NOUVELLES DE L’ENFER
16 AVRIL 2002
Des Nouvelles de l’Enfer Par Hank Skinner 16 avril 2002 Dans «Des Nouvelles de l’Enfer » le 2 avril, j’avais expliqué comment le système gère la classification des prisonniers et avant cela, le 13 mars dernier, j’avais détaillé leur mode de fonctionnement en prenant ma situation à titre d’exemple. Mais il ne s’agit pas de parler de moi pour dire moi, moi, moi, moi, mais vu la complexité de l’ensemble, j’ai pris beaucoup de temps pour expliquer de façon cohérente et compréhensible pour que vous puissiez saisir le niveau de manipulation mis en œuvre par le système et la perversion du règlement qui leur permet de nous maintenir enfermés au mitard. J’ai aussi utilisé mon exemple personnel car ma situation est l’une des plus probantes. Je ne suis pas violent, je ne l’ai jamais été. Contrairement à certains détenus qui jettent tout ce qu’ils trouvent sur les gardiens et commettent des agressions, cela ne m’est jamais arrivé. Je ne dis pas que je suis meilleur que les autres ou que les autres ont tort, même si certains ont été traités pire que moi d’une certaine manière. La raison principale pour laquelle j’utilise mon exemple personnel est simplement parce que j’ai accès à toutes les archives et éléments concernant mes actes et mes agissements, mais comme je parle aussi des autres, oubliez qu’il s’agit de moi et imaginez qui vous voulez dans le couloir de la mort. Je ne suis pas dans la lumière des projecteurs, je suis simplement le moyen de transmettre des informations ; « une histoire vraie », « un exemple vivant ». Comme je l’avais expliqué précédemment, j’ai pris un rapport disciplinaire le 8 février 02 pour avoir « menacé un gardien ». Ceci s’était déroulé environ 90 jours avant. Le 14 avril, nous avons été prévenus que les gardiens avaient pour mission de fournir des rapports disciplinaires pour toute violation du règlement qu’ils pourraient dégoter. Le 16 avril, le Sergent Duff était de service pour le petit-déjeuner à 3h30 du matin. La plupart des trappes fonctionnent avec un système de ressorts pour éviter qu’elles s’ouvrent toutes seules. Le chariot doit s’arrêter devant la porte de la cellule, perpendiculaire à 90° par rapport à la porte, pour que la trappe puisse servir d’étagère pour poser le plateau et un gobelet et que le prisonnier puisse prendre son plateau après que la personne en charge de la nourriture ait reculé après avoir demandé au prisonnier de s’avancer pour prendre son repas. Après le repas, lorsque les plateaux sont récupérés, le prisonnier doit sur ordre replacer le plateau dans la trappe et se reculer. A cause du système de ressorts, il est difficile de placer le plateau en équilibre et en général nous donnons le plateau directement au gardien. C’est plus pratique, plus rapide, plus logique et plus efficace. Lorsque les prisonniers du niveau III sont servis, un sergent doit être présent pour superviser le repas. N’importe quel autre sergent pendant les autres services se contente de vérifier que les gardiens déposent et récupèrent les plateaux, surveille les mains des prisonniers lorsqu’ils rendent leurs plateaux afin d’assurer la sécurité. Donc le 16 avril au petit-déjeuner, le sergent Duff insiste pour superviser l’intégralité des repas et demande aux gardiens de se tenir à côté du chariot pendant que lui fait tout le service, en mettant la nourriture dans les assiettes et en versant les boissons dans les gobelets. Pendant qu’il prépare les plateaux méticuleusement et les place en équilibre dans les trappes, le service prend une éternité. Il se dépêche pour récupérer les plateaux, il insiste pour faire le travail tout seul. Il arrive à la cellule d'Elkie Taylor, la cellule #4, Section A, il insiste pour que Taylor se recule ce qui veut dire qu’il doit forcément lâcher le plateau afin d’obéir. Elkie dit à Duff plusieurs fois que le plateau va tomber. Duff lui redemande de se reculer. Taylor n’a pas d’autre choix que d’obéir. Le plateau tombe et Duff accuse Taylor « d’agression » et dit que le plateau a touché son pied. Il
1
est évident aux yeux du prisonnier que Duff veut trouver un moyen de lui coller un rapport disciplinaire. Quand Duff arrive devant ma cellule, je pose mon plateau sur le bord de la trappe et je le tiens avec deux doigts. Je suis dans la section F et nous ne savions pas alors ce qu’il s’était passé avec Taylor dans la section A. Dans l’autre main, je tiens une plainte que je veux remettre au gardien après qu’il ait récupéré mon plateau pendant que la trappe est ouverte. Duff me dit « reculetoi », je me recule le plus possible avec le bras tendu et je demande à Duff « prenez le plateau, sinon il va tomber. Je veux absolument remettre cette plainte avant que vous ne refermiez la trappe ». Il reste là et me redemande de me reculer complètement (tout au fond de ma cellule). Le plateau est en déséquilibre, j’ai les deux mains prises et je ne peux pas le retirer. Je lui répète « le plateau va tomber ! ! Vous voulez que je le lâche et que je le laisse tomber par terre ? ». Il me répond « je te donne un ordre et je veux que tu te recules maintenant ! ». Je dis d’accord. Je lâche, le plateau tombe par terre. Duff est à 90 cm et il hurle « c’est une agression à 4h du matin ! Allez me chercher la caméra ! ». Je tends ma plainte et je dis à Duff « Je ne vois pas comment j’ai pu vous ‘agresser’. Le plateau ne vous a même pas touché et vous m’avez ordonné de le lâcher. Vous êtes responsable de ce qu’il s’est passé. » Il répond « Tu as dit que tu allais me le balancer dessus et tu l’as fait ». Je dis « Oui, c’est ça » et je retourne me coucher. Vingt minutes plus tard, le Lieutenant Tucker vient me demander ce qu’il s’est passé. Je lui explique ce que je viens vous décrire. Il m’informe que Duff prétend que j’ai volontairement lancé le plateau dans sa direction et que je l’ai touché. Je réponds à Tucker « la vérité va de soi. Regardez le tas de pommes de terre par terre, juste en dessous de la trappe. Si Duff se tenait sur le côté et qu’il dit que je lui ai lancé le plateau, la nourriture serait tombée par terre jusqu’à lui. » Tucker dit « Oui, je vois ce que tu veux dire, d’accord. » Puis il s’en va. Moins de trois heures plus tard, Roy Simon, le soi-disant conseiller, accourre avec un rapport disciplinaire majeur déjà préparé, fait inédit. Cela prend au bas mot un minimum de 3 jours de procédure pour sortir un rapport disciplinaire majeur. Le formulaire porte les initiales du Major Lester dans la marge réservée à la mention expliquant pourquoi le délit est classé comme « majeur ». Il me dit qu’il a été appelé chez lui pour valider ce rapport. Maintenant Duff reconnaît que j’ai laissé le plateau « basculer » de la trappe et qu’il a atterri sur ses pieds. J’explique à Simon ce qu’il s’est passé. Il relit l’explication et les commentaires de Duff ; Duff dit que je lui ai demandé à trois reprises de récupérer le plateau. Je demande à Simon « Avez-vous jamais vu quelqu’un être attaqué avec un plateau après avoir reçu 3 sommations ? », il répond « Je… Je ne sais pas. » Je lui dis « Tout d’un coup vous devenez bête comme Duff, hein ? » Il répond « Duff dit que le plateau est tombé sur ses pieds ». Je lui réponds « Pourquoi pensez-vous que je lui ai demandé de récupérer le plateau si ce n’était parce qu’il allait tomber ? », il dit « Je ne sais pas ». Je lui rappelle que « les dires de Duff sont conformes aux miens jusqu’à la chute du plateau et là tout devient flou. D’ailleurs Duff dit « C’est là qu’il m’a attaqué » mais il ne dit pas comment. Donc il sait que le plateau va tomber, pourtant il attend jusqu’à ce qu’il soit tombé, puis il avance son pied pour toucher le plateau ; il n’a même pas la présence d’esprit de se reculer alors qu’il a été prévenu à trois reprises que le plateau va tomber et malgré tout cela, c’est de toutes façons ma faute. » Simon répond « Je ne sais pas ». Je lui dis « Comme il est évident que vous ne savez rien, je me représenterais tout seul à l’audience disciplinaire ». Il signe le rapport et s’en va. Un peu plus tard un autre gardien m’appelle à l’interphone. Il dit « Skinner, apparemment il faut que tu te rases et que tu te fasses couper les cheveux ». Je réponds « D’accord, j’ai compris ». Il me demande « Tu vas obéir ? ». Je lui réponds « Je suis au niveau III. Vous avez un rasoir pour moi ? » (nous n’avons plus le droit de conserver notre rasoir. Ils doivent nous les remettre et les reprendre tout de suite après utilisation). Il ne me répond pas. Je demande « Vous avez décidé de faire une séance de coupes de cheveux ? ». Il me dit « Allons, ne prend pas ça à titre personnel. » Je lui dis « Je ne le prends pas personnellement, mais je ne peux pas obéir donc je ne vais pas obéir. » Deux heures plus tard, je prends un nouveau rapport disciplinaire pour « refus d’observer les règles d’hygiène ».
2
Jeudi 18, je vais à l’audience pour les deux rapports. Je fais ma déclaration au DHO, Victor Boston. Il appelle Duff, pas de réponse, donc le rapport pour agression est à suivre. Ensuite, le deuxième rapport. Nous appelons le gardien qui a fait le rapport. Il admet qu’il n’y avait pas de coiffeur ce jour-là et que j’étais dans ma cellule et non à la douche. Il me déclare coupable quand même et me dit qu’il prend note que j’ai les cheveux dans la figure et que j’ai besoin d’une coupe. Je lui dis qu’il ne peut pas me déclarer coupable sur ces faits car je suis jugé pour des faits à une date et à une heure précise, pas par rapport à la situation présente lors de l’audience et que je m’oppose à cette décision car elle ne m’a pas été notifiée selon les règles et que mes droits ne sont pas respectés. Il rit et répète « … Bon, de toutes façons tu es coupable. » Être enfermé en cellule sans les outils nécessaires au respect quotidien des règles d’hygiène est aussi ma faute ? Apparemment. Pourtant, à deux reprises par le passé, lorsque j’ai réussi à obtenir les outils nécessaires (miroir, peigne, rasoir, coupe-ongles), ils ont fouillé ma cellule, confisqué ces outils et m’ont collé un rapport disciplinaire pour « possession de contrebande ». J’ai aussi été jugé coupable de cela. Du coup, je refuse de me raser ou de me faire couper les cheveux. Le jeudi 25, je retourne à l’audience. Elle se déroule à côté du bureau du Lieutenant, juste devant sa porte, ils ont mis un énorme ventilateur qui sert à sécher les gilets « pare couteaux » que les gardiens portent. Ça fait le bruit d’un hélicoptère en train d’atterrir. Je vois le sergent dans le couloir et je lui demande « Comment est-ce que je vais pouvoir être enregistré pendant l’audience avec ce boucan ? », il répond « Hein ? » il place ses mains en cornet autour de ses oreilles, se rapproche de moi et se penche. Je lui répète ma question. Il dit « c’est exactement ce que je leur demande et ils m’ont envoyé paître et on m’a fait sortir. » Je sens le coup foireux arriver. Nous attendons encore et encore. Finalement, on nous appelle. Tout de suite je vois que ma chaise a été placée sciemment à 3,5 m du bureau. Je regarde dans la pièce et la première chose que je remarque c’est ce crétin de menteur de Lieutenant Roach qui est assis et qui murmure un truc à l’oreille du Capitaine Boston. Je dis « Je vois que vous ne voulez pas que je puisse faire une déclaration aujourd’hui, vu que vous avez reculé ma chaise et que le ventilateur est en train de sécher les gilets devant le bureau (les audiences sont enregistrées à l’aide de petits dictaphones. Vu la distance et le brouhaha, l’appareil ne capte rien si vous êtes trop loin), que se passe-t-il ? Vous auriez dû mettre la chaise encore plus loin contre le mur. Je suis même surpris que vous soyez là. » Je rapproche la chaise. Roach se lève, marche et passe derrière la chaise et la recule encore plus qu’avant et me menace « Si tu touches encore une fois à la chaise, tu boufferas le béton jusqu ‘à ta cellule. » « Bouffer du béton » est une expression qui signifie se faire dérouiller, traîner par terre et passer à tabac. Vous voyez ce qu’il se passe ici c’est ce dont tout le monde parle dans le bâtiment 12 à propos de ce foutu rapport disciplinaire de Duff. Ils savent pertinemment que cela ne tiendra pas debout si je suis autorisé à interroger Duff et les gardiens présents comme je l’ai demandé. Alors ils essayent a) de rendre inaudible les déclarations faites à l’audience en créant un brouhaha et me plaçant à distance du dictaphone b) de faire tout ce qui est possible pour me faire dégoupiller et ainsi pouvoir m’exclure de l’audience en invoquant que je perturbais l’audience. Cela leur permet de m’exclure et de me juger coupable alors que je suis absent. Je réalise tout cela et je souris, déterminé à rester calme pour gagner à cette audience. Je suis menotté derrière le dos et je suis assis sur une chaise en plastique, celles qui sont utilisées dans les écoles et qu’on peut entasser. Il n’y a aucun moyen d’être assis correctement au fond de la chaise. Je suis obligé de rester un peu penché en avant en portant mon poids sur une hanche avec les chevilles croisées et les pieds étirés devant moi. C’est la seule façon de se tenir droit sans tomber lorsque vous êtes menotté et assis sur ce type de chaise. J’ai vécu un certain nombre d’audiences disciplinaires et c’est la manière que tous les prisonniers adoptent pour s’asseoir, simplement parce qu’il n’y a pas d’autres façons.
3
Boston est très nerveux et n’arrête pas de déplacer ses papiers, il les tapote puis me regarde et recommence. Il me dit « Vous êtes prêt à commencer ? ». Je lui réponds « Je vous attends ». Madame Hommack, CSI, appelle Duff au téléphone. Soudain Boston dit « Ecoute mec, pourquoi tu es assis comme ça ? » Avant même que je puisse comprendre ce qu’il a dit, il répète. Je lui demande « Qu’est-ce que vous voulez dire ? Je suis juste assis ». Il me répond « Tes pieds ne touchent pas par terre » puis aux gardiens qui m’escortent « Sortez le d’ici ! » pour m’exclure de l’audience. Je dis « Attendez une minute, Capitaine, votre propre règlement stipule que vous ne pouvez pas m’exclure d’une audience sauf si je perturbe son déroulement. Je ne perturbe rien du tout, je suis juste assis ». Pendant que les gardiens me soulèvent de la chaise, Roach bondit et leur dit « Mettez-le contre le mur », ils me plaquent violemment contre le mur et poussent leurs poids contre moi comme s’ils allaient devoir me bloquer là pendant que Roach demande une caméra. Ils apportent une caméra et Roach dit pendant l’enregistrement « Nous faisons cela à titre de précaution ». Ah, ah, je suis plutôt en colère, mais je ne leur résiste pas. Je me dis « Laisseles faire leurs petits jeux. On verra bien qui rira le dernier ». Evidemment, ils me condamnent alors que je suis absent. Je veux juste faire un petit rappel. Depuis maintenant quatre mois et demi, je dépose des plaintes internes à propos de ma classification en quartier disciplinaire car je ne suis pas un détenu violent et je n’ai commis aucune agression ou délit requis pour justifier un placement ou une continuation au niveau III. Le Major Lester et Prissy Daly ont falsifié la réponse à ces plaintes en stipulant que je suis maintenu au niveau III pour « une agression récente » qui n’a jamais eu lieu. J’ai aussi déposé contre eux pour contester la falsification de documents officiels. Le 25 août 2001, Sergent Raymond Duff est celui qui m’avait fait placer au niveau III après avoir commander une utilisation de la force abusive sans raison valable à mon encontre après une putain de fouille de cellule à 23h30. Il avait aussi demandé au gardien Whitfield de mentir pour témoigner contre moi et m’accuser de « tentative d’agression » #200103555563. Ils m’avaient aussi exclu de l’audience disciplinaire et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai pu obtenir l’annulation ce rapport en appel sept mois et demi plus tard. Pendant ce temps-là, ils ont constamment perdu les papiers me concernant, etc. etc. Maintenant nous avons bouclé un cercle complet. 8 mois et demi après que Duff m’ait placé au niveau III, je suis à moins de deux semaines pour pouvoir repasser au niveau II le 8 mai. Je n’ai quasiment eu aucun rapport disciplinaire pendant les derniers 90 jours. Et voilà Duff qui se pointe pour sauver l’affaire et « invente » de nulle part un rapport pour « agression » pour éviter que le Major ne se fasse botter les fesses. En moins de trois jours, je me retrouve avec trois rapports disciplinaires pour des délits majeurs, tous faux. Pourquoi ? Comme je vous l’ai déjà expliqué, lorsqu’on nous fiche la paix, aucun d’entre nous ne fait quoi que ce soit pour se retrouver en quartier disciplinaire. Du coup, le Major Lester doit déformer et fabriquer un tas de conneries pour justifier ses décisions disciplinaires. Sherman Bell a déclaré que la seule raison qui justifie un placement en quartier disciplinaire est de commettre des délits disciplinaires. Donc le Major doit avoir des accusations disciplinaires sur papier pour justifier notre maintien à ces niveaux de classification. Ce rapport pour « agression » n’est rien de plus que le désir bureaucratique de Duff pour me punir d’avoir déposer autant de plaintes contre lui et pour avoir gagné en appel le dernier faux rapport disciplinaire qu’il m’avait collé. La façon avec laquelle il avait établi le rapport et les faits eux-mêmes ne pouvaient pas sustenter une accusation pour agression. Ils ne pouvaient pas me laisser questionner Duff, alors Boston, DHO, a trouvé un moyen pour m’exclure de l’audience. Quand Paul dit qu’il n’y a aucune récompense pour les bons comportements, c’est une déclaration à facettes multiples et celle-ci n’en est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le fin mot de l’histoire est que comment ou pourquoi nous sommes maintenus en niveaux disciplinaires n’est jamais complètement dépendant de nos comportements ou de nos actes, mais uniquement basé sur le Major ou sur ses sous-fifres – bien que nous en soyons tous rendus responsables sur papier. Ce que nous voyons tous : « Ils vont nous entuber de toutes façons, quoi qu’on fasse, alors autant être puni pour quelque chose et ne pas s’en inquiéter plus que cela ». Quand Warden
4
Loyd Massey a dit à Roy Pippin et plus tard à Richard Cartwright qu’ils nous traitent de cette manière parce que les prisonniers qui étaient ici avant (ceux qui occupaient les blocs où nous sommes aujourd’hui) étaient des « animaux », il a oublié de mentionner un élément essentiel : c’était lui et l’administration avec de telles tactiques et les conditions physiques ici qui ont transformé ces hommes en « animaux ». Maintenant ils ont un nouveau lot de 450 et quelques prisonniers et ils recommencent le même cirque. Et comme si tout cela ne suffisait pas, dimanche 21, ils se pointent ici pour des fouilles de cellule musclées pendant le deuxième service, officiellement, ils recherchaient des achats que les prisonniers des niveaux II et III ne sont pas supposés avoir puisque nous sommes placés en « statut disciplinaire punitif ». Le gardien Richard Davidson passe devant moi et entre dans ma cellule avec un briquet à la main. Il lève les sourcils – comme dans un Vaudeville ou à la Groucho Marx, comme pour dire « tu vois cette contrebande, je suis en train de la « trouver » dans ta cellule ? » C’est le même briquet qu’ils avaient trouvé dans ma cellule en novembre dernier alors que ce même gardien et sa troupe supervisaient les fouilles avec l’aide du Lieutenant, qui d’ailleurs était aussi présent. Lorsque je me suis plaint en élevant la voix à ce sujet, le sergent Philip Griggs m’a bousculé dans le couloir, la tête contre le mur et m’a dit « Encore un mot de ta part, mec, et tu vas bouffer du béton. » Je lui réponds « La parole vient avec le reste. » D.W et Cartwright, qui sont de chaque côté de moi (tenus par des gardiens et menottés derrière le dos comme moi), commencent à vociférer à propos de Griggs et lui disent « Tu touche à Skinner, tu lui fais mal, tu vas nous avoir tous sur le dos ! ». Ils emmènent DW dans un coin et essayent de lui coller la tête sous la douche. Le Lieutenant voit que tout cela peut vite dégénérer et que la situation ne justifie pas l’utilisation de la force, il les arrête et je demande à DW de se calmer. Je ne veux pas voir qui que ce soit se faire tabasser pour moi. Mais je vous prie de croire que ça m’a réconforté de savoir qu’ils l’auraient fait en moins d’une seconde si besoin était. Les gardiens ne supportent pas ce genre de solidarité, du coup, deux jours plus tard, on m’a fait déménager à la section E, loin de DW et de Cartwright. Cela n’a pas grande importance qu’il me déplace, la solidarité est là. Afin de nourrir ce rapport pour « possession de contrebande », ils me confisquent une partie de mes affaires, stylos, papier, exactement comme ils l’avaient fait en novembre dernier et à nouveau en décembre et à nouveau en février. Chaque fois, je prouve que ces choses m’appartiennent, je fournis les reçus pour prouver que je les ai bien achetés légalement et ils finissent par me les rendre… jusqu’à la fois suivante. Ce genre de connerie vous use. Je ne peux même pas garder ce que j’ai acheté avec mon argent et que je possède légalement parce que ces trous du cul ont simplement besoin de fournir des rapports disciplinaires pour nous garder au mitard ? Alors on me punit pour ça et pour avoir fait des achats ! Comme Mencken l’a écrit « Il arrive un moment dans la vie d’un homme où il va laisser la raison de côté, lever le drapeau noir et commencer à trancher quelques gorges ». Alors on peut voir comment des humains dociles peuvent être transformés en animaux enragés. On vous pousse, encore, encore, encore, encore et encore… trois ans et ça continue. Combien pourriez-vous encaisser avant de sortir le drapeau noir ? Sachant que vos geôliers vont vous tuer de toutes façons ? Alors combien de temps ? Je ne parle pas ici de ce qui est moralement bien ou mal, de sécurité carcérale ou rien de ces raisonnements ou justifications. Nous parlons de vous en tant que créature émotionnelle. Combien de temps supporteriez-vous quelqu’un qui vous fait constamment tourner en bourrique, jour après jour, sans repos ? Combien de temps avant que vous ne pétiez les plombs ? Et dire qu’à mon procès, il a été dit que je ne possède aucune moralité, aucune conscience… Hank Skinner. #999143
5