt classe, entre Belle and Sebastian et Death Cab For Cutie.
ONE-NIGHT
STAND
Soyons clairs, les vies de Matthew Caws et Daniel Lorca sont un enfer depuis 1996. « Ah oui je connais votre groupe. Popular, tout ça. - Oui, mais on a sorti 8 albums depu… - Ah, c’était le bon temps ça, le lycée, les années 1990. - Oui, mais on a su évolu… - Comment qu’il s’appelait l’album là ? J’avais le CD. - High/Low - Ah, voilà. Popular ça c’était quelque chose, dommage que vous ayez arrêté ensuite. - On n’a jamais arrêté, on a même écrit des trucs plutôt pas mal, mais ok, peu importe. - Oui l’autre truc, la pub pour la Twingo, j’adore, j’ai rencontré ma copine sur cette chanson. - C’était Beck, ça. » Il y a une liste conséquente de groupes qu’on range dans une sorte de Madame Tussaud de la pop juste parce qu’ils ont sorti un hit et que, d’une certaine manière, cela rend invisible le reste de leur production. C’est le cas des Breeders, de Therapy? ou de Soul Asylum notamment. En haut de la pile, les vingt ans de carrière de Nada Surf, avec de très bons albums comme Let Go en 2002, The Weight Is A Gift en 2005… ou You Know Who You Are sorti le mois dernier, avec le renfort de Doug Gillard de Guided By Voices à la guitare. Ce n’est donc pas la peine de prendre ton bâton de pèlerin pour le Grand Voyage dans ton adolescent quand tu vas acheter ton ticket. Tu vas flipper : Nada Surf a écrit 77 autres chansons. Arnaud d’Armagnac Nada Surf + Arman Méliès,
mercredi 27 avril, 20 h, Le Krakatoa, Mérignac.
www.krakatoa.org
D. R.
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SONO MUSIQUES TONNE
Dans la continuité des frères Grimm, du Dr. Caligari, de Nina Hagen, de l’EBM et des guitares distordues de la vague de la Neue Deutsche Härte, le groupe Oomph! est l’onomatopée la plus martiale du rock allemand.
TANZ
METALL Mettons d’entrée de jeu les pendules germaniques à l’heure : au petit jeu de qui a influencé qui, c’est Oomph! qui prend sérieusement l’avantage sur Rammstein. Le trio de Basse-Saxe a pour lui l’ancienneté. Quelques années d’avance, quelques kilomètres en plus dans les paraboots. L’album paru l’été dernier, intitulé XXV, est leur douzième au compteur. Depuis 1989, rare cas de figure, le trio originel n’a pas bougé, avec Dero au chant et aux rythmes, et Crap et Flux se partageant guitares et claviers. « Sur scène, nous serons sept en tout au cours de cette tournée », annonce le vocaliste, fier de promettre un « copieux échantillon de nos 25 dernières années, y compris les très vieux titres de notre premier album ». Le frontman insiste : « tout est entièrement interprété live. Vous n’entendrez aucun séquenceur, aucune boucle, aucune bande. Les concerts de Oomph! sont 100 % joués à la main ! » Le gang d’outre-Rhin est particulièrement remonté pour son premier rendez-vous avec le public bordelais, le concert de 2012 ayant dû être annulé au dernier moment. « J’avais attrapé une telle crève sur cette tournée que le docteur m’avait forcé à rester au lit une bonne semaine si je ne voulais pas que la grippe atteigne mon muscle cardiaque », se souvient Dero. On peut avoir la certitude d’un show généreux et puissant, capable de vous mettre à genoux en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « oomph ! ». Guillaume Gwardeath Oomph! + Invités,
mercredi 13 avril, 20 h 30, Rock School Barbey.
www.rockschool-barbey.com
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Avec Red Krayola, The 13th Floor Elevators, The Black Angels et donc Holy Wave, il semble que la source qui charrie la musique psyché soit située au Texas.
L’ÂME
DE FOND
Il y a les gens qui vont voir invariablement tous les films de Kad Merad. Il y a les gens qui ont l’impression que n’importe quel médicament fait partie d’un complot du gouvernement quand on sort de cette solution unique à tous les problèmes que représente cette bonne vieille aspirine. Il y a des magasins de disques qui passent leur journée à établir un rayonnage pour déterminer un sous-genre dans lequel on va classer une série de groupes qui n’auraient pas grandchose à se dire si on les rangeait de la même façon dans un hangar. Comme on ne jettera même pas un coup d’œil à une Hemnes ou une Regissör chez Ikea car on cherche simplement sa dixième étagère Billy. Bref, de la même façon, il existe une zone de confort qui fait qu’on n’écoute pas un groupe quand on n’en a jamais entendu parler. « Encore un de tes groupes inconnus, hein ? » Ça va, inutile de créer une hiérarchie et des zones d’ombre artificielles. Un groupe cool que tu ne connais pas est à peu près aussi compliqué à écouter qu’un groupe pas cool que l’humanité entière connaît. Et le disque a, à peu de choses près, la même taille quand tu le poses sur la platine. Alors prenons une chanson à la fois. Elle te plaît ? Bien, alors continuons jusqu’à la prochaine. Franchement, tu verras, l’exercice revient à acheter une vieille maison, casser un mur et découvrir un tas de lingots caché là depuis des plombes. Holy Wave est parfait pour commencer ce processus car la pop psyché ne mettra jamais un coup de cutter dans ce nouveau contrat de confiance qui vous unit. Brian Jonestown Massacre, The Black Angels… ces groupes n’ont jamais vendu leur âme pour réussir et sont bien trop sous les radars pour faire une pub pour Volkswagen. Ils resteront pour toujours dans cette case confidentielle qui favorise l’intime. AA Holy Wave + Mellow Pillow + Burnside, mercredi 13 avril, 21 h, Void
Quatre musiciens, quatre pays, quatre cultures, toutes et tous différents, avec comme point de ralliement le goût de la mélodie. Le Hawniyaz Ensemble raconte ses mille et une nuits.
MOUSQUETAIRES
D’ORIENT
Ils arrivent d’Azerbaïdjan, d’Iran, de Turquie, et même d’Allemagne, avec le passeport commun d’une musique qui se joue des frontières. Apparu il y a quatre ans, le Hawniyaz Ensemble combine des patrimoines musicaux dont chaque membre est à son tour le porte-drapeau. La voix d’Aynur Dögan, la chanteuse turque, peut facilement entonner un couplet en kurde ou en turc, et son premier album (2002) en apporte des preuves de taille. Elle est (peut-être ?) la plus connue du public, après sa participation à Crossing The Bridge, le documentaire musical signé Fatih Akin qui dressait un portrait coloré de la vivacité sonique d’Istanbul. Tout près se tient Kayhan Kalhor, l’Iranien passionné de rythmes et de timbres kurdes et turcs. Kalhor pratique le kamânche, sorte de violon qui se joue à la verticale. Son bagage classique iranien en fait une figure des Masters of Persian Music, mais l’homme est éveillé et il a pu aussi croiser le bois avec la musique indienne, et même avec le Kronos Quartet. Comme pour Aynur Dögan, le cinéma a également fait appel à ses services, et il a notamment signé une bande originale pour Francis Ford Coppola (L’Homme sans âge). Plus imprégné de jazz, le pianiste Salman Gambanov porte les codes de la tradition d’Azerbaïdjan, en les combinant par une méthode très personnelle à l’improvisation. Et si d’un côté, il relève en permanence le défi du jazz contemporain avec son Batustik Jazz Ensemble depuis bientôt vingt ans, de l’autre il fait entendre une voix essentielle au sein du Hawniyaz Ensemble. Le plus « trad » de la bande pourrait bien être l’alévi d’origine kurde (né en Allemagne) Cemil Qoçgini, dont la pratique musicale intègre une dimension religieuse ancestrale. Par la nature sacrée du tâmbur, qui n’est pas un instrument de percussion mais une sorte d’ oud qui constitue l’un des quatre instruments de base de la musique classique turque. On mesure ainsi l’étendue du spectre qui s’établit à partir de ces quatre entités solides et souples à la fois. Le Hawniyaz Ensemble, en agrégeant des sources voisines mais distinctes, inaugure un genre fédérateur où les traditions perse, turque et kurde se retrouvent dans un langage commun. Qui laisse songeur... José Ruiz Aynur Dögan & Kayhan Kalhor « Hawniyaz Ensemble », jeudi 28 avril, 20 h 30, Le Rocher de Palmer, Cenon.
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Entre Ty Segall et Thee Oh Sees, Meatbodies montre une science remarquable pour donner une partition à la crasse.
EXPECTO
PATRONUM Un petit garçon reçoit en cadeau une boîte de vingt-cinq soldats de plomb. L’un d’entre eux se distingue car il n’a qu’une seule jambe. Quand les soldats sont rangés avec les autres jouets, le pauvre unijambiste remarque alors parmi eux une danseuse, levant la jambe si haut qu’il ne la voit pas. La croyant comme lui, il se dit que la danseuse serait une épouse idéale. Le soir, quand les gens de la maison sont couchés, tous les jouets s’animent. Le vieux soldat de plomb – lui – reste immobile et fixe des yeux la danseuse. Ok. Vingt-cinq gonzes d’un côté, une danseuse de l’autre. Inatteignable. Et en même temps, avec un discours a priori similaire. Le Stoïque Soldat de plomb. Ce conte d’Andersen est aussi la sempiternelle histoire d’un public immobile avec une bière à la main – stoïque – face à un groupe sur scène dont on attend sa propre compensation en débordement. On regardait Kurt Cobain en acclamant hystériquement son instabilité, mais dès qu’on se rasseyait, on bossait pour avoir de bonnes notes. On hurlait à la lune quand Mötley Crüe éradiquait une chambre d’appart à l’autre bout du globe, mais on faisait poliment traverser mamie sur les passages cloutés dans la même minute. Meatbodies offre tous ces trucs que tu ne t’autoriseras pas demain : la castagne, l’excentricité et les casquettes de truckers moches. On est en plein cœur de la scène psyché-garage du crew Ty Segall : Chad Ubovich a joué avec Mikal Cronin et dans Fuzz, Corey Hanson est dans Wand et Erik Jimenez dans Together Pangea. Si ces groupes n’étaient pas vénérés par des niches, on deviendrait hystériques et on parlerait de all‑star band. Typiquement la danseuse qu’il faut à ton stoïcisme. AA Meatbodies + Titanic, vendredi 15 avril, 20 h 30, Rock School Barbey.
www.rockschool-barbey.com
La vocaliste argentine La Yegros mêle l’héritage de la cumbia à des éléments de hip-hop, de dub et d’electro.
¡ EL RITMO !
Elle a passé sa vie entre le sud de la France et Buenos Aires, où elle fut élève au Conservatorio de Música. La France et l’Argentine : deux terrains favorables aux expériences de monde global, à l’internationalisation des projets, à la musique « world », en un mot, comme on dit quand vient le moment d’étiqueter les disques dans les bacs. Passionnée de cumbia, parmi d’autres formes de musiques et danses sud-américaines, La Yegros s’est visiblement aussi intéressée de près aux sonorités africaines, jamaïcaines, au dub, à la musique indienne… Indiscutable point fort de sa success story, la Señorita a eu le privilège d’être repérée et accompagnée par le producteur musical King Coya ; lui-même maestro de la cumbia electro avec quelque vingt-cinq années d’expérience à mixer electronica et musiques traditionnelles de son pays. Un pionnier qui l’a aidée à se mettre en selle pour ses premières scènes, ses premières incartades européennes (le festival Roskilde, au Danemark, notamment), et qui l’a présentée au label ZZK Records, la maison de disques de la capitale argentine spécialisée dans la vague electro-cumbia. Le style n’a pas tardé à se faire labelliser « Nu Cumbia » et La Yegros, dont la féminité contraste au sein d’un milieu bien masculin, a vite gagné le surnom de « Reine de la Nu Cumbia ». Comme le suggère un des titres de son nouvel album, sa musique produit sur l’auditeur l’effet de la chicha, cette boisson des Andes issue de la fermentation du manioc, du maïs jora ou d’arachides et additionnée de morceaux de fruits. Un drôle de mélange, mais tout à fait grisant. GW La Yegros + invité, mercredi 27 avril, 20 h 30, Rock School Barbey.
www.rockschool-barbey.com
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SONO MUSIQUES TONNE
Deux petits disques, mais très fidèles à la fois à l’identité du groupe et à sa méthode, douce et lente. Cette sorte de philosophie transpire dans la musique de A Call At Nausicaa, le moins rock’n’roll des rock bands locaux.
PORCELAINE Ça vient sans doute de leur apprentissage. Le conservatoire ne prépare pas à la pop, mais y contribue. C’est de cette école que sont issus les cinq membres de A Call At Nausicaa. On imaginait bien qu’avec un nom pareil, et les références qu’il trimballe, on n’avait pas affaire à un gang de rap. Ici, on convoque Homère et Hayao Miyazaki, et on la joue cool. On cite Schönberg et Animal Collective dans un faisceau d’influences, où Stooges et Ramones n’ont pas leur place, mais où l’on se réfère à une musique folk qui a davantage à voir avec Sufjan Stevens qu’avec Phil Ochs. Cette dimension, dans les couplets de ACAN, se trouve précisément dans l’intimité, l’extrême proximité qu’installe le quintet. Instruments acoustiques, tempi suaves et strophes travaillées. L’anglais est l’idiome naturel car, en bon élève du conservatoire, Jean Grillet, le chef d’orchestre d’ACAN, avance que la pop se chante en anglais comme l’opéra se chante en italien. Et tant pis pour Wagner, Mozart et Bizet. En formant un groupe où trônent un violon et un violoncelle, tenus par deux jeunes femmes également chanteuses, Jean Grillet et ses complices entendent explorer, inventer des combinaisons inédites entre cordes frottées et voix féminines, en les portant vers l’avant. Ainsi fonctionne le groupe : par touches, légères, pas à pas, car depuis 5 ans il ne s’est pas précipité pour se faire entendre. Alors que paraît le deuxième EP, Grand feu, on sent la formation bien partie. Elle seule connaît peutêtre la destination... JR A Call At Nausicaa + Sahara + Les Sauvages colorés,
mercredi 6 avril, 19 h, Le Krakatoa, Mérignac.
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JUST PICK FIVE Entré dans les locaux comme stagiaire en 1997, Nicolas Pradeau est aujourd’hui responsable des programmes de Nova Sauvagine. Pilier FM local, la station indépendante, très élégante dans ses playlists, avait dû assurer, en 2005, la transition vers Nova. Malgré ce que l’on croit parfois, la programmation est restée autonome et l’antenne des Chartrons ne s’est pas « fait bouffer » par l’ogre parisien. « Si tu entends un morceau pourri à toute heure, ce n’est pas de la faute de Paris qui nous impose des trucs, c’est la mienne ». Propos recueillis par Arnaud d’Armagnac
The Supremes, Where Did Our Love Go (Motown, 1964)
Blade Runner (EMI, 1982)
Qu’est ce qu’il y a de mieux qu’un Supremes ? Un Chet Baker ? Un Nat King Cole ! ? J’adore les claps du début, les cuivres qui arrivent à la fin. C’est parfait. Un morceau mid-tempo assez dépressif. Les couples se forment mais sur un morceau qui n’a pas trop la patate, quoi. C’est comme Can’t Take My Eyes Off You de Frankie Valli. Tu vois l’utilisation qu’ils en font dans le film Voyage au Bout de l’Enfer ? Le mariage avant qu’ils partent à la guerre. Hyper festif et triste en même temps. Tu embrasses la fille mais après tu attends son mec pour la bagarre, et ces morceaux conviennent très bien aux deux émotions.
J’empruntais tout le temps des VHS au vidéo club du Haut-Lormont. Mes premiers achats de musique ont été liés au cinéma. J’avais la cassette de Blade Runner dans mon walkman. La bande-son officielle du film, mais un orchestre rejouait la musique car il y avait des problèmes avec Vangelis. Tu avais cette ballade One More Kiss Dear hyper années 1950, très crooner, qui colle parfaitement à l’ambiance film noir. J’ai découvert beaucoup de musique grâce aux films. Brian Ferry de Roxy Music dans les Feux de la Nuit par exemple, avec Michael J. Fox en yuppie junky. Tindersticks, Simple Pleasure (Island records, 1999) Ça fait partie des premiers disques que j’ai passés à la radio et je le passe aujourd’hui encore. Ce n’est pas de la nostalgie. Tindersticks n’a jamais déçu, c’est rare cette constance dans la pop. Morrissey ou The Flaming Lips n’y sont pas arrivés malgré la qualité de leur travail par ailleurs. C’est un groupe qui sait jouer sur les silences. À l’époque, j’étais à fond dans Curtis Mayfield et cet album était très soul, ça m’a parlé. C’est presque du Al Green. Les rockers les ont lâchés à ce moment-là. L’album n’a pas été pigé. Chromatics, In The City EP (Italians Do It Better, 2006) Dans la même idée que LCD Soundsystem, c’est la fusion parfaite entre electro, pop et musique de films. Le gars s’appelle Johnny Jewel, il a trois groupes très différents : Desire très new wave, Glass Candy plus festif et Chromatics plus pop. Ce morceau In The City est un OVNI total. Ce n’est pas forcément dansant, mais c’est un de ces rares morceaux tristes qui fonctionnent en soirée.
Alors, à ce top, on ajoute obligatoirement le disque qui est sur ta platine aujourd’hui, c’est le plus sincère puisque tu viens de l’écouter. Max Richter, Sleep (Deutsche Grammophon, 2015) Ce sont en fait des extraits d’une pièce qui dure huit heures et qui, comme son nom l’indique, est faite pour dormir. Sur le papier, ça peut paraître expérimental, mais c’est là que le mec est bon, c’est hyper-accessible. Il a aussi signé la B.O de Valse avec Bachir ou de la série TV The Leftovers. On est bien sûr dans la musique minimale, des trucs comme Philip Glass ou Brian Eno, mais Richter arrive à un degré d’épuration incroyable. Il résiste à la tentation de rajouter le truc en trop. C’est dans la retenue, l’élégance totale. Jarvis Cocker avait dit dans la presse que c’était son disque de l’année
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Hey Nicolas, donne nous le top 4 des disques qui ont changé les choses pour toi.
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Dans la lignée de Gary Glitter, The Sweet et T-Rex, Giuda reprend le glam rock précisément là où Margaret Thatcher l’avait enterré.
GIALLO GLAM Imaginons une soirée en 1973, où YouTube™ ne se substitue pas encore à un vrai DJ. Un col pelle-à-tarte, un pantalon qui menace ta fertilité et toi qui peux discuter peinard de la crise du pétrole. Hot Love de T-Rex, Saturday Night’s Alright For Fighting d’Elton John, Cum On Feel The Noise de Slade, All The Young Dudes de Mott The Hopple, Ballroom Blitz de Sweet, David Bowie, Suzy Quatro, Gary Glitter… la dernière B.O. cool pour être un adolescent avant un bon moment, mais on ne le sait pas encore. Le manager de Slade expliquait à l’époque : « le glam a marché dans les pas de la culture skinhead » (comprendre « l’originale », celle qu’on peut voir dans le film This Is England), « ces groupes appartiennent au même terreau que les fans typiques de football ». Rien d’étonnant donc que les mecs les plus à même de décortiquer la recette authentique pour la transposer à 2016 soient des Italiens. On reste dans un schéma social satisfaisant pour les démographes. Une batterie super catchy, des mélodies imparables et l’énergie à déflagration des premières vagues de punk : Giuda est un générateur assez impressionnant de tubes. Alors, certains objecteront que c’est au pire un plagiat, au mieux un vulgaire hommage. Oui et dans un autre contexte, ce serait sûrement révoltant. Comme quand l’industrie de la musique réussit à effacer ses grosses ficelles des mémoires pour mieux les vendre au prix fort une deuxième fois. Giuda s’en tamponne : on parle de glam rock, pas de DJing à Ibiza ou de gros chèques. Ces mecs veulent juste que leur disque soit joué par ce DJ de 1973 sans avoir à rougir. Volontiers stupide, ne niant jamais vouloir être totalement rétro, le groupe ne jongle à aucun moment pour masquer ses références. Cela déplaira probablement aux théoriciens, mais fera danser absolument tous les autres. AA Giuda + The Anomalys, mardi 19 avril, 20 h 30, Le Bootleg
www.allezlesfilles.net
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Un véritable franc-tireur, ce Patrick Watson ! Multi-instrumentiste – piano, accordéon, guitare –, chanteur, compositeur, construisant à chaque nouvel album un épisode différent de son épopée. © Flavien Prioreau
D. R.
© Clyde Henry
SONO MUSIQUES TONNE
ÉLÉMENTAIRE C’est avec la curiosité émerveillée d’un enfant que le Californien conçoit son évolution artistique dans le monde, se disant presque ignorant des chapelles et des figures tutélaires du rock. Sa formation classique ? Il proclame qu’elle lui fut imposée et que c’est malgré lui que Chopin constitue le socle sur lequel s’est bâtie, étape par étape, sa trajectoire. Difficile, il est vrai, d’ignorer ce bagage-là, où, plus tard, Debussy et Satie ont trouvé leur place. Patrick Watson ne ressemble à personne d’autre. Ses albums présentent chacun une identité propre, où l’on retrouve le goût du musicien pour les orchestrations fouillées et pour les parties instrumentales. D’ailleurs, le néo-Montréalais revendique une utilisation personnelle de la voix, qu’il place par-dessus le piano en s’inspirant d’Erik Satie. Autant de références disparates, d’influences successives qui sont arrivées dans sa vie par strates, et qui constituent aujourd’hui un édifice bien baroque (barré ?). On peut considérer que Nick Drake, ses compositions floconneuses et sa voix éthérée en sont les piliers. La liberté d’improvisation d’obédience jazz entre aussi de plain-pied dans sa méthode. Si l’on y adjoint l’opulence (un peu gluante) de Supertramp, qu’il cite parmi ses inspirations originelles, on a une bonne idée du marécage fécond dans lequel patauge gaiement notre héros. Son dernier album, Love Songs for Robots, à l’instar de chacune de ses livraisons, correspond à une autre révélation. Watson ne veut pas devenir un robot, tel est le constat qu’il dresse les années passant. « Beaucoup de mes réactions émotionnelles étaient des réponses mécaniques, ce qui m’a énormément influencé » avouait-il au moment de l’enregistrement. Donc, pas de machines sur scène, c’est bien son groupe qui l’accompagne. JR Patrick Watson,
mardi 19 avril, 20 h, Le Krakatoa, Mérignac.
www.krakatoa.org
Casting 5 étoiles de la scène électronique berlinoise, Moderat revient aux affaires avec un troisième album, prétexte à tournée et rappel de leur suprématie sur le genre.
MANNSCHAFT Toujours à court de vocabulaire, la presse n’a eu de cesse de présenter Moderat comme une espèce « d’hybridation », au simple motif que la formation réunissait Apparat (Sascha Ring) et Modeselektor (Gernot Bronsert et Sebastian Szary). Comme si les uns venaient du doom et l’autre de l’IDM… Bref. Toutefois, une certitude, ce « super » groupe n’a pas dilapidé son talent en produisant à outrance depuis son premier EP, Auf Kosten Der Gesundheit, publié en 2002 sur Bpitch Control, étiquette chic d’Ellen Allien. Une demi-douzaine de 12 pouces et trois formats longs, cela relève presque du jansénisme au pays du BPM. Il faut dire que les choses n’ont réellement pris forme qu’en 2009 avec l’éponyme Moderat, acclamé comme il se doit par les professionnels et le public. En outre, la belle alliance n’a jamais signifié la mise entre parenthèses des carrières respectives. Enfin, on imagine aisément le trio peaufiner méticuleusement chaque détail, du travail en studio à sa puissante identité visuelle, signée Siriusmo (alias du producteur Moritz Friedrich), évoquant furieusement l’univers de Charles Burns. Dépassant son pré carré minimal au profit d’une vision englobant autant le dub que la house, le R&B que le glitch, Moderat a su plus que ces homologues – on pense évidemment à Supermayer, cette autre hydre germanique unissant Superpitcher et Michael Mayer –, infuser du populaire dans l’underground et vice versa. On aurait même la faiblesse de penser que cette somme de talents dépasse les qualités individuelles… MAB Moderat,
lundi 2 mai 20h30, Le Rocher de Palmer, Cenon.
www.lerocherdepalmer.fr JUNKPAGE 3 3 / avril 2016
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Le retour des beaux jours ne concerne pas H ø R D, projet musical et visuel tout en froideur synthwave. Urbain et mélancolique, son monde est post-gothique.
NOUVEL HØRD Sébastien Carl est l’âme du projet H ø R D. Il vit sous les toits, rue SaintJames. En guise de table de nuit, juste à côté de son grand pieu, il a installé un véritable studio d’enregistrement. « J’ai tout ce qu’il faut : un ordinateur, une carte son, un micro. J’ai un avantage : je fais de la musique qui passe par des jacks. Je n’ai pas de batterie non plus, mais des boîtes à rythmes. » La dernière fois que nous l’avions accueilli à la table de Junkpage, il caressait le projet de sortir un maxi, quelque chose de très « années 1980 ». Rien de nouveau sous le soleil noir de la mélancolie : « Je suis en train de réfléchir à un format de EP. Quatre ou cinq titres. » « Un maxi avec des versions extended “spécial discothèques” ? » le taquine-t-on aussitôt, pour l’entendre rétorquer : « Je ne fais pas une musique très orientée sur la danse, mais bon... Je ne fais pas une musique plombante en live non plus, alors pourquoi pas ! Les gens bougent quand même. Enfin, ils se dandinent. On peut imaginer un remix club. » En attendant, il a sorti un 45 tours, coproduit par les petits labels de référence Anywave et Stellar Kinematics, soutenus dans cet effort par les trublions bordelais Ol’ Dirty Dancin’. « On avait fait deux tirages : un blanc – un peu collector – et un noir. J’ai vu sur les pages web des labels que tous les exemplaires blancs étaient partis. Et pour le noir, je crois que ça ne s’est pas trop mal passé… » Dans la foulée, un premier album signé H ø R D a paru. Format digital et vinyle. Un vrai disque, produit par le label européen Giallo Disco (BristolBerlin-Vienne). Seb de H ø R D avance calmement mais sûrement, discret mais efficace, à la fois pop et électronique, et foncièrement dark, parfois à la limite d’une froideur martiale. « Les gens semblent aimer. » Speak/Let Them Burn (Anywave/Stellar Kinematics/Ol’ Dirty Dancin’) Focus On Light (Giallo Disco Records) www.facebook.com/hordmusic
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Judy Chicago, EU 4 Birth Tear E2
EXPOSITIONS
Figure légendaire de l’art féministe, Judy Chicago n’a pas encore été consacrée par les grandes institutions. Pourquoi cette exclusion de l’histoire officielle de l’art ? L’exposition présentée au CAPC musée d’art contemporain s’interroge sur ce blocage et montre toute la force subversive et sensible de cette œuvre défiant la norme masculine encore dominante.
ÉPIQUE
CHICAGO L’art féministe se développe aux États-Unis au début des années 1960. Il s’agit alors d’ouvrir des espaces d’action et de pensée hors des cadres admis et des injonctions culminantes, dans une époque où le phallocentrisme impose son pouvoir. L’expérience socioculturelle des femmes est placée au cœur de la création. Les apports féministes à l’art sont montrés : introduction du contenu émotionnel et autobiographique, valorisation de l’art populaire, remplacement de l’image centrée (en référence au sexe féminin) par des collages multiples. Née en 1939, Judy Chicago refuse très vite d’être un « objet » pour satisfaire les besoins des
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hommes, et s’affirme comme « sujet » en capacité de satisfaire ses propres besoins et désirs : « Une femme est un non-être. Ce non-être est debout dans son atelier et cherche des yeux des matériaux pour produire son art. L’histoire de l’art qu’elle a à sa disposition est une histoire écrite par des hommes. Les idées sur l’art et sur ce qui est important dans l’art sont fondées sur ce qui sert aux hommes et sur les expériences des hommes. » Artiste, mais aussi enseignante et théoricienne, elle utilise sa réflexion, son savoir-faire artistique et son regard pour transmettre une autre vision de la société, dessiner un autre possible, plus respectueux et égalitaire. Elle se revendique
comme une passeuse d’idées par les formes qu’elle crée, et les positions qu’elle défend. Ses œuvres ouvrent à d’autres conceptions de la vie et offrent des modèles de résistance où la féminité se manifeste comme une force active. En 1970, Judy Chicago élabore le programme d’art féministe qu’elle inaugure à l’Université d’État de Californie, située à Fresno. En 1972, elle initie, avec l’artiste Miriam Schapiro, la Womanhouse, un espace qui encourage les étudiantes à prendre la parole et à évoquer leurs conditions de vie par la réalisation d’installations et de performances poignantes (des scènes de viol, de violence domestique), drôles ou dérangeantes (la salle de bains emplie de cotons menstruels). De 1974 à 1979, elle confectionne son œuvre la plus célèbre The Dinner Party, appartenant maintenant au Brooklyn Museum de New York. C’est une installation composée d’une table triangulaire pour 39 convives, toutes des femmes célèbres depuis l’Antiquité. Kali, Sappho, Aliénor d’Aquitaine, la reine Elisabeth Ire, Emily Dickinson, Virginia Woolf et Georgia O’Keeffe siègent parmi les invitées. Chaque place comporte un chemin de table brodé au nom d’une des figures féminines convoquées ainsi que des images ou des symboles qui lui sont liés, une serviette, des ustensiles de cuisine, une coupe et une assiette. Beaucoup d’entre elles portent un relief en forme de papillon ou de fleur symbolisant une vulve. The Dinner Party repose sur un socle, appelé « plancher du patrimoine », de forme triangulaire, fabriqué de carreaux
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© Judy Chicago
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blancs sur lesquels figurent les noms de 999 femmes mythiques et historiques. Cette pièce monumentale transgresse les codes du discours formaliste moderniste (objet esthétique pur, sans affect et non populaire) par l’utilisation de la culture savante et du kitsch domestique. L’utilisation d’images du sexe féminin et de techniques artisanales est un acte politique de refus de l’universalité masculine. The Dinner Party a choqué l’Amérique conservatrice et provoqué diverses réactions dans le milieu de l’art. Cette œuvre, inaugurale de l’art féministe « épique », a été vue par plus d’un million de visiteurs au cours des seize expositions qui l’ont montrée. Cette exposition, signée par Xabier Arakistain, propose une sélection d’œuvres visuelles et d’écrits qui retrace plus de cinquante ans de la production de cette pionnière de l’art féministe. L’exigence d’être au plus près des évolutions de ce parcours l’amène à un étrange parti pris consistant à compenser l’absence de certaines œuvres par des reproductions sur papier photographique au format de l’œuvre originale ; se trouve ainsi assurée la continuité d’une traversée des différentes étapes par des séquences en mode documentaire, au prix d’une interrogation flottante et parfois troublante du regard. Dans les années 1960 et 1970, Judy Chicago produit des peintures à partir de formes circulaires ou de vibrations florales, en écho aux parties génitales de la femme. Elle propose aussi une série de performances sur le personnage de la « femme au foyer ». Elle s’intéresse également à la pyrotechnie et crée des « atmosphères » à la sensibilité plus féminine.
Dans la période 1980-2000, elle se concentre sur l’histoire, celle bien sûr de la pensée féministe, de la culture populaire et des valeurs religieuses, mais aussi celle de l’Holocauste : « Quand on regarde le monde autour de nous, le génocide n’est pas une chose du passé. L’impossible est devenu possible. L’Holocauste n’est pas une aberration. Il est né d’une structure d’oppression et d’injustice sur la planète. Nous voulons proposer une autre sorte de monde, fait de justice et de partage quels que soient les cultures, les races, les genres, les espèces, les ethnies et la géographie. Peut-être n’atteindra-t-on jamais une telle vision, mais il nous semble que c’est un but vers lequel on devrait tendre. » Elle souhaite ainsi participer à une paix des communautés et des religions, « une vision positive pour le futur ». Le 26 avril 2014, en collaboration avec le photographe Donald Woodman (son mari) et le pyrotechnicien Chris Souza, elle imagine et réalise, en partant d’un de ses motifs artistiques les plus connus, le papillon, un feu d’artifice de 20 minutes couvrant les 12 km2 de Prospect Park, à Brooklyn. Elle pratique aussi la peinture sur porcelaine, la couture et la broderie. Why not Judy Chicago ? est un appel à la reconnaissance d’une grande artiste si intensément engagée dans sa lancée qu’il n’y a jamais chez elle de pause durable entre les élans et les envies qui se succèdent. Didier Arnaudet Why not Judy Chicago ? jusqu’au dimanche 4 septembre, galeries Foy & Ferrère, 2e étage, CAPC musée d’art contemporain.
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© Claude Roucard
EXPOSITIONS
Sous la houlette de Pierre Brana, le Centre d’art contemporain du Château Lescombes, à Eysines, accueille une exposition rétrospective, dédiée à l’œuvre de Claude Roucard.
VIVRE ET LAISSER MOURIR Dans le sillage de Claude Roucard, on trouve des citrouilles et des tomates, des meules de foin, des tas de bois, des arbres… Une suprématie de motifs ruraux, qui ne trouve a priori que peu de signes avant-coureurs dans ses œuvres inaugurales et abstraites, si ce n’est peut-être dans la rémanence ponctuelle et formelle de boursouflures. Pour autant, ces œuvres non-figuratives de jeunesse tirent leur essence d’une réalité plus que tangible. Nous sommes dans les années 1960, Claude Roucard est professeur de dessin en Guadeloupe. « À l’époque, raconte-t-il dans un entretien accordé à Jean-Paul Coissy1, j’avais deux centres d’intérêt (…) : le débarquement des vaches d’Amérique du Sud alignées sur le pont des bateaux à ciel ouvert qu’on sortait en les levant par les cornes et l’éléphantiasis des membres, une maladie des tropiques. Curieusement, les très nombreux dessins de vaches promenées dans l’espace et l’étude au fusain des cas cliniques d’éléphantiasis m’ont amené aux formes suspendues, traitées en faible ou fort volume à partir d’un papier travaillé à l’encre d’imprimerie puis gravé et repoussé pour obtenir un relief ensuite marouflé sur toile et bourré de coton ou de sable. » Réunies sous le titre générique de « Formes », ces pièces seront présentées en 1976 à Paris, à
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la Galerie de France, là où il n’est pas inutile de rappeler que s’exposaient alors les grands maîtres de l’art abstrait (Hartung, Manessier, Poliakoff, Soulages, Zao Wou-Ki,…). Sans abandonner irrévocablement cette voie, il aborde par la suite un nouveau territoire plastique qui se fait l’écho de mutations d’ordre personnel : il arrête l’enseignement, prend ses distances avec les milieux parisiens et s’exile à Pélissier, à la frontière du Lot et de la Corrèze, où il métamorphose une vieille grange en atelier, renouant ainsi avec ses origines (Claude Roucard est né à Brive en 1937). Une sarabande de thèmes rustiques fait alors son entrée. Si l’ancien diplômé de l’école des BeauxArts de Bordeaux s’attache aux cucurbitacées ou aux arbres, l’approche de l’altérité l’emporte sur l’étude archétypale. Aussi, plus que l’ordre générique des espèces, son regard choisit quelques spécimens, en l’occurrence deux : « un énorme châtaigner de l’Île-de-France, à Vaugrigneuse, que je connais et fréquente depuis quarante ans, le second, un hêtre majestueux et solitaire au milieu d’un grand pré à deux kilomètres de Bugeat ». Pareillement, ses natures mortes de citrouilles, de tomates, de champignons, de blettes et de pâtissons arborent des dimensions parfois vertigineuses (plus de deux mètres) et refusent
les mises en scène savamment composées pour préférer exhiber leur individualité. Se déroule alors, d’un pastel à l’autre, sur le même motif, l’ambiguïté de l’équivalent anglais still life (littéralement « vie immobile ») d’une nature inanimée qui, loin de se cantonner à son unique dimension mortifère, dévoile un souffle vital soumis à l’inéluctable processus de dégradation. Un indice qui met en perspective l’ensemble de l’œuvre de Claude Roucard dont les réalisations sont présentes dans les collections du Fonds National d’Art Contemporain et du Musée d’Art Moderne de la ville de Paris : « abstrait ou figuratif importe peu, ce qui compte c’est de savoir, comme le dit si bien Philipe Sollers, si la présence de la mort qui nous accompagne du début à la fin de la vie, se fait ou non sentir dans une œuvre ». Anna Maisonneuve 1. Toutes les citations de l’article sont issues de cet entretien dont l’intégralité est disponible sur le site :
www.paintings-directory.com/galeries/claude-roucard
Claude Roucard,
jusqu’au dimanche 22 mai, Centre d’art contemporain du Château Lescombes, Eysines.
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La 26e édition d’Itinéraires des Photographes Voyageurs reprend ses quartiers printaniers. Un mois pour découvrir le regard de onze photographes qui se partagent un peu moins d’une dizaine de lieux : Espace Saint-Rémi, salle capitulaire Cour Mably, Marché de Lerme, Bibliothèque du Grand-Parc, Voyageurs du Monde, L’Ascenseur Végétal, Le Rocher de Palmer et Arrêt sur l’image galerie.
LE MONDE
DANS
YEUX
« La monotonie donne un relief extraordinaire aux moindres événements. » Dans la bouche d’Ella Maillart, ces mots se nimbent d’une dimension supplémentaire. Écrivaine et journaliste « par nécessité », photographe « par goût », cette pionnière accomplit dans la période de l’entre-deux-guerres des voyages qui pour l’époque font figure d’exception : la Chine, le Turkestan, la Turquie, l’Inde, l’Iran, l’Afghanistan… L’aura portée par cette femme fascinante a sans nul doute initié de nombreux rêves, enfanté de nombreux appétits. Par ricochet, Ella Maillart a motivé le rendez-vous bordelais dédié aux photographes voyageurs, lancé il y a maintenant 26 ans par Nathalie Lamire Fabre de la galerie Arrêt sur l’image et Vincent Bengold du studio Pixels et Grains d’argent. Pour cette édition, ils ont sélectionné onze passionnés de l’image instantanée. Comme toujours, le voyage est ce qui réunit ces esthétiques singulières. Derrière elles, s’immisce la force motrice d’une recherche qui n’accorde que peu de parenté avec celle du touriste : cet étranger séparé de son pays par une couche atmosphérique qu’il transporte avec lui, pour paraphraser Valery Larbaud. La découverte des strates d’un réel capable de se mâtiner aussi de fiction se fera à la faveur d’Anne-Lise Broyer avec sa suite de miniatures photographiques oniriques « Au Roi du bois » ; Stephan Girard et sa pratique d’une quête presque leirisienne qui consiste pour reprendre les termes de l’ethnologue et écrivain français « à trouver des sources de merveilleux, non dans ce qui […] dépayse, mais dans la “réalité nue” de la vie la plus ordinaire ».
© Céline Clanet
LEURS L’expédition se poursuivra avec les chroniques rurales d’Olivier Gouéry et s’offrira une incursion dans l’arrière-pays aride australien (Kalian Lo), si ce n’est à Rome, Istanbul (avec Guillaume Millet), en Grèce (Patrick Taberna), au cœur du « Cheap Land » (Richard Petit) ou en République Démocratique du Congo à la rencontre des rituels initiatiques des femmes des Ekonda (Patrick Willocq). Pour les territoires les plus reculés du globe, il faudra suivre David Bart et sa série géologique réalisée en Islande, Jef Bonifacino et ses périples en extrémités septentrionales ou encore Céline Clanet qui a choisi pour sa part de pousser sa route au-delà du cercle polaire dans le village de Máze, en Laponie norvégienne. Une région qui cristallise les songes d’enfant de cette photographe passée à Arles par l’École Nationale Supérieure de la Photographie. « C’est un lieu qui m’intéressait depuis toute petite. J’avais lu l’histoire de Nils Holgersson qui allait en Laponie sur le dos de son oie. Quand j’ai commencé à m’y rendre j’ai trouvé ça encore mieux que dans mes rêves et mes fantasmes ». Pendant presque deux ans, Céline Clanet prépare son séjour. Elle fait des recherches, envoie des lettres manuscrites à une époque où la pratique du courriel n’est pas encore répandue, apprend le norvégien, passe son permis… « Il n’y avait pas beaucoup de travaux d’auteurs sur le sujet, mais plutôt des choses très documentaires, très ethnographiques, très “National Geographic”. Ça m’a encouragée en plus du fait que ce soit une région finalement assez peu connue du grand public qui la cantonne à certains clichés alors que c’est quand même le territoire des seuls indigènes d’Europe. » En 2005, Céline débarque donc à Máze. Un petit village de quelque 300 âmes perdu au milieu de la toundra avec rien autour à moins de 60 km. Ses échanges épistolaires lui ont permis de faire la rencontre de Trygve Lund Guttormsen,
un artiste renommé qui l’accueille au premier étage de son atelier. « J’ai rencontré ses enfants, qui m’ont présentée à leur famille, leurs amis, etc. très vite j’ai fait la connaissance de tout le village. » Lorsque Céline Clanet arrive à destination c’est le printemps, un printemps arctique très froid, « une saison clé pour les Samis. La lumière revient, ils ressortent dehors. C’est aussi pour les éleveurs la période de la migration des rennes », précise la photographe dont le projet s’étend sur cinq ans. « Les Samis parlent norvégien, mais pour certaines choses très techniques comme pour définir la qualité de la neige, le pelage des bêtes ou la manière dont le troupeau bouge, ils font appel au same, une langue finno-ougrienne. Leur culture est un croisement entre le chamanisme et un protestantisme très austère. Même s’ils ne sont plus nomades, ils ont encore gardé certains réflexes. Ils scrutent constamment le paysage et leur rapport au temps est très étiré. On pouvait rester 7 heures dans une caravane dans une forme de statisme et puis d’un coup, vite il faut se dépêcher, aller à tel endroit pour surveiller les rennes ou autre chose » raconte Céline dont les tirages sont exposés au Marché de Lerme. AM 26e Itinéraires des Photographes Voyageurs, du vendredi 1er au samedi 30 avril.
Rencontres
Vendredi 1er avril : 17 h, Bibliothèque du Grand-Parc, 18 h 30, Le Rocher de Palmer, Cenon. Samedi 2 avril : 10 h, Marché de Lerme, 11 h, Voyageurs du monde, 11 h 45, Espace Saint-Rémi, 15 h, salle capitulaire Cours Mably, 16 h 30, L’Ascenseur Végétal, 18 h, Arrêt sur l’image Galerie.
www.itiphoto.com
MARCHER, PENSER
La galerie Eponyme consacre une exposition personnelle au peintre Jean-Marie Blanchet, dont l’œuvre est présente entre autres dans les collections des fonds régionaux d’art contemporain Aquitaine et Limousin. Si ses peintures saisissent au premier regard par leur frontalité, c’est leur profonde ambivalence qui retient ensuite l’attention. Bien souvent, à la limite du tableau et de l’objet, jouant d’artifices, elles empruntent dans leurs compositions des références à l’histoire de l’art, à la sphère domestique comme au registre décoratif. Dans la série Wood (2014), à partir d’un jeu d’assemblage de formes géométriques rectangulaires, Blanchet peint chacun de ces éléments de manière à évoquer le matiérage des panneaux à copeaux de bois orientés. Avec Simili (2007), il réalise des monochromes sur cuir, les découpe en lanières puis les recoud. Le façonnage final de ces tableaux évoque celui de canapés. Dans la série Crush (2005), des moulages en plâtre de boîtes de céréales écrasées sont tous laqués avec de la peinture blanche et traversés d’une forme géométrique de couleur. Jean-Marie Blanchet donne ainsi de l’importance au geste. Il met en œuvre des principes d’abstraction et les relie au monde réel à travers des objets, des matériaux ou leurs évocations. Sa peinture s’affranchit par là de l’héritage formaliste américain pour offrir à l’abstraction des atours figuratifs empreints de références populaires. Jean-Marie Blanchet, jusqu’au samedi 9 avril, galerie Eponyme.
www.eponymegalerie.com
RAPIDO
© FENX
TRANSPEINTURE TATTOOS & CIGARETTES
Dédiée au street art, la gallery COX consacre une exposition à Loïc Le Floch, artiste parisien qui officie depuis 1995 sous le pseudo de Fenx. Nourri aux cultures graphiques des années 1980, entre mangas japonais, comics américains, superhéros et bande dessinée, Fenx débute dans la rue par le graffiti, puis se tourne assez rapidement vers une pratique d’atelier sur toile. Exposé dans plusieurs pays (ÉtatsUnis, Singapour, Hollande, Hong Kong, Norvège), son travail de peinture contient des références assez directes aux maîtres du pop art comme Lichtenstein. Il pratique volontiers le détournement de certaines des œuvres les plus célèbres et les truffe de références personnelles, de clins d’œil et de messages crypto-politiques. La féminité et l’érotisme sont parmi ses sujets de prédilection. Intitulée Smoke on the wild side !, la présente exposition réunit des toiles inédites représentant toutes des femmes à demi nues en train de fumer… Accessoire éminemment érotique, la cigarette, à la main ou à la bouche, engage un langage du corps avec lequel joue le peintre dans des portraits sur fond de couleurs vives. À l’invitation de Fenx, l’artiste bordelais Zee marqué par les mêmes références au pop art présente une série intitulée Girls with tattoos. « Smoke on the wild side ! », Fenx, COX Gallery, jusqu’au samedi 23 avril.
Le projet curatorial nomade de Nicolas Milhé et Céline Chabat, mené un temps sous le nom de Permanent Vacation, poursuit désormais sa route sous la signature de Loveatwork. À l’affiche de leur nouvelle exposition, présentée au 22 rue du Chai-des-Farines dans un lieu récemment rebaptisé le « Deuxième Bureau », sont réunis les travaux des plasticiens Yann Leto et Arnaud Ducasse. Diplômé de l’École des beaux-arts de Bordeaux en 2005 et autrement connu des nuits bordelaises comme batteur d’un groupe de rock, ce dernier revient ici à sa pratique de plasticien avec un film réalisé au cours d’une longue marche initiatique. Parti avec un petit appareil photo en guise de caméra sur la Via Podiensis, célèbre tronçon du chemin du pèlerinage de SaintJacques-de-Compostelle, Ducasse filme son quotidien de marcheur en quête d’aventures. Il se met en scène dans le paysage et capte les rencontres faites au gré des haltes journalières. À travers la marche comme processus de déplacement et moyen d’introspection, l’artiste crée de nouveaux espaces-temps, insinue du trouble parfois cocasse dans le réel et semble peu à peu établir une relation individuelle presque mystique avec la nature et le monde. Intitulé Révélations, ce film associe images documentaires ou contemplatives, visions psychédéliques et micro-récits burlesques avec une maîtrise souvent facétieuse des variations de styles. Yann Leto et Arnaud Ducasse, jusqu’au mercredi 20 avril, Deuxième Bureau.
love-at-work.tumblr.com
D. R.
© Arnaud Ducasse
DANS LES GALERIES par Anne Clarck
© Jean-Marie Blanchet
EXPOSITIONS
SOULÈVEMENTS
L’Agence Créative propose deux expositions itinérantes dans le Médoc dans ses deux TinBox mobiles. Conçus par Emmanuel Penouty et intitulés « J’en ai gros sur la patate », les deux projets s’intéressent à la question du langage et de son usage dans les sphères privée et publique. Ils questionnent entre autres les formes de prises de parole liées aux soulèvements populaires et à la protestation. Parmi les œuvres exposées, la photographie Anarchitekton de Jordi Colomer donne à voir un homme marchant dans la rue et portant à la manière d’une pancarte une maquette d’immeubles identiques à ceux présents en arrière-plan. Un changement d’échelle invitant à renouveler le regard sur notre environnement immédiat. De son côté, l’artiste bordelais Emmanuel Aragon présente une œuvre sur papier délivrant l’onomatopée « ROMPS CREUSE » crayonné en rouge avec insistance. Le sens parvient ici par la forme, vive, spontanée peut-être rageuse. « J’expérimente dans mon travail des manières de s’adresser à l’autre. Je cherche à préserver une forte dimension d’oralité, à toucher le moment de la venue des mots. En créant des textes sans ponctuation ni espace je provoque lors de leur lecture une expérience de concentration, de corporéité, d’où souvent la nécessité d’un temps d’accommodation, comme pour entrer dans une langue étrangère. » « J’en ai gros sur la patate », Emmanuel Penouty, Emmanuel Aragon, Jordi Colomer
Jusqu’au mardi 12 avril, Petite Tinbox, bibliothèque de Vertheuil. Du vendredi 1er au mardi 12 avril, Grande Tinbox, bibliothèque de SaintEstèphe. Du mardi 12 au vendredi 22 avril, Grande Tinbox, Accueil Collectif de Mineurs de la Garosse-CDC CentreMédoc, Saint-Sauveur.
www.galerie-tinbox.com
Le Cinémarges Club présente une exposition collective intitulée « Je vous souhaite d’être FOLLEMENT aimé » sur le thème des questions de genres et de sexualités. Commissariat assuré par Hervé Malgorn et Delphine Delas. Du jeudi 28 avril au vendredi 13 mai à la galerie Saint-François (29, rue Saint-François à Bordeaux). www.cinemarges.fr • Le M.U.R de Bordeaux accueille une fresque de l’artiste Landroïd, membre du collectif Parpaintres. Du vendredi 15 avril au dimanche 15 mai. Vernissage le 15 avril à 18 h avec restauration sur place. www.lemurdebordeaux.tumblr.com • Au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux, la deuxième édition d’« Écran : sons d’artifices », programme dédié au film et à la vidéo, présente Radio at night de l’artiste James Richards. Du mardi 12 avril au dimanche 5 juin. www.capc-bordeaux.fr • La galerie Silicone reçoit dans ses murs le travail conjoint des artistes/chercheurs Agathe Boulanger et Grégoire Devidal pour une exposition performance intitulée « La Conciliation ». www.facebook.com/siliconespace
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SCÈNES
Thierry Malandain © Olivier Houeix
La finale de la première édition du Concours de jeunes chorégraphes classiques et néo-classiques se tient le 24 avril à Biarritz. Une façon pour les trois Ballets du Grand Sud-Ouest – Bordeaux, Biarritz et Toulouse – de tirer le signal d’alarme sur l’état de la danse classique en France, parent pauvre des arts de la scène. Propos recueillis par Sandrine Chatelier
SURVIVRE ET RÉSISTER
Les six finalistes du premier Concours de jeunes chorégraphes classiques et néo-classiques présentent leurs créations à la Gare du Midi à Biarritz. Ce nouveau rendez-vous s’inscrit dans le cadre du Pôle de coopération chorégraphique du Grand Sud-Ouest, né en 2012, regroupant Thierry Malandain, Charles Jude et Kader Belarbi, respectivement à la tête des ballets de Biarritz, Bordeaux et Toulouse. Soit trois ballets et trois figures majeures portant l’esthétique de la danse classique de ses origines à ses formes les plus actuelles. Son but ? Défendre le langage classique. Explications avec Thierry Malandain à l’initiative du Concours. D’où vient l’idée de créer ce concours ? En danse classique, aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de relève. On ne peut pas dire que le classique est en train de dépérir, mais presque. C’est bien gentil de l’étudier dans les conservatoires, mais si c’est pour ne pas l’exploiter sur une scène, ça ne sert pas à grand-chose. Ce qui rend un art vivant, c’est la création. En France, les jeunes chorégraphes qui revendiquent un attachement au vocabulaire académique sont peu nombreux. On ne compte que 500 danseurs en CDI et peu de troupes comparé à d’autres pays. D’où la création de ce concours pour essayer de les valoriser et renouveler le répertoire. Il y a mille façons d’utiliser le langage classique !
que de former de bons amateurs. Les professeurs conseillent aux bons élèves, s’ils en ont les moyens, de poursuivre leur cursus à l’étranger. C’est la manie de notre pays de ne pas valoriser l’excellence au prétexte qu’elle serait un facteur d’intimidation sociale. À mon sens, c’est tout le contraire : c’est le but de l’humanité ! Comment s’est passée la sélection ? On a eu 32 candidats de toutes nationalités. Ils ont envoyé une vidéo d’une création personnelle. Mais beaucoup n’avaient pas compris l’objet du concours, le vocabulaire classique. Évidemment, ça va tellement à rebours de tout ! Ça peut faire un peu réac’, mais ça ne l’est pas du tout ! Si en France il y a un problème de relève, ce n’est pas le cas ailleurs : les propositions étrangères étaient largement supérieures. La chorégraphie, ce n’est pas seulement mettre des pas les uns après les autres ; c’est : « Qu’est-ce que l’on va raconter avec tout ça ? » Le talent, en somme. La maîtrise, et une personnalité. Il y a eu peu de candidats, en définitive… Ça reflète la réalité : on a limité l’âge à 35 ans car le but était de promouvoir de jeunes talents. Mais à cet âge-là, la plupart dansent dans des compagnies ; ils n’ont pas forcément la liberté de s’absenter. Cela a été la difficulté pour réunir les six sélectionnés pour la finale. Cela a dû limiter les candidatures. Et c’est vrai qu’on a lancé l’annonce en octobre… comme ça ! La première fois, ce n’est jamais simple. Comme toutes les choses nouvelles, ça peut surprendre. Mais une fois le rendez-vous établi, les candidats pourront s’y préparer. Les six finalistes sont vraiment de qualité.
« C’est la manie de notre pays de ne pas valoriser l’excellence au prétexte qu’elle serait un facteur d’intimidation sociale. »
La France n’est plus ce qu’elle était dans le paysage de la danse classique ? Elle ne l’est plus du tout. Ni dans l’enseignement ni dans la création. Un langage ne peut être vivant que s’il y a des créateurs et que si la pédagogie est à son haut niveau. Le concours soulève ce problème. Tout se dégrade depuis quinze, vingt ans. Mais c’est un problème politique. On a tout misé sur le contemporain. Je n’ai rien contre. La danse doit vivre avec son temps. Cette danse classique, elle a trois siècles. Elle a survécu parce qu’elle s’est toujours adaptée. Les chorégraphes européens classiques ne font pas une danse du xixe siècle, mais une danse d’aujourd’hui. Or, en France, on a considéré que c’était un langage mort. Dans les conservatoires, il n’y a pas d’autre ambition
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Il s’agit plus que d’un simple concours, mais d’un vrai partenariat sur le long terme pour les lauréats. Oui. Il y aura deux lauréats, un pour le Ballet de Bordeaux, le second pour nous. Ils créeront une chorégraphie de vingt minutes lors d’une résidence de trois semaines. Chaque structure met à disposition dix à vingt danseurs, un studio de répétition et prend en charge la fabrication des costumes, la conception des lumières, etc.
L’un bénéficiera du statut d’« artiste associé » avec une préparation à la gestion artistique, administrative, aux enjeux de la diffusion, etc. À Bordeaux, la pièce sera créée pour Quatre Tendances la saison prochaine ; à Biarritz, ce sera en 2017. Pour nous, c’est plus compliqué : pour des raisons économiques, on doit tourner beaucoup, au moins 100 représentations par an. Quand je fais une création, j’ai six semaines. Immobiliser la compagnie, c’est une perte économique sèche. C’est une angoisse permanente. Il faut juste anticiper. Deux autres prix dotés de 3 000 euros seront décernés : le prix du Public via un vote dans une urne et un prix de la Critique (professionnels et journalistes). Finale du premier Concours de jeunes chorégraphes classiques et néo-classiques, dimanche 24 avril, 17 h, Gare du Midi, Biarritz.
www.concours-de-jeunes-choregraphes.com Jury
Kader Belarbi, danseur étoile, directeur du Ballet du Capitole de Toulouse. Ivan Cavallari, directeur du Ballet de l’Opéra national du Rhin. Charles Jude, danseur étoile, directeur du Ballet de l’Opéra national de Bordeaux. Thierry Malandain, directeur du CCN / Malandain Ballet Biarritz. Hélène Traïline, danseuse étoile, directrice du Ballet Théâtre français de Nancy, conseillère pour la programmation du Ballet de l’Opéra national de Paris.
Les finalistes
Ricardo Amarante (Espagne), danseur au Ballet royal de Flandre. Yvon Demol (France), danseur au Ballet de l’Opéra national de Paris. Martin Harriague (France), danseur au Kibbutz Contemporary Dance Company. Olaf Kollmannsperger (Espagne), danseur au Staats Ballett Berlin. Vitali Safronkine (Russie), ex-danseur au Béjart Ballet Lausanne. Xenia Wiest (Russie), danseuse au Staats Ballett Berlin.
saison
JANVIER MARS 21.01 > 20h
16-17-18-22 > 20h30 TENTATIVES&-23/03 ACTIONS THéâTRE / CRéATION PERFORMANCES
Etat Sauvage PRAXIS #4 la tierce titre provisoire centre aéré
Le chorégraphe Christian Rizzo, aujourd’hui à la tête d’ICI-CCN à Montpellier, renoue avec le mouvement dans une danse archaïque et jouissive pour huit danseurs et deux batteurs. Immanquable.
10 & 11.02 > 19h SCèNE OuVERTE
© Marc Domage
© Mario Sinistaj
+ CONCERT
Cie DU CHieN DANS féVRIER LeS DeNTS
TURKISH DELIGHT Il en va de la danse comme de la musique. Parfois débarque un tube, inattendu, qui se répand à la vitesse de l’éclair et s’installe pour longtemps. D’après une histoire vraie du chorégraphe Christian Rizzo, réminiscence masculine d’une danse traditionnelle turque, a connu ce sort-là depuis sa première présentation au festival d’Avignon en 2013. La pièce pour huit danseurs et deux batteurs a été jouée, re-jouée des dizaines de fois. L’onde de choc a mis du temps à parvenir jusqu’à Bordeaux. Mais la voilà enfin au Carré, à Saint-Médard-en-Jalles, le 5 avril. Au plateau, uniquement des hommes. En variation de gris, pieds nus. Beaucoup de barbus. Et deux batteries qui marquent le rythme d’une danse traditionnelle devenue rock. Rizzo a un passé de musicien du côté de Toulouse : qu’il invite Didier Ambact, ancien batteur des Treponem Pal et King Q4, percussionniste contemporain et électro, n’a rien d’étonnant. « Je voulais avant tout une enveloppe rock parce que c’est un style qui arrive à combiner le populaire et l’avantgarde. Après ça, l’accord entre danseurs et musiciens pour être ensemble ou en friction s’est fait naturellement sans moi. Ils ont un mode de fonctionnement qui n’appartient qu’à eux et qui me procure une très grande joie, car c’est aussi là que se loge la beauté du projet. » Les percussions au son mat et puissant lancent les danseurs dans une transe tellurique, implacable et jouissive. Cette pièce est apparue comme le souvenir d’une danse folklorique aperçue à Istanbul. Christian Rizzo en garde le goût longtemps, une intensité qu’il cherche à retrouver. Les huit interprètes, dont Kerem Gelebek danseur fétiche de Rizzo que les Bordelais ont pu voir dans Sakinan göze çöp batar (« c’est l’œil que tu protèges qui sera perforé »), piochent dans un répertoire traditionnel. Cela pourrait être des derviches tourneurs, des danseurs kurdes ou grecs lancés dans un zeibekiko : un élan méditerranéen fait de rondes et de brisures. Loin d’une virilité guerrière, Rizzo construit une masculinité touchante et fraternelle. Les danseurs s’empoignent, se tiennent la main, s’accrochent, dans une danse de la chute et du contact, ancrée et aérienne, solidaire mais de caractère. Christian Rizzo s’est fait connaître par des pièces-objets qui jouaient de la scénographie, des objets posés çà et là. On y trouvait souvent une plante verte, un casque, des vêtements. Le mouvement y était rare. Parfois les danseurs disparaissaient comme dans sa pièce culte 100 % polyester, objet dansant (n° à définir) où seules deux robes agitées par le vent constituaient la matière dansante. D’après une histoire vraie renoue avec le mouvement. Dans un espace dépouillé, seuls les hommes confrontés les uns aux autres habitent l’espace. « Le corps a toujours été présent dans mes pièces. Il était juste moins mouvant avant, venait d’autres sources, y compris scénographiques. Là, le mouvement se répartit de façon plus évidente vers le corps, la scénographie étant en plus assez légère, avec un espace vide constamment malaxé par les corps. » Christian Rizzo semble mû par la volonté de regarder ces corps face à l’épreuve du collectif et y prendre un plaisir immense, et incroyablement contagieux. Stéphanie Pichon D’après une histoire vraie, Christian Rizzo,
mardi 5 avril, 20 h 30, Le Carré, Saint-Médard-en-Jalles.
www.lecarre-lescolonnes.fr
30-31/03 & 01/04 > 20h30 THéâTRE
La Grande
Relaps Mêlée
Instantané de la jeune LA NébULeUSe
créatIon – 4 projets InsolItes à découvrIr AVRIL
l’Outil / la tierce /
05/04 > 20h30 grOupe apache / cie CONCERTs des divins animaux
Sonic Protest boNus tRAck
Workshop CLAP feSTivAL Dans le cadre de la Grande Mêlée,
tRAck nous recherchons un chœur bonuSde clappeurs, groupe de volontaires Tous les mardis, jeudis et vendredis, de désireux d’explorer la musicalité 12h30 à 14h (en intérieur ou dans le jarfrappée. din, selon le temps), et régalez-vous des Workshop : weekend soirées bons petits plats d’Estelle en Goguette du 6 au 11 février (infos et horaires sur qui vous accueille également avant et www.manufactureatlantique.net > page après les spectacles. workshops)
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bonus track
SCÈNES
© Christophe Goussard
Le 15 avril, Juliette Hurel et Benoît Fromanger se produiront à l’Entrepôt du Haillan, accompagnés par l’Orchestre de Chambre du PESMD Bordeaux Aquitaine. L’opportunité pour ces jeunes en formation professionnelle de jouer avec deux artistes incontournables de la scène internationale. Propos recueillis par Anna Maisonneuve
L’EXCELLENCE DU SAVOIR-FAIRE
AU SERVICE DE LA SOCIÉTÉ Et l’occasion pour nous de nous pencher sur ce Pôle d’Enseignement Supérieur de la Musique et de la Danse en compagnie de son directeur, le hautboïste Laurent Gignoux. Comment est né cet établissement ? Pour les origines, il faut remonter à 1795 et la création du Conservatoire National Supérieur de Paris. Par la suite, en province, des succursales ont vu le jour pour préparer leurs élites à entrer dans l’établissement parisien qui était la référence unique jusqu’en 1980. Petit à petit, le terme de succursale a été abandonné au profit du label conservatoire ; ce qui a créé une confusion entre les écoles de musiques municipales et l’enseignement supérieur. En 1980, l’État a inauguré à Lyon un autre Conservatoire National Supérieur, puis, dans les années 1990, une dizaine de Centres de Formation des Enseignants de la Danse et de la Musique appelés CEFEDEM parmi lesquels celui de Bordeaux en 1991. La plupart de ces établissements ont muté entre 2008 et 2012 pour devenir des Pôles d’Enseignement Supérieur. C’est le cas ici.
une douzaine de nationalités différentes. En moyenne, on a entre 20 et 25 % d’étrangers qui intègrent l’établissement. Ils viennent d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Sud. Le Pôle a une très grande attractivité. Les plus jeunes ont 17 ans et ça va jusqu’à 25 / 30 ans même s’il n’y a pas de limite d’âge contrairement à Paris. Le jeunisme c’est bien, mais ce n’est pas forcément un critère. Si quelqu’un a du talent, mais un parcours atypique, on doit l’accueillir, il a sa place et la création des Pôles a justement permis ça. Combien coûte la formation ? C’est de l’enseignement public, donc c’est 450 € l’année. En l’occurrence rien du tout quand on sait qu’un étudiant coûte entre 12 000 et 15 000 € par an. Les formations sont onéreuses parce qu’il y a de l’excellence et des cours individuels, mais on est sur une vraie professionnalisation. Il faut savoir que les établissements comme les nôtres c’est 93 % d’insertion professionnelle. Autrement dit, on ne forme pas de chômeurs.
« Il y a aussi une idée qui est très importante pour moi : celle de l’artiste dans la société, de l’acteur civil qui participe activement au mieux-vivre ensemble. »
Que délivre le PESMD ? Il délivre un premier cycle d’Enseignement Supérieur en musique et en danse : un Diplôme National Supérieur Professionnel de Musicien (DNSPM), un Diplôme d’État (DE) de Professeur de Danse et de Musique en parallèle d’une Licence Arts en musique et en danse en convention avec l’Université Bordeaux Montaigne et du Diplôme Universitaire de Musicien Intervenant (DUMI) en partenariat avec l’IFMI-Université Toulouse le Mirail. Il y a également un département dédié à la formation continue pour les professionnels qui représente 20 % de notre activité. C’est très important car c’est une manière d’irriguer le territoire. Combien sont-ils chaque année ? Globalement, 120 candidats au concours d’entrée pour 20 places. L’an dernier, il y avait
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Côté formation, qu’est-ce qu’on trouve ? Globalement, il y a une forte imbrication entre la pédagogie et l’interprétation. Ils font essentiellement de la musique ou de la danse. Ils pratiquent énormément, ils doivent être dans l’excellence au quotidien. Il y a des cours individuels et collectifs. En musique, pour les disciplines classiques et contemporaines, on s’appuie vraiment sur l’ossature « Opéra de Bordeaux », c’est-à-dire que pour chaque instrument de l’orchestre vous avez un soliste de l’ONBA qui enseigne chez nous. Pour le piano, on a Hervé N’Kaoua et Olivier Chauzu qui fait une très belle carrière à l’international. Il y a aussi des rencontres avec des créateurs, des compositeurs, des interprètes de très haut niveau comme Carolyn Carlson en danse ou avec le pianiste François-Frédéric Guy qui joue dans les plus grandes salles du monde
avec les plus grands orchestres et qui nous fait le plaisir et l’honneur de sa venue chaque année depuis trois ans pour des master classes. Tout le monde est présent et les échanges sont tout à fait remarquables. Les étudiants pratiquent aussi beaucoup en groupe, et ça, c’est très important pour sortir de cette notion de face-à-face pédagogique. L’idée, c’est d’apprendre aussi avec les autres et surtout de les mettre dans des situations de la réalité professionnelle. C’est le cas toute l’année avec une série de concerts à la Villa 88, à la DRAC avec l’ensemble Epsilon, au Rocher de Palmer avec Proxima Centauri, au Centre François Mauriac de Malagar, etc. Prochainement, l’orchestre du Pôle jouera avec Benoît Fromanger, un flûtiste exceptionnel qui démarre assez fort une carrière de chef avec l’Orchestre symphonique de Bucarest. C’est une chance d’avoir ce très grand artiste ainsi que son épouse Juliette Hurel qui figure au palmarès des meilleurs flûtistes d’Europe. Quelle est la philosophie de l’établissement ? Les mettre dans le monde d’aujourd’hui, c’està-dire les ouvrir aussi à la médiation. On a beaucoup parlé des critères d’excellence des professeurs. Certes, mais pour faire quoi ? Il y a aussi une idée qui est très importante pour moi : celle de l’artiste dans la société, de l’acteur civil qui participe activement au mieux-vivre ensemble. C’est un terme très bateau, mais on essaie d’entrer dans le concret quand on travaille des projets mixtes de danse, théâtre, musique avec les écoles, le handicap, les maisons de retraite, etc. Par exemple, à l’Institut Bergonié certains de nos étudiants ont conduit un projet pédagogique en récoltant des écritures pour les mettre en musique. Là, ils sont confrontés à une autre réalité et à la nécessité de l’art : permettre aux gens de rêver, de vivre des émotions. Cela fait sens, apporte une autre dimension, une dimension sociétale et spirituelle. Benoît Fromanger & Juliette Hurel, orchestre de chambre du Pôle d’Enseignement Supérieur de la Musique et de la Danse de Bordeaux Aquitaine, vendredi 15 avril, 20 h 30, L’Entrepôt, Le Haillan.
lentrepot-lehaillan.com www.pesmd-bordeaux-aquitaine.com
© Matthieu Rousseau
on remarque surtout le travail entre les deux danseurs, leurs regards, leur conversation.
Le Ballet de Lorraine ou la démonstration que la danse de répertoire peut explorer les formes les plus contemporaines. Propos recueillis par Stéphanie Pichon
BALLET
DU TEMPS PRÉSENT Le chorégraphe suédois Petter Jacobsson, accompagné par le danseur Thomas Caley, a pris la direction il y a cinq ans du Ballet de Lorraine, au CCN de Nancy. Une troupe prête à créer, explorer uniquement le répertoire contemporain, jouer sur les formes et déstabiliser le public. Comment avez-vous conçu le programme proposé au Cuvier CDC d’Aquitaine ? Le plateau du Cuvier n’est pas très grand, on a donc opté pour des petites formes : deux pièces du répertoire (Twyla Tharp et William Forsythe, ndlr) pour trois et deux danseurs et une création pour quatre interprètes. Cela représente trois époques différentes, et une certaine diversité de la danse contemporaine. Ce sont également trois pièces créées d’abord sans musique. Si musique il y a, elle s’est ajoutée après, laissant la place à une relation forte entre les danseurs et le rythme et l’espace. Dans Duo de Forsythe par exemple, il y a un pianiste live qu’on ne voit pas, mais
Vous avez travaillé avec la chorégraphe américaine Twyla Tharp, dont vous présentez The Fugue. Une artiste peu connue en France. C’est pour cela que j’ai envie de présenter son travail. The Fugue est une pièce historique des années 1970. Elle a été écrite pour trois danseurs, et créait quelque chose de nouveau. Il n’y a pas de musique, le sol est sonorisé, et c’est tout. Par la suite, Twyla Tharp a bifurqué vers le classique. Aujourd’hui, elle monte des pièces à Broadway, mais dans les années 1970, elle était dans une démarche très expérimentale. Vous présentez également une de vos pièces créées avec Thomas Caley en 2007. Untitled partner #3 est plus une performance, une installation. Un film tourne en boucle, et se répète, les quatre danseurs en jouent, dialoguent avec cette vidéo. Le public a l’impression de rentrer dans une exposition vivante. Cela dérange nos représentations d’une forme classique où le public reste assis. Avec ce type de forme performative, vous bousculez les images véhiculées par le mot « ballet ». C’est une question qui nous travaille déjà depuis notre arrivée au Centre Chorégraphique National de Nancy il y a cinq ans. La direction précédente s’était déjà dégagée de l’image d’un ballet classique ou néo-classique. Avec cette compagnie de vingt-six danseurs, nous posons la question : « Qu’estce qu’un ballet aujourd’hui ? » Quels sont vos projets ? Chaque année, nous déclinons notre saison avec un thème. L’an prochain ce sera « Des plaisirs inconnus ». Notre premier programme invite cinq chorégraphes à créer des pièces courtes. Mais sans jamais dévoiler leur identité. Il y aura le nom des danseurs, c’est tout. Les programmateurs mettent beaucoup de valeur derrière un nom. Nous posons la question de la valeur, de ce que vient voir véritablement le public : un chorégraphe ou une œuvre ? Pour les chorégraphes, c’est également le moyen de se libérer d’une certaine pression. Untitled partner #3 + The Fugue + Duo, Ballet de Lorraine Centre Chorégraphique National,
jeudi 7 avril, 20 h 30, Cuvier CDC, Artigues-près-Bordeaux.
www.lecuvier-artigues.com
LITTÉRATURE
Olivier Cadiot continue de donner de l’ampleur à son champ d’investigation, d’explorer les tournures et les perspectives de cet espace de pensée et d’action qui défie la rigidité et l’étroitesse des cadres préétablis, et les confins, les filons imposés. Une telle approche s’avère d’une fascinante efficacité, dans la mesure où cette aimantation de matières, de recettes et d’anecdotes engendre une écriture tonique, à la fois rigoureuse et imprévisible, même dans ses flexions et extensions les plus extrêmes, et, mine de rien, développe une réflexion lucide et ludique sur l’art et la littérature aujourd’hui. Histoire de la littérature récente, tome 1 est à la fois un geste de rébellion contre la mort annoncée de la littérature, et un nécessaire manuel de survie pour continuer à écrire. Propos recueillis par Didier Arnaudet
UN « STYLE PAR DÉFAUT » Qu’est-ce qui vous donne l’envie d’écrire ? Qu’est-ce qui vous pousse à l’écriture ? Je pourrais dire qu’un livre se bâtit autour d’un tout petit centre plein qu’il s’agit d’éclairer, de rafistoler et de corriger. Essayer d’être plus clair oblige à chercher toujours de nouvelles images plus justes, à comparer à l’infini, c’est là que les ennuis commencent. J’ai écrit au début quelque chose qui ne fonctionne pas et que j’essaye d’améliorer pour finir par pouvoir le dire au final quasi tel quel. J’irais même dire que je passe un long moment exclu du livre, « Members only » est gravé sur la porte que j’essaye d’ouvrir. On peut voir aussi les choses différemment et penser que le livre, presque à la fin de l’entreprise est posé, mais il est mort, il est comme mort, un livre inactif, il faut l’écrire, il faut retraverser l’ensemble d’une traite, il faut que quelqu’un s’y colle : un sujet, il faut quelqu’un, un narrateur-cobayesujet X mythologique et accessible, un demidieu, capable de faire comme un pisteur qui descend une première fois la piste pour vérifier la neige, comme si on avait dessiné une piste, patiemment travaillé les courbes, placé les portes et qu’il fallait la descendre d’une traite. Un ingénieur modeste et un héros. Drôle de métier où il faut être l’entraîneur et le joueur en même temps. Ce serait ça, « le moment de l’écriture » ? Cette descente ? Curieusement, ce moment d’exécution ressemble plus à de la lecture qu’à de l’écriture. Comme si je calquais une énergie sur un texte redécouvert en langue morte. Alors, si c’est dans ce sens, alors, oui, quelque chose me pousse à cette activité. Un point brûlant, un organe ? Je sens que c’est dans mon corps, un désir de véridiction, de transparence, aussi simple et localisable que l’envie d’un café bien serré au moment où je vous parle.
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Entre essai et roman, prélèvement et greffe, négociation et mélange, la question du réglage occupe une place centrale, et il me semble que la composition finale dépend de ce réglage, la singularité de votre pratique aussi. Quelle est votre méthode de composition ? C’est peut-être ça, mais ça n’est pas une stratégie, un geste dominant, comme si, bien installé dans un garage, je pouvais prendre posément un outil pour assembler des morceaux de langue. Non, je suis enfoncé dans une masse, je suis au fond du problème, pas devant. Je ne peux rien prendre pour le manipuler. Je ne comprends pas non plus comment on peut prétendre à s’occuper du « réel », comme si le gars faisait son marché dans « tout ce qui arrive » et retournait à l’atelier pour l’assembler, le mélanger à son « univers », etc. La question, c’est plutôt que nous sommes tous plongés dans une masse à toutes les échelles possibles, et que ce qui est délicat c’est d’y rester dedans en regardant de biais. C’est un drôle de sport. Le bon réglage ne se voit qu’au résultat. D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas ça le seul intérêt de la littérature, donner à lire un réglage particulier, le réglage d’un moment entre la position des êtres, des astres, de l’économie,
du langage, de tout et de n’importe quoi, entre ici et maintenant et c’est là où la littérature est précieuse, elle nous renseigne sur la manière dont les roues dentées des choses et des êtres s’organisent entre elles à un moment T. Bref, je ne « compose pas » au sens pictural, ni architectural, en équilibrant des motifs, ni au sens musical, ni au sens plastique. J’essaie de corrigerécrire seulement en fonction du sens. Sens n’est pas le bon mot, on va dire, en creux, c’est plus facile, que je travaille en fonction d’un critère qui évacuerait toujours le point de vue matériologique. Par exemple, dès que ça sonne bien, je coupe. Au fond, c’est une méthode simple qui consiste à chercher un texte sans style. Un style par défaut. Ce qui est paradoxal, c’est qu’au finish, ça finit par être très écrit, toujours trop écrit. Alors qu’il faut que ça parle. Ça ne parle jamais assez clairement. Il faut améliorer ça. C’est ça qui me pousse à continuer.
« Je me demande si ce n’est pas ça le seul intérêt de la littérature, donner à lire un réglage particulier, le réglage d’un moment entre la position des êtres, des astres, de l’économie, du langage, de tout et de n’importe quoi, entre ici et maintenant. »
Olivier Cadiot Histoire de la littérature récente tome 1 P.O.L
Rencontre avec Olivier Cadiot
à La Machine à Lire, vendredi 15 avril, 18 h 30.
> Théâtre
Sandre
Monologue pour un homme Texte Solenn Denis Mise en scène Collectif Denisyak
22 mars > 02 avril Une femme se raconte : jeune fille amoureuse, épouse, mère. Une vie passée entre la cuisine, l’attention portée aux enfants et aux désirs de son homme... Dans un flot maladroit, elle dit l’amour, les promesses faites et trahies, le mari qui la trompe. Alors, cet enfant qu’elle porte dans son ventre, le troisième, elle n’en veut pas, elle le tuera. C’est un homme, Erwan Daouphars, qui incarne cette femme brisée, hantée par ses souvenirs. Un portrait saisissant de vérité, une plongée sensible dans les blessures de l’âme humaine.
> Théâtre
Dom Juan
Texte Molière Mise en scène Jean-François Sivadier
05 > 09 avril Dom Juan est-il un monstre, un conquérant idéaliste, un petit marquis plein de vanité ou un philosophe matérialiste ? Depuis 1665, le « seigneur-vagabond » de Molière ne cesse de défier ceux qui l’écoutent, nous laissant en héritage son insolence envers toutes les formes de croyance et d’assujettissement. Avec Jean-François Sivadier à la mise en scène, « l’épouseur du genre humain » devrait à nouveau en séduire plus d’un(e).
> Théâtre
Corps diplomatique Conception et mise en scène Halory Goerger
06 > 09 avril Cinq astronautes amateurs embarquent dans une navette spatiale avec un stock de gamètes et une pièce de théâtre qu’ils vont devoir transmettre de génération en génération tel un message pour d’éventuels aliens. Un décollage tout feu tout flammes dans une expérience intellectuelle qui interroge avec intelligence et second degré la nécessité de l’art dans un monde qui se disloque.
> Théâtre en famille - À partir de 8 ans
S’envoler
Conte boréal Texte Gilberte Tsaï et Jean-Christophe Bailly Mise en scène Gilberte Tsaï
26 > 29 avril
design franck tallon
Voici donc le périple extraordinaire à dos d’oiseau d’un petit garçon à la découverte de la Suède et de ses histoires légendaires. Dans une mise en scène et une scénographie, toutes en charmes et en sortilèges, six comédiensmanipulateurs, à la fois homme, femme, chat, oiseaux, aigle, oies sauvages… célèbrent la nature, l’amitié, la solidarité.
Programme & billetterie en ligne
www.tnba.org
Renseignements du mardi au samedi, de 13h à 19h
05 56 33 36 80
Théâtre du Port de la Lune Direction Catherine Marnas
LITTÉRATURE
CORBU D. R.
À NU GOMORRAMA Où l’on retrouve les œuvres (provisoirement) complètes de Brett Easton Ellis, publiées en deux volumes, et qui permet de revenir sur l’impact et l’univers de cet écrivain parfois rapproché du postmodernisme ou de courants dystopiques. Ses romans y sont proposés chronologiquement, hormis le recueil Zombies, placé à la fin du premier volume, et rassemblant des nouvelles écrites dans les années 1980. Ce préambule effectué, le retour à ces textes demeure un choc : froideur littéraire, style impeccable, situations et personnages sulfureux en diable, tous les éléments qui font la réputation de l’auteur sont là. Avec le recul, la (re)lecture des ces romans d’une noirceur cynique et désabusée montre l’absolue (ou presque) nécessité de se replonger dans l’Amérique aussi réactionnaire que camée d’Ellis. La cohérence de son univers se dégage de cet ensemble, où les protagonistes (les frères Bateman tout particulièrement) sont liés, pour ne pas dire ligotés, se débattant dans un monde si dur et si réel qu’on finit par le penser rêvé. La force de ses titres est telle que l’on serait capable de dévorer ces milliers de pages hallucinatoires en quelques jours, comme hanté ou manipulé par une main de fer dans un gant de dollars, au gré d’explosions de violence, de drogue et de sexe. Olivier Pène Bret Easton Ellis Œuvres complètes, tome 1 Moins que zéro, Les Lois de l’attraction, American Psycho, Zombies Œuvres complètes, tome 2 Glamorama, Lunar Park, Suite(s) impériale(s) Robert Laffont, collection Bouquins
LA FILLE
AU FIL
Ariane est mince comme un fil, une petite vingtaine de pages aérées, libres comme l’air, c’est à peine un livre. Ariane est une des ultimes plaquettes à 4 € éditées après 20 ans au (bon et loyal) service de la poésie par Contre-Pied, petite structure de Martigues qui a déjà sorti, sous le même format, des œuvres de Tarkos, Quintane, Lucot, Gleize... Après Un autre Ulysse, en 2011, Nadine Agostini retourne titiller l’Antique pour mieux le confronter au quotidien. Chez elle, Ariane n’est plus le genre de fille qui poireaute au bout du fil avant de se faire larguer sans rien dire sur une île, Ariane tient la corde, mène la danse et Thésée par le bout du fil et du nez. « Ariane elle en peut plus au bout du fil elle est à bout ça la fatigue de pas bouger d’être repère / Ariane elle dit / je suis pas née pour ça pas bouger je suis pas née pour tenir les fils les pelotes les combinés téléphoniques je m’en vais te couper tout ça moi et partir à l’avant à l’aventure. » Nadine Agostini ne parle que des liens qui unissent la femme à l’homme, comment les couper, les dérouler. Il est question d’invisibles fils, de fille, de haricots et surtout de ce Minotaure, bien plus séduisant que Thésée car « elle aime les hommes qui ont des pensées en méandres ». Comme un fragile fil peut vous sortir d’un massif labyrinthe, un frêle texte peut parfois vous mener bien plus loin qu’un lourd pavé à grosses ficelles. Il suffit de se laisser guider, s’abandonner à cette Ariane, fine femme forte au bout du fil. Julien d’Abrigeon Ariane, Nadine Agostini,
éditions Contre-Pied
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autresetpareils.free.fr JUNKPAGE 3 3 / avril 2016
À l’occasion du cinquantenaire de la mort de Le Corbusier, l’architecte bordelais Michel Pétuaud-Létang revient sur l’aventure de la Cité Frugès à Pessac, née de la rencontre, en 1923, entre l’architecte visionnaire et l’industriel et mécène, Henry Frugès. Dessinées pour ses ouvriers, les maisons aux façades colorées, pourvues de jardins et d’intérieurs ouverts, connurent de nombreux aléas… Trop avant-gardistes ? Trop strictes dans leur élaboration ? Auteur de publications sur le patrimoine girondin, Michel Pétuaud-Létang revisite cette histoire passionnante, à l’heure où les réalisations de Le Corbusier candidatent au classement à l’Unesco. L’ouvrage se lit facilement à travers des séquences rythmées, accompagnées d’archives et des photographies de Dominique Le Lann. Michel Pétuaud-Létang éclaire son sujet d’autres exemples, comme les maisons Castors de Pessac, ou remet en perspective la modernité architecturale et l’œuvre de Le Corbusier. Notant que son génie s’illustre particulièrement à la Cité Frugès, il rappelle aussi la difficile appropriation des logements par leurs habitants, posant cette interrogation centrale : comment concilier un modèle, même progressiste, avec les aspirations de chacun et l’évolution des modes de vie ? Oubliée un temps, se dégradant, la Cité Frugès a entamé sa renaissance grâce à des résidents, ainsi qu’au bailleur social Aquitanis et à la municipalité, qui s’emploient à réhabiliter et faire découvrir ce témoignage précieux d’un habitat toujours d’actualité. Benoît Hermet Le Corbusier inconnu Michel Pétuaud-Létang, Aéditions
PLANCHES par Éloi Marterol
COLLÉGIENS MAGICIENS Léo est un adolescent tout à fait normal. Du moins si l’on fait abstraction de sa capacité à parler aux fantômes des défunts les plus célèbres de notre Terre. Avec sa mère, ils viennent d’atterrir dans une nouvelle ville et il s’apprête à découvrir son nouveau collège avec son lot de brutes et de professeurs sadiques. Cela ne rate pas (ou plutôt évidemment), il se fait enfermer dans un casier par deux petites frappes aussi bêtes que musclées. Heureusement, Houdini lui vient en aide et il s’en sort sans plus de dommage qu’une convocation pour retard dans le bureau de la directrice. Il croise alors Farah et Hamelin. Léo s’apercevra rapidement que, comme lui, ces deuxlà ont d’étranges pouvoirs et sont abonnés aux retards. Commence alors une aventure où ils devront unir leurs forces presque malgré eux. Dupuis publie ici une nouvelle série jeunesse prometteuse. Ce premier tome d’une soixantaine de pages permet de découvrir un univers magique et sympathique reprenant quelques classiques du genre (pour notre plus grand plaisir) tout en les renouvelant suffisamment afin de tenir le lecteur en haleine. Cet épisode initial permet d’appréhender sans difficulté ce monde inventé par trois auteurs et amorce une aventure à la suite plus importante. Car, dès le début, nous comprenons qu’il y aura sept « magiciens » et que nous ne les avons pas tous rencontrés. Le coup de crayon des deux dessinateurs italiens ne laisse pas indifférent, le dynamisme qui s’en dégage rappelant parfois un dessin animé. Une série à découvrir et à suivre donc car le deuxième tome est d’ores et déjà prévu pour juin ! Magic 7 - Tome 1 : Jamais seuls Kid Toussaint, Rosa la Barbera, Giuseppe Quattrocchi Dupuis
MÉMOIRES D’ENTRETOMBE Monsieur Mardi-Gras Descendres revient. Laissez-moi le redire une nouvelle fois. Monsieur. Mardi-Gras. Descendres. Revient. Cela dit, si vous n’en avez jamais entendu parler, cela ne risque pas de vous faire grand-chose. Monsieur Mardi-Gras Descendres est une série de quatre tomes, créée par Eric Liberge. Dans celle-ci, nous suivons Victor Tourterelle, cartographe de profession, décédé de son état, tout juste débarqué sur Pluton. Tout en os, il comprend alors qu’il vient de mourir, mais trouve particulièrement injuste que la « vie » continue sur cette planète désertique et prise de folie. D’un certain côté, cela peut se comprendre. Il y a 7 milliards de squelettes qui attendent la suite, s’il y en a une, dans cet endroit glacial. Au bord de la démence, Victor, renommé Mardi-Gras Descendres par l’administration en place, va essayer de trouver un sens à tout cela et surtout le moyen de s’échapper de ce piège d’outre-tombe. Aidé dans sa quête par Pétronille Fête-Dieu et le facteur 23, il va tout tenter pour fuir ce monde apocalyptique. À l’occasion de la sortie du Facteur Cratophane (prologue de la série), Dupuis republie les quatre tomes dans une superbe intégrale. Publiée entre 1999 et 2005, c’est donc le retour de cette série devenue culte. Les millions de squelettes désespérés dessinés par Eric Liberge sont animés par une seule et même question : « Que se passe-t-il après la mort ? » Et surtout qu’y faire ? Métaphysique, surnaturel, alchimie, ésotérisme, il y a tout cela dans Monsieur Mardi-Gras Descendres. Mais il y a surtout l’inépuisable force de la vie qui s’accroche jusqu’au bout. Car le paradoxe est ici clair : ne serons-nous pleinement vivants qu’une fois morts ? Le Facteur Cratophane, prologue à Monsieur Mardi-Gras Descendres Monsieur Mardi-Gras Descendres, l’intégrale Éric Liberge, Dupuis
LIEUX COMMUNS par
Xavier Rosan
Entre les quartiers centraux et ceux des boulevards, Bordeaux accueille des zones « transitoires » constituées de rues effilées et anonymes, garnies d’échoppes. Entre toponymie et name‑dropping, on y retrouve la trace d’un écrivain quelque peu oublié : Louis Emié. Improbable cicérone, l’espace d’une modeste tentative de géographie littéraire.
AU DIABLE VAUVERT La rue Louis-Mie est nichée dans un de ces quartiers de transition qui se déploient depuis les abords du centre historique pour échouer nonchalamment sur les boulevards de ceinture. Nul édifice remarquable près duquel s’ombrager, reprendre son souffle ou tirer quelque inspiration. Les styles des demeures se répètent à l’envi, avec plus ou moins de caractère selon l’échelon social, raisonnablement élevé, des premiers habitants de l’endroit. Elles ne sont pas plus hautes qu’un étage, à peine ornées de simples glyphes ou minces bandeaux, bâties dans cette pierre de taille bon marché qui noircit à la première décade venue. Ce sont des maillages itératifs, monotones, étirés en de longues figures d’indifférence. Sans doute étaient-ils jadis animés d’un peu de cette vie populaire qui a délaissé nos latitudes, quand la télévision n’existait pas et que vos meilleurs amis pouvaient être vos voisins.
D’une rue à l’autre La rue Louis-Mie est perpendiculaire aux rues de Pessac et du Tondu, côté caserne Xaintrailles. Transitionnelle, cette petite artère (qui porte le nom d’un avocat et parlementaire local cité par Victor Hugo dans ses carnets intimes) est parallèle à la rue Théodore-Ducos (autre député mais bonapartiste) où grandit le compositeur Henri Sauguet. Dans un appartement étriqué de cette voie, habita, vers la fin des années 1990, un jeune Italien spécialiste du poète et journaliste Louis Emié (grand ami de Sauguet), qui lui rendit hommage en publiant un fragment du journal intime de l’écrivain1 et en participant à la modeste exposition que la bibliothèque municipale organisa dans l’un de ses sous-sols en 2002. Peu après, la municipalité reconnaissante accorda le nom de Louis Emié à une ruelle fraîchement créée du quartier de La Bastide, qu’une puissante réhabilitation avait complètement métamorphosé. De cet ancien coin de bistrotiers et de petits commerçants, seuls les bâtiments de la gare désaffectée ont été sauvegardés, greffés d’un cinéma. Dans le hall gigantesque du mégacomplexe, on peut jouer au basket, paraît-il. Le soir venu, des centaines de spectateurs se précipitent comme un seul homme dans une des vingt salles de projection pour noyer leur quotidien dans des films populaires français ou des blockbusters américains. Nombre d’entre eux viennent en voiture, laissent leur véhicule au parking et, pour cela, empruntent nécessairement, sans le savoir, la brève et transparente rue Louis-Emié. Une voie de raccordement en forme d’épitaphe, en quelque sorte.
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Mais la rue où vécut et s’éteignit Louis Emié n’est pas plus celle-ci que la rue Louis-Mie précédemment citée. Il s’agit de la rue Mestrezat. Retour à la rive gauche.
Loin de tout Poursuivi d’un lancinant souci de représentation sociale, le père du futur écrivain, Eugène Emié, fonctionnaire municipal, avait formulé, au début du siècle dernier, le projet d’installer sa petite famille sous un toit qui lui appartînt et dont il fût seul maître à bord. Il acquit un terrain, puis fit élever une échoppe double, d’aspect plutôt cossu : n°6 rue Mestrezat. Les trois ouvertures – la porte encadrée de fenêtres – sont cintrées et agrémentées chacune d’une agrafe. Un décor de bandes de refends recouvre la façade rehaussée d’une corniche, tandis que le soubassement, traité en pierre rustique, est percé de deux soupiraux. Le secteur, à l’époque peu construit, était partagé entre de vastes prés et le domaine Mestrezat, du nom de Guillaume Mestrezat, calviniste d’origine genevoise qui avait fondé en 1814 une maison de négoce. Ses descendants, devenus d’opulents notables locaux, avaient acquis la propriété de Belles-Isles, qu’ils commencèrent à lotir en 1903, date de l’ouverture de la rue. Nul doute que ce prestigieux voisinage encouragea Eugène Emié dans son entreprise immobilière, bien que cette installation s’avérât « au diable vauvert », dans une zone alors en gestation, et qu’elle éloignât le foyer du cœur battant de la ville et des quartiers espagnols où la petite tribu Emié avait laissé amis et familiers. « Je revois encore cette maison froide, sans âme, sans feu, ces pièces anonymes », évoquera avec dépit Louis Emié. Pourtant, le poète ne quitta jamais cet antre gorgé d’ambivalences. Il a vécu, écrit, aimé, souffert et s’est éteint dans cette petite maison ordinaire d’un quartier ordinaire, loin de tout. À la marge. Sans doute y était-il à sa place, puisque la marge, n’est-ce pas, c’est « ce qui tient la page » (Godard). 1. Le Mémorial, éd. Opales. Le Festin a notamment édité, de Louis Emié, Aquitaines et Espagnes, recueils de textes préfacés par Yves Harté.
© Yvonne Préveraud de Sonneville, Louis Emié, vers 1925, coll part
FORMES
\
TBWA\PROD
SG
N° DOSSIER ITGP502/3
M
TYPE MODULE FU
FORMAT 95x340 mm
SUPPORT JUNKPAGE
DES TRAINS QUI ONT DE L’IDÉE.
© Musée des arts décoratifs et de design de Bordeaux
LE CONFORT ÇA N’A PAS DE PRIX.
DES SIGNES
SI, MAIS IL EST TOUT PETIT ! par Jeanne Quéheillard
Une expression, une image. Une action, une situation.
BÊTE COMME
CHOU Qui l’eût cru, lustucru, patate crue… Le MADD1 recèle de surprises sur lesquelles on a plaisir à revenir, comme l’enfant qui réclame toujours la même histoire avant de s’endormir. On s’émerveille devant les mécanismes secrets du secrétaire fait pour se taire, les facéties du pichet trompeur qui vous tremperait la chemise, la tasse trembleuse qu’on déplace sans la renverser, le papier peint qui fait des singeries. On se laisse saisir par les assiettes garnies de noix ou d’amandes, d’huîtres ou de crustacés, les plats remplis de quartiers d’œufs durs ou de cœurs de laitues, les courges, la terrine de petits pois, ou les livres en guise de cache-pot. Ces céramiques en trompe-l’œil2 abusent en toute impunité de la crédulité de notre regard. C’est dans la première antichambre, au premier étage du musée, que le plaisir est à son comble devant des choux pommés faisant office de terrine ou de soupière. Ces choux « trompeurs », en faïence stannifère3, ont été produits par la faïencerie Hannong à Strasbourg4. Les cuissons successives liées à la technique du petit feu ont permis la subtile variété des nuances de vert et de blanc. Elles donnent aux feuilles du chou et à sa pomme l’apparence d’un chou plus vrai que nature. L’imitation du matériau végétal (feuillage et nervures) par la céramique, la maîtrise des couleurs pour l’illusion de l’aspect et la dissimulation de la fonction démontrent le savoir-faire pour l’imitation d’un modèle et sa virtuosité. Objet d’apparat plus que d’usage,
la terrine, en jouant sur le vrai et le faux, est ostentatoire tout autant qu’attractive. Tels les oiseaux autour des raisins peints par Zeuxis5, nous sommes pris sur le fait de notre ignorante naïveté. Quand le secret se dévoile, c’est déjà trop tard. On sourit d’avoir cru l’espace d’un instant à la présence incongrue mais véritable de ce légume courant et commun. L’illusion disparue, on se souvient qu’au xixe siècle, la sexualité expliquée aux enfants faisait naître les filles dans les roses et les garçons dans les choux. Rien de plus naturel en effet. Facile à faire. Il suffisait d’y penser. 1. Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux. 2. Issu de l’Antiquité, le trompe-l’œil a trouvé son plein développement dès la Renaissance et avec le maniérisme jusqu’à devenir un genre à la période baroque. Très prisé au xviiie siècle dans les arts décoratifs, il s’est appliqué à des objets mais aussi dans la mode ou dans l’architecture. 3. Faïence stannifère : La pâte en terre est recouverte d’un émail à base d’étain, d’un blanc opaque à la sortie du four. René Buthaud exécutait des statuettes décoratives en faïence stannifère. 4. La faïence de Strasbourg a été produite par trois générations de la famille Hannong (17211781). Elle a connu une notoriété mondiale et a fourni toutes les tables princières au xviiie siècle. Elle a introduit en France la technique du petit feu. 5. Pline L’Ancien rapporte dans son Histoire naturelle comment le peintre grec Zeuxis (464-398 av. J.-C.), en compétition avec le peintre Parrhasius, avait représenté des raisins si parfaits que des oiseaux voletaient autour.
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Grâce à un important travail d’acoustique, l’atelier est insonorisé et plusieurs activités peuvent coexister.
Ce lieu partagé bordelais réunit des indépendants de tous horizons, créant pour le spectacle vivant et de nombreux domaines artistiques et culturels… Conçu par les architectes de l’atelier du vendredi, son état d’esprit vit à travers ses résidents. Par Benoît Hermet
ZELIUM,
L’ATELIER DES POSSIBLES
Une visite de l’atelier Zelium commence facilement autour d’un café… et peut se prolonger autour d’un repas chaleureux ! Zelium, c’est l’anagramme du nom de son fondateur, Benjamin Mulliez, un gaillard portant barbe et chapeau à large bord, menuisier, créateur de décors pour le cinéma, l’événementiel et le spectacle. Il rêvait d’un lieu permettant de travailler dans de bonnes conditions, « pour partager un quotidien » et mutualiser le matériel, souvent coûteux dans son activité. Le but était aussi de favoriser des synergies, à la manière des coworking qui se développent aujourd’hui. Sa rencontre avec les architectes bordelais Pierre-Marc Danguy et Jean Hubert va donner vie à cette aventure. Tous deux, regroupés sous le patronyme de l’atelier du vendredi, sont des professionnels de la construction qui aiment aussi les projets atypiques. L’entente avec Benjamin a été immédiate : « Doté d’une culture artistique, il était force de proposition », souligne Pierre‑Marc.
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Une ruche active La façade en pierre de cet ancien local de charpentiers est insérée dans un quartier d’échoppes à proximité du centre-ville. Paré d’un moucharabieh en acier brun, signal discret de l’intervention contemporaine, le bâtiment possède une haute entrée qui permet de recevoir un camion et des matières premières. Car chez Zelium, on découpe, on martèle, on assemble, on transporte aussi les créations produites dans l’atelier : mobilier, décors, œuvres d’art… Spectaculaire, le grand volume sous plafond est comme une fabrique réinventée. Quand ils concevaient leur projet, les architectes pensaient à l’esthétique fonctionnelle de Jean Prouvé et à un esprit industriel, tout en matériaux bruts. Dominant les machines et les établis, une passerelle en métal relie des bureaux ateliers suspendus que l’on découvre à mesure. Zelium compte une bonne dizaine de permanents et rassemble des professionnels de tous horizons : artisan, plasticien,
designer, costumière, photographe, paysagiste, créatrice d’applis… Tous sont des indépendants qui croisent aussi des personnes louant les machines à la journée. Des collaborateurs à temps partiel gèrent également l’administration du lieu et la maintenance, ce qui enrichit encore la diversité des rencontres. « La vie de l’atelier lui donne son essence, sa personnalité », résume l’architecte, très heureux de ce programme livré voici quatre ans. La collaboration avec un acousticien (Emacoustic) a permis d’éviter les nuisances sonores à l’égard du voisinage, notamment grâce à des panneaux sandwich isolants qui donnent aussi une bonne inertie thermique. L’intérieur est rythmé de lames en bois naturel qui enserrent un voile absorbant les décibels, pour permettre la cohabitation des différents métiers. Ruche active, Zelium bénéficie d’une lumière zénithale et d’ouvertures sans vis-à-vis directs, de façon à préserver la meilleure concentration possible.
© François Passerini
BUILDING ARCHITECTURE DIALOGUE
(GÉRARD DEPARDIEU)
© François Passerini
La passerelle métallique réunit des bureaux et des lieux de partage comme la cuisine…
(DONALD TRUMP)
© François Passerini
Intégré dans un quartier d’échoppes, Zelium est un espace de travail qui reçoit aussi des événements extérieurs.
Savoir-faire et ouvertures Les architectes ont aussi ménagé des perspectives et des cadrages pour donner de la profondeur, animer l’espace, traduction d’une ambiance informelle conduite par des règles communes. Les résidents préparent le repas du midi à tour de rôle, la cuisine sert de salle de réunion et de foyer de vie. Les collaborations sont fréquentes et « il y a un vrai échange de savoir-faire et de complémentarités », indique Simon Tournebœuf, sculpteur présent depuis quasiment les débuts. Il dit avoir transformé sa pratique du bois grâce à l’apport de ses comparses d’atelier, notamment auprès du fondateur, Benjamin Mulliez. Celuici, inspiré par ce lieu dont il avait rêvé, a réalisé une série de belles vitrines en bois et métal à l’étage. Elles réunissent les créations de plusieurs résidents à la manière d’un cabinet de curiosités que l’on découvre le long de la passerelle tout en discutant.
Ouvert aux échanges extérieurs, Zelium a reçu une lecture d’écrivain, un vernissage d’exposition… Une fête a même été organisée pour les Bordeaux Art Tour de la galeriste Nadia Russell, à l’origine de la Tin Box, une mini-galerie nomade qui a vu le jour entre les mains du designer Philippe Bettinger, résident de l’atelier. Sur une immense étagère, des piles de valises sont rangées les unes sur les autres, comme autant de malles aux trésors ramenées de voyages fabuleux. Benjamin Mulliez avoue l’une de ses lubies – stocker les accessoires de ses décors… D’un bout à l’autre, dans chaque recoin, l’aventure Zelium démontre que l’on peut rêver en fabriquant et fabriquer en rêvant ! Découvrez le lieu, les résidents et leurs réalisations sur www.atelierzelium.fr
Les photographies de cet article sont de François Passerini, résident de l’atelier Zelium.
GASTRONOMIE
© Philippe Taris
Ni chair ni poisson dans l’assiette, la lamproie est un monstre hématophage des océans. Elle se nourrit de sang et on se nourrit en partie du sien. Cette année, à cause des inondations, sa pêche qui dure trois mois a pris du retard. D’habitude de mi-janvier à mi-avril, elle s’étendra jusuq’à mai. C’est le moment de découvrir la créature rétro-futuriste des deux rives à qui Hans Ruedi Giger doit tout. Du rejet instinctif à l’adhésion totale, de son aspect répugnant à son importance culturelle et son goût exquis.
SOUS LA TOQUE DERRIÈRE LE PIANO #95 Mon cousin Louis Hanon est champenois et fine gueule : « J’ai connu la lamproie dans un restaurant et je me suis renseigné. Cela ne m’a pas ouvert l’appétit. C’est le croisement d’un gros ténia et d’Alien c’est ça ? Tu dois la saigner ? C’est immonde ! On récupère le sang pour lier la sauce ? C’est donc l’alliance d’un ténia à la Royale, d’Alien et du boudin noir. » Des paroles inouïes. Un gourmet débine la lamproie non pas comme plat mais comme créature et l’accuse de délit de sale gueule et de vivre comme un spéculateur de Miami. Je l’ai invité à en goûter une. Il a accepté. C’est vrai qu’elle est étrange, la lamproie. Ce n’est pas une anguille. Ce n’est pas un serpent. Ce n’est pas un poisson. C’est une lamproie. Un vertébré sans véritable colonne vertébrale et qui, à la place des mâchoires, laisse voir une bouche dentée circulaire de cauchemar. Cette bouche atroce lui sert de ventouse pour sucer le sang et la chair des saumons qu’elle parasite et avec lesquels elle voyage. Elle n’a pas de nageoires latérales, ni d’écailles sur sa peau qui, pour faire bonne mesure, est recouverte d’un élément visqueux. Au Pôle Lamproie, il semble qu’on ait un CDI laideur à vie. Rien n’y fait, elle a beau être une des créatures les plus disgracieuses de la création, elle se pêche depuis l’Antiquité et les gourmets en sont fous depuis le Moyen Âge. Henri Ier, fils de Guillaume le Conquérant, troisième et dernier roi normand d’Angleterre, l’aimait tellement qu’en 1135, il s’en goinfra jusqu’à mourir d’indigestion.
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Au Lion d’or, Michaël Lemonnier a succédé à Jean-Paul Barbier, monarque d’Arcins qui a laissé son trône médocain pour partir à la retraite. La maison n’a pas bougé d’un poil de lièvre à la Royale. Si vous n’avez jamais fait le voyage, ne ratez pas ce restaurant hors du temps où l’on peut apporter sa bouteille de vin rouge sans droit de bouchon et où la brigade de salle est hiérarchisée et vêtue comme chez Chartier. La lamproie à la bordelaise (en existe-t-il une autre ?) y est exquise et copieuse avec quatre belles darnes recouvertes d’une sauce noire, plus salmis que matelote, et qui abrite l’indispensable poireau (33 €). Une sauce au vin, bien sûr. Le Médoc, considéré par l’anthropologue Christian Coulon comme une des dernières régions de pêcheurschasseurs-cueilleurs du continent européen, est le bon endroit pour goûter la chair grasse et fine de ce succulent Dracula venue de l’Atlantique Nord pour pondre et mourir de sa graisse en Gironde mais on en trouve des deux côtés de l’estuaire. Au Café du Levant (brasserie où l’on a la bonne idée de servir la portion de camembert avec une salade et des noix à casser soi‑même), le plat est à 23,90 €. C’est la même sauce qu’au Lion d’or, ou presque. Elle est peut-être un peu plus liée donc plus épaisse. Dans les deux cas, aucun déchet car, contrairement à l’alose sa rivale, la lamproie n’a pas d’arêtes. Au lieu d’une colonne vertébrale, on trouve une sorte de grosse veine qu’il faut enlever avant la cuisson car elle contient une substance amère comme le fiel.
Au Levant, les poireaux sont servis en tronçons, à égalité avec les darnes, tandis qu’au Lion d’or, le poireau est davantage cuit et amalgamé à la sauce. Deux écoles. La lamproie ne se cuisine pas facilement. La recette est longue et salissante. Tablier obligatoire. Entre charcuterie et poissonnerie. Oui, il faut recueillir le sang dans une bassine avec un peu d’Armagnac au fond ou un vin liquoreux genre sainte-croixdu-mont pour empêcher qu’il ne coagule. Peu de cuisiniers se lancent dans un tel laboratoire. Quelques mamies des deux rives et quelques initiés à Bordeaux font leurs bocaux où congèlent. Comme Philippe Taris, photographe au journal Sud Ouest. « C’est un plat cher et recherché, mais j’ai le souvenir d’un plat populaire qui vient du temps où les agriculteurspêcheurs mangeaient ce qu’ils trouvaient. » De la rusticité de départ, la lamproie est devenue, au cours des siècles, un exemple de métamorphose : « Quand tu vois comme elle est dure, visqueuse et moche lorsqu’elle sort de l’eau et quand tu constates sa transformation, c’est plus que de la cuisine, c’est de l’alchimie. Ce plat est le fruit d’un très long apprentissage. On imagine les types qui successivement ont essayé de la rendre moins dure, puis comestible, puis bonne, savoureuse et même exquise. » Bref, elle est un exemple du génie culinaire de l’homme, bien avant l’invention du jus de carotte. « Avec le foie gras, le caviar, la truffe, tous produits de luxe, il ne reste plus qu’à manger, tout est là.
par Joël Raffier
Ici, c’est le contraire. Au départ, il n’y a rien. À l’arrivée, c’est bon ou mieux que bon. Je la sers avec des croûtons grillés et aillés. » J’ai suivi ce conseil avisé pour servir à Louis, dit l’incrédule, une conserve Garde. Cette maison libournaise fournit Fauchon et Hédiard en lamproie et escargots à la bordelaise. La boîte de 400 grammes de lamproie avec quatre-cinq morceaux coûte 29 €. Verdict ? « D’apparence, on dirait un salmis. C’est appétissant. On dirait des tronçons, d’une grosse sardine avec des restes de peau (elle n’est pas facile à enlever, ndlr). La texture aussi ressemble à la sardine. C’est bon, c’est fin, la sauce est vraiment réussie (un peu plus liquide que celles goûtées plus haut avec le poireau bien amalgamé, ndlr). Dans un restaurant, je préférerais toujours commander une bonne côte de bœuf avec la moelle, mais je suis surpris, agréablement ». Le Lion d’or
11, route de Pauillac, Arcins. Ouvert du mardi au samedi jusqu’à 13 h 45 et 21 h 45. Réservations : 05 56 58 96 79.
Le Café du Levant
25, rue Charles-Domercq, Bordeaux. Ouvert tous les jours jusqu’à 14 h 40 et 23 h. Réservations : 05 57 80 26 22.
Conserves Garde
Dans les bonnes poissonneries et à l’épicerie Côté Saveurs, 3 rue Capdeville, à Bordeaux.
© Melanie Gribinski
IN VINO VERITAS
par Henry Clemens
Le marché des Capucins abrite, on le sait au moins depuis le travail de la photographe Mélanie Gribinski1, quelques personnalités aux vies multiples. Transformiste, musicien, poète s’échappent de leurs rêves vibrants pour s’habiller au tout petit jour en maraîcher, fromager ou caviste. Pierre Gilbert fut producteur et éditeur avant de devenir caviste militant en 2009.
L’AIMABLE HYDE On n’est pas à une surprise près dans ce palais pour papilles et yeux gourmands, situé au cœur d’un lieu chamarré qui selon Airbnb, se hisse à la quatrième place mondiale des quartiers à visiter en 2016. Voilà pour les accros aux classements. Au bout des allées peuplées, vous revêtirez, qui sait, le costume de Phileas Fogg en goguette, pour un tour des halles en quelques heures dont le point d’orgue pourrait être la cave de Pierre Gilbert, Au Bouquet d’Arômes2. Stand n°17ABD pour les accros à Patrick McGoohan3. Une presque bizarrerie dans ce grand village bruyant et braillard ; derrière le comptoir un homme chaleureux et souriant interroge délicatement votre envie de bonne chère. Un peu d’Edward G. Robinson4, loser magnifique chez Fritz Lang, dans ses manières d’homme éduqué et affable qui, en réalité, dissimulent des propositions et des choix radicaux. Parmi les cinq cents références en vin, des petits producteurs et préférablement des produits bio ou biodynamiques, dont la demande, nous dit-il, ne cesse d’augmenter. « En trois ans, le rayon bio a été multiplié par trois, avec un phénomène exceptionnel : un acheteur qui passe au bio ne fait pas marche arrière ! » Selon l’Agence Bio, faut-il le rappeler, en 2015, neuf Français sur dix consomment bio, au moins occasionnellement, alors qu’ils n’étaient qu’une moitié en 2003.
Après une longue parenthèse barcelonaise, femme et enfant en mal de pays poussent le ré-éditeur de Willy Deville5 derrière le stand des Capucins. Si le hasard le conduit au commande d’Au Bouquet d’Arômes, il parle avec gourmandise de son métier, appréciant par-dessus tout les rencontres improbables, aujourd’hui préparé aux publics les plus exigeants, « le marché constitue la meilleure école de commerce » ajoute-t-il amusé. La cave de Pierre Gilbert est un palais aux saveurs franco-ibériques. Comme pour souligner cette réalité, il évoque deux coups de cœur : un bordeaux et un vin du sud-est de l’Espagne. « Avec le Pomerol Gombaude-Guillot 2004, en biodynamie, vous serez séduit par les fruits mûrs, par les beaux merlots gourmands » et l’Espagnol d’adoption de retenir également un vin de Murcie : « El Botijo est un grenache pur et séveux qui devrait en convaincre plus d’un de la qualité de certains vins naturels. » Surtout prenez le temps et acceptez la vacuole proposée par le caviste car rien n’indisposera plus Monsieur Hyde qu’un homme pressé. 1. Mélanie Gribinski, La Double Vie des Capus, éditions Le Castor Astral. 2. www.facebook.com/aubouquetdaromes 3. Acteur et réalisateur irlando-américain (1928-2009), co-auteur de la série Le Prisonnier. 4. Acteur américain (1893-1973). 5. Chanteur, compositeur et acteur américain (1950-2009).
Une sélection d’activités pour les enfants
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© Roberto Giostra
CIRQUE
Récup’ Un manège comme un souvenir d’enfant, surélevé sur un plateau de bois. Deux podiums qui s’avancent de part et d’autre. C’est un music-hall de poche, une opérette rêvée, une histoire de cirque, de manipulation d’objets, de mots... et de recyclage ! Ces quatre personnages, tout droit sortis d’un vieux placard – peut-être de la cuisine de Beckett ?! –, sujets humains articulés du manège, jouent avec les silences, les corps, la musique, recherchent l’exaltation que procure l’équilibre sur une roue ou le mouvement sublime qu’est celui de la légèreté de l’envol de la voltigeuse. Entre surréalisme, quotidien de pacotille… et enchantement suranné. Le Cirque poussière, cie La Faux Populaire/ Le Mort aux Dents,
Slave Pour les jeunes spectateurs, la musique de Sergueï Prokofiev est indissociable de Pierre et le Loup. Mais savez-vous que le compositeur aimait aussi le cinéma, à tel point qu’il a écrit des musiques de film ? En 1939, il rédige une partition pour accompagner l’histoire d’Alexandre Nevski, héros russe du xiie siècle… La musique est si miroitante d’images triomphales que vous serez à deux doigts de confondre le récitant Alexis Duffaure avec le prince russe tandis que chanteurs et musiciens ressembleront fort aux chevaliers teutoniques voulant envahir le pays… « En avant, peuple de Russie ! » À la découverte de l’orchestre, « Alexandre Nevski », Orchestre National Bordeaux Aquitaine,
En février, l’Artothèque a également donné carte blanche à l’artiste Jeanne Tzaut pour mener des ateliers avec les enfants de 6 à 11 ans sur le point de vue. Lors d’une sortie en tramway les enfants ont croqué le paysage par la fenêtre et découvert la Maison aux personnages d’Ilya et Emilia Kabakov (commande publique du tramway). Ce projet a pour objectif de valoriser l’image des quartiers et de ses habitants. « Ouvre ta fenêtre ! », jusqu’au samedi 23 avril, Les arts au mur Artothèque de Pessac, Pessac.
www.lesartsaumur.com
SALON Pages Un salon de littérature jeunesse constitue un grand moment pour les enfants et leurs parents : on peut y croiser des auteurs et des illustrateurs et appréhender la création derrière un album ; l’objet livre prend forme et toute sa dimension dans ce contact direct. Lors de ces rencontres se dévoilent non seulement la méthode, mais aussi la façon de faire en direct. Ces moments sont l’occasion d’échanges avec les enfants qui mettent leur imaginaire au travail, en faisant vivre les personnages et en donnant corps aux histoires. Le salon permet enfin de faire découvrir différents métiers autour du livre – éditeurs, conteurs, libraires – et d’offrir en exposition un éventail important d’albums. 6e Salon de littérature Jeunesse, du
direction de Paul Daniel, à partir de 9 ans, vendredi 29 avril, 19 h, Auditorium, salle Dutilleux.
www.opera-bordeaux.com
EXPOSITION
à partir de 7 ans, samedi 2 avril, 20 h 30, dimanche 3 avril, 16 h, Parc Monsalut, Cestas.
www.signoret-canejan.fr
vendredi 29 avril au dimanche 1er mai, salle du Broustic, Andernos-les-Bains.
www.grandilire.fr
CONCERT
© Mathieu Gervaise
D. R.
THÉÂTRE
Chandelier Créé la saison dernière au Molière Scène d’Aquitaine, Le Cri du lustre a remporté un vif succès ! Hors de question de changer une virgule du spectacle. Le seul consentement au changement sera le lieu de la représentation, avec le secret espoir d’y trouver un lustre, et son mystérieux cri... Rencontre de cour à jardin à l’issue de la représentation. Le Cri du lustre, cie Tutti, mise en scène de Stéphane GhislainRoussel, à partir de 7 ans, samedi www.opera-bordeaux.com
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Porcinet Groink. C’est Nif, Naf et Nouf accrochés à leur maman Rosetta ! Trois petits dodus. Pas toqués mais bien vivants. Tout roses et tout ronds. Tout moelleux. Tout le temps ils courent. Partout ils jouent. Tout joufflus, charnus. Oouh ! On en mangerait. Surtout prenez bien garde au grand méchant Jack. Grand méchant Loup ? Groink, opéra de trois sous,
Groink © Pierre Planchenault
9 avril, 11 h, Grand-Théâtre, salon Boireau.
Carreau « Ouvre ta fenêtre ! » présente les productions (peintures, dessins, photographies, vidéo, son) réalisées au cours des ateliers menés par Christelle Seguin avec les publics des structures suivantes : espace social et d’animation Chataigneraie Arago, espace social et d’animation Alain Coudert, espace social Alouette animation, association ASTI ainsi que les écoles élémentaires Georges-Leygues et Édouard-Herriot à Pessac ; Mix Cité, centre social et culturel de Talence Thouars ; Astrolabe, association de quartier de Bordeaux Belcier. Pourquoi le thème de la fenêtre ? Car les expositions de l’Artothèque de la saison 2015/2016 ont un fil conducteur : le cinéma, fenêtre ouverte sur le monde... Par ailleurs, la fenêtre est un thème qui, dans l’histoire de l’art, a toujours fasciné les artistes, et ce, depuis la Renaissance. En effet, la fenêtre donne à voir le paysage en perspective.
s’appuie sur le conte traditionnel des Trois Petits Cochons, respectant l’histoire originale mais remise au goût du jour. Une œuvre avant tout rythmique et énergique où la percussion, la voix, les corps sont indissociables d’une écriture pleine de couleurs et de clins d’œil. Dans cette œuvre joyeuse, légère et grave à la fois, il est question d’enfance, de jeu, de fraternité, de séparation, de peur et de dévoration, de construction et surtout de grandir ! Groink, cie Éclats/Stéphane Guignard, à partir de 4 ans, mercredi 6 avril, 15 h 30, Le Plateau/Théâtre Jean-Vilar, Eysines.
www.eysines-culture.fr
© M-G Costa
JEUNE PUBLIC
Langes BB de l’association Tutti s’adresse aux tout petits, ceux qui rampent, babillent, pleurent et rient. Ce spectacle pour les 6 à 18 mois a été créé en 2011 avec la danseuse chorégraphe Ito Makiko, le danseur Sylvain Méret et les musiciennes bordelaises Julie Läderach et Chris Martineau. L’improvisation tient lieu de fil conducteur, les cordes répondent aux cris, aux pleurs, aux rires. Les enfants sont libres de parcourir l’espace scénique. Un petit bijou pour 20 enfants et 20 parents. Deux danseurs et deux musiciennes s’amusent à tisser des liens fugitifs et intenses avec les bébés dans une interactivité qui éveille leur curiosité, leur créativité et leur imaginaire. Un moment de performance pour tous, artistes et bébés, mais aussi une expérience forte pour les parents qui découvrent un univers magique et merveilleux dont leurs enfants sont acteurs. BB, Tutti & Stichting Ombellico, 6 à 18 mois, mercredi 20 avril, 10 h 30 et 16 h 30, La Caravelle, Marcheprime.
www.la-caravelle-marcheprime.fr
Je n’ai pas peur © Pascal Pérennec © Cie La Boîte à sel
Espace Trois cosmonautes cherchent à décoller. Autour d’elle et d’eux, les objets et les matières ne semblent plus soumis aux lois de la gravité et les sons résonnent comme des échos de leurs odyssées rêvées. En jouant les explorateurs, les astrophysiciens, les sculpteurs, ils se fabriquent des aventures avec des globes en plastique et des couvertures de survie et s’amusent sans s’appesantir, plutôt en apesanteur, pour inventer un langage de l’espace qui leur appartient, un langage né du dénuement et de la foi en l’imaginaire. Le compte à rebours est engagé : 5, 4, 3, 2, 1… Et si vous embarquiez à bord de nos fusées ? Les Fusées, cie La boîte à sel, dès 7 ans.
Initiation Été 1978, sud de l’Italie. La chaleur étouffante vide les rues du village et les champs. Seuls Michele, 9 ans, et ses camarades osent s’approprier ce terrain de jeu. Michele découvre ainsi un trou caché dans une cour intérieure au fond duquel il y a quelqu’un. Mort ? Vivant ? Monstre ? Humain ? Sa fantaisie galopante se met en marche. Finalement Michele décide de taire son secret : il s’agit d’un enfant de son âge, Filippo, séquestré. Se questionnant sur le pourquoi de cette captivité, Michele mène une enquête qui le conduit à bien d’autres découvertes et va à jamais bouleverser sa vie… Ce récit initiatique illustre ainsi le moment délicat qu’est la fin de l’insouciance et dresse un portrait tout en nuance d’un garçon découvrant le sens des responsabilités. Je n’ai pas peur est une histoire à la fois drôle, cruelle, passionnante et poignante, où le jeune héros, devenu adulte et narrateur, nous plonge dans une histoire mafieuse aux multiples rebondissements où se mêlent de nombreux personnages aux forts caractères et des sentiments contrastés. Porté par une mise en scène inventive mariant jeu, manipulation et décors mécaniques, le spectacle génère un flot constant d’images et d’émotions. Je n’ai pas peur, cie Tro-Héol, d’après le roman de Niccoló Ammaniti, à partir de 10 ans, mardi 26 avril, 20 h, centre Simone-Signoret, Canéjan.
www.signoret-canejan.fr
Vendredi 22 avril, 11 h et 18 h 30, samedi 23 avril, 16 h 30, dimanche 24 avril, 11 h, La Manufacture atlantique.
www.manufactureatlantique.net www.eysines-culture.fr
Restitution publique Huit adolescents, comédiens amateurs, présentent une pièce écrite spécialement pour eux par l’écrivain Henri Bornstein. Cette pièce, mise en scène par Adeline Detée, directrice artistique de la compagnie du Réfectoire, parle de leur jeunesse et de ce qu’est l’engagement aujourd’hui. Dans le cadre de « Si j’étais grand… », projet de développement des écritures dramatiques destinées à être jouées par un public jeune initié par la compagnie du Réfectoire. Entrée libre sur réservation info/contact : Camille Monmège 05 56 33 36 68 – c.monmege@tnba.org L’Histoire de Sylvain, samedi 23 avril, 18 h, TnBA, studio de création.
www.tnba.org
D. R.
Mercredi 27 avril, 15 h 30, Le Plateau/ Théâtre Jean-Vilar, Eysines.
Quadrille Quatre jeunes gens osent le grand jeu de l’amour et du hasard dans la langue poétique et imagée de Philippe Dorin. En trois pas de valse, on se choisit un autre cavalier. En trois petits tours, on se retrouve à l’autre bout du monde. Une comédie amoureuse où texte, musique et danse accordent leurs rythmes et se jouent du temps et des lieux. Un tourbillon frivole et intense où le verbe « aimer » trouve toute sa résonance... à en oublier les convenances ! Ils se marièrent et eurent beaucoup, cie du Réfectoire / Adeline Détée, à partir de 8 ans,
Mardi 26 avril, 18 h, théâtre le Liburnia, Libourne.
www.ville-libourne.fr
Samedi 30 avril, 16 h, Le Galet, Pessac.
www.pessac.fr
CONVERSATION
© Jean-Luc Bertini
En une décennie, 2006-2016, les éditions Gallmeister ont accumulé de belles performances : 127 livres, 65 auteurs, 35 traducteurs, 3 éditeurs, 2 prix Médicis, 4 National Book Awards, 1 prix Pulitzer, 3 sites internet, un bureau de 35 m2, 3 séjours annuels aux États-Unis, 39 projets de maquettes pour la collection Totem, 89 pour la collection Neonoir, 67 tournées d’auteurs, plus de 400 rencontres en librairies, 3 correcteurs, 3 imprimeurs, 48 168 pages publiées, plus d’un million de livres vendus, 446 000 marque-pages offerts… Des chiffres plutôt vertigineux pour une petite maison de huit personnes, dirigée par Oliver Gallmeister, et qui inspire même le plus profond respect à la vénérable librairie Mollat, institution bordelaise s’il en est, en des termes fort flatteurs : « Les éditions Gallmeister sont à l’unanimité un exemple en matière éditoriale. » À l’occasion de la 14e édition de l’Escale du Livre, du 1er au 3 avril, Oliver Gallmeister vient fêter ses dix ans. Déjà présent en 2008, il revient accompagné de Ron Carlson, auteur du récent Retour à Oakpine. Propos recueillis par Marc A. Bertin
L’AMI AMÉRICAIN Fonder une maison d’édition au début du xxie siècle, cela relevait-il du pari, de la folie ou d’une intime conviction ? Les trois, sans aucun doute. Aviez-vous des modèles dans le métier avant de vous lancer ? Je n’étais qu’un lecteur qui ne connaissait absolument rien à l’édition. J’ai frappé à plusieurs portes pour demander conseil et j’ai été stupéfait de la générosité des éditeurs qui ont accepté de me rencontrer, de partager leur expérience et de suivre mon projet. Anne-Marie Métailié1 et Laurent Beccaria2 notamment m’ont apporté un soutien précieux. Lecteur avec un tropisme anglo-saxon, quelles étaient vos références ou du moins les romans qui ont formé votre goût ? Je suis un amoureux de Proust, tout comme des auteurs classiques russes. Mais c’est la littérature américaine qui s’est progressivement imposée dans mes choix de lecteur : Fitzgerald, Hemingway, Faulkner ou James Crumley sont des auteurs qui ont façonné mon univers littéraire. Étiez-vous déjà amateur de nature writing ? Évidemment. On ne fonde pas une maison d’édition parce qu’on a envie de devenir éditeur. Ce sont des livres qui vous poussent vers ce métier et dans notre cas, ces livres, c’était le nature writing, un genre littéraire majeur aux États-Unis et trop méconnu en France.
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Les éditions Gallmeister ne sauraient se résumer aux récits naturalistes. Vous avez initié une collection Noire, dont l’emblème serait Craig Johnson et son très populaire shérif Walt Longmire, une collection Neonoir, une collection Americana et, enfin, une collection poche Totem. Comment se sontelles articulées ? Par envie ou par nécessité ? Ce que nous cherchons à faire avec nos publications, c’est vous donner à lire l’Amérique. Nos différentes collections de grands formats sont nées parce qu’elles s’imposaient comme des angles de découverte de ce pays et de sa littérature. La collection Noire s’inscrit dans la tradition du roman policier et du western, Americana explore les grandes mythologies américaines, Neonoir est consacrée comme son nom l’indique à la littérature neo-noir qui est le courant le plus contemporain du roman noir américain. Quant à Totem, il s’agit de notre bibliothèque américaine idéale. Avec plus de soixante-dix auteurs publiés, vous couvrez presque le territoire des ÉtatsUnis, de l’Alaska à la Floride. S’agit-il d’un plan de domination habilement déguisé ? Je ne vois pas vraiment l’équipe de Gallmeister comme des combattants ivres de conquête. Je dirais plutôt que nous sommes des explorateurs avides cherchant à comprendre un pays. Comment fait-on pour compter à la fois des auteurs « cultes » tels Kurt Vonnegut, Tom Robbins, Ross Macdonald, Rick Bass, James Crumley et signer, au hasard, Ron Carlson ?
Aujourd’hui, nous sommes la seule maison d’édition française à nous consacrer exclusivement à la littérature américaine et nous employons toute notre énergie à mieux connaître cette littérature, peu importe qu’il s’agisse d’auteurs ayant publié leur livre il y a un ou cinquante ans. Les auteurs cultes que vous citez ne constituent pas des publications rentables à court terme, ce qui est une chance pour nous car peu d’éditeurs s’y intéressent. Ils représentent un pilier incontournable de la maison parce que nous avons cette ambition très spécialisée. Quant à Ron Carlson, je l’ai découvert par le biais de l’un de mes conseillers avisés, Craig Johnson ! Toujours dans le registre du culte, comment avez-vous eu vent de l’insaisissable Trevanian ? C’est mon compère Philippe Beyvin, éditeur entre autres chez nous de Bob Shacochis, Ayana Mathis ou Phil Klay, qui nous a parlé de cet auteur. Trevanian avait inexplicablement disparu des librairies françaises, il fallait absolument y remédier. Lorsque David Vann a été distingué par le prix Médicis 2010 pour Sukkwan Island – vendu à 230 000 exemplaires –, vous êtesvous dit que vous y étiez arrivé ? Je crois que mes pensées exactes ont été sur le moment : « Bon sang, qu’est-ce qu’il faut faire quand on a un prix ? » Et que, oui, nous y étions arrivés pour David Vann. Mais chaque livre et chaque nouvel auteur constituent un nouveau défi. Il faut donc « y arriver » près de trente fois par an.
Pour croître, vous devez signer des auteurs, donc lire des manuscrits. Jusque-là, rien d’exceptionnel. Or, pour trouver de nouvelles plumes, vous devez passer votre temps à sillonner le Pays de la Liberté ? En effet, nos séjours aux États-Unis sont nombreux. Nous passons aussi beaucoup de temps à échanger avec des auteurs et des libraires américains, à lire des blogs, des revues spécialisées et à converser avec les agents littéraires basés aux États-Unis.
Dix ans d’activité, au-delà du symbole, quel effet cela fait-il ? Quand nous avons lancé ce projet, j’avais l’intention de publier des livres et d’avoir beaucoup de temps pour aller pêcher. Dix ans après, j’ai beaucoup de mal à trouver le temps de pêcher, mais je suis chaque année plus fier des livres que nous publions. Sauriez-vous en mesure de résumer cette décennie en dix romans ? Je me refuse d’emblée à ce cruel exercice. Mais allez voir vos libraires, je suis sûr que chacun d’entre eux aura son idée sur la question. Quelle est l’image des éditions Gallmeister outre-Atlantique ? Je crois qu’elle est très bonne. Les auteurs avec lesquels nous travaillons nous font confiance et
je reçois de plus en plus de sollicitations d’auteurs qui souhaitent rejoindre notre catalogue.
Des regrets ou des auteurs ayant décliné ? Oui et non. On ne peut pas gagner à tous les coups. Il y a des livres que nous aurions aimé publier et qui l’ont été par d’autres mais ils sont entre de bonnes mains chez des éditeurs qui les défendent et les valorisent. C’est l’essentiel. « L’Amérique grandeur nature » est-il écrit, mais, non sans malice, ce pays ne l’est-il pas par essence ? C’est certain. Notre slogan pourrait être simplement « L’Amérique » mais nos affiches seraient un peu vides. Sinon, dans dix ans ? Impossible à prévoir. Tout est une question d’auteurs et de rencontres. Nous allons commencer par penser à notre onzième année d’abord. Nous sommes en train de traduire des livres formidables pour 2017 ! 1. Fondatrice et directrice des éditions Métailié depuis 1979. 2. Ancien directeur littéraire aux éditions Plon, puis aux éditions Stock, Laurent Beccaria est le fondateur et directeur des éditions Les Arènes depuis 1997, le cofondateur et directeur de la revue XXI depuis 2008, et de la revue 6 mois depuis 2011.
Les 10 ans des éditions Gallmeister,
dimanche 3 avril, 16 h 30, Salon littéraire.
escaledulivre.com
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D. R.
Ce succès a-t-il modifié le regard de la profession et de la critique ? Sans nul doute. Ce succès très médiatique a conféré une certaine crédibilité à notre maison. Non seulement auprès des professionnels mais aussi du public.
« Quand nous avons lancé ce projet, j’avais l’intention de publier des livres et d’avoir beaucoup de temps pour aller pêcher. Dix ans après, j’ai beaucoup de mal à trouver le temps de pêcher, mais je suis chaque année plus fier des livres que nous publions. »
PORTRAIT
Sa formation initiale est celle d’une femme d’affaires, pourtant elle a consacré sa carrière aux affaires culturelles. Claire Andries, nouvelle directrice de la culture de la ville de Bordeaux, reçoit à la cité municipale, dans un bureau sobre et fonctionnel, sans décoration, mais déjà hérissé de piles de dossiers.
D. R.
Propos recueillis par Guillaume Gwardeath
APPRENDRE À OSER Comment devient-on directrice des affaires culturelles ? Avec un air faussement ingénu, elle nous demande d’être plus précis : « En général, ou à Bordeaux en particulier ? » Ah oui, tiens. Comment cela se passe-t-il pour Bordeaux en particulier ? Succéder à la puissante Brigitte Proucelle. Hériter d’un ou deux dossiers chauds. Reçoit-on un beau jour un coup de téléphone d’Alain Juppé ? Ou bien reçoit-on un coup de téléphone d’une personne qui vous dit « Alain Juppé va vous appeler » ? Claire Andries, fraîche directrice (ou directeur – « les deux me vont ») des affaires culturelles de la ville de Bordeaux, une semaine à peine après sa prise de fonction, nous répond en souriant. « C’est à peu près comme cela que ça se passe ». Même si, « en l’occurrence, ce type de mission se traite via un cabinet de recrutement, ça ressemble en effet à un “Bonjour, cela vous dirait-il de postuler ?” »… Voilà donc pour Bordeaux en particulier. Pour être plus général, il faudrait commencer par dire qu’elle a grandi à Paris, nourrie aux livres (« J’ai une mère qui est chercheur en littérature. On n’avait pas la télé. J’étais entourée de bouquins. ») et aux films, avec la fréquentation assidue de « toutes les petites salles du Quartier Latin ». Inscrite au Cours Florent, elle en ressort libérée : « Je savais que, non, je ne serais pas comédienne. » Pas d’ambiguïté. Elle ne jouera pas les artistes frustrées. Elle fait une grande école. « C’était HEC », nous dit-elle comme s’il était un peu gênant d’associer commerce et management à un cursus culturel. De ses années d’études, elle met en exergue un chemin de traverse qui la mena outre-Manche. « Quand je suis rentrée à HEC, j’ai tout de suite eu envie d’en partir, et au bout d’un an je suis allée faire une année sabbatique, ce qui à l’époque se pratiquait très peu. Je suis partie à Bristol. Au début des années 1990, en plein dans ce qu’on appelait le « Bristol sound », avec la naissance du trip hop, Massive Attack, Tricky, Portishead... » L’expérience eut valeur de choc. « D’abord, en terme d’éducation,
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parce que j’y ai suivi des études de théâtre et de philosophie, et ensuite de par cette immersion, complètement formatrice. » À pas même vingt ans, la voilà donc déterminée. Ses camarades de promotion optaient pour le conseil, la finance ou la high-tech. « Moi, je voulais travailler dans le domaine culturel », assène-t-elle en détachant chaque syllabe, « cet engagement a été un vrai choix ». Elle fait ses débuts au théâtre Dijon-Bourgogne, avec déjà des responsabilités de programmation et de production. Puis, part s’occuper de la danse et du théâtre au festival Paris Quartiers d’Eté, pour deux saisons. Marquée par cette façon « d’investir des lieux atypiques pour y proposer des spectacles », il lui revient, entre autres gros projets dont elle fut en charge, une Nuit des Enchanteurs Marocains, pour laquelle une centaine d’artistes de la place Jemaa el-Fna de Marrakech avaient été invités « au beau milieu du jardin des Tuileries ». La ligne suivante de son CV s’inscrit à la MC93 de Bobigny, « en Seine-Saint-Denis, donc, dans un département avec une identité très forte ». Une maison emblématique du paysage culturel français, « utopique, aussi ». Elle en retient « un vrai travail sur les publics ». Au bout de deux ans, quand son directeur a été nommé au Théâtre National de Chaillot, elle suit le mouvement. « Un peu réticente » au début, impressionnée par le « monument » du Trocadéro, deuxième théâtre de France après la Comédie Française, mais conquise par « un véritable projet de transformation, avec une ouverture à l’international, à la danse, à la musique ». Elle y passe neuf années, directrice de production, directrice de la programmation et secrétaire générale. « J’ai beaucoup aimé ça », donnant l’impression de se souvenir d’un endroit magique. C’est ensuite Bernard Latarjet, grand administrateur culturel français, alors en charge de la mise en œuvre du label « capitale européenne de la culture » pour MarseilleProvence 2013 qui la sollicite.
« Il m’a dit : “J’ai besoin de quelqu’un pour faire la programmation. C’est l’enfer avec la ville de Marseille. Ça se passe très mal. C’est un projet cauchemardesque. On a tous les opérateurs à dos. Est-ce que ça vous intéresse ?” J’ai dit oui tout de suite. » Recrutée en avril 2009 comme directrice de projets, Claire Andries reste jusqu’au bout : « Je le dis, car il y a beaucoup de turn-over dans les équipes de capitales européennes. » Avec un tel poste, elle peut pratiquer l’action culturelle à grande échelle : près d’un millier de projets, des interlocuteurs dans tout l’arc politique (« extrême droite exclue, heureusement »), une zone d’intervention étendue à tout un département et un champ artistique « qui allait du football à la poésie contemporaine en passant par les grandes fêtes populaires ». Sans mentionner comment cela doit être formateur, de devoir s’imposer dans une ville qui résiste à tout – « Le seul port en France où les canons ne sont pas tournés vers l’extérieur, en cas d’invasion, mais vers l’intérieur, car il y a cette idée selon laquelle la ville peut se soulever à tout moment. » À la fin de cette mission marseillaise, Claire Andries est recrutée par la ville de Cannes, où il s’est beaucoup agi pour elle de faire exister la culture en dehors des onze jours du prestigieux festival du film. Voilà donc comment on deviendrait directrice de la culture. En participant à l’invention de nouveaux projets. Cela semble s’être bien passé, jusque-là, en fin de compte, pour une diplômée de HEC. « Je ne suis pas sûre que la question des diplômes, dans un parcours culturel, soit au cœur du sujet », recadre-t-elle une dernière fois. « Il y a des choses qui s’apprennent dans les grandes écoles, comme acquérir une technique budgétaire ou des techniques de pilotage. Mais comprendre comment on monte des projets artistiques, c’est beaucoup plus ténu, et beaucoup plus sensible, et beaucoup plus difficile ». Et beaucoup plus rare, aussi, sans doute.