NOUVELLES DE L’ENFER
8 MARS 2002
Des Nouvelles de l’Enfer Par Hank Skinner Les 6 et 8 mars 2002 Cela fait un moment déjà que je voulais vous expliquer plusieurs choses à propos du système de classification et sur la façon dont le Major Lester et d’autres gardiens l’exploitent à notre détriment et pour leur bénéfice. En fait, au niveau I, vous avez accès à tous les privilèges, enfin le peu qu’il en reste. Vous pouvez avoir une machine à écrire, un pot pour faire chauffer l’eau, une radio, un ventilateur et des chaussures de sport. Vous avez accès aux achats, et voilà. Au niveau II, toutes vos affaires sont confisquées sauf le matériel juridique, les fournitures de correspondance, les affaires de lecture et d’hygiène – savon, shampoing, déodorant et dentifrice. Vous avez un accès limité aux achats, seulement une fois tous les quinze jours uniquement pour les produits d’hygiène et les fournitures de correspondance pour une dépense totale ne pouvant excéder $10. Au niveau III, c’est la même chose que pour le niveau II mis à part que vous n’avez plus droit aux produits d’hygiène. Ils nous demandent de nous laver les dents avec ce qu’ils nous donnent, une sorte de soda à la menthe et pour vous laver (cheveux, corps, vêtements et cellule) vous avez cinq pains de savon (4 cm x 7 cm – épaisseur 1 cm). Les prisonniers du niveau II sont des perturbateurs chroniques, sans rapport disciplinaire pour agression depuis les trois derniers mois. Les prisonniers du niveau III sont des perturbateurs chroniques qui ont eu un ou plusieurs rapports disciplinaires pour agression (dans les trois derniers mois). Apparemment, la seule raison de se retrouver «classé» est d’être coupable des charges disciplinaires correspondantes qui justifient un placement au niveau II ou III. Lester a placé des prisonniers sans rapport disciplinaire, lorsque celui-ci n’a pas été jugé coupable d’une infraction disciplinaire ou qu’il a remporté son appel sur un rapport disciplinaire. Les prisonniers ont droit à un accès réduit à toute forme de protection par la juste application de la procédure avant qu’ils ne soient punis suite à une infraction disciplinaire. Ces droits incluent : un préavis de 24 heures de la mise en accusation, la date, l’heure, le nom du gardien, etc.. ; le droit à une audience menée par un enquêteur impartial ; le droit d’être représenté par un conseiller ; le droit de confronter celui qui a établit le rapport avec d’éventuels témoins de la défense ; le droit d’accès aux dépositions de l’audience ; le droit de présenter un ou plusieurs témoignages ainsi que des preuves documentées pour votre défense ; le droit d’obtenir les conclusions écrites ayant déterminées la culpabilité et les raisons invoquées pour justifier la punition. Le système de classification ne respecte aucun de ces droits. La punition d’abord et immédiatement, l’audience plus tard. L’officier en charge de l’audience, les « DHO » sont des capitaines, avec un parti pris pour le TDCJ. Mais une fois que vous avez été « classé » pendant au moins deux semaines avant toute audience, le TDCJ a forcément tout intérêt à vous trouver coupable, quelles que soient les preuves présentées pour prouver votre innocence. Ils vous ont déjà puni pendant deux semaines et ils doivent le justifier. Dans les rares cas où un prisonnier est prouvé innocent, il reste au niveau III de toutes façons jusqu’à la révision disciplinaire qui se tient tous les trente jours. Au niveau III, cette révision a lieu tous les 30 jours, avec un minimum de 90 jours avant que vous ne soyez éligible pour le niveau II. Au niveau II, la révision a lieu tous les 90 jours avec 180 jours minimum (6 mois) avant que vous puissiez être considéré pour redescendre au niveau I… Lester demande à ses gardiens, sous couvert d’une « approche active » et de « développer une tolérance zéro pour les infractions disciplinaires », de fournir des rapports disciplinaires, le plus
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possible et de faire le maximum avec chaque infraction. D’où un prisonnier qui se masturbe qui est accusé « d’attaque sexuelle » et se retrouve au niveau III juste pour s’être tripoté. Un type qui se fait attraper avec deux aiguilles de tatouage prend un rapport disciplinaire pour « possession d’arme » et direct au niveau III. Un type qui a marché sur un fil électrique de 3 cm (dans le couloir pendant que les électriciens travaillent) et sans aucune intention de sa part, le fil se coince dans la semelle de sa chaussure ce qui est découvert plus tard par un gardien qui effectue une fouille à corps, va se retrouver avec un rapport pour « possession d’objet pouvant permettre une évasion », direct au niveau III. Un mec avec un carton argenté de 3 cm de large et 35 cm de long attaché à un fil qu’il utilise pour faire glisser des affaires de cellule à cellule, il aura un rapport pour « possession d’un Slim Jim et tentative d’évasion ou possession de matériel en vue d’une évasion », direct au niveau II. Comme un de ses amis lui a fait remarquer, ils vendent ces trucs-là comme fourniture de dessin à la cantine et si réellement il était possible de s’en fabriquer un outil d’évasion, ils ne le vendraient certainement pas à la cantine. Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres. Un fois que Lester vous a collé au niveau III, il utilisera tout ce qui est à sa portée pour vous y garder. Le niveau II est pour les perturbateurs chroniques qui n’ont aucun passif récent de tentative d’agression et/ou d’agression. Alors si vous êtes au niveau III et que vous continuez à accumuler des rapports pour des délits non-violents, après trois mois, vous devriez redescendre au niveau II en tant que « perturbateur chronique » sans historique de délit violent. Les perturbateurs chroniques ne devraient pas être maintenus au niveau III où ils n’ont même pas accès aux produits d’hygiène de base. Pourtant, c’est exactement ce que fait Lester avec sa tolérance zéro totalitaire, excessive et abusive et avec sa stricte application du règlement. (Ils utilisent toute sorte de termes pour expliquer leur méthodes de façon politiquement correcte, méthodes de tortures physiques et psychologiques qu’ils utilisent contre nous : « modification du comportement », « motivation d’ajustement d’attitudes », etc..) Je suis au niveau III depuis sept (7) mois, cette fois-ci. Avant, j’étais au niveau II pendant un an. J’ai été placé au niveau III pour « tentative d’agression sur un gardien » alors que j’étais assis par terre, les mains menottées derrière le dos, aussi passif que je pouvais l’être. Un sergent a demandé à deux gardiens de me soulever et de me remettre dans ma cellule. Ils m’ont fait basculer la tête la première sur la porte de ma cellule. Quand je me suis reculé pour protéger mon visage, ils m’ont fait un rapport pour « tentative d’agression », à tort, en clamant haut et fort que j’avais volontairement « basculé mon corps sur eux » ! Laissez donc quelqu’un vous menotter derrière le dos et vous verrez le peu de contrôle dont vous disposez pour repousser votre corps en direction de quelqu’un ou sur quelque chose. J’ai fait appel. Je n’ai pu avoir accès aux enregistrements audio de l’audience, j’ai carrément été exclu de l’audience elle-même et jugé coupable par contumace. Finalement, la décision a été cassée en appel, après avoir passé sept mois au niveau III pour rien. Le mois dernier, j’ai été jugé coupable de « possession de contrebande » et je suis resté au niveau III à cause de mes « récentes infractions disciplinaires ». Vous vous me demandez sans doute ce qu’est la contrebande ? Un conteneur en papier de 30 cl, vide qui était resté du petit-déjeuner. Pourquoi est-ce que je l’avais gardé ? C’est tout ce que j’avais pour pouvoir boire car un des supérieurs s’est fait entarté d’excréments, donc il a décidé de punir les 40 prisonniers qui n’avaient rien fait du tout (moi y compris) en confisquant nos gobelets. Un prisonnier avait balancé des excréments sur lui. Quarante ont été punis et continuent de l’être. Pour essayer de justifier cette punition, il a demandé qu’un autre supérieur ordonne que personne ne soit autorisé à conserver les briques de lait vides pour s’en servir de gobelet. Ensuite il a pondu un formulaire administratif très inventif pour faire croire que nous étions en « restriction de conteneur ». Nous ne l’étions pas. Mais avec un peu d’aide du Major Lester pour falsifier les documents officiels et les registres, le sous-directeur Chance a fait apparaître, au moins superficiellement, que nous étions en restriction de conteneur et que par conséquent, ces actes étaient justifiés. Le résultat final étant que je suis toujours au niveau III, un niveau sensé être réservé pour les prisonniers violents, uniquement. Alors je suis là pour possession d’une brique de lait vide.
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Je suis dans le système du TDC et plus tard TDCJ-ID depuis plus de 20 ans, une partie de ce temps passé à la prison de Santa Fe au Nouveau Mexique. Je suis un survivant de « l’émeute anniversaire », une des émeutes les plus sanglantes et les plus meurtrières dans l’histoire du monde pénitentiaire, comparable seulement à l’émeute de la prison d’Attica dans l’Etat de New-York. De toutes mes années en prison, je n’ai jamais eu de rapport disciplinaire pour possession d’armes, bagarre, agression sur des gardiens et/ou des prisonniers. En toute honnêteté, je n’ai jamais levé la main sur un employé de l’administration pénitentiaire. Pourtant, depuis ce système de classification et depuis que ce régime républicain ultra-conservateur est arrivé au pouvoir dans le système du TDCJ en 1995/1996, j’ai eu pas moins de six ou sept rapports disciplinaires pour « agression » ou « tentative d’agression » sur un employé. Comment est-ce possible ? Et bien, dans le cadre de cette « politique de la tolérance zéro », tout contact exercé par un prisonnier sur un employé peut être considéré comme une agression. Les gardiens doivent nous toucher constamment : pour nous menotter, pour nous fouiller. Lorsqu’ils nous escortent, nous sommes menottés derrière le dos avec deux gardiens, un de chaque côté qui vous tient sous l’aisselle. Tout mouvement qu’ils souhaitent appeler « résistance » est une agression. Toute tentative de « résistance » est une « tentative d’agression ». Pendant que vous marchez entre deux gardiens, si l’un d’entre eux vous pousse un peu pour vous faire valser contre l’autre gardien, alors, oh la la, vous venez « d’agresser » ce gardien. Il suffit d’un seul gardien qui ne vous aime pas pour quelque raison que ce soit et d’un peu de paperasse créative. Et souvenez-vous, avec ce système de classification, c’est la punition immédiate et l’audience plus tard. Là où c’est la parole d’un gardien contre la vôtre, voir celle de deux gardiens, vous perdez. Comme les gardiens doivent, selon le règlement, travailler par deux, vous perdez toujours. Peut-être comprenez-vous un peu mieux comment des prisonniers modèles du temps d’Ellis, intégrés au programme de travail, arrivés à Polunsky, se retrouvent au niveau III et y restent éternellement. Comme moi, les autres hommes sont maltraités de cette manière, ils subissent aussi la privation sensorielle, la privation de sommeil constante et les fouilles répétées, encore plus, toujours plus et encore plus, etc… Nous sommes au bout du rouleau. Nous le ressentons tous, alors que nous sommes assis là à affronter nos propres morts, si nous allons continuer à être mal traités et punis de cette manière, alors autant que nous en retirions quelque chose. Quel que soit le profit que nous puissions en retirer à titre personnel. C’est pourquoi Paul a commencé la résistance. Vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est d’essayer de bien faire et d’avoir à supporter ces rapports disciplinaires volontairement aggravés (ou simplement fabriqués), indiquant des ordres et contre-ordres qui n’ont aucun sens (ie. on vient et on nous confisque tous nos objets nécessaires à l’hygiène, ils prennent nos rasoirs, nos coupe-ongles, nos brosses à cheveux et nos miroirs. Il n’y a pas de miroir dans les cellules ou dans les douches. Ensuite on nous colle des rapports disciplinaires pour « refus d’obéir et de s’entretenir »). Vous pouvez constater qu’il y a un certain nombre de prisonniers qu’ils veulent maintenir en classification disciplinaire pour des raisons qui ne servent aucune logique de discipline pénitentiaire selon le règlement mais simplement parce qu’ils détestent ces prisonniers. La prochaine fois, je vous expliquerais comment tout cela fonctionne et vous exposant des exemples précis. Le 8 mars 2002, vendredi soir, 19h15 Mary, ça dégoupille de partout donc je vais m’arrêter là pour ce soir et mettre cette lettre au courrier pour qu’elle parte lundi matin. Ne t’inquiètes pas pour moi. Il n’y a rien à quoi que je ne puisse survivre. Ils sont en train de gazer Soulja. La nuite dernière, c’était Richard Cartwright et Rick Rhoades pour une brique de lait vide. Vous pouvez y croire ? Ces gens ont perdu la tête. « Rendez les briques de lait ou on vous arrose de produits chimiques et on envoie une équipe d’intervention de 5 personnes ! ». Ils ont même envoyé ce connard de Raymond Duff , Mr J’ai
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Peur en personne. Il a utilisé tellement de gaz sur Cartwright que ma cellule en était remplie comme si c’est moi qu’il avait gazé. Bon, il faut que je prenne une serviette mouillée parce qu’il y a vraiment du gaz partout dans les tuyauteries. J’écrirais demain ou après-demain. Hank Skinner #999143
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