NOUVELLES DE L’ENFER
16 FÉVRIER 2002
Des nouvelles de l’enfer Par Hank Skinner Le 16 février 2002 Bon sang, quelle semaine ! Après les incidents de récréation du 9 février, ils ont placé Paul, Rick, Saulja et T en lockdown et ne leur donnent que les repas minimum. Le jour suivant, ils ont placé Chi Town (ou Cartwright) en lockdown aussi. Le 14 février, le gardien Nunley a voulu refuser la douche à Wheatfall qui a voulu allumé un feu dans la coursive pour faire venir un gradé. Mais il a mis le feu de l’autre côté de sa porte et sa cellule s’est retrouvée enfumée ainsi que la section entière jusqu’à la cellule de récréation. La fumée dans la cellule de Wheatfall était tellement âcre et épaisse que le gardien de service ne pouvait pas voir Wheatfall alors que son visage était tout contre la vitre. C’est là que ça devient intéressant. Nous nous sommes demandés si Wheatfall n’essayait pas de mettre fin à ses jours. Les gardiens, Nunley et Brown ont fait venir le sergent Griffin jusqu’ici. D’autres gardiens sont venus, des très balaises. Chavis doit faire à peu près 1m95 pour 135 kilos. Brown doit faire 1m88 pour 140 kilos. La démarche dans une situation pareille est de faire préparer une équipe très rapidement et de faire sortir le prisonnier de sa cellule, surtout si on a de bonnes raisons de penser qu’il essaye de se suicider. Le Lt Roach arrive. Ils n’ont pas du tout fait préparer d’équipe, ils défilent chacun leur tour devant la porte et regarde. Aucune réponse de Wheatfall. Le gradé dit « Merde, il a de l’eau dans sa cellule pour éteindre le feu et il ne fait rien, alors qu’il se démerde. Moi je dis qu’on le laisse se débrouiller ». Je rappelle à Roach que c’est leur devoir de protéger un détenu et d’assurer sa sécurité, même si cela signifie le protéger de lui-même. Par exemple, je lui dis « si vous voyez un prisonnier pendu à son plafonnier, vous allez le laisser accroché ou vous allez le faire descendre ? Si vous voyez un prisonnier qui s’ouvre les veines, vous allez le laisser saigner à mort ou vous allez le chercher ? » Roach me dit « Ma préoccupation principale c’est la sécurité de mes gardiens ». Wheatfall doit mesurer autour d’1m60 pour environ 85 kilos. Il y a 5 gardiens dans le couloir, quatre d’entre eux font le double de Wheatfall. Il y a aussi ici un sergent et un lieutenant. Wheatfall est suffoqué par la fumée et il tousse jusqu’à l’étouffement. Ils auraient pu faire ouvrir la porte et le sortir de là. Et s’il en était mort ? Il n’y avait aucune menace pour la sécurité des gardiens. Quel mensonge. Finalement, Roach traîne Wheatfall jusqu’à la porte, le menotte et le fait sortir. Il était complètement noir comme de la suie et il suffoquait. Il ne leur a pas répondu parce qu’il était collé à la grille de ventilation pour trouver de l’air et il avait la trouille de s’en éloigner, peur d’étouffer. Cet épisode a duré environ 35 minutes. Il y a des gens qui meurent en la moitié de ce temps dans des maisons en feu juste à cause de l’inhalation des fumées. Bien sûr, Wheatfall a une certaine part de responsabilité pour avoir causé l’incident, mais cela ne veut pas dire qu’il devait mourir de ces inhalations nocives. Il pensait que la fumée s’échapperait dans le couloir et il faisait ça uniquement pour faire venir un gradé pour régler cette histoire de douche. Ça s’est retourné contre lui et il aurait pu en mourir. Il n’aurait pas pu attirer leur attention en bloquant sa trappe parce qu’il est dans une cellule équipée de nouveau système « anti-blocage ». Dans une telle situation, les options d’un détenu pour faire déplacer un gradé n’étaient pas très nombreuses, d’autant que Nunley avait tort et qu’il le savait, donc il n’allait pas faire du zèle pour qu’un gradé se déplace sinon il risquait de se faire taper sur les doigts pour avoir privé Wheatfall de sa douche.
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Ce genre d’évènements prouve combien une situation à priori simple peut devenir meurtrière et combien il est difficile de faire déplacer les gradés jusqu’ici pour résoudre un problème. Les gardiens qui nous font du tort le savent bien, ils savent comment s’y prendre pour s’en tirer. L’administration ici nous accusent toujours de « débloquer » comme ils disent, mais que nous reste-t-il d’autre à faire ? Nous sommes enfermés en cellule. Les plaintes ne servent à rien, alors que le règlement exige que nous documentions chaque tentative informelle avant même de pouvoir déposer une plainte officielle ce qui signifie aussi faire déplacer un gradé. Si vous bloquez ou perturbez quelque chose, ils sont obligés de venir. Si l’alarme incendie retentit, ils sont obligés de venir. Ceci est le résultat d’une incarcération à l’isolement. Le gradé de service dans le bureau du Lieutenant ne peut même pas nous entendre hurler ou crier lorsque nous avons besoin de lui, il est à 80 mètres de nous dans une autre partie du bâtiment. Mettez vous à notre place. Vous êtes enfermé dans une cellule. Vous avez un gardien qui vous fait du tort. Vous n’arrivez pas à aller à la douche. En plus de tout ça, vous êtes fatigué, vous avez froid et faim, vous vous sentez sale et frustré, exaspéré au plus haut point. Qu’est-ce que vous allez faire ? Maintenant le gardien est dans le couloir en train de vous narguer à propos de ce qu’il est en train de vous faire, il vous traite de tous les noms et traîne votre mère dans la boue. Il parle de pute, de salope et de je ne sais quoi en parlant des mères des détenus. Maintenant, il vous humilie et vous émascule en manquant ainsi de respect à la femme qui vous a porté et donné la vie. Pour n’importe quel prisonnier, c’est une déclaration de guerre. En population générale, ces mots enverraient un gardien directement dans une ambulance ou un corbillard. Mais des abrutis comme Nunley se sentent en sécurité de l’autre côté d’une porte verrouillée à déblatérer autant d’injures. Et ça, c’est pire que tout car vous savez que si ce n’était pas pour cette porte fermée à clef, ce petit connard n’aurait pas le millième des tripes nécessaires pour débiter ce genre d’insultes à qui que ce soit. Ce n’est pas que nous lui ferions quoi que ce soit, mais cette éventualité empêcherait toute tentative. Comme un chauffard qui vous coupe la route, vous allez peut-être lui faire un doigt derrière la portière de votre voiture qui roule, mais si vous descendez de voiture et allez vers lui, vous allez forcément être plus raisonnable sinon ça pourrait mal tourner. Les amants qui se disputent disent que les embrassades et la réconciliation sont le meilleur moment. Et bien nous, on n’a jamais ni baiser ni réconciliation, toujours plus d’engueulades et de haine, constamment. Les coincés du genre Robert Chance dit que nous devrions assumer nos responsabilités pour nos actions personnelles. Nous le faisons. Nous sommes aussi forcés d’assumer la responsabilité pour ses actes et ceux de ses pourris de gardiens aussi, tout le temps. Les gardiens intègres en souffrent aussi parce qu’ils passent derrière et doivent faire le ménage dans ce que les autres pourris ont laissé. Alors pour nous, les choix sont limités. Souffrir en silence ou faire ce que l’on peut, ce qu’il nous reste. Ceci ne dure pas juste une journée, c’est tous les jours comme ça. Essayez donc 7 ou 8 ans à ce régime et puis dites-moi si c’est moi qui ne tourne pas rond. Ils disent que cet endroit fabrique des monstres. J’essaye de vous dire à tous, d’après mon expérience de première main, comment cela se passe. Je suis un homme de 39 ans qui est entourloupé comme un môme le serait par un Major mégalomaniaque qui a un complexe Napoléonien et un directeur qui hurle « sécurité ! » à titre d’excuse. Alors que je ne suis pas encore un « monstre », ni violent, ni agressif, ma tension artérielle est de 188/115. Je prends deux sortes de médicaments, mais aucune ne fonctionne vraiment pour la maîtriser. J’ai essayé 5 autres médicaments et aucun n’a changé quoi que ce soit. La même histoire se retrouve chez un grand nombre de jeunes prisonniers aussi. Le médecin dit que c’est plutôt du au trop plein de stress que mon organisme ne peut gérer. Jusqu’à ce quelque chose modifie ces conditions de vie et allège un peu les facteurs de stress, je dois vivre avec. Si toutefois
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je ne meurs pas avant d’une attaque ou d’un infarctus. Je n’avais jamais eu ce genre de souci avant 1998, çà a commencé quand on m’a parqué en niveau disciplinaire, puis avec le déménagement à Terrell/Polunsky en 1999. Tous ces mecs qui sont ici avec moi étaient tous des prisonniers modèles avant et ils participaient au programme de travail. « Les pires des pires ? ! ?» Ha/ha. Donnez leur encore un an, ils ne sont pas encore tout à fait mûrs pour le moment. Hank Skinner #999143
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